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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le vendredi 11 juin 1982 - Vol. 26 N° 153

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition d'organismes syndicaux en regard des projets de loi nos 68 et 70


Journal des débats

 

(Onze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît, mesdames et messieurs! S'il vous plaît! Alors, la commission des finances et des comptes publics est donc réunie ce matin, à la suite d'un mandat de l'Assemblée nationale, aux fins d'entendre les représentations des organismes syndicaux en regard du projet de loi no 68, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite et du projet de loi no 70, Loi concernant la rémunération dans le secteur public.

Les membres de la commission pour ce matin - on s'est déjà entendu entre les partis pour qu'il y ait certains remplacements pour la séance de cet après-midi - sont: M. Blais (Terrebonne); M. Bourbeau (Laporte) remplacé par M. Ryan (Argenteuil); M. de Belleval (Charlesbourg); M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon); M. French (Westmount) remplacé par M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges); M. Gagnon (Champlain), M. Grégoire (Frontenac); M. Guay (Taschereau) remplacé par M. Rodrigue (Vimont); M. Lincoln (Nelligan) remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Paquette (Rosemont), M. Parizeau (L'Assomption) remplacé par M. Bérubé (Matane).

Les intervenants: M. Assad (Papineau); M. Fallu (Groulx) remplacé par M. Laurin (Bourget); M. Lachance (Bellechasse) remplacé par M. Johnson (Anjou); Mme Lachapelle (Dorion) remplacée par Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine); M. Lafrenière (Ungava); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) remplacé par M. Chevrette (Joliette); M. Pagé (Portneuf) remplacé par M. Sirros (Laurier); M. Ryan (Argenteuil) remplacé par M. Fortier (Outremont); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Polak (Sainte-Anne).

À ce moment-ci, il y aurait lieu également de nommer un rapporteur de la commission qui fera rapport à l'Assemblée nationale à la suite de nos travaux.

M. de Belleval: M. le député de Champlain, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Champlain est proposé. Est-ce que cela va pour tout le monde, pour les membres? Le rapporteur sera donc M. Gagnon (Champlain).

Avant d'entreprendre nos travaux plus directement, j'aimerais faire part de l'horaire que nous avons aujourd'hui. Des invitations ont été faites à huit organismes syndicaux; alors, je les nomme dans l'ordre dans lequel ils seront présentés: en premier, Confédération des syndicats nationaux, représentée par M. Corriveau, président; deuxièmement, Fédération des travailleurs du Québec, représentée par M. Louis Laberge, troisièmement, Centrale des enseignants du Québec, représentée par M. Robert Gaulin et M. Gilles Lavoie; quatrièmement, Centrale des syndicats démocratiques qui a été invitée mais qui nous a fait part qu'elle ne pouvait pas être présente; en cinquième, Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, représenté par M. Jean-Louis Harguindeguy, président; en sixième lieu, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, représenté par M. Roger Lecourt, président; septièmement, le Cartel des organismes professionnels de la santé, représenté par Mme Monique Goyette, présidente, et, en huitième lieu, la Fédération de l'ordre des infirmières et infirmiers du Québec, qui a averti le secrétariat des commissions qu'elle avait simplement un mémoire à déposer.

Alors, c'est l'ordre du jour pour la journée.

M. Corriveau (Donatien): La Fédération des travailleurs du Québec, la Centrale des enseignants du Québec et la CSN présentent un mémoire commun.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, je voudrais simplement que vous vous identifiiez pour le journal des Débats.

M. Corriveau: Donatien Corriveau, CSN.

M. Gaulin (Robert): Est-ce que je pourrais faire une remarque aussi? Corriger le nom de notre organisation, la Centrale de l'enseignement du Québec.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord, je vous remercie, M. Gaulin. Je vous demanderais, pour le bénéfice du journal des Débats, tout au long de la journée, de vous identifier, de commencer par vous identifier quand vous voulez prendre la parole, pour être sûr que ce soit bien inscrit à votre nom dans le journal des Débats.

Simplement également pour faire part un peu de l'horaire qu'on voudrait maintenir:

Je veux être quand même relativement large sur le règlement de notre commission, mais il est normalement entendu, lorsqu'on reçoit des mémoires en commission, à moins qu'on ne me dise autre chose, on s'entend pour que la durée de la présentation d'un mémoire soit en fait d'une heure, ce qui normalement revient à dire qu'on accorde environ 20 minutes pour la présentation du mémoire et qu'il y a 20 minutes de questions pour chacune des parties.

Maintenant, on me dit que vous avez un mémoire conjoint, pour ceux avec lesquels on commence. À ce moment, on pourra cumuler le temps pour les trois organismes.

M. Corriveau: Non, mais on va faire des interventions après la présentation du mémoire.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, d'accord. Alors, à moins que certains des représentants des parties n'aient des remarques préliminaires, on procéderait immédiatement.

Comme remarques préliminaires, M. le ministre, président du Conseil du trésor.

Remarques préliminaires M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Seulement quelques mots car nous sommes rassemblés ici pour écouter, pour dialoguer et, par conséquent, je pense qu'il faudrait laisser la place la plus entière possible aux intervenants. Néanmoins, je pense qu'il est important de placer la loi 70 dans le contexte que nous vivons, dans la mesure où, je pense, il n'est pas nécessaire d'insister sur la réalité de la crise que nous traversons. Tous les soirs, au téléjournal, les médias se font un devoir de nous souligner l'effondrement de l'économie. Cependant, je pense qu'on ne réalise pas véritablement l'impact réel sur des centaines de milliers de familles au Québec qui vivent cette crise et qui n'ont pas véritablement les moyens de se défendre.

Certes, l'État, grâce à de nombreux programmes mis sur pied à travers les décennies, a fait en sorte que cette crise est peut-être moins durement ressentie que celle de 1929 mais elle est tout aussi réelle. Elle est tout aussi réelle puisqu'elle entraîne des coûts additionnels importants pour l'État, des diminutions importantes de ses revenus et, par conséquent, elle entraîne un impact direct sur l'équilibre financier du gouvernement.

Nous avons cherché, je dirais même depuis un an, à la fois par la campagne électorale où on annonçait déjà des compressions budgétaires, par une tournée que j'ai entreprise à l'automne, par le budget supplémentaire qui est venu dans toute son acuité révéler l'importance de la crise qui se dessinait et par les discussions qui ont conduit au sommet, nous avons ensemble cherché à cheminer, cherché à comprendre les causes de cette crise et voir dans quelles mesures elle affectait l'économie, les équilibres financiers, et tenté d'examiner les choix qui s'offrent à nous.

Malheureusement, je pense qu'il faut le dire, les choix sont limités, ils sont simples en général. Mais, parce qu'ils sont limités et très clairs, ils sont en même temps difficiles. Il est difficile de choisir. Je pense qu'une fois la situation clarifiée et comprise de tous, nous ne pouvions pas laisser le Québec dans l'incertitude, laisser planer des portraits apocalyptiques, des menaces de toutes sortes qui auraient créé un climat, à mon avis, extrêmement néfaste face à la période de négociations qui s'ouvrait.

Il était important pour le gouvernement d'indiquer à quelle enseigne il allait se loger, avec franchise, avec honnêteté, de telle sorte que les parties puissent également se positionner face à cette décision gouvernementale. Indéniablement, la décision, le choix de solutions que le gouvernement devait retenir ne pouvait pas entraîner un consensus unanime, immédiat, instantané de la part de tous les intervenants.

Nous sommes convaincus qu'à la réflexion, parce qu'on avait pris le temps véritablement d'examiner la nature des autres choix qui s'offraient, on en arrivera un jour à dire: Peut-être qu'effectivement c'était là la bonne décision à prendre. Aujourd'hui, ce que nous devons faire, c'est de tenter, avec les intervenants qui sont les plus durement touchés par cette décision gouvernementale, de voir quels sont les choix, quelles sont les solutions, quelles hypothèses de solutions on peut ensemble examiner qui seraient autres. Nous devons en même temps rester ouverts à une négociation qui doit débuter incessamment et qui doit nous amener vers un consensus social, un contrat social qui va permettre au Québec de traverser cette crise de façon correcte, de façon civilisée et de façon humaine, en se portant d'abord à la défense de ceux qui ont le moins de chance de tirer leur épingle du jeu. C'est le sens de l'action gouvernementale. C'est également la préoccupation des centrales syndicales et c'est ce qui m'amène à croire qu'il y a un terrain d'entente possible, qui va sans doute être difficile à trouver, qui va demander de longues heures de discussion, mais auquel nous ne devons pas échapper, à l'intérieur duquel nous devons nous engager avec la plus entière bonne foi. Cette commission parlementaire doit peut-être, justement, établir les bases d'un dialogue fructueux pour l'avenir.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M.

le ministre. M. le Chef de l'Opposition. M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'ai eu l'occasion, le 7 juin dernier, au début du débat sur le projet de loi 62 en deuxième lecture, et mon collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, a fait de même quelques jours plus tard, à propos du projet de loi 70 et à propos du projet de loi 68...

Nous avons exposé clairement la position de notre formation politique au sujet de ces deux projets de loi qui sont des mesures sans précédent dans toute l'histoire des relations du travail au Québec. Nous avons exposé clairement que nous étions opposés à ces deux projets de loi et nous avons déjà voté contre le projet de loi 68 en deuxième lecture. Nous nous apprêtons à faire de même contre le projet de loi 70 lorsque sera terminé le débat de deuxième lecture. (11 h 45)

Le ministre président du Conseil du trésor a fait allusion dans ses remarques d'ouverture à la situation économique grave dans laquelle nous sommes plongés actuellement. Nous convenons volontiers avec lui du caractère très grave de la situation économique présente et de la nécessité de mesures de concertation à tous les niveaux: employeurs, travailleurs syndiqués, gouvernement, gouvernements municipaux, provinciaux, fédéral, etc. Nous croyons qu'il faut une action concertée à tous les niveaux pour permettre au peuple canadien et au peuple québécois de sortir de cette crise de la manière la plus honorable possible.

Quand le gouvernement cherche à s'accrocher à cette crise de l'économie pour essayer de faire oublier qu'il est lui-même le responsable de la crise plus particulière des finances publiques du Québec, nous trouvons qu'il commence à dérailler et quand il veut choisir une classe particulière de citoyens comme otages d'une situation qu'il a lui-même créée par son imprévoyance et sa mauvaise gestion, nous ne pouvons pas être complices d'une chose comme celle-là. Nous croyons que les deux projets de loi dont nous allons discuter, aujourd'hui, constituent des entorses très graves à l'ordre normal que doivent suivre employeurs et travailleurs syndiqués dans la détermination des conditions de travail et de manière toute particulière, évidemment, des conditions de rémunération.

Ces projets de loi vont d'abord à l'encontre de conventions qui sont déjà en vigueur. C'est un principe élémentaire de bon comportement patronal autant que syndical que celui du respect des conventions qui ont été signées librement par les deux parties. Je pense qu'il y en a beaucoup qui me connaissent parmi des délégations, qui vont nous recontrer aujourd'hui. J'ai toujours soutenu ce principe, autant avant d'être dans la politique que depuis que j'y suis. Pour moi, c'est une position absolument fondamentale.

Un deuxième principe, non moins vital. C'est que des conditions devant être définies dans des conventions futures peuvent également faire l'objet de libres négociations entre des parties. C'est tellement vrai qu'il y a une clause charnière qui prévoit le passage d'une période à une autre en matière de relations du travail, quand une convention collective est échue. Il y a une vieille règle qui est tantôt inscrite dans les conventions, qui l'est dans le Code du travail et qui, même quand elle ne l'était pas, était respectée par les employeurs et les syndicats sérieux et responsables, qui prévoit qu'on ne change pas unilatéralement les conditions définies dans une convention avant qu'une autre convention ait été librement négociée. La seule exception à ceci, c'est en cas d'impasse invincible, après que tous les processus de négociation ont été honnêtement épuisés.

Lorsque des services publics sont en cause, il faut qu'une solution intervienne et à ce moment-là la tradition de notre système de gouvernement, autant au plan fédéral qu'au plan provincial, nous indique que le gouvernement peut toujours, quand on en est rendu à ce point-là, se présenter devant l'Assemblée nationale avec un constat d'impuissance, faire des recommandations, mais après que lui-même s'est comporté comme un employeur responsable respectant et suivant toutes les règles de comportement, que prescrivent non seulement nos lois écrites, mais également une tradition. Dans d'autres contextes, le gouvernement attache une importance énorme à des conventions, même quand leur existence est un peu douteuse. Je le comprends, je pense que c'est un bon principe de comportement politique que de respecter les conventions mais, dans ce cas, les conventions volent en morceaux d'une manière spectaculaire, d'une manière dont on n'a point vu l'équivalent jusqu'à maintenant. Je l'ai souligné abondamment dans les remarques que j'ai faites lors du débat de deuxième lecture. Nous ne nous sommes point contentés, cependant, du côté de l'Opposition, de présenter une critique négative de la position gouvernementale, nous avons également formulé un bon nombre d'observations positives.

Parmi les conseils ou les suggestions que nous avons formulées à l'intention du gouvernement, il y a notamment les suivantes: d'abord, il faut exiger que le gouvernement respecte véritablement et intégralement la signature qu'il apposait il y a deux ans et demi au bas des conventions collectives qui doivent expirer le 31 décembre 1982.

Deuxièmement, il faut exiger que le gouvernement renonce à faire indirectement, pendant les trois premiers mois de 1983, ce qu'il n'est pas autorisé à faire directement pendant les six derniers mois de 1982. Troisièmement, nous, du Parti libéral du Québec, affirmons notre adhésion ferme au principe de la parité raisonnable entre le secteur public et le secteur privé en matière de rémunération et nous nous appuyons, pour formuler cette proposition, sur des considérations de justice et d'équité élémentaires. Il est normal que les travailleurs qui oeuvrent dans les secteurs public et parapublic soient rémunérés sur une base comparable avec ceux du secteur privé, vu que ce sont, dans une très grande mesure, les impôts en provenance du secteur privé qui contribuent à financer les rémunérations des travailleurs du secteur public.

Ceci ne veut pas dire que nous préconisons une parité arithmétique qui serait impossible. Nous savons que les conditions dans le secteur privé évoluent continuellement, de nouvelles conventions sont signées semaine après semaine et cela varie d'un secteur à l'autre. Parfois, un employeur fait un gain, un autre ensuite le perd; il y a une énorme accumulation de facteurs particuliers dont on doit tenir compte quand on parle de ces choses. Nous savons très bien qu'on peut avoir la parité à une date donnée et qu'on peut ensuite s'en écarter quelques semaines ou quelques mois plus tard, mais nous ne poursuivons pas une politique bêtement arithmétique là-dedans. Nous disons, comme principe général, que nous croyons qu'une règle de parité raisonnable entre les deux secteurs serait un bon principe de comportement.

Il est très étonnant de constater que le gouvernement actuel, quand il était dans l'Opposition, prenait beaucoup de liberté avec cette règle; aujourd'hui, il se défend. L'autre jour, j'ai interrogé le ministre et il m'a dit -c'est-à-dire qu'il m'a interrompu dans mon discours l'autre jour - ceci: Ce n'est pas cela que nous préconisons. J'ai dit: Quand vous passez votre temps à dire qu'ils sont payés beaucoup plus cher dans le secteur public que dans le secteur privé, vous laissez implicitement entendre que vous vous orientez vers une règle de parité et je pense que c'est bon, je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu entre nous et qui que ce soit à ce sujet-là, c'est un objectif que nous poursuivons.

Quatrièmement, nous proposons que soient établis dans les plus brefs délais des mécanismes institutionnels impartiaux pour la cueillette et l'interprétation des données statistiques sur les rémunérations des secteurs public et parapublic et les rémunérations dans le secteur privé. C'est la base de tout le débat que nous allons faire aujourd'hui. Alors, nous considérons qu'il faudra le plus tôt possible que nous ayons une base impartiale. Les données sur lesquelles le gouvernement s'appuie, sur lesquelles nous nous appuyons, dans une bonne mesure, proviennent d'un organisme: le Bureau de recherche sur les rémunérations, qui est une émanation du Conseil du trésor, lequel est partie prenante à la négociation en temps que partie patronale. Je pense qu'il saute aux yeux de la plus élémentaire logique que le plus tôt on pourra avoir des données qui soient cueillies, interprétées sous la surveillance et la responsabilité des principales parties impliquées, ce sera une immense amélioration.

Maintenant, pour l'année 1983 et les années subséquentes, c'est-à-dire en vue des conventions à venir, nous demandons que le gouvernement dépose dans les meilleurs délais des propositions - j'ai bien dit des propositions et non des diktats - salariales en bonne et due forme à la table des négociations. Qu'il les soumette, il reste six mois et demi avant l'expiration des conventions collectives en vigueur, qu'il soumette ses propositions salariales, qu'elles soient discutées. Ensuite, après que l'expérience aura été faite, qu'on aura cherché par tous les moyens honnêtes à trouver une solution négociée, en cas d'impasse, il reste toujours le recours qui a été utilisé à maintes reprises dans le passé, qui doit être utilisé le moins souvent possible, mais dans un cas d'une telle gravité, impliquant entre 300 000 et 350 000 travailleurs, je pense que c'est un genre de situation pour lequel ce recours-là ne serait sûrement pas interdit en principe.

Enfin, nous demandons que le gouvernement mette sur pied le plus tôt possible les études approfondies sur les problèmes de productivité des secteurs public et parapublic. Je ne suis pas de ceux qui vont partout clamant que les travailleurs des secteurs public et parapublic travaillent moins fort et produisent moins que ceux du secteur privé. Il y a beaucoup de légendes qu'on véhicule à ce sujet et qui ont l'accréditation facile dans certains milieux. Moi, je ne suis pas du tout de cette mentalité et je crois qu'honnêtement, vu que ce sont des fonds publics qui sont impliqués, il faut que nous acceptions que des études sérieuses de productivité soient mises en route autant d'ailleurs dans le secteur public que dans le secteur privé. L'économie du Canada et l'économie du Québec font face à des problèmes redoutables de concurrence au plan international, parce que au plan de la productivité, nous avons mal tenu notre bout contre les pays avec lesquels nous devons faire une concurrence au cours des dix et quinze dernières années en particulier; et la seule manière de corriger cette situation, c'est d'en arriver à des perceptions beaucoup plus rigoureuses en matière de mesure de nos

normes de productivité.

Nous recommandons au gouvernement de mettre au point dans les meilleurs délais un système de budgétisation à moyen terme qui comportera entre autres les éléments d'une politique salariale objective, stable et durable. On s'est précipité, de négociation en négociation, depuis une douzaine d'années, dans des solutions de dernière heure souvent trouvées au cours de la nuit avec lesquelles il a fallu vivre. Je me rappelle le ministre des Finances quand il nous a fait rapport à l'Assemblée nationale à la dernière ronde de négociations. Il nous a dit: C'est très bien, on a réglé tel ou tel barème pour les trois années de la convention, on a fixé l'indexation, on a prévu que cela va être 8,5% et, au dernier semestre de 1982, 7,5%.

On lui a dit: Tout à coup que ce ne serait pas cela. Il a dit: II suffira qu'on fasse des ajustements. On est en train de les faire là. Des propos d'une légèreté semblable ne doivent plus jamais tomber des lèvres d'un ministre des Finances au Québec. Il faut qu'il sache de quoi il parle. Quand on parle d'indexation et d'inflation, c'est extrêmement explosif et, avant de mettre sa signature au bas d'un document qui comporte des engagements aussi lourds, le responsable est supposé savoir ce qu'il fait et, dans ce cas-ci, on vient de nous dire, par les projets de loi nos 68 et 70, qu'il ne le savait point de même que ses collègues qui l'ont appuyé.

Nous disons, nous définissons les éléments qui vont nous permettre de savoir davantage où nous allons à long terme et cela résume en gros la position que nous avons adoptée, que nous allons continuer, évidemment, à défendre. Nous sommes très intéressés à entendre les points de vue qui vont nous être soumis et je dois dire, en complément, que j'ai pris connaissance de certaines études faites par certaines de vos centrales en matière de normes de traitements qui existent dans les secteurs public et parapublic, et j'ai trouvé que certaines de ces études étaient très bien faites. Je ne prétends pas que je souscrirais aveuglément à tout ce qu'il y avait là-dedans, mais je les ai lues avec beaucoup d'intérêt, avec beaucoup de profit aussi. Je trouve qu'avoir ce point de vue - là pour compléter celui qui nous vient de l'autre côté est extrêmement utile, et là-dedans, je veux vous assurer, M. le Président, que le groupe que je représente n'a pas d'autres soucis que de favoriser une justice sociale. D'abord, la justice commence par le respect des obligations contractées, par le respect par le gouvernement employeur des lois qu'il a la mission d'imposer à l'ensemble des citoyens et aussi par la recherche d'une justice sociale la plus honnête possible qui donne à chacun son dû sans oublier personne.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. S'il n'y a pas d'autres interventions, nous allons procéder immédiatement à entendre le mémoire commun des trois centrales: CSN, CEQ et FTQ. Je demanderais auparavant que quelqu'un s'identifie et identifie les autres, toujours pour le journal des Débats, parce que certaines figures sont très connues, et on peut peut-être procéder après à la lecture, du mémoire commun. Alors, M. Corriveau.

Auditions CSN, FTQ et CEQ

M. Corriveau: M. le Président, mesdames et messieurs les députés, je suis Donatien Corriveau, président de la CSN. Je suis accompagné du président de la FTQ, Louis Laberge; je suis accompagné du président de la CEQ, Robert Gaulin, des trois coordonnateurs du secteur public des négociations, c'est-à-dire Réal Lafontaine de la FTQ qui est à ma droite; à câté de moi, Jean-François Munn de la CSN et, à côté de Robert, Gilles Lavoie qui est de la CEQ.

Les centrales syndicales demandent le retrait des projets de loi 68 et 70. Ces projets de loi nient carrément le principe même de la liberté de négociation. En procédant unilatéralement à la réduction des salaires et en modifiant unilatéralement les régimes de retraite, le gouvernement élimine le consentement qui est le fondement même de la formation d'un contrat. Le gouvernement, en outre, utilise l'Assemblée nationale pour se soustraire aux obligations qu'il avait légalement et même triomphalement acceptées, comme en font foi les déclarations du ministre Parizeau en novembre 1979 et aussi lors du budget 1980-1981: "On comprendra ce que cela veut dire en considérant que si, à l'occasion de cette nouvelle ronde de négociations, on avait reconduit les structures d'augmentation salariale de la dernière convention, c'est 800 000 000 $ de plus qu'il aurait fallu dépenser en salaires d'ici 1982." (12 heures)

Les centrales estiment que le retrait de ces projets de loi constituerait un geste déterminant pour permettre à une véritable négociation de prendre lieu et de prendre forme.

Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement cherche à faire imposer par l'autorité de l'Assemblée nationale un décret contre les travailleurs et travailleuses. Mais c'est la première fois qu'un tel décret survient par anticipation alors même qu'une convention collective est en vigueur. Les arguments spécieux qui cherchent à faire croire que le gouvernement pourrait faire un coup de force le 1er janvier 1983, ce qui serait illégitime et ce qui entacherait la crédibilité et l'intégrité de l'État le 31

décembre 1982, mettent en lumière une mauvaise foi évidente. Nous sommes de l'avis du ministre de l'Énergie, M. Bérubé, qui déclarait à propos du contrat des chutes Churchill: "Vous ne pouvez pas changer un contrat avec une loi." Nous ne sommes donc pas de l'avis du ministre responsable du Conseil du trésor, M. Bérubé, qui déclarait: "Aucun contrat du gouvernement n'est sacré en face de l'intérêt national et public", surtout lorsque celui qui déchire le contrat est en même temps celui qui définit l'intérêt national.

Par le projet de loi 68, le gouvernement rompt les engagements pris le 2 mars par le premier ministre Lévesque devant les présidents des centrales de nous faire parvenir les documents pertinents et, par la suite, de tenir des rencontres techniques pour échanger sur la question des régimes de retraite. Les documents ne nous sont parvenus que tardivement, après rappel des engagements pris, mais les rencontres techniques promises n'ont jamais eu lieu. Comme cela a été fait en 1972 et en 1976, lors de la dernière ronde de négociations, le front commun a négocié de bonne foi des modifications aux régimes de retraite, et une annexe aux conventions collectives en fait foi.

Jamais le front commun n'a renoncé à son droit de négocier cette condition de travail. C'est donc abusivement et en déformant les faits que le ministre Bérubé prétend le contraire. Quant au projet de loi 70, il concrétise formellement ce qui est l'objectif stratégique poursuivi par le gouvernement depuis déjà plusieurs mois: réduire le salaire des travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic. C'est le point culminant où on exécute l'otage "afin de ne pas laisser planer comme une menace, comme un chantage que nous n'aurions pas l'intention d'appliquer", comme le déclarait le président du Conseil du trésor. Le décret que contient le projet de loi 70 est le résultat direct du "plan québécois pour contrecarrer la crédibilité syndicale."

Nous avons assisté au cours des derniers mois à un "build-up" soutenu dont les mass médias témoignent. Le principal moyen de s'en sortir: "Sabrer dans la masse salariale", (Journal Les Affaires le 26 septembre 1981). "Première cible: les employés de l'État" (La Presse, le 10 novembre 1981). "Lévesque demande aux employés de l'État de renoncer à une partie de leur augmentation de salaire" (La Presse, le 5 décembre 1981); "Lévesque exclut toute formule d'enrichissement; Parizeau n'écarte pas le gel des salaires" (Le Soleil, le 21 décembre 1981); "II faut renoncer à l'indexation, avertit Lévesque" (Le Devoir, le 22 janvier 1981); "De Grandpré donne son appui à Lévesque" (Le Devoir, le 16 mars 1982).

Le 15 avril, malgré le fait que les conventions collectives étaient toujours en vigueur, les syndicats des secteurs public et parapublic ont accepté de rencontrer le gouvernement pour recevoir l'information sur sa demande de réouverture des conventions collectives.

Le 10 mai nous répondions par une proposition sérieuse de négociation par laquelle nous avions offert au gouvernement de négocier à brève échéance la prochaine convention collective. Si une entente était agréée par les instances syndicales, celle-ci pourrait entrer en vigueur à toute date convenue et acceptée.

À peu près tout le monde l'Opposition, les éditorialistes, les commentateurs - y a vu une ouverture de négociation. Fort malheureusement, le gouvernement ne s'en est rendu compte qu'une fois le projet de loi déposé: "Cependant, l'ouverture syndicale de renouvellement des présentes conventions collectives laisse entrevoir une volonté d'apporter une contribution à l'effort que doivent fournir l'ensemble des travailleurs et travailleuses oeuvrant au sein de l'économie. "Nous estimons que la proposition syndicale du 10 mai constitue un défi important, que les centrales sont prêtes à relever et qui pourrait avoir des effets bénéfiques sur le climat social en valorisant le processus de négociation. "En outre, nous réitérons que le gouvernement aurait intérêt à discuter sérieusement avec les centrales syndicales de la situation économique et budgétaire".

Au lieu de discuter avec franchise et loyauté et de négocier de bonne foi -l'essentiel de la bonne foi réside dans la volonté de conclure une convention collective - le gouvernement pose comme condition aux négociations que nous acceptions "librement" la réduction des 521 000 000 $ et pousse le cynisme jusqu'à obliger les syndicats du secteur universitaire et ceux des institutions privées d'enseignement "à négocier de bonne foi" une prolongation de trois mois de leurs conventions collectives et réduction équivalente de leurs salaires. Nos instances syndicales et assemblées générales se sont prononcées massivement contre la formule modulée du 15 avril à laquelle le gouvernement veut nous amener, pour rendre "plus humain" selon le mot du ministre Parizeau, son projet de loi no 70.

Comme le disait le rapport Woods sur les relations du travail au Canada: Les libertés d'association et d'action collective sont des valeurs fondamentales de la société canadienne et sont à la base du régime actuel de négociation collective...

Il faut encourager et assurer la reconnaissance du rôle social de la législation en matière de négociation collective comme

instrument de progrès des libertés fondamentales de notre société industrielle. Nous ne comprenons pas pourquoi aujourd'hui le Québec s'engagerait dans la voie contraire.

Les acquis démocratiques ne tiennent pas uniquement au parlementarisme, n'en déplaise aux parlementaires. Les acquis démocratiques tiennent aussi dans des règles non écrites qui permettent à la justice et à l'équité de prendre forme. Parmi les libertés fondamentales qui servent une plus grande justice sociale apparaissent, en tout premier rang, les libertés d'association, de réunion, de négociation, de grève. Le gouvernement du Québec devrait le prendre en compte. Il est significatif que tous les États qui ont opprimé, ont d'abord contraint, limité, brimé, puis nié les libertés syndicales.

N'oublions pas que le droit à la négociation, dans le secteur public, et avant, dans le secteur privé, est une conquête des travailleurs, une conquête syndicale obtenue par des luttes qui ont conduit souvent des travailleurs à la prison et même à la mort.

Ce droit, le gouvernement le remet en cause quand il veut fixer par voie législative le traitement de ses employés. Il n'y a pas de précédent de cette envergure. Il fallait un gouvernement ayant un préjugé favorable aux travailleurs pour agir ainsi. Comment justifier un tel coup de force, un tel reniement de sa signature, de la parole donnée? Serait-on coupables d'avoir conquis des droits?

Ceux et celles qui ont à coeur la démocratie devraient comprendre qu'on ne mime pas sans risque la légitimité des seules institutions qui appartiennent en propre aux travailleurs et travailleuses. Aujourd'hui, pourquoi le gouvernement du Parti québécois s'engage-t-il carrément dans la voie opposée?

M. Laberge: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. Laberge.

M. Laberge (Louis): Louis Laberge, président de la Fédération des travailleurs du Québec. M. le Président, madame, MM. les membres de cette commission parlementaire. Au cours de ma vie syndicale, j'ai eu maintes fois l'occasion d'assister à des commissions parlementaires pour discuter des projets de loi. Je pense pouvoir dire, sans grand danger d'être repris, qu'à presque chaque occasion nous avons essayé de bonifier les projets de loi présentés, nous avons présenté des critiques constructives. Depuis la venue du gouvernement de M. Lévesque, je pense bien que personne ne nous accusera, la FTQ, d'avoir manqué de sympathie vis-à-vis du gouvernement. Toutefois, dans toute ma carrière syndicale, je n'ai eu l'occasion de me présenter en commission parlementaire contre un projet de loi aussi abject, aussi nocif qu'il sape à sa base même le régime des relations du travail.

C'est un précédent extrêmement dangereux. Nous l'avions dit lors du sommet économique de Québec, nous l'avons répété lors de notre réponse à la proposition, si on peut appeler cela une proposition gouvernementale, du 15 avril: Nous reconnaissons que le Québec traverse une crise économique extrêmement grave, nous reconnaissons que le Québec a aussi une crise budgétaire extrêmement grave. On reconnaît tout cela et on a dit: On est prêt à faire notre part, on est prêt n'importe quand à commencer les négociations le plus rapidement possible, mais ce n'est pas vrai que ces deux crises que nous vivons présentement au Québec, qui n'ont pas été créées par les travailleurs, ce n'est pas vrai que seuls les travailleurs en feront les frais et encore moins un groupe particulier de travailleurs.

Le projet de loi que nous avons devant nous fait exactement le contraire. Il a pris comme cible ce qui lui semblait le plus facile: les employés de l'État, les employés des commissions scolaires, les employés des affaires sociales, les employés d'universités et les employés d'institutions privées d'enseignement. Vous le savez que, pour nous, c'est vraiment inacceptable, mais on n'est pas ici pour parler particulièrement de la crise budgétaire mais du projet de loi qui est devant nous. Je tiens à vous faire remarquer que, contrairement à ce qui a été dit à l'Assemblée nationale, ce n'est pas une "tradition que nous n'avons pas les moyens de respecter cette année" dont il est question. Le Code du travail à l'article 59 dit qu'aucun employeur n'a le droit de changer les conditions de travail et les salaires, à moins du consentement écrit des associations accréditées ou à moins que le droit à la grève ou au lock-out n'ait été acquis.

À l'article 65, le Code du travail est très clair: la durée d'une convention collective est d'au moins un an et d'au plus trois ans. Le projet de loi en fait une convention collective de trois ans et trois mois. C'est une violation du Code du travail. Ce que j'ai, évidemment, beaucoup de difficulté à comprendre du gouvernement, c'est qu'une fois la crise budgétaire résolue, d'une façon ou d'une autre, une fois la crise économique en bon train d'être résolue, d'une façon ou d'une autre, le gouvernement aura toujours comme responsabilité de faire respecter les lois, les relations du travail. Comment pourra-t-il dire à un employeur qui viole le Code du travail qu'il doit le respecter? Comment pourra-t-il dire aux groupes de travailleurs de respecter le Code du travail, alors qu'allègrement il fait la

même chose?

Est-ce qu'on en est rendu au principe que la fin justifie les moyens? Le gouvernement a besoin de 521 000 000 $. Pourrais-je vous suggérer qu'il y a des dizaines et des dizaines de milliers de nos membres qui ont perdu leur emploi depuis six mois, un an et un an et demi, qui n'ont plus les moyens de faire leur paiement sur leur voiture, qui ont perdu leur voiture, qui n'ont plus les moyens de faire face au taux d'hypothèque et dans certains cas qui ont perdu leur maison. Est-ce que cela les justifierait d'aller s'acheter un pistolet et d'aller faire un hold-up? C'est exactement ce que le gouvernement fait. Le gouvernement dit qu'il a besoin de 521 000 000 $. Il s'achète un pistolet par le projet de loi qui est devant vous et il veut faire un hold-up sur les travailleurs. C'est inadmissible, c'est inadmissible. Je ne comprends pas que des syndicalistes se disent torturés par une telle cochonnerie. Un syndicaliste digne de ce nom n'a pas le droit d'hésiter une seconde. Il doit voter contre un tel projet de loi qui sape, encore une fois, à sa base même le régime de relations du travail qu'on a au Québec. (12 h 15)

Ce qu'on vit est plus important que ce qui va se passer d'ici à la fin de 1982. Nous sommes en train d'empoisonner le climat social au Québec, et pourtant Dieu sait que cela coûte cher un climat social empoisonné au Québec. Plusieurs d'entre nous avons vécu cela il y a quelques années à peine. Je pense que tout le monde va au moins reconnaître qu'au Québec, il s'est fait des efforts de ce côté afin d'améliorer le climat social et que depuis quelques années on a quand même un climat social assez serein. Mais on n'a pas le droit d'en arriver aujourd'hui, parce qu'on a un besoin... Encore une fois, il y en a au moins 50 000 membres de la FTQ, de syndicats affiliés à la FTQ qui en ont des besoins, qui n'ont pas travaillé depuis des mois et des mois, qui ont perdu non seulement leur maison, mais leur famille, parce que cela a fait des chicanes épouvantables. Est-ce qu'on va les encourager à se faire justice?

Je demande non seulement aux membres de l'Opposition mais aux députés du gouvernement de penser très sérieusement à ce projet de loi absolument nocif pour tout ce qui nous pend au bout du nez au Québec. Encore une fois, il ne s'agit pas d'adopter une loi, de partir en vacances et de l'oublier. On a beaucoup d'amis à l'extérieur du Québec qui doivent applaudir très fort devant le dilemme que nous pose le gouvernement. Si le gouvernement va de l'avant avec son projet de loi, je ne vois vraiment pas, mais vraiment pas comment on pourrait aller négocier et vraiment essayer, de bonne foi, d'en arriver à une entente. Nous sommes conscients des deux crises. Que le gouvernement nous prouve sa bonne foi, qu'il essaie lui aussi de régler les deux crises. Nous sommes tout disposés à nous asseoir n'importe quand, n'importe où pour essayer de trouver des moyens mais, encore une fois, même si le gouvernement ne croit pas pouvoir en arriver à une entente pour combler son trou budgétaire, il n'a pas le droit de s'acheter un pistolet et de commettre un hold-up. Je vous demande de voter contre ce projet de loi absolument néfaste et je demande au gouvernement de le retirer avant qu'il soit trop tard.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. Laberge. M. Gaulin.

M. Gaulin: Robert Gaulin, Centrale de l'enseignement du Québec. J'ai la mauvaise habitude d'accorder plus d'attention aux gestes qu'aux paroles. J'ai l'impression, dans notre société, que les gestes parlent plus que les discours. Je sais qu'en politique on peut faire beaucoup de choses à coups de discours: on peut faire un éléphant avec un chat; on peut faire 2 300 000 000 $ avec 800 000 000 $; on peut faire de la solidarité et des consensus à coups de matraque; on peut même imposer de négocier de bonne foi dans des lois spéciales.

J'ai beaucoup de respect pour les comptables, je trouve que c'est une profession honorable, on en a besoin de bons dans le mouvement syndical, d'ailleurs, mais quand l'analyse comptable prime sur l'analyse politique et sociale, la démocratie est en danger dans notre société.

Depuis quelques années, depuis cinq ans, le gouvernement a prêté beaucoup d'attention au régime des relations du travail. On s'est fait élire pour une bonne part en parlant de paix sociale et en disant qu'il fallait, dans cette société, réunir les conditions d'une paix sociale, que cela ne pouvait reposer que sur le dialogue, la discussion franche et honnête. On a voulu établir un régime de relations du travail dit civilisé. On a même justifié, à la dernière ronde de négociations, une loi spéciale, la loi no 62, en disant que la négociation n'avait pas assez duré, qu'on n'avait pas épuisé les mécanismes de la négociation même si cela faisait six mois que les propositions syndicales étaient sur la table.

Je crois que, depuis plusieurs mois, ce gouvernement a fait un choix délibéré, voulu, déterminé d'agir unilatéralement et d'imposer son point de vue par tous les moyens opportuns, appropriés qu'il puisse trouver. Je considère un peu avec un certain sourire des discours qui prêchent la recherche d'autres solutions et le consensus, des alternatives, et mettez-nous donc vos propositions sur la table, quand tous les gestes mènent à cette action unilatérale.

On a attaqué d'une manière

systématique à peu près tout ce qu'il y a comme conditions de travail dans le secteur public, en trouvant cela scandaleux, et je n'utiliserai pas tous les adjectifs. On utilise d'une manière continue le discours menaçant, le chantage, l'ultimatum, c'est cela où cela va passer par là, et on envoie des communiqués de presse ou, quand on parle à la télévision, quelquefois, on fait appel à la solidarité des Québécois.

Cette attaque des lois 70 et 68, c'est une remise en cause profonde du régime de relations du travail dans notre société et j'ai trouvé un point de comparaison entre ces projets de loi et le régime: la Loi sur les relations du travail que Pinochet a imposée dans son pays. Vous regarderez, je vous invite à faire certaines comparaisons du côté des dispositions, et vous allez voir. Il y a l'article 18 là-dedans qui dit: Nonobstant toute autre affaire, c'est comme cela que ça va se passer; je pense que cela va loin. Les régimes de retraite, le RREGOP entre autres, c'est le fruit d'une négociation qui s'est faite pendant plusieurs mois et qui a permis d'instaurer ce régime de retraite dans le secteur public, qui a permis d'accorder des conditions de retraite à des milliers de travailleurs du secteur public qui n'avaient aucune protection de retraite. Cela a été négocié les 140% et les 100%, c'est même l'âme ou le coeur de ce régime de retraite qui est le RREGOP, et là on n'en a pas parlé. Il n'y a eu aucune proposition du gouvernement à la dernière ronde de négociations visant à changer ces dispositions. Du jour au lendemain, une loi spéciale pour dire que, maintenant, ce n'est plus comme cela que ça va marcher. Cela coûte trop cher et on a décidé que ce serait 50-50; voici le chemin de la négociation, le résultat de la négociation. Il y a des lettres d'entente là-dedans par lesquelles le gouvernement s'engageait, à la suite d'une étude actuarielle, après consultation des organisations syndicales, à réviser à la hausse, si besoin est, les cotisations. Jamais, d'aucune manière, personne qui a assisté à ces négociations, qui a vécu depuis dix ans les négociations dans le secteur public ne peut oser affirmer que les syndicats ont renoncé à la négociation des régimes de retraite.

Les régimes de retraite des enseignants et des fonctionnaires, nous avons décidé conjointement, en 1972-1973, de fermer ces régimes de retraite. Il me semble que, quand on fait des études, des discussions, des débats là-dessus, on doit considérer ces régimes comme des régimes fermés. Il n'y a pas d'urgence, il y a des négociations qui s'en viennent. C'est facile pour le gouvernement d'aborder ces questions de régimes de retraite dans le cadre des négociations qui s'en viennent. On a dit récemment que le gouvernement renonçait à rouvrir les conventions collectives le 1er juillet à cause des dangers, des précédents que ça pouvait créer et de la remise en cause des engagements du gouvernement. Le faire le 31 décembre, c'est exactement la même chose. C'est aussi signé et ce sont autant des dispositions de conventions collectives que les autres. Nous avons posé des gestes dans le mouvement syndical qui montraient notre volonté de discuter de toute question que le gouvernement voulait discuter. Nous avons participé à un sommet économique pour discuter de la crise économique alors que le gouvernement ne voulait pas en parler. On a fait des déclarations et des ouvertures pour qu'il y ait des rencontres entre le gouvernement et le mouvement syndical pour discuter de la crise budgétaire et on a mis sur la table des propositions d'ouverture de négociations, négociations de la prochaine convention collective, bien sûr.

Ce sont des gestes positifs, des gestes concrets, des engagements du mouvement syndical. C'était un message clair donné au gouvernement. Je crois que l'option gouvernementale qui a été prise, c'est celle de servir de modèle à un certain patronat dans notre société. C'est d'ouvrir une voie nouvelle pour la remise en cause unilatérale, n'importe quand, sous quelque prétexte que ce soit des conditions de travail négociées. C'est une atteinte profonde à tous les mécanismes normaux de notre société, surtout en ce qui regarde les relations du travail. Ce qu'on vit, ce qu'on a comme relations du travail, c'est le fruit d'un long passé historique de relations du travail, de débats, de discussions, d'amendements législatifs et, du jour au lendemain, on est prêts, du côté du gouvernement, à faire une remise en cause profonde de tout cela. Je crois que le gouvernement devrait y penser avant qu'il ne soit trop tard et je crois que le gouvernement peut encore retirer ses projets de loi. Il n'est pas trop tard, et c'est ce que nous demandons.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. J'ai écouté les interventions qui, je pense, soulignent la volonté des syndicats qui représentent les travailleurs de défendre le processus normal de négociation des conditions de travail comme étant un des plus sûrs moyens de valoriser la condition même du travailleur et une des meilleures garanties d'une société libre. Là-dessus je partage entièrement leur point de vue.

Je soulignerai également dans l'intervention, et c'est le seul point que je lèverai, par exemple, lorsqu'on me met en contradiction sur l'interprétation que je donne au sens d'un contrat et sur

l'interprétation que je donne à l'intérêt national. On a omis une partie de mon intervention qui était fondamentale. J'ai bien expliqué qu'en temps de crise ou de catastrophe, l'État, au nom de l'intérêt public, peut avoir à intervenir. Eh! oui, au nom des pauvres, des démunis, au nom d'une société aux prises avec une crise, l'État peut avoir à défendre l'intérêt public, indéniablement. (12 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le ministre, excusez-moi.

S'il vous plaît! S'il vous plaît!

J'ai voulu être assez large au début afin de permettre aux gens de s'exprimer, mais je n'accepterai pas qu'au cours de la journée, nos travaux soient perturbés continuellement par des manifestations qui viennent de l'assistance.

Je vous demanderais de réserver vos manifestations. On demande cela à tous ceux qui se présentent ici. On dit la même chose à toutes les personnes ou tous les groupes qui viennent devant nos commmissions. Je pense que c'est pour obtenir une meilleure discussion ici. C'est l'objet de notre rencontre d'aujourd'hui. Alors je vous demanderais de ne plus manifester à l'avenir. Merci.

M. le ministre vous pouvez continuer.

M. Bérubé: Merci, M. le Président.

Je pense qu'on ne peut pas discuter du projet de loi autrement que dans son contexte. Les chiffres viennent de nous dire la semaine dernière qu'il y a 1 241 000 chômeurs en mai au Canada, c'est-à-dire 45% de plus qu'à pareille date l'année dernière. Au Québec seulement, nous avons perdu 320 000 emplois en l'espace de neuf mois. Cette véritable hécatombe, cette hémorragie d'emplois frappe particulièrement les jeunes où on atteint des taux de chômage de plus de 20%. Par exemple, je défends un comté où il y a peut-être un des plus forts pourcentages de défavorisés au Québec. Le salaire moyen dans le comté de Matane, dans la ville même de Matane, est à peu près de 13 000 $, c'est-à-dire le salaire le plus bas payé aux employés de l'État. C'est le salaire moyen de mes concitoyens dans le comté de Matane. Je ne vous parlerai des citoyens du même comté, dans Gaspé-Nord, à Sainte-Anne-des-Monts, où j'ai des taux de chômage et d'assistance sociale qui dépassent 55% et où en fait les seuls citoyens qui ont un emploi sont les employés de l'État. Tous les autres sont en chômage.

Ce que nous avons vécu depuis une année, c'est une véritable catastrophe économique avec un recul de notre richesse collective, de notre richesse nationale de 3,6%. C'est la réalité avec laquelle nous sommes confrontés. Évidemment, une crise comme celle-là a un impact direct sur les finances de l'État. On ne peut pas l'ignorer, on ne peut pas faire semblant que cela ne se produira pas. La réduction du nombre de contribuables, la réduction de la production de biens de consommation se traduisent par une diminution des rentrées d'impôts, de taxes. C'est inévitable.

Une augmentation, par exemple, de la clientèle à l'aide sociale qui va être de 10%. Nous avions planifié 5,5%, il y a un peu plus d'un an maintenant, pour nous retrouver aujourd'hui avec une correction de nos prévisions pour hausser ce pourcentage à 10%. C'est normal. Lorsqu'on a épuisé l'assurance-chômage, on se retrouve à l'aide sociale. Cela veut dire des coûts additionnels au chapitre des prêts et bourses pour les étudiants.

Donc, un ensemble de programmes gouvernementaux dont les coûts montent en flèche simplement à cause de la crise. Lorsque vos revenus baissent au moment où vos dépenses s'accroissent, il y a un problème. Il y a une impasse financière à laquelle il faut s'attaquer. Le ministre des Finances a longuement expliqué pourquoi il ne voyait comment on pouvait hausser les taxes, hausser le déficit. Lorsque vous avez 3300 entreprises qui font faillite avec près de 150 000 emplois de perdus, vous pouvez hausser les taxes sur les entreprises, et récupérer combien de chômeurs de plus. À tel point que les modèles économétriques que nous utilisons sont poussés à l'extrême limite. Nous ne pouvons même plus prédire maintenant l'impact des hausses d'impôt et de taxes sur le pourcentage de chômage et la récession économique parce que les modèles économétriques ne permettent pas de couvrir l'étendue d'une telle catastrophe. Ils sont calculés sur la base de situations moyennes. Nous nageons dans l'inconnu.

Il faut se poser un certain nombre de questions. Comment allons-nous résoudre la crise? Lorsque nos revenus baissent, que nous ne pouvons pas emprunter, il faut réduire les dépenses. À nouveau, on se retrouve sur un terrain d'entente. Nous pouvons couper et cela il faut en être conscients. Nous avons pour 1 400 000 000 $ de dépenses de fonctionnement. Nous venons d'imposer à ces dépenses - et ce n'est pas réalisé, c'est un objectif budgétaire - une réduction de 400 000 000 $ qui touchera l'ensemble des réseaux: de l'éducation, de la santé et du gouvernement.

Cela n'est pas fait encore, il faudra que tous les administrateurs trouvent une façon d'économiser 400 000 000 $ sur un budget qui aurait dû être de l'ordre de 1 800 000 000 $. Ce n'est pas facile et vous le vivez dans vos entreprises, dans les différents services gouvernementaux, vous vivez l'impact de ces compressions. Il serait possible d'envoyer 521 000 000 $ de plus de compression de dépenses de fonctionnement

sur ces 1 400 000 000 $, mais les 400 000 000 $ que vous allez vivre, avez-vous imaginé ce que cela représenterait si c'étaient 900 000 000 $, 1 000 000 000 $?

C'est épouvantable et c'est cela la conséquence d'appliquer 521 000 000 $ là. Nous pourrions décider de ne pas couper plus avant, comme au nom des travailleurs, vous nous avez enjoints de le faire, et à ce moment, choisir de couper dans les dépenses de transfert aux citoyens. Attention, j'imagine que vous ne voudrez pas, au nom de la protection de l'économie, que nous nous attaquions aux missions économiques, aux 180 000 000 $ de transfert à l'agriculture.

Si en période de récession économique nous épargnions la mission économique, à ce moment, c'est l'ensemble de tous les transferts de l'État aux citoyens qui doit être supprimé. Il y en a pour à peu près 700 000 000 $ au global et lorsqu'on exclut les engagements inévitables, 525 000 000 $, c'est la suppression de tous les transferts à nos concitoyens.

Je suis convaincu qu'il n'y a personne d'entre vous favorable à cette solution. Les transferts sont essentiellement les subventions à nos concitoyens, que ce soit dans le domaine des arts, de la culture, des plus démunis, des institutions charitables, donc, l'ensemble des transferts relevant uniquement du gouvernement à l'intention des citoyens et qui sont dirigés essentiellement à des organismes de charité, des organismes qui s'occupent, en pratique, soit de foyers d'accueil, enfin, l'ensemble de la mission de l'État où on essaie de partager l'effort entre les citoyens sans passer par l'administration gouvernementale, mais en faisant directement appel aux services de nos concitoyens.

Donc, supprimer 521 000 000 $ représenterait une injustice inacceptable pour notre société. À ce moment, il ne reste qu'un point, c'est les 12 000 000 000 $ de la rémunération. C'est le seul autre point qui reste. Il faut donc choisir entre s'en prendre aux plus démunis, refuser de poursuivre l'action de l'État en période de crise ou essayer de voir dans quelle mesure au niveau de la rémunération, il y a des compromis à faire.

Ce sont là les choix. Il faut quand même le reconnaître, les employés du secteur public ne sont pas les plus maltraités. Le président de la CEQ, tantôt, comparait l'action du gouvernement à l'action chilienne. Il n'a pas comparé cependant les salaires des enseignants au Québec avec ceux du Chili. Il n'a pas dit que les enseignants du Québec sont sans doute les mieux payés au monde. Là, nous aurions un portrait global, à partir duquel, nous pourrions avoir une discussion de fond. Ce que nous n'avons pas.

Il y a une crise, elle est réelle, elle touche souvent les plus démunis. Par conséquent, le fait que vous perceviez cette crise, que vous nous disiez être prêts à la regarder de front et à consentir même les sacrifices nécessaires augure bien pour la recherche d'une solution. Mais un gouvernement doit également se poser la question suivante. Il ne s'agit pas simplement de discuter, de dire à nos concitoyens: Nous discutons. On nous posera également la question: Oui, mais, lorsque vous aurez fini de discuter, si vous ne vous entendez pas, qu'est-ce que vous ferez?

Le chef du Parti libéral vient de dire dans son intervention il y a quelques minutes: Lorsque tout a été épuisé, le gouvernement doit, quand les services sont en cause, assumer ses responsabilités - je prends ses paroles - et décider au nom de l'intérêt public et j'en ajoute. Ce que vient de nous dire le chef du Parti libéral, c'est essentiellement ceci: Nous ne pouvons pas seulement discuter, mais nous devons livrer la marchandise; si nous ne livrons pas la marchandise, il faudra se préoccuper des conséquences.

C'est à l'examen des conséquences qu'on peut être amené à promouvoir une loi comme la loi 70, qui fait en sorte qu'au-delà des discussions que nous devons avoir à la table de négociation, nous devons nous assurer que ce ne soit pas les plus démunis, les plus exposés à la crise qui écopent. C'est ce que nous devons rechercher ensemble. La loi 70 permet la négociation. Au contraire, elle dit, elle remplace...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: La loi 70 dit que toute entente négociée prévaut sur la loi. Nous devons mettre l'accent sur la recherche de cette entente puisque, dans la mesure où nous partageons cette même préoccupation sociale, il y a moyen de s'entendre. En même temps, je pense qu'il faut protéger nos concitoyens. Voici la question que j'adresserais, en terminant, aux intervenants qui sont avec nous aujourd'hui, sachant les choix qui s'offrent à nous.

Nous avons eu des propositions intéressantes lors du sommet, par exemple, en ce qui a trait à la relance de l'industrie de la construction. Elle ne règle pas l'impasse budgétaire, mais elle va venir en aide à un grand nombre de travailleurs de l'industrie de la construction. Cette proposition, qui était solidement appuyée tant par la CSN que par la FTQ, le gouvernement l'a relevée. Elle ne règle pas l'impasse, mais elle va nous permettre à tout le moins de venir en aide à l'industrie de la construction et à l'industrie du bois de sciage qui est mal en point présentement. Cela est une bonne suggestion. Nous disons qu'il faut mettre

l'accent maintenant sur la recherche de la solution en se disant une chose, cependant: II ne faut pas que nos concitoyens écopent de la crise. Il faut prendre tous les moyens pour que ceux qui n'ont pas les instruments nécessaires pour se défendre aient quand même des défenseurs qui s'occupent de leurs intérêts. C'est là-dessus qu'il faut mettre maintenant l'accent.

Ce que j'aimerais connaître de vous, c'est ceci: Comment voyez-vous la crise à l'heure actuelle et quel genre de proposition êtes-vous prêts à avancer pour indiquer ce que vous pensez pouvoir faire pour aider à la solution de la crise?

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Avant de continuer, j'aimerais rappeler que s'il y a trop de perturbations, je devrai suspendre l'assemblée et ce sera les différents intervenants, qui sont nos invités aujourd'hui, qui seront pénalisés.

M. Laberge ou M. Corriveau.

M. Laberge: On va laisser M. Corriveau commencer.

M. Corriveau: Je ne suis pas ici pour faire ce que je dénonce depuis six mois, c'est-à-dire négocier publiquement. On est venu présenter un mémoire. Il y a des tables de négociation qui ont le mandat de négocier et c'est là qu'il faudrait que cela se fasse. C'est une chose qu'on vous a dite depuis un certain nombre de mois et que vous tentez... On dirait que vous ne comprenez pas cette astuce. Arrêtez de négocier au-dessus de la tête de tout le monde et assoyez-vous à une table de négociation. On est des Québécois comme tout le monde, on a tout le temps pris nos responsabilités en tant que travailleurs et travailleuses et je pense que c'est là que cela va se régler. Même si vous essayiez par les journaux, par toutes sortes de tribunes de tenter d'en venir à une entente, c'est à une table de négociation que cela va se faire. J'espère que le message qu'on vous passe sera compris une fois pour toutes.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.

M. Laberge: Quand le ministre nous dit, M. le Président, Madame et Messieurs les membres de la commission, que la loi 70 permet la négociation, il ne faut toujours pas nous charrierl De toute façon, la loi 70 contient des éléments épouvantables mais qui ne seraient en vigueur qu'au 1er janvier. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement se garroche les yeux fermés, tête baissée, pour adopter la loi 70. Qu'est-ce que cela va faire pour la fin de juin, au mois de juillet et au mois d'août? Vous n'en avez pas besoin, c'est quelque chose qui va arriver au mois de janvier dites-vous. Crime! vous l'adopterez au mois de décembre si vous voulez; elle ne sera pas meilleure, elle sera aussi odieuse, mais d'ici à ce temps-là, peut-être bien que vous pourriez dire que vous avez essayé de bonne foi, cela vous ferait changement...

Des voix: Bravo!

M. Laberge: ... et qu'après avoir essayé de bonne foi, vous en arrivez à la conclusion qu'on ne veut rien savoir et que, là, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Laissez-moi vous dire qu'encore une fois, vous nous avez sorti des affaires... Je pense qu'on est un peu conscient, parce que du monde en chômage, on en a pas mal chez nous, on est fort conscient de cela, qu'il y a une crise économique. Et geler les salaires pour 521 000 000 $, cela ne créera pas "une maudite job" nulle part. Cela va juste combler peut-être un trou dans le budget pour cette année, et à moins qu'on relance la roue de l'économie dans le bon sens, l'an prochain, vous aurez un autre problème budgétaire. Ce coup-là, sur qui allez-vous frapper? Si j'étais à la place des députés, je me "watcherait" en maudit, vous avez l'habitude de frapper sur ce qu'il y a de plus proche.

M. le Président, soyons réalistes. La loi 70 vient saper à sa base même le régime de relations du travail. Ne demandez pas après cela si l'on est prêt à négocier, à s'asseoir et essayer de trouver des solutions. C'est comme le gars qui arrive à la banque devant le caissier; il sort son revolver, il le met sur le comptoir et il dit au gars: J'ai besoin de 2000 $. Le gars dit: On va négocier. Oui, mais dépêche-toi parce que la police... Le revolver est toujours sur le comptoir et tu comprends bien que le gars, s'il entend une sirène de police, il ne prendra pas plus de trois jours pour négocier. La loi no 70, c'est cela, c'est vraiment une abomination. Je ne connais pas assez de termes pour la décrire telle que je la vois, et c'est tout l'avenir des relations du travail au Québec qui est en jeu. Encore une fois, ça ne se peut pas qu'on soit rendu au gouvernement à parler comme cela, à dire que la fin justifie les moyens. On a eu des projets de loi qu'on a trouvés pas mal "tough", des lois spéciales, mais le gouvernement a le droit de le faire. Il y a le projet de loi sur les services essentiels; on n'est pas d'accord avec le gouvernement, mais il a le droit. Les négociations sont censées commencer. Serrez votre maudit revolver, assoyez-vous, négociez et soyez aussi "tough" que vous voudrez. On ne sera peut-être pas d'accord, mais au moins vous aurez le droit de le faire, ce que vous

n'avez pas le droit de faire présentement.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin.

M. Gaulin: Je crois qu'il faut se dire que dans notre société on ne peut pas tout faire au nom de l'intérêt national. C'est facile d'invoquer l'intérêt national. On a vu cela lors de la crise d'octobre: c'était au nom de l'intérêt national. Il y a beaucoup de choses qui peuvent... Moi, je crois qu'argumenter de cette manière-là, c'est très dangereux dans notre société.

Nous faisons des distinctions entre des discussions et de la véritable négociation. Il ne s'agit pas de s'en aller dans un cadre de discussion en disant: Voici la solution de toute manière, discutez tant que vous voudrez, la solution c'est celle-là. Nous avons revendiqué, nous revendiquons de négocier véritablement la prochaine convention collective. Si le gouvernement veut mettre dans ses offres, lors de la prochaine convention collective, qu'il va payer ou qu'il va respecter ses engagements dans la mesure où il aura de l'argent, on le verra comme proposition patronale et on en discutera.

Ce qu'on nous dit, c'est exactement ceci: le bassin de compressions maintenant, c'est devenu la rémunération du secteur public. Qu'on en discute aux tables de négociation de la capacité de payer, c'est présent dans toutes les rondes de négociations: capacité de payer de l'État, comparaison entre le secteur privé et le secteur public, un paquet d'affaires, c'est cela l'objet de la négociation, mais qu'on aille aux tables de négociation discuter ou tenir ce discours-là, si on veut tenir ce discours-là. Ça, c'est le discours de la négociation. Si on veut discuter de la crise économique, il y a des lieux pour discuter de la crise économique. On a mis des propositions au sommet, il y en avait des séries de propositions: utilisation de l'épargne, certaines formes de taxation. C'en sont des propositions qui demeurent là. Si on veut discuter de la crise budgétaire entre les syndicats et les gouvernements, on a dit: Discutons-en de la crise budgétaire, mais dans le lieu approprié et je crois que, bien sûr, on ne peut en aucune manière laisser entendre qu'il y a de la négociation possible dans le cadre d'une loi comme la loi no 70. Au contraire, il n'y a aucune négociation possible dans le cadre d'une loi comme celle-là avec la menace qui sera l'arme quotidienne des négociateurs patronaux. Ce ne sont pas des négociateurs patronaux qu'on va avoir en face de nous dans un contexte comme cela, ce sont des messagers qui vont venir livrer la commande, un message; c'est déjà commencé d'ailleurs.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, monsieur. M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: II y a un certain nombre de questions que je voudrais poser aux représentants des centrales syndicales qui sont avec nous aujourd'hui. Nous avons peu de temps d'ici à l'heure de l'ajournement, mais je vais quand même en poser une qui me paraît importante, en guise d'introduction. J'ai noté, dans la lecture du mémoire d'ouverture que M. Corriveau nous a présenté tout à l'heure, que vous avez l'impression que le gouvernement n'a pas compris le signal qui était contenu dans votre déclaration du 10 mai. Vous avez répondu à M. Lévesque et au gouvernement, le 10 mai, par des propositions qui contenaient quatre éléments, si mes souvenirs sont bons. J'ai constaté une chose ce jour-là chez le président du Conseil du trésor, et je le dis sans aucune animosité à son endroit, évidemment. Mais il a peut-être réagi avec précipitation, il a réagi tout de suite, il a rencontré la presse assez peu de temps après le dévoilement de la réponse. C'était une attitude très dangereuse à tenir dans une situation comportant des implications aussi considérables. Je ne veux pas faire de comparaisons. Nous autres, des fois, vous trouvez peut-être que cela prend vingt-quatre heures, mais nous ne sommes pas obligés de changer cela après. Cela ne conduit pas à des décisions comme celles-là, mais cela, c'est entre parenthèses.

Je voudrais vous demander, peut-être, de répéter ou d'expliquer clairement ce que vous vouliez dire par là, vous autres, quel était le message que vous destiniez au gouvernement. Peut-être qu'il y a encore une chance qu'il le comprenne à ce moment-ci.

Le Président (M. Bordeleau): M. Corriveau.

M. Corriveau: Alors, ce sera M. Munn.

Le Président (M. Bordeleau): M. Munn.

M. Munn (Jean-François): Ce qu'on disait dans la proposition du 10 mai... Évidemment, il y avait des prérequis qui étaient de l'ordre de ce qu'on répète dans le mémoire ce matin, à savoir qu'il fallait laisser place à la libre négociation qui nous apparaît comme un principe fondamental, libre négociation impliquant qu'on s'engage à respecter les ententes négociées sur les différents points. Le point important dans notre proposition qui suivait les prérequis, c'était le quatrième paragraphe où on disait: Dans l'éventualité d'une entente sur une convention collective qui serait acceptée par nos membres, à ce moment-là, la convention collective pourrait entrer en vigueur avant la fin de la convention collective actuelle. On suppose qu'en négociation, il est question de

tous les problèmes que chacune des parties peut amener et que, s'il y a entente, habituellement, c'est le résultat de compromis réciproques.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: À moins qu'il y ait des explications additionnelles que d'autres membres de la délégation voudraient fournir...

M. Laberge: Juste deux mots. Moi, je trouve cela un peu drôle qu'il n'ait pas vu l'ouverture parce que les membres chez nous l'ont vue, je peux vous le dire. En fait, ils la trouvaient tellement grande l'ouverture qu'on s'est fait semoncer assez sévèrement dans plusieurs de nos rencontres. L'ouverture, elle était là. Mais, malgré des prises de bec assez vigoureuses parfois, la vaste majorité a compris qu'on voulait faire une ouverture, elle était là et ils ont voté pour.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: À la suite de cette réponse que vous avez apportée à l'invitation du gouvernement, quelle a été la réaction du gouvernement? Est-ce que le gouvernement a fait des démarches pour obtenir des explications de votre part? Est-ce qu'il y a eu des rencontres? Comment les choses se sont-elles déroulées après cela?

M. Munn: II y a eu le dépôt de la loi 68, le dépôt de la loi 70 et il y a eu le budget. Pour compléter, la seule fois où on a entendu des porte-parole du gouvernement, ç'a été le lendemain du dépôt de la loi 70, qui était le troisième élément de la trilogie que je viens de citer.

M. Ryan: Vous nous apprenez des choses qui me renversent parce que nous autres, ce que certaines personnes nous rapportaient, c'est que M. Laberge était toujours en contact avec le gouvernement à propos de tout. Je m'excuse d'avoir été induit en erreur peut-être par la presse, je ne sais pas trop, mais... Moi, ça me renverse comme législateur et comme observateur de ces choses depuis de très nombreuses années. Vous dites qu'il n'y a pas eu d'autre contact que cela. Est-ce que de votre côté vous avez fait des démarches pour obtenir une entrevue avec le premier ministre ou le comité du cabinet qui s'occupe de ces choses, pour bien leur expliquer le sens de l'ouverture qui était faite à ce moment?

Le Président (M. Bordeleau): M. Corriveau.

M. Corriveau: Si vous permettez, je pense qu'on en a eu une dernièrement. Lorsqu'on a parlé de la relance de la construction, on a eu le plaisir de rencontrer M. Lévesque et M. Parizeau.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition. Il est tout près de 13 heures. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55) (Reprise de la séance à 15 h 08)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Frontenac. À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des finances et des comptes publics reprend donc ses travaux. Je pense qu'à notre suspension de ce midi, la parole était au chef de l'Opposition pour continuer la discussion avec les représentants des trois centrales syndicales.

M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: M. le Président, je reviens sur la question dont nous discutions au moment où nous avons suspendu la séance tantôt. Le 10 mai dernier, selon le témoignage que nous avons entendu ce matin de la part des dirigeants des centrales syndicales, une ouverture aurait été faite au gouvernement qui aurait permis d'engager des négociations véritables dès le mois de juin, en vue des conventions collectives devant commencer le 1er janvier 1983, et avec possibilité d'application à la période qui se serait écoulée entre juin et décembre de cette année. Dans la déclaration que les centrales syndicales avaient faite le 10 mai dernier, on énonçait quatre prérequis avant de formuler un certain nombre de recommandations. J'ai ces éléments devant moi, mais j'aimerais mieux peut-être que les représentants du monde syndical nous expliquent ces prérequis qu'ils avaient énoncés de même que les recommandations qui avaient été formulées.

Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette question. Il y avait quatre prérequis et cinq recommandations. Je voudrais savoir d'abord la signification exacte de chacun de ces neuf éléments qui m'apparaissent inégalement importants. Je voudrais savoir quelle importance relative vous apportiez et vous accordiez à chacun de ces éléments. Étaient-ils tous d'égale importance? Étaient-ils tous aussi indispensables les uns que les autres? Comment les conceviez-vous? Ou si même cela aurait pu donner lieu à des rencontres avec le gouvernement en vue de discussions qui auraient pu conduire à des accords, afin de pouvoir commencer éventuellement les négociations en bonne et

due forme.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.

M. Laberge: M. le Président, si vous voulez commencer par le premier prérequis le A. Que le gouvernement s'engage à ne pas modifier unilatéralement les conventions collectives négociées et signées par les parties incluant les salaires prévus dans ces conventions. Il me semble que cela est bien clair. Que le gouvernement ne décide pas tout seul de changer cela. Il y a une convention, il y a deux parties. L'autre prérequis: qu'on commence les négociations à compter du début de juin. Troisième prérequis. Que le gouvernement s'engage à ne pas modifier unilatéralement - encore le même mot, M. Bérubé, ce n'est pas trop savant pour vous - et à négocier les régimes de retraite de la même façon qu'ils l'ont été dans le passé. Il me semble que, là aussi, c'est encore bien clair. Je dis au gouvernement: Engagez-vous à ne pas changer cela tout seul. Venez nous voir. Que le gouvernement libère avec solde et sans remboursement par la partie syndicale les comités de négociation. Il n'y a pas eu d'entente là dessus; il y a une proposition du gouvernement: libération 50%-50%, qui est restée dans les airs. La partie syndicale n'a pas accepté cela, mais pour votre information, M. le chef de l'Opposition, les représentants patronaux sont déjà tous libérés et payés à 100% par le gouvernement.

M. Bérubé: Demandez lui donc si c'est une offre pour nous en payer la moitié?

M. de Belleval: M. Laberge, êtes-vous prêt à nous en payer la moitié?

M. Laberge: Pardon.

Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît!

M. de Belleval: Êtes-vous prêt à nous en payer la moitié?

M. Laberge: Vous avez libéré le monde patronal. Vous n'étiez pas mal pris pour le monde patronal... Il n'y avait pas urgence nationale. Il n'y avait rien de cela.

Recommandations: Premièrement, que la négociation des prochaines conventions collectives commence au début de juin et que les offres du gouvernement soient déposées au même moment que nos demandes.

Deuxièmement, que la négociation se déroule dans le respect des instances syndicales. Évidemment, nous sommes bien obligés d'aller prendre des votes de temps en temps, nous sommes obligés de faire cela.

Troisièmement, que l'on favorise les négociations des priorités tout en s'assurant du maintien des acquis des conventions collectives actuelles. Évidemment, cela veut dire, pour quelqu'un qui veut le regarder comme il faut: on comprend qu'on est dans une situation particulière. Au lieu de négocier comme d'habitude, on est prêt à y aller sur les questions prioritaires.

Quatrièmement, que seule l'acceptation par les assemblées syndicales des prochaines conventions collectives négociées, y compris l'acceptation d'une recommandation - et c'est là que cela devient très important -quant à la date de leur entrée en vigueur, puisse mettre fin aux conventions collectives actuelles. Pour traduire cela pour M. Bérubé: Les conventions collectives auraient dû normalement commencer le 1er janvier 1983. Quand on prend la peine de mettre au paragraphe 4, "quant à la date de leur entrée en vigueur", cela veut dire qu'on laissait ouverte la possibilité que les nouvelles conventions collectives, au lieu de commencer automatiquement le 1er janvier 1983, pourraient commencer en décembre, en novembre ou en octobre ou, je ne sais pas, en septembre, en août ou en juillet 1982. Je tiens à vous dire que tous nos membres ont vu cela. C'est là-dessus qu'on s'est fait engueuler. Eux ne l'ont pas vu. (15 h 15)

Cinquièmement, que le gouvernement s'engage à inclure les établissements privés d'enseignement dans le régime de négociation du secteur privé. Ce sont les collèges, parce qu'il y a beaucoup d'enseignants, les universités et les choses semblables.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je voudrais maintenant vous demander en quoi la ligne de conduite retenue jusqu'à maintenant par le gouvernement contredit ces propositions que vous aviez faites.

M. le Président, c'est parce que je ne voudrais pas me faire reprocher dans deux mois de ne pas avoir compris. Comme le président du Conseil du trésor, je prends toutes mes précautions.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.

M. Laberge: C'est complètement le contraire, comme vous le voyez, sauf qu'après plusieurs tergiversations, finalement, une déclaration de la part du gouvernement a dit: En fait, c'est vrai. Nous avons des conventions collectives, nous allons les respecter. Ce n'était pas que toute une déclaration que celle-là!

Deuxièmement, après avoir considéré la chose, on ne peut pas vraiment mettre à

pied 17 000 employés des secteurs public et parapublic. On va garder cela en réserve.

Les prérequis, comme vous voyez, ce n'était pas la mer à boire. L'ouverture était là pour commencer la négociation, mais on ne l'a pas vue, c'est-à-dire qu'on pourrait en discuter pendant trois jours et cela ne changera rien. Cela n'a malheureusement pas été vu dans le temps, peut-être que cela aurait pu être plus clair, mais il y a une chose qui est sûre: là, il n'est pas encore trop tard pour le voir. Si ce n'était pas écrit clairement, on le répète: II y a ouverture, nous sommes prêts à aller à la table des négociations et à discuter de la crise budgétaire, mais en même temps à rencontrer les centrales pour discuter de la crise économique. On est prêt là. Il me semble qu'il ne doit pas y avoir d'ambiguïté là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je ne veux pas du tout me mêler des affaires du front commun, mais est-ce vraiment l'opinion des dirigeants des trois grandes centrales qui sont représentées à la table?

M. Laberge: Est-ce que vous croyez que j'aurais osé dire cela si... Voyons!

M. Ryan: Je vous demande juste de me... M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition, oui.

M. Ryan: Je veux juste m'assurer de ceci: Tous ces prérequis et recommandations que vous aviez énoncés, est-ce qu'ils demeurent exactement les mêmes aujourd'hui? À ce que j'ai cru comprendre, il y a certains de ces éléments qui n'ont pas tout à fait la même importance ou la même signification arithmétique que d'autres.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin.

M. Gaulin: Robert Gaulin. La proposition que nous avons déposée le 10 mai, c'est une proposition qui demeure. Elle est là. Nous l'avons déposée au coordonnateur du gouvernement dans ce qui était le cadre de la négociation. Nous croyons que c'est une excellente proposition pour permettre de faire de la négociation, si l'on veut faire de la négociation. Il n'y a rien de changé dans notre proposition. Bien sûr, c'est le début de juin - on est rendu au 11 - alors, il y a des retards qui seront causés par les événements que l'on connaît maintenant.

Quant à l'importance des prérequis ou des propositions qui sont là-dedans, je crois que cela se discute dans un cadre de négociation. Les négociateurs du gouvernement auraient pu facilement venir s'asseoir à la table des négociations et interroger les coordonnateurs gou- vernementaux et les membres de nos équipes de négociation sur le contenu, la portée et le sens de chacune de ces propositions.

Quant aux deux premiers prérequis, quand on dit "de ne pas modifier unilatéralement les conventions collectives", c'est fondamental. On s'inscrit dans un processus de négociation en jouant les règles normales de la négociation ou bien on ne le fait pas. Le gouvernement a décidé de ne pas le faire, mais cela nous apparaissait à nous - cela nous apparaît toujours - être les prérequis pour ouvrir le jeu, si l'on veut jouer les règles de la négociation, si l'on veut déposer des propositions, des demandes et amorcer cette négociation des prochaines conventions collectives, la seule manière de le faire, surtout quand on prétend vouloir le faire de bonne foi, c'est d'enlever des menaces comme celles qu'on sert depuis un certain temps.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: J'aurais une précision à demander à M. Bérubé avant peut-être de poser une nouvelle question a M. Gaulin. M. Bérubé, président du Conseil du trésor, quand il a pris connaissance de votre communiqué du 10 mai, a déclaré publiquement qu'il ne voyait pas là-dedans d'ouverture suffisante pour permettre des négociations fructueuses dans le délai de temps auquel il devait s'astreindre. Je pense que cela serait important que M. le ministre donne des précisions cet après-midi' sur l'interprétation qu'il a donnée à votre déclaration, les raisons qui ont pu le motiver, et s'il comprend toujours aujourd'hui vos propos comme il les a compris dans le temps ou s'il voit des différences à la suite des explications qui ont été apportées et du temps qui s'est écoulé.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: II n'y a pas de problème. M. le Président, je pense que la simple lecture des prérequis est une réponse finalement. Ce que l'on voit quand on examine les prérequis un à un, c'est d'abord qu'on s'engage à ne pas modifier unilatéralement. En d'autres termes, le gouvernement aurait pris un engagement solennel de ne légiférer en aucune façon, advenant même un échec des négociations, ce qui est d'ailleurs contraire à la position même qu'a prise tantôt le chef de

l'Opposition lorsqu'il a dit: Le gouvernement aurait dû négocier et, éventuellement, advenant un échec, il aurait été justifié, je pense, de prendre ses responsabilités, mais...

M. Ryan: Question de règlement. M. le ministre, si vous...

M. Bérubé: Est-ce que vous auriez objection, M. le chef de l'Opposition, peut-être à me laisser répondre, parce que nous avons l'habitude de nous interrompre continuellement et d'empêcher chacun d'intervenir, ce qui fait que, finalement, il est difficile d'avoir un suivi à une réponse?

M. Ryan: Dans la mesure où...

Le Président (M. Bordeleau): Question de règlement, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je suis bien prêt à attendre, cela ne me fait rien. Mais dans la mesure où le ministre voudra bien éviter d'interpréter de travers les propos que j'ai pu tenir, ça me ferait bien plaisir de le laisser faire son exposé sans interruption. Cette fois-ci, le ministre ajoute quelque chose au prérequis A qui n'est pas là-dedans du tout. Tout le monde convient qu'une fois que les négociations ont eu lieu de bonne foi, dans un délai raisonnable, en tenant compte d'échéances auxquelles ne peut pas échapper éventuellement un gouvernement pas plus qu'un entrepreneur privé, il peut y avoir d'autres recours. Le président de la FTQ l'a dit ce matin.

M. Bérubé: ... ce n'est pas une question de règlement et c'est exactement ce que j'anticipais...

M. Ryan: Mais en tout cas, vous me faites dire...

M. Bérubé: ... c'est que le chef de l'Opposition voulait tout simplement m'empêcher d'exposer ma réponse; je n'ai pas d'objection à ce qu'il ne partage pas ma réponse. Il pourra alors intervenir, mais je pense qu'il y a un principe de base qui permet à chaque intervenant de s'exprimer au complet. Vous ne pensez pas, M. le Président?

M. Ryan: Je crois être le meilleur interprète de ce que j'ai dit.

M. Grégoire: M. le ministre...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Vous avez parlé tant que vous avez voulu, laissez parler le ministre; ce n'est pas une question de règlement. Ouvrez-lui donc un livre des règlements.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Frontenac.

M. Ryan: II jappe fort, mais il n'est pas dangereux.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, allez-vous continuer?

M. Bérubé: Donc, essentiellement...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Bérubé: ... M. le Président, lorsqu'on examine les prérequis pris un par un, on lit: "S'engage à ne pas modifier unilatéralement les conventions collectives négociées et signées par les parties incluant les salaires prévus à la convention, s'engage à ne pas modifier également unilatéralement et à négocier des régimes de retraite de la même façon qu'ils l'ont été dans le passé." Strictement, ce que ces prérequis signifiaient, c'est qu'advenant un échec des négociations le gouvernement devait s'engager à ne pas, par exemple, si l'intérêt public le dictait, intervenir en utilisant son pouvoir de législation. Un tel prérequis, je pense, est inacceptable pour le gouvernement dans la mesure où on ne peut lier le gouvernement à des discussions sans être en mesure, effectivement, de savoir ce que donneraient ces discussions.

Or, effectivement, M. Laberge vient de l'indiquer, il y avait une sorte d'ouverture; si on lit soigneusement entre les lignes, il y avait une ouverture. Je pense qu'on peut toujours lire des ouvertures entre les lignes mais, à un moment donné, il faut également répondre aux questions. La question qui était posée, c'est: II y a une impasse budgétaire, il y a 521 000 000 $ à aller chercher, il faut inscrire quelque chose dans le budget; est-ce qu'on inscrit une hausse de taxes? Est-ce qu'on inscrit des coupures de budget? Est-ce qu'on inscrit une réduction de la masse salariale? Nous voulons avoir une réponse.

Quel genre d'assurance y avait-il dans la réponse syndicale qu'il y avait une acception de remettre en cause 500 000 000 $ d'augmentation de salaires? Il n'y en avait pas. À la question posée par le gouvernement, la réponse que nous donnaient les centrales, c'était non. Il y avait un oui à la négociation, il y avait un oui à la possibilité d'ouverture mais, strictement à la question qui était posée on ne peut plus clairement, quant aux 521 000 000 $ en cause, y avait-il une assurance dans la réponse qui nous était donnée qu'on s'entendrait et que ce serait la quote-part

que les travailleurs du secteur public accepteraient de partager? À cela, il faut dire que c'est une non-acceptation de la demande gouvernementale et je pense qu'il n'y avait aucun problème d'interprétation. Que le sens de la réponse syndicale aille du côté d'une négociation, d'une ouverture, je ne l'ai pas nié, j'en suis fermement convaincu et je suis convaincu que les centrales syndicales sont prêtes effectivement à négocier, mais elles ne nous ont pas dit, en aucun moment, qu'elles étaient prêtes à accepter la demande gouvernementale. La loi 70...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Bérubé: ... vient simplement entériner ce constat et s'assurer que le fardeau ne sera pas reporté sur nos concitoyens.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: En somme, M. le Président, le président du Conseil du trésor, au nom du gouvernement, demandait à ses employés syndiqués des secteurs public et parapublic, à toutes fins utiles, non seulement de renoncer à leur droit de négociation - puisqu'il exigeait une réponse sans qu'il y ait eu de négociation - mais, deuxièmement, d'abandonner même des droits acquis à l'occasion de la convention négociée il y a déjà trois ans. C'est cela que vous leur demandiez.

M. Bérubé: C'est la demande qui a été faite par le gouvernement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: M. le Président, la question fondamentale qui vient de ressortir de nouveau, c'est effectivement la façon dont on peut s'en sortir tous ensemble, d'ailleurs. On n'a pas le choix, qu'on le veuille ou non, qu'on soit d'accord ou pas...

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Belleval: ... qu'on soit d'accord ou pas sur la méthode, on est d'accord sur le constat, en tout cas. M. Laberge l'a dit d'ailleurs tout à l'heure et d'autres aussi l'ont dit, il faut se sortir d'une impasse budgétaire donnée que le gouvernement évalue, lui, à environ 600 000 000 $. 521 000 000 $, c'est le chiffre qu'on demande comme contribution des employés syndiqués. Globalement, c'est 600 000 000 $ qu'on demande comme compressions salariales, si on veut, ou ralentissement de la progression de la masse salariale.

Il faut bien voir le diagnostic que le gouvernement a fait de ce côté, comment il en est arrivé à établir, d'abord, le chiffre en question; pourquoi on en est arrivé aussi à la présentation de la loi 70; pourquoi la loi 70, au fond. Je pense que c'est la question que vous posez, d'ailleurs.

Le budget a été préparé à partir des éléments principaux suivants: d'abord, on a effectué des augmentations d'impôt sur une base annuelle de 1 300 000 000 $ pour essayer de boucler le budget 1982-1983. 1 300 000 000 $ d'augmentation d'impôt. On sait très bien que ce n'est pas une décision facile par les temps qui courent d'imposer une pareille ponction supplémentaire sur l'ensemble des Québécois dans le contexte historique du fardeau fiscal des Québécois et encore plus dans le contexte de la crise économique actuelle. Tout de même on a pensé qu'il fallait faire cela. On a imposé des impôts supplémentaires de 1 300 000 000 $. (15 h 30)

On a essayé aussi de le faire dans le contexte suivant où au fil des années on s'est efforcés d'alléger le fardeau fiscal des petits salariés au Québec et d'augmenter le fardeau fiscal des plus hauts salariés, conformément à des principes qu'on partage de ce point de vue. Je pense que sur cela non plus on n'a pas de querelle. Je veux juste donner un exemple de ceci. Quand on est arrivés au pouvoir les Québécois payaient en moyenne 20% de plus d'impôt que les Ontariens; je parle des particuliers. On sait que jusqu'à la veille de la crise actuelle on avait réussi à ramener cet écart à 10% globalement. Plus spécifiquement, on avait réussi à éliminer l'écart qui existait entre la surcharge d'impôt payée par le Québécois moyen, celui qui est au salaire industriel moyen canadien, celui qui gagne actuellement cette année autour de 20 000 $ à 22 000 $... On avait réussi à éliminer cet écart. De fait, actuellement, le Québécois moyen qui a un salaire d'environ 20 000 $ à 22 000 $ paie moins d'impôt maintenant qu'en Ontario, alors que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976 tous les Québécois sans exception payaient plus d'impôt qu'en Ontario. Par contre le Québécois qui a des revenus plus élevés, supérieurs à 35 000 $ à 40 000 $, c'est vrai que son écart relativement à l'Ontario s'est agrandi depuis 1976.

J'explique cela afin de démontrer le cheminement que l'on a pris pour essayer de mieux répartir le fardeau fiscal au Québec entre les plus petits salariés et les plus hauts salariés. On a éliminé aussi des taxes très régressives comme la taxe de vente sur les produits essentiels et des choses comme cela. Ceci étant dit, malgré tout on a été

obligés, pour boucler notre budget en 1982-1983, d'augmenter les impôts de 1 300 000 000 $ et d'essayer de le répartir le mieux possible.

De ce point de vue aussi mentionnons que les entreprises, pendant ce temps, ont vu leur fardeau fiscal relativement à l'Ontario augmenter durant les dernières années. Elles payaient le même fardeau fiscal que l'Ontario en 1976 et on se retrouve cette année au milieu de la crise. À la veille de la crise elles payaient environ 5% de plus qu'en Ontario. Maintenant, à cause de la crise, elles vont payer cette année 15% de plus d'impôt que l'Ontario. Je pense que de ce côté aussi on démontre qu'on a essayé de faire partager le fardeau aux entreprises, en tout cas à celles qui font des profits. On ne peut pas taxer les profits des entreprises qui ne font pas de bénéfices. Celles qui font des profits actuellement payent 15% de plus d'impôt qu'en Ontario alors qu'elles payaient le même fardeau en 1976. Malgré cela on sait qu'on avait quand même, pour boucler notre budget, un écart considérable entre nos revenus et nos dépenses. Alors, on a comprimé nos dépenses. Cette année, pour comprimer ces dépenses, pour boucler notre budget, on a comprimé les dépenses sur une base cumulative de 1 400 000 000 $. Ce ne sont pas des petits montants. Plus 1 300 000 000 $ d'impôt, moins 1 400 000 000 $ de dépenses. 800 000 000 $ l'an dernier, c'est cumulatif, plus 600 000 000 $ cette année, cela fait bien 1 400 000 000 $ de compressions. Vous savez tous, on sait tous ce que ces compressions veulent dire. Ce ne sont pas des compressions théoriques. On sait que ce sont des compressions très concrètes, puisque vos membres, entre autres, sont en mesure de témoigner que cela cause des problèmes dans leur milieu de travail. Les Québécois en général savent que cela cause des problèmes. Évidemment, cela demande des réajustements auxquels on n'était pas habitué.

Pendant ce temps, on a aussi porté l'impasse budgétaire à son maximum. On a emprunté des sommes considérables. Les besoins financiers nets ont été portés autour de 2 000 000 000 $ trois années consécutivement, justement pour maximiser d'abord l'effet du budget sur le plan du développement économique et aussi pour nous permettre quand même de poursuivre les objectifs qu'on s'était donnés en matière de réduction d'impôt et de ne pas aggraver les compressions budgétaires au-delà de ce qu'il était raisonnable de faire.

Il reste qu'on est allé vraiment au maximum de nos possibilités d'emprunt et il y a beaucoup d'économistes qui ont dit que, de ce point de vue, on avait été le seul gouvernement à avoir une politique de stimulation sur le plan budgétaire en utilisant le déficit justement comme stimulant économique en période de basse conjoncture. C'est un diagnostic que vos économistes et les nôtres partagent, je pense. En tout cas, j'ai entendu certains des vôtres exprimer leur accord de ce point de vue là.

Une fois qu'on a eu fini tout cela, on s'est retrouvé, malgré tout, avec un trou d'environ 600 000 000 000 $.

Une voix: 600 000 000 $.

M. de Belleval: 600 000 000 $, excusez, et même si le chiffre est moins élevé que 6 000 000 000 $, cela reste quand même un gros chiffre. S'il fallait compter 600 000 000 $ ici, on passerait pas mal de siècles à les compter tous ensemble. 600 000 000 $, c'est quelque chose. Il nous manquait encore, après avoir tout fait cela, 600 000 000 $. Alors, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on fait? Je pense que vos représentants auront la possibilité tantôt d'exprimer leur point de vue. J'essaie quand même, du mieux que je peux, d'exposer les contraintes dans lesquelles on était placé et de quelle façon d'ailleurs on a fait face à ces contraintes au fil des années. On s'est dit aussi qu'il était important qu'on dégage la marge de manoeuvre la plus grande possible pour l'utiliser sur le plan de la relance économique, ou enfin du maintien de l'emploi ou de la sauvegarde des emplois existants.

Je voudrais répondre d'une certaine façon à ce que disait M. Laberge tantôt, lorsqu'il disait: Oui, mais effectuer une coupure de salaire dans le secteur public, cela ne donne pas nécessairement d'emploi à un travailleur du secteur privé, cela ne donne pas nécessairement quelque chose à un travailleur du secteur privé. Il a raison théoriquement, mais, pratiquement, concrètement, si on utilise la marge de manoeuvre sur le plan budgétaire qu'on obtient par une diminution de nos dépenses salariales, si on l'utilise pour un programme de relance économique, comme celui qu'on a annoncé, par exemple, avant-hier, vous admettrez qu'on fait bon usage des sommes qu'on dégage, parce que cela nous permet de remettre au travail, même si c'est temporairement - on fait ce qu'on peut comme gouvernement provincial - cela nous permet de remettre au travail quelques-uns de vos membres dans les syndicats du secteur privé qui ont épuisé même leurs prestations d'assurance-chômage à l'occasion, et qui sont rendus, comme vous l'avez dit tantôt, sur le bien-être social.

Donc, de ce côté-là, on utilise correctement notre marge de manoeuvre. On aimerait avoir une marge de manoeuvre plus grande, mais on s'est dit: Pour créer cette marge de manoeuvre la plus grande possible, une fois qu'on a augmenté les impôts comme on l'a fait, une fois qu'on a diminué nos dépenses comme on l'a fait, une fois qu'on a

emprunté autant qu'on l'a fait, qui d'autre peut nous permettre de boucler le budget et de dégager la plus grande marge de manoeuvre possible pour remettre au travail des travailleurs du secteur privé qui ont perdu leur emploi? On s'est dit: Ceux qui peuvent faire un effort de ce côté-là dans le contexte actuel, ce sont les salariés du secteur public.

Pour des raisons sur lesquelles je ne veux pas revenir ici, on peut encore être en désaccord sur certaines analyses qui se font, sur l'écart qui existe entre le secteur public et le secteur privé, mais on est d'accord, je pense bien, pour dire que dans l'état actuel des choses, avec la sécurité d'emploi pour les travailleurs réguliers, etc., vous êtes à même de le faire d'ailleurs, quand on compare le sort qui est donné à nos travailleurs du secteur public par rapport aux travailleurs du secteur privé, on a pensé que ce serait conforme à nos objectifs sociaux comme aux vôtres de demander à ces travailleurs de faire un effort. On s'est dit qu'on pourrait faire cet effort de la façon suivante: C'est que les plus bas salariés, parce que même si les gens qui ont un emploi dans le secteur public actuellement sont, d'une certaine façon, favorisés par rapport aux autres, c'est évident qu'à 13 000 $, 14 000 $ et 15 000 $ par année, ce n'est pas le pactole, ce n'est pas le Pérou.

Même si on demande un effort à tout le monde, il est normal qu'on essaie, malgré tout, de protéger le plus possible le pouvoir d'achat des petits salariés. C'est conforme d'ailleurs à des objectifs qu'on partage de réduire les écarts autant que possible entre les plus bas et les plus hauts en temps normal, encore plus évidemment en temps de crise. C'est ce qui nous a amenés à vous faire la proposition qu'on vous a faite, de moduler les restrictions salariales et de répartir les 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ qui restent quand même disponibles pour des augmentations, de les répartir à toutes fins utiles en protégeant presque complètement, ou complètement, je pense, les bas salariés entre 13 000 $ et 20 000 $, en allant en déclinant vers les plus hauts.

Je pense que sur la méthodologie, de ce point de vue, cela rejoint des objectifs communs. Mais là où cela ne marche pas, c'est que vous dites: Oui, c'est bien beau, mais on aimerait pouvoir négocier cela, le montant sans doute. J'en arrive à mes interrogations. J'aimerais qu'on essaie d'éclaircir nos points de vue relatifs là-dessus.

D'abord, j'aimerais avoir vos commentaires sur l'analyse que je viens de faire. Est-ce que c'est une analyse qui vous apparaît valable ou pas? Est-ce qu'il y a des points là-dedans qui vous apparaissent contestables, est-ce que vous trouvez qu'il y a des aspects là-dedans qui sont mal posés? Deuxièmement, étant entendu qu'il faut qu'on dépose un budget, on ne peut pas laisser un trou dans le budget de 500 000 000 $ à 600 000 000 $ comme cela en laissant le budget une patte en l'air. Compte tenu des délais qui étaient en cause, on s'est dit: On va prendre nos responsabilités et on va indiquer d'avance où on va les trouver ces 500 000 000 $, comment est-ce qu'on va le boucler, ce budget. De cette façon, on cause de l'analyse que l'on a faite? Est-ce que cela vous apparaît un sacrifice, une contribution trop grande? Est-ce que 520 000 000 $, cela vous apparaît trop grand, trop fort, c'est trop demandé? Je vous pose la question: Compte tenu aussi du fait qu'on a besoin de la marge de manoeuvre la plus grande pour relancer l'économie, maintenir l'emploi des autres, n'oublions pas que toute ponction additionnelle que l'on ferait, ce serait autant d'argent de moins pour justement la relance économique, pour créer d'autres emplois.

Par exemple, dans le plan de relance de M. Landry, hier, on a mis 160 000 000 $. Si l'on pouvait économiser un autre 40 000 000 $ quelque part, je pense bien qu'on serait d'accord pour dire que la priorité, c'est de les mettre dans le fonds de relance. Plutôt que de remettre à l'ouvrage 25 000 personnes on en mettrait 30 000. Si on avait un autre 100 000 000 $ ailleurs, si l'on pouvait emprunter 100 000 000 $ de plus, si l'on pouvait taxer les Québécois de 100 000 000 $ de plus ou si vous acceptiez de faire une contribution de plus de 520 000 000 $, cela serait autant qu'on devrait mettre dans le fonds de relance pour créer encore plus d'emplois pour mettre à l'ouvrage des travailleurs de la CSD, de la FTQ ou de la CSN dans le secteur privé, qui sont actuellement privés d'emploi. Est-ce que cela vous apparaît une façon correcte d'envisager les choses? Quant à nous, on peut s'être trompés, on peut être tout de travers, mais on a pensé que c'était comme cela que les choses devaient se présenter. On pensait que dans ce contexte, sur beaucoup de ces éléments d'analyse, on se rejoignait, on était sur la même longueur d'onde, qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge, avant de vous donner la parole, j'aimerais rappeler à l'assistance que j'apprécierais un peu plus de calme parce que c'est pour le mieux-être de tout le monde ici. Nous sommes ici pour entendre les représentants d'organismes et je voudrais bien qu'on les entende; si l'atmosphère fait qu'on ne peut plus les entendre, je vais devoir suspendre les travaux tout simplement, chose que je ne voudrais pas faire. Alors, je demanderais un peu plus de... S'il vous plaît;

M. Laberge.

M. Laberge: M. le Président, avant d'essayer de répondre à la question du ministre, j'aimerais demander aux gens ici, en arrière de nous et sur les côtés, de bien vouloir porter attention parce qu'on ne voudrait pas non plus que cela se termine en queue de poisson. Quant à moi, il me semble qu'on traverse une période tellement difficile qu'on n'a pas le droit de négliger toute possibilité d'en arriver, sinon à se comprendre, du moins à s'entendre. (15 h 45)

Ce que vous faites - enfin ce n'est pas la première fois qu'on fait l'exercice, M. Bérubé l'a déjà fait avec sa petite craie et son tableau et... Bon - ce n'est pas offusquant pour nous, c'est ce que tous les patrons font à toutes les négociations que nous faisons, mais c'est à la table des négociations que cela se fait. Ils arrivent avec leur budget et ils plaident l'incapacité de payer, ils plaident que leur personnel est trop payé, qu'ils ont trop de personnel, que la productivité est trop basse. Cela se fait régulièrement à toutes les négociations, mais ça se fait en négociations. Là, vous m'arrivez avec une analyse comme celle-là. Si cela se faisait en négociations chez nous, les coordonnateurs se retourneraient vers nos économistes, vers le monde qu'on a, on vérifierait les chiffres, on arriverait et on dirait: Cela nous semble, toute proportion gardée, assez correct. D'ailleurs, on n'a jamais remis en question les 521 000 000 $.

En fait, c'est vous qui nous avez dit que l'an dernier vous aviez eu un autre trou de 500 000 000 $ dans le budget de l'Éducation. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est vous qui nous avez dit cela. Il n'y a pas eu de loi spéciale, il n'y a pas eu de remise en question des conventions collectives. On a un peu de misère à comprendre cela, mais à l'analyse, froidement, en supposant qu'on pourrait trouver de petites différences, mais en supposant que vous arrivez à 521 000 000 $, parfaitl D'accord. Comment fait-on pour combler la différence? Moi, je ne suis pas ici pour négocier et ce n'est pas mon mandat, mais il y a une chose qui est certaine: Si le gouvernement avait essayé de négocier, et c'est ce qu'on a dit il y a plusieurs mois avant qu'on entreprenne la tournée, les trois centrales ensemble, on a dit: Que le gouvernement nous arrive très honnêtement, on ne discute toujours pas avec l'entreprise privée qui essaie de faire des profits; que le gouvernement mette cartes sur table, qu'on regarde l'ampleur du problème, qu'on regarde tout cela ensemble. Pas nous annoncer une coupure dans le fonds de retraite, une coupure dans les échelons et une autre coupure après cela dans les salaires; qu'on regarde tout l'ensemble et qu'on voie ce qu'il y a moyen de faire.

Lorsque arrive le temps de négocier dans une crise économique, il est bien évident que nous sommes moins bien placés pour négocier des améliorations aux conventions collectives que lorsque l'entreprise est florissante et que tout va bien, bien sûr. Mais encore là, une fois qu'on a les chiffres, on s'assoie et on en discute. Mais l'attitude du gouvernement, que voulez-vous que je vous dise, ce n'est pas ma faute, ça été tout le contraire. Vous avez commencé par établir vos besoins et vous avez dit après: Cela nous les prend. Nous autres, on a regardé et on ne peut pas aller les chercher ailleurs; c'est dans vos poches qu'on va les chercher. D'ailleurs, je pourrais vous donner le nom d'un de mes interlocuteurs une fois au téléphone qui m'a dit de façon très gentille, et cela prédispose pour les négociations: On a décidé qu'on a besoin de 521 000 000 $ et c'est dans vos poches qu'on va les chercher. Que vous aimiez cela ou que vous n'aimiez pas cela, d'une façon ou d'une autre, on va les chercher. Tu comprends que, lorsqu'on prend un langage comme celui-là, il ne faut pas après se demander pourquoi l'autre partie semble moins réceptive.

Il y a un besoin. Si le gouvernement avait dit: On est prêt à vous rencontrer, on a établi le besoin, par exemple, au sommet économique de Québec. Les centrales syndicales, je pense, ont laissé entendre qu'on était prêts nous aussi à regarder et la situation économique, et la crise économique, et la crise budgétaire, et voir ce qu'il y a moyen de faire comme citoyens du Québec. Je pense qu'on est des citoyens du Québec à part entière, comme les membres du gouvernement et les membres de l'Opposition, et ça nous intéresse autant que n'importe qui, sauf qu'il faut quand même se rendre à l'évidence que ce ne sont pas les travailleurs qui ont causé la crise. Bien sûr, il y a des relents à la crise de l'international, il y a des relents de Reagan, il y a des relents de Trudeau, puis il y a des relents peut-être bien de nous autres aussi un peu ici au Québec, mais une fois qu'on a tout mis cela ensemble, regardons la situation et essayons ensemble de négocier. On ne cesse pas de répéter cela, mais la loi no 70 vient mettre un bâton dans les roues et, si je vous comprends bien, vous dites: Cela nous prend ça absolument. Autrement, êtes-vous prêts - encore à midi, en "lunchant", on a eu l'occasion de rencontrer quelques membres de la commission parlementaire - seriez-vous prêts à nous garantir le 521 000 000 $? Voyons donc! On ne peut pas penser à la négociation. S'il fallait qu'on demande à un employeur avant de commencer les négociations: on demande 1,50$ l'heure d'augmentation, êtes-vous prêts à nous garantir que vous allez nous

l'accorder? Autrement, on ne négocie pas.

M. de Belleval: Mais M. Laberge, justement sur ce point...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: ... vous avez raison dans le contexte où vous donnez votre exemple, mais le problème, c'est que, nous, on est dans un contexte budgétaire où il faut fermer le budget, on ne peut pas laisser le budget avec un trou de 600 000 000 $ et se demander d'où est-ce qu'il va venir ce 600 000 000 $?

M. Laberge: Vous ne pouvez pas faire ça.

M. de Belleval: On ne peut pas faire ça. Et vous savez que la loi de l'administration financière exige que le budget soit clos à un moment donné. Il faut dire, dans le budget, où on va dépenser l'argent et d'où vont nous venir les revenus. On ne peut pas laisser flotter dans l'air un trou de 600 000 000 $, en disant: Eh! Bien, on ne sait pas comment on va aller chercher cela. Cela va dépendre. On va s'asseoir avec les chefs syndicaux et, si cela va bien, ils vont nous permettre d'aller chercher 520 000 000 $ dans les augmentations de salaires proposées. C'est comme ça qu'on va le régler. Mais la question est que si ça ne marche pas, qu'est-ce qu'on répond? On répond comme M. Ryan: Bien là, vous allez passer une loi et cela va être comme cela et, de toute façon cela va être 520 000 000 $. Ou bien, on dit aux Québécois: Écoutez, sur une période de trois mois, on ne s'entend pas et on respecte le prérequis syndical selon lequel il ne faut toucher à rien unilatéralement et cela ouvre jusqu'après le 1er janvier, compte tenu de l'argumentation syndicale sur le Code du travail et tout ça. Bien, cela veut dire qu'on leur impose une augmentation d'impôt supplémentaire de 2,4 milliards de dollars sur une base annuelle pour trouver les 600 000 000 $ qui nous manquent entre le 1er janvier et le 31 mars. Cela, c'en est une maudite épée de Damoclès.

M. Laberge: Bon, et puis là, vous dites: on a rencontré les centrales, on a essayé de négocier de bonne foi et elles ne veulent rien savoir de nous, elles nous envoient promener, alors on n'a pas le bhoix, on augmente vos impôts de 10%. Pourrais-je vous dire que nous autres, on n'a pas de chauffeur privé, costumé pour nous protéger, et qu'on se promène dans la rue tous les jours? Je n'aimerais pas être placé dans une telle situation. Moi, quand un gars me court après et qu'il me rejoint, je n'ai pas les jambes longues, je n'ai pas de policiers pour me défendre, je suis obligé de faire cela tout seul. D'accord? On n'est pas plus niaiseux que qui que ce soit d'autre, on le sait, on comprend tout ça, mais le moins que vous auriez pu faire, c'est de vous asseoir et essayer de négocier, puis de voir s'il est vrai que les centrales syndicales sont intransigeantes ou ne veulent rien savoir. Puis, une fois que vous aurez essayé et si c'est cela la réponse, bien là, vous le direz et on prendra notre biscuit.

Mais de la manière dont vous agissez, c'est vous autres qui êtes d'une intransigeance épouvantable, incroyable, condamnable. Vous dites: le revolver est sur la table vous nous donnez 521 000 000 $ ou on vous le prend. Si c'est cela que vous appelez de la négociation, vous et moi avons besoin de retourner à l'école, parce qu'on ne se comprend plus du tout.

M. de Belleval: M. Laberge, ceci étant dit, c'est bien beau...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: On pourrait bien échanger comme cela indéfiniment. Il n'en reste pas moins qu'il faut qu'on dise aux Québécois, nous du gouvernement, nous avons la responsabilité et l'obligation de le faire, comment on va boucler le budget? Et je vous ai expliqué tantôt pourquoi on en était arrivé à leur dire, aux Québécois comme à vous autres, comment on allait boucler le budget. On pense que c'est la solution la plus équitable, la plus socialement juste, compte tenu, je vous l'ai dit, des impôts supplémentaires qu'on a déjà haussés, des compressions qu'on a faites et des emprunts qu'on a contractés. Je pense que, là-dessus, il me semble qu'on soit plus honnête avec tout le monde et c'est justement le contraire de mettre un revolver sur la tempe de quelqu'un que de lui exposer, avec tous les livres sur la table, dans quelle situation on est et de lui expliquer comment on pense s'en sortir de la façon la plus juste et la plus équitable possible. Il me semble que cela, c'est fort différent de ce que bien d'autres gouvernements auraient fait, peut-être d'une façon vraiment hypocrite, en laissant planer bien des doutes et, à la fin, en disant: Boum! bien, c'est comme ça.

Il me semble que c'est une façon plus civilisée de faire les choses qu'essayer de défendre nos positions sur le fond plutôt que d'essayer de jouer au fou et de faire accroire qu'on va aller trouver 600 000 000 $ de plus dans les poches des contribuables, qu'on va pouvoir emprunter 600 000 000 $ de plus ou qu'on va faire des compressions de 600 000 000 $ de plus et s'enlever tout moyen de trouver le peu de

marge de manoeuvre qu'on ait pour remettre du monde au travail et qui sont vos propres syndiqués à part cela. Il me semble que c'est plus honnête de faire cela. C'est plus valable socialement que de jouer aux fous. C'est cela qu'on a fait.

Le Président (M. Bordeleau): M. Corriveau.

M. Corriveau: M. le Président, au nom de l'honnêteté, on peut faire pas mal de choses. Il y a une chose que je peux vous dire, des commentaires que je peux transmettre: Ôtez vos lois, dirigez-vous à une table de négociation où la bonne foi régnera. Après, vous pourrez nous dire les mêmes propos que vous tenez. Vous ne les faites pas ces démarches. Quelles craintes ou quoi vous engagent à ne pas faire cela? C'est cela que je trouve vraiment curieux. On vous l'a demandé, on vous l'a dite cette chose, mais vous ne semblez pas sympathiser avec cette démarche. Qu'est-ce que cela prendrait pour vous le faire faire?

M. de Belleval: On comprend cela, on est d'accord.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Corriveau: Écoutez bien. Quand vous dites que vous êtes d'accord, vous l'êtes certainement. Mais allez vous asseoir à une table de négociation, ôtez vos lois et la bonne foi va être là. C'est cela qui devrait régner. Actuellement on vous le dit, nous, notre bonne foi est là, mais c'est la vôtre qui n'y est pas. Mettez-la là-bas et on va aller négocier.

M. de Belleval: Le problème, M. Corriveau...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. de Belleval: On est d'accord avec l'analyse de ce point de vue. Le problème, c'est qu'il faut boucler le budget. On ne peut pas laisser le budget en l'air comme cela. Vous le savez.

M. Corriveau: M. de Belleval, je ne négocierai pas ici. On vous l'a dit que les négociations devraient se faire à une table. Rapportez-vous à la table de négociation, mettez-y de la bonne foi, retirez vos lois et après on se reparlera. Faites-le ce bout de chemin.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin. Ensuite M. Laberge.

M. Gaulin: M. le Président, je ne peux pas marcher dans le débat, tel que M. de Belleval le présente. On essaie de ramener cela à un débat de comptabilité, fût-elle nationale, alors que le gouvernement a fait des choix politiques. On ne peut pas être indifférent au choix des méthodes. Vous semblez vous dire indifférents au choix des méthodes.

On peut mettre à feu le régime de relations du travail au Québec, on peut s'orienter et se diriger sur la voie de l'affrontement. Allons-y peu importe, pourvu que cela donne 521 0D0 000 $ dans le budget du gouvernement. Le débat sur les impôts peut se faire dans la société, on est prêts à participer à cela. Il y a des marges de manoeuvre en termes d'imposition au Québec. On a suggéré toute une série de propositions, dans le cadre du sommet, qui permettaient de débattre de l'impôt. Les gens au Québec sont prêts, en échange de services, bien sûr, à regarder des choses. Je connais bien des gens qui aimeraient mieux payer un peu plus d'impôt et payer moins cher pour des services publics ou des services privés, quand ils ne sont pas publics. Cela fait partie des débats.

Les comparaisons entre le Québec et l'Ontario, cela peut s'amener aux tables de négociation. Cela fait 20 ans qu'on attend cela. À chacune des rondes de négociations, on en a fait des comparaisons. Le meilleur endroit pour en discuter, c'est la table de négociation. Vous avez un projet de loi qui est éminemment politique et qui a fait des choix dans tout cela. Vous avez décidé, par exemple, de ne pas toucher à la Sûreté provinciale, aux politiciens et aux juges et de préserver un certain appareil. Vous avez choisi des cibles, des catégories de travailleurs, dans le secteur public. Vous avez dit: c'est cette catégorie qui va payer. Vous avez décidé d'attaquer les régimes de retraite du secteur public, alors qu'il n'y a pas d'urgence et qu'il y avait une négociation qui s'en venait sur ces éléments. Il y avait des possibilités, des débats à faire sur tout le domaine de la fiscalité.

Je crois que l'option qui a été faite par le gouvernement, c'est l'option de la fatalité. On a dit: on va régler cela d'une manière plus sûre pour nous et de cette manière, peu importe le prix que cela va coûter. En même temps on écrit dans le discours sur le budget - je faisais allusion à cela ce matin - que le gouvernement aurait récupéré 2 300 000 000 $ ou que cela aurait coûté 2 300 000 000 $ pour les conventions collectives cette annnée, avec l'ancien régime, si on avait continué les conditions de travail. En même temps qu'on met ces gros chiffres comme résultat de la libre négociation, on est prêt à tout faire sauter pour 52 000 000 $. Je ne comprends pas la logique de tout cela. Si la négociation permet au gouvernement d'atteindre certains

de ses objectifs, est-ce que ce n'est pas le meilleur moyen pour discuter et déterminer des conditions de travail qui seront acceptées mutuellement par les parties, pour s'assurer du fonctionnement harmonieux d'un régime de travail et pour s'assurer d'une certaine productivité, si on conteste la productivité des travailleurs du secteur public? Là, on va parler de productivité des travailleurs, on va vouloir améliorer la productivité des travailleurs et on les harcèle et on les menace et on les accuse de toutes sortes de choses. On les méprise quasiment à longueur de journée depuis des mois. Il me semble que lorsqu'on a des objectifs, il faut prendre des moyens qui ne permettent pas juste de boucler le budget dans six mois, mais qui permettent d'atteindre ces objectifs. Ce qu'on vous dit, c'est que les moyens que vous utilisez sont importants, parce qu'ils remettent en cause des principes fondamentaux dans notre société et qu'ils ne permettront pas au gouvernement d'atteindre ses objectifs. (16 heures)

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre, si vous voulez réagir et ensuite M. Laberge.

M. Bérubé: M. Gaulin a soulevé le problème de la Sûreté du Québec. Il y en a d'autres. Je vais les mentionner rapidement. Il y a une décision que le gouvernement a prise et je pense que vous ne me la reprocherez pas celle-là. C'est de ne pas rouvrir les conventions collectives en cours. Or, la Sûreté du Québec...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Bérubé: Donc, de ne pas modifier les conventions avant leur échéance. C'est la décision que le gouvernement a prise. La Sûreté du Québec a une convention qui la mène jusqu'à la fin de 1983. Donc, nous ne la touchons pas. Quant aux juges, ils sont touchés, parce que le salaire des juges est accroché à la rémunération des cadres du gouvernement oui, comme vous le savez n'auront aucune augmentation de salaire, se situant dans la fourchette de salaire supérieure.

Quant aux agents de la paix, ils sont présentement en voie de négociations. On est tous au courant du problème qu'on a eu avec les affiliations syndicales et les agents de la paix n'ont pas de convention collective présentement. Par conséquent, c'est à la table des négociations où ils sont présentement en train denégocier, que se fait la discussion.

Le Président (M. Bordeleau): M.

Laberge, si vous voulez compléter.

M. Laberge: M. le Président, je tiens à vous dire que je ne m'associe pas du tout à cette discussion. Je ne veux pas que cela passe sur notre dos qu'on vous ait demandé de charger les policiers. J'ai souvent affaire à eux. Comme on n'a pas beaucoup d'amis dans la magistrature, alors nous parlerons d'autre chose. Toute votre analyse, M. de Belleval, quitte évidemment à vérifier chacun des articles mentionnés, me semble pensée, raisonnée, etc. Je comprends que le gouvernement pouvait avoir déterminé qu'il devait montrer ses couleurs. Est-ce que ce sera par des augmentations d'impôt encore plus drastiques? Est-ce que ce sera par des coupures de services encore plus drastiques -ce ne sont plus des compressions, ce sont des coupures de services et encore plus drastiques - ou en allant dans la masse salariale des secteurs public et parapublic?

Vous dites que la population se devait de savoir où le gouvernement se dirigeait. J'ai l'impression que la population le sait et nous aussi. Vous avez le projet de loi 70 qui doit prendre effet le 1er janvier 1983. Donnez-moi une seule explication logique pour qu'il faille absolument que le projet de loi 70 soit adopté avant les vacances d'été, vu qu'il ne prendra effet que le 1er janvier 1983. Donnez-moi une seule explication logique à cela, une seule!

Le Président (M. Bordeleau): M. de Belleval?

M. de Belleval: J'ai déjà répondu à votre question, M. Laberge. On a un processus budgétaire qui est encadré par une loi qui nous est propre, bien sûr, au Québec, la Loi de l'administration financière. De ce côté, on suit de toute façon ce qui est, d'ailleurs, la tradition, mais ce qui est aussi dans les lois de la plupart des pays avec lesquels nous sommes voisins. Il faut qu'à tous les ans, le gouvernement présente un budget, il faut qu'il indique, à tous les ans dans une loi et dans les lois ancillaires s'il a besoin de lois ancillaires pour concrétiser la loi budgétaire comme telle où il prendra ses revenus et quelles dépenses il fera. Il ne peut pas laisser les choses en suspens en disant: il nous manque tant d'argent et on ne sait pas où nous irons le chercher. On aimerait bien aller le chercher là, mais cela va dépendre. On ne peut pas faire cela. Cependant, une fois que nos couleurs sont annoncées, de ce point de vue, il n'y a rien qui nous empêche, une fois qu'on a mis le point final, l'espèce de limite au-delà de laquelle on ne peut pas aller, qui ferme, disons, le budget, il n'y a rien qui nous empêche en cours d'exercice et même dans nos lois - et c'est ce qu'on fait dans la loi 70 - de dire que toute autre façon qui nous permettrait d'atteindre les mêmes équilibres peut aussi être employée. Légalement c'est

valable, c'est conforme au principe de la Loi sur l'administration financière.

C'est ce qu'on fait au fond dans le projet de loi. On dit: Si on s'entend, par ailleurs, sur toute autre façon d'arriver au "bottom line", au fond du baril, si on veut, une fois que les équilibres sont définitifs, une fois qu'on sait d'où viennent les revenus et où vont les dépenses à l'intérieur du projet de loi on peut le faire. C'est pour cela que la négociation qu'on aurait ensemble nous permettrait de faire toutes les ententes possibles. Mais, si on ne met pas la limite où cela arrête, quels sont les équilibres et comment va-t-on atteindre ces équilibres dans la loi?

M. Laberge: Quelle est la date de la limite?

M. de Belleval: La limite est l'adoption du budget, qui survient normalement, comme vous le savez, au mois d'avril, au mois de mai, avant la fin de la session du printemps, comme dans toutes les Assemblées, d'ailleurs.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge et ensuite M. Munn.

M. Laberge: M. de Belleval, avec tout le respect que je vous dois, tout le monde sait qu'à tous les ans ou à peu près un budget est adopté et il y a ensuite un budget supplémentaire. Tous les ans ou à peu près, il arrive des surprises. En 1981, c'était le trou de 500 000 000 $ dans le système de l'éducation. Vous n'avez pas virer tout à l'envers pour cela.

Voici ce que je vous suggère. Vous adoptez la loi 70, on vous l'a dit ce matin et Dieu sait qu'on n'est pas ici pour vous emmerder, on l'a déjà prouvé à maintes reprises, c'est une loi absolument infecte et odieuse, qui est absolument inacceptable. Quelle garantie avez-vous, une fois que vous adoptez cette loi, que les dépenses et les revenus vont être tels que vous les avez prévus? Je pourrais quasiment vous suggérer que cela ne vous prendra pas trois mois pour récupérer vos 520 000 000 $, vous allez quasiment pouvoir le faire en trois semaines. Prenez votre crayon et calculez, cela va vous donner ma réponse.

M. de Belleval: Je termine, là-dessus, M. Laberge.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, s'il vous plaît!

M. de Belleval: II y a un devoir constitutionnel du gouvernement. Aucun gouvernement ne pourrait continuer à assumer les fonctions de gouvernement s'il n'était pas en mesure de présenter son budget. Quand il apprend qu'en cours d'exercice les équilibres qu'il a fait adopter par une loi à l'Assemblée nationale... N'oubliez pas que, dans nos Parlements, le premier droit des parlementaires, et du peuple d'ailleurs, dans nos sociétés démocratiques, c'est de connaître le budget gouvernemental. Le gouvernement doit justifier ses impôts et ses dépenses. C'est sa première responsabilité constitutionnelle dans un pays démocratique.

Quand, en cours d'exercice, il apprend, à cause de l'évolution normale des choses, qu'il doit modifier sa loi budgétaire, il est obligé, à la première occasion, de l'indiquer au Parlement et il doit présenter un budget correctif. C'est ce que nous faisons effectivement. Vous parlez des surprises qu'on a eues à certains moments; on y a fait face, on les a annoncées à la population. Le ministre des Finances n'a pas essayé de cacher les faits, il a respecté son devoir constitutionnel. Il est venu devant la Chambre et il a dit: Je viens de constater une nouvelle situation. Il a indiqué en même temps quel moyen il prendrait pour corriger les déséquilibres budgétaires auxquels il devait faire face, compte tenu des équilibres qu'il avait précédemment fait adopter.

On ne peut pas comme gouvernement démocratique, et vous devriez être les premiers d'ailleurs à nous le reprocher à ce moment-là, se dérober à sa première responsabilité comme gouvernement. Si on ne faisait pas cela, on serait méprisable et vous auriez raison, cette fois, de nous mépriser.

Le Président (M. Bordeleau): M. Munn.

M. Munn: J'ai trois points, si vous me permettez. Le 15 avril, quand vous nous avez fait votre demande de réouverture, on ne vous a pas dit: Non, on ne veut rien savoir. On vous a répondu par une proposition sérieuse de négociation.

Deuxième point. Le principe de la libre négociation, c'est un principe fondamental aussi, en démocratie. Ce n'est pas par des lois, ce n'est pas par des décrets et ce n'est pas par des ultimatums qu'on réussit à en arriver à un consensus.

Le troisième point. On ne parle pas de conventions non écrites, on parle de conventions signées et négociées. Êtes-vous prêts à venir vous asseoir et à venir négocier de bonne foi et avec l'intention de conclure une entente?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: La réponse à cette question est oui.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Bérubé: C'est oui et d'ailleurs, le projet de loi 70 dit exactement, répète, réitère la position que nous avons prise. Ce que le député de Charlesbourg vient de nous expliquer, c'est essentiellement que nous devons dire à la population, comment nous allons régler l'impasse budgétaire. Donc, il faut à un moment donné prendre position. Le gouvernement a pris position. Il a décidé que non, il ne pourrait pas hausser les taxes, que non, il n'augmenterait pas son déficit et, par conséquent, il a fait des choix budgétaires. Les ayant faits, vous nous dites: Bon, d'accord, c'est clair que si l'on ne s'entend pas à la table de négociation, eh bien, tant pis, vous nous l'appliquerez. Mais là, c'est essentiellement se promener avec une sorte de projet de loi dans la poche: à intervalles réguliers, vous savez, on ouvre son veston pour bien montrer le projet de loi qui s'en vient et puis, on appellerait cela négocier de bonne foi. Non, ce n'est pas de la négociation de bonne foi. Mais, au contraire, ayant pris une décision, ayant, face au choix, fait l'évaluation et tiré la conclusion qu'il fallait effectivement examiner du côté de la masse monétaire qui va à la rémunération, c'est-à-dire les 12 000 000 000 $, il fallait trouver une marge de manoeuvre là. À ce moment, il est beaucoup plus honnête de le dire dès le départ et de faire en sorte que ce ne soit pas une menace, un chantage, continuellement manié à la table de négociation. Bien au contraire, on se retrouve avec une négociation franche, avec les enjeux sur la table et cela m'apparaît beaucoup plus correct.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge, ensuite M. Lavoie.

M. Laberge: M. le Président, là, vous m'avez perdu dans la troisième cuve. Reprenons. Vous dites: Je ne suis pas pour me promener avec un projet de loi dans ma poche et le montrer de temps à autre: c'est une menace. Là, vous dites: On va adopter la loi et vous aurez chacun une copie dans votre poche, je n'aurai plus besoin de me promener.

M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge, oui.

M. Laberge: ... la question que je veux poser au ministre est la suivante. Si nous avions pris un vote de grève en disant au ministre: cette année, c'est 375 $ minimum que cela nous prend dans tous les secteurs, dans les secteurs public et parapublic, 375 $ minimum; et si on ne l'a pas, c'est la grève à partir de telle date. Vous auriez dit: Vous êtes de mauvaise foi. Vous avez pris un vote de grève avant même de vous être assis, avant même de faire vos demandes et avant même d'avoir écouté les propositions du gouvernement. En fait, la dernière fois, vous nous avez même reproché d'avoir pris un vote de grève trop vite, même si vous aviez retardé de six mois pour déposer vos offres. On était rendu à la fin de l'année et les offres n'étaient pas encore sur la table. Vous avez dit: Ils ont pris le vote de grève trop vite, les offres ne sont pas encore sur la table. Là, vous nous dites: "Ben non, ben non, les p'tits gars", c'est juste, c'est plus juste de même. On adopte la loi. Là, vous n'avez plus juste l'image de la guillotine, votre tête est sur le bloc. Là, j'ai la corde dans les mains et si cela ne marche pas, "bedang" tire la corde! J'ai bien de la misère à vous suivre.

Le Président (M. Bordeleau): M. Lavoie.

M. Lavoie (Gilles): En fait, la seule négociation qui est offerte par la loi 70, s'il y en a qui osent appeler cela de la négociation, c'est celle des conquistadors: c'est du "crois ou meurs", ou bien tu es chrétien ou je te coupe la tête. Il n'y a pas d'autre négociation que cela, là-dedans.

M. Grégoire: Cela ne peut pas être autre chose.

M. Lavoie: Quant à moi, ce qui m'importe...

M. Laberge: II y en a d'autres qui voudraient que le gouvernement change. Il n'y a pas que nous autres.

Le Président (M. Bordeleau): M. Lavoie, oui. (16 h 15)

M. Lavoie: Je voudrais souligner que j'ai entendu ici, ce matin et aujourd'hui beaucoup plus de sophismes que de réalités et de discours basés sur du concret. Je m'explique rapidement. Le sophisme qu'il y a là-dedans, c'est qu'on part en disant: il y a un trou de 521 000 000 $, c'est le salaire des employés de l'État et, après cela, c'est fini. Ce n'est pas comme cela. Un gouvernement ne peut pas décemment... On ne peut pas invoquer les règles administratives. Cela ne se fait pas à mon sens, même s'il n'y a pas de règles, que de porter au budget l'argent qui ne nous appartient pas. C'est cela la règle administrative de base. En tout cas, c'est une règle de comportement social, c'est la base minimale. Moi porter dans mon budget l'argent de mon frère ou de n'importe qui d'autre, je n'ai jamais fait cela. Et, lorsque j'ai besoin de le faire, je lui parle, je lui dis: Veux-tu me prêter de l'argent?

Le Président (M. Bordeleau): M. Lavoie.

M. Lavoie: Je termine tout simplement en disant ceci. Quand j'ai appris ce qu'était un sophisme, on m'a expliqué que c'était à peu près ceci: tu affirmes d'abord qu'un coup sur la tête, cela rend fou, ensuite, tu es mis dans une situation où tu reçois un coup sur la tête et, peu importe la sorte de coup que tu reçois, tu es toujours fou. C'est cela qu'on nous propose avec la loi 70.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. On a beaucoup évoqué le chiffre de 521 000 000 $, mais les équilibres financiers du gouvernement pour 1982-1983 requièrent également la récupération de 141 000 000 $. À peu près toutes les parties à la table du front commun, ont parlé également des changements au régime de retraite de la loi 68 par rapport à la loi 70. J'ai eu l'occasion, à titre de porte-parole de l'Opposition, de faire valoir - cela a été résumé comme cela dans les journaux - que c'était un bris de contrat à mon sens, quoiqu'il faille bien voir que les textes ont considérablement changé depuis 1973, alors que les conventions collectives de 1973-1976 contenaient des dispositions à l'effet que le gouvernemnt ne modifierait pas le RREGOP, par exemple, afin d'en venir à des conditions moins favorables que ce qui était prévu dans les conventions. On voit que les engagements pris au nom du gouvernement, en 1979, par l'ancien président du Conseil du trésor étaient plutôt à l'effet qu'au-delà des engagements sur l'évaluation actuarielle, le gouvernement, s'il y avait des taux de cotisations à modifier, rencontrerait la partie syndicale, lorsqu'une hausse de cotisation était requise, afin de discuster de tout réaménagement de bénéfices jugé pertinent.

Le président du Conseil du trésor a déjà indiqué que cette évolution dans les textes marquait une différence essentielle dans la nature de l'engagement du gouvernement à l'endroit des régimes de retraite. J'aimerais savoir si, quant à vous, vous voyez là un changement aussi essentiel que le prétend le gouvernement ou si plutôt - c'est ce que j'ai soutenu de toute façon et c'est ce que mes collègues soutiennent -c'est là un engagement du gouvernement, d'accord, mais qu'on n'ait pas démontré encore du côté du gouvernement qu'il y avait eu suite à cet engagement-là. À tout le moins et à ce titre, il y aurait bris de contrat, au moins partiel.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. Lafontaine.

M. Lafontaine (Réal): Là-dessus, il faut se dire qu'en 1979, quand on a signé la convention collective l'évaluation, actuarielle était connue. On savait, à ce moment-là, qu'on avait une évaluation actuarielle qui parlait d'une augmentation possible des cotisations.

Alors, il y a deux mécanismes qui ont été négociés avec le gouvernement: le premier, d'avoir un actuaire conseil qui pourrait étudier les hypothèses qui étaient utilisées dans l'évaluation actuarielle et le deuxième, qu'on pourrait à la place d'avoir une augmentation des cotisations, comme l'évaluation actuarielle le prévoyait, discuter ou négocier un réaménagement dans les bénéfices. Alors, c'est pourquoi le texte qui apparaissait aux conventions collectives de 1972 et de 1976, comme quoi il n'y aurait pas de modifications quant aux bénéfices, n'est pas réapparu dans la dernière convention collective, puisqu'on entrevoyait la possibilité de réaménager les bénéfices du régime de retraite. Mais, en aucun moment, à la table de négociation, cela a été une renonciation quant à la négociabilité du régime de retraite et, en aucun moment, dans la négociation n'est venu un réaménagement quant au partage des contributions au régime de retraite.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De façon plus précise ou récente, est-ce que vous avez rencontré le gouvernement pour discuter de ces choses-là, pour mettre à jour les évaluations?

M. Lafontaine: II y a eu une rencontre le 2 mars dernier avec le premier ministre, et à ce moment-là, on nous avait parlé de nous remettre toute la documentation pertinente quant aux aménagements, parce que, jusqu'au 2 mars, le gouvernement l'avait toujours refusé. On avait fait des demandes aussi à la Commission administrative du régime de retraite de nous remettre ces informations et on refusait de nous les donner. Le 2 mars, le premier ministre nous l'avait promis. À la première rencontre qui a suivi celle du 2 mars entre les coordonnateurs syndicaux et le coordonnateur du gouvernement, on a rappelé cette promesse du premier ministre. On nous a remis effectivement une documentation vers le 26 mars, c'est-à-dire après que les crédits aient été déposés à l'Assemblée nationale, je pense c'est que le 25 mars que vous avez déposé vos crédits.

Jamais depuis il n'y a eu de ces rencontres techniques qui avaient été promises par le premier ministre, lors de la rencontre du 2 mars, sur des réaménagements possibles au régime de retraite.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va?

M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. En fait, je suis d'accord avec ce que vient de dire M. Laberge, sur le sens qu'il a des solutions que l'on apporte et il nous dit: nous arrivons devant vous avec des solutions puantes provoquées par une situation économique pourrie. Je suis bien d'accord, mais devant la situation économique pourrie, il y a plusieurs solutions qui s'offraient au gouvernement. Il y avait d'abord celle d'emprunter. Les emprunts sont poussés au maximum dans le budget, 3 000 000 000 $ est le maximum de déficit que nous puissions faire. Donc, on ne peut pas compter en cours de route sur un budget supplémentaire, comme il a été fait, l'an passé, au mois de novembre.

Les taxes. Il a été convenu entre toutes les parties que les Québécois étaient assez taxés actuellement: assez, c'est assez. Troisièmement, dans les coupures, le gouvernement a fait son devoir en coupant le plus possible. Nous en sommes au point que, si nous coupons encore, nous serons obligés de couper dans des services presque essentiels, les soins dentaires, les subventions au transport en commun et, même, si on coupait trois fois ce que représentent ces deux services, il nous en manquerait encore pour trouver 500 000 000 $.

Quatrièmement, il reste une solution. C'est la solution de responsabilité de ce qu'on pourrait appeler, le gouvernement patron. Il faut protéger ceux qu'on dit les moins bien nantis en période de crise et nous sommes en période de crise. Nous avons, de notre côté, regardé quelle était notre part de responsabilité à prendre là-dedans, c'est-à-dire mettre sur la table quelles étaient les sommes qui étaient disponibles à un gouvernement d'irresponsables. Nous avons dit: nous n'avons pas 899 000 000 $, nous en avons 388 000 000 $. Notre part a été faite. Nous avons été francs, honnêtes, loyaux en le disant. Cela pue au nez, c'est vrai, mais nous avons été francs et honnêtes de le dire. Il reste à la deuxième partie de répondre à cet appel: Venez à la table dire à qui voulez-vous que ces 400 000 000 $ aillent, également à tout le monde ou préférablement aux moins bien nantis des salariés de la fonction publique. Et c'est ce qui résulte en la situation dans laquelle on vit actuellement.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.

M. Laberge: Bien justement, si c'était cela, on ne serait pas ici cet après-midi. Si le gouvernement avait dit voici nos besoins. Nous autres, nous ne pouvons pas envisager la possibilité d'augmenter les impôts, nous ne pouvons pas réduire les services davantage, parce que nous en sommes vraiment aux os. Nous pensons que la seule façon, c'est d'aller le chercher dans les salaires ou dans la masse salariale des secteurs public et parapublic. Venez vous asseoir à la table et discutons de cela. Cela presse! Venez-vous-en. Mais, ce n'est pas cela que vous faites. Je m'excuse. Le projet de loi 70 dit: nous allons aller vous chercher 521 000 000 $, que vous aimiez ça ou que vous n'aimiez pas ça. Maintenant, on est prêt à en discuter.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Nous sommes prêts à discuter des 400 000 000 $. À qui les syndicats veulent-ils que ces 400 000 000 $ offerts aillent, également à ceux qui gagnent 40 000 $ ou à ceux qui gagnent 35 000 $ ou à ceux qui gagnent 13 800 $? Nous, on demande que le syndicat vienne à la table et qu'il nous dise à qui il veut que l'on donne ces 400 000 000 $. Et je crois que le syndicat se doit de venir à la table, pour la répartition.

M. Laberge: Chez qui va-t-on chercher les 400 000 000 $, vous voulez dire? Non pas à qui on donne les 400 000 000 $? Chez qui on va le chercher, vous voulez dire?

M. Blais: C'est-à-dire les 400 000 000 $ qu'on ne va pas chercher.

M. Laberge: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.

M. Laberge: M. le Président, juste une toute toute petite question aux membres du comité.

Est-ce que vous croyez que le gouvernement a vraiment vu toutes les possibilités qu'il y a de faire cette chose? Pour être plus gentil, est-ce que vous croyez avoir la possession tranquille de la vérité et qu'il n'y a pas personne d'autre qui aurait des suggestions à vous faire?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je pense que la réponse à cette question, il faut aller la chercher d'abord dans les interventions de l'Opposition par exemple. Il faut aller la chercher également dans les discussions au sommet, dans des revues de presse où on pourrait voir qui a des solutions alternatives, qui a des propositions à faire qui puissent être analysées et faire en sorte qu'on puisse régler le problème. Je ne prétends pas que j'ai la science infuse et que je ne peux pas me tromper. Je peux cependant avoir un

certain nombre de spécialistes qui font des analyses les plus complètes possible, qui examinent le plus grand nombre de choix possible et, à partir de ces choix, de ces analyses, essayer d'en arriver à prendre une décision.

Lorsqu'il est devenu très clair, après la négociation des accords fiscaux, en début de février, et après avoir tenu le Conseil des ministres spécial à Sainte-Marguerite, qu'on se dirigeait vers une impasse budgétaire, que le budget que nous croyions à ce moment équilibré n'allait pas être équilibré, la décision a été prise de ne pas se prononcer sur ce que devrait être l'attitude gouvernementale en ce qui avait trait à son budget, mais d'aller à un sommet, de véritablement mettre tout sur la table, de faire l'analyse de l'ensemble de la problématique de manière que, tous ensemble, on puisse effectivement voir la réalité, la contester si nécessaire et en arriver finalement à en tirer des enseignements quant aux attitudes à prendre.

Or, je ne peux pas lire nulle part, dans aucun article, dans aucune analyse, la moindre proposition différente qui permettrait de résoudre la crise. Je ne prétends pas avoir la science infuse. Une chose est certaine, c'est qu'il n'y a certainement personne qui semble l'avoir non plus. Par conséquent, il faut bien que j'en revienne aux choix qui ont été mis sur la table, qui n'ont jamais pu être contestés. Pourquoi? Parce que je pense, qu'en réalité, ils ne peuvent pas être contestés. À partir de ce moment, il faut ajuster nos comportements à la réalité.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Nous allons essayer de revenir à des choses assez pratiques à ce moment-ci.

Sur la base d'un document qui nous a été remis par les délégués de la CSN ce matin, on constate qu'un travailleur qui gagnerait 280,35 $, le 1er juillet 1982, en gagnerait 281,40 $, le 1er mars 1984. N'est-ce pas? Cela jouerait pour l'année suivante, par conséquent, le 1er mars 1984, il serait encore a 281,40 $. Je pense que le ministre va confirmer ces chiffres. Par conséquent, il reste au même point, pendant presque deux ans. Cela, c'est pour celui qui est en bas de l'échelle, à environ 13 000 $ par an. On me contredira tantôt, si je fais erreur.

M. Blais: Ce n'est pas vrai.

M. Ryan: Je vais apporter d'autres chiffres qui vont vous intéresser à part de cela. Jusqu'à un salaire approximatif de 16 000 $ par année, on maintient le statu quo, pendant toute cette période durant laquelle vaudraient les conventions collectives, et après 16 000 $, cela diminue. C'est une perte de revenu plutôt qu'une augmentation, même brute.

Regardez: celui qui avait 21 389 $ au 1er juillet aurait 20 742 $ au 1er avril. Par conséquent au 1er mars de l'année suivante, il sera encore à 20 742 $, c'est-à-dire 600 $ environ de moins qu'il avait presque une année et demie auparavant. Vous dites aux gens des syndicats: Là, on maintient les bas salaires au même niveau et à partir de 16 000 $, on les diminue. Si vous n'êtes pas contents, faites un autre partage que celui-ci. C'est cela la matière que vous voulez négocier et je n'en vois pas d'autre. Je vous demande si je me trompe?

Le Président (M. Bordeleau): Si le ministre veut répondre ou le député de

Rosemont...

(16 h 30)

M. Paquette: J'ai les chiffres ici.

M. Ryan: En tout cas, vous pourrez les contredire, si vous voulez. Ce sont des chiffres qui ont été présentés par les organisations syndicales. Deuxièmement, nous avons fait les calculs sur une autre base. Établissez le revenu d'un travailleur pour l'année 1982 et son revenu pour l'année 1983, sur la base des dispositions qui sont inscrites dans le projet de loi. Pour celui qui gagne 252 $ par semaine, il aurait un revenu de 13 800 $ en 1982 et un revenu de 13 910 $ en 1983, une augmentation de la moitié de 1%.

Si c'était seulement cela, M. le ministre. C'est une chose qui est éminemment dure à accepter et, peut-être, que vous pourriez avec vos calculatrices en faire la démonstration, mais n'oubliez pas l'inflation moyenne de 10% par année, au cours des quatre dernières années. Cela veut dire qu'à certains des travailleurs couverts par les conventions collectives, vous demandez de prendre des coupures d'à peu près 25%. 25%, si vous montez dans l'échelle des revenus, allez chercher dans les 25 000 $ à 30 000 $, cela couvre quand même un grand nombre d'employés syndiqués. Vous allez chercher 20% à 25% et je vous pose la question. D'abord, est-ce que cela est faux? Deuxièmement, connaissez-vous un autre gouvernement provincial au Canada qui aurait assez mal administré ses affaires pour en être réduit à la nécessité d'agir d'une manière aussi mesquine envers ses employés, telle que vous êtes contraints de le faire, d'après les calculs auxquels vous en êtes arrivés? Donnez un autre exemple de gouvernement provincial qui procède actuellement de manière aussi mesquine.

Le Président (M. Bordeleau): M. Paquette.

M. Paquette: Sur le plan des faits, je ne pense pas qu'il faille rendre la situation pire qu'elle n'est. Déjà, ce n'est pas drôle, tous vont en convenir. J'ai ici le tableau des effets de la loi 70, tel que cela a été communiqué par le premier ministre au moment de l'émission à Radio-Québec et qui est basé sur la loi. J'ai seulement les chiffres annuels, mais on peut les diviser pour avoir le salaire hebdomadaire. Un salaire de 13 150 $, au 30 juin 1982, passe en vertu de la convention collective en vigueur, à 14 629 $ au 1er juillet. Au 1er janvier 1983, l'effet de la loi serait de le réduire à 11 871 $ pendant trois mois, et le 1er avril 1983, le salaire remonte à 14 683 $. De sorte que, sur une période de neuf mois, quand on regarde le salaire au début de la période et à la fin, c'est-à-dire au 1er avril 1983, il y a une augmentation de. 11,7%. Ce qui est à peu près la valeur de l'indexation. M. le Président, j'entends les gens rire. Je ne fais pas du tout cette intervention pour justifier quoi que ce soit et pas du tout pour dire que c'est la meilleure solution. Je ne pense pas que ce soit la meilleure solution. La meilleure solution serait celle qui permettrait par la négociation de ne réduire le salaire de personne.

Pour un salarié moyen qui gagnerait 21 916 $, c'est le même genre: augmentation au 1er juillet, diminution le 1er janvier, réaugmentation le 1er avril 1983, ce qui fait sur une période de neuf mois, une augmentation de 5,8%. Pour le salarié de 38 000 $, encore le même phénomène, mais 0% d'augmentation sur neuf mois.

Ce que cela veut dire, c'est qu'il y a un échelonnement des augmentations. Le projet de loi a pour effet de baisser le salaire au 1er janvier, mais je pense qu'il y a moyen de trouver de meilleures solutions que cela, si on peut se mettre à négocier.

Je reviendrai tout à l'heure sur une couple de questions. C'était tout simplement sur le plan des faits.

Le Président (M. Bordeleau): Je pense que M. le ministre a un complément de réponse et ensuite M. le chef de l'Opposition.

M. Bérubé: La proposition qui nous apparaît à nous la plus désirable, c'est celle de moduler les augmentations de salaire de juillet, ce qui nous permettrait de cette façon, par exemple, pour un employé qui gagnerait 7,20 $ l'heure, de lui donner 8,65% d'augmentation...

M. Ryan: À quelle date?

M. Bérubé: C'est à partir du 1er juillet.

M. Ryan: Excusez, le montant de 7,65 $, c'est à quelle date? M. Bérubé: 7,20 $? M. Ryan: Oui.

M. Bérubé: C'est au 1er juillet. M. Ryan: 7,20 $ le 1er juillet.

M. Bérubé: Qui gagnerait le 1er juillet 7,20 $, juste avant le 1er juillet.

M. Ryan: C'est le 30 juin, ce n'est pas le 1er juillet.

M. Bérubé: 30 juin.

M. Ryan: Je vais vous dire pourquoi tantôt. C'est important.

M. Bérubé: ... de lui offrir une augmentation de 8,65% et, compte tenu de la protection de base qui lui a été accordée pour l'inflation en début de période, lui donne une protection entière contre l'inflation, inclut même une avance pour l'inflation pour les six mois qui suivent.

Subséquemment, lorsque arrive - son salaire est passé à 7,82 $ - le 31 décembre, il recevrait également 2,8% pour obtenir ainsi complète compensation contre l'inflation, le salaire subséquent faisant partie de la négociation du renouvellement des conventions collectives.

Donc, la proposition qui nous apparaît la plus désirable, c'est de revenir à la proposition de juillet et de faire en sorte que le plus bas salarié, celui qui est à 7,20 $ l'heure, comme vous le dites, le 30 juin, qu'on puisse lui donner la protection pleine et entière de son pouvoir d'achat jusqu'à la fin de la convention collective et, ensuite, qu'il obtienne la rémunération qui aura été négociée pour la convention suivante. Évidemment, cette proposition a comme conséquence, et nous ne l'avons pas caché, de faire en sorte que le plus haut salarié, celui qui gagne, par exemple, 20,31 $ l'heure le 30 juin, lui n'aurait eu que 1,31% d'augmentation.

Donc, la proposition de juin nous apparaît la plus équitable dans la mesure où le plus bas salarié a une protection pleine et entière de son pouvoir d'achat. Évidemment, lorsqu'on aura le renouvellement des conventions subséquentes, il aura droit aux augmentations de salaire qui auront été négociées. Donc, c'est la proposition qui nous apparaît la plus équitable.

Le projet de loi nous amène à une situation différente. En effet, comme le 1er juillet nous commençons à verser les augmentations de salaires, au fur et à mesure que nous avançons dans l'année, vouloir récupérer le montant implique

nécessairement une baisse de salaire pendant la période qui suit, de manière à récupérer le montant visé. Alors, plus nous retardons, et c'est le problème lorsque nous arrivons à la fin de la convention le 31 décembre, à ce moment-là la récupération devient considérable. Il reste que ce qui sera versé aux employés du secteur public sera de l'ordre de 440 000 000 $ sur une augmentation de salaire, si je me souviens bien, d'à peu près 900 000 000 $ au total.

Donc, l'augmentation résiduelle, une fois qu'on a calculé l'augmentation versée en juillet, la récupération de janvier à mars, il reste une augmentation réelle nette d'à peu près 3,5%. Mais, indéniablement, plutôt que donner 3,5% à tout le monde, il nous apparaîtrait plus équitable de tenter de moduler l'augmentation de salaire pour faire en sorte que le plus bas salarié ait l'augmentation complète et que le plus haut salarié soit amené à avoir un gel de salaire. Subséquemment, les conventions collectives entrant en vigueur, à ce moment-là, on aura les taux de salaire qui auront été négociés. Donc, c'est inexact de dire qu'il s'agit d'un gel pour deux ans.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va?

M. Ryan: J'ai encore quelque chose, mais le ministre des Finances veut parler.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre des Finances, avec le consentement des membres, si j'ai bien compris tantôt. Alors, M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais simplement relever quelque chose que le chef de l'Opposition disait tout à l'heure et qui me paraît, dans le contexte actuel, assez important. Il disait: Est-ce qu'il y a une province qui s'est conduite d'une façon aussi mesquine? Je pense qu'il faut répondre à cela, parce que ce n'est pas mauvais de temps à autre d'être capable de regarder ce qui se passe ailleurs. Forcément, pris dans nos discussions, on a tendance à considérer que tout cela se joue au Québec et qu'ailleurs on n'y met pas tellement l'accent.

Il y a beaucoup de gouvernements à l'heure actuelle qui sont essentiellement placés, pour reprendre l'expression du chef de l'Opposition, entre divers types de mesquinerie, justement à cause de la situation économique, et je ne veux pas revenir là-dessus pour le moment. Prenons le cas, par exemple, de la Nouvelle-Écosse qui vient de sortir son dernier budget. Elle a augmenté toutes ou à peu près toutes ses taxes, l'impôt sur les profits des corporations, bien sûr, et aussi l'impôt sur le revenu, la taxe de vente à 10% en permanence, à peu près tout ce qu'il peut y avoir comme autre taxe indirecte, l'essence, le tabac, enfin, tout ce que l'on veut. La totalité ou à peu près de ses taxes. Si on traduisait les augmentations d'impôt qui viennent d'avoir lieu en Nouvelle-Écosse, sur une population comme la nôtre, c'est comme si l'on augmentait ici d'un seul coup les impôts de 1 500 000 000 $. Bon. Nous avons, au mois de novembre dernier, augmenté les impôts de façon considérable -enfin, les taxes - et le problème qu'on avait à se poser, à l'occasion du budget, c'était de savoir dans quelle mesure on les augmentait encore et de façon très prononcée.

Il faut bien saisir que, quand nous sommes arrivés au pouvoir, les taxes sur les particuliers au Québec étaient à peu près de 20% au-dessus de celles de l'Ontario et elles frappaient singulièrement les petits salariés. On a, pendant trois ans, cherché à réduire cet écart et en mettant les baisses de taxes justement sur des choses qui touchent le plus les bas ou les moyens revenus - quand je dis moyen, je ne mets pas le niveau bien haut -on était arrivé à quelque chose d'assez remarquable en ce sens que l'écart avait été coupé en deux en 1980 et là, cela s'est renversé. L'écart est en train de s'accroître à nouveau. On se retourne, on s'en va exactement, d'ici peu de temps, au niveau de 20% qu'on avait atteint en 1976 et qui existait depuis des années. Ce n'est pas seulement en 1976 que l'écart était de 20%, il y a longtemps qu'il était comme cela.

Alors, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'en période de récession comme celle que l'on connaît, on suit la voie mesquine, si l'on veut, d'autres provinces en continuant de taxer autant qu'on peut et en sachant très bien que, passé un certain point, les taxes qui rapportent le plus, ce sont des taxes indirectes, c'est-à-dire des taxes qui touchent tout le monde? Ou bien, est-ce qu'on prend une autre voie? C'est cet arbitrage qu'on a eu à faire. Qu'on appelle cela "mesquin", peut-être, mais on a à choisir dans une situation économique et budgétaire comme celle qu'on connaît, on a un choix à faire entre l'ensemble de la population, les groupes les moins avantagés dans une population, certains groupes qui sont plus avantagés que d'autres; c'est inévitable, ces arbitrages.

J'entendais M. Lavoie qui disait: Je ne budgétise jamais l'argent des autres. Il faut bien comprendre qu'un gouvernement ne fait que cela. Il budgétise l'argent, il budgétise toujours l'argent des autres, c'est-à-dire de l'ensemble de la population. On ne peut pas éviter cela. On aura toujours des arbitrages à faire entre l'argent de tout le monde; c'est un arbitrage qu'on ne peut pas éviter. Dans ce sens, "mesquin" comme dit le chef de l'Opposition, peut-être, mais il faut comprendre que de ce temps-ci, les gouvernements ont bien des façons d'être mesquins.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Tout d'abord, je trouve que le ministre des Finances élargit le débat bien au-delà de ce que nous sommes venus discuter aujourd'hui. Nous avons l'occasion de débattre du discours sur le budget et des finances publiques du Québec à l'Assemblée nationale, autour du discours sur le budget. Je ne veux pas répondre aux affirmations qui sortaient du cadre de la discussion d'aujourd'hui parce que je sais que le temps est limité. Il y a d'autres organismes qui attendent pour venir. Je pense que ce sont là des échappatoires faciles pour éviter de discuter les questions qui nous réunissent aujourd'hui.

La question que j'ai posée au président du Conseil du trésor, je la répète brièvement parce que je ne pense pas y avoir eu de réponse. Tous les gouvernements sont soumis à des contraintes et à des choix. Aujourd'hui, nous en discutons un en particulier, celui qui a été fait autour de la loi 70. Je demande au ministre, président du Conseil du trésor, s'il existe, à sa connaissance, un gouvernement d'une province comparable au Québec, c'est-à-dire un gouvernement de l'une des quatre provinces qui ont une importance plus grande que les autres au Canada - on peut toujours aller chercher l'exemple de l'Île-du-Prince-Édouard pour prouver n'importe quoi, mais je voudrais dire au ministre des Finances que cela ne prouve rien, même s'il joue avec les pourcentages de ce temps-là - un gouvernement d'une province comparable qui aurait été contraint par sa mauvaise gestion à des choix qui entraînent des suppressions de conventions collectives en vigueur, des changements unilatéraux comme ceux qu'on propose et des reculs salariaux comme ceux qui se dégagent de toute évidence. Je demande une comparaison impartiale entre les sommes auxquelles les employés syndiqués du gouvernement ont droit d'après la signature que leur a déjà donnée le gouvernement et celles qu'ils toucheraient si le gouvernement s'en tenait aux dispositions du projet de loi 70. La question est bien simple: Est-ce qu'il a connaissance d'une autre province à peu près comparable qui aurait été acculée au pied du mur par sa gestion, au point d'être obligée de faire des gestes comme celui-là? (16 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas de province comparable parce qu'il n'y a aucune province qui négocie comme le Québec avec ses employés du secteur public dans le cadre d'un front commun regroupant le réseau des affaires sociales, le réseau de l'éducation et les employés du gouvernement. Ce type de négociation, qui s'apparente, à mon point de vue, pratiquement à une opération de recherche de consensus social parce qu'elle implique l'ensemble des travailleurs du secteur public, est assez unique dans les provinces canadiennes. Par conséquent, face à des situations uniques, il faut également être capable de développer des solutions qui sont adaptées à la situation. Donc, si vous ne trouvez pas l'équivalent dans les autres provinces, je devrai dire que la négociation dans les autres provinces ne se produit pas de la même façon non plus.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'avais reconnu tantôt M. Corriveau.

M. Corriveau: Merci, M. le Président. Pour répondre à M. Ryan, effectivement, les chiffres que vous avez dans le document proviennent du document sessionnel no 350. Les deux dernières colonnnes sont les chiffres du trésor; donc ce que vous avez là-dedans reflète effectivement ce qu'on nous a remis.

J'aurais trois questions à poser parce que je trouve qu'on tourne autour du pot depuis un certain temps et on essaie de s'accrocher un peu partout pour justifier des positions. J'aurais trois questions à poser: Est-ce que vous retirez votre projet de loi? Est-ce que vous voulez négocier de bonne foi? Et quand?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre. M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, je pense que depuis le début de la discussion...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vimont, c'est à vous la parole.

M. Rodrigue: M. le Président, on a discuté beaucoup...

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, M. le député de Vimont. M. Corriveau.

M. Corriveau: M. le député excusez-moi, mais j'aurais aimé qu'on me réponde. Souvent, quand on a des questions sur le bout de la langue, on les sort. Est-ce que c'est parce que vous n'auriez pas de question ou de réponse à me donner à mes questions? J'aurais aimé que vous me répondiez. Je vous en ai posé trois. On a essayé de vous-répondre chaque fois que vous nous posiez des questions, au moins avec la connaissance des faits qu'on avait. Là je vous en ai posé trois et je n'ai pas de réponse; j'aimerais au moins que vous puissiez me dire ce qu'il en est? Je vous ai demandé si vous retiriez

votre projet de loi; si vous vouliez négocier de bonne foi, et quand. Je n'ai pas eu de réponse, j'aimerais bien qu'on me réponde, au moins que je sache où on s'en va à cette commission.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Le problème que vous soulevez en fait implique en même temps qu'on avance dans l'échange. Si vous me dites: Êtes-vous prêt à négocier de bonne foi? ma réponse est oui. Nous avons déjà fait une demande pour se rencontrer. Je comprends qu'à l'heure actuelle on est peut-être à établir une certaine stratégie commune du côté du front commun avant d'accepter des rencontres - je le comprends parfaitement - mais notre intention est véritablement, à partir du projet de loi tel qu'il est défini, de s'asseoir et de voir comment - là-dessus je serai très clair - on peut reprendre l'ensemble des trois années qui viennent, c'est-à-dire l'ensemble de la prochaine convention collective, la réintégrer avec la fin de la présente convention collective, examiner les clauses normatives, les clauses salariales, et finalement examiner l'ensemble du problème dans la cadre d'une négociation globale. À cela nous disons oui.

Également...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:

M. Bérubé: Également, nous allons rechercher une entente négociée globale, et si effectivement cette entente nous amène à résoudre le problème budgétaire qui a été décrit, la loi n'a pas à s'appliquer.

D'autre part, nous avons clairement expliqué également qu'à moins d'une assurance que l'impasse budgétaire sera résolue d'une façon acceptable pour la société québécoise nous ne croyons pas justifié de retirer le projet de loi. Dans la discussion que nous avons présentement je crois qu'il y a un échange qui nous permet en même temps d'établir nos positions. En d'autres termes, y a-t-il l'assurance du côté de la partie syndicale que les négociations vont permettre de résoudre l'impasse budgétaire? Nous n'avons pas obtenu non plus de réponse à cela. On nous a dit: Venez à la table des négociations, vous verrez. Le problème demeure tout entier, il nous faut cette assurance que l'impasse budgétaire sera solutionnée.

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse. Je pensais que c'était une réponse du député de Vimont. J'avais reconnu d'abord le député d'Outremont et ensuite ce sera le député de Vimont.

M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, la démonstration qui a été faite tout à l'heure par le député de Charlesbourg était que l'impasse financière était exceptionnelle, et c'est vrai qu'elle est exceptionnelle, mais il faut remarquer que depuis trois ou quatre ans, déjà, le gouvernement a été amené à emprunter pour payer l'épicerie, comme on dit, et il est évident que cette situation financière va continuer à être difficile dans les années qui viennent. Je crois que ce serait mal informer la population que de lui faire croire que tout à fait par hasard, le 1er avril 1983, les finances publiques vont être rétablies. Ceci amène plusieurs observateurs à penser que le problème dans une certaine mesure va rester et qu'il faudra bien à un moment donné parler de politique salariale à moyen terme et de productivité, et qu'il faudra bien qu'il y ait des négociations.

La question que j'aimerais poser aux chefs syndicaux est celle-ci: Dans quelle position cela va-t-il mettre les négociations? Vous avez des expériences de négociations avec des employeurs qui peuvent traiter les syndicats de la façon dont le gouvernement s'apprête à vous traiter présentement, ne respectant pas le processus de convention collective. Quel genre de climat social cela va-t-il provoquer et quel genre de climat de négociation cela va-t-il permettre au mois de janvier, février et mars, alors que le gouvernement ira chercher 600 000 000 $ dans les poches de vos cotisants, et dans quelle mesure à moyen terme le problème de l'assainissement des finances publiques pourra-t-il être résolu si le climat social et le climat de négociation ne permettent pas justement de pouvoir négocier en toute bonne foi?

M. Laberge: Bien, est-ce que...

Le Président (M. Bordeleau): M. Laberge.

M. Laberge: Oui, merci. Est-ce que le président du Conseil du trésor pourrait nous garantir justement que les finances du gouvernement vont être plus saines et qu'en 1983 il n'y aura pas un autre trou de 500 000 000 $? Alors, il nous dit: Est-ce que vous pouvez nous garantir qu'on va aller récupérer les 521 000 000 $? C'est le genre de questions: Préférez-vous un cancer ou une jambe coupée?... Je préfère une jambe coupée.

La réponse à votre question, je ne peux que vous donner les résolutions qui ont été adoptées au grand congrès de Winnipeg du Congrès du travail du Canada, où, sans aucune ambiguïté, les 2500 délégués réunis ont adopté à l'unanimité la résolution de combattre toute répression, toute compression budgétaire allant jusqu'à la

grève générale si nécessaire.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce que je dois conclure par votre réponse une possibilité de négociation dans un esprit qui serait serein des deux côtés va être extrêmement difficile a la suite de l'application de ces deux projets de loi?

M. Laberge: Quand vous entrez en négociations, habituellement, ce n'est pas pour perdre du terrain, mais pour en gagner. Évidemment, quand vous faites face à une entreprise qui est dans une situation financière difficile, ce n'est peut-être pas l'année où vous allez chercher de grandes augmentations de salaire, mais vous allez chercher autre chose, je ne sais pas, moi, améliorations des conditions de travail dans certains cas... C'est un échange une négociation mais, en négociations, il y a bien des choses qui peuvent se faire. Il est bien évident que ni M. Bérubé ni personne n'aura une garantie de nous que, oui, M. Bérubé, nous vous garantissons que nous allons négocier à rabais. Il est bien évident qu'on ne peut pas donner ce genre de garantie mais nous avons répété à maintes reprises, et c'est tourner autour du pot, que nous sommes fort conscients qu'au Québec nous traversons deux crises, une crise économique épouvantable, alors que nous avons au-delà d'un demi-million de chômeurs, et une crise budgétaire qui se solde apparemment par un trou de 521 000 000 $. Comme citoyens du Québec, il est évident qu'on est intéressés à essayer de résorber la crise économique, mais est-ce qu'en résorbant la crise économique, il y a moyen pour les secteurs public et parapublic de participer eux aussi à résorber la crise économique qui touche plus durement le secteur privé? C'est un peu cela, la question. C'est comme cela que la question devrait se poser. Je dis qu'à plusieurs reprises on a dit: "Oui, nous sommes intéressés." Quand M. Bérubé dit: "II faut faire payer les plus riches pour pouvoir protéger les moins bien nantis", je ne l'ai pas vu toucher aux banques, je ne l'ai pas vu toucher aux multinationales, je ne l'ai pas vu toucher aux pétrolières, je n'ai pas vu cela encore. Je suppose que cela s'en vient.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vimont, avant de vous donner la parole, j'aimerais simplement signaler aux membres qu'il faudrait peut-être raccourcir les interventions de part et d'autre afin de pouvoir entendre, tel qu'on l'avait prévu et à une heure convenable, les autres intervenants.

M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, au niveau de l'analyse de la crise, j'ai l'impression qu'il y a possibilité qu'on soit assez sur la même longueur d'onde. C'est au niveau des solutions à y apporter, quant à l'aspect budgétaire de cette crise, en tout cas. Sur l'analyse de la crise économique comme telle, il y a longtemps que j'ai eu l'impression, j'avais assisté au sommet économique également, qu'effectivement, même si ce n'est pas parfaitement un accord total, tout de même on se recoupe pas mal. Là où cela diverge, c'est sur les façons de le régler finalement.

J'aimerais parler un peu de l'aspect qu'a soulevé le président de la CSN tout à l'heure concernant l'adoption de la loi, la négociation, à savoir quand cela se fera.

Étant donné que vous avez parlé des banques, j'ai lu cette semaine dans le journal, je pense que c'est hier ou avant-hier, que la Banque nationale avait décidé de baisser le salaire de ses 13 000 employés.

Une voix: Et d'en mettre à pied 2000.

M. Rodrigue: Et d'en mettre à pied 2000. C'est une réalité que vivent des travailleurs actuellement. Je ne sais pas s'ils sont syndiqués, j'en doute, je ne le pense pas. Non. Ils sont dans une situation extrêmement précaire, ces gens. Il y en a qui sont là probablement depuis très longtemps. Je pense que c'est un facteur parmi d'autres dont on est obligés de tenir compte dans l'analyse qu'on fait de toute cette situation.

On s'est beaucoup attachés à l'aspect formel des choses. Je pense que dans votre mémoire en particulier vous faites abondamment état de cet aspect. Mais, au-delà de l'aspect formel des choses, il y a la réalité. Quand bien même on vous dirait: On va retirer le projet de loi, vous savez très bien qu'en fin de compte, c'est encore 520 000 000 $ qu'on cherche. Ce n'est pas le fait de retirer le projet de loi qui va y changer quoi que ce soit. En fait, j'ai déjà participé aux négociations, j'ai participé à celles de 1972 et à celles de 1975. En 1972, je me rappelle que cela avait tout de même été assez raide. Vous aviez fait un petit tour à Orsainville à ce moment en compagnie de deux de vos collègues. D'ailleurs, on avait eu le plaisir de vous accueillir à votre sortie.

Indépendamment des problèmes qui sont soulevés et que vous nous avez exposés ici, je pense que c'est vraiment la première fois qu'un gouvernement ouvre les livres et qu'il les met sur la table devant les organisations syndicales, de la façon que cela s'est fait depuis un certain temps avec le gouvernement actuel du Québec. Cela, on est disposés à continuer à le faire. Je ne pense pas que ce soit le fait d'adopter ou de ne pas adopter une loi. Le député de

Charlesbourg tout à l'heure vous a expliqué pourquoi, vu les lois actuelles, il fallait l'adopter. Mais, on a tout de même pris soin d'y introduire des dispositions qui permettent la négociation. Finalement, c'est là que cela va se régler. Au-delà de l'aspect formel des choses, finalement il reste qu'en discussion, on va s'entendre ou on ne s'entendra pas et qu'à un moment donné, il y a des décisions qui vont devoir être prises. Je ne vois pas pourquoi on retarderait jusqu'au mois de décembre l'annonce que le gouvernement doit procéder de telle ou telle manière. Je pense qu'on est mieux de s'en parler tout de suite et de faire l'effort maximum, parce qu'il faut bien dire qu'il nous reste environ quatre mois avant que les augmentations de salaire qui sont dues le 1er juillet soient effectivement versées. D'abord, il faut prendre connaissance des indices d'augmentation du coût de la vie, parce que c'est relié à cela. Il y a un certain délai qui est normal dans ces machines-là. Il faut un certain temps avant d'ajuster tout cela et de verser effectivement les augmentations de salaire. (17 heures)

D'après les informations que j'ai, il semble que cela arriverait vers la fin de septembre ou en octobre. Effectivement, on aurait une période de quatre mois durant laquelle on pourrait vraiment faire l'effort maximum de part et d'autre pour essayer d'en arriver à la solution que nous recherchons. Peut-être qu'on ne s'entendra pas en fin de compte. Espérons quand même qu'on pourra le faire et qu'on sera sur la même longueur d'onde, mais au-delà de tout le débat que nous avons ici.

Je pense que, finalement, dans le contexte économique actuel, ce sont un peu tous les acquis sociaux du Québec des dernières années qui pourraient être compromis, si on n'y fait pas attention. J'ai senti que vous étiez sensibles à cela, quelles que soient les interventions qui aient été faites. On a à traverser une situation économique qui est extrêmement difficile et il faut le faire en sauvegardant l'essentiel des acquis qu'on a depuis une vingtaine d'années, dans le domaine social en particulier.

On a mis sur pied au Québec des programmes qui dépassent largement ce qu'il y a ailleurs au Canada. J'ai eu l'occasion récemment de me promener au Canada et j'ai réalisé, en discutant avec ces gens, que les programmes sociaux du Québec sont à l'avant-garde. Je pense qu'on ne voudrait pas remettre cela en cause. C'est un aspect des choses, ce n'est pas le seul.

Il y a tout un contexte et le gouvernement, lorsqu'il a eu à prendre ces décisions, bien sûr, y a pensé. Au début, quand on est obligé de plonger dans l'eau glacée, on essaie de reporter cela. On n'aime pas cela et on se dit: II doit y avoir de l'eau chaude quelque part. Nous avons cherché de l'eau chaude sans en trouver. On a regardé un peu - je ne veux pas m'étendre trop longtemps là-dessus, parce que d'autres l'ont souligné - mais enfin, les transferts aux citoyens, les services sociaux de santé, les services éducatifs, l'impôt, les taxes, le déficit, on a fait le tour de cela. Chaque fois, dans notre analyse politique - et je voudrais peut-être gronder un peu le président de la CEQ là-dessus, l'analyse qui a été faite au gouvernement, elle est politique et sociale, ce n'est pas une analyse comptable et je pense qu'il faut le réaliser -on a eu à tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Ceux qui m'ont précédé ont très bien exprimé que ce que nous cherchons, c'est au moins de protéger le pouvoir d'achat des bas salariés, et de faire que, s'il y a quelqu'un qui doit payer pour cela dans le secteur public, ce ne soit pas eux. Le secteur privé paie déjà, je ne vous l'apprends pas. Il y a des mises à pied. Il y a des travailleurs, qui, en assemblée générale, dans des syndicats, ont accepté le fait qu'ils n'avaient pas le choix. C'était cela ou perdre leur emploi. Ils ont accepté des réductions de temps de travail, ils ont accepté des diminutions de salaire.

Est-ce qu'on peut en demander plus aux gens du secteur privé? Ils subissent déjà cela, en plus d'assumer des augmentations d'impôt et de taxes, des coupures de service, pour maintenir des acquis dans les secteurs public et parapublic alors qu'on sait - on peut se chicaner peut-être sur les pourcentages - que, d'une façon générale, on constate qu'en moyenne la rémunération globale du secteur public est un peu meilleure que celle du secteur privé, sans compter, évidemment, la sécurité d'emploi qui prend beaucoup d'importance actuellement.

Cette analyse politique a été faite et on l'a retournée de tous les côtés et évidemment on s'est dit: On n'a pas le choix, l'eau est glacée, mais il va falloir qu'on plonge dedans quand même. C'est inconfortable pour un gouvernement, c'est inconfortable pour un salarié, mais, dans la mesure où l'on n'est pas capable de voir d'autre issue, on se dit: S'il faut passer par là, on passera par là.

Les discussions nous permettraient peut-être de trouver d'autres issues. Enfin, si on réussit à trouver 30 000 000 $ ou 40 000 000 $ quelque part, ce sera cela de moins à absorber pour les secteurs public et parapublic parce que, dans le fond, notre problème, c'est 520 000 000 $, mais quelle est la façon de le faire et quand le fait-on? Est-ce qu'on l'échelonne sur une plus grande période, à qui on demande de faire l'effort maximal et à qui essaie-t-on de ne pas demande d'effort, parce que cela ne nous

apparaît pas souhaitable de le faire pour des motifs sociaux. C'est de tout cela qu'il faut discuter. Ce n'est pas le fait qu'il y a un projet de loi ou qu'il n'y en a pas qui, quant à moi, devrait empêcher ces discussions de se faire dans les meilleurs délais pour peut-être aborder l'ensemble des orientations de lacollectivité pour quelques années. Peut-être pas l'ensemble des orientations, mais être capable de discuter avec les représentants des travailleurs qui, dans le passé, ont souvent été ceux qui ont revendiqué les avantages sociaux qu'on retrouve au Québec. Les centrales syndicales ont été à l'avant-garde là-dessus; je pense à l'assurance-santé, à l'assurance-hospitalisation. Les centrales les ont revendiquées bien avant que les gouvernements ne les accordent.

On peut prendre le problème un peu plus globalement et essayer de voir de quelle façon on traverse la période difficile en sauvegardant les acquis et en faisant en sorte que ceux qui sont les moins favorisés dans la société n'écopent pas. C'est dans ce sens qu'il faudrait aller.

Je pense que si on veut faire un parallèle, et je termine là-dessus, un individu qui se voit forcé de renouveler des prêts hypothécaires de ce temps-ci, s'il était à 11,5% et qu'il se ramasse à 20%, c'est peut-être 250 $ de plus par mois qu'il aura à payer. Il est obligé de se retourner et se poser la question à savoir où il va prendre l'argent. Il va couper ailleurs. Il a peut-être une vieille "minoune" pour se promener et la vieille "minoune", il va la garder encore deux ou trois ans, ou un an ou deux, sûrement. Il ne changera peut-être pas ses meubles même s'il avait l'intention de les changer. Il est obligé de faire des choix budgétaires lui aussi. Chaque individu vit cela dans sa vie. Il est obligé de faire des choix budgétaires et, s'il a une dépense ou une baisse de revenu incontrôlable, à ce moment-là, il se retourne et il regarde à quelle place il est capable d'agir pour équilibrer ses affaires. C'est ce que le gouvernement est obligé de faire. Dans ce sens, la situation au gouvernement n'est pas différente du tout de celle de l'ensemble des citoyens dans une période difficile comme celle qu'on vit.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Gaulin et M. Corriveau que j'avais reconnus tantôt. M. Laberge également.

M. Gaulin: M. le Président, ce sera court, ce sera ma dernière intervention et ma conclusion en même temps. Peut-être une remarque au député de Vimont, en passant: Je pensais que son passage dans le syndicalisme lui avait permis de faire des analyses politiques un peu plus pronfondes.

Ce qui est en jeu...

M. Rodrigue: M. le Président, une petite question de privilège.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! M. Gaulin, c'est vous qui avez la parole.

Une voix: II n'y en a pas en commission.

M. Rodrigue: C'est vrai, il n'y a pas de question de privilège en commission, je devrais le savoir pourtant.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gaulin.

M. Gaulin: Ce qui est en jeu, il faut être clair, c'est le droit à la négociation. C'est la possibilité de négocier dans le secteur public et, tant que la loi 70 est là, c'est une remise en cause profonde du droit et de la possibilité de négocier. Ce n'est pas parce qu'on dit qu'on va négocier de bonne foi avec cela que cela va faire de la négociation de bonne foi. Ce que le gouvernement nous dit, c'est: Quand j'aurai décidé de changer vos conditions de travail, je les changerai, négociations ou pas, convention signée ou pas. Venez donc négocier. Si cela ne fait pas mon affaire, le résultat, je vous changerai cela. C'est ce que le gouvernement nous dit, c'est le corridor dans lequel il propose de faire de la négociation. Un engagement signé: est-ce sérieux ou n'est-ce pas sérieux? Une signature du gouvernement au bas d'une convention collective, est-ce important ou n'est-ce pas important? Est-ce que cela se respecte ou cela ne se respecte pas? Ce sont les questions fondamentales.

Vous pouvez bien comprendre, discuter d'une impasse budgétaire... Ce que le gouvernement choisit en maintenant sa loi 70, c'est de s'en aller dans une impasse sociale importante et majeure. On veut protéger les moins bien nantis de notre société. C'est fort louable, c'est un objectif commun. Mais en créant ce précédent, est-ce que le gouvernement s'imagine que tous les employeurs ne sauteront pas là-dessus et n'utiliseront pas l'exemple du gouvernement? La loi n'est pas adoptée que déjà la Banque nationale vient d'utiliser cela, et ce sont les groupes les moins bien protégés dans notre société. Ceux qui sont non syndiqués, qui ne sont pas capables même d'aller à une table de négociation ou de faire respecter leur convention collective parce qu'ils n'en ont pas, ce sont eux qui vont souffrir le plus là-dedans. Est-ce que ce n'est pas là une évidence politique? Et on veut protéger les moins bien nantis de notre société! Voyons donc!

Je crois que, si l'on veut que les choses évoluent correctement dans notre société, on ne peut pas tolérer qu'un gouvernement adopte, avec les discours et

les raisonnements qui ont été faits ici, un projet de loi de la nature du projet de loi no 68 ou du projet de loi no 70. Pour le régime de retraite, c'est pareil. Venez donc en discuter aux tables des négociations, on va parler des régimes fermés. On va parler de l'ajustement des cotisations. Est-ce qu'on va augmenter la cotisation des salariés, dans un régime fermé, à chacune des années, jusqu'à ce que le dernier qui restera là-dedans paie je ne sais pas quoi? Le RREGOP; il y a moyen d'en discuter et de négocier ces choses; cela se fait. Je pense qu'il y a une voie possible à la négociation; c'est par la négociation, c'est la seule voie possible pour résoudre adéquatement les problèmes dans notre société et, en choisissant d'écarter la négociation, je pense que le gouvernement crée un précédent très dangereux.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Corriveau, suivi de M. Laberge.

M. Corriveau: M. le Président, il ne faut pas penser qu'on veut être méchant, mais quelquefois on entend des choses. Il y a des parties de discours qui changent beaucoup depuis le temps. Là, je m'adresse aux camarades, parce que, dans le temps, on s'appelait "camarades" - M. Jean-Guy Rodrigue était président de la FPSCQ dans le temps. Ce que j'ai appris en militant avec lui, c'est que, s'il y avait des choses qui nous tenaient à coeur, c'était le respect des signatures. Aujourd'hui, on remet cela en cause. On nous dit que ce sont les acquis de 20 ans qu'on met en jeu; quant à moi, je vous dis que c'est plus que cela. Ce sont les acquis de l'ensemble du monde du travail qu'on met en jeu aujourd'hui par le fait qu'on dépose telle loi. C'est cela qu'il faut regarder.

C'est là, je pense, où le profond malaise semble se situer. Je pense qu'on s'y prend bien mal en mettant une telle chose. Cela n'a plus de sens. Qu'est-ce que cela va être, une loi, lorsqu'on va s'adresser et qu'on va aller négocier avec la partie qui va être en face? Deux jours après, qu'est-ce qu'ils vont nous ôter? Cela va être telle autre loi pour nous ôter notre sécurité d'emploi. Cela va être telle autre loi pour nous ôter peut-être les promotions. Il n'y aura plus de bonne foi parce qu'on saura que, pour une fois, lorsque cela fait leur affaire, il y aura une loi qui viendra nous ôter certains effets. Vous avez des gens, qu'on appelle les gens de la base et, pour eux, c'est quelque chose de très gros et de très important, le respect d'une société, et là, vous la mettez en doute. Pour certains, qu'ils soient de n'importe quel parti, ce n'est pas là la question, mais, quand on avait une entente de signée, on la respectait, même si cela nous forçait à faire des choses; ou, au moins, on s'adressait aux parties pour tenter d'en arriver à une entente. Vous ne voulez pas faire ce bout-là. Cela me dépasse. Je vais vous le dire franchement, cela me dépasse! En tout cas, je pense que, d'une manière ou d'une autre, il va falloir que vous vous assoyiez à une table de négociation. Pourquoi ne s'asseoit-on pas de façon paisible, sans aucune contrainte, et vous allez vous apercevoir que le peuple québécois est beaucoup plus consciencieux que vous ne semblez le croire actuellement. Les travailleurs font partie du peuple québécois. Retirez votre loi; venez négocier; dites-nous quand, on est prêt.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. Laberge.

M. Laberge: M. le Président, je vais essayer de répondre un petit peu - même si ce n'est pas une question - à ce que M. Rodrigue a soulevé et qui s'était passé dans l'entreprise privée, chez nos voisins du Sud, par exemple, alors que, dans le secteur de l'automobile, avec General Motors, etc., il y a eu une négociation. Les deux parties ont convenu de rouvrir la convention collective et ils ont négocié à rabais, en échange pour une sécurité d'emploi. Le résultat net, c'est qu'il y en a quasiment autant qui se sont fait sacrer dehors. Ils ont perdu je ne sais pas combien de congés payés et je ne sais pas combien d'augmentations de salaires. Cela a fait que General Motors a pu économiser 3 000 000 000 $ qu'elle vient d'investir dans une fabrique d'autos japonaises, au Japon; 3 000 000 000 $ que General Motors vient d'investir là-dedans. Les sacrifices faits par ces travailleurs américains n'auront rien rapporté, absolument pas, aux travailleurs américains. D'ailleurs, je tiens à vous dire que c'est en train de péter là-bas. D'abord, cela avait été accepté à 52%. (17 h 15)

Je pense que M. Rodrigue sait fort bien que lorsque vient le temps de gruger dans les droits acquis, c'est assez difficile à faire accepter, et malgré que les dirigeants syndicaux aux États-Unis l'avaient fortement recommandé, ce n'est que 52% des travailleurs qui ont accepté. Mais là, les travailleurs viennent de se réveiller, c'est un réveil brutal; ils n'ont pas obtenu la sécurité d'emploi et ils ont perdu un tas de choses.

Ici, la situation est différente. D'ailleurs, le directeur canadien Bob White a été en complet désaccord avec son syndicat. C'est cela la question. Cela vaut combien, la paix sociale? Il me semble que ça vaut cher, ça vaut de l'argent. M. Rodrigue me dit que les gouvernements c'est comme les individus, il faut qu'ils bouclent leur budget. Sans être économiste on sait fort bien que si les dépenses sont plus fortes que les revenus, ou bien tu augmentes les revenus ou tu coupes

les dépenses ou tu empruntes, c'est bien évident, mais tous les travailleurs chez nous qui ont eu une diminution sensible de leur revenu n'ont pas bouclé leur budget en allant chercher de l'argent chez le voisin, ils ont fait cela eux-mêmes. Or, c'est ce gue vous êtes en train de faire.

Quand vous dites: L'eau était glacée, on l'a testée, l'eau était glacée, mais on a plongé pareil. Non! Vous n'avez pas plongé pareil; vous avez réalisé que l'eau était glacée mais vous nous "pognez" et vous nous maudissez dedans, c'est pas mal différent.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. J'ai encore plusieurs demandes, un certain nombre de demandes de droit de parole, de questions, mais avec mes deux voisins, d'un côté comme de l'autre, il me semble qu'on serait prêt à mettre fin à la rencontre pour permettre en toute justice d'entendre également les autres groupes qui sont ici, à une heure convenable encore là, et qu'ils aient à peu près le même temps qu'on vous a accordé, à tous trois. Est-ce qu'on serait d'accord pour mettre fin à l'échange, ainsi je pourrais laisser le mot de la fin d'un côté et de l'autre?

M. Laberge: M. le Président, on vous remercie du temps que vous nous avez écouté. Je pense que vous avez vraiment démontré que vous étiez intéressés, tous les membres de la commission, et je pense que ça en valait la peine parce que la question est tellement importante. Encore une fois, Donatien Corriveau vient de le dire en terminant: Ce sont des acquis qui remontent très loin au Québec, le droit à la libre négociation, le respect d'une signature d'une convention collective, le respect des lois. Un employeur qui essaierait présentement de faire ce que le gouvernement essaie de faire, on le traduirait devant les tribunaux et il serait condamné. Ce n'est pas parce qu'un employeur se trouve en même temps être législateur qu'il a le droit de violer, de fouler aux pieds les lois existantes qui régissent nos relations du travail depuis fort longtemps.

En terminant, M. le Président, encore une fois je souhaite ardemment, je demande à l'Opposition de continuer à faire son travail. Je pense qu'on peut compter là-dessus, mais je demande aux membres du gouvernement de réviser leur position. Je comprends qu'ils peuvent peut-être trouver qu'un recul dans les circonstances est inacceptable, mais il y a beaucoup plus important que sa fierté individuelle. Ce qui est important, c'est le régime de relations du travail au Québec; ce qui est important, c'est le climat social au Québec; ce qui est important, c'est la justice - vous en parlez souvent de la justice - qui doit prévaloir. On ne doit pas fouler aux pieds les conventions collectives dûment conclues. Ce n'est pas en changeant une loi que cela rend la chose plus morale; c'est toujours tout aussi immoral. Encore une fois, merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, monsieur. C'est entendu qu'il n'y aurait plus d'autres questions.

M. Grégoire: M. le Président, si vous me permettez juste un mot à M. Laberge.

M. French: Pas de consentement de côté-ci.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition pour le mot de la fin.

M. Ryan: Juste un mot pour remercier les dirigeants des centrales syndicales de l'éclairage qu'il nous ont apporté sur le problème posé par le projet de loi no 70 et le projet de loi no 68. Nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt, nous avons examiné la documentation qui nous a été soumise, en particulier le mémoire dont lecture nous a été donnée au début de la rencontre. Nous constatons que certains éléments de l'acquis social et politique de la dernière génération sont sérieusement mis en question actuellement. Au moins, il reste cet élément du tamisage libre et public par la voie d'une commission parlementaire pendant qu'il est encore temps d'empêcher que certaines choses ne se fassent, et je pense que la discussion d'aujourd'hui devrait avoir été éclairante et profitable de ce côté-là. Je veux assurer les citoyens intéressés par ces mesures, en particulier, de l'intérêt de notre groupe. D'ailleurs, vous avez pu le constater vous-même, nous avons essayé d'examiner le problème en profondeur et nous allons continuer, tout en étant très conscients des problèmes difficiles qui se posent au Québec à la fois sous l'aspect de l'économie, en général, que des finances publiques, en particulier. Nous croyons qu'il faut chercher des solutions à ces problèmes dans le respect de certains principes fondamentaux qui sont également essentiels.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, merci. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, je pense que l'échange que nous avons eu, sans peut-être avoir amené une modification des positions, permet de mieux comprendre les points de vue et d'échanger dans une situation qui m'apparaft difficile. À la question très claire que nous avons posée, à savoir si on pouvait nous donner l'assurance qu'il sera possible de réduire la rémunération globale du secteur public au cours de cet exercice budgétaire, je comprends que du côté syndical on n'ait pas pu donner cette

assurance, qu'on doive recourir à un processus normal de négociation et qu'on ne peut pas s'engager immédiatement. Seule une négociation, à leur point de vue, peut permettre d'obtenir cet engagement.

Par contre, du côté gouvernemental, il y aura un équilibre difficile à maintenir entre l'intérêt public et le processus de négociation, tel que les centrales ont voulu nous le rappeler aujourd'hui. La négociation à laquelle nous sommes appelés va se révéler beaucoup plus complexe, beaucoup plus englobante qu'elle ne l'a jamais été parce que la crise est très différente de ce que nous avons connu et parce que, sans doute, la négociation devra porter sur non seulement des acquis des travailleurs, mais également des acquis de la société québécoise. Cette crise nous force à des révisions déchirantes, elle nous force à des réajustements de points de vue.

Je pense que, dans cette crise, il faut que les intervenants fassent clairement comprendre les choix auxquels ils sont confrontés, de telle sorte qu'on ait les cartes sur la table et qu'on n'induise pas nos partenaires en erreur, mais qu'au contraire la négociation puisse s'enclencher dans une perception la plus correcte possible du type de choix auxquels nous sommes confrontés.

L'appel que je voudrais lancer, c'est un appel à une véritable négociation de cet équilibre à établir au Québec. Je crois qu'il est possible. Vos interventions nous ont montré qu'il n'y a pas que le gouvernement qui soit sensible à la crise et à la nécessité de s'ajuster. Nous devrons à la fois respecter la dynamique normale de négociation d'un point de vue syndical, mais en même temps établir dans notre position certains principes fondamentaux, dont le respect de certains acquis de la société québécoise. Nous sommes effectivement coincés entre les deux. Entre autres, l'attaque qu'on a portée vis-à-vis de mon collègue de Vimont ne m'apparaît pas correcte parce que, effectivement il a vécu, il a connu le monde syndical. Aujourd'hui, il est plongé dans un univers où il est aux prises avec des contraintes et il doit chercher à rétablir cet équilibre. C'est, je pense, la démarche à laquelle nous sommes contraints présentement et je suis convaincu qu'il y a moyen de passer à travers; ce ne sera pas facile, mais je crois qu'il y a moyen de s'entendre et ce, effectivement, à une table de négociation. C'est là où nous nous retrouverons.

M. Laberge: Mon cher ministre, vous auriez peut-être dû arrêter trente secondes plus vite, sans référence aux camarades de Donatien... On a bien des gars qui sont passés dans le mouvement syndical et bien des femmes qui sont devenues, à un moment donné, surintendant, surintendante; on avait remarqué le même équilibre.

Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous remercie également, messieurs, de vous être présentés devant cette commission. J'appellerai maintenant les représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. À l'ordre, mesdames et messieurs!

Nous continuons et je demanderais à M. Harguindeguy, non pas de se présenter lui-même, mais de nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): Ceux qui m'accompagnent sont les membres de l'exécutif provincial. À mon extrême droite, M. Jean-Guy Fréchette, vice-président de l'unité ouvriers, Mme Denise Dion, vice-présidente de l'unité fonctionnaires, M. Georges Nadeau, vice-président de l'unité fonctionnaires, M. Normand Duguay, secrétaire général, M. Marcel Lemieux, vice-président de l'unité ouvriers, M. Roland Saint-Jean, vice-président de l'unité ouvriers. À mon extrême gauche, Mme Danielle Maude Gosselin, vice-présidente de l'unité fonctionnaires, M. Denis Gaudreault, vice-président de l'unité ouvriers et M. Pierre Chassé, vice-président de l'unité ouvriers, moi-même comme président général.

Nous nous excusons de ne pas avoir de mémoire écrit, mais nous avons peut-être préféré économiser l'argent pour l'utiliser à d'autres fins, de façon peut-être plus efficace, pour les mois qui vont suivre. D'ailleurs, nos déclarations seront extrêmement brèves.

Nous estimons que, compte tenu de l'affirmation qu'on a entendue depuis déjà quelque temps par les ministériels, à savoir que le gouvernement n'entend pas retirer les projets de loi nos 68 et 70, la présente convocation en commission parlementaire n'est qu'un autre fleuron de l'opération de relations publiques entreprise par le gouvernement, à nos dépens, depuis déjà passablement de temps, et possiblement aussi pour alléger quelque peu sa conscience.

Le gouvernement, par son attitude actuelle, fait suite à d'autres interventions, au moins en ce qui regarde les employés directs du gouvernement, puisque nous avons eu à faire face à plusieurs projets de loi adoptés sans que nous n'ayons pu intervenir, ou sans même de négociation au préalable. Nous estimons que les deux derniers projets de loi que nous connaissons remettent en question tout le fondement de la négociation collective dans la fonction publique. On tente d'écarter un système qui a été mis en place depuis près de 20 ans, puisque cette année, c'est effectivement le vingtième anniversaire de fondation du Syndicat des fonctionnaires provinciaux, et jamais depuis les cinq ou six dernières années, n'avons-nous eu à faire

face à de telles attaques de la part du gouvernement.

Nous maintenons et nous croyons que, malgré tout, le gouvernement devrait retirer les projets de loi actuels, pour - si cela existe encore - négocier de bonne foi, sans menace et sans chantage, le renouvellement de la convention collective, de celle qui vient à échéance le 31 décembre prochain.

Quant à nous, nous estimons, malgré les déclarations des ministériels, que le gouvernement ne respecte en aucune façon sa signature, ni même l'esprit du Code du travail qui prévoit que, lorsqu'une convention vient à échéance avant son renouvellement, il n'y a pas de modification aux conditions de travail. Ce que fait le gouvernement actuel avec le projet de loi no 70 a effectivement cet effet, puisqu'il va changer des choses. D'abord, dans une partie, il va prolonger la durée de la convention collective et il va également récupérer de l'argent que nous avons, je pense, tous ensemble, consciemment - je le souhaite -signé en 1980, lorsque vous nous avez aussi, dans un premier temps, forcés à consulter nos membres pour accepter la proposition que le ministre des Finances, à l'époque, estimait comme étant fort raisonnable. (17 h 30)

Nous estimons... Et là-dessus nous n'avons pas eu de réponse, malgré les affirmations du député de Vimont indiquant que le gouvernement avait un livre bien ouvert. Nous n'avons pas obtenu les réponses à nos demandes pour obtenir copie des contrats ou des sous-contrats d'entretien et de réparation puisque nous estimons que, quant à nous, il y a une partie de l'argent qui pourrait être économisée à ce niveau-là, si on tient compte que pour les fonctionnaires et ouvriers que je représente la récupération d'argent représente 41 000 000 $.

De plus, l'attitude actuelle du gouvernement remet en question la crédibilité du gouvernement. Nous pouvons difficilement, même dans le cadre d'une prochaine négociation, avoir une confiance aveugle dans le texte et le comportement que nous aurons au cours des prochaines conventions collectives. Quant à nous, même si nous sommes les plus pénalisés par le projet de loi no 70, puisque c'est à nous que vous faites payer la note beaucoup plus qu'aux autres, nous estimons quand même qu'il vous appartient en temps que gouvernement de décider. Suivant votre attitude, nous adopterons une attitude appropriée pour agir en conséquence, en temps opportun.

Nous n'avons pas l'intention, en tant que Syndicat des fonctionnaires provinciaux, de servir de caution morale à l'incurie administrative du gouvernement et d'apposer notre signature sur une entente forcée par le projet de loi no 70. Nous allons plutôt subir et nous nous reverrons en temps et lieu. C'est tout ce que nous avions à vous dire. Quant à nous, le gouvernement devra porter l'odieux du geste qu'il pose depuis déjà quelque temps sur le dos et au détriment des fonctionnaires. Je pense que depuis quelques années on subit des attaques répétées de la part du gouvernement qui fait en sorte que les fonctionnaires, qui pourtant devraient être les plus proches collaborateurs du gouvernement, sont méprisés au maximum. C'est eux qu'on prend comme boucs émissaires de la situation actuelle. C'est une situation que nous ne pouvons accepter. C'est tout ce que nous avions à vous dire.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le ministre.

M. Bérubé: II y a une question que j'ai de la difficulté à interpréter. Vous dites que la commission a été convoquée par le gouvernement, alors que j'ai eu l'impression au contraire, à la suite des télégrammes que vous et les centrales m'avaient envoyés, qu'elle avait été demandée par les travailleurs pour se faire entendre sur le projet de loi. Nous avons accepté de tenir cette commission d'abord, en bonne part, parce que vous aviez raison de demander à être entendus; deuxièmement, parce que la situation que nous traversons nous oblige nécessairement à des remises en question de nos comportements. Lorsque vous dites: Nous allons subir la loi et nous nous reverrons en temps et lieu, je m'interroge, à savoir si la perception de la situation économique que vous avez doit nous amener à des changements d'habitude ou d'attitude par rapport à ce que nous avons connu dans les négociations antérieures. .

J'aimerais savoir si pour vous aussi, les problèmes que vivent nos concitoyens qui n'ont pas la sécurité d'emploi, qui n'auront peut-être pas une indexation au coût de la vie cette année, qui n'auront certainement pas une prime d'enrichissement puisque finalement l'économie aura reculé de 3,6% cette année et peut-être plus que cela lorsque nous verrons les chiffres finaux... Face à une crise comme celle que nous vivons, croyez-vous que le syndicalisme doit également ajuster son attitude face aux négociations et tenter non seulement de défendre les intérêts de ses membres, ce qui est normal, mais également de travailler à l'intérêt plus général de la société ou est-ce que vous croyez que l'attitude syndicale devrait être une attitude purement de défense des droits syndicaux sans avoir à se préoccuper du problème que vit le reste de la société? J'aimerais savoir un petit peu comment vous sentez, vous, la crise, comment elle frappe nos concitoyens autour et quel genre d'effort on doit tous ensemble

être prêts à fournir pour faire en sorte qu'on allège le fardeau de nos concitoyens.

M. Harguindeguy: D'abord, je voudrais préciser que c'est effectivement vrai que nous avons demandé d'être entendus en commission parlementaire, sauf que dans le même souffle le premier ministre déclarait qu'effectivement il y aurait une commission parlementaire mais que le gouvernement n'entendait pas retirer ses projets de loi. Donc, ça rime à quoi d'avoir une commission parlementaire si à toutes fins utiles le résultat va être le même? Se faire entendre pourquoi? Ce n'est quand même pas le lieu le plus approprié pour négocier un renouvellement de convention collective ou une réouverture des conventions collectives.

Quant au problème global auquel doit faire face l'ensemble des citoyens du Québec, c'est un fait que la situation n'est pas des plus gaies à l'heure actuelle. Cependant, le principe que vous avez amené dans le projet de loi no 70 a de drôles d'incidences quant à nous, employés de l'État. Notre première responsabilité, je pense que c'est de défendre les intérêts des membres qu'on représente. Or, par ce projet de loi, vous nous faites accepter des comparaisons que nous n'estimons pas acceptables, tout en nous comparant avec des secteurs non syndiqués. Donc, vous savez fort bien que si nous acceptons aujourd'hui de baisser les salaires, cela va se faire ailleurs. On a l'exemple de la Banque nationale qui vient d'annoncer qu'effectivement ses employés n'auraient pas d'augmentation de salaire. Or, dans votre propre comparaison, cette institution bancaire est indiquée. Donc, nécessairement, l'année prochaine, si on accepte ce principe sans se battre à l'heure actuelle, on va être encore au même point, on va encore être trop rémunérés.

D'autre part, la façon dont vous appliquez la récupération d'argent représente, quant à nous, plus de 18,85%, parce que, mathématiquement parlant, vous l'avez appliquée sur un gel d'augmentation du coût de la vie de 10,4% au 30 juin. Or, il peut s'avérer qu'au 30 juin 1982, l'augmentation sera peut-être plus près de 12%, ce qui ferait en sorte que la récupération effective par rapport au salaire reçu par l'employé le 31 décembre 1982 serait de l'ordre d'au moins 20% et non pas 18,85%.

Le fait d'accepter ce principe, cela va même à l'encontre des comparaisons que vous avez effectuées. Parce que vous êtes fort conscients, j'imagine, que dans votre comparaison, il y a des classifications pour lesquelles la différence qui existe aujourd'hui avec les entreprises privées n'est pas aussi importante que celle que vous prétendez. Vous avez appliqué une moyenne. Pour nous, accepter ce principe, aujourd'hui, c'est quand même reculer drôlement par rapport à ce que nous connaissons comme situation.

Également, cela remet en question tout les principes pour lesquels on s'est battu jusqu'à maintenant, parce qu'on n'est même pas convaincu qu'au mois de mars prochain, votre déficit actuel va être aussi régularisé. Avec le manque à gagner que vous avez, il y a quand même un trou de l'ordre d'à peu près 750 000 000 $ qui va demeurer au mois de mars. Il peut augmenter, parce que vos budgets ont toujours été déficitaires, plus que les prévisions présentées à l'Assemblée nationale. Qui va payer la note, la prochaine fois? Est-ce encore nous? Quant à avoir une lutte à faire à un moment donné, on aime autant la faire une seule fois pour toutes.

Quant au reste, écoutez, qu'il y ait des administrations et des coutumes à changer, c'est vrai, sauf qu'il y a peut-être des options qui sont moins politiques sur lesquelles vous n'êtes pas prêts à changer. Quand on s'est rencontré au mois d'avril, vos représentants nous ont indiqué que dans votre budget de dépenses, il y avait un montant de 200 000 000 $ qui représentait l'embauche d'étudiants, d'employés occasionnels, le temps supplémentaire. Nous, nous avions estimé qu'il y avait une possibilité d'économiser de l'argent là, en utilisant de façon plus rationnelle les employés. Vous nous avez dit qu'il fallait répondre de cela à la population, à savoir qu'est-ce que vous alliez répondre aux étudiants qui cherchent de l'ouvrage d'été. Mais vous comprendrez que ma préoccupation première et celle des membres c'est de maintenir les conditions pour lesquelles ils ont fait des sacrifices antérieurement.

N'oubliez pas qu'en 1979, on a fait six mois de grève ou de moyens de pression qui nous ont coûté de l'argent. Ce n'est quand même pas pour rien que nous l'avons fait. Nous serons prêts, s'il le faut, à le faire encore.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. D'autres questions, M. le ministre.

M. Bérubé: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: D'abord, M. le Président, je voudrais signaler au président du Syndicat des fonctionnaires et à ses collègues que nous nous intéressons de très près à leurs conditions de travail. Il y a des principes de base auxquels nous tenons avec fermeté: en particulier, le principe qui reconnaît le droit d'association et les corollaires qui en découlent; en particulier, le droit de former et de diriger des syndicats, et le droit, à l'aide de ces syndicats, de négocier librement des conditions de travail. J'ajouterais un

troisième corollaire, le droit de s'attendre que lorsque l'employeur a donné librement et régulièrement sa signature, il respecte sa parole et ses engagements.

Nous trouvons que la façon de procéder qui est définie dans le projet de loi no 70 ne répond pas du tout à ces exigences de base et vient en contradiction flagrante avec des principes que le parti ministériel a longtemps proclamés, je dirais même, avec excès, excès compris, quand il était dans l'Opposition.

Nous avons discuté avec les représentants des trois autres centrales syndicales pendant plusieurs heures aujourd'hui de questions de fond qui se rattachent au projet de loi no 70 et au projet de loi no 68. Je ne pense pas que vous vous attendiez que nous refassions toute la discussion de fond. Je pense que nos positions sont assez clairement établies. Je voudrais vous demander, M. le président du syndicat, de quelle genre de données vous disposez de votre côté pour établir des comparaisons entre le secteur privé et le secteur public. Tout ce que nous discutons aujourd'hui repose sur le postulat mis de l'avant par le gouvernement voulant qu'un écart considérable se soit créé entre les rémunérations dans le secteur public et dans le secteur privé. Le gouvernement s'appuie sur des travaux de recherche sérieux, qui ont été faits par le bureau de recherche sur les rémunérations. Il est arrivé à certaines conclusions, à l'aide de ces travaux. Il n'a pas été question de ces chiffres aujourd'hui et ce n'est peut-être pas la place, mais je voudrais que vous nous donniez votre point de vue. Quand vous abordez ces questions, est-ce que vous acceptez, au départ, la problématique gouvernementale ou si vous avez, de votre côté, des travaux de recherche, des documents, des sources d'information, même extérieures, qui vous autorisent à avancer des résumés de situation qui pourraient être différents de ceux que le gouvernement met de l'avant?

Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: D'abord, on est dans une situation particulière au gouvernement. Il y a plusieurs fonctions pour lesquelles il n'y a pas de comparaison possible avec l'extérieur, puisque le gouvernement est le seul employeur. Ce qu'on a toujours accepté comme principe, jusqu'à présent, cela a été d'abord d'effectuer des comparaisons avec certaines classifications qui se retrouvent et d'appliquer ensuite les résultats de ces comparaisons à ces classifications à l'intérieur de la fonction publique, mais, même dans l'étude du gouvernement, celle faite par le bureau de recherche sur la rémunération, notamment dans le cas du secteur ouvrier, les employés manuels, le gouvernement lui-même prétend qu'il y a un rattrapage à effectuer et c'est exact. Par rapport à des entreprises privées, dans les travaux manuels, pour les employés de métier, il y a comparaison, même sur une base horaire, qui est assez importante, d'au-delà de 2 $ l'heure actuelle par rapport au gouvernement. Mais, même là, le projet de loi no 70 fait en sorte qu'on récupère l'argent. Même si le gouvernement estime qu'effectivement, chez les ouvriers, on devrait en donner plus ou, en tout cas, qu'il y aurait un rattrapage à effectuer de l'ordre d'à peu près 5%, on coupe quand même 20% le 1er janvier 1983, parce que tout le monde passe dans le même trou. C'est un peu la machine à saucisse de 1967 du ministre des Finances actuel, qu'il avait déjà expliquée à l'époque. On met tout cela dedans et, à la fin, tout le monde sort pareil.

Quant à la classification des fonctionnaires, le gouvernement ne respecte même pas la même comparaison de salaires pour certaines catégories d'emplois, parce que cela coûte cher, que cela coûte de l'argent. Il y a certaines classifications de techniciens pour lesquelles les salaires même intérieurs sont moindre que d'autres, même si les conditions d'admission sont similaires. C'est un vieux dossier, cela fait longtemps qu'on en parle. C'est sûr que cela adonne que ce soient des femmes qui sont dans ces corps d'emploi aussi. C'est aussi un aspect dont la proposition du projet de loi ne tient pas compte, parce qu'on coupe également, même les femmes, qui gagnent moins cher, de 20% aussi. Les employés de secrétariat sont payés même moins cher et on les coupe quand même.

En tout cas, quant à nous, la façon dont le gouvernement veut amener le projet de loi no 70 est irrationnelle. Quand on fait des comparaisons pour des corps d'emploi dont l'employeur est unique au Québec, il me semble qu'il serait approprié de pouvoir se comparer à d'autres entreprises publiques, à d'autres gouvernements provinciaux, pour établir encore une certaine comparaison, mais cela ne se fait pas non plus. On pourrait constater, à ce moment-là, que toutes proportions gardées et en incluant une politique de rémunération globale, il y aurait du rattrapage à effectuer, mais tout cela est strictement politique.

Un autre point drôlement important, je pense que le ministre des Finances, au sommet économique, avait laissé entrevoir une ouverture qui, pour nous, aurait peut-être été acceptable, à moins que ce soit une erreur dans le texte, quand il avait déclaré qu'on pourrait juger comme acceptable le fait de se comparer aux importantes entreprises syndiquées. Je pense que, déjà là, il y aurait un écart, parce que l'étude actuelle tient compte autant de l'entreprise non syndiquée que syndiquée.

Or, il va de soi que quand vous comparez cela avec des compaqnies comme Sécuribec, l'agence Philips, l'agence Pinkerton, où il n'y a pas de syndicat pour le gardiennage et qu'on prend cette classification comme étant un emploi comparable avec le privé pour appliquer la comparaison à l'ensemble du gouvernement, cela fausse les données, parce que ces employés sont payés légèrement au-dessus du salaire minimum, environ 5 $ l'heure. C'est clair que quand vous appliquez cela pour le gardiennage et qu'on prend ces classifications, parce qu'il y en a seulement 16 qui sont utilisées dans la comparaison du bureau de recherche sur la rémunération, alors qu'au gouvernement, vous avez 92 corps d'emploi chez les fonctionnaires et que vous avez au-dessus de 120 différentes classes d'emploi chez les ouvriers, les employés manuels, on prend 15 corps d'emploi et on dit: Tout le monde est comme cela. (17 h 45)

II y a actuellement une étude qui a été faite par le ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre qui devrait peut-être donner des résultats plus concrets. Cette étude va tenir compte de l'aspect de la comparaison entre les secteurs syndiqué et non syndiqué, mais ces données, c'est à la table de négociation qu'on pourra en discuter. Je ne pense pas que ce soit d'ici au 22 juin, date à laquelle vous allez finir de discuter du projet de loi 70, qu'on va régler tout cela. On a déjà tenté d'en discuter lors des précédentes négociations, mais la rémunération actuelle, la politique, c'est quand même le gouvernement qui l'a voulue. Nous avons eu le projet de loi 62 qui nous a forcés à retourner au travail et à accepter la proposition de la rémunération actuelle de la convention collective que le ministre des Finances déclarait comme étant raisonnable. Aujourd'hui, elle n'est plus bonne.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Si le projet de loi 70 est adopté par l'Assemblée nationale dans sa forme actuelle, que va-t-il arriver, d'après vous? Quelle sorte de négociations allez-vous avoir?

M. Harguindeguy: Elles vont sûrement être encore plus dures que les dernières. D'ailleurs, on se prépare en conséquence. On n'a pas le choix. Que voulez-vous? C'est pratiquement la survie du syndicat, parce que, finalement, si on signe, si on met des efforts, des énergies et de l'argent dans la signature d'une convention collective et si le gouvernement peut se permettre, dans les années qui suivent, de la mettre de côté, parce qu'elle ne lui plaît plus, je pense que cela remet en question le fondement de notre existence. Quant à nous, on ne s'est pas battus depuis 20 ans pour en arriver là.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Les coupures de salaires qui sont annoncées pour les trois premiers mois de 1983, quel effet auront-elles sur vos membres? Comment y réagissez-vous?

M. Harguindeguy: En tout cas, on peut sûrement se poser des questions sur la motivation des employés. Quand on pense que des agents de bureau, aujourd'hui, en classe nominale, au dernier échelon - ce sont quand même des gens qui y ont consacré un certain nombre d'années de leur vie, au moins huit ans, et qui ont aussi un secondaire - gagnent aujourd'hui 18 044 $ et devront rembourser, sur une base annuelle, 4054 $, c'est-à-dire environ 1016 $ en trois mois! Cela veut dire que, sur six paies et demie, il faut qu'ils retournent 1000 $ au gouvernement, ce qui sera cela de moins par rapport à leur train de vie au 31 décembre. Du 1er janvier 1983 au 31 mars 1983, les gens vont gagner moins cher qu'ils ne gagnent depuis le 1er juillet 1981. C'est une réalité.

Quand, tantôt, on a mentionné qu'on assurait le pouvoir d'achat aux gagne-petit, en tout cas, ce n'est pas tout à fait exact, quant à nous, parce que le maximum d'augmentation que donne la proposition avec la formulation actuelle, c'est environ 6% globalement, sur la période. Il ne faut quand même pas oublier que les gens qui sont au bas de l'échelle n'auront pas d'avancement d'échelon, ce qui représente environ 4% également de leur masse salariale, de leur revenu brut en tant qu'employé. On peut leur faire miroiter qu'on va leur donner 8%, mais, si le coût de la vie se situe à 12%, comme c'est le cas depuis quand même quelques années - et il y a tout lieu de croire que cela va être aussi près de 12% d'ici au 30 juin 1982 - je pense que c'est leurrer les gens que de prétendre que les bas salariés vont avoir le maintien de leur pouvoir d'achat. Ils n'auront même pas ce que le gouvernement a accepté de donner à la construction, 10% d'augmentation.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Oui, M. le Président. On nous a dit - je pense que cela doit aussi être votre impression, d'après ce que je peux tirer de vos propos - que le gouvernement a choisi la solution de facilité, c'est-à-dire d'aller chercher 500 000 000 $ chez l'ensemble des salariés du secteur public. Moi, évidemment, je ne considère pas que c'est la solution de facilité. Il n'y a pas de solution facile, actuellement, et vous nous

promettez des négociations difficiles, plus difficiles que la dernière fois. Je pense que c'est bien évident que ce n'est pas la solution de facilité.

Cependant, j'aimerais vous demander ceci. Je comprends que ce qui est dans le projet de loi 70 actuellement entraîne des baisses salariales, j'espère qu'on va se mettre à négocier le plus rapidement possible pour faire en sorte que ce genre de choses n'ait pas à s'appliquer. Ce que le gouvernement a dit, c'est qu'il faut aller chercher 500 000 000 $ sur la masse salariale et, là-dessus, on aura beau faire le tour - je ne voudrais pas reprendre tout ce qui a été énoncé en termes de possibilités, soit des hausses d'impôt ou des coupures additionnelles de dépenses, l'augmentation du déficit - s'il n'y a pas la loi 70, il faut faire un budget avec un déficit de 3 500 000 000 $ et espérer qu'au budget supplémentaire on récupérera, à la suite des négociations, 500 000 000 $. C'est à peu près cela, la situation. On ne peut pas permettre un déficit de 3 500 000 000 $, d'autant plus que la situation économique va en s'aggravant. Au mois de mars, le gouvernement disait: Pour le maintenir à 3 000 000 000 $, il faut aller chercher 700 000 000 $. Au mois de mai, c'était rendu à 900 000 000 $. Dans deux ou trois mois, cela sera combien, si la situation économique continue à se détériorer? On a beau dire: On pourrait laisser augmenter le déficit à 3 200 000 000 $ ou 3 300 000 000 $, peut-être, mais si la situation économique continue à se détériorer, on va en avoir besoin. Si on voit qu'elle se stabilise, je pense qu'on devrait tous être d'accord pour mettre cela dans la création d'emplois. Il y a 150 000 chômeurs de plus depuis que la crise a vraiment commencé à frapper en septembre de l'année dernière.

J'ai l'impression qu'on est en train de s'enfarger dans des questions importantes sur le plan des principes, sur le plan des formes de négociation, des formules de négociation. Les syndicats ont l'impression de négocier avec un fusil sur la tempe. Je me demande si vous comprenez que c'est toute la société qui a un fusil sur la tempe actuellement, à cause de la crise économique, et que si on veut que ce projet de loi ne s'applique jamais... Tout le monde dit qu'il veut négocier, vous dites que vous voulez négocier, le gouvernement dit qu'il veut négocier, les centrales syndicales disent qu'elles veulent négocier, pourquoi ne s'assoit-on pas et ne négocie-t-on pas pour essayer d'arriver à quelque chose de mieux que ce qu'il y a dans le projet de loi no 70?

Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy.

M. Harguindeguy: Sauf que le principe d'une négociation, c'est que cela doit normalement se faire de bonne foi. C'est aussi un échange de bons précédés qui fait en sorte que quand on laisse aller certaines choses, on obtient quelque chose en retour. Lorsqu'on a eu la rencontre le 16 avril dernier, nous avons demandé aux représentants du gouvernement si, effectivement, dans une possibilité de réouverture, il nous était possible d'envisager des améliorations à des clauses qui peut-être pour nous aussi nous sont à l'heure actuelle préjudiciables et qu'on voudrait voir améliorées. La réponse a été non. La seule proposition ou la seule négociation possible, c'est d'accepter la proposition telle que formulée le 16 avril ou c'est le projet de loi no 70. Le projet de loi no 70 coûte à nos membres près de 9 000 000 $ de plus que la proposition de réouverture, même si on a 52% des membres du sexe féminin, qui sont les moins bien payés. C'est aussi absurde que cela. Malgré tout, nos membres consultés ont rejeté à 94,6% la proposition du 16 avril, parce que le principe, la forme dans laquelle elle est soumise ne concorde absolument pas avec les règles de négociations qu'on doit appliquer à l'heure actuelle. Quant à nous, nous sommes prêts. Je doute que le gouvernement soit prêt à négocier, même pour le renouvellement de la convention collective au 31 décembre 1982. Nous étions disposés à le faire dans les 48 heures suivant le dépôt. Cela a été accepté par nos membres déjà lors d'assemblées qui sont terminées depuis le mois de mai.

On se souvient qu'en 1978, notre convention venait à échéance le 30 juin. Les premières propositions salariales sont venues sur la table au mois d'octobre 1979. On a signé au mois de janvier 1980. Estimer ou penser que le gouvernement va être prêt à envisager une négociation globale pour le renouvellement de tous les articles de la convention, j'en doute, à moins de ne rien changer et de dire: C'est cela que je donne, prends cela, et je négocie, c'est comme ça. Mais ce n'est pas comme cela des négociations, quant à nous.

M. Paquette: Si le gouvernement vous disait: On est prêt à négocier immédiatement l'ensemble des conventions collectives, vous seriez prêts à le faire immédiatement, le plus vite possible?

M. Harguindeguy: Demain matin, à 8 heures, si vous voulez. Ce soir, il y a une manifestation, nous ne sommes pas libres, mais demain.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne. Vous n'aviez pas terminé? Je m'excuse, une autre question, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Est-ce que je dois interpréter votre réponse dans le sens que vous seriez prêts à négocier, même si le projet de loi est sur la table?

M. Harguindeguy: Nous sommes toujours prêts. Nous n'avons jamais refusé aux représentants du gouvernement de les rencontrer.

M. Paquette: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Vous aviez une question, Mme la ministre de la Fonction publique?

Mme LeBlanc-Bantey: ... prêts demain matin, nous aussi.

M. Harguindeguy: À 8 heures, au centre des négociations, si vous voulez. Nous serons là.

M. Grégoire: Demain matin?

Le Président (M. Bordeleau): Vous allez être là, M. le député de Frontenac?

M. Grégoire: C'est réglé. Merci, messieurs.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Seulement une question courte, M. le Président. Concernant l'impasse dans laquelle le gouvernement se trouve à cause de ce que j'appelle le truc Bérubé, j'ai entendu dire très clairement par des groupes qui vous ont précédé qu'à moins que le gouvernement retire son projet de loi, ils ne sont pas prêts à négocier. En réponse, le ministre a dit qu'il n'est pas prêt à retirer son projet de loi, mais que lui aussi, il est prêt à négocier. Donc, là, votre position semble être un peu plus dans le sens que même si le projet est adopté comme loi, vous serez prêts à négocier; j'ai bien compris cela.

M. Harguindeguy: Si j'ai bien compris tantôt la question du député de Rosemont, c'est dans le cadre de négocier le renouvellement de la convention collective; je suis prêt, c'est cela que j'ai répondu, je suis prêt.

M. Polak: Même si le projet de loi est adopté.

M. Harguindeguy: Nos demandes sont formulées en fonction de notre convention collective actuelle, indépendamment du projet de loi no 70 et de ce que nous estimons être un minimum essentiel que nous devons avoir à compter du 1er janvier 1983. C'est dans ce cadre que je suis prêt à négocier.

M. Polak: Maintenant, les groupes qui vous ont précédé ont fait part... M. Laberge l'a dit: Nous, nous sommes prêts à faire notre part, mais il n'y a pas beaucoup de détail sur ce que veut dire: "faire notre part." Est-ce que, parce que tout de même il faut penser aussi à l'opinion publique, on parle avec du monde, à la manière dont les gens réagissent vis-à-vis de la proposition...? Je suis d'accord avec la position que les syndicats ont prise, qu'on aurait dû négocier avant, c'est notre opinion. Mais, ne croyez-vous pas que ce serait utile d'aller un peu plus en détail concernant "faire notre part"? Qu'est-ce que cela veut dire? Vous n'avez pas besoin de mettre toutes les cartes sur la table, mais ce serait peut-être une bonne idée - je sais que c'est difficile parce que vous ne voulez pas négocier sur la place publique, mais pour satisfaire l'opinion publique - de dire: Voici, on serait prêt à discuter telle et telle condition, si pénible que ce soit, on est prêt à faire notre part. Vous pourriez donner un peu plus de détails pour justement avoir, peut-être, je ne sais pas, l'opinion publique et forcer le gouvernement à retirer le projet de loi et à vraiment négocier.

M. Harguindeguy: Je peux difficilement répondre, il aurait fallu poser la question tantôt à M. Laberge parce que je ne suis pas affilié à la FTQ, moi; on est un syndicat indépendant. Alors, je ne peux pas répondre pour lui.

D'autre part, quant à nous, il y a peut-être des efforts qui pourraient être effectués au niveau de la gestion de certains ministères, au niveau de l'embauche de certains employés, au niveau même des réductions de l'effectif. Vous savez, même là, on ne peut quand même pas parler de rationalisation non plus, c'est 1% partout, tout le monde, on coupe bien à plat; sauf que dans les cadres, il n'y a pas tellement de coupures. En tout cas, on n'en a pas tellement vu. Il y a l'équipement qu'on achète qui n'est pas utilisé pour lequel le gouvernement emprunte, va payer des intérêts, et tout le monde va payer en double parce qu'on paie un entrepreneur pour faire le job et l'entrepreneur, lui, on le paie selon le décret de la construction, selon le décret qui est applicable dans ce corps de métiers, en plus de lui payer la dépréciation de son équipement à lui, de payer également son administration et ses profits. Ce sont des choses que l'on voudrait pouvoir discuter.

D'ailleurs, nous avons demandé cela à la suite de la rencontre du 16 avril et nous n'avons pas eu de réponse. Quant à nous, il y a des travaux qui s'effectuent à l'heure actuelle à l'extérieur du gouvernement par des entreprises privées - donc, c'est donné à

contrat, à sous-contrat - où le coût devrait être moindre s'ils étaient effectués par les employés du gouvernement qui possèdent les compétences et les qualifications voulues et pour lesquels le gouvernement est déjà en possession d'équipements appropriés. Vous avez des véhicules qui dorment dans les districts du ministère des Transports pour lesquels tout le monde paie; vous avez même des camions qui sont vieux de dix ans, pour lesquels on paie des réparations à l'heure actuelle qui coûtent plus cher pratiquement qu'un camion neuf. J'ai déjà transmis aussi à l'adjoint du ministre des Finances certaines informations bien particulières sur une émission radiophonique...

M. Polak: Envoyez-nous une copie.

M. Harguindeguy: Les articles - je les ai aussi envoyés à M. Ryan, je me suis permis cela - pour être sûr que la question revienne à l'Assemblée nationale. Ce sont des choses comme celles-là que nous pourrions discuter où déjà on pourrait démontrer qu'il y a des dépenses qui s'effectuent sur lesquelles on pourrait exercer un meilleur contrôle. Je ne sais pas si c'est 40 000 000 $, ce que cela représente chez nous, mais même si ce n'était seulement que 10 000 000 $, ce serait déjà au moins 10 000 000 $ de pris.

M. Polak: Merci, M. Harguindeguy.

Le Président (M. Bordeleau): Merci; M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, je passe.

Le Président (M. Bordeleau): Vous passez. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est seulement une précision que je voudrais avoir. Vous êtes prêts à négocier demain matin la nouvelle convention collective en examinant toute la question de la gérance, etc. Est-ce que vous êtes prêts à entrer dans cette négociation-là la part des 521 000 000 $ qui vous serait impartie, compte tenu de ce que représente la masse salariale dans la fonction publique? (18 heures)

M. Harguindeguy: Généralement, quand on parle de négociation, on ne va pas là avec déjà une idée préconçue, si on négocie, c'est parce qu'on est ouvert à toute discussion. On verra là. Je ne peux pas m'engager plus que cela, aussi longtemps d'avance.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, j'avais des questions à poser à M. Harguindeguy, mais je le trouve de bien bonne foi, du moins à ce qu'il nous dit, qu'il est prêt à entrer tout de suite, dès demain, dans les négociations, y compris la tranche de 521 000 000 $ qui...

Une voix: II n'a pas dit cela...

M. Grégoire: Bien, j'ai cru comprendre cela.

M. Rivest: Ce n'est pas ce qu'il a dit du tout.

M. Grégoire: Ce n'est ce que vous avez dit?

M. Harguindeguy: Vous êtes trop proche...

M. Grégoire: Vous avez dit que vous entriez là sans intention préconçue, j'en ai conclu que vous entriez là pour négocier ce qu'il y avait à négocier.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:

M. Grégoire: Quand même, si ce n'est pas cela que j'ai compris, je pourrais dire à M. Harguindeguy: C'est vrai que vous êtes peut-être à plaindre, les fonctionnaires, et vous avez peut-être raison de vous plaindre. C'est peut-être vrai.

Je peux vous donner de petits exemples qui atténueraient vos plaintes, M. Harguindeguy. Par exemple, pour moi, ce sont les travailleurs de l'amiante, il y en a 6000. Eux, comme vous disiez tout à l'heure, en l'espace de trois mois, on va leur couper 1000 $ sur leur paye de 18 000 $. Nos travailleurs gagnent à peu près cela aussi, mais, dans le fond de la mine, à la poussière et tout. Ils ont été mis à pied à la Société Asbestos pour trois mois. Pour eux, ce n'était pas 1000 $, c'est tout le salaire coupé pendant trois mois. À la Johns-Manville c'est quatre mois, et cela va recommencer. En plus, ces mines font des mises à pied de façon permanente. À la Johns-Manville, il y avait 2500 travailleurs de l'amiante, il en reste 850. Imaginez-vous, les deux tiers sont complètement à pied, plus de salaire, de sécurité d'emploi, plus rien. Évidemment, je n'ai pas tellement de fonctionnaires dans mon comté, j'ai ceux du bien-être social... Non, ils ne veulent pas venir demeurer à Thetford en général.

Une voix: Vous serez là lundi? M. Harguindeguy: II y en a un.

M. Grégoire: Je ne serai pas là lundi. Oui, je vais être là lundi.

J'ai ceux du palais de justice, du bien-être social, des véhicules automobiles, mais j'ai beaucoup de travailleurs de l'amiante, c'est cela qui me préoccupe. Quand je vois et que je regarde cela, depuis ce matin, je me dis: II y a tout de même une différence entre les deux secteurs.

Pendant un certain temps, on trouvait que les fonctionnaires, étaient mal payés, je me rappelle, il y a 20 ans, 25 ans, 30 ans, ils n'étaient pas les mieux traités de la société. Tout le monde était prêt à faire un effort pour aider les employés de la fonction publique à obtenir un meilleur statut. Aujourd'hui, dans les années qu'on traverse à cause de la sécurité d'emploi, premièrement et surtout à cause de cela, vous avez certainement un meilleur statut que les travailleurs de l'amiante qui, il y a 25, 20, ou 15 ans, étaient peut-être mieux traités au point de vue salaire que les fonctionnaires. Aujourd'hui ils se voient sortir les uns après les autres. À la Johns-Manville, 1700 employés sur 2500, sont à pied, et, à l'Asbestos, 400 sur 1800 ont été mis à pied. C'est comme cela partout.

Dans d'autres industries, dans d'autres usines, c'est, au complet, des gars qui ont -vous parliez de jeunes filles qui avaient huit ans d'ancienneté - 20 ou 22 ans d'ancienneté et qui ont été mis à pied. Vous pouvez vous dire en ce moment que les plaintes que vous formuliez, sont réellement applicables. Ce dont vous pouviez avoir à vous plaindre, ils peuvent s'en plaindre réellement, parce que leur salaire est coupé complètement.

Quand le gouvernement arrive et dit: On a besoin d'une marge de manoeuvre, on ne peut plus taxer, on ne peut plus emprunter, ceci veut dire en définitive, pour ces 320 000 employés de la fonction publique, que la crise est dure pour tout le monde. Est-ce que vous êtes prêts à faire votre part là-dedans? Regardez ce qui se produit, que ce soit en Abitibi, dans les mines également, que ce soit sur la Côte-Nord, que ce soit en Mauricie, des industries de 300 à 400 employés ferment leurs portes soit dans la région de l'Amiante, soit à Sherbrooke, dans les industries du textile et de la chaussure. On ne leur demande pas s'ils veulent faire leur part, ils sont obligés de la faire.

Vous pourriez me dire: On a des conventions collectives, mais la demande qui est faite, par le projet de loi no 70, c'est après la convention collective, après le 1er janvier, une fois les trois ans terminés. On vous demande même d'en négocier les modalités. Si cela peut vous aider, si cela peut vous encourager, dites-vous que ce qui vous est demandé aujourd'hui, ce n'est pas grand-chose à côté de ce qui est demandé aux travailleurs de l'entreprise privée, surtout dans l'industrie.

M. Harguindeguy: Le terme de la sécurité d'emploi on le galvaude pas mal et on l'utilise à toutes les sauces pour démontrer qu'on est bien, sauf qu'à moins de vouloir revenir à ce qui a existé avant la venue du syndicalisme, où les employés pouvaient changer d'emploi parce qu'on changeait de gouvernement, je pense que la sécurité d'emploi dans les secteurs que vous avez identifiés, même si vous l'aviez pas dans la convention collective, elle existerait. Prenez l'aide sociale, où il y avait environ 150 cas par employé, par agent d'aide sociale, il y a déjà quelques années; aujourd'hui, chaque employé traite au moins 300 à 400 cas, parce qu'il y a beaucoup d'assistés sociaux. Au niveau de la justice, là aussi, comme il y a bien des assistés sociaux et bien des gens qui ne travaillent pas, il y a bien des gens qui travaillent. Même si vous n'aviez pas la sécurité d'emploi, cela l'assurerait quand même, les besoins étant là.

D'ailleurs, en tant que gouvernement, je pense bien que vous vous chargez indirectement de nous créer notre sécurité d'emploi. Quand j'ai commencé au syndicat, je me souviens, il y a déjà près de 17 ans, nous étions 26 000 fonctionnaires dans la fonction publique québécoise, autant fonctionnaires qu'ouvriers, mais, comme les gouvernements qui ont passé ont toujours créé de nouveaux organismes, de nouvelles régies ou de nouvelles commissions, parce qu'il y avait de nouveaux programmes et de nouvelles options, aujourd'hui, nous sommes 35 000 permanents et 11 000 employés occasionnels. C'est quand même parce que vous l'avez décidé comme cela. Quand vous avez décidé de récupérer l'assurance automobile, cela a, c'est sûr, augmenté le nombre de gens, mais c'est parce que le gouvernement l'a voulu. Quand l'assurance-hospitalisation est arrivée en 1966, cela a été la même situation. Qu'on ne nous reproche pas aujourd'hui d'être nombreux et d'avoir la sécurité d'emploi, c'est vous-même, le gouvernement, qui décidez quels sont les programmes et les politiques que vous allez mettre de l'avant et, pour les mettre en pratique, ce n'est quand même pas vous, les députés, qui allez le faire, cela prend des employés. Ce sont donc des fonctionnaires. Je pense que la sécurité d'emploi, avec la politique qu'a le gouvernement à l'heure actuelle de donner le plus de services possible à la population, c'est pratiquement automatique. Même si ce n'était pas écrit sécurité d'emploi et que c'était une question de mise à pied après tant d'années de services, les gens resteraient là pareil s'ils font le travail.

Je pense que depuis quelques années la venue du syndicalisme a permis d'améliorer le rendement des employés. Vous êtes quand même en mesure, avec les outils de gestion que vous avez, de vous occuper de les

utiliser pour avoir le rendement voulu des gens. Il y a des gens qui n'ont pas d'avancement d'échelon s'ils n'ont pas un rendement satisfaisant. Les gestionnaires que vous avez mis en place, assurez-vous qu'ils fassent leur job. Il y a quand même des possibilités aussi de mettre à pied, de suspendre. Il y a des mesures disciplinaires qui peuvent être prises et on en prend.

Donc, la fonction publique d'aujourd'hui n'est quand même plus celle qu'elle était il y a 20 ou 25 ans. Il ne faut quand même pas utiliser le même thème et démontrer qu'on est des ronds-de-cuir. La population estime déjà suffisamment qu'on est payé à rien faire sans que les politiciens s'en mêlent, eux qui, en plus, sont responsables de voir à ce que les fonctionnaires fonctionnent. C'est votre job, je pense bien. Nous, on fait la nôtre, n'allez pas mettre tout le blâme sur le dos des fonctionnaires. Cela ne marchera sûrement pas.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Mais, M. Harguindeguy, je ne vois pas pourquoi vous vous sentez visé. Peut-être que vous êtes à plaindre, mais je vous le dis, à l'heure actuelle, dans la crise que nous traversons, il y en a qui le sont encore plus et je vous dis aussi que dans les coupures qu'on fait comme, par exemple, dans le domaine des transports où on coupe dans la construction de routes, tout le personnel reste là, dans les bureaux de la voirie, dans les régions, même si on coupe dans la construction de routes.

M. Harguindeguy: Ce n'est pas cela. C'est donné à contrat.

M. Grégoire: II y a beaucoup de travail en régie, tous ceux qui préparent les contrats et tous ceux qui sont là dans les bureaux, il y a des gens quand même. Il y a tout de même... Je sais bien qu'à Plessisville il y a environ 60 permanents et 75 occasionnels l'été, mais les 60 permanents qui travaillent à la construction de routes, il s'en construit beaucoup moins de routes, mais ils sont encore tous là. Ce n'est pas seulement là-dessus, mais je vous dis que cette sécurité d'emploi, dans certains cas et en général, parce que le gouvernement, justement, ne peut pas fermer boutique comme une mine d'amiante, je vous dis: Peut-être que vous êtes à plaindre, mais est-ce qu'en voyant ce qui se passe dans le secteur privé, vous n'êtes pas portés à faire votre part aussi quand le gouvernement demande, sur une masse salariale totale de 12 250 000 000 $: On a besoin pour un an, ce qu'on n'a pas demandé depuis longtemps, de 520 000 000 $ répartis sur les plus hauts salariés? Cela a été demandé à partir de 38 000 $, de zéro à ceux qui gagnaient 38 000 $ et plus. Ne trouvez-vous pas normal que ceux-là aussi fassent leur part? Vous êtes bien chanceux d'avoir une boutique que le gouvernement ne peut pas fermer, qui ne peut pas fermer, une "shop" qui ne ferme pas, mais il y en a qui travaillent dans des "shops" qui ferment.

C'est ce que je vous dis: Vous êtes peut-être à plaindre, parce qu'on est en temps de crise, mais pas tellement en comparaison avec d'autres et c'est pourquoi aujourd'hui je vous demande: Pourquoi ne faites-vous pas votre part à votre tour? Vous dites: Quand il y en avait 150 sur le bien-être social par employé, il y en a 300 aujourd'hui, cela veut dire que cela a doublé. C'est l'effet de la crise économique. Eux sont encore plus à plaindre comparativement à ce qu'on demande à l'heure actuelle à la fonction publique.

Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy, vous voulez... Cela va?

M. Harguindeguy: Non. Je ne veux pas faire un débat, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de la Fonction publique.

Une voix: La ministre.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, je m'excuse. Mme la ministre de la Fonction publique.

Mme Le Blanc-Bantey: Je voudrais simplement remercier le syndicat des fonctionnaires d'avoir bien voulu venir témoigner ici aujourd'hui et lui réitérer notre volonté d'être là à 8 heures demain matin -bien sûr, si la manifestation ne se termine pas trop tard pour vous - et lui dire aussi que je pense qu'au-delà du formalisme il vient de faire la preuve, par son ouverture à la négociation que ce qui l'intéresse, d'abord et avant tout, c'est l'intérêt de ses membres. Je veux lui réitérer notre volonté d'en arriver à une entente le plus rapidement possible, tout le monde ensemble.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Comme il n'y a pas d'autres questions et qu'il est même passé 18 heures, je demanderais au ministre de conclure.

M. Bérubé: Je vous signalerais, premièrement, que j'ai apprécié votre intervention franche. Vous n'avez pas caché votre intention de négocier vigoureusement, vous avez été francs, directs, en peu de mots. Je dois vous en remercier. Le temps n'est pas au camouflage, le temps est à se parler carrément et honnêtement, de telle sorte qu'on sache à quoi s'en tenir. Là-

dessus, j'apprécie votre intervention.

Ce que j'apprécie également, c'est votre ouverture à la recherche d'un compromis. Évidemment, vous serez là pour défendre les intérêts de vos membres, mais ce n'est pas moi qui vais vous le reprocher, c'est votre mandat. Bien sûr, il y a la recherche de ce compromis, parce qu'on a un compromis difficile à établir entre les intérêts de nos employés et les intérêts de l'ensemble de la société aux prises avec une crise particulièrement dramatique. Ce compromis va certainement être plus difficile à établir en cette période qu'il ne pouvait l'être dans les années passées. Ce n'est pas parce que ce compromis sera sans doute plus difficile à trouver qu'on doit pour autant croire qu'il ne sera pas possible. Je trouve que votre intervention aujourd'hui, par sa franchise et en même temps par son ouverture, indique bien qu'au Québec on est capable de faire des consensus. Ils peuvent être difficiles, mais je pense qu'ils sont possibles.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le chef de l'Opposition, le mot de la fin.

M. Ryan: Je remercie le Syndicat des fonctionnaires provinciaux de son apport à notre recherche commune. J'écoutais le ministre résumer ce qui s'est dit. Quand il lira attentivement les paroles qui ont été prononcées par le président du syndicat des fonctionnaires, il va peut-être s'apercevoir qu'une fois de plus il a lu un petit peu trop vite et il a interprété un petit peu trop rapidement! Je lui conseillerais de lire cela bien attentivement. Il sera rapidement amené à la conclusion que le carcan dans lequel le gouvernement prétend engager cette négociation ne se prêtera pas beaucoup à la découverte du genre de compromis qui pourrait être honorable et acceptable pour les uns et les autres. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): M. Harguindeguy, un petit mot de la fin.

M. Harguindeguy: Juste un petit point, parce que je ne voudrais quand même pas laisser le ministre, le président du Conseil du trésor sous une fausse impression quand j'ai parlé d'ouverture. Je suis prêt à négocier, c'est vrai, le renouvellement de la convention collective qui vient à échéance le 31 décembre 1982. Dans mon intervention, tantôt, j'ai indiqué que c'était sur la base de la convention actuelle avec des propositions d'un minimum que nous estimons nécessaire à compter du 1er janvier 1983; ce n'est pas dans le cadre du projet de loi no 70, ni dans le cadre de la proposition du 16 avril, je ne voudrais pas qu'il se fasse des illusions.

M. Bérubé: Je ne me fais aucune illusion, mais j'ai surtout noté cette volonté de négocier. C'est sur cela que j'ai insisté.

M. Harguindeguy: Je suis payé pour cela.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 14)

(Reprise de la séance à 20 h 22)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission parlementaire des finances et des comptes publics reprend donc ses travaux, travaux qu'on avait suspendus à 18 heures.

Il nous restait, théoriquement, en tout cas, trois mémoires à recevoir, soit le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, le Cartel des organismes professionnels de la santé et la Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc., qui nous avaient quand même signifié qu'ils voulaient simplement déposer leur mémoire.

On m'a signifié, à la suspension de 18 heures, que les deux premiers, soit le Syndicat des professionnels et le Cartel des organismes professionnels, ne seraient pas ici. Je les appelle quand même au cas où il y aurait des représentants. Est-ce qu'il y aurait quelqu'un, un représentant ou une représentante du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec? Tel qu'on me l'a exprimé, je demanderai donc, comme on m'a présenté quand même un petit mémoire de quelques pages...

M. Bérubé: Le député de Sainte-Anne aimerait représenter ces deux cartels. Je sais qu'il sera écartelé entre ses options politiques, néanmoins, il peut toujours s'asseoir et on va lui poser des questions.

M. Polak: ... j'adore cela, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bordeleau): Je demanderai donc au secrétariat des commissions d'inclure le petit mémoire de quelques pages au journal des Débats.

Une voix: II faudrait en demander des copies.

Une voix: Oui, il faudrait bien en avoir une copie.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais

j'imagine qu'il en a fait des copies.

M. Bérubé: On m'explique qu'à la suite des compressions budgétaires la reproduction de ces mémoires est devenue extrêmement dispendieuse et, de honte, je me cache sous la table, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pourrais-je faire remarquer que, pas plus tard que lundi ou mardi, j'étais à mon bureau de comté et j'ai reçu de Communication-Québec... Je suis certaine que tous les députés l'ont reçu, c'était au sujet de... Honnêtement, j'oublie exactement ce que c'était. En tout cas, il y avait quarante pages qui n'étaient même pas imprimées recto verso. Je pense qu'on ne devrait pas faire des économies sur un mémoire de citoyens qui viennent devant nous.

Une voix: Accompagné d'un sommaire, d'ailleurs.

M. Bérubé: Vous avez parfaitement raison, Mme la députée de L'Acadie. Je reconnais cela, mais je dois également avouer que, dans le domaine de la photocopie, nous avons fait un effort important de rationalisation de nos dépenses pour les réduire, ce qui amène à ce jour une économie de 5 000 000 $ à 6 000 000 $. Je dois avouer que dans cet effort pour réduire les dépenses gouvernementales, il arrive parfois que nous fassions des économies dites de bouts de chandelle. Vous avez raison de nous le souligner, comme, de toute façon, vous aurez raison de nous souligner certaines économies à faire que nous n'aurions pas faites.

Des voix: Consentement.

Une voix: Au moins des copies pour les membres de la commission.

Une voix: Oui, c'est cela, des copies pour les membres de la commission.

M. Bérubé: Cependant, pour le député de Sainte-Anne qui régulièrement s'élève contre toutes ces dépenses de rapports gouvernementaux, j'aimerais qu'on ne fasse pas de copie.

M. Rodrigue: M. le Président, j'invoque une question de règlement.

M. Polak: M. le Président, est-ce que j'ai bien compris le ministre?

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse, j'ai une question de règlement. Je vais d'abord entendre la question de règlement du député de Vimont.

M. Rodrigue: Étant donné que l'objet de notre commission, c'est d'entendre les groupes qui veulent nous présenter des mémoires, je ne voudrais pas qu'on revire cela en commission des comptes publics et étant donné que certains ont un voyage à faire ce soir, j'apprécierais qu'on procède avec l'ordre du jour de la commission.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, tout cela a été fait, il me semble que le camarade ait été absent pendant quelques instants.

Une voix: Le camarade, c'est moi.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, si j'ai bien compris, le ministre nous invite pour rencontrer dehors dans à peu près quinze minutes, les travailleurs, les travailleuses, les Québécois, les Québécoises en groupe; on va vous accompagner.

Mme LeBlanc-Bantey: On ne pourra jamais empêcher les mères de famille d'avoir du bon sens.

M. Bérubé: On est d'accord pour la reproduction et la distribution.

Le Président (M. Bordeleau): Alors; d'accord, les quelques pages seront donc reproduites au journal des Débats. (Voir annexe)

M. Bérubé: Si nécessaire, vous le prendrez sur le budget du Conseil du trésor.

M. de Belleval: Je vais le payer de ma poche, s'il le faut.

Le Président (M. Bordeleau): Ensuite, comme septième organisme, on avait le Cartel des organismes professionnels de la santé.

M. de Belleval: Ces personnes ne sont pas ici.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, est-ce qu'il y a des gens de ce groupe, de cet organisme, qui sont ici?

M. de Belleval: Non.

M. Bérubé: Est-ce que le député de Sainte-Anne veut intervenir?

M. Polak: J'y renonce temporairement.

M. de Belleval: M. le Président, pourriez-vous rappeler à l'ordre le président du Conseil du trésor?

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Je ne vous ai pas donné la parole, vous n'avez pas à être d'accord ou pas, vous ne me l'avez pas demandée; alors, s'il vous plaît:

Mme Lavoie-Roux: Je pense que les gens ne comprendront pas ce qui se passe. Il y a ici des visiteurs.

Une voix: Comment cela se fait-il qu'ils ne soient pas venus?

Le Président (M. Bordeleau): Je suis d'accord avec vous, Mme la députée de L'Acadie.

M. Chevrette: Madame a raison.

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Chevrette: Je pense qu'il y avait huit organismes, et le fait qu'on s'amuse peut-être, c'est parce qu'ils ne sont pas ici; on ne comprend pas, ils n'ont pas avisé, seulement.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, j'ai mentionné cela tantôt, vous auriez dû être ici au début, M. le député de Joliette.

M. Bérubé: Ils n'y sont pas. Nous devons prendre acte de la présentation du mémoire écrit de manière qu'il soit déposé au procès-verbal de notre commission. C'est la seule raison pour laquelle nous sommes convoqués présentement, nous sommes à prendre acte du dépôt des mémoires.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Chevrette: C'est parce que j'étais absent au début.

Le Président (M. Bordeleau): C'est cela que je viens de vous dire.

Une voix: II parle bien pour un ingénieur.

M. de Belleval: Ensuite, M. le Président?

Le Président (M. Bordeleau): Alors, ce mémoire aussi qui comporte en fait une page pourrait très bien être consigné au journal des Débats; cela va?

M. Rodrigue: Consentement.

Mme Lavoie-Roux: Oui. (Voir annexe)

Le Président (M. Bordeleau): Consentement. Et le dernier était celui de la Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc. Ces gens nous avaient prévenus qu'ils voulaient simplement déposer un mémoire; alors, ils n'ont pas demandé à se faire entendre nécessairement ici.

M. de Belleval: Le mémoire est déposé. M. Rodrigue: II est déposé.

Mme Lavoie-Roux: Consentement pour le reproduire.

M. Chevrette: Consentement également. (Voir annexe)

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, nous l'avons vu ce matin.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, celui-là a été distribué à tous les membres de la commission. Alors, comme cela termine le nombre des intervenants qui devaient se présenter devant nous, la commission a rempli le mandat qui lui avait été fixé par l'Assemblée nationale. Je demanderai donc au rapporteur qui est le député de Champlain de faire rapport à l'Assemblée nationale, et à moins qu'on m'indique qu'il y a d'autres interventions...

M. de Belleval: Je propose l'ajournement, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Vous n'avez pas nécessairement à proposer l'ajournement; remarquez que vous pouvez faire les propositions que vous voulez, mais j'avais...

Mme Lavoie-Roux: On ne la débattra pas, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Comme le mandat est terminé, nous allons ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 20 h 29)

ANNEXE

MÉMOIRE DU SYNDICAT DE PROFESSIONNELS DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

Depuis quelques semaines nous, travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic, sommes particulièrement gâtés par l'attention que nous porte l'employeur-législateur.

Quatre projets de loi nous échoient et modifient unilatéralement nos conditions de travail et nos droits acquis de syndiqués.

Nous ne traiterons ici que des projets de loi 68, 70, 72 mais nous tenons quand même à vous faire remarquer que le projet de loi 74 qui modifie diverses lois fiscales contient une disposition (l'article 19) que nous jugeons carrément discriminatoire et injuste envers certains travailleurs et travailleuses ayant des antécédents judiciaires. Nous ne sommes, cependant, pas très surpris du genre de fruits que produit l'actuel gouvernement envers les travailleurs et travailleuses.

Revenons aux autres projets de loi qui font l'objet de la présente commission parlementaire. Dans l'ordre chronologique, parlons du projet de loi 68 qui modifie les régimes de retraite RRE, RRF et RREGOP. Depuis plusieurs années, les syndicats négocient le sujet des régimes de retraite; ce projet de loi les modifie, à la baisse, doit-on le préciser?

Le projet dé loi réduit unilatéralement le quantum de la contribution de l'employeur dans les régimes de retraite et en plus réduit les bénéfices que devraient retirer les travailleurs et les travailleuses qui prendront dorénavant leur retraite. La réduction de 3% par an de l'indexation des prestations de retraite conduit inéluctablement à l'érosion du pouvoir d'achat des personnes retraitées.

Cette érosion sera durement ressentie après quelques années de retraite seulement. Lorsqu'on observe des taux d'inflation qui tournent autour de 12% par année, on ne peut que dénoncer l'hypothèque que le gouvernement prend sur les vieux jours des travailleurs et travailleuses qui dépendent directement et indirectement de lui.

Projet de loi 70

Passons à ce qu'on peut qualifier de "plat de résistance" des projets de loi visant les travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic.

L'employeur dépose en avril devant les centrales syndicales et les syndicats indépendants une proposition de réouverture de nos conventions collectives. Il nous offre, à toutes fins pratiques, le gel de nos salaires pour un an ainsi que la perte définitive des échelons prévus pour novembre 1982 et mai 1983 de manière à récupérer 521 000 000 $ sur des conventions collectives dûment signées. Pourtant à l'époque, le président du Conseil du trésor, M. Parizeau, avait fait part de sa satisfaction relativement à ces ententes. L'offre de réouverture d'avril était assortie de menaces de loi spéciale et de coupures d'effectifs qui ne pouvaient avoir pour effet de nous faire croire à la bonne foi de l'employeur dans son offre de négociation.

De plus, contrairement aux déclarations du premier ministre, M. Lévesque, qui accuse les syndicats de ne pas consulter leurs membres, un vote de membres du SPGQ a rejeté l'offre du gouvernement à 87%. Il s'agit d'une réponse on ne peut plus claire.

Aujourd'hui, les menaces d'avril sont devenues une triste réalité. L'employeur-législateur rouvre après coup notre convention, diminue nos salaires de 22,5% pour trois mois (selon le taux actuel d'inflation, soit 11,3% par an). Avec ce projet de loi les augmentations prévues à la convention pour le 31 décembre 1982 ne seront jamais versées. Est-ce là ce qu'on appelle ne pas rouvrir les conventions collectives?

Le projet de loi prévoit aussi le gel des avancements d'échelon pour l'année 1983 (sauf dans certains cas tels les changements de grade, reclassements, promotions ou reconnaissances de scolarité additionnelle en cours d'emploi). Il s'agit là d'une mesure permanente qui touchera les travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic pour le reste de leur carrière, et tout cela pour rafistoler une situation budgétaire supposément temporaire. L'an prochain si le déficit budgétaire se reproduit, de combien sera la coupure pour nous? Nous sommes très pessimistes sur l'avenir des relations du travail dans le secteur public si le gouvernement renie sa signature, modifie unilatéralement nos conditions de travail ainsi que les règles du jeu en cours de route.

Justement, parlons un peu des modifications aux règles du jeu qu'apporte le projet de loi 70. L'article 3 du projet prévoit que les conventions collectives des secteurs public et parapublic sont reconduites jusqu'au 1er avril 1983. L'article 4 prévoit bien sûr que les clauses salariales ne font pas partie de cette reconduction. Pour tous les syndicats visés, cet

article 3 a pour effet de leur retirer le droit légal de grève pour la période du 1er janvier 1983 au 1er avril 1983. Ce fait s'ajoute aux nombreuses autres attaques que l'actuel gouvernement fait subir aux syndiqués qui relèvent directement ou indirectement de lui. Nous sommes persuadés que les employeurs du secteur privé, où la syndicalisation est si faible et si difficile à réaliser, prennent bonne note des méthodes utilisées pour "tasser" les syndicats surtout lorsqu'elles viennent d'un gouvernement qui a déjà prétendu avoir un préjugé favorable - vous vous souvenez sûrement de la suite.

Projet de loi 72

Le dernier projet de loi concerne les services essentiels dans les affaires sociales.

À première vue, ce projet de loi ne semble pas viser la fonction publique. Cependant, une lecture attentive montre le contraire.

Le projet de loi 72 maintient les syndicats de la fonction publique dans un régime spécial des services essentiels où, à défaut d'entente avec l'employeur, ce n'est pas la liste syndicale qui prévaut mais plutôt la décision du Tribunal du travail (article 115 de la Loi sur la fonction publique).

De plus l'article 6 du projet de loi ajoute un article 111.0.23 au Code du travail qui modifie l'actuel article 111.11. Ce dernier prévoit que le syndicat doit donner un avis préalable de grève de deux jours indiquant le moment où il entend recourir à la grève. Cet avis ne peut être renouvelé qu'après le jour indiqué dans l'avis comme moment où il entendait recourir à la grève. L'article 111.0.23 proposé fait passer le délai de l'avis de deux à sept jours avec les mêmes conditions de renouvellement de l'avis.

Le gouvernement entoure de tellement de restrictions l'exercice du droit de grève qu'en bout de ligne c'est le droit de grève qui est nié. Nous nous opposons à ce qu'on alourdisse une fois de plus l'exercice du moyen le plus fondamental des travailleurs et travailleuses pour faire respecter leur droit à des conditions de travail négociées.

En conclusion, nous réitérons notre position sur les projets de loi 68 et 70: nous demandons le retrait de ces deux projets de loi qui modifient unilatéralement nos conditions de travail. Nous sommes ouverts à la discussion de toute proprosition visant la relance de l'économie du Québec et à apporter notre contribution à la solution de la crise économique.

Je termine en vous rappelant les paroles de circonstance d'une chanson de Vigneault: "à semer des vents de c'te force-là, tu t'prépares une joyeuse tempête... pis j'pense que tu t'en aperçois pas."

REPRÉSENTATION DU CARTEL DES

ORGANISMES PROFESSIONNELS

DE LA SANTÉ INC.

Aux membres de la commission parlementaire des finances et des comptes publics.

En réponse à l'invitation de la commission parlementaire sur les finances publiques, le Cartel des organismes professionnels de la santé désire se limiter, compte tenu des interventions précédentes, à manifester son opposition au projet de loi no 70 concernant la rémunération dans le secteur public dont les principes et les fondements mêmes et non pas les simples modalités, ne lui apparaissent pas acceptables.

Qu'on présente les modifications à la rémunération des employés du secteur public comme une "proposition de révision des augmentations salariales" comme en avril dernier ou comme une loi visant à assurer la réalisation des équilibres budgétaires, il n'en demeure pas moins que ces modifications équivalent à toutes fins pratiques, dans ses effets, à une réouverture unilatérale et illégitime à notre avis des conventions collectives du secteur public.

Le gouvernement du Québec a choisi d'écarter ainsi, non seulement les conventions collectives qu'il avait dûment négociées et signées mais aussi les dispositions expresses du Code du travail.

Les problèmes budgétaires du gouvernement du Québec, aussi graves puissent-ils être, ne justifient pas un projet de loi comme le projet de loi no 70. Le COPS ne peut souscrire à ce vote de non confiance envers les mécanismes de négociation usuels et la négociation qui doit être prochainement entreprise pour le renouvellement de la présente convention collective.

En conséquence, le Cartel des organismes professionnels de la santé réclame, à l'instar des autres intervenants, le retrait du projet de loi no 70.

MÉMOIRE DE LA FÉDÉRATION DES

INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS UNIS BMC.

SUR LES PROJETS DE LOI NOS 68 ET 70

La Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc., organisme qui regroupe des syndicats représentant 9000 membres, dépose le présent mémoire à la commission parlementaire sur les projets de loi no 68 et 70.

Au cours des derniers mois, le gouvernement du Québec s'est fait un devoir d'informer ses employés et la population en général de la situation financière provinciale; qu'il suffise de mentionner les tournées de certains ministres, la tenue d'un sommet économique, le dépât du budget, etc..

Rappelons que, le 16 avril 1982, le gouvernement proposait aux syndicats d'ouvrir les conventions collectives afin de récupérer la somme de 521 000 000 $ à même les salaires des travailleurs des secteurs public et parapublic, et ce, afin de résoudre la crise économique qui sévit actuellement au Québec.

À défaut d'accepter cette proposition, le gouvernement menaçait les syndicats de décréter le gel des salaires en 1983 et de procéder à des mises à pied massives. Face à cet ultimatum, la Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc. ainsi que d'autres groupes syndicaux se prononçaient contre cette proposition, celle-ci portant atteinte au droit fondamental à la négociation des conditions de travail.

Par la suite, le gouvernement déposait devant l'Assemblée nationale le projet de loi no 70. et prétendait respecter les conventions collectives déjà négociées alors qu'il s'agissait, ni plus ni moins, de mesure de représailles.

En effet, la situation de crise que nous traversons ne peut provenir des salaires et conditions de travail des secteurs public et parapublic. Cette situation repose plutôt sur des facteurs tels que l'inflation, les taux d'intérêt élevés, le chômage, etc..

Le gouvernement opte pour une solution à court terme en pénalisant les travailleurs plutôt que d'amorcer un plan de redressement économique. Pour sa part, la Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc. demeure convaincue que les solutions à cette crise se situent dans l'élaboration de programmes favorisant l'investissement et la création d'emplois; cette solution ayant l'avantage d'être profitable à toute la population, mais là n'est pas la préoccupation de l'actuel gouvernement.

De fait, le projet de loi no 68 nous le confirme. L'État-législateur s'apprête à modifier le régime de retraite, en diminuant de ce fait la contribution de l'employeur et en réduisant l'indexation des pensions. Ce choix nous paraît incompatible compte tenu de la situation cruciale avec laquelle les personnes âgées sont actuellement confrontées.

Il est clair que le projet de loi no 68 et le projet de loi no 70, de par leurs objectifs et leur contenu, se veulent une atteinte directe au processus normal de négociation.

Le projet de loi no 70 vise la réduction des salaires pour les trois premiers mois de l'année 1983 et le gel des salaires à compter d'avril 1983.

De plus, le gouvernement prolonge de façon unilatérale les conventions collectives jusqu'au 31 mars 1983 et, par conséquent, fausse les règles normales du jeu de la négociation qu'il a lui-même déterminées dans le Code du travail. Il va même plus loin en prévoyant la possibilité de négociations locales à l'intérieur de paramètres fixes et sujets à son approbation.

Malgré le contenu des projets de loi no 68 et 70, le gouvernement assure qu'il respecte le processus de négociation alors qu'en réalité il nie à la fois les conventions collectives, les dispositions du Code du travail et tente de nous retirer le droit fondamental à la libre négociation.

La Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc. croit fermement que le gouvernement du Québec utilise ses employés comme boucs émissaires en leur faisant porter le fardeau de sa mauvaise administration.

Par conséquent, la Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc. dénonce vigoureusement cet état de fait et soumet à cette fin les points suivants:

ATTENDU QU'en 1980 le présent gouvernement concluait des conventions collectives avec les parties syndicales, lesquelles avaient été signées librement et de bonne foi;

ATTENDU QUE les droits, salaires et conditions de travail régis par ces conventions collectives, conformément aux ententes conclues, doivent être respectées jusqu'au 31 décembre 1982;

ATTENDU QUE le Code du travail du Québec prévoit le maintien des conditions de travail jusqu'à la signature d'une prochaine convention collective et impose un processus de négociation de bonne foi;

ATTENDU QUE le mandat des syndicats est de faire respecter les intérêts socio-économiques de ses membres par le biais de la négociation de conventions collectives;

ATTENDU QUE les travailleurs des secteurs public et parapublic et surtout ceux du secteur des affaires sociales subissent les coupures budgétaires imposées par le présent

gouvernement;

ATTENDU QUE les salaires et les conditions de travail des salariés des secteurs public et parapublic ne sont pas les causes de la présente crise budgétaire mais que celle-ci est plutôt une conséquence de la mauvaise administration du gouvernement actuel et de la conjoncture mondiale actuelle;

ATTENDU QUE les salaires et conditions de travail des travailleurs des secteurs public et parapublic seront unilatéralement et considérablement réduits par les projets de loi nos 68 et 70;

ATTENDU QUE les projets de loi nos 68 et 70 remettent en cause tout le processus normal de négociation et plus fondamentalement le droit à la libre négociation;

La Fédération des infirmières et infirmiers unis Inc. s'oppose aux projets de loi nos 68 et 70 et demande qu'ils soient rejetés.

Le droit à la libre négociation est un droit reconnu par toute société démocratique: il constitue la base même de notre société et de notre système de relations du travail. L'adoption de ces projets de loi démontrerait d'une part, tout comme ce fut le cas des lois spéciales précédentes, la mauvaise foi du gouvernement et, d'autre part, son insouciance à demeurer crédible auprès de ses employés.

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