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Etude du projet de loi no 53 Loi sur la fonction
publique
(Dix heures vingt minutes)
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la fonction publique se réunit pour
entendre les mémoires présentés après la
première lecture du projet de loi no 53, Loi sur la fonction
publique.
Les membres de la commission de la fonction publique sont les suivants:
M. Bellemare (Johnson), M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Caron (Verdun)
est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Chevrette (Joliette), M. de
Belleval (Charlesbourg), M. Dussault (Châteauguay), M. Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Gravel (Limoilou); M. Grégoire (Frontenac) est
remplacé par M. Godin (Mercier); M. Jolivet (Laviolette); M. Lacoste
(Sainte-Anne) est remplacé par M. Rancourt (Saint-François); M.
Le Moignan (Gaspé), M. Marchand (Laurier), M. Marcoux (Rimouski), Mme
Ouellette (Hull); M. Picotte (Maskinongé) est remplacé par M.
Garneau (Jean-Talon); M. Vaillancourt (Orford).
Nous avons quorum. Voulez-vous proposer un rapporteur pour cette
commission? M. Jolivet sera le rapporteur de cette commission.
Je vais vous lire l'ordre du jour. Nous allons d'abord entendre quelques
remarques préliminaires du ministre et, s'il y a lieu, des porte-parole
des Oppositions. Les organismes convoqués aujourd'hui sont le Syndicat
des cadres du gouvernement du Québec, dont le porte-parole est M.
Jean-Marc Bergeron, président. M. Alfred Veilleux et M. Bruno Duchesne
viendront, à titre personnel, présenter leur mémoire. Nous
recevrons ensuite l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
dont Mme Nicole Dumouchel est secrétaire, elle est le porte-parole; la
Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix de la
fonction publique du Québec, dont le porte-parole est M. Michel Rolland,
président; le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement
du Québec dont le Dr Richard Authier, président, sera le
porte-parole.
M. le ministre.
M. Garneau: Mme le Président, avant l'intervention...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: ... juste pour préciser l'ordre de nos
travaux, le bruit a circulé, à un moment donné, qu'on ne
siégerait pas demain. Peut-on savoir quand la commission va
siéger? C'est seulement pour informer ceux qui ont des mémoires
à présenter. Est-ce que l'ordre du jour est connu, ou est-ce
qu'il ne l'est pas encore?
M. de Belleval: L'ordre du jour est connu, je demanderais que
l'on fasse copies de l'ordre du jour et qu'on en distribue à tout le
monde.
M. Garneau: Avec les dates où on aura des
séances?
M. de Belleval: C'est cela. On siégerait donc aujourd'hui,
jeudi, ensuite le mercredi, 19 octobre, le jeudi, 20 octobre, et le vendredi,
21 octobre. Donc, aujourd'hui, et les 19, 20 et 21 octobre.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
Exposé préliminaire du ministre, M.
Denis de Belleval
M. de Belleval: Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la
bienvenue, au nom de la commission, aux gens qui sont ici aujourd'hui et
à ceux qui se présenteront durant les prochains jours. Nous
allons donc étudier un certain nombre de mémoires relativement au
projet de loi 53, Loi sur la fonction publique. Je pense qu'il s'agit d'un
projet de loi que l'on attendait, au fond, depuis plusieurs années,
puisque les gouvernements qui se sont succédé depuis 1966 ont
tour à tour considéré, et parfois même ont aussi
introduit des amendements importants à la Loi sur la fonction
publique.
Aujourd'hui, c'est une refonte complète de la Loi que nous avons
devant nous. Cette refonte ne vient pas soudainement, puisque le système
de gestion de la fonction publique qui est en vigueur depuis quelques
années avait fait l'objet, dans le passé, de nombreuses
critiques; il a fait l'objet aussi de projets de réforme, qu'il s'agisse
de projets issus, entre autres, des associations, du monde syndical, mais aussi
d'une façon parfois plus discrète de l'intérieur
même de la fonction publique, sous la direction des ministres de la
fonction publique qui se sont succédé depuis la fondation du
ministère.
Il va sans dire que toucher à la gestion de la fonction publique
et la loi qui J'encadre constitue un sujet délicat et cela explique
peut-être aussi que dans le passé, non seulement chez nous mais
ailleurs, on ait vu avec beaucoup d'appréhension, de la part des
gouvernements, la possibilité d'ouvrir les lois en vigueur et de les
modifier considérablement.
Ce n'est pas l'envie qui manque, dans beaucoup d'autres gouvernements,
de faire de même. Mais je ne sais pas si l'opportunité politique a
été suffisamment ressentie pour qu'on ait voulu, dans ces
milieux, prendre le risque parce qu'il y a toujours un risque à
toucher à des matières semblables politique de regarder
les problèmes en face, de les soumettre à la discussion et de
proposer des réformes. La loi actuelle répartit mal les
responsabilités entre les différents intervenants en ce qui
concerne la gestion de la fonction publique.
Sous plusieurs aspects, d'ailleurs, il est difficile d'identifier les
responsabilités de la gestion de
la fonction publique actuellement au Québec. Il existe aussi une
confusion des pouvoirs, en particulier au sein de l'organisme principal qui est
responsable de la gestion de la fonction publique actuellement, à savoir
la Commission de la fonction publique, puisqu'il s'agit d'un organisme qui est
en même temps exécutif, responsable de la gestion et responsable
de l'adjudication, de la surveillance même du processus de sa
légitimité ou de sa rectitude.
C'est ce qui a fait dire que, dans un sens, la Commission de la fonction
publique était à la fois juge et partie de l'exercice de ses
propres responsabilités. Ce système a été
critiqué à plusieurs reprises, dans le passé, et certains
des membres ou des associations qui viendront devant nous ne se sont pas fait
faute dans le passé de critiquer sévèrement le
système en vigueur.
Ce système aussi pose un peu, en matière de gestion de la
fonction publique, un principe d'organisation publique qui, dans d'autres
secteurs, a aussi été critiqué, entre autres au secteur de
l'éducation où, jusqu'à la fondation du ministère
de l'Education, on disait que l'éducation était trop importante
pour la confier à des hommes politiques. On avait mis sur pied
vous vous en souvenez un système qui faisait que
l'irresponsabilité ministérielle était la règle en
matière d'éducation, c'est-à-dire qu'il y avait un
organisme indépendant du gouvernement qui administrait notre
système d'éducation au Québec.
Dans la fonction publique, on peut dire que, actuellement, le
règne du Département de l'instruction publique est la
règle, c'est-à-dire que c'est une commission indépendante
qui est largement responsable de la gestion de la fonction publique,
indépendamment du pouvoir gouvernemental, du pouvoir ministériel,
qui est responsable pourtant, devant la population, de l'application de ces
politiques, qui doit en répondre à l'Assemblée nationale
et devant l'électorat, mais dont un des principaux outils d'application
de ces politiques, sinon le principal outil d'application de ces politiques,
c'est-à-dire, la fonction publique, lui échappe largement
puisqu'il est confié, sur le plan réglementaire comme sur le plan
courant, à un organisme autonome, c'est ce qui me fait dire que, en
matière de gestion publique, on est à l'ère du
Département de l'instruction publique.
Des critiques nombreuses ont aussi été soumises sur
l'absence de plan de carrière qui résulte de l'organisation de ce
régime; l'absence de plan de carrière pour l'ensemble des
fonctionnaires, l'absence de cohérence interministérielle au
niveau de la gestion de la fonction publique; le caractère
aléatoire et critiquable de l'organisation des concours, tant pour
l'entrée dans la fonction publique que pour la promotion dans la
fonction publique. De ce point de vue, des critiques nombreuses ont
été émises dans le passé quant aux risques de
politisation, de favoritisme, de patronage politique ou même
administratif que permet le système en vigueur.
Le projet de loi vise donc à corriger ces lacunes sous deux
aspects principaux, tout d'abord renforcer les mécanismes qui font que,
justement, la gestion de la fonction publique doit se faire dans un contexte
où l'employé est protégé contre le favoritisme,
contre l'arbitraire, d'où qu'ils viennent, qu'ils viennent du pouvoir
politique ou du pouvoir administratif. On verra à l'étude quels
sont les nombreux mécanismes qui sont prévus dans la loi qui
permettent de renforcer la protection dont doivent jouir les individus, mais
aussi l'ensemble de la fonction publique, en matière de favoritisme ou
de discrimination. On prévoit en particulier qu'à l'avenir, la
gestion de la fonction publique devra se faire par un cadre
réglementaire précis et non pas par simples directives
administratives. Ce cadre réglementaire devra être soumis à
un organisme indépendant pour avis et même, ultimement, à
l'Assemblée nationale.
Les pouvoirs de la nouvelle Commission de la fonction publique seront
renforcés et seront clairement établis en matière de
surveillance de la rectitude du procédé administratif, en
matière de gestion du personnel. La nouvelle commission aura le pouvoir
d'enquêter sur le fonctionnement de la loi, de son propre chef, et elle
aura aussi le pouvoir d'entendre les griefs des fonctionnaires qui
s'estimeraient lésés dans le processus de promotion ou de gestion
de la fonction publique, qu'il s'agisse de procédures de promotion,
comme je le disais, qui est un droit nouveau que nous créons, ou qu'il
s'agisse de mécanismes disciplinaires. La commission ne sera plus
nommée par le gouvernement. Elle sera nommée, à l'avenir,
par l'Assemblée nationale et, par conséquent, la
solennité, l'indépendance de cette commission sera celle de
l'Assemblée nationale elle-même.
Le projet de loi, sous un deuxième aspect, vise à confier
la responsabilité de la gestion de la fonction publique à une
autorité clairement définie, c'est-à-dire le ministre de
la Fonction publique, un ministre du gouvernement qui est responsable devant
l'Assemblée nationale, qui est responsable aussi devant la population,
qui est aussi l'interlocuteur direct des associations, des syndicats et des
membres de la fonction publique.
Ce pouvoir permettra d'établir enfin un véritable
système de gestion de la fonction publique, de la gestion des
carrières des fonctionnaires et d'organiser la gestion de notre
personnel selon des bases modernes et aussi adaptée aux circonstances et
aux changements.
Finalement, le projet de loi prévoit que l'accession dans la
fonction publique et la promotion se feront selon ce qu'on appelle la
règle du mérite. C'est-à-dire que les listes
d'éligibilité où tout chacun pouvait piger au gré
plus ou moins de ses besoins, sinon de ses fantaisies, seront terminées,
puisque les concours dans la fonction publique donneront lieu à
l'établissement de listes où les candidats seront classés
par ordre d'aptitude et les nominations et promotions devront se faire selon
cet ordre d'aptitude.
Bien entendu, le projet de loi est perfectible; déjà,
après les discussions que nous avons eues depuis le dépôt
en première lecture, à la lecture aussi des mémoires qui
m'ont été présentés j'ai eu le temps de les
lire des projets de modifications de certains articles ou certains
aspects
commencent à germer. A ce point de vue, je suis certain que les
critiques, tant de l'Opposition que des corps constitués, des
associations représentatives ou des individus nous permettront
d'améliorer le projet de loi. C'est d'ailleurs le but même du
mécanisme dans lequel nous sommes engagés, c'est-à-dire
ces présentes séances de la commission parlementaire.
Dans ce sens, j'entrevois nos discussions d'une façon franche et
ouverte et avec un esprit de conciliation et d'examen approfondi des objections
qui pourront être mises de l'avant. Cependant, je pense qu'un projet
semblable, qui est complexe par sa nature même, doit aussi être
envisagé avec rigueur par toutes les parties en cause. La propagande,
l'invective, et je dirais même, à l'occasion, la substitution de
la caricature pour l'information ne peuvent pas permettre véritablement
un débat démocratique. De ce point de vue, je fais appel à
toutes les parties pour que justement ce que nous aurons durant les prochains
mois, ce soit un débat démocratique, un débat où
l'on vise à informer et non pas à déformer.
Par ailleurs, compte tenu du fait aussi que certains aspects du projet
de loi peuvent toucher de près ou de loin, et, à mon avis, plus
de loin que de près, mais, quand même, peuvent toucher au mandat
que nous avons déjà donné à une commission
d'étude sur le régime des négociations dans les secteurs
public et parapublic, c'est-à-dire, la commission Martin, je pense qu'il
est important que nous procédions à l'étude du projet de
loi en tenant compte des recommandations que cette commission fera
éventuellement et à assez court terme, des recommandations qui
pourront donc toucher, d'une certaine façon, à certains aspects
du projet de loi qui est devant nous. De ce point de vue, je n'ai pas
l'intention de bousculer ou de hâter l'approbation du projet de loi
à l'Assemblée nationale, mais de faire en sorte que le processus
engagé du côté de la commission Martin et le processus
engagé du côté du projet de loi 53 cheminent de
façon parallèle, mais aboutissent plus ou moins au même
moment.
Voilà, en gros, Mme le Président, les quelques remarques
que je voulais soumettre au début de cette commission. Je sais que
j'aurai amplement l'occasion de clarifier et d'expliciter davantage les points
que je viens à peine de soulever.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon, représentant de l'Opposition officielle à cette
commission.
Remarques de l'Opposition M. Raymond Garneau
M. Garneau: Mme le Président, nous aborderons aujourd'hui
l'étude, en commission parlementaire, du projet de loi no 53, Loi sur la
fonction publique. Nous devons reconnaître que c'est uniquement
après s'être fait presque tordre le bras que le ministre de la
Fonction publique et le gouvernement ont accepté, à la suite des
pressions de l'Opposition et des représentants des fonctionnaires, par
leurs syndicats, que cette commission ait lieu aujourd'hui, avant la
deuxième lecture du projet de loi qui avait été soumis
à l'Assemblée nationale.
La refonte de la Loi de la fonction publique exige, en effet, une
étude en profondeur de plusieurs aspects de l'administration publique
québécoise. Cette refonte exige aussi, si on veut qu'elle soit
efficace, une véritable consultation et une participation des principaux
intéressés eux-mêmes au processus législatif.
Mme le Président, une consultation avec les syndicats de
fonctionnaires aurait dû avoir lieu avant même que ie projet de loi
soit rédigé ou, tout au moins, avant que sa version finale soit
déposée à l'Assemblée nationale. Si tel eût
été le cas, la commission parlementaire d'aujourd'hui prendrait
certainement un aspect plus positif et le texte du projet de loi aurait pu
être ainsi expurgé de plusieurs de ses extravagances.
Le projet de loi no 53 apparaît, au demeurant, inconcevable de la
part d'un gouvernement qui, au cours des dernières années, s'est
vanté, à temps et à contretemps, de ses
préjugés supposément favorables aux travailleurs.
Nous pourrions faire ressortir toutes les contradictions quant à
la philosophie de ce projet de loi avec celle du projet de loi 45. Par exemple,
on pourrait aborder toute la question du règlement des griefs, etc.
Cependant, j'aimerais faire un bref rappel pour bien démontrer la
nécessité d'une consultation, faire un rappel des étapes
qui avaient précédé l'adoption de la Loi de la fonction
publique en 1965 et mettre en lumière certains des principes qui ont
présidé à sa rédaction.
L'actuelle Loi de la fonction publique, comme je l'ai mentionné,
a été adoptée en 1965 et remplaçait la Loi du
service civil qui, elle, avait été adoptée une vingtaine
d'années auparavant, sous le gouvernement de M. Godbout.
Il faut dire que. dès 1960, après l'arrivée au
pouvoir de M. Lesage, la Commission du service civil avait instauré de
facto la pratique du recrutement par avis public et par concours. Cependant, en
1964, lors de l'étude du Code du travail, un comité
spécial avait été chargé d'étudier les
dispositions qui devaient régir la négociation collective dans
les secteurs public et parapublic. Ce comité avait retenu les services
d'experts. Il avait préparé une volumineuse documentation
après avoir tenu des auditions publiques.
Ce comité proposa au gouvernement du temps de faire adopter par
l'Assemblée nationale, une loi spéciale de la fonction publique.
C'est à ce moment que se forma l'unité de négociations qui
devait représenter les fonctionnaires dans les futures
négociations.
En fait, le Syndicat des fonctionnaires, dès ce moment, fut
appelé à désigner sept membres d'un comité
composé de quatorze personnes qui avait pour mandat de travailler
à la préparation du projet de loi qui est encore aujourd'hui le
projet de loi sur la fonction publique.
Ce rappel des faits n'est que pour indiquer que la Loi de la fonction
publique de 1965 avait été adoptée après une
consultation qui était survenue à tous les niveaux et à
toutes les étapes législatives. Cette démarche
s'inscrivait dans la volonté du gouvernement d'associer les
représentants des fonctionnaires à une réforme dont
l'objectif était de revaloriser la fonction publique et d'en
améliorer l'efficacité.
Qu'une réforme de la Loi de la fonction publique soit rendue
nécessaire aujourd'hui, cela va de soi. Je souscris volontiers à
certains des propos que tenait le ministre tout à l'heure.
D'ailleurs, depuis quelques années déjà plusieurs
groupes de travail ont analysé le problème et envisagé un
certain nombre de solutions, mais la complexité des solutions
envisagées avait fait en sorte qu'avant le 15 novembre, au moment
où nous exercions le pouvoir, aucune décision gouvernementale
n'avait encore été prise.
Une réforme de la Loi de la fonction publique est aussi devenue
nécessaire à la suite de l'expérience des dernières
années, qui doit s'analyser à la lumière de la
création du ministère de la Fonction publique, qui n'existait pas
au moment où la Loi de la fonction publique que l'on connaît
aujourd'hui avait été adoptée, et également des
pouvoirs qui sont ceux maintenant du Conseil du trésor à
l'intérieur de la réforme de la Loi de l'administration
financière.
En déposant le projet de loi 53 sans avoir consulté
auparavant les représentants des fonctionnaires, le gouvernement a fait
preuve, à mon sens, d'une arrogance incroyable. Deuxièmement, en
présentant la loi 53 en même temps qu'il crée la commission
Martin, le gouvernement fait fi d'un minimum de cohérence dans son
action et cela aura comme conséquence des affrontements inutiles et
coûteux.
Comment pouvons-nous, en effet, prendre le gouvernement au
sérieux? D'une part, il crée, le 27 juillet 1977, une commission
d'étude et de consultation chargée de faire des recommandations
au gouvernement sur le régime de négociations collectives dans
les secteurs public et parapublic et, en même temps et presque
simultanément je crois qu'il n'y a qu'une journée ou deux
de différence entre les deux gestes posés par le gouvernement
le projet de loi 53 est déposé à l'Assemblée
nationale, projet de loi qui indique clairement que les consultations ne sont
pas nécessaires puisque le gouvernement a déjà pris
position sur plusieurs des aspects qui sont soumis à l'étude de
la commission Martin.
En fait, voici ce mandat de la commission Martin
l'arrêté en conseil le stipule et je cite l'arrêté en
conseil no 2412 du 27 juillet 1977 "En vue d'une révision du
régime des négociations collectives dans les secteurs public et
parapublic du Québec, la commission Martin a comme mandat de
dégager les caractéristiques propres aux négociations
collectives dans les secteurs public et parapublic. Compte tenu de ces
caractéristiques et à la lumière des témoignages
entendus, identifier les lacunes et suggérer les réformes
appropriées, notamment en ce qui a trait aux éléments
suivants du régime actuel: a) le régime syndical et les droits
syndicaux; b) le contenu de l'aire de négociations et les règles
régissant l'amorce et le déroulement des négociations; c)
les mécanismes de règlement des impasses, y compris l'exercice du
droit de grève et de lock-out, la détermination des services
essentiels, l'intervention de tiers et l'information de la population en ces
occasions; d) l'organisation des relations entre les parties aux
négociations. Soumettre des recommandations sur les matières
précitées et sur toute autre matière reliée
directement au régime de négociations collectives dans les
secteurs public et parapublic et de nature à améliorer le
fonctionnement de ce régime. ' Finalement, on demande que la commission
fasse rapport avant le 15 janvier 1978.
Donc, le mandat de la commission Martin est clair, assez précis.
Entre autres, il touche à ce que l'on appelle le contenu de l'aire des
négociations et les règles régissant l'amorce et le
déroulement des négociations.
Je soumets qu'en déposant, le 26 juillet 1977, soit la veille de
la formation de la commission Martin, le projet de loi 53, le gouvernement
s'est mis en contradiction avec lui-même. La commission Martin a sa
raison d'être et, dans ce cas, il faut attendre son rapport avant
d'étudier la loi 53, ou bien la commission Martin est une immense farce
puisque le gouvernement a déjà fait son lit et, à ce
moment même, cette commission parlementaire pourrait n'avoir que peu de
signification.
On me dira peut-être que la loi 53 déborde le mandat de la
commission Martin, mais il faut tout de même admettre que, dans l'une de
ses parties essentielles, ce projet de loi statue sur une partie importante du
mandat de la commission. Le projet de loi 53 accorde des pouvoirs que je
considère abusifs et qui feront en quelque sorte du ministre de la
Fonction publique le tsar de tous les fonctionnaires. Le projet de loi 53
diminue de 50% au moins l'aire des négociations telle qu'elle existe
aujourd'hui, modifie d'une façon importante les mécanismes
traditionnels d'arbitrage, des griefs. Comme pour camoufler cette intervention
directe du pouvoir public dans la gérance des syndicats en vue de
s'approprier des droits qui étaient reconnus comme devant être
négociés en convention collective, pour tenter de camoufler cette
arrogance, on a le culot de présenter des articles qui créent une
commission de la fonction publique et un office de recrutement, qui
constituent, à mon sens, une "structurite" bien typique du gouvernement
actuel, en les faisant nommer par l'Assemblée nationale pour une
période aussi courte que cinq ans. On restreint, à toutes fins
utiles, les pouvoirs de la Commission de la fonction publique, qui deviennent
uniquement des questions de contrôle après coup, alors que le
ministre peut, en vertu de l'article 3, réglementer sur tous les aspects
de la gestion du personnel.
Je dirais même que la loi 53, c'est l'article 3 et tous les autres
articles sont des articles de concordance. En fait, le mécanisme de
gestion de la fonction publique sera fixé maintenant par rè-
glement du ministre. L'article 119 ne laisse dans le champ de
négociation que le traitement ou la rémunération. Si on
prend le texte de l'article 119 du projet de loi 53, on s'aperçoit, par
exemple, qu'il ne reste dans les négociations comparer 119
à 52a de l'ancienne loi que les traitements ou
rémunérations additionnelles, les heures de travail, durée
de travail et les congés.
Même les règlements de griefs, pour une bonne part, ne
seront plus régis dans le cadre des conventions collectives en ce qui
regarde, par exemple, la suspension, le congédiement, l'appel d'un
employé qui sera lésé par une décision relativement
à son classement. Tout cela est statué maintenant par des
règlements qui seront édictés par le ministre.
C'est pour cette raison que je dis que la Commission de la fonction
publique, il n'était pas nécessaire de la faire nommer par les
deux tiers de l'Assemblée nationale, si, à toutes fins utiles,
elle a moins de pouvoirs qu'un tribunal d'arbitrage en avait d'après les
conventions qui sont habituellement signées entre le gouvernement et ses
employés.
Si le projet de loi 53 ne touchait que les non-syndiqués, qu'on
pourrait appeler les gros fonctionnaires, les fonctionnaires de cadres
supérieurs, j'accepterais volontiers qu'on puisse étudier ce
projet de loi en commission et même à l'Assemblée nationale
même avant que la commission Martin n'ait statué. Cependant, ce
projet de loi touche tous les syndiqués et, en ce sens, il devient
inacceptable d'étudier ce projet de loi tant et aussi longtemps que la
commission Martin n'aura pas déposé son rapport. J'entendais,
tout à l'heure, le ministre parler d'une étude en
parallèle pour en arriver à un point de chute à une
période à peu près concordante avec le dépôt
du rapport Martin.
Je me demande comment nous allons pouvoir procéder à cette
étude. Comment nous allons pouvoir connaître les orientations du
ministre si ce rapport n'est pas déposé. Je ne vois pas comment
la commission Martin, dans le court laps de temps qu'elle a, pourrait avoir des
auditions publiques et nous faire rapport d'une façon partielle de
certains aspects de la loi 53, en particulier en ce qui regarde l'article 119
et également tout le processus des griefs et d'appels. Donc, je
considère tout à fait inacceptable que l'on puisse étudier
le projet de loi 53 d'une façon véritablement en profondeur,
avant qu'on ne connaisse le rapport Martin.
Deuxièmement, nous procéderons à l'audition de
rapports, de témoignages qui nous viendront de différents groupes
d'individus ou de groupes de syndicats. Encore là, ces
représentants que nous entendrons seront placés dans une
situation fort précaire. D'une part, ils devront porter jugement et
faire connaître leur point de vue sur un texte de loi dont on ne
connaît pas exactement les amendements qui pourraient être
apportés suite au rapport Martin. D'autre part, on ne sait pas si nos
visiteurs auront la possibilité de revenir faire connaître leur
point de vue lorsque le gouvernement aura véritablement statué
sur les conclusions du rapport Martin.
Je dis que le gouvernement actuel se comporte avec arrogance, fait fi
des droits acquis des syndiqués dans la fonction publique, bouleverse
d'un trait de plume les us et coutumes établis et, de ce fait, portera
une lourde responsabilité en ce qui regarde le bon climat des relations
de travail qui a pratiquement toujours existé entre le gouvernement et
la fonction publique proprement dite.
Mme le Président, ces choses étant dites, et pour bien
indiquer dans quel état d'esprit nous abordons cette discussion en
commission, je dois dire que, néanmoins, comme nous sommes ici, nous
allons essayer de profiter au maximum de l'éclairage que nos
témoins pourront nous apporter. En ce sens, l'Opposition officielle
essaiera de faire préciser les points de vue des différents
intervenants et également, à l'occasion, tentera de
connaître de la part du ministre quelles sont les orientations
véritables que le gouvernement entend donner à la gestion de sa
fonction publique et du secteur parapublic.
Ce qu'il faut souligner, c'est qu'en statuant sur la toi. 53, nous
statuons, en définitive, sur les relations de travail et sur les
méthodes qui présideront aux relations de travail dans les
secteurs parapublics de l'éducation et des affaires sociales. Je vois
difficilement comment la fonction publique pourrait être
gérée de la façon dont elle le serait par la loi 53 avec
la restriction du champ de l'aire de négociation, toute la question des
griefs et que, d'un autre côté, lorsque nous arriverons dans le
secteur de l'éducation et des affaires sociales, nous ayons tout un
autre type de mécanisme, créant ainsi deux sortes
d'employés dans le secteur public et surtout deux séries de
mécanismes devant régir les négociations collectives d'une
façon totalement distincte.
C'est pourquoi je dis que la loi 53 touche non seulement les
fonctionnaires et les représentants de ces fonctionnaires, mais
également tout le secteur parapublic, syndicalistes dans le secteur de
l'enseignement et également dans les affaires sociales. C'est pourquoi
je réitère le fait que l'étude de ce projet de loi en
commission sera extrêmement difficile tant et aussi longtemps que nous ne
connaîtrons pas les recommandations du rapport Martin et que,
deuxièmement, le gouvernement n'aura pas statué sur son
acceptation ou son refus de ces recommandations qui nous viendront
vraisemblablement le 15 janvier 1978. Merci, Mme le Président.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le représentant de
l'Union Nationale, M. le député de Johnson.
M. Maurice Bellemare
M. Bellemare: Mme le Président, je voudrais d'abord vous
présenter, à vous et à mes collègues, l'expression
de ma joie profonde de revenir travailler, d'accomplir mon mandat. Vous savez
que des raisons particulières, celles de la maladie, m'ont
empêché, non sans peine, de me mettre sous abri et loin de tout ce
stress que l'on ressent dans la
chose publique. Il y en a qui disent que la fonction de
député est bien facultative; vous savez, ils s'amusent à
Québec! Loin de là! Pour ceux qui seraient portés à
croire de telles choses, je pourrais dire, comme vétéran, comme
doyen de cette Assemblée nationale, que l'on paie cher, au prix de sa
vie même, tous les efforts que l'on déploie afin de bien remplir
notre mandat.
Maintenant, je voudrais, Mme le Président, si c'était
possible, demander au greffier qu'il remplace M. Michel Le Moignan par M. Yvon
Brochu, député de Richmond.
Le Président (Mme Cuerrier): En vertu du règlement,
habituellement nous nommons les membres de la commission au début de la
séance. De toute façon nous n'avons pas encore commencé
à entendre les mémoires. Est-ce que cette commission est
d'accord?
M. Bellemare: Alors, s'il n'y avait pas d'objection, s'il y avait
unanimité à ce que M. Yvon Brochu, qui est leader parlementaire
adjoint, qui a fait merveilleusement bien les choses en mon absence...
Une Voix: Aucune objection.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député
remplace donc M. Le Moignan (Gaspé).
M. Bellemare: Le projet de loi 53 nous est soumis ce matin pour
étude et pour entendre des mémoires; ce n'est pas une loi qui est
condamnable dans tous ses articles. Non. Comme l'a si bien dit le
député de Jean-Talon, tout à l'heure, il y a une
commission qui est nommée, la commission Martin, pour étudier
tous les aspects de la négociation et particulièrement, comme on
le lisait, tout à l'heure, dans l'arrêté
ministériel, les conditions dans lesquelles la commission doit agir.
Cependant, on voit par le projet de loi 53 qu'on prêche la vertu
afin de mieux tromper. On pratique le vice de la discrétion dans son
application. Les intentions du gouvernement sont peut-être, pour vous
tous, une révélation. En politique, souvent on pense le pouvoir
facile, mais aujourd'hui on peut demander à ceux qui y sont, si c'est
commode. On ne peut pas être au pouvoir, c'est sûr et le
ministre le sait particulièrement et ceux qui aspirent à
l'être comme son voisin de droite sans tomber entre les mains de
certains fanatiques. Cela est une expérience vécue, ayant
été au pouvoir, ayant été dans l'Opposition, ayant
retourné au pouvoir, et là on aspire nous aussi à aller au
pouvoir. Mais en tous les cas, il y a une chose qui est sûre, c'est qu'il
y a des hommes publics qui n'ont que ce qu'ils méritent. Bien entendu
que les autres sont sans parti, mais, quand je regarde un peu le
catéchisme de ce parti au pouvoir qui s'appelle Programme de l'action
politique, les statuts et les règlements, je les confronte aujourd'hui
avec le projet de loi.
Mon Dieu, qu'il y a une différence entre les pensées que
vous avez écrites et mises de l'avant en théorie pour prendre le
pouvoir! Aujourd'hui que vous y êtes, vous n'avez pas l'air de vous
occuper de ce que vous avez prêché. C'est pour cela que j'ai dit
tout à l'heure qu'on prêche la vertu et que souvent on pratique le
vice. Lisons ce qui est contenu à la page 7, pour le plus grand plaisir
du ministre et de ceux qui l'entourent. "L'administration publique et le
service de la fonction publique" ce n'est pas moi qui ai écrit
cela c'est épouvantable, M. le ministre, de ne pas respecter ce
que vous avez étayé pour prendre le pouvoir, pour défaire
un autre parti et tromper les gens. A vos oeuvres, à votre application,
on découvre la pensée, les agissements futurs. C'est là
qu'on retrouve, dans le projet de loi 53, votre dictature, votre ambition,
comme le disait le député de Jean-Talon, de devenir un tsar. Vous
qui avez condamné d'une manière spéciale l'attitude de mon
chef, M. Duplessis, eux aussi, quand ils ont affiché la grande pancarte
de M. Duplessis, avec le projet de loi 53, sur la statue, ils n'avaient pas
raison de faire cela. On a payé pour l'obscurantisme de M. Duplessis,
c'est clair. Mais on a eu un M. Sauvé, par exemple, qui est venu ensuite
et vous ne l'avez pas dit, M. Sauvé qui, quelques jours après
avoir été nommé premier ministre, a été le
véritable père moderne de la fonction publique. Il a fait
demander M. Laforce devant le Conseil des ministres, il lui a donné un
ordre particulier d'avoir à changer les conditions de travail et surtout
les salaires. M. Laforce a répondu, c'est de notoriété
publique: "Ecoutez, M. le premier ministre, c'est une affaire qui va durer six
mois". Il a dit: "Ce n'est pas six mois, c'est six jours". M. Laforce a
employé toute l'équipe qu'il fallait et, six jours après,
toute la fonction publique avait des nouvelles fort intéressantes. Vous
ne l'avez pas dit, ça! Vous vous êtes servis de la statue de M.
Duplessis pour faire une grande pancarte. On ne déshonore pas un homme
comme M. Duplessis, qui a tant fait pour sa province, simplement dans un but
peut-être louable, mais qui est sûrement méprisable dans la
façon de procéder.
Je reviens donc au projet de loi 53, mais particulièrement au
livre du PQ. "En conséquence, le gouvernement du Parti
québécois s'engage à réformer et à humaniser
l'administration publique en appliquant des principes visant à assurer
que: "A) La nomination de tous les fonctionnaires, y compris ceux
appelés aux fonctions administratives les plus élevées, se
fonde sur un critère unique, celui de la compétence reconnue par
des concours publics tenus sous l'autorité de la fonction publique". On
va voir tout à l'heure si c'est vrai, dans le projet de loi. "B) Toute
personne occupant ou postulant un poste dans l'administration publique dans son
sens le plus large fournisse à la Commission de la fonction publique..."
pas au ministre, ni à un comité provisoire "... un
bilan de ses intérêts financiers personnels". Pas de critique sur
cela, c'est de l'éthique publique. "C) Les cadres supérieurs et
les cadres moyens de la fonction publique soient associés à
l'élaboration de toutes les politiques et de toutes les lois qui
concernent la fonction publique. Que les employés de l'Etat aient
accès au perfection-
nementplan de carrière selon leur centre
d'intérêt ou leur responsabilité, grâce à des
concours ou à des stages d'étude".
Allons voir dans la loi et comparez avec ce que vous dites. Là,
par exemple, on trouve quelque chose d'édifiant. A l'article 45, je le
lis, Mme le Président, pour l'édification du ministre. "L'office
est chargé de procéder, conformément à la
présente loi, à l'admission des candidats aux emplois de la
fonction publique. L'Office, à cette fin, a adopté des
règlements concernant le recrutement et la sélection des
candidats;" l'office "b) procède, conformément
à la présente loi, au recrutement et à la sélection
des candidats à la fonction publique, déclare leur aptitude et
procède à leur nomination; c) exerce les autres fonctions qui lui
sont dévolues par la présente loi. L'office peut, par
règlement, prévoir la délégation à tout
sous-ministre" une minute "à tout sous-ministre ou
dirigeant d'organisme des responsabilités qui lui incombent en vertu du
paragraphe b) du deuxième alinéa de même que le retrait de
cette délégation". Il peut la donner et il peut la retirer. "Il
peut, en déléguant ses responsabilités, indiquer la
catégorie de fonctionnaires à qui le sous-ministre ou dirigeant
d'organisme peut à son tour sous-déléguer..."
Imaginez-vous, c'est diacre, sous-diacre. C'est fantastique le pouvoir
laissé entre les mains de certains individus qui sont peut-être,
de notoriété publique, très compétents, mais le
ministre, au lieu de diriger la fonction publique, la laisse diriger par
d'autres et délègue ses pouvoirs. Vous allez me dire que c'est un
pouvoir qui existe, mais pas aussi vertement écrit comme dans la loi que
nous avons devant nous. "... peut à son tour sous-déléguer
en tout ou en partie, les responsabilités qui lui ont été
ainsi déléguées".
M. le Président, c'est, je pense, des pouvoirs dictatoriaux. Le
ministre a dit que la promotion au mérite, clause de
rétrogradation, sera comprise, mais jamais le pouvoir est dictatorial
parce que la fonction publique ne pourra plus, d'après la loi et
l'article 45... Ce sont des éléments de base, le ministre
délègue au sous-ministre ou à toute autre personne en
autorité, ne recrute plus le personnel. La fonction publique ne
s'occupera plus de ça, ne la sélectionnera plus, ne
procédera plus à sa nomination. Avant, on avait des avis publics,
on avait les concours, on avait une liste d'admissibilité. Exemple, sur
dix candidats admissibles, il y en avait un qu'on choisissait. La fonction
publique, pas le ministre ni un sous-ministre. Les neuf autres restaient
prioritaires...
M. de Belleval: Juste pour vous corriger, à travers les
listes d'admissibilité, c'est le ministre qui nommait n'importe qui dans
la liste des dix personnes, et non pas la commission.
M. Bellemare: Le ministre, donc, s'arroge tous les pouvoirs.
M. de Belleval: C'est le ministre qui avait ces pouvoirs dans
l'ancienne loi; justement, avec la nouvelle loi, ce ne sera plus permis. Les
nominations devront se faire selon l'ordre de compétence
déterminé par un organisme indépendant qui s'appelle
l'Office de recrutement. C'est très différent, justement, par
rapport à la situation actuelle où, justement, c'est le
règne de l'arbitraire qui est la règle.
M. Bellemare: Ce n'est pas exact, parce qu'il y a ici si
c'est vrai ce que le ministre di un éditorial publié le 22
août 1977 et qui est un éditorial du poste CJRP et qui dit ceci:
"Après neuf mois de pouvoir, le gouvernement n'a pas encore
terminé...
M. de Belleval: Cela va faire plaisir aux syndiqués qui
sont ici que vous lisiez ça.
M. Bellemare: Oui? Ah bien, on va montrer...
M. de Belleval: CJRP est un de leurs postes favoris.
M. Bellemare: Tant mieux.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bellemare: CJRP a dit la vérité. Et les
syndiqués, quand bien même vous voudriez essayer de me truquer...
Mme le Président, je demande qu'il cesse de m'interrompre; je n'ai pas
dit un seul mot pendant qu'il a eu la parole et je pense que, s'il y avait
quelque chose de particulier, il pourrait soulever une question de
règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): C'est déjà
fait, M. le député de Johnson.
M. Bellemare: S'il vous plaît. Il essaie de me brouiller,
mais il ne me brouillera jamais. Il est comme un aveugle qui essaie d'en guider
un autre. "Après neuf mois de pouvoir, le gouvernement n'a pas encore
terminé ses changements et le climat qu'il crée ralentit le
travail de la plupart de ses employés qui ne savent pas du tout ce qui
leur pend au bout du nez", hein! "Aujourd'hui, ils occupent tel poste, alors,
demain, sous le tsar de Belleval, ils ne seront peut-être plus
là." M. le tsar, mes respects.
La semaine dernière, dans le Soleil, Claude Masson avance aussi
l'hypothèse que la nomination des amis, des petits amis du
régime, peut être une cause de la présente situation. Eux
que nous avons entendus dénoncer le patronage et dire que c'était
extraordinaire, ce que faisaient les gouvernements précédents,
ils nomment des amis politiques à des postes stratégiques.
L'éditorial cite les noms: M. Jean Keable. Il a changé son nom
depuis la loi 101, il s'appelle maintenant "M. Kèble". Il est le
commissaire-enquêteur dans l'affaire de l'Agence de presse libre à
Montréal, candidat pé-quiste. Regardez-moi donc cela! C'est une
belle récompense. M. André Desgagné, président
de
l'Office des professions, candidat péquiste de Dubuc en 1973. Qui
l'a nommé? M. Jacques Boulay, membre de la Régie de la langue
française, candidat péquiste en 1973 contre mon honorable ami de
Jean-Talon. Robert Nelson, péquiste reconnu, ami personnel de Claude
Charron, président de la Régie des installations olympiques. Yves
Michaud, le célèbre député, qu'on a si bien connu,
qui avait même fait une dissidence avec son Parti libéral en
pleine Chambre, qui avait été délogé d'un poste que
lui avait donné le Parti libéral, délégué du
Québec auprès des organisations internationales, candidat
péquiste en 1973. François Dagenais, sous-ministre adjoint
à l'Agriculture, directeur général du journal PQ... Mon
temps n'est pas limité. Pourquoi?
Le Président (Mme Cuerrier): C'est qu'en vertu de
l'article 160, habituellement, on utilise 20 minutes pour parler.
M. Bellemare: Mme le Président, en commission
parlementaire, les parties ont le droit de donner leur opinion. Je la donne. Il
n'y a rien dans le règlement qui s'oppose à cela.
Le Président (Mme Cuerrier): Alors, vos remarques
préliminaires, allez-y!
M. Bellemare: Merci. Je comprends que cela peut peut-être
paraître odieux, cette longue liste, pour vous, Mme le Président,
qui ne faites pas cela, le patronage éhonté qu'on a
reproché à tous les autres. Je vous félicite
particulièrement, parce que vous avez le sens des responsabilités
et particulièrement de votre mandat. Et les autres: François
Dagenais, directeur du Jour. Jean-Marc Béliveau, président de la
Commission du salaire minimum, ami personnel d'un grand ministre, l'honorable
ministre de la Justice, Marc-André Bédard. Pierre Bourgault, une
des premières nominations publiques, membre du conseil d'administration
du Musée des beaux-arts de Montréal, indépendantiste et
plus que PQ reconnu. Marie-Renée Séguin, Pierre
Légaré, Pierre Carignan, nommés à la commission
scolaire de l'île de Montréal comme représentants du
gouvernement, sympathisants fort reconnus du PQ. La liste continue. Je ne
voudrais pas, Mme le Président, vous importuner avec tous les autres
détails, mais des dizaines et des dizaines ont été
installés dans les bureaux du gouvernement. J'en connais plusieurs, que
j'ai vus autour de ces tables, qui sont rendus où aujourd'hui?
Je comprends que le gouvernement va me répondre: On s'entoure
d'amis sincères, d'amis fiables. On a plus confiance en eux qu'en
d'autres. La fonction publique, qu'est-ce qu'on en fait si véritablement
la fonction publique doit être un régulateur pour empêcher
les nominations, tel que cela s'est fait en 1960, quand on a mis dehors tous
les gens de la Voirie? On les a couverts par une loi en 1965 pour
empêcher l'autre gouvernement qui est venu après en 1966, le
nôtre, celui de M. Daniel Johnson, de changer qui que ce soit,
particulière- ment en ce qui concerne les travaux de ia Voirie dans le
temps.
Je pense qu'en politique, surtout au pouvoir, on reçoit des tas
de compliments de nos amis. C'est plutôt pour parvenir à de
meilleures relations et peut-être nous faire ouvrir davantage nos
tiroirs. Si les hommes étaient aussi sérieux et aussi
sincères qu'ils le disent après une élection, il n'y
aurait plus qu'un seul parti politique; il n'y en n'aurait pas plusieurs.
Mme le Président, si c'était de l'obscurantisme dans le
temps de M. Duplessis, c'est aujourd'hui de l'absolutisme. Entre les deux, on
peut dire ce que Nabuchodonosor s'était fait expliquer: Mane, thecel,
phares. Tu as été pesé, trouvé trop léger,
tes jours sont comptés.
Mme le Président, il y a plusieurs points de vue dans la loi qui
mériteraient sûrement... Je suis de l'avis de ceux qui
préconisent cette commission parlementaire de la fonction publique afin
d'entendre ceux qui ont protesté avec véhémence. Je ne
pense pas que ce soit tous des insensés; et même en politique, on
peut passer pour un comédien, parce qu'on dit la vérité
d'une manière un peu crue.
Quand j'ai vu M. Harguindeguy dire que ses syndicats ne paraîtront
pas à la commission de la fonction publique, j'en étais
scandalisé. J'ai pris la peine de lire tous les mémoires. Je me
suis rendu compte qu'avec raison, cet homme de bien, cet homme qui a
voué sa vie à la cause des travailleurs j'ai eu l'occasion
de le rencontrer à la Commission des accidents du travail comme
président lorsque votre syndicat avait beurré, taché et
sali les murs avec des posters, cela a coûté une fortune à
la commission pour rétablir l'ordre M. Harguindeguy avait dit
qu'il ne serait pas ici pour protester contre le bill 53. Avec raison, il va
nous le dire par les mémoires que nous allons entendre. Mais, il y a une
chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que ce matin ces gens y sont. Je vous en
félicite.
M. Duplessis disait: Ce n'est pas en dehors de la Chambre,
même si on n'aime pas cela, qu'on va défendre notre point de vue.
C'est en étant présent, par un apostolat de la présence
qu'on va rendre justice à ceux qui nous ont
délégués, à ceux qui nous ont mandatés.
Ce matin, je vous félicite, M. Harguindeguy, d'avoir bien eu
l'obligeance de revenir sur votre décision et d'être ici
présent. Ce n'est pas en dehors du parlement que vous allez être
capable de faire des améliorations à la Loi de la fonction
publique. C'est ici, devant les représentants du gouvernement et du
ministre, que vous allez pouvoir dire les vérités. N'ayez pas
peur de dire la vérité vraie. Celle qui fait mal,
peut-être, mais il est temps de parler. Ce n'est pas dans des
assemblées syndicalistes que vous allez nous prouver que vous avez
raison. C'est ici, devant l'Opposition et les membres du gouvernement. C'est
ici que vous allez nous dire ce que vous allez faire de plus pour donner plus
de rendement dans le travail que font les employés.
J'ai vu. dans bien des éditoriaux que, dans la
fonction publique, on pouvait prendre cela plutôt aisé. Je
n'ai pas besoin de vous dire que j'ai été ministre du Travail.
J'ai eu des rencontres assez fréquentes avec les syndicats. La religion
du travail est à se détériorer au point où le
rendement fait que sur les marchés publics on le ressent, non seulement
à la fonction publique, mais dans tous les secteurs du travail. La
religion du travail, celle qui est la responsabilité de donner à
un patron la pleine mesure de ce qu'il a besoin, ce pourquoi il est
engagé; aujourd'hui, on s'en fout comme de l'an quarante, pourvu qu'on
touche une augmentation de salaire ou certains droits marginaux qu'on veut
obtenir à la fin d'une convention.
La religion du travail, aujourd'hui, dans toutes les sphères,
qu'elles soient politique, sociale, industrielle ou commerciale, n'est plus ce
qu'elle a été. Vous allez me dire que je suis un vieux rado-teux,
un vieux qui passe son temps à faire des rengaines, non. Je sais
qu'aujourd'hui, dans une heure de travail, il y a certainement dix à
quinze minutes qui sont perdues par des colloques, des gens qui se rendent dans
un bureau ou un coin de l'usine pour discuter de toutes sortes de choses
à part de ce qui ne les regarde pas.
Messieurs, prêchez cette doctrine du travail! Je pense que le
travail est une noblesse qui enri chit sûrement celui qui sait en
profiter aujourd'hui, quelqu'il soit. La CSN a été reconnue par
le Code du travail, c'est dans la Loi de la fonction publique, comme le seul
syndicat capable de représenter les fonctionnaires. Je l'ai dit dans le
temps, je l'ai répété, les autres, la FTQ ou d'autres
associations que la CSD ne peuvent pas; la CSD pourrait parce que c'est une
organisation québécoise, la FTQ ne peut pas parce qu'elle n'est
pas foncièrement québécoise. Le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec est reconnu comme
représentant tous les employés de la fonction publique qui sont
salariés, selon le code tel qu'amendé, sauf les salariés
enseignants on l'a dit tout à l'heure et d'autres.
Mais dans le Code du travail, c'est l'article 69 qui vous a donné
le privilège d'être le seul représentant, et, dans le
temps, je me suis employé à le dire publiquement et à
noter cette discrimination qu'on faisait à l'endroit des autres
syndicats qui auraient voulu représenter les fonctionnaires de la
fonction publique. Mais à ce compte, mes chers amis, soyez raisonnables,
prêchez l'esprit de travail à tous vos membres. Nous sommes
là pour vous aider à réparer certaines injustices qui sont
commises, tel que nous l'avons décrit, à l'article 119 et
à l'article 45. Nous voulons véritablement donner une impression
nouvelle, mais il va falloir qu'en 1977 les syndicalistes soient plus en faveur
de la religion du travail qu'ils ne l'ont jamais été.
Il y a une dégradation dans tous les services, et c'est ce qui
produit peut-être aujourd'hui des critiques arrières contre le
système. Selon le système que veut établir le ministre
le député de Jean-Talon l'a certainement bien
décrit il deviendra le tsar; il pourra même se servir de
ses privilèges, de ses droits que lui donnera la loi pour refuser des
droits acquis. Oui, on verra cela dans la loi tout à l'heure, on va
entendre cela des mémoires aussi, le pouvoir discrétionnaire
d'agir au nom de son parti et de faire de la discrimination. Cela sera
enveloppé dans des ritournelles de commissions parlementaires ou bien de
comités de gestion, mais le ministre, que je connais d'une
manière assez particulière, pourra peut-être laisser jouer
son tempérament qui est assez impulsif aussi et qui a beaucoup
d'attachement, mes chers amis, pour ce beau programme du PQ et, là, cela
deviendra arbitraire.
Et dans un an, M. le ministre, je vous le répéterai parce
qu'il y aura des amendements à votre loi, c'est sûr, à la
suite du rapport Martin. C'est pour cela que je pense qu'il est absolument
nécessaire, comme le disaient d'autres, de ne pas adopter cette loi
avant d'avoir le résultat de l'enquête qui se poursuit à la
commission Martin.
Motion irrecevable
C'est pourquoi, M. le Président, j'ai l'honneur de faire la
proposition suivante: Je propose que le projet de loi 53 ne soit pas
adopté avant le dépôt du rapport de la commission
Martin.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous aviez
une réplique à faire avant que nous puissions continuer les
travaux de cette commission.
M. Bellemare: Madame, je pense qu'on doit parler d'abord sur ma
motion. Je ne voudrais pas, madame, vous être désagréable,
mais c'est une motion qui est faite en vertu de notre règlement selon
lequel, mutantis mutandis, la loi peut être discutable. Hormis que le
gouvernement veuille l'accepter immédiatement. Ce serait pour le
mieux.
Le Président (Mme Cuerrier): Je pense que le ministre
devait intervenir maintenant, au niveau des remarques préliminaires par
rapport au projet de loi.
M. Bellemare: Non, je regrette, madame. Je soulève un
point de règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): Je ne suis pas en train de
rendre une décision, M. le député de Johnson. Je demande
simplement à cette commission si elle préfère entendre la
réponse du ministre sur les remarques préliminaires, en supposant
que la réponse est peut-être déjà prête, M. le
député de Johnson. C'est la commission qui me dit maintenant si
elle désire entendre le ministre ou voir si cette motion est recevable
à ce moment-ci.
M. le député de Jean-Talon.
M. Garneau: Mme le Président, je n'ai pas entendu
l'intervention sur la recevabilité encore. A mon sens, cette motion est
recevable et je crois que nous devrions la débattre maintenant,
avant
qu'il y ait des interventions sur l'ensemble des propos qui ont
été tenus par les représentants de l'Opposition. Je dois
dire, Mme le Président, que je souscris volontiers à cette
motion, d'autant plus qu'elle s'intègre parfaitement au sens des propos
que j'ai tenus. Si le député de Johnson me le permettait, j'irais
même un peu plus loin et je dirais que, au sujet de ce projet de loi, au
lieu de mettre le mot "adopté", on devrait dire "étudié",
parce que je ne voudrais pas qu'avec le sens de cette motion, le gouvernement
nous amène en Chambre à l'étude en deuxième
lecture, nous amène également à l'étude article par
article en commission parlementaire du projet de loi 53 et que, finalement, il
ne garde, en s'appuyant sur cette motion, que l'adoption en troisième
lecture, ce qui priverait non seulement les Oppositions de faire
connaître leur point de vue sur les recommandations du rapport, mais
priverait également tous les représentants des syndicats
d'employés du secteur public de venir également se faire entendre
avant que la loi 53 ne soit adoptée sur ces propositions et
également sur les amendements qui pourraient éventuellement
être apportés à la loi 53 suite à ces
recommandations du rapport Martin.
Je ne sais pas si le député de Johnson accepterait que sa
motion soit modifiée. Au lieu d'employer le mot "adopté", que ce
soit "étudié" en deuxième lecture, avant que le rapport
Martin soit déposé.
M. Bellemare: Mme le Président, si vous voulez me donner
la parole.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je n'aurais pas d'objection à changer le mot
"adopté" par le mot "étudié ". D'ailleurs, dans
"adopté", il y a le mot "étudié" aussi, c'est sûr et
certain, l'un comprend l'autre. Regardez dans les dictionnaires au mot
"adopter" et c'est d'étudier tout ce qui a lieu sur une question. C'est
ça, le mot "adopté". C'est pour cela qu'on a mis
"adopté".
M. Garneau: En dernière lecture?
M. Bellemare: En deuxième lecture.
M. Garneau: Si vous mettiez "deuxième lecture", je serais
totalement avec vous, parce qu'on pourrait dire: C'est quoi, le mot
"adopté"? Si c'est en troisième lecture ou si c'est en
deuxième lecture, à ce moment...
M. Bellemare: En deuxième lecture, parce que le mot
"étudié" n'est pas assez fort pour moi, parce que le mot
"adopté" par le Parlement arrête un peu avant la
commission Martin, je pense que cela lui donne force de loi.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, voulez-vous rédiger...
M. Bellemare: Non, simplement au bout de la motion, avant la
deuxième lecture.
Le Président (Mme Cuerrier): Cela se lirait: "Que le
projet de loi 53 ne soit pas adopté en deuxième lecture, avant le
dépôt du rapport de la commission Martin".
M. Bellemare: Parfait, madame. Si vous me permettez, madame,
juste une intervention sur ma motion, parce qu'en vertu de notre
règlement, il est bien entendu que les motions ont priorité sur
le débat qui doit se poursuivre après l'adoption ou le rejet de
la motion.
Je n'ai pas besoin de vous citer cela à vous, Mme le
Président; vous êtes au courant du règlement. Mais ceux qui
auraient des doutes pourraient facilement référer à notre
règlement qui dit que, si une motion, est acceptée pour
discussion, après qu'elle est acceptée ou rejetée, on peut
revenir, comme en Chambre, à la discussion principale,
c'est-à-dire au débat qui avait cours avant.
Le Président (Mme Cuerrier): Je désire vous faire
remarquer, M. le député de Johnson, que le mandat de cette
commission est d'entendre les mémoires et que l'Assemblée
nationale siégera à partir de la semaine prochaine. Vous pourrez
faire cette proposition à l'Assemblée.
M. Bellemare: Non, madame, je refuse de me plier à cette
directive qui, soit dit en passant, est bien respectueuse, mais c'est à
ce moment-ci qu'on doit véritablement voter la motion ou la rejeter. La
semaine prochaine j'aurai d'autres motions à présenter, mais
celle-là est au début de nos séances: Que le projet de loi
ne soit pas adopté en deuxième lecture avant le rapport Martin.
Ce qui peut arriver, Mme le Président, c'est qu'il y ait comme un jeu de
cache-cache. On avait dit dans le programme électoral qu'on soumettrait
aux cadres et aux principaux officiers de la fonction publique, dans leur
intérêt, tout projet de loi et, à un moment donné,
le projet de loi 53 est arrivé presque subitement. Il peut arriver
exactement la même chose en Chambre, à partir de la session qui
ouvre mardi.
M. Chevrette: Mme le Président, sur la recevabilité
de la motion.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Joliette.
M. Chevrette: Je pense que le député de Johnson
apporte une proposition qui change carrément le mandat qui fait qu'on
siège ici. L'ordre de la Chambre est d'écouter les
mémoires relatifs au dépôt du projet de loi 53. Le
député de Johnson vient de faire une motion pour fixer une date
hypothétique quant à l'adoption du projet lui-même, en
deuxième lecture, pouvoir qui revient uniquement à la Chambre.
C'est à la Chambre de décider de l'opportunité du temps de
l'adoption d'un projet de loi. Si la proposition du député de
Johnson était, par exemple, d'entendre des mé-
moires d'une façon sporadique et de demander au leader du
gouvernement de retarder un peu l'audition des mémoires, encore
là, cela revient au leader de la Chambre de dire quand la commission
siège. Il fait une proposition à l'Assemblée et on dit: On
siège cet après-midi, à trois heures, après la
période de questions. C'est une motion de la Chambre, mais ce que vous
faites présentement, c'est décider pour et au nom de
l'Assemblée nationale du moment bien précis de l'adoption d'un
projet de loi. A partir de là, je pense qu'il n'y a même pas de
débat; la présidence devrait se déclarer suffisamment
informée et rendre son jugement dans les plus brefs délais pour
qu'on puisse se conformer au mandat pour lequel on siège ici, à
savoir écouter les mémoires.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député,
vous me mettez les paroles dans la bouche. De toute façon, je ne crois
pas, M. le député de Johnson, que vous vouliez aller à
l'encontre d'une décision, ou de ce qui m'apparaissait être,
à ce moment, une décision. Je me suis peut-être mal
exprimée, mais ce que je voulais dire, c'est que le mandat de la
commission est vraiment d'entendre les mémoires aujourd'hui et qu'il ne
faut pas intervenir dans les travaux de l'Assemblée comme telle. Vous
pourriez apporter votre motion dans le sens d'un voeu pieux qu'on pourrait
ajouter au rapport de la commission, à la fin des travaux. Alors, cette
motion n'est pas recevable.
M. Brochu: Mme le Président, je m'excuse, sur la question
de recevabilité, sur le point qui...
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demande pardon, M. le
député; j'ai déjà dit que la motion n'est pas
recevable. J'appellerai donc...
M. Brochu: Vous avez dit que la motion n'était pas
recevable! Un instant.
M. Bellemare: Madame, si elle n'est pas recevable, votre
décision peut être contestée en vertu de notre
règlement. C'est mutatis mutandis.
Le Président (Mme Cuerrier): Alors, c'est que vous
décidez de contester cette décision maintenant.
M. Brochu: Voici, Mme le Président, j'avais laissé
le député de Joliette intervenir, comme c'est son droit
d'ailleurs, en faisant valoir les arguments qu'il a fait valoir et j'avais
l'intention de relever certains de ses propos. Il y en a que je juge fort
à propos et d'autres qui peuvent être contestables et avant
que...
M. Chevrette: Question de règlement, Mme le
Président. Le député de Richmond en appelle-t-il de votre
décision ou veut-il répondre à mon argumentation?
M. Brochu: Un instant!
M. Chevrette: S'il veut répondre à mon argu-
mentation, il doit en appeler de votre décision, puisque votre
décision est rendue. On va faire respecter le règlement ou on ne
le fera pas respecter.
M. Brochu: Ecoutez! Etes-vous seuls à la commission
parlementaire? Est-ce qu'il n'y a que le député de
Joliette-Montcalm et la présidence ou si on peut s'entendre?
M. Bellemare: Vous lirez l'article 65.
M. Chevrette: On a le droit d'en appeler au règlement et
vous le savez, M. le député de Richmond.
M. Brochu: Vous avez pris la décision au bout de la table,
comme ça, entre vous deux.
M. Chevrette: Non. J'ai argumenté et Mme le
Président a rendu sa décision.
M. Brochu: Et on vous a poliment laissé terminer.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs, s'il
vous plaît!
M. Brochu: ...espérant avoir la possibilité de
faire valoir d'autres arguments dans la discussion, ce qui est normal
démocratiquement.
Le Président (Mme Cuerrier): J'ai déjà dit
que cette motion n'est pas recevable, M. le député de Richmond.
M. le ministre, votre réponse aux remarques préliminaires.
M. Bellemare: Madame, je demande le vote sur votre
décision.
Le Président (Mme Cuerrier): Voilà, nous pouvons
prendre le vote. Est-ce que cette commission veut en appeler de ma
décision sur la recevabilité de cette motion?
M. Bellemare: Oui, certainement, j'en appelle de votre
décision.
Le Président (Mme Cuerrier): Vous tenez toujours à
en appeler de ma décision, M. le député de Johnson?
M. Bellemare: Oui, madame. Avec tout le respect que j'ai pour
vous et le règlement. Parce que je ne sais pas si vous avez lu le
règlement, mais en tout cas...
Le Président (Mme Cuerrier): Avez-vous remarqué, M.
le député de Johnson, que j'ai justifié cette
décision en disant que la motion que vous présentez maintenant ne
participe pas du mandat de la commission comme telle et je préside cette
commission.
M. Bellemare: Mais, madame, en vertu de l'article 70 il
faudrait que vous le lisiez La motion d'amendement doit se rapporter
directement au
sujet de la motion proposée ne peut avoir que les sujets
suivants: retrancher ou ajouter des mots et les remplacer par d'autres.
Je dis que dans l'amendement aux articles 60 et 70, c'est conforme.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député,
nous allons lire ensemble l'article 70, comme vous dites. "Un amendement doit
se rapporter directement au sujet de...
M. Bellemare: C'est la fonction publique.
Le Président (Mme Cuerrier): ...de la motion
proposée..."
M. Bellemare: Oui.
Le Président (Mme Cuerrier): Bon. Il n'y a pas de motion
proposée comme telle maintenant. C'est un amendement...
M. Bellemare: La commission siège comme en Chambre, avec
tous les pouvoirs qu'ont les députés mutadis mutandis. C'est
vrai.
Le Président (Mme Cuerrier): Si c'est comme cela, M. le
député, je devrai vous dire qu'il y a un règlement...
M. Bellemare: Continuez donc à lire l'article 70.
Le Président (Mme Cuerrier): Qu'il y a aussi...
M. Bellemare: "II est irrecevable si son effet est
d'écarter la question principale sur laquelle il a été
proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport
à un amendement". Voyons donc!
Le Président (Mme Cuerrier): "II est irrecevable si son
effet est d'écarter la question principale...
M. Bellemare: Au contraire. On ne veut pas l'écarter.
Le Président (Mme Cuerrier):... sur laquelle il a
été proposé et il en est de même d'un
sous-amendement par rapport à un amendement".
Je vous dis que le mandat de la commission n'est pas de décider
pour i'Assemblée nationale du moment où elle adoptera un projet
de loi. Je vous ferai remarquer qu'il y a aussi l'article 43 du
règlement qui dit: "Le président se prononce sur les questions de
règlement au moment où il le juge à propos..."
M. Bellemare: D'accord avec cela.
M. Chevrette: Je voudrais d'abord, pour que le débat
continue sur le point que vous soulevez, lire le deuxième paragraphe
aussi de l'article 43. "Lorsque le président rend sa décision...
"
M. Bellemare: Oui, mais finissez donc l'article 43; "et il peut
demander des directives".
M. Chevrette: Je vais exposer mon point de vue, vous
pourrez...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Joliette-Montcalm. Je pense que la décision est maintenant rendue. Je
vous ai lu une partie de l'article 43, mais je vous lirai aussi l'article 43.2:
"Lorsque le président rend sa décision, il indique ce qui la
justifie et il n'est pas permis de la critiquer ni de revenir sur la question
décidée; il en est de même lorsque le président
décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur une question
".
Alors, j'ai décidé maintenant, et je vous demanderais de
vous en tenir à ma décision, M. le député.
M. Bellemare: Madame, j'en ai appelé de votre
décision par un vote.
M. de Belleval: En vertu de quel article?
Le Président (Mme Cuerrier): Précisez-moi que!
article...
M. Chevrette: En vertu de quel article pouvez-vous en appeler
d'une décision par un vote?
M. Bellemare: La décision du président de la
commission...
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demanderais de
préciser l'article. Je ne vois pas de question d'appel maintenant.
M. Bellemare: Madame, vous n'avez pas le droit de refuser
à un élu du peuple le droit de vote. C'est clair! C'est de la
dictature! Vous voyez, messieurs, comment agit le gouvernement avec
l'Opposition.
M. Chevrette: On a des règlements.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bellemare: Imaginez ce qui va arriver avec vous autres.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bellemare: II y a anguille sous roche, madame.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, il y a un règlement de cette Assemblée, et je sais que
vous êtes toujours très respectueux du règlement. Je vous
dis maintenant que j'ai rendu la décision. Vous pourriez toujours en
appeler, amener un vote de blâme ou ce que vous voulez. Mais, à ce
moment-ci, j'ai déjà rendu ma déci-
sion et je vous demanderais de vous en tenir à la
décision, en vertu de l'article 43 de notre règlement. Je donne
maintenant la parole à M. le ministre pour son intervention en
réponse aux remarques préliminaires sur ce projet de loi no
53.
M. de Belleval: Mme le Président, de façon à
ne pas retarder...
M. Bellemare: Je soulève un point de règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): Sur la question de
règlement, le député de Johnson.
M. Bellemare: Madame, en vertu de notre règlement, je
pense qu'il est inopportun pour le ministre de prendre la parole
présentement puisqu'on est devant les membres des syndicats des
fonctionnaires et de tous les autres qui doivent fournir des documents ce
matin. Je pense qu'il n'y a rien dans notre règlement qui permet un
droit de réplique, rien, en commission parlementaire, qui permet un
droit de réplique. C'est l'opinion que chaque parti a donnée. Pas
parce qu'on a peur, non, pas de vous non plus, jamais. Je pense qu'il est temps
qu'on montre les dents devant toutes vos intolérances et
particulièrement à votre dictature.
Non, non, non, non, non, il y a anguille sous roche. On vous le dit et
on vous le répète, comme on vous l'a dit et on vous l'a
répété pour bien des choses, dans des éditoriaux
que j'ai lus et que j'ai devant moi. Vous persistez à faire du
gouvernement une espèce de refuge pour vos amis politiques. La question
primordiale pour laquelle nous sommes ici ce matin, c'est pour entendre des
mémoires, après l'avis qu'a donné chaque parti.
M. Jolivet: Une autre enquête Salvas.
M. Bellemare: II faudrait peut-être faire une enquête
Salvas; il n'y a pas si longtemps il y a eu les hydravions de
l'hydro-Québec. Vous verriez autre chose que l'enquête Salvas. Je
me réserve le pouvoir de vous le dire. Vous allez voir qu'une
enquête Salvas, ce sont des minounes à côté de
ça; c'est votre gouvernement qui a permis ça.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le
député.
M. Bellemare: Vous allez voir que c'est fini les petits becs en
cachette.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson...
M. Chevrette: Ne vous fatiguez pas.
Le Président (Mme Cuerrier): ... je vous rappelle à
l'ordre pour la deuxième fois.
Une Voix: Restez calme...
M. Garneau: Mme le Président, vous avez...
Le Président (Mme Cuerrier): Sur la question de
règlement, M. le député?
M. Garneau: ... rendu une décision que je respecte mais,
en rendant votre décision, vous avez mentionné que la commission
ne pouvait pas donner un ordre à l'Assemblée nationale, et c'est
là-dessus que vous vous êtes appuyée pour déclarer
irrecevable...
Le Président (Mme Cuerrier): C'est le mandat comme tel de
la commission.
M. Garneau: ... la motion du député de Johnson. En
vertu de nos règlements, on ne peut pas en appeler de votre
décision par un vote, comme vous l'avez mentionné. J'aimerais, me
conformant à votre décision, faire la motion suivante: "Que la
commission est d'avis que le projet de loi 53 ne devrait pas être
adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin,
constituée par l'arrêté en conseil no 2412 du 27 juillet
1977, n'ait déposé son rapport". En formulant la motion de cette
façon, je crois que nous nous conformerions à l'avis que vous
nous avez donné que la commission peut émettre un voeu, peut
exprimer son avis, et que cette motion, si elle est adoptée, par la
commission, fasse partie intégrante du rapport que la commission
soumettra à l'Assemblée nationale. J'en fais une motion, Mme le
Président.
Le Président (Mme Cuerrier): Je lis cette motion: "Que la
commission est d'avis que le projet de loi no 53 ne devrait pas être
adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin,
instituée par l'arrêté en conseil no 2412 du 27 juillet
1977, n'ait déposé son rapport". Je vous ferai remarquer, M. le
député, que c'est moi qui vous ai entendu, mais je ne croyais pas
que vous arriviez avec une motion, mais avec une intervention sur la question
de règlement, et j'avais déjà donné la parole
à M. le ministre.
Alors, voulez-vous retenir cette motion?
M. Garneau: Je n'ai pas d'objection à retenir cette
motion, pour autant que vous ayez rendu votre décision sur le point de
règlement soulevé par le député de Johnson.
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous dis que nous allons
simplement retarder votre intervention. J'ai déjà donné la
parole à M. le ministre.
M. de Belleval: Mme le Président, très rapidement,
pour ne pas retarder les travaux de...
M. Brochu: Mme le Président, sur la même question de
règlement, je m'excuse, vous avez bien indiqué tout à
l'heure, dans la décision que vous avez rendue, que si la motion avait
été formulée autrement, c'est implicitement ce qui
était contenu là-dedans, et c'est ce qui est fait maintenant;
donc, en vertu des dispositions mêmes de notre règlement, je pense
que la commission est prête et disposée à se prononcer
immédiatement pour qu'ensuite on passe, selon l'ordre prévu,
l'ordre logique, à la suite de nos travaux. Je pense que ce
serait une façon peut-être moins acceptable de procéder que
de donner immédiatement la parole au ministre dans un droit de
réplique...
M. Bellemare: Il n'en a pas le droit.
M. Brochu: ... qui est d'abord douteux au point de départ,
qu'on pourrait même contester, alors qu'on a une motion que vous avez
jugée re-cevable dans vos derniers propos, qui est devant les membres de
cette assemblée et sur laquelle nous sommes prêts et
disposés maintenant à nous prononcer. Mme le Président, je
vous demande, s'il vous plaît, de faire respecter le règlement
dont vous êtes la gardienne.
Le Président (Mme Cuerrier): Nous allons devoir relire le
journal des Débats. La question de règlement à ce moment
était à l'effet de revenir sur la décision du
président. Je croyais que M. le député de Jean-Talon
voulait simplement faire une remarque sur la question de règlement
à ce propos. Je vous ferai remarquer que j'avais déjà
donné la parole à M. le ministre. J'ai simplement demandé
au député de retarder son intervention de quelques secondes.
M. Brochu: Pour préciser, Mme le Président, pour
bien se comprendre aussi, le député de Jean-Talon à ce
moment, ne faisait pas simplement une remarque, mais il donnait suite à
l'ensemble de nos propos et colligeait !a proposition d'une façon
différente, dans le même sens qu'elle avait été
présentée par le député de Johnson. Je pense que le
sujet restait en discussion. C'était plus qu'une remarque de la part du
député de Jean-Talon, je crois.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député.
Sur la question de règlement.
M. Chevrette: Oui, Mme le Président, comment voulez-vous
permettre à un député de faire une motion au moment
où c'est l'autre qui a la parole? La moindre décence, c'est de
laisser son droit de parole et d'attendre son tour pour faire une proposition.
Ce n'est pas une proposition privilégiée que fait le
député de Jean-Talon. Il aurait proposé cela à son
tour, mais, vu les circonstances d'un appel au règlement, le ministre,
qui avait la parole, s'est trouvé à se faire couper.
Le Président (Mme Cuerrier): Je dois vous rappeler
à l'ordre, M. le député de Joliette-Montcalm. De toute
façon, j'avais déjà donné la parole à M. le
ministre.
M. Chevrette: C'est de l'enfantillage.
M. Brochu: Mme le Président, c'est exactement le sens de
ce que le député de Joliette-Montcalm vient de dire.
Le Président (Mme Cuerrier): J'ai déjà
donné la parole à M. le ministre.
M. Brochu: La motion a été présentée
par le député de Johnson, présentée
différemment par le député de Jean-Talon et nous sommes
prêts à en discuter, et c'est là la politesse de
demander...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Richmond, je vous rappelle à l'ordre. J'ai déjà
demandé à M. le ministre de reprendre le droit de parole que je
lui avais déjà accordé. Je n'accepterai pas que vous
reveniez sur cette intervention avant que M. le député de
Jean-Talon ne revienne. M. le ministre.
M. Bellemare: Sur quel article vous basez-vous pour prendre votre
décision, pour donner le droit de parole au ministre, en commission
parlementaire? Cette compétence...
M. Brochu: Est-on venu tantôt vous indiquer de la faire,
à l'oreille?
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre. Il se fait
habituellement...
M. Chevrette: II a 65 ans!
Le Président (Mme Cuerrier): Les interventions en
commission parlementaire, habituellement, se font dans le sens de remarques
préliminaires du ministre, ensuite des représentants des
oppositions, et le ministre, souvent, en commission parlementaire,
répond très rapidement, fait quelques remarques aux interventions
sur les questions préliminaires. Je lui ai donné la parole en
vertu des précédents qui sont créés depuis
très longtemps. M. le ministre.
Réplique du M. le ministre
M. de Belleval: Merci, Mme le Président. Très
rapidement, pour ne pas retarder le déroulement normal des travaux de la
commission, car notre tâche est d'écouter les gens qui se sont
déplacés ce matin, je voudrais revenir simplement sur un aspect
des remarques qui ont été formulées par l'Opposition et
nous reviendrons aux autres aspects au cours de la commission, de toute
façon, au cours des audiences.
Sur cette fameuse question de la concordance des travaux entre la
commission Martin et les travaux de cette commission, très rapidement,
pour rappeler les faits, le projet de loi et la commission Martin ont
été portés à la connaissance du public il y a
maintenant plusieurs semaines et même quelques mois.
Lorsque le projet de loi a été déposé, les
représentants des associations des employés ont eux-mêmes
demandé la convocation d'une commission. J'ai accédé
immédiatement à cette suggestion, croyant qu'effectivement
c'était la meilleure façon de procéder dans les
circonstances.
C'est donc à la demande même de plusieurs intervenants que,
très spontanément, nous avons convoqué cette commission. A
ce moment, les travaux de la commission Martin étaient connus et
son mandat était déposé et public. D'ailleurs,
pendant toutes les semaines qui ont suivi, les associations et les particuliers
ont procédé à la rédaction de leur
mémoire.
Ce n'est qu'il y a quelques jours à peine que, pour des raisons
qui m'apparaissent purement tactiques, on a soulevé la question de la
concordance entre la commission Martin et le dépôt du projet de
loi no 53. Ce retard excessif dans la présentation de cette objection me
la rend suspecte et la rendra aussi suspecte à l'ensemble de la
population.
Il s'agit donc maintenant d'étudier dans le meilleur climat
possible des questions qui, dans leur ensemble, ne relèvent pas de la
commission Martin ou qui y touchent de façon très marginale. Je
voudrais simplement rappeler qu'en vertu du projet de loi déposé,
toutes les sections de l'ancienne Loi de la fonction publique qui touchent au
régime syndical et au régime des négociations sont
soustraites du projet de loi déposé. En particulier, les articles
117 et 118 du projet de loi déposé prévoient que la
présente Loi de la fonction publique, c'est-à-dire le projet de
loi no 53, remplace la Loi de la fonction publique à l'exception du
paragraphe 7 de l'article 1 et des articles 52a et 69 à 75,
c'est-à-dire que toutes les sections de l'ancienne loi qui touchent
justement au régime syndical sont exclues du projet de loi. Nous l'avons
justement fait exprès, étant conscients, justement, que la
commission Martin siégeait et qu'il ne fallait pas qu'au moment
où on étudie le projet de loi sur la fonction publique, on statue
en même temps sur toutes les questions qui touchent aux conditions
générales du service et au régime d'accréditation
et de négociation collective dans la fonction publique.
Cependant, malgré ces précautions, il reste que,
marginalement, par la bande, on peut toucher au régime des
négociations collectives. De ce point de vue, je l'admettrai volontiers.
Le but du projet de loi est de ne restreindre d'aucune façon l'aire des
négociations actuelles, ni de modifier d'aucune façon les
conventions collectives en vigueur.
Si, sous certains aspects, malgré cette intention, des accrocs
étaient apportés à ce principe, il va sans dire que je
considérerai avec attention ces objections et que nous en tiendrons
compte.
J'ai indiqué, il y a quelques minutes, que, de toute
façon, même si les zones grises entre les deux aspects, entre les
deux travaux m'apparais-saient minimes, il reste qu'il est quand même
important qu'on tienne compte de tous les points de vue. De ce point de vue,
donc, nous procéderons avec toute la lenteur souhaitable à
l'étude du projet de loi, nous entretiendrons le débat, nous
aurons des points de vue qui seront exposés durant les prochains mois et
l'aboutissement des travaux de !a commission Martin et des travaux que nous
entreprenons aujourd'hui coïncideront. L'engagement du ministre, de ce
point de vue, qui est public et enregistré, ne peut être plus
clair. Il n'est pas besoin de mesures ou de motions dilatoires qui retardent
aujourd'hui nos travaux pour procé- der maintenant à l'audition
des mémoires tel que prévu.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon, je vous avais dit que je vous accordais la parole après
l'intervention du ministre.
M. Garneau: Mme le Président, je suis bien content que
vous ayez décidé de donner la parole au ministre avant que je
fasse ma motion parce que l'intervention du ministre rend ma motion encore plus
évidente et plus nécessaire.
M. Bellemare: C'est la motion amendée du
député de Johnson.
M. Garneau: C'est cela. M. Bellemare: ...
M. Garneau: Ce ne sera pas un amendement, étant
donné que...
M. Bellemare: On ne va pas se chicaner, mais...
M. Garneau: Je ne veux pas me chicaner, mais, comme la motion a
été...
M. Beliemare: C'est lui qui a eu l'idée...
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le
député de Johnson. C'est M. le député de Jean-Talon
qui a la parole. A l'ordre, s'il vous plaît!
M. de Belleval: On peut se retirer.
M. Garneau: On ne se chicanera pas sur la paternité, mais
le fait que le ministre de la Fonction publique ait eu le droit de parler avant
que je puisse réintroduire cette motion me rend encore plus convaincu de
la nécessité de la faire.
Tout d'abord, il y a une différence entre les discours et les
textes de loi. Nous en avons eu un certain échantillon à propos
de la loi 101 et nous voyons aujourd'hui encore ce même processus
où les discours ne concordent pas avec les textes législatifs. Le
ministre vient de nous dire que le texte du projet de loi 53 ne touche pas,
dans le fond, au mandat de la commission Martin ou seulement par la bande. Je
voudrais bien savoir ce qu'est la bande, quand on nous dit, par exemple,
à l'article b) du mandat, que la commission Martin a à
étudier le contenu de l'aire de négociations et les règles
régissant l'amorce et le déroulement des négociations. Le
contenu de l'aire des négociations, l'article 119 le touche directement
et je me demande comment on pourrait l'étudier avant d'avoir eu ces
recommandations.
De plus, le ministre nous dit que le projet de loi 53 touche uniquement
par la bande certaines des questions qui sont actuellement
négociées dans le cadre des conventions. Je voudrais attirer son
attention sur l'article 68 où, je crois, une sentence arbitrale a
été rendue par un tribunal
concernant les occasionnels. Dans la loi 53, on réintroduit
l'article 68, donnant au ministre le pouvoir de soustraire à
l'application d'une sentence arbitrale une partie importante des travailleurs
de la fonction publique.
Motion pour que le projet de loi no 53
ne soit pas adopté en deuxième
lecture
avant que la commission Martin
n'ait déposé son rapport
Je soumets donc, Mme le Président, que c'est le devoir de cette
commission de donner un avis à l'Assemblée nationale; c'est pour
cela que nous sommes ici, pour entendre les mémoires et faire rapport.
Je fais motion que cette commission est d'avis que le projet de loi 53 ne
devrait pas être adopté en deuxième lecture avant que la
commission Martin, constituée par l'arrêté en conseil 2412
du 27 juillet 1977, n'ait déposé son rapport.
M. Bellemare: Mme le Président, en parlant de la motion
que vous avez acceptée...
Le Président (Mme Cuerrier): Un instant, M. le
député de Johnson; je vais simplement faire une remarque. J'ai
dit tantôt que nous avions comme mandat, aujourd'hui, d'entendre les
rapports et c'est à l'ordre du jour de cette commission. Habituellement,
les motions qui sont reçues au début des travaux d'une commission
sont faites afin d'organiser les travaux comme tels, par exemple, pour
décider du temps qui sera alloué à chacun des rapports ou
au droit de parole des députés, ou à des choses du
même genre, c'est-à-dire, donc, à l'organisation des
travaux de l'Assemblée. Je pense quand même que cette motion, vu
qu'elle pourrait exprimer un voeu de la commission, est recevable. Je crois
quand même qu'il faut retarder la discussion sur cette motion parce que
le mandat qui nous lie aujourd'hui est d'entendre les mémoires. Nous
conserverons cette motion pour la ramener à une étape
ultérieure au cours des travaux de cette commission.
M. Garneau: Mme le Président, vous avez
déclaré ma motion recevable et je ne vois pas, dans notre
règlement, de raison qui empêche la commission de se prononcer
maintenant là-dessus. La présenter à ce moment-ci a un
avantage, c'est qu'au fur et à mesure que nous entendrons les
mémoires, si cette motion était adoptée par la commission,
nos témoins sauraient qu'il s'agit là d'une étude
préliminaire d'un projet de loi préliminaire. Si le désir
du gouvernement n'est pas de faire siéger à nouveau la
commission, au moins ils sauront qu'ils peuvent dès maintenant se
présenter devant la commission Martin non pas comme des cobayes qui vont
juste parader pour la frime. Ils sauront également que des
décisions finales ne seront pas prises avant que ce rapport soit
présenté. Je crois qu'en procédant de cette façon
nous faciliterions grandement l'étude des rapports en laissant savoir
dès maintenant à nos témoins qu'ils pourront
éventuellement se faire entendre soit à l'intérieur d'une
commission ou, au moins, par des prises de position publiques. En effet, il ne
sera pas trop tard pour pouvoir porter un jugement sur les recommandations
Martin en sachant dès maintenant que la commission fera rapport à
l'Assemblée nationale et exprimera l'avis que cette loi ne soit pas
adoptée en deuxième lecture avant le dépôt du
rapport Martin. Je crois que cela changerait complètement le climat de
nos travaux et que cela permettrait une discussion plus franche.
Aussi, nos témoins sauraient exactement dans quelle situation ils
se placent, dans quelle situation ils sont et également quelles seront
les possibilités qu'ils auront, à l'avenir, de se faire entendre
sur ce même sujet. C'est pourquoi, je prétends que nous devrions
nous prononcer dès maintenant. Si le gouvernement et ses
représentants à cette table sont d'accord avec cette motion, le
débat ne devrait pas prendre plus que le temps de dire
"adopté".
S'ils ne sont pas d'accord, qu'ils le disent donc maintenant, de telle
sorte que nos témoins sauront à quoi s'en tenir.
M. Bellemare: Mme le Président...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: ... l'article 163 de notre règlement dit: "A
moins de dispositions contraires, les règles relatives à
l'Assemblée s'appliquent aux commissions".
Si je vérifie mon livre: "La motion est un acte de
procédure par lequel un député propose de faire une chose,
d'ordonner l'accomplissement d'une chose, d'exprimer une opinion sur un
sujet".
Le Président (Mme Cuerrier): Le numéro de
l'article, M. le député de Johsnon.
M. Bellemare: Le no 54. 55, madame: "Une fois adoptée
la motion du député de Jean-Talon, comme vous l'avez
adoptée une motion devient un ordre ou une résolution de
l'Assemblée..." ou de la commission, puisque je viens de vous lire
l'article 163, c'est mutatis mutandis.
On a certainement le droit, madame, de l'étudier
immédiatement ou de la rejeter si on n'est pas satisfait, mais pour
montrer dans quel chemin on s'enlise. La commission entendra sûrement
tous les mémoires. C'est sûr. Mais pourquoi ne pas accepter tout
de suite la motion que j'ai présentée ou celle qui est
amendée un peu différemment, mais qui veut que ce soit un voeu
pieux voulant que le bill 53 ne soit pas adopté en
deuxième lecture sans avoir eu, au moins, le privilège de lire et
d'entendre le résultat de l'enquête menée par la commission
Martin?
Ce n'est pas plus malin que cela, madame, il n'y a pas... pourquoi avoir
peur de la vérité? Pourquoi aller se cacher derrière les
règlements? Pourquoi être obligé de faire ce débat
qui me semble inutile, une perte de temps épouvantable quand on a devant
soi des gens qui vont peut-être
dire non. Ils ont la majorité. On verra véritablement
où se dirige le gouvernement. Si le gouvernement veut dire oui,
l'honorable ministre de la Fonction publique peut nous dire: Oui, monsieur, la
loi ne sera pas acceptée en deuxième lecture avant que le rapport
Martin ne soit déposé. Quelle différence y a-t-il? On ne
veut que cela. Ce n'est pas pour embêter le gouvernement. C'est pour que
véritablement la commission qu'ils ont nommée en juillet puisse
faire un rapport qui nous épate, qui nous renseigne. Ce n'est que cela.
Le ministre dira: Oui ou non. C'est tout. On le saura où on va.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Joliette-Montcalm, sur l'opportunité de votre intervention
d'étudier tout de suite cette motion, ou bien si vous la
considérez... c'est-à-dire que, comme je disais tantôt,
j'ai dit tantôt que je croyais que nous pouvions étudier des
motions préliminaires à l'organisation des travaux, mais M. le
député de Joliette-Montcalm entend intervenir de la même
façon que les deux autres députés sur l'opportunité
de discuter maintenant de la motion. J'avais dit qu'elle était
recevable.
M. Chevrette: Je déplore, Mme le Président, qu'on
ait à faire ce débat de procédure. Il n'en demeure pas
moins que vous avez, dans un premier temps, rendu une décision
tantôt à savoir qu'on ne pouvait pas modifier le mandat de la
Chambre. Dans votre argumentation, vous avez ouvert une porte en
présentant un voeu. Le voeu qui est présenté, sous forme
de résolution non adoptée, contrairement à ce qu'a dit le
député de Johnson, parce que si vous maintenez qu'elle est
recevable, il faudrait la débattre avant de l'adopter. Donc, ce n'est
pas une motion adoptée en vertu de l'article 53.
En vertu de l'article 43, vous avez rendu une décision
tantôt qui m'apparaît très explicite et, à partir de
ce fait, je pense que tout voeu qui voudrait orienter les débats de la
Chambre, parce que c'est la Chambre qui a donné ordre de venir ici
écouter les mémoires des groupes, tout voeu, dis-je, qui voudrait
faire comprendre à l'Assemblée nationale qu'il serait
préférable de retarder l'adoption en deuxième lecture ou
en troisième lecture, comme vous voudrez, devrait venir, je pense, au
niveau du rapport de la commission; mais, après avoir répondu au
mandat premier pour lequel on est ici, à savoir, écouter les
mémoires que les gens ont à nous présenter. A partir de ce
fait, la porte que j'aimerais vous ouvrir aussi à mon tour, c'est que
compte tenu que vous avez rendu une décision ferme dans le premier cas,
je préférerais grandement que la présidence prenne en
délibéré la motion du député de Jean-Talon
et qu'elle dise, à la fin de ce débat, que nous faisons
présentement...
Je considère qu'elle pourra être recevable à la fin
de l'audition des mémoires parce que c'est un rapport qu'on a à
présenter à l'Assemblée nationale, qui, elle, jugera,
parce que c'est l'Assemblée nationale qui va juger, au bout de la
course, si oui ou non on attend. Il y a quand même un engagement
politique de la part du ministre, qui a été formel
là-dessus. Je me demande vraiment si ce n'est pas retarder l'audition
des mémoires que l'on recherche.
M. Bellemare: C'est vous autres qui la retardez.
M. Chevrette: Je m'excuse, vous avez parlé et je ne vous
ai pas interrompu, M. le député de Johnson. S'il y en a qui ont
peur, moi, je ne suis pas heureux. Je peux donc vous dire, Mme le
Président, que personnellement, par rapport à la première
décision que vous avez rendue, si vous acceptiez une telle chose
actuellement, on interférerait dans le mandat de l'Assemblée
nationale. Je pense que ce serait très prudent, de la part de la
présidence, de prendre cette motion en
délibéré.
M. Garneau: Sur un point de règlement, Mme le
Président.
Le Président (Mme Cuerrier): Sur un point de
règlement, M. le député de Jean-Talon.
M. Garneau: Oui, parce que je dois reconnaître que vous
avez rendu une décision. Vous avez rendu la décision que la
motion que j'ai présentée était acceptable et vous vous
êtes interrogée sur le moment où elle pourrait être
débattue. Je soumets, Mme le Président, que l'intervention du
député de Joliette n'est pas dans l'ordre puisque vous avez
déjà rendu la décision qu'elle était acceptable;
donc, on ne peut plus... Comme nous nous sommes soumis, tout à l'heure,
à votre décision concernant la formulation de la première
motion du député de Johnson, je crois qu'au moins la partie
gouvernementale devrait également respecter votre décision,
autant que l'Opposition l'a fait.
Ce que je soumets maintenant sur ce point de règlement, c'est que
rien ne nous empêche de l'étudier maintenant. Il n'y a aucune
procédure. Si une commission parlementaire qui a pour objet d'entendre
des mémoires sur un projet de loi n'a pas la possibilité
d'exprimer un voeu dans son rapport, je me demande au juste ce qu'on vient
faire ici. On pourrait le souligner je n'ai pas les
procès-verbaux devant moi à combien de commissions
parlementaires des motions semblables ont-elles été
présentées, acceptées et discutées. Si les
débats retardent à ce moment, ce n'est pas parce que l'Opposition
veut faire de la procédure. Vous avez accepté la motion; que le
gouvernement nous dise donc si oui ou non il l'accepte, le problème va
finir là. Vous avez la majorité, on sait que vous n'avez pas
raison, mais vous avez la majorité; de toute façon c'est aussi
bien de régler maintenant. Que le ministre nous le dise. S'il est
prêt à faire une déclaration, il doit être
également prêt à accepter la formalisation d'une telle
déclaration, et c'est le sens de ma motion. Nous ne donnons pas d'ordre
à l'Assemblée nationale, nous exprimons un voeu. D'ailleurs,
quand nous présentons cette motion avec cette formulation
que la commission est d'avis, c'est fort différent d'une motion
qui pourrait être présentée à l'occasion d'un
discours en deuxième lecture parce qu'à ce moment la motion prend
la formulation d'un ordre et non pas d'un avis. On dit que cette motion en
discussion ne soit pas étudiée maintenant, alors que maintenant
la motion est formulée sur une base d'avis. C'est pourquoi je crois
qu'elle devrait vous l'avez déjà acceptée et je
vous en remercie être débattue et mise aux voix maintenant.
Quant à moi je serais même prêt à procéder au
vote tout de suite, si les gens du gouvernement ne veulent pas intervenir; au
moins on saurait de quel côté ils logent par l'expression de leur
vote.
M. Bellemare: Mme le Président.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Exactement comme l'ont fait les deux honorables
députés avant moi, je voudrais dire qu'en vertu de l'article 56
ce n'est pas une motion principale, ce n'est pas une motion secondaire ou une
motion incidente ou dilatoire, mais c'est une motion de forme. Je pense, Mme le
Président, qu'on aurait mauvaise grâce, de la part d'un
gouvernement qui se dit bien intentionné... Les syndicats ont fait un
mouvement qui semble donner plus de renfort, puisqu'ils sont ici ce matin pour
déposer leur mémoire, mais nous craignons
énormément que ce soit une loi truffée, qu'elle soit
même d'un intérêt particulier pour exercer certains
privilèges que la Chambre n'aurait pas le pouvoir de refuser parce que
nous n'avons pas la majorité. Nous avertissons le gouvernement, Mme le
Président, que, malgré les décisions que vous avez
rendues, nous allons être très rigides sur l'acceptation du projet
de loi 53 avant que le rapport Martin soit déposé.
On sait combien il y a eu de commissions qui ont siégé
concernant différents sujets et qui ont pris des mois et des mois,
même des années, avant de faire leur rapport. Je crois qu'il est
dans l'intérêt public, particulièrement dans ce cas-ci,
où il est question de la vie et de la mort de la discrimination qu'on
peut exercer contre certaines personnes, incognito, peut-être
inaperçu, enrobé de toutes sortes de mélanges pour dire
que c'est de bonne foi, qu'un tel, en tout cas...
La loi est vertement critiquée dans les milieux où l'on
atteint particulièrement les fonctionnaires, les employés du
gouvernement. Elle est très sévèrement critiquée
par tous les syndicats.
M. Gendron: Mme le Président, question de
règlement.
Le Président (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, M. le député.
M. Gendron: Je voudrais simplement que vous demandiez au
député de Johnson sur quoi il parle. A ma connaissance, nous ne
sommes pas à l'Assemblée nationale, pour parler des principes de
la loi. Il est en train de faire une discussion de fond sur les critiques qui
sont amenées au niveau de la loi et je ne pense pas que nous soyons en
train de discuter là-dessus. La question de règlement est de
savoir si on discute immédiatement ou pas la question soulevée
par le député de Jean-Talon, à savoir si on accepte sa
motion. C'est là-dessus que la discussion porte en ce moment et je ne
vois pas pourquoi vous permettez que la discussion se fasse sur le fond de la
question.
M. Brochu: Sur la question de règlement, Mme le
Président.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Richmond, le député de Johnson n'avait pas terminé son
intervention. Je vous demande pardon.
M. Brochu: Excusez-moi, Mme le Président...
M. Bellemare: II a le droit de soulever une question de
règlement en réponse...
M. Brochu: J'ai le droit de soulever une question de
règlement en réponse au député d'Abitibi. Je lui
reconnais le droit d'intervenir à ce moment-ci, cependant le
député de Johnson, en vertu de notre règlement, a quand
même la latitude voulue pour choisir les arguments qu'il décide de
choisir en vue d'étayer l'appui qu'il donne à la motion dont il
est d'ailleurs le parrain. Je pense qu'à ce stade-ci, ce serait...
Le Président (Mme Cuerrier): J'avais déjà
donné la parole au député de Johnson. M. le
député de Johnson, je sais que vous connaissez suffisamment votre
règlement...
M. Bellemare: Si, Mme le Président, vous...
Le Président (Mme Cuerrier): ... pour intervenir.
M. Bellemare: Madame, si vous vouliez en convenir, ce serait
très simple d'empêcher de se répandre dans le public une
mauvaise rumeur, celle que le ministre veut essayer de passer ce projet de loi
en vitesse, en catimini. La session commence mardi, et je ne serais pas
surpris, mon cher monsieur, que ce projet de loi vienne dans les
premières semaines de la session et qu'on n'ait pas le rapport Martin.
Le rapport Martin peut apporter beaucoup de changements, des directives
nouvelles, et c'est ce que nous requérons ce matin. Nous demandons
simplement au gouvernement un engagement un peu particulier, celui de ne pas
voter le projet de loi 53 à la vapeur, d'attendre d'être
parfaitement renseigné sur les conclusions que nous donnera
l'enquête qu'il a lui-même demandée. Cette enquête
peut prendre des années à venir. Ce n'est que cela que nous
voulons ce matin, pas autre chose. Si le gouvernement n'est pas prêt
à dire non, s'il est prêt à dire oui, ce sera très
simple.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, je vous demanderais de vous en tenir à votre intervention sur
ce qu'on discute maintenant, mais je vous demanderais de ne pas discuter sur le
fond de la motion comme telle.
M. Bellemare: Ecoutez, Mme le Président. Cessons
d'être étroits...
Le Président (Mme Cuerrier): De toute façon, je
pense que votre intervention est injustifiée.
M. Bellemare: ... on est des législateurs et on est devant
des gens qui vont nous juger, vous comme moi. Il est un temps dans la politique
où le Parlement a des droits. Les députés élus sont
ici pour parler et pour donner leur opinion, n'en déplaise à
votre présidence. Cessez d'être étroite et d'être
pour nous des personnes qui nous empêchent de dire la
vérité.
Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demanderais, M. le
député de Johnson...
M. Bellemare: La sévérité, c'est bon
à l'école, mais pas ici. On n'est pas à l'école, on
est dans un parlement.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, je suis ici pour faire respecter le règlement et je vous
demanderais de respecter ce que je représente ici aujourd'hui.
M. Bellemare: Entre la lettre qui tue et l'esprit qui
vivifie...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bellemare: ... il y a tout une différence. Vous en
êtes la différence.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! Nous sommes tenus
aujourd'hui à un ordre du jour. J'ai déclaré cette motion
recevable, puisqu'elle exprime un voeu vis-à-vis de l'Assemblée
nationale. Nous allons épuiser aujourd'hui l'ordre du jour, et nous
discuterons ensuite de la motion, parce qu'elle n'est pas une motion
préliminaire pour l'organisation des travaux, et nous sommes
déjà tenus par un ordre du jour qui a été
proposé tantôt à cette commission. J'appellerais
maintenant...
M. Garneau: Mme le Président, je regrette... M. Brochu:
Mme le Président, je regrette... Le Président (Mme Cuerrier):
J'ai déjà...
M. Garneau: Non, par exemple, il y a toujours des limites. On n'a
pas encore abordé l'ordre du jour de la commission, on en était
uniquement au rapport préliminaire. J'ai fait une motion. L'article 65
dit que le président doit mettre en délibération toute
motion. Je pense qu'elle est en délibéra- tion. Je ne vois pas
sur quoi vous pouvez vous appuyer pour dire qu'on n'a pas le droit de faire une
motion et de la débattre aujourd'hui. Que le gouvernement nous dise donc
s'il est d'accord ou non et vous allez sortir de cette impasse dans laquelle on
vous place.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Je demande le vote sur cette question-là.
M. Bellemare: Le vote.
M. Garneau: II y a toujours des limites. Je demande le vote sur
cette question.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon, je vous ai dit que le mandat de cette commission est d'entendre les
intervenants sur les mémoires qui sont proposés aujourd'hui. Je
vous ai dit aussi que la motion que vous présentez n'est pas une motion
préliminaire pour l'organisation des travaux. Je vous dis maintenant que
j'invite M. Jean-Marc Bergeron, président...
M. Garneau: Je regrette, Mme le Président, ce n'est pas...
C'est justement que ça fait partie de l'organisation de nos travaux. Les
gens vont venir témoigner devant nous, ils vont nous poser la question:
Est-ce que vous allez procéder à l'étude, en
deuxième lecture, de ce projet de loi avant le dépôt du
rapport Martin? Qu'est-ce que le ministre va répondre? Vous dites que ce
n'est pas dans l'organisation de nos travaux; ça fait partie, je pense,
de la première étape de nos travaux, à savoir
jusqu'où va porter l'étude de ce projet de loi en regard d'une
autre commission formée par le même gouvernement pour
étudier l'aire de négociations. Je soutiens que c'est justement
dans le cadre de l'organisation de nos travaux.
M. Bellemare: Article 67.
M. Gameau: Evidemment, si le ministre de la Fonction publique
vous souffle les réponses à côté, il y a toujours
une limite.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: II y a toujours une limite de se faire charrier comme
ça.
M. Chevrette: Au moins, respectez la présidence.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon...
M. Bellemare: Vous avez peur de ça, vous autres, la
dictature.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre!
M. Bellemare: Vous l'avez, la manifestation!
Le Président (Mme Cuerrier): A Tordre, messieurs! J'allais
dire au député de Jean-Talon que, justement, sa dernière
intervention présume, à mon sens, du fait que l'Assemblée
nationale décidera de recevoir votre motion non pas comme un voeu
en tout cas, votre intervention me faisait penser à ça
qu'elle recevrait cette motion non pas comme un voeu, mais comme un ordre. Je
vous ferai remarquer que les commissions parlementaires n'ont pas d'ordre
à donner à la Chambre, mais des voeux à émettre et
ce que je vous dis maintenant, c'est que nous devons recevoir les
mémoires et je vous dis que nous entendrons... Il n'y a rien dans le
règlement qui dise qu'on doive entendre une motion comme celle-ci,
maintenant ou plus tard, mais il y a un ordre du jour...
M. Brochu: Je m'excuse, Mme le Président; en vertu de
l'article 67 de notre règlement, la mise en délibération
des motions, l'Assemblée doit disposer de toute motion
régulière. Maintenant que celle-ci est en discussion, sauf les
exceptions prévues au règlement... Donc, à ce moment-ci,
nous sommes justifiés de disposer tout simplement de la motion. Cela
réglerait la question et on pourrait passer aux travaux.
M. Chevrette: Mme le Président, je voudrais intervenir.
Mme le Président, je voudrais intervenir. Mme le Président,
question...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: Voici, l'article du règlement dit qu'on doit
mettre une proposition en discussion, mais elle ne dit pas quand, elle ne dit
pas immédiatement. Il y a un précédent créé
au niveau de la commission parlementaire sur la loi 101 qui a été
clairement établi où le vice-président actuel de la
Chambre, M. Jean-Guy Cardinal, a bien dit qu'il acceptait la
recevabilité, mais que l'opportunité de la discuter viendrait
à un moment bien précis. C'est le privilège de la
présidence. Je pense qu'il faudrait au moins respecter la
présidence, si on veut que les débats soient
cohérents.
Deuxièmement, j'ai entendu de la bouche même du
député de Johnson, que le droit sacré de
l'Assemblée nationale de se prononcer en tout temps... C'est là
le lieu sacré pour se prononcer et, aujourd'hui, on veut se prononcer
par-dessus la tête de ceux qui sont élus, les 110.
M. Bellemare: J'aimerais bien en...
M. Brochu: C'est un voeu, c'est un voeu, ce n'est pas une
directive à l'Assemblée nationale. Un instant, pour charrier, il
y a des limites.
M. Bellemare: ... quelque chose dans la loi. On va l'adopter en
catimini.
M. Brochu: II y a quelque chose de pas clair.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît! Je demanderais au député de Joliette-Montcalm de ne
pas discuter du fond de la question comme tel. J'allais dire que nous sommes
tenus par l'ordre du jour et je vous ai dit tantôt que la motion de M. le
député de Jean-Talon, je la considère comme recevable et
que nous l'étudie-rons quand nous aurons épuisé
aujourd'hui l'ordre du jour de cette commission. J'invite donc...
M. Brochu: Mme le Président, une directive...
Le Président (Mme Cuerrier): ... M. Jean-Marc...
M. Brochu: ... une directive, Mme le Président...
Le Président (Mme Cuerrier): ... M. le
député de Richmond...
M. Brochu: Mme le Président, j'ai le droit de vous
demander une directive, vous êtes la présidente
désignée de la commission.
Le Président (Mme Cuerrier): Si c'est une directive que
vous demandez, allez-y, mais ma décision est déjà rendue,
M. le député de Richmond. Allez-y, demandez-moi votre
directive.
M. Brochu: Mme le Président, une motion a
été déposée par le député de
Jean-Talon. Vous avez permis un début de discussion ou d'opinion sur le
bien-fondé de disposer immédiatement de cette question. Trois
députés, à ma connaissance, se sont prononcés en
partie sur cette même question et. par la suite, une foule de questions
de règlement sont intervenues. J'avais manifesté, à ce
moment, mon désir et mon intention de parler également sur le
besoin de disposer immédiatement de cette motion.
Mme le Président, je vous demande donc à se stade-ci la
directive suivante: Est-ce qu'il n'est pas de votre devoir, en tant que
gardienne de la bonne marche de nos travaux, que l'on puisse terminer
immédiatement ce tour de table pour permettre aux autres opinants qui en
ont manifesté l'intention d'indiquer ce qu'ils pensent du besoin de
disposer immédiatement de cette question?
Le Président (Mme Cuerrier): Vous avez terminé?
M. Brochu: Oui.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Richmond, vous connaissez les règlements de l'Assemblée nationale
et vous savez qu'on peut intervenir sur une question de règlement, mais
qu'à n'importe quel moment le président de l'Assemblée
peut vous dire qu'il est suffisamment informé pour rendre une
décision. J'ai dit que cette motion sera discutée après
que nous en aurons terminé avec l'ordre du jour d'aujourd'hui. J'ai dit
aussi que j'invite M. Jean-Marc Bergeron, président du
Syndicat des cadres du gouvernement du Québec et porte-parole de
cet organisme, à venir présenter son mémoire.
M. Bellemare: Le gouvernement a peur.
M. Brochu: Ce qui est inquiétant dans tout cela, Mme le
Président, c'est qu'on crée des précédents à
tout bout de champ. On se base sur des petits précédents...
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs! A
l'ordre, M. le député de Richmond! A l'ordre, M. le
député!
M. Brochu: ... pour réorganiser d'autres commissions
parlementaires. Si c'est la façon d'administrer, alors on sait où
on s'en va.
M. Bellemare: Ce qui est antiparlementaire, c'est de ne pas
vouloir respecter les députés. Vous êtes en train de nous
bâillonner.
M. Dussault: Cela fait une demi-heure que vous faites de
l'antiparlementarisme.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le
député de Johnson. M. Jean-Marc Bergeron.
Syndicat des cadres du gouvernement du Québec
Inc.
M. Bergeron (Jean-Marc): Mme le Président, M. le ministre
de la Fonction publique et MM. membres de la commission parlementaire, le
gouvernement du Québec a déposé, le 26 juillet dernier, un
projet de loi portant le no 53 qui devrait amener une refonte complète
de la loi actuelle de la fonction publique. Le Syndicat des cadres du
gouvernement du Québec Inc., qui représente le personnel de
direction intermédiaire et de premier niveau, s'est
intéressé à ce projet de loi et désire aujourd'hui
vous présenter ses commentaires et ses recommandations.
Avant d'aborder le projet de loi lui-même et les recommandations
que nous désirons formuler, nous tenons à vous faire un bref
historique de l'avènement du SCGO. Le syndicalisme dans la fonction
publique est apparu grâce à la participation d'individus qui, au
moment de l'obtention de l'accréditation du Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec, se sont vus exclus de cette unité de
négociation ou bien parce qu'ils exerçaient des fonctions qui
dépassaient le niveau de responsabilités de la majorité
des membres du SFPQ et qui se sont retrouvés dans l'unité de
négociation du Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec ou encore qu'ils exerçaient des fonctions de
gérance qui, cette fois, les amenaient à une exclusion de la
définition du terme salarié que l'on retrouve dans le Code du
travail et qui en faisaient strictement du personnel déclaré non
syndicable.
A la suite de ces expériences et devant le nombre grandissant
d'employés exclus du terme salarié, ces personnes dans un ultime
effort ont décidé de se regrouper dans une association
représentant du personnel de gérance qui oeuvrait à
l'intérieur de la fonction publique.
En 1971, cette association, incorporée en vertu de la Loi des
syndicats professionnels, demanda au ministre des Institutions
financières du temps de changer son nom en celui de Le Syndicat des
cadres du gouvernement du Québec Inc. (SCGQ). En septembre de la
même année, le ministre de la Fonction publique, par la voie du
directeur général des relations du travail, accordait au SCGQ une
reconnaissance de bonne foi en indiquant à cet organisme que sa
volonté était d'exclure de sa juridiction les cadres
supérieurs de la fonction publique, ainsi que leurs adjoints, le tout
étant concrétisé le 12 juillet 1972, pour les
catégories de personnel représentées par le SCGQ, par
l'obtention d'une procédure de règlement de plaintes qui a
été approuvée par le CT 65044.
L'action, à partir de cette date, du SCGQ, a été de
réclamer des règlements de classification s'adressant strictement
aux catégories de personnel de direction qu'il représentait. Au
cours des mois suivants et jusqu'en mars 1975, la Commission de la fonction
publique a adopté des règlements de classification accordant un
statut particulier: 1) au personnel de direction des agents de la paix; 2) au
personnel de direction des bureaux d'enregistrement; 3)au personnel de
direction des greffes; 4) aux agents de maîtrise du personnel de bureaux,
techniciens et assimilés; 5) enfin la Commission de la fonction publique
révisait le règlement de classification du personnel de
maîtrise des ouvriers.
A ces cinq catégories de personnel de direction et de
maîtrise actuellement représentées par le SCGQ, s'ajoutent
des professionnels qui exercent des fonctions de gérance à
l'intérieur de la fonction publique et sont ainsi de fait exclus de la
notion du terme salarié tel que défini par le Code du travail
actuellement en vigueur. D'ici quelques semaines, le SCGQ terminera
l'étude du contenu d'une reconnaissance légale et exclusive par
le Conseil des ministres pour les catégories de personnel
déjà citées.
Mme le Président et membres de la commission parlementaire, il
nous fait maintenant plaisir de vous formuler, après cet exposé,
nos commentaires et nos recommandations sur le contenu de la prochaine loi de
la fonction publique qui devrait correspondre à nos besoins. Notre
expérience vécue nous a amenés à considérer
les aspects positifs que l'on retrouve dans le projet de loi 53 tout en
relevant pour le bénéfice des membres de la commission les points
qui nous apparaissent comme étant négatifs. De plus, vous
constaterez que les articles où on relève de graves
imprécisions ou anomalies que nous voulons voir amendées sont les
suivants:
Article 1 - Interprétation;
Article 4 - Pratiques interdites;
Article 5 - Prérogatives du ministre de la Fonction publique;
Article 6 - Représentant du gouvernement;
Article 7 - Application des règlements;
Article 17 - Nomination à titre permanent;
Article 25 - Mandat donné à la Commission;
Article 28 - Fonctions et pouvoirs de la Commission;
Article 31 - Pouvoirs de la Commission;
Article 37 - Régime de retraite;
Article 45 - Fonctions et pouvoirs de l'Office;
Article 88 - Rétrogradation;
Article 119 - Avantages sociaux;
Article 120 - Pouvoirs du Conseil du trésor.
Souvent une approche négative attire plus l'attention des
auditeurs qu'une approche positive; nous nous en tiendrons quand même
à cette dernière: Commentaires et recommandations.
Article 1. A l'article 1, nous considérons qu'il y a erreur dans
l'interprétation: à notre avis le paragraphe c) inclut le
paragraphe b) car le plus inclut le moins. Au paragraphe d) nous aimerions que
le mot "supérieur" soit biffé.
Il existe, dans la fonction publique, comme partout ailleurs, des cadres
de différents niveaux alors que dans le projet de loi no 53, on ne parle
que des cadres supérieurs. De plus, le Code du travail, sous-paragraphe
1, paragraphe m) de l'article 1, ne fait aucune distinction entre les
catégories de personnel de direction en excluant chacune des personnes
de cette catégorie, quel que soit son niveau, de la définition du
terme "salarié'.
Dans la fonction publique, nous avons des règlements de
classification différents pour les cadres de tous les niveaux, soit
supérieurs, intermédiaires et de premier niveau. Le paragraphe d)
de l'article 1 du projet de loi no 53 ne tient pas compte de cette
réalité en ne mentionnant que les cadres supérieurs et en
omettant d'inclure les autres catégories de personnel de direction
existantes.
Le paragraphe d) de l'article 1 devrait se lire comme suit: d)
"fonctionnaires de cadres": un fonctionnaire visé à l'article
59.
Tous les articles du projet de loi no 53 qui font
référence au paragraphe d) de l'article 1 devront être
modifiés suivant cette nouvelle définition.
Article 4. En vertu de la non-restriction que l'on a donnée au
paragraphe d) de l'article 1, les membres de SCGQ ne se sentent pas
touchés par l'article 30 conformément à
l'énoncé du paragraphe a) de l'article 4 qui devrait se lire
comme suit: a) à la détermination du niveau des postes en
relation avec la classification, à l'exception des postes de
fonctionnaires de cadres.
Article 5. A l'article 5, le SCGQ propose d'ajouter à la suite du
paragraphe f) un paragraphe g) qui se lirait comme suit: g) de former un
conseil consultatif sous la présidence du sous-ministre composé
de la façon suivante: un représentant du SFPQ, du SPGQ, du SCGQ,
du SPMGQ, de la FCIAP, du SANGQ, de l'APCDGQ et du SCGPQ. Ce conseil verra
à formuler des recommandations au ministre quant aux devoirs
décrits aux paragraphes a), b), c), d), e), f) du présent
article.
Article 6. En ce qui concerne la Loi de la fonction publique, elle doit
réglementer, à notre avis, les droits et les devoirs de tous les
employés du gouvernement du Québec, ainsi que des pouvoirs et
devoirs de l'employeur; elle ne peut être restrictive dans ses
particularités, car elle nous apparaît jusqu'à maintenant
vouloir s'adresser strictement aux personnels couverts par le terme
"salariés" que l'on retrouve dans le Code du travail, et aux cadres
supérieurs.
L'article 6 devrait donc se lire comme suit: "Le ministre est aussi
chargé, dans le cadre des mandats qu'il reçoit du Conseil du
trésor, de négocier les conventions collectives et les ententes
qui en tiendraient lieu avec l'autorisation du gouvernement. Il en surveille
l'application et en coordonne l'interprétation."
A l'article 7, nous sommes d'avis que le gouvernement devra faire
connaître, avant la sanction du projet de loi 53, le ou les
règlements prévus à l'avantage des fonctionnaires
actuellement non régis par une convention collective de travail ou une
entente qui en tiendrait lieu. En conséquence, cet article devrait se
lire comme suit: "a) prévoir au bénéfice des
fonctionnaires non régis actuellement par une convention collective de
travail ou une entente qui en tiendrait lieu, un appel des décisions
rendues sur les matières visées à tel règlement et
relativement auxquelles il n'existe pas de recours auprès de la
commission."
Article 17. Un mandat de seulement cinq ans pour les membres de la
Commission de la fonction publique occasionnerait certainement un manque
d'objectivité de leur part. Afin d'éviter cette situation, nous
proposons un mandat d'une durée de dix ans. Donc, l'article 17 devrait
se lire de cette façon: "Le mandat des membres de la commission est d'au
plus dix ans, mais il se continue à l'expiration jusqu'à
renouvellement du mandat ou remplacement du membre".
Article 25. Nous nous demandons pourquoi les fonctionnaires et
employés de la commission peuvent maintenant être poursuivis en
justice dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils ne peuvent l'être
dans la loi actuelle. Donc, l'article 25 devrait se formuler comme suit: "Les
membres de la commission, de même que ses fonctionnaires et
employés, ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'actes
officiels accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions."
Article 26. Nous pensons donc qu'il faudrait reformuler l'article 26 de
revenir aux articles 14 et 15 de la loi actuelle qui nous semblent beaucoup
plus acceptables, étant donné leur caractère
général d'application à l'ensemble du personnel de la
commission, et nous vous citons les articles 14 et 15 de la Loi actuelle de la
fonction publique.
M. Dussault: Est-ce parce que notre texte est incomplet ou parce
qu'on a ajouté des articles par la suite que nous n'avons pas les
derniers articles dont il était question?
Le Président (Mme Cuerrier): M. le président.
M. Dussault: Vous avez parlé des articles 7, 17, 25, et
même 26, et nous n'avons pas les textes. Est-ce un accident ou quoi?
M. Bergeron: Est-ce que tout le monde est comme cela? Ce serait
une erreur de préparation du document.
M. Garneau: C'est vrai, en partie. Sur la copie que j'avais, cela
n'y était pas, et le recherchiste m'en donne maintenant une dans
laquelle cela se trouve. Je pense qu'il y a eu des photocopies qui ont...
M. Bergeron: II est possible qu'au moment de la...
M. Chevrette: Celui que vous lisez, c'est le mémoire
corrigé.
M. Dussault: Sur celui dont je parle est aussi inscrit
"mémoire corrigé".
Le Président (Mme Guerrier): Après cette mise au
point, ceux qui pourraient vous fournir les copies corrigées vont le
faire. M. le président.
M. Bergeron: Merci. A l'article 28, nous considérons que
le gouvernement doit faire connaître immédiatement, et ce, avant
l'adoption du projet de loi no 53, les formes ou procédures de recours
ou d'appel qu'il entend établir par voie de règlement
annoncé dans la section II du chapitre III, de même que des
explications seront nécessaires pour la bonne compréhension du
principe du mérite. De plus, sous réserve que le
législateur accepte les modifications que le SCGQ propose au paragraphe
d) de l'article 1 et aux articles 4, 6 et 7, les fonctionnaires de cadres
recommandent que le paragraphe a) de i'article 28 se lise de façon
à maintenir la logique exprimée précédemment.
Alors, l'article 28 a) statue sur les recours exercés par les
fonctionnaires et fonctionnaires cadres de la fonction publique, tel que
défini dans les paragraphes c) et d) de l'article 1 dudit projet de
loi.
A la lecture de l'article 31, nous comprenons qu'en vertu de
l'énoncé de la dernière phrase, les décisions de la
commission ne seront plus dorénavant finales et sans appel. A l'article
37, nous formulons les mêmes recommandations qu'à l'article 17
pour les mêmes motifs, à savoir un mandat de dix ans. A l'article
45, les membres du SCGQ sont d'avis que l'office n'ait pas le pouvoir de
déléguer les pouvoirs qui lui sont conférés en
vertu du paragraphe b) du deuxième alinéa parce que l'office n'a
plus sa raison d'être en déléguant les pouvoirs qui lui
sont conférés.
Donc, l'article 45 pourrait se lire comme suit ou pourrait être
corrigé de cette façon: "Que l'office ne puisse pas, par
règlement, prévoir la délégation à tout
sous-ministre ou dirigeant d'organisme des responsabilités qui lui
incombent en vertu du paragraphe b) du deuxième alinéa". De
même, nous reformulons les énoncés faits aux articles 56 et
59 de façon à rejoindre notre interpré- tation
donnée au paragraphe d) de l'article 1: "Le Conseil du trésor
détermine également le niveau des postes des fonctionnaires de
cadres en relation avec la classification".
Nous disons à l'article 59 que la classification visée
à l'article 58 doit identifier les employés des fonctionnaires de
cadres. Les personnes nommées et les fonctionnaires promus à ces
emplois constituent les cadres de la fonction publique. Nous commentons
l'article 61 comme ceci: La commission devra faire connaître la
réglementation qu'elle entend établir sur la classification ou
d'une modification à la classification. A l'article 65, nous aimerions
que la nouvelle loi tienne compte du fait qu'une personne qui passe dans un
cabinet de ministre ne doit pas être pénalisée quant aux
possibilités d'avancement qu'elle aurait eues si elle était
demeurée dans son emploi.
L'article 66 serait plus complet si le paragraphe a) se lisait comme
suit: "66a: Qu'il procède à une nouvelle vérification de
ses aptitudes tout en tenant compte de l'expérience acquise". Nous
attirons votre attention sur l'article 70, parce que nous aimerions faire
connaître la position de la commission sur le principe de mérite.
Nous aimerions que l'article 75 tienne compte, dans son énoncé,
de la recommandation suivante: Tout concours de promotion à une
catégorie de personnel de direction devra s'adresser, en premier lieu
aux catégories de personnel décrites au paragraphe b) de
l'article 1.
Article 76...
M. Gendron: Je m'excuse.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: II me paraît important de savoir si on
étudie en commission parlementaire le mémoire que celui que les
membres déposent ici. Encore là, pour les articles 65, 70 et 75,
nous n'avons rien entre les mains à ce sujet. Ce que nous avons entre
les mains, est-ce le mémoire que la commission dépose ou si c'est
un autre mémoire qu'elle nous livre?
Je trouve que ce serait important, pour éclairer la commission,
de savoir exactement ce qui est déposé par les gens ici. Avec ce
que nous avons, nous ne sommes pas en mesure de porter un jugement.
Le Président (Mme Cuerrier): Nous allons arrêter les
travaux pour quelques secondes et bien vérifier ce qui est
proposé comme mémoire. Il semblerait qu'il y ait...
M. Gendron: II y a beaucoup d'erreurs. Il manque au moins deux
pages.
Le Président (Mme Cuerrier): C'est cela. Nous allons
suspendre nos travaux pour quelques minutes. Je demanderais étant
donné que certains des participants à la commission n'ont pas le
texte intégral de votre rapport à cette commis-
sion si elle préfère suspendre ses travaux jusqu'à
ce que tout le monde ait le texte intégral.
Une Voix: A 14 h 30.
Le Président (Mme Cuerrier): Oui, alors, 14 h 30.
M. Garneau: A moins que vous n'acceptiez qu'on adopte la motion
dès maintenant...
Le Président (Mme Cuerrier): J'ai dit qu'on
libérerait l'ordre du jour avant, M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: C'est à l'ordre du jour.
Le Président (Mme Cuerrier): Nous suspendons les travaux
jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 44)
Reprise de la séance à 14 h 42
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Il semble que chacun ait maintenant en main un document complet. M. le
Président, c'est vous qui aviez la parole.
M. Bergeron: Merci, Mme le Président. A la décharge
du personnel de l'Assemblée nationale...
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre. Très bien.
M. le président.
M. Bergeron: A la décharge de la responsabilité du
personnel de l'Assemblée nationale, je voudrais vous avouer que l'erreur
qui s'est produite dans la préparation de notre document ne lui est pas
imputable, mais est imputable à notre machine. Vous savez que la
mécanique a des raisons que la raison ne connaît pas. On s'excuse
du contretemps de ce matin.
Mme le Président, ce matin, nous en étions rendus, au
moment de l'intervention d'un membre de la commission, à l'article 76.
Avec votre autorisation, on reprendrait à l'article 76?
Le Président (Mme Cuerrier): Voilà.
M. Bellemare: Mme le Président, ce matin, on n'avait pas
l'article 70. Maintenant, on l'a reçu. A partir de là, j'avais un
dossier incomplet.
Le Président (Mme Cuerrier): N'avez-vous pas eu l'occasion
de le revoir?
M. Bellemare: Je n'ai pas eu l'occasion de le revoir parce que,
ce midi, c'était très court. On n'avait pas, dans le texte
renouvelé qu'on nous avait remis la deuxième fois, l'article 70.
Il y avait 66, mais 70 n'était pas là. Dans celui qu'on nous a
remis il y a quelques instants, l'article 70 y est. C est pour noter certaines
choses. Nous attirons votre attention sur l'article 70 parce que nous aimerions
connaître votre position sur le principe de "mérite". Voyez-vous,
c'est une grosse question.
Le Président (Mme Cuerrier): Après cette mise au
point, M. le Président, vous en étiez donc à l'article 76.
Cela va, M. le député de Johnson?
M. Bellemare: Cela va, madame.
M. Bergeron: Article 76. Pour les mêmes raisons
énoncées en vertu du paragraphe c) de l'article 45, le paragraphe
i) devrait se lire comme suit à l'article 76: "Sont nommés par
l'office". Pas de délégation.
L'article 83. Le texte de l'article 83 devrait tenir compte des
énoncés suivants: Lorsqu'un employé se croit
lésé par une décision de l'employeur qui modifie les
conditions de travail autres que celles visées par un règlement y
référant, cet employé peut formuler une plainte si cette
décision n'est fondée sur aucun motif raisonnable dont la preuve
incombe à l'employeur. Dans le cas d'af-
fectation qui nécessite un changement de domicile, l'employeur
doit donner à l'employé concerné un préavis de
déménagement d'au moins trois mois. Cependant, si
l'employé a des enfants résidant chez lui qui fréquentent
une institution d'enseignement, l'employeur ne doit pas exiger que
l'employé déménage durant l'année scolaire,
à moins que celui-ci n'y consente.
Article 88. Nous tenons à vous rappeler que les organismes
représentant les fonctionnaires de cadres se voient imposer une formule
de rétrogradation sans qu'il y ait eu négociation avec lesdits
organismes, alors que des groupements représentant des groupes de
fonctionnaires salariés au sens du Code du travail auraient reçu
des compensations relativement à une perte de droit pour ces
employés.
Cette notion de rétrogradation, on ne la retrouvait pas dans
l'ancienne loi. Donc, l'inclusion de cette notion est une véritable
perte de droit pour les catégories de personnel
représentées par le SCGQ et pourra devenir un danger pour la
bonne administration du personnel de la fonction publique.
De plus, les pouvoirs de rétrograder, révoquer ou
destituer ne doivent pas être donnés à un sous-ministre ou
à un dirigeant d'organisme, à cause du caractère
particulier de la fonction publique et les expériences
déjà vécues avec des individus occupant les fonctions de
sous-ministre ou dirigeant d'organisme. On doit plutôt confier cette
responsabilité à un ou des organismes dont l'objectivité
et l'honnêteté ne pourront être mises en doute.
Nous reformulons l'énoncé de l'article 107 pour continuer
dans la logique donnée au paragraphe d) de l'article 1: "En outre, les
sous-ministres, les dirigeants d'organisme, les fonctionnaires-cadres ainsi que
les autres fonctionnaires lorsqu'ils en sont requis par leur ministre,
sous-ministre ou dirigeant d'organisme, prêtent le serment ou font
l'affirmation contenue dans l'annexe B." C'est la continuation de l'article
107
Article 119. Nous nous devons de vous interroger, à l'article 119
sur le changement qui a été apporté au paragraphe a),
alors que ce paragraphe se lisait comme suit dans l'ancienne loi, "traitement
ou rémunération additionnelle". Le remplacement du paragraphe a)
de l'ancienne loi par le nouveau texte implique-t-il un désavantage pour
le personnel de la fonction publique?
L'article 22 de la Loi de l'administration financière qui est
devenu l'article 120 dans ce projet de loi ne tient pas compte des
ministères quand il dit: Le Conseil du trésor exerce les pouvoirs
du lieutenant-gouverneur en conseil en tout ce qui concerne l'approbation des
plans d'organisation des organismes ou ministères du gouvernement.
Peut-on savoir ce que ce texte implique?
Article 121. Nous comptons que sur l'article 121 la commission
parlementaire fasse la lumière. En effet, dans une loi
générale, on ne peut faire de particularités en y
insérant un règlement spécial, ce qui nous amène
à nous demander quelle sorte d'entité administrative sont les
Services de protec- tion de l'environnement. Un ministère, une direction
générale?
L'article 124, tel que formulé, est imprécis. Nous pensons
que les affaires pendantes ne peuvent souffrir de préjudice par le
passage de l'ancienne à la nouvelle loi. Le texte que nous proposons
commencerait comme suit: "En autant qu'il n'y ait préjudice aux
intéressés, les affaires pendantes devant l'ancienne commission
sont continuées, etc."
Mme le Président, MM. les membres de la commission parlementaire,
notre plus ardent désir serait d'avoir contribué, par cette
présentation, à la revalorisation et à une
"réemphase" plus marquée donnée à la fonction de
gérance dans la fonction publique du Québec.
Merci.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. de Belleval: Je remercie le Syndicat des cadres du
gouvernement du Québec d'avoir présenté un mémoire
précis, qui discute, bien sûr, d'un certain nombre de principes
généraux, mais aussi des questions très
spécifiques.
Je dois dire que, dans l'ensemble, un certain nombre de choses que vous
avez proposées rejoignent des réflexions que nous avons faites,
comme je l'ai dit, depuis le dépôt du projet de loi. Sans vouloir
entrer dans tous les détails, parce que, quand même, notre temps
est limité, j'aimerais faire un ou deux commentaires
préliminaires et ensuite, s'il y a d'autres questions plus
particulières, on pourra toujours y revenir.
Tout d'abord, le nouveau gouvernement, depuis le 15 novembre, a
étendu un certain nombre de droits syndicaux qui n'étaient pas
reconnus dans l'ancienne loi, ou qui n'étaient pas reconnus de facto.
Entre autres, du côté des employés occasionnels, nous avons
obtenu de la Commission de la fonction publique une résolution qui fait
que les employés occasionnels seront maintenant inclus dans
l'unité de négociation.
D'ailleurs, la nouvelle loi prévoit que cette extension de
l'unité d'accréditation est irrévocable. Elle est inscrite
dans la loi. Elle ne sera plus soumise au pouvoir réglementaire du
ministre.
Deuxièmement, dans un secteur qui vous concerne plus
particulièrement, c'est-à-dire les associations de cadres, nous
avons mis de l'avant un projet de reconnaissance formelle des associations de
cadres de façon que non seulement il y ait des conversations ou des
consultations plus ou moins formelles comme dans le passé, mais que,
maintenant, cette reconnaissance se fasse de façon formelle en vertu
d'un arrêté en conseil et que les associations de cadres puissent
régulièrement obtenir un droit de représentation pour
leurs membres, que, bien sûr, en découlent un certain nombre
d'obligations, mais aussi un certain nombre de droits.
Nous sommes actuellement en train de discuter avec les
différentes associations de cadres pour savoir quelle pourrait
être la forme de cette reconnaissance formelle et quels en seraient
les
avantages et aussi les obligations pour les deux parties. Ces deux
mesures démontrent bien notre volonté d'élargir autant que
possible les zones ou enfin les secteurs de l'administration publique où
le droit d'association est reconnu.
Evidemment, le problème des cadres est un peu particulier par
rapport aux autres membres de la fonction publique puisqu'ils participent au
pouvoir de gestion de l'Etat. Ils sont donc les principaux collaborateurs des
ministres. A mon avis, cette notion s'étend non seulement aux cadres
supérieurs, mais elle s'étend aussi aux cadres
intermédiaires.
Le projet de loi comme tel ne prévoit pas un régime
spécial d'accréditation pour les syndicats de cadres puisque,
comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons voulu exclure du projet
actuel tout ce qui concernait le régime syndical.
Cela ne veut pas dire que, dans l'avenir, il en sera ainsi, que des
amendements à la loi ne pourraient pas venir, qui toucheraient justement
à ces questions qui sont, comme je l'ai dit, pour l'instant, exclues du
projet de loi; bien au contraire.
Toutefois, on reconnaît maintenant, dans la nouvelle loi, une
disposition qui permet au ministre de la Fonction publique de pourvoir,
à l'intention des fonctionnaires non syndiqués et, en
particulier, donc, des cadres, des mécanismes d'appel qui tiennent lieu,
au fond, de ce qui existe en pareille matière dans les conventions
collectives. Ce pouvoir est général, il reste maintenant à
le concrétiser, et c'est le but des conversations que nous avons entre
nous depuis quelque temps.
Faut-il aller plus loin que cela dans le projet de loi? Faut-il
prévoir explicitement de quoi il s'agit? Je pense que, pas plus ces
dispositions ne sont dans la loi pour les syndiqués, pas plus il n'est
sans doute nécessaire de les mettre pour les non syndiqués. Ce
sont les conventions collectives qui détaillent ces procédures;
dans le cas des syndiqués, je pense que c'est dans le cadre du processus
formel de reconnaissance dans lequel nous sommes engagés que nous
pourrons détailler les mécanismes précis: commissions
d'appel, comités de griefs, etc., à l'intention des cadres
intermédiaires comme des cadres supérieurs, et pour tout autre
employé non syndiqué.
C'est aussi la raison pour laquelle la définition de cadre
intermédiaire n'apparaît pas dans le projet de loi; la
définition du mot cadre est là simplement pour donner la
définition des types d'emploi dont la détermination du niveau est
sous la responsabilité du Conseil du trésor. Autrement dit, le
projet de loi définit, en général, ce qu'est un
fonctionnaire, et il définit un fonctionnaire-cadre simplement parce
qu'il prévoit que c'est le Conseil du trésor qui est responsable
de l'organisation des plans d'effectifs supérieurs, et donc de la
détermination des niveaux de postes de cadres supérieurs dans ces
plans d'organisation.
S'il n'y avait pas eu ces dispositions, nous n'aurions même pas eu
besoin de faire allusion à la notion de cadre supérieur, et c'est
la raison pour laquelle nous ne faisons pas, non plus, allusion à la
notion de cadre intermédiaire. Tous les fonctionnaires sont
fonctionnaires; il y a une définition générale qui rejoint
tout le monde, et il n'est pas besoin de la préciser davantage, sauf
pour ce que je viens d'expliquer. Toutefois, je me rends compte que,
malgré tout, il existe peut-être des points de concordance qui
devraient être faits pour d'autres articles de la foi; vous en avez
souligné quelques-uns. Nous examinerons, bien sûr d'assez
près ces choses.
Vous parlez aussi de comités consultatifs pour les plans de
perfectionnement. Je pense qu'effectivement il doit y avoir de tels
comités consultatifs pour les cadres comme pour les syndiqués,
mais il n'est pas besoin, je pense, de mettre une disposition spécifique
dans la loi là-dessus. Il s'agit davantage de questions qui
relèvent du pouvoir réglementaire ou, dans le cas des conventions
collectives, des dispositions des conventions collectives.
Cela m'amène à faire une remarque générale.
La gestion de la fonction publique s'appuie sur deux grands piliers. Elle
s'appuie sur la loi, d'une part, mais elle s'appuie aussi sur les conventions
collectives ou sur les conventions qui tiennent lieu de conventions
collectives, comme vous le soulignez à juste titre. Tout ne doit pas
être mis dans la loi, alors que les matières en question doivent
plutôt être couvertes par la convention collective.
Deuxièmement, aussi, en ce qui concerne des aspects qui
relèvent de la loi, plusieurs sont des aspects réglementaires qui
doivent évoluer d'une façon souple et qui n'ont pas besoin
d'être indiqués comme tels dans la loi. Je pense que ces remarques
générales pourront peut-être servir de guides pour un
certain nombre de questions qui seront soulevées tout le long de nos
délibérations en commission. Evidemment, l'important, comme je
l'ai dit ce matin, c'est que la loi comme telle ne vienne pas restreindre
indirectement des droits qui sont normalement inscrits dans des conventions
collectives de travail.
Là-dessus, s'il peut y avoir des aspects qui donnent lieu
à interprétation sur le contenu même de la loi, notre
intention est très claire: le but de cette loi n'est pas de restreindre
a posteriori des dispositions des conventions collectives; bien au contraire,
c'est de respecter non seulement les conventions collectives dans l'avenir. A
mon avis, ces principes valent pour des ententes qui tiendraient lieu de
conventions collectives ou, enfin, qui préciseraient les conditions de
travail, les droits et les obligations des parties avec les cadres
supérieurs, les cadres intermédiaires ou toute autre association
de non syndiqués en vertu de la loi actuelle.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Mme le Président, ce qui me frappe dans les
propos du ministre, c'est qu'il fait allusion à ce qui est
négociable et il répète, à quelques reprises, que
ce n'est pas l'intention du gouvernement, du législateur, en proposant
cette loi, de diminuer ou de restreindre ce qui avait
l'habitude d'être négocié. L'article 52a de la Loi
de la fonction publique actuelle établit ce champ de négociation
qui porte sur un certain nombre de sujets, comme le traitement, les heures de
travail, les règlements de griefs, suspension, congédiement,
etc., et il y a également un autre paragraphe qui souligne que,
toutefois, aucune disposition d'une convention collective ne peut porter sur un
autre sujet qui, en vertu de la présente loi, relève de la
commission du lieutenant-gouverneur en conseil, à moins que la
commission n'y ait concouru par règlement et qu'un tel règlement
n'ait été approuvé par le lieutenant-gouverneur en
conseil.
En définitive, la loi existante permettait, après
consultation avec les associations représentant les employés, que
ce soit une associaton bona fide ou encore un syndicat en bonne et due forme,
suivant les prescriptions du Code du travail, dans certaines conditions,
d'élargir le champ de négociation.
L'article 119, actuellement, tel que je le comprends, ne maintient pas
ce paragraphe et limite, d'une façon très précise, ce
champ de négociation. De plus, il y avait, d'une façon
régulière, des consultations entre la Commission de la fonction
publique pour plusieurs des articles qui étaient négociés,
que l'on retrouve à l'article 3 du projet de loi concernant la
classification des emplois, les conditions de rémunération de
travail, l'évaluation du personnel, etc., qui, dans mon
interprétation du texte législatif, ne concordent pas avec les
propos que vient de tenir le ministre. Parce que c'est bien beau de manifester
des intentions, je suis bien prêt à reconnaître que le
ministre est sincère en le disant, sauf que l'application
intégrale du projet de loi va faire en sorte que ces choses vont
demeurer des voeux pieux, à moins qu'on puisse le permettre dans la loi.
Cela n'est pas permis, tel qu'on le voit présentement dans la
définition et à l'article 3 et à l'article 119, surtout
avec la disparition des deux derniers paragraphes que l'on retrouvait à
l'article 52 de l'ancienne loi.
C'est un peu embêtant d'entreprendre l'étude du projet de
loi lorsqu'on a à discuter du texte législatif et des intentions
qui sont exprimées à l'extérieur dans des propos tenus par
le ministre. J'aimerais bien, si telle est l'intention du ministre, que la loi
reflète ces impressions, reflète ces préoccupations en
l'indiquant d'une façon plus précise, parce qu'il reste que
même si je suis prêt... supposons que je sois prêtc'est
plus conforme à la réalité à faire confiance
à l'actuel ministre, qui me dit que son successeur
n'interpréterait pas ce texte de loi-là différemment?
Il pourrait dire tout simplement qu'il ne discute pius des articles qui
sont contenus à l'article 3, qui sont de la responsabilité
réglementaire du ministre, que c'est son pouvoir et qu'il l'exerce. Il
faudrait certainement préciser ces choses-là. Dans le cas des
définitions, je ne voudrais par revenir sur tous les points qui ont
été soulevés par nos interlocuteurs, mais je voudrais
quand même que vous me précisiez pour quelles raisons vous avez
fait vous-même cette distinction en ce qui regarde le fonctionnaire de
cadre. Je comprends les pro- pos que le ministre a tenus. Je suis prêt
à partager son point de vue sur le procédé administratif
qui fait qu'on appelle cadres supérieurs tous ceux qui sont dans les
plans d'organisation. Mais qu'est-ce que cela changerait, d'après vous,
pour tous les cadres intermédiaires si cette recommandation était
acceptée?
M. Bergeron: Au niveau de l'interprétation et à
l'intérieur de plusieurs articles, on se réfère assez
régulièrement à l'article 1d, où on parle des
fonctionnaires de cadres supérieurs. Or, pour nous, les fonctionnaires
de cadres supérieurs sont nos supérieurs. Ils sont exactement
dans la même situation que nous au niveau de l'interprétation du
terme "salariés" que l'on retrouve dans le Code du travail actuel. A
l'intérieur d'une loi, si on les nomme, nous disons: Ecoutez, nous avons
autant le droit qu'eux d'être nommés. Vu qu'on est en train de
refaire la Loi de la fonction publique, on se dit: Pourquoi le gouvernement ne
profiterait-il pas de l'occasion pour nous inclure aussi, c'est-à-dire
ne pas restreindre le terme "cadres" seulement aux cadres supérieurs
mais l'étendre aussi aux cadres intermédiaires et de premier
niveau?
M. Garneau: Le sens de ma question est: Est-ce une question de
prestige ou est-ce une question qui affecte véritablement vos conditions
de travail? C'est cela, pour aller plus directement.
M. Bergeron: Au niveau des conditions de travail, je ne crois pas
que cela puisse nous affecter directement pour le moment, mais
éventuellement, si jamais l'Association des cadres supérieurs du
gouvernement du Québec se présente devant un
commissaire-enquêteur pour demander une accréditation, vu qu'ils
sont nommés dans la loi sur la fonction publique, cela sera beaucoup
plus facile pour eux que pour nous.
M. Garneau: Sur la question du comité consultatif dont
vous parlez...
M. Bergeron: Oui.
M. Garneau: ... comment verriez-vous le fonctionnement de cela en
termes opérationnels? Vous suggérez, en fait, un comité
consultatif formé d'à peu près tous les organismes qui
représentent les groupes d'employés. Dans sa formulation telle
que vous la suggérez comme amendement à l'article 5 pour en
former l'article 5g, est-ce que vous ne croyez pas que ce serait là une
table autour de laquelle se trouveraient des gens qui défendent des
intérêts fort divergents, du moins peut-être pas
contradictoires mais fort différents? Cela n'amènerait-il pas en
quelque sorte une complication dans les discussions?
Ne croyez-vous pas que, si un tel comité consultatif devait
exister, cela pourrait être rédigé d'une façon un
peu plus souple qu'avec le paragraphe g) qui en ferait, parce que c'est dans la
loi et exprimé ainsi, une structure extrêmement lourde où
vous seriez appelés, par exemple, ou
obligés de discuter, dans ces consultations, des sujets qui vous
intéressent, mais qui peuvent ne pas intéresser du tout tous les
autres membres qui sont concernés par un très vaste comité
consultatif de cette nature. Est-ce que vous ne trouvez pas que ce serait, sur
le plan opérationnel, extrêmement difficile à faire
fonctionner?
M. Bergeron: D'abord, si on parle de perfectionnement, je pense
que tous les groupes ont un même but, c'est de viser au perfectionnement
des gens qu'ils ont à représenter. Dans ce but, je pense que si
on se rencontre pour discuter de perfectionnement, on a tous découvert,
à un moment donné, qu'on avait des problèmes de
perfectionnement; à ce moment-là, je pense qu'on peut s'orienter
ensemble et mieux... Je pense que le ministre de la Fonction publique aurait
une meilleure consultation s'il faisait affaire avec tous les groupements
plutôt que de faire affaire avec seulement ceux qui ont actuellement des
conventions collectives de travail signées avec le gouvernement.
M. Garneau: Mais quand vous faites référence
à ce comité consultatif, il serait beaucoup plus large que la
simple formation, parce que vous les rattachez aux paragraphes a), b), c), d),
e) et f). Ils seraient consultés sur l'ensemble. En tout cas, je
comprends votre point de vue, et il y a une question additionnelle que je
pourrais poser... Est-ce que vous croyez que ça doit être dans la
loi ou si vous seriez d'accord avec ce que j'ai compris des propos du ministre,
que ces consultations s'opèrent sur la base bona fide comme elles
semblent exister présentement, de ce que j'ai entendu tout à
l'heure?
M. Bergeron: M. Garneau, les hommes passent, mais les
écrits restent. On peut faire confiance à un individu à un
moment donné, qu'il occupe n'importe quelle fonction, mais, à son
départ, il faut quand même tout recommencer avec son
remplaçant. Quand c'est inscrit quelque part, ça donne une
assurance, une sécurité à tout le monde.
M. Garneau: J'ai seulement une autre question à vous
poser, en ce qui regarde la question du mérite. Vous y faites allusion,
dans votre mémoire, est-ce que vous croyez qu'en termes de garantie des
employés de l'Etat, c'est un principe qui peut être
opérationnalisé d'une façon juste?
M. Bergeron: Je m'excuse, à l'article 28, effectivement,
quand on regarde le projet de loi 53, on en parle à l'article 28, mais
c'est seulement au paragraphe d), on le nomme seulement, mais on aimerait
connaître le système que notre employeur voudrait instaurer pour
aller en parallèle avec le principe du mérite.
M. Garneau: Est-ce que le ministre pourrait répondre aux
appréhensions de l'Opposition et du président du syndicat des
cadres?
M. de Belleval: Ce sont peut-être des appréhensions
de l'Opposition, mais, pour l'instant, c'est une interrogation du
président du syndicat des cadres et non pas une
appréhension...
M. Garneau: Alors, des appréhensions et des
interrogations, pour être précis?
M. de Belleval: Le principe du mérite est explicité
d'une façon assez claire à l'article 70 et c'est ce à quoi
on fait allusion. On dit que "le personnel de la fonction publique est
recruté et promu le mot "promu" est bien important par voie
de concours selon une sélection établie au mérite.
C'est-à-dire que tout concours donne lieu à
l'établissement, par un jury, de listes classant les candidats par ordre
de mérite et que les nominations et les promotions sont faites selon cet
ordre, parmi ceux qui ont fait l'objet d'une déclaration
d'aptitudes.
A certains égards, on a fait peut-être tout un plat du
principe du mérite, mais il n'est pas nouveau. Il est inscrit dans
plusieurs lois. Tout ce qu'il dit, c'est que, quand vous faites une promotion,
que vous engagez quelqu'un, vous déterminez, comme maintenant, une liste
d'admissibilité, vous déterminez quels sont les candidats qui
sont aptes, et vous nommez les gens aptes par ordre d'aptitude, ou par ordre de
compétence, ou par ordre de mérite, selon le vocabulaire qu'on
aime. C'est aussi simple que cela. Les règlements du ministre en
matière de gestion du personnel doivent être de nature telle
qu'ils respectent ce principe fondamental, à savoir que les
mécanismes doivent permettre d'établir le plus justement et le
plus objectivement possible l'ordre d'aptitude ou l'ordre de compétence,
ou l'ordre de mérite des candidats.
De ce point de vue, je pense que c'est un progrès sur l'ancien
système, comme je l'ai dit ce matin, où les nominations,
après les concours, pouvaient se faire dans n'importe quel ordre, ou
dans n'importe quel désordre, c'est-à-dire qu'un candidat
reçu 50e au concours pouvait être nommé avant le candidat
qui était reçu premier au concours. A mon avis, c'est aussi
simple que cela, et aussi facile de compréhension. C'est un
système qui existe dans beaucoup de législations. C'est ce qui
existe au niveau du gouvernement fédéral, entre autres, depuis de
nombreuses années. C'est une des méthodes retenues dans ces pays,
comme je le disais tout à l'heure, pour faire reculer l'arbitraire, le
favoritisme dans la gestion de la fonction publique.
M. Garneau: Je ne sais pas si je dois interpréter ces
propos comme signifiant que l'article 70 et l'article 38 de l'ancienne loi,
c'est du pareil au même.
M. de Belleval: C'est du pareil au même, justement.
M. Garneau: Quand vous dites qu'actuellement, la Commission de la
fonction publique
soumet à un concours, fait des avis publics, reçoit des
candidatures, passe les gens à un examen écrit, en
sélectionne un certain nombre pour les examens oraux devant un jury, et
finalement, établit une liste d'admissibilité de sept, huit, dix
douze; s'il y en a quinze qui se qualifient, ou cent, ils sont
qualifiés... Evidemment, on sait que la marge, dans un concours devant
un jury, entre celui qui est qualifié à 80 et celui qui est
qualifié à 81, c'est très subjectif. C'est difficile
à établir sur la base du strict mérite, de trancher.
Même là, je serais prêt à dire que c'est ce qui se
passe, avec une variante qui permettait aux ministres ou aux sous-ministres de
choisir parmi une liste de personnes qui avaient été
déclarées admissibles.
Lorsqu'on fait la référence à la promotion selon le
mérite, je me demande si... De deux choses l'une, ou c'est du pareil au
même, ou on joue sur les mots. Si je suis fonctionnaire dans un service
du ministère des Transports ou du ministère des Institutions
financières et que je soumets ma candidature pour une promotion, qui
peut déterminer, sur la base du mérite, qu'est-ce que c'est, le
mérite, si c'est quelque chose de nouveau? La seule personne qui, en
définitive, sera en mesure de dire si mon rendement, ou la façon,
comme fonctionnaire, dont j'exécute mes responsabilités... C'est
pratiquement uniquement mon patron immédiat.
Par exemple, il y a des jurys, la Commission de la fonction publique
demande un universitaire ou une personne de l'extérieur pour venir
siéger à un jury.
Comment, dans le cadre d'une promotion, une personne venant de
l'extérieur, qui n'a pas vu le candidat autrement que pendant la
demi-heure qu'a duré l'entrevue, peut-elle faire une recommandation
basée sur le mérite, à moins que ce ne soit le même
fonctionnement qu'actuellement, c'est-à-dire qu'il y ait des jurys, que
les gens interviewent et qu'on appelle cela autrement? Si c'est simplement
appeler des choses identiques par un nom différent, je ne me chicanerai
pas. Mais, si cela a un sens, il va falloir qu'un règlement soit
édicté et qu'on le connaisse avant l'adoption de ce projet pour
nous dire véritablement ce qu'il y aura de changé par rapport au
passé. J'ai de la difficulté à saisir, d'une façon
bien objective, comment un jury va pouvoir fonctionner autrement dans l'avenir
que de la façon dont il fonctionne présentement. Je ne vois pas
comment une personne de l'extérieur qui forme un jury ou même un
fonctionnaire d'un autre ministère qui fait partie du jury, qui ne
connaît pas le candidat qui est sujet à la promotion, pourra
déterminer le mérite. Il peut vérifier si quelqu'un a les
qualifications requises. Par exemple, si on dit dans le règlement que
cela prend un diplôme de CEGEP, un diplôme universitaire ou cinq
ans d'expérience, que la personne soit bilingue ou trilingue, cela se
vérifie. C'est vrai, tel candidat remplit telles et telles conditions.
Là, un jury peut statuer. Quand on tombe sur la question de
mérite, je me demande si, à toutes fins utiles, cela ne voudra
pas dire que les promotions dans la fonction publique vont se faire sur
recommandation presque exclusive du supérieur immédiat.
Si telle était l'explication du mot "mérite", je me
demande si cela ne créerait pas dans son application un danger
d'arbitraire qui n'est pas un arbitraire politique. Si le ministre ne le savait
pas avant, il doit se rendre compte depuis qu'il est ministre qu'il ne
connaît même pas dans son ministère tous les jurys qui
existent pour les promotions. S'il voulait s'en préoccuper, il n'aurait
pas le temps de faire autre chose. Cela me paraît un critère que,
s'il est nouveau, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas
défini et qu'il sera difficile d'application. Si c'est la même
chose qu'antérieurement, je suis bien prêt à arrêter
le débat.
M. de Belleval: Me permettez-vous de répondre, M. le
député? Il y a une différence fondamentale entre l'ancien
système et le nouveau de ce point de vue. Premièrement, dans la
loi actuelle de la fonction publique, le principe du mérite est
absolument inexistant. Tout ce qui est prévu, c'est que les nominations
se font à partir d'une liste de candidats déclarés aptes.
Elles se font dans n'importe quel ordre. Le grand point nouveau, c'est que
maintenant les nominations se font selon l'ordre d'aptitudes et de
compétence déterminé par le jury, c'est-à-dire,
donc, que cela met fin à l'arbitraire du ministre, parce que c'est ce
dernier qui, en vertu de la loi actuelle, nomme. Ce n'est pas le fonctionnaire;
c'est le ministre qui nomme. Actuellement, la seule restriction qu'on met
à la discrétion du ministre, c'est qu'on lui permet de choisir
n'importe qui à travers une liste.
Or, on sait très bien que, pour plusieurs concours, il est
très facile de qualifier beaucoup plus de candidats qu'il n'y a de
postes, même pour les concours de promotion. Si quatre ou cinq candidats
sont déclarés admissibles, le ministre peut choisir celui qu'il
préfère parmi les cinq candidats et non pas nécessairement
celui qui est le meilleur de l'avis du jury. Compte tenu de l'organisation la
plus objective possible des concours qui, bien sûr, essaient de mesurer
le plus objectivement possible les capacités d'un individu, mais aussi
avec la part de subjectivité qui, de toute façon, existe dans
tout concours et que n'importe quel système, quel qu'il soit, ne peut
faire disparaître, il reste qu'une fois qu'on a tenu compte de tous ces
facteurs, une liste est établie où les candidats sont
classés par ordre d'aptitudes, par ordre de mérite ou par ordre
de compétence. Les nominations doivent se faire selon cet ordre. De ce
point de vue, c'est très différent du système actuel.
Personnellement, on sait que le système actuel était une occasion
de faire revenir le patronage par la porte d'en arrière. Entre autres,
il y avait dans certains cabinets de ministres je ne dirai pas de quel
gouvernement; j'ai travaillé sous plusieurs gouvernements des
gens qui étaient chargés de filtrer les listes
d'admissibilité et de faire en sorte que ce n'était pas n'importe
quelle candidate à un concours de sténodactylo qui avait le
poste.
On s'assurait que la sténodactylo catholique obtienne le poste,
on avait des listes d'admissibilité, et vous receviez un papier disant:
Oui, on vous déclare éligible, la commission vous déclare
éligible. Maintenant, trouvez-vous quelqu'un dans
un ministère qui veut vous engager. C'est ce qui faisait que les
sténodactylos de plus de 45 ans ne trouvaient personne qui était
d'accord pour les engager, ou rarement, même si la personne en question
était plus compétente, plus apte à faire son travail d'une
façon efficace, compte tenu des résultats du concours, qu'une
autre qui était peut-être plus jeune et mieux tournée. Cela
pouvait être aussi folklorique que cela.
Qu'il s'agisse de patronage politique ou de patronage de fonctionnaire,
l'ancien système permettait justement ce favoritisme larvé, et le
nouveau système, de ce point de vue je ne dis pas qu'il
éliminera toute possibilité, il n'y a aucun système
à l'épreuve des filous et des gens qui veulent le contourner
va faire reculer davantage les zones de favoritisme et de
discrétion. Tous les citoyens, comme tous les fonctionnaires, seront
davantage égaux devant la loi et devant leur capacité d'obtenir
un emploi dans la fonction publique, ou d'obtenir une promotion. C'est ce que
permet la nouvelle loi, et pas plus, mais pas moins.
M. Garneau: C'est une chose de vouloir modifier la loi et dire
que le pouvoir de nomination sera donné à la Commission de la
fonction publique ou à l'office de recrutement, et c'est une autre chose
de dire que tout cela sera fait suivant le mérite. Je suis bien
prêt à argumenter avec l'actuel ministre de la Fonction publique
sur l'avantage ou les désavantages qu'il peut y avoir de faire les
nominations, de confier la responsabilité de nommer à un poste de
fonctionnaire un organisme comme, par exemple, la Commission de la fonction
publique ou, comme vous l'appelez, je crois, l'office de recrutement. C'est une
chose. Je suis prêt à en discuter. Mais lorsque le ministre
incorpore le mot "mérite", cela m'apparaît vouloir être un
jeu de mots. Parce qu'il est possible pour un jury de classifier les gens
d'après la compétence qu'ils présentent d'après les
dossiers scolaires ou encore la feuille de route, de dire que telle personne
serait sans doute plus compétente qu'une autre, compte tenu de
l'expérience qu'elle a ou de ses diplômes universitaires, ou de
ses diplômes de spécialisation. C'est une chose qui,
d'après moi, peut se mesurer. Mais, lorsqu'on fait face à une
promotion, qu'on incorpore le mot "mérite " et qu'on veut lui donner un
sens totalement différent de ce qui existait antérieurement, je
me demande si on ne rendra pas plus subjectives encore que ne le sont
aujourd'hui les promotions des fonctionnaires. Qui peut mesurer le
mérite d'une personne qui a occupé une fonction pendant un an,
deux ans ou trois ans? Je ne vois pas qui peut mesurer le mérite d'un
fonctionnaire qui serait, par exemple, directeur général dans un
ministère, je me demande qui peut déterminer son mérite;
si c'est là le nouveau critère, le mérite peut-il
être déterminé par une autre personne que celle qui le
connaît et qui a été son supérieur? On peut sans
doute mesurer la compétence et voir si la compétence du bonhomme
ou de la bonne femme est en accord avec les règlements qui
déterminent les qualifications requises pour occuper un emploi, mais de
là à dire que cette promotion va se faire suivant le
mérite, je me demande si on n'inclut pas un degré de
subjectivité qui va aller à l'encontre de ce que recherche le
ministre.
Je ne veux pas faire un long débat là-dessus, c'est tout
simplement pour le mentionner et mettre le ministre en garde contre
l'utilisation de termes qui, à l'expérience, vont s'avérer
peut-être contraires à l'objectif visé. Je voudrais qu'il
fasse bien la distinction entre le pouvoir de nommer et le pouvoir de donner
une promotion appuyée sur le mérite. Je suis bien prêt
à reconnaître je me répète qu'on
puisse mesurer les qualifications d'une personne par rapport aux exigences d'un
emploi, mais lorsqu'on base les promotions sur le mérite, et surtout
quand on sait que ces pouvoirs donnés à l'office de recrutement
pourront être délégués à un sous-ministre qui
pourra les déléguer à un autre fonctionnaire, finalement,
on risque d'avoir un degré de subjectivité qui dépassera
peut-être ce qui se fait présentement avec toutes les lacunes qui
peuvent exister je sais qu'il y en a mais je crois qu'on laisse
prévoir, on laisse espérer des choses qu'on ne pourra
certainement pas livrer dans le contexte, en tout cas, dans le sens des mots
utilisés. Enfin, c est l'observation que je voulais faire
là-dessus.
Sur les autres aspects du mémoire qui a été
présenté, j'aurais un certain nombre de questions de
détail, mais, compte tenu du fait que le texte est assez explicite, je
vais attendre, lorsque nous arriverons en temps et lieu à la discussion
article par article, après la deuxième lecture, pour voir de
quelle façon nous utiliserons vos recommandations pour faire
nous-mêmes des propositions d'amendement, si nous le jugeons à
propos.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Ce matin, j'ai fait une intervention pour donner
mon point de vue sur la loi. Maintenant que c'est votre tour, c'est à
nous de vous poser des questions. Je pense que c'est cela qui est notre
rôle présentement, c'est de vous qu'il faut entendre parler. C'est
pourquoi j'ai trois questions. Sur les articles 45, 70 et 88. Etes-vous
d'accord, M. Bergeron, sur le texte qui est dans la loi, à l'article 45?
On y dit que l'office peut, par règlement, prévoir la
délégation à tout sous-ministre ou dirigeant d'organisme
des responsabilités qui lui incombent en vertu du paragraphe b du
deuxième alinéa, c'est-à-dire procéder,
conformément à la présente loi, au recrutement et à
la sélection des candidats de la fonction publique, déclarer leur
aptitude et procéder à leur nomination.
Je voudrais connaître votre opinion sur cela.
M. Bergeron: Dans un premier temps, M. le député,
il faut voir que la seule raison d'être de l'office, c'est de faire du
recrutement et de la sélection de personnel. Si l'office peut
déléguer son pouvoir, sa seule raison d'être, on n'a plus
d'affaire à l'avoir, l'office, on n'a pas d'affaire à en parler
à l'article 45. Deuxièmement, on a vécu des
expériences plus ou moins intéressantes avec des
individus. S'ils avaient les pouvoirs que leur confère l'article 45,
actuellement, il y a un paquet de gens qui ne seraient plus dans la fonction
publique. On pense...
M. Bellemare: Comment cela? Vous affirmez quelque chose qui est
grave.
M. Bergeron: Suite, par exemple, à l'arrivée au
pouvoir de n'importe quel parti politique je ne veux pas viser un parti
ou un autre on fait des changements au niveau de la haute gérance
dans la fonction publique. Par exemple, on remplace des sous-ministres. Le
nouveau sous-ministre qui arrive est intéressé à avoir des
gens en qui il peut avoir confiance, des gens qu'il connaît. Mais les
gens qui sont déjà en place, qu'est-ce qu'ils deviennent? On
trouve que c'est beaucoup trop fort et que les pouvoirs que l'on retrouve
à l'article 45, les pouvoirs conférés à l'office,
de recrutement et de sélection, devraient appartenir tout le temps
à l'office. Ces pouvoirs ne devraient jamais être
délégués.
Vous savez, dans la fonction publique...
M. Bellemare: Je suis parfaitement de votre opinion. Je l'ai dit
ce matin, je le répète encore. Cette délégation de
pouvoir est extrêmement dangereuse parce qu'elle permettra à un
subalterne, un sous-ministre d'agir au nom du ministre et de la commission en
certaines circonstances que nous vivrons. Nous y verrons peut-être,
à l'application, des défauts, mais le ministre a pris la peine de
nous avertir que les deux piliers du bill 53 sont, d'abord, la loi et,
deuxièmement, les conventions collectives. Je suis parfaitement
d'accord, mais je l'avertis d'avance, et vous verrez qu'avec le temps j'aurai
encore raison. La prochaine convention collective n'est pas signée.
Elle se fera dans un tumulte encore pire que celui que nous avons connu
(a dernière fois à cause, justement, de cette
délégation de pouvoirs que vous conférez
présentement dans un article de la loi.
M. Bergeron: Est-ce que je pourrais juste terminer ce que j'avais
commencé à vous dire? Cela va prendre une petite minute.
M. Bellemare: C'est vous, d'ailleurs, que je veux entendre.
M. Bergeron: Bon. Merci. Les membres de la fonction publique, les
employés du gouvernement, s'ils sont employés du gouvernement, ce
n'est pas parce qu'ils s'appellent Pierre, Jean, Jacques. C'est que la
population attend d'eux des services. Or, avec l'article 45, il y a des dangers
que les employés du gouvernement deviennent des employés de
quelques personnes à l'intérieur de la fonction publique. Ils ne
seront plus au service de la population. Ils vont être au service de
quelques individus.
M. Bellemare: Ce que vous craignez, c'est que le pouvoir
arbitraire de certains sous-ministres fasse certains droits acquis.
M. Bergeron: Vous savez, monsieur, on peut faire confiance
à des individus qu'on connaît actuellement, qui sont en place,
mais si ces sous-ministres qui sont reconnus pour leur compétence, leur
honnêteté, s'en vont et qu'on se retrouve avec parce qu'il
en existe comme partout ailleurs des gens moins honnêtes, beaucoup
moins honnêtes, cela donnera quoi au bout?
M. de Belleval: J'aimerais dire un mot là-dessus.
M. Bellemare: Oui, j'attendais cela. Ecoutez, ce n'est pas le
point de vue de Maurice Bellemare ni. du député de Johnson, c'est
le président M. Bergeron...
M. de Belleval: Non, d'accord, c'est le point de vue de M.
Bergeron et de ses membres, mais ce sera aussi le point de vue d'autres
personnes qui viendront et qui attireront notre attention sur le danger du
pouvoir de délégation.
Il est sûr que, premièrement, le principe de la
délégation, ce n'est pas le principe de l'abandon du pouvoir.
L'office ou tout organisme qui peut déléguer conserve quand
même le pouvoir originel et l'organisme en question peut retirer cette
délégation en tout temps.
Deuxièmement, cette délégation ne s'exerce pas de
n'importe quelle façon, elle doit s'exercer dans le cadre d'un
règlement; la délégation ne peut s'exercer par simple
directive administrative; il faut qu'il y ait un règlement de
délégation qui soit adopté. Ce règlement doit
être soumis à la Commission de la fonction publique pour avis,
pour vérifier si le règlement est de nature ou non à
léser justement la règle du mérite. Là, je ne veux
pas revenir sur la question mérite, aptitude, etc.; si c'est juste une
question de mots qui peut donner lieu à diverses interprétations,
on le changera.
Ensuite, la Commission de la fonction publique est responsable de faire
enquête sur l'application de la loi de sa propre initiative. Je suppose
que, en particulier, s'il y a des règlements de délégation
et s'il y avait des délégations, la commission surveillerait
elle-même d'assez près pour voir comment le pouvoir de
délégation est effectivement exercé. L'office
lui-même va lui aussi vérifier comment son pouvoir de
délégation est exercé en pratique. Donc, il y a des
balises qui font que ce pouvoir de délégation n'est pas un
pouvoir d'abandon, mais vraiment un pouvoir de délégation de
responsabilités. On l'a mis dans la loi parce qu'on s'est dit: Pour des
raisons d'efficacité administrative, à l'occasion, il peut
être utile de permettre à des ministères de procéder
eux-mêmes au recrutement de certains fonctionnaires. J'admets avec vous
qu'il faudrait procéder avec prudence, à tout le moins, dans
l'exercice de ce pouvoir, probablement procéder graduellement
pour divers types de fonctions et voir comment le pouvoir est
exercé.
Au niveau du gouvernement fédéral, on a donné
à la Commission de la fonction publique ce pouvoir de
délégation et, effectivement, il y a eu aussi, je l'admets, des
critiques sur la façon dont il avait été exercé
à l'occasion. Mais je dis: Est-ce qu'on se barre les jambes en
interdisant toute délégation ou bien si on ne permet pas un
pouvoir de délégation, quitte à l'entourer de garanties
comme celles que je viens de mentionner et y aller prudemment pour voir
comment, à l'usage, cela peut être exercé de façon
quand même à améliorer l'efficacité de la gestion du
personnel, parce qu'il faut bien voir qu'on a des critiques. Un directeur
général du personnel, surtout pour des sections régionales
de son personnel, doit faire converger tous les concours à
Québec, alors qu'il pourrait, sur place, tenir lui-même des
concours sous l'autorité de la commission, actuellement ou plus tard, de
l'office. Je pense que ce sont des pratiques qui pourraient être de
nature à raccourcir les délais, à faire en sorte que le
personnel soit engagé plus rapidement et à améliorer
l'efficacité de la machine administrative; on se plaint que la
bureaucratie est lourde partout, mais, chaque fois qu'on veut l'alléger,
on dit: Houp! Il ne faut pas bouger; attention, c'est dangereux, etc. Alors, on
ne peut pas manger son gâteau et l'avoir encore, il faut quand même
choisir. On a pensé que cela pouvait être un compromis acceptable.
Entre autres, vous avez parlé, dans votre mémoire, de la
possibilité de prépublication des règlements, un peu comme
ceux de l'environnement. Je trouve que c'est une suggestion très
intéressante. On pourrait entre autres mettre dans la loi une
disposition, donc amender le projet de loi actuel pour prévoir la
prépublication.
Donc, quand un règlement vient en prépublication, ou
reçoit des mémoires, on a des propositions là-dessus des
réflexions, on peut même venir ici, en commission parlementaire,
pour en discuter et voir si le règlement de délégation,
par exemple, en ce qui nous concerne actuellement, est de nature à
favoriser, oui ou non, une discrétion dangereuse et aussi à voir,
au jour le jour, comment il est appliqué à l'occasion. Il ne faut
pas crier au loup immédiatement et dire que tout sera
délégué de façon inconditionnelle sans balise. Il y
a des balises qui sont prévues. Il y a des sauvegardes qui sont
prévues, il y a des pouvoirs d'enquête qui sont prévus et
je pense qu'au contraire, il faudrait plutôt faire un peu confiance
à l'habileté des gestionnaires, à leur
honnêteté, quitte à vérifier, au fur et à
mesure que ce pouvoir de délégation-là sera exercé,
à supposer, bien sûr, qu'il soit exercé de façon
prudente, pour voir s'il donne de bons résultats. S'il donne de mauvais
résultats, on retirera ce pouvoir de délégation, tel que
prévu d'ailleurs dans la loi. L'office peut le retirer, la Commission de
la fonction publique va faire enquête. Elle pourra donc aussi recommander
que le pouvoir soit retiré. C'est à l'usage qu'on verra si c'est
bon ou si ce n'est pas bon. Comme je l'ai dit, dans d'autres administrations
publiques, on pratique ce pouvoir-là et, malgré tout, cela n'a
pas donné lieu à des tollés, à des pancartes,
à des caricatures ou à quoi que ce soit. On l'a fait. Ces
gens-là sont civilisés. Ils font des choses, ils en essaient;
parfois, ils se trompent, comme nous, mais ils essaient loyalement des choses
qu'on propose ici, les mêmes choses que nous. De ce point de
vue-là, je ne vois pas en quoi on serait moins habile qu'eux à
utiliser des mécanismes semblables.
M. Bellemare: Mme le Président, je viens de comprendre un
peu la délégation de pouvoirs qui aura une réglementation
qu'on verra au préalable. Mais, comment peut-on, dans une loi, donner un
pouvoir au sous-ministre, celui, par exemple, de déléguer, comme
il est dit à l'article 45: "II peut, en déléguant ses
responsabilités, indiquer la catégorie de fonctionnaires à
qui le sous-ministre..." Ecoutez. Que l'office délègue ses
pouvoirs à un sous-ministre, je pense, comme l'a expliqué le
ministre et comme on l'a déjà vécu, que c'est
peut-être plus rapide et je comprends que la facilité fait qu'il y
a moins de bureaucratie. Mais qu'un sous-ministre, dans une loi, ait le droit
de faire la délégation sans aucun compromis, sans aucune
directive...
M. de Belleval: ... aussi.
M. Bellemare: Ce n'est pas dans la loi. Dura lex, sed lex. La loi
est dure, mais c'est la loi.
M. de Belleval: Je veux seulement dire que le règlement de
délégation, s'il prévoit, doit aussi prévoir la
sous-délégation. Le sous-ministre n'a pas la latitude de
sous-déléguer. Il faut que le règlement de
délégation le prévoie lui-même et prévoie les
conditions selon lesquelles la sous-délégation sera
exercée. Je donnais un exemple tout à l'heure. On permet à
un ministère d'engager une certaine catégorie de fonctionnaires.
Le sous-ministre peut permettre à un administrateur régional,
disons au chef du personnel à Montréal, de procéder lui
aussi à l'engagement. Il faut que cela soit prévu dans le
règlement, il faut que cela soit encadré de la même
façon que si c'était donné au sous-ministre. Je suis
d'accord avec vous que, si, une fois donné au sous-ministre, le
sous-ministre lui-même pouvait s'en aller dans la nature et faire
n'importe quoi avec cela, on perdrait la rigidité ou...
M. Bellemare: Comme nos débats sont enregistrés,
nous retrouverons plus tard, s'il y a des abus, cette déclaration du
ministre. Parce qu'un jour, un sous-ministre que j'avais appelé pour une
fonction qui avait été décrite dans les journaux, pour
savoir si un candidat que je connaissais, qui était de
l'Université d'Ottawa, pouvait s'inscrire, m'a dit: Oui, certainement,
je ne vois pas pourquoi. Alors, le candidat avait été
désigné d'avance. Cela arrive. Il avait été choisi
par le sous-ministre. Le monsieur d'Ottawa s'est présenté et on
lui a dit bien franchement qu'il courait après rien parce que le
concours était fait pour faire nommer monsieur Untel. Cela se faisait
couramment.
M. de Belleval: C'est ce qu'on appelle un concours bidon.
M. Bellemare: Un concours bidon. C'est exactement ce qui est
arrivé. Le gars, extrêmement qualifié, a réussi ses
examens avec grande distinction et il est arrivé deuxième au
concours. Le premier avait été désigné d'avance. Je
pense que le sous-ministre qui est dans une situation comme celle-là,
qui ferait une délégation de pouvoir, il faudrait que cela soit
contenu dans un règlement qui prévienne toutes ces
difficultés.
Ma question no 2 est au sujet du mérite. C'est la promotion au
mérite. Quels sont les critères que pourront surveiller les
syndicats des fonctionnaires, comme disait le député de
Jean-Talon? Est-ce qu'il va y avoir des critères de base? Je ne demande
pas ça à vous, M. le ministre, je demande ça à M.
Bergeron. Il va me dire son opinion sur le mérite et le
démérite. Parce que j'aurai une question à vous poser
à l'article 88.
M. Bergeron: Si vous permettez, je vais vous parler d'une
expérience vécue. En 1974, avec l'adoption de règlements
de classification pour le personnel de direction intermédiaire, on a
enlevé des échelles de traitement, c'est-à-dire qu'on a
des échelles de traitement sans échelons. Alors, la
rémunération des gens varie entre un minimum, comme pour les
cadres supérieurs. Cette expérience a été valable
pour un certain nombre d'individus et très peu valable pour la plupart
des individus. Pour les cadres intermédiaires et de premier niveau, on
pouvait obtenir une augmentation de la masse salariale de 4% et on versait
à chacun des individus un pourcentage qui variait entre 0 et 8%. J'ai
vécu une expérience bien drôle à la CAT, celle d'un
individu qui avait été... Pardon?
M. Bellemare: En quelle année?
M. Bergeron: Vous étiez parti, monsieur.
M. Bellemare: J'étais parti, ah! bon, d'accord.
M. Bergeron: C'est un individu qui avait
bénéficié d'une promotion, qui avait eu cette promotion
à la fin de mai ou au début de juin, et comme ses augmentations
ne venaient qu'au 1er juillet, on a dit au gars: Tu as été bon
pendant le mois de juin, alors tu mériterais au moins la masse salariale
de 4%, mais comme tu as été seulement un mois sur douze dans ces
fonctions, on va te donner 1/12 de 4%. C'est un exemple qui a été
vécu un peu partout. Je regarde chez les cadres supérieurs;
là aussi, on leur donne des augmentations de rémunération
au mérite. Je connais plusieurs adjoints aux cadres supérieurs
qui, actuellement, demandent à être rétrogrades dans une
classification de professionnels, parce que c'est plus payant pour eux
d'être rétrogrades que de rester adjoints aux cadres
supérieurs.
Pourquoi? C'est qu'on laisse au sous-ministre de chacun des
ministères ou à leurs directeurs généraux la
possibilité de déterminer le pourcen- tage d'augmentation. Comme
cela nous fait peur un peu...
M. Bellemare: ... solution de connaître, d'assister, de
vérifier, de pouvoir obtenir les critères de base que l'office va
prendre pour établir justement le mérite?
M. Bergeron: Ecoutez, vous me posez une question de $64 000, je
vais vous faire part encore d'une autre expérience.
M. Bellemare: Cela va être bien plus simple pour vous.
M. Bergeron: Au ministère des Affaires sociales, on vient
d'instaurer un système pour assurer chacun d'avoir justice dans
l'obtention d'une augmentation au mérite. On a établi un
système de pointage qui va avec la fiche de notation et un paquet de
choses comme ça. Ce système semble vouloir bien aller
présentement. Dans les circonstances, je me demande si, au niveau du
principe de mérite, on ne pourrait pas établir je ne suis
pas un spécialiste en relations de travail aussi un
système de pointage où on tiendrait compte de l'expérience
des individus, de la formation et d'un paquet de facteurs. A mes yeux, ce
serait...
M. Bellemare: Qui seraient connus d'avance.
M. Bergeron: Oui, pour moi, ce serait un vrai système de
mérite, un système de pointage.
M. Bellemare: A l'article 70, vous préconisez qu'on
procède à une nouvelle vérification des aptitudes tout en
tenant compte de l'expérience acquise. C'est votre suggestion, mais
quant au mérite, vous avez entièrement...
M. Bergeron: En établissant aussi un certain
système de pointage ou de contrôle.
M. Bellemare: Qui serait connu au préalable par tout le
monde et qui pourrait empêcher, comme disait le ministre tout à
l'heure, l'arbitraire ou bien le patronage.
Ma troisième question...
M. de Belleval: Est-ce que je pourrais ajouter une couple de
précisions là-dessus?
M. Bellemare: Oui, très bien.
M. de Belleval: La question que vous posez est pertinente,
à savoir comment on détermine l'ordre de mérite ou l'ordre
d'aptitudes ou l'ordre de compétence. Je ne veux pas m'enfarger dans le
mot. Si on n'aime pas le mot mérite, on en mettra un autre à la
place. Le mot chien n'a jamais mordu personne.
M. Bellemare: Le mot chat en a grafigné bien gros.
M. de Belleval: Alors, on a déjà ce problème
actuellement en vertu du système actuel. En vertu du système de
concours qui est en vigueur, la Commission de la fonction publique, par
exemple, dans le cas d'un concours de recrutement ou de promotion, doit
déterminer l'ordre de mérite ou l'ordre d'aptitudes des
candidats. Elle émet une liste d'admissibilité et elle donne
l'ordre de mérite des candidats. Le problème n'est pas là.
Le problème, c'est que les nominations ne se font pas selon cet ordre.
Elles se font dans le désordre. Il restera toujours que, dans n'importe
quel système que cela soit un système d'arbitraire comme
le système actuel à l'intérieur de la liste
d'admissibilité ou que cela soit un système dit de mérite
ou d'ordre d'aptitudes le problème de la détermination la
plus efficace possible des aptitudes demeurera toujours. Bien sûr, il y a
beaucoup de recherches qui se font là-dessus pour améliorer
l'objectivité des concours, mais il restera toujours aussi des marges
d'incertitude là-dessus. C'est un problème, mais l'aspect de la
réforme est qu'à l'avenir les nominations se feront selon l'ordre
qui est déterminé déjà, avec les mêmes
problèmes qui se sont posés dans le passé.
Quand on en arrive, cette fois, à la rémunération,
évidemment, la rémunération annuelle n'est pas
considérée comme une promotion. Entre autres, en vertu des
conventions collectives, par exemple celle des professionnels, l'annuité
ou l'avancement d'échelon n'est pas considéré comme une
promotion. La façon dont cette annuité est donnée est
prévue par la convention collective sur preuve de rendement satisfaisant
et on n'en dit pas beaucoup plus. Il ne s'agit pas, à ce moment, de
promotion et on ne voit pas la règle du mérite explicitée
dans la loi, pas plus que dans l'ancienne d'ailleurs, puisqu'il ne s'agit pas
de promotion comme telle.
Maintenant, les mécanismes d'évaluation, qui font qu'on
peut déterminer une annuité qui varie de zéro à
10%, réapparaissent extrêmement im-portans. Je suis d'accord avec
vous que, s'il n'y a pas un bon système d'évaluation de la
performance d'un individu, ces systèmes d'annuité dite au
mérite je dois dire qu'il n'y a rien dans la loi qui touche
à cela sont, à mon avis, un peu frauduleux. Ils sont
injustes pour les individus en cause s'il n'y a pas un système de
notation valable et il s'agit d'une fraude puisqu'en fait comment peut-on
ensuite porter un jugement sur une augmentation, s'il n'y a pas un bon
système d'évaluation? A mon avis, il faut y repenser. Il faut
améliorer nos systèmes d'évaluation; sinon, on
discréditera ce genre de rémunération dite au
mérite. Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais cela sera
certainement une des priorités du ministère de la Fonction
publique de vérifier cela en ce qui concerne les cadres, parce que c'est
le seul endroit, pour l'instant, où le ministre a quelque chose à
dire puisque c'est le Conseil du trésor qui détermine les
annuités et, donc, qui peut être en mesure de faire quelque chose
sur le système d'évaluation. Pour les autres, ce sont les
conventions collectives, comme vous le savez, qui déterminent les
annuités et la méthode de ces annuités.
M. Bellemare: Alors, M. Bergeron, voici ma troisième
question. Après notre question et votre réponse, le ministre
saisit l'occasion pour expliquer d'une manière beaucoup plus tangible la
portée du projet de loi. Mais, quand je parle de critères, qui va
les faire, qui va les surveiller et qui va pouvoir les appliquer au
mérite? Cela aussi peut être à la discrétion de ceux
qui seront nommés pour les exercer. Lorsque je vois, à l'article
88, la rétrogradation, je fais un saut épouvantable parce que
vous êtes des cadres qui ne sont pas, en vertu d'une convention
collective, organisés.
Vous êtes au bon plaisir du prince. C'est sûr et certain que
votre mémoire en dit assez long pour comprendre cela. Vous n'avez pas de
convention collective qui vous régit. Vous n'avez pas le droit de faire
la grève, vous n'avez pas le droit de faire ci, vous n'avez pas le droit
de faire ça. Même au point de vue du Code du travail vous
n'êtes pas une entité qui peut négocier. C'est bien
sûr.
Je vois l'article 88 qui dit, Mme le Président
écoutez bien cela "le sous-ministre ou le dirigeant d'un
organisme peut, par écrit, rétrograder à une classe
comportant une rémunération maximum inférieure,
révoquer ou destituer tout fonctionnaire incompétent dans
l'exercice de ses fonctions ou incapable de les exercer". Je vois mal un
"breakman" dans la "Brotherhood" dans les Transports unis, endurer une telle
affaire. On nomme par ancienneté un conducteur; qu'il soit bon ou pas
bon, c'est son ancienneté, il doit être nommé en vertu de
la "Brotherhood". C'est vrai que souvent on a des conducteurs qu'on
mérite. A cause de l'échelle de l'ancienneté, il est
obligé d'accepter ou bien d'annuler la nomination de chef de train et de
rester simple "breakman".
Mais qu'un sous-ministre, qu'un dirigeant puisse lui-même, par
écrit, rétrograder à une classe inférieure un
employé de cadre, c'est bien facile de trouver un être qui ne nous
plaît pas, qui n'a pas une face qui nous revient. J'étais ministre
du Travail en 1966. Il y avait un bon monsieur qui était chef d'un
service. Untel ne vaut pas cher, M. le ministre, me dit-il. Je prends cela en
note, lui dis-je. Je vais vérifier et je vous ferai un rapport.
Parce qu'il avait refusé de l'emmener avec lui à
l'ouvrage, un bon matin, l'employé avait refusé. Je ne
t'emmène pas, dit-il. Tu es trop bête pour moi. Le gars se
vengeait parce qu'il n'aimait pas sa face. C'était bien
insignifiant.
J'ai fait venir le chef du service. C'est peut-être pour des
raisons personnelles que vous ne voulez pas qu'on donne la mention à ce
monsieur, lui dis-je. Non, non dit-il. Etes-vous bien sûr? Ce n'est pas
parce qu'il a refusé une fois de vous emmener en automobile, un matin?
C'est un détail, dit-il. Il y a des circonstances dans la fonction
publique où peut-être quelqu'un, un sous-ministre ou un dirigeant
d'un organisme, n'aimera pas la face d'un gars, peut-être même sa
religion, parce que ce n'est pas un péquiste, ce sera simplement un bon
libéral ou un excellent unioniste, cela pourra peut-être arriver,
parce qu'il en reste encore.
M. de Belleval: ... un bon libéral.
M. Bellemare: Des bons libéraux? M. de Belleval: En
reste-t-il encore?
M. Bellemare: Oui, ils sont avec nous, présentement.
Je dis que c'est aller bien loin. Quand je pose cette question, je
regarde l'article 120, le chapitre 17 disparaît de l'ancienne loi. Le
Conseil du trésor approuve les règlements adoptés en vertu
de la loi. "Le Conseil du trésor exerce les pouvoirs du
lieutenant-gouverneur en conseil en tout ce qui concerne l'approbation des
plans d'organisation des organismes du gouvernement autres que ceux
visés à la Loi sur la fonction publique, etc. "Il exerce aussi
les pouvoirs qui sont conférés au lieutenant-gouverneur en
conseil en vertu du Régime de retraite..." Je me demande une chose et je
voudrais avoir votre opinion, M. Bergeron, à savoir si cet article vous
plaît ou non. Ne regardez pas ma face, mais regardez bien l'article. Une
chose reste sûre, c'est que cela va rester dans la loi si on n'y voit pas
aujourd'hui. C'est une véritable perte de droits pour vous qui n'avez
pas l'avantage d'être un syndicat.
M. Bergeron: Actuellement la rétrogradation pour les
catégories de personnel que nous représentons n'existe pas,
à moins qu'un individu en formule, par écrit, la demande à
la Commission de la fonction publique. Quand la Commission de la fonction
publique reçoit une telle demande, elle communique avec l'individu pour
lui demander si on lui a tordu le bras, si on lui a fait ceci ou cela pour
qu'il écrive un tel document. Si l'individu dit non, on ne m'a pas fait
cela, je l'accepte ainsi pour un paquet de raisons, alors la
rétrogradation n'existe pas.
Dans plusieurs ministères, on a développé un
système pour faire accepter des rétrogradations à des
individus. Par exemple, on dit à un individu: Tu demeures à
Québec, toute ta famille est à Québec, tes enfants sont
à l'Université Laval ou à tel CEGEP, on te mute
à...
M. Bellemare: A Rouyn-Noranda.
M. Bergeron: Non, il y a des gens de Rouyn-Noranda aussi. On te
mute à Fort Chimo.
M. Bellemare: Fort Chimo.
M. Bergeron: L'individu dit: Cela n'a pas de bon sens. On lui
répond: Accepte une rétrogradation et on va te garder ici.
M. Bellemare: C'est cela, du chantage!
M. Bergeron: Ce que j'aime mieux et je le dis souvent
plutôt que parler de rétrogradation à un individu
solide, on peut s'organiser pour l'obliger à être
congédié et, là, il a le droit de se faire entendre.
Présentement, les gens ne peuvent pas se faire entendre sur une histoire
de rétrogradation ou sur une histoire de mutation.
M. Bellemare: Si je vous comprends bien, l'article 88 pourrait
rester mais avec un droit d'appel.
M. de Belleval: ...M. le député.
M. Bergeron: Quant aux articles 88 et 89, pour nous, c'est une
perte de droits acquis. On se dit que les organismes qui représentent
des salariés au sens du code, c'est-à-dire le Syndicat des
fonctionnaires, le Syndicat des agents de la paix, le Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec, pour inclure la notion de
rétrogradation dans leur dernière convention, on leur a
sûrement donné un paquet de nanane pour qu'ils acceptent cela.
Quant à nous, le nanane, on ne l'a pas eu, et on nous impose aussi la
rétrogradation avec le projet de loi 53.
Maintenant, j'amerais connaître le nanane que ces gens ont
reçu; peut-être que nos gens seraient bien
intéressés à le recevoir, ce paquet, mais, de toute
façon, pour nous, la rétrogradation, c'est une perte de droits
acquis parce qu'effectivement cela n'existait pas pour nos catégories de
personnel.
M. de Belleval: Est-ce que je peux revenir là-dessus?
M. Bellemare: ...dire le nanane?
M. de Belleval: Oui. Comme je n'ai pas négocié
l'ancienne convention collective, je ne sais pas quel nanane M. Harguindeguy a
reçu de M. Oswald Parent pour accepter cela, ou s'il en a accepté
un; je ne voudrais surtout pas entrer dans ce genre de jeu. Quoiqu'il en soit,
la clause de rétrogradation existe maintenant en vertu des conventions
collectives, et on peut se poser des questions, d'ailleurs, sur son
utilité. Il reste qu'actuellement il est vrai qu'en vertu de la Loi de
la fonction publique, en ce qui vous concerne, les cadres, enfin, les
employés non syndiqués, on ne peut rétrograder. Il faut
mettre à la porte, congédier...
M. Bellemare: Les envoyer à Alma.
M. de Belleval: ...ou envoyer à Fort Chimo, ou, en fait,
mettre sur une tablette, comme on dit. Cela revient au même, mais c'est
plus hypocrite.
M. Bellemare: Oui.
M. de Belleval: Et comme M. Bergeron vient de le dire, au fond,
la clause de rétrogradation, dans un sens, est moins draconienne que le
système actuel, puisque, comme vous venez de le dire, on peut faire des
choses de façon hypocrite, et l'individu n'a aucun droit d'appel. A
moins qu'on le congédie, il ne peut se faire entendre nulle part. Or,
dans ce sens, il me semble que, si on a a choisir entre un système aussi
radical que le système actuel et la clause de rétrogradation,
celle-ci serait un progrès plutôt qu'une perte de droits, ne
trouvez-vous pas?
M. Bellemare: Cela pourrait être un cataplasme sur une
jambe de bois, aussi.
M. de Belleval: Oui.
M. Bergeron: M. le ministre, si on dépose une demande de
révocation pour un individu, il a le droit de se faire entendre devant
la Commission de la fonction publique, en vertu de l'ancienne loi.
M. de Belleval: C'est ce que je dis, en vertu de la nouvelle loi
aussi.
M. Bergeron: Vous disiez qu'il n'y a pas de place où il
peut se faire entendre si on le congédie. En vertu de l'ancienne loi, il
a le droit de se faire entendre devant la commission.
M. de Belleval: Evidemment, c'est la question que je vous pose:
Ne croyez-vous pas, de ce point de vue, qu'entre choisir une procédure
hypocrite, comme celle qui existe actuellement, ou la révocation pure et
simple, la clause de rétrogradation constitue un moyen terme qui est un
progrès?
M. Bellemare: La question que je veux vous poser, c'est: Qui va
exercer ce pouvoir de rétrogradation quand un sous-ministre est
convaincu que celui qui est là lui nuit?
M. de Belleval: Je veux revenir à M. Bergeron. Je
répondrai à votre question. Est-ce que vous ne pensez pas que, de
ce point de vue, c'est un progrès?
M. Bergeron: M. le ministre, il m'est arrivé de conseiller
à des gens d'accepter une rétrogradation. Après avoir fait
une enquête approfondie, j'ai dit aux gens ou à certaines
personnes: Tu serais mieux, pour telle et telle raison, d'accepter ce qu'on
t'offre présentement. Maintenant, je l'aimais, ce système et
j'aimerais le garder.
M. de Belleval: Oui. Je suis d'accord avec vous, mais, au fond,
c'est un système qui ne protège quand même pas tellement
l'individu puisque, vous l'avez dit tantôt, il donne lieu à toutes
sortes de tordage de bras, peut-être de manoeuvres d'intimidation,
à l'occasion, ou même de menaces de renvoi pur et simple. Dans le
système que nous proposons maintenant, il y aurait des
règlements. La rétrogradation ne peut pas se faire, pas plus que
le congédiement, en dehors d'un cadre réglementaire. Elle ne peut
plus se faire en catimini comme elle se fait maintenant, en tout cas, en ce qui
concerne la rétrogradation.
A mon avis, on met sur la place publique, de ce point de vue ou, enfin,
sinon sur la place du grand public mais du moins dans un cadre formel,
verifiable, sur lequel la commission peut enquêter, etc., dans le cadre
d'un règlement, un aspect de la gestion du personnel qui est très
désagréable, mais qui existe de toute façon. On sait qu'il
y a des individus, à un moment donné, qui, pour une raison ou
pour une autre, que ce soit une maladie grave, que ce soit une perte de droit
d'exercice ou que ce soit tout simplement, à un moment donné, une
perte de compétence, au fond, ont intérêt à
être rétrogrades plutôt que, comme dans le système
actuel, à être congédiés purement et simplement.
M. Bellemare: La seule différence qu'il y a, M. le
ministre, c'est qu'ils n'en ont pas de syndicat. C'est probablement pour tous
ceux qui ont signé des conventions collectives dans les six autres
syndicats, moins celui-là, parce qu'eux n'ont pas de convention
collective avec vous, ils sont soumis au bon plaisir du prince. C'est pour cela
qu'ils disent qu'ils vont subir maintenant la loi générale.
M. de Belleval: Oui, mais ils ne subissent pas le bon plaisir du
prince. Comme je l'ai dit, la révocation, pas plus que le
congédiement, maintenant, ne pourra se faire à l'avenir
indépendamment d'un cadre administratif, d'un cadre
réglementaire, et il y a, bien sûr, toute la procédure
d'appel qui est prévue à l'article 89. Dans le cadre des
négociations que nous avons actuellement, des consultations que nous
avons actuellement avec l'Association des cadres intermédiaires, nous
prévoyons, entre autres, que le syndicat des cadres
intermédiaires pourra représenter ses membres en cas de grief sur
ces points. Cela explique aussi l'article...
M. Bellemare: Pas en vertu d'un article, mais en vertu d'un ordre
en conseil.
M. de Belleval: Oui, comme vous l'avez mentionné
vous-même tantôt, ils n'ont pas le droit actuellement, en vertu des
lois, à une accréditation.
M. Bellemare: Non.
M. de Belleval: Nous sommes donc pris, eux comme nous,
d'ailleurs, à fonctionner dans le cadre de négociations de bonne
foi, de rapports de bonne foi, sauf que, comme je l'ai dit tout à
l'heure, plutôt que de faire cela un peu à la bonne franquette
comme cela s'est fait depuis plusieurs années, on est prêt
à le faire d'une façon maintenant formelle et non pas simplement
d'une façon informelle, comme cela se fait maintenant, et en donnant des
droits très précis à l'association et à ses membres
et en imposant aussi un certain nombre d'obligations librement consenties.
A mon avis, cette clause de rétrogradation n'est pas quelque
chose de si effrayant que cela, puisque, comme vous l'avez fait remarquer, elle
existe dans les conventions collectives et c'est un moindre mal par rapport
à un renvoi pur et simple.
M. Bergeron: M. le ministre, ce qui me fait peur, avec la clause
de rétrogradation, c'est que, d'abord, les membres que nous
représentons, ce sont des gens qui ont tous atteint un certain nombre
d'années de service. Or, si on regarde, au gouvernement, par exemple,
les sous-ministres, ce sont de jeunes hommes qui font confiance bien plus
à des jeunes, et les plus âgés, eux, sont vrai-
ment mis de côté. La clause de rétrogradation que
l'on retrouve dans le projet de loi 53, au départ, je suis presque
assuré qu'elle va être adressée tout de suite à des
personnes qui sont rendues à 55, 60, 62, 63, 64 ans, parce que les gens
qui détiennent les pouvoirs dans les ministères ne font plus
confiance aux gens rendus à ces âges.
C'est regrettable, et c'est pour cela qu'on vous demande de ne pas
l'inclure dans la Loi de la fonction publique, parce que les personnes qui vont
être pénalisées, ce sont de bons serviteurs de l'Etat, des
gens qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour l'Etat et on va
les remercier de cette façon. Cela va drôlement les
pénaliser, à part cela, pour leur retraite parce que, s'il y a
une baisse de salaire, cela va les pénaliser pour le reste de leur
vie.
M. Bellemare: Mon cher monsieur, il y a un auteur qui a dit que
les vieux, à cause de leur expérience, c'est une monnaie d'or
pour acheter les péripéties de l'avenir. Je dis cela parce que
j'ai l'âge, Mme le Président; étant le doyen, je ne
voudrais pas qu'on me mette de côté...
M. de Belleval: Vous êtes un homme en or, M. le
député. Remarquez qu'au niveau du gouvernement
fédéral, la fonction publique fédérale, où
cette disposition existe, elle est utilisée, je pense on me
citait les chiffres cette semaine; je crois que c'est pour 300 000 ou 400 000
employés une douzaine de fois par année. Comme on le voit,
c'est vraiment pour des cas exceptionnels. A mon avis, la réglementation
en vigueur, ou la réglementation qui sera approuvée et le fait
que la Commission de la fonction publique sera l'arbitre final en
matière de grief, ferait aussi qu'on ne pourra pas utiliser cette clause
de rétrogradation de n'importe quelle façon, pas plus
qu'actuellement, on peut utiliser la clause de renvoi de n'importe quelle
façon. Il y a fort peu de renvois dans la fonction publique; il faut
quasiment, comme dit la chanson, que vous tuiez le sous-ministre, devant
témoin, avant de pouvoir être révoqué. Il faut que
vous soyez vraiment pris la main dans le sac.
M. Bellemare: Et encore, je ne suis pas bien sûr que la
fonction publique ne les réaccepte pas, ces gars qui ont
été pris la main dans le sac. Je connais des cas
particuliers.
M. de Belleval: II ne faut quand même pas faire un drame
avec des clauses qui sont là pour des cas exceptionnels et qui, dans
toutes les fonctions publiques, y compris la fonction publique
québécoise, en ce qui concerne déjà les clauses en
vigueur, sont fort peu utilisées.
Maintenant, je ne suis pas prêt non plus à en faire tout un
plat, si cela sert si peu souvent que cela. Il reste que, malgré tout,
à un moment donné, il y a des individus qui, vraiment, ne veulent
pas admettre qu'ils ont dépassé leur niveau d'incompétence
et qu'on laisse comme cela, sans révocation. Je ne pense pas non plus
que ce soit un principe de saine gestion de la fonction publi- que que de
garder des gens à fort salaire à ne rien faire, à toutes
fins pratiques, parce qu'ils ne sont vraiment plus compétents pour
exercer leur fonction. Il s'agit d'avoir une espèce d'équilibre
entre l'efficacité, la justice pour l'ensemble des fonctionnaires et des
contribuables, d'une part, et évidemment éviter que ces clauses
deviennent des occasions d'arbitraire et d'injustice pour les individus. Mais,
est-ce que vraiment il n'y a pas moyen de faire comme d'autres ont fait, dans
des circonstances semblables, et d'utiliser ces mécanismes d'une
façon civilisée, dans un cadre réglementaire, avec des
droits d'arbitrage, de grief, etc.? Est-ce que vraiment cela n'est pas
possible?
M. Bellemare: Le premier paragraphe de l'article 89 dit que la
commission peut maintenir, annuler ou modifier la décision rendue. Ce
qui veut dire que, même si les arguments sont bons, la commission peut
complètement rejeter la décision qui serait rendue ou la
modifier.
M. de Belleval: Non, tout ce que cela veut dire, c'est que la
commission entend l'appel. Elle a déjà une jurisprudence, elle
fait d'ailleurs ce travail en ce qui concerne les renvois, les
congédiements; elle le fait déjà et, de ce point de vue,
il y a une jurisprudence, il y a des règles, il y a des
règlements et, si on ne fait pas la preuve de l'incompétence, on
ne peut renvoyer le fonctionnaire ou on ne peut le rétrograder.
Je voudrais revenir sur une chose que vous avez dite tantôt, M. le
député. Quand vous dites... Vous avez laissé entendre
qu'il s'agissait de quelque chose de nouveau, cet article 88...
M. Bellemare: Pour eux, pas pour les autres syndicats.
M. de Belleval: C'est cela, mais je voudrais quand même
indiquer d'une façon très claire que l'article 88 reproduit,
à toutes fins pratiques, ce qui existe pour l'ensemble des
employés...
M. Bellemare: Qui a été négocié, je
sais cela, qui est dans la loi...
M. de Belleval: ... sauf en ce qui concerne la clause de
rétrogradation en ce qui concerne les employés non
syndiqués. Maintenant, je pose la question à M. Bergeron: Est-ce
que, vraiment, vous considérez que c'est une perte de droit, que c'est
une épée de Damoclès ou si, au fond, ce n'est pas une
clause normale qu'on retrouve ailleurs, dans d'autres fonctions publiques,
qu'on retrouve d'ailleurs à l'intérieur même de la fonction
publique québécoise et qui, utilisée d'une façon
civilisée, dans le cadre de règlements, comme je l'ai dit, avec
droit d'appel, n'est pas au fond plutôt un avantage pour plusieurs de vos
membres plutôt qu'un désavantage? En fait, vous avez le choix
entre la peste et le choléra.
M. Bellemare: II y a la peste et le choléra, mais il y a
aussi la famine.
M. de Belleval: On vous propose, comme aux autres, un
système réglementaire objectif où, au fond, vos membres
vont avoir des droits supplémentaires plutôt que d'en perdre.
Comme, actuellement, pour les cadres, qu'il s'agisse des cadres
intermédiaires ou des cadres supérieurs, c'est le règne de
l'hypocrisie, c'est le règne de la tablette larvée ou c'est le
congédiement pur et simple, je vous repose la question. Vous pourrez
toujours y repenser et en rediscuter; on pourra s'en reparler, je n'y tiens pas
comme à la prunelle de mes yeux. Après tout, je l'ai dit
tantôt, ce n'est pas une clause qui est tellement utilisée que
toute l'efficacité de la fonction publique en dépende demain
matin. Mais ce n'est pas non plus l'épouvantail qu'on essaie de
monter.
M. Bellemare: Non. On dit que cela existe dans toutes les
conventions collectives, sauf la leur. Mais vu que c'est leur mémoire
qu'on discute, c'est pour cela que j'ai demandé à M. Bergeron ce
qu'il en pensait au point de vue de la rétrogradation et des droits
acquis. M. Bergeron dit: Ecoutez, j'aimerais mieux rester dans le statu quo que
de m'exposer, parce que je n'ai pas de syndicat, parce que j'appartiens
à la bonne volonté du prince, pas à autre chose. Quand ce
sera dans la loi, je subirai cela moi aussi, indépendamment de ce qui
peut arriver.
M. de Belleval: On y reviendra un peu plus tard, il n'y a rien
qui nous empêche si ce n'est pas assez clair dans la loi qu'un
amendement le dise que sur ces aspects-là comme sur beaucoup
d'autres, et je pense à l'intervention du député de
Jean-Talon à l'occasion de sa remarque sur l'article 52a qui permet
actuellement une négociation sur des choses qui sont de la
compétence de la Commission de la fonction publique et qui deviendront
de la compétence du ministre plus tard, pour autant que, dans le cadre
qui existe déjà, la commission y ait concouru par
règlement, il n'y a rien qui empêche, dis-je, que pour des clauses
semblables aussi je suis d'accord avec vous que c'est important pour
vous, pour vos membres le pouvoir soit donné au ministre, mais
que ce pouvoir il l'exerce dans le cadre de règlements et qu'il concoure
par règlement à discuter de ces choses avec vous. Autrement dit,
que l'application de cette clause fasse l'objet d'une négociation comme
elle fait l'objet d'une négociation avec les syndicats. Cela
m'apparaît tout à fait valable que, dans des secteurs semblables,
il y ait effectivement une concertation soit avec les syndicats, comme cela
existe déjà, soit avec les associations. A ce moment-là,
sans doute que cela apparaîtrait moins dangereux de votre point de vue
puisque vous concourriez vous aussi à l'application de la clause. C'est
pour cela que je pense que vous devriez y penser encore.
M. Bellemare: II faudra que vous exigiez votre nanane vous
aussi.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député
d'Abitibi-Ouest et M. le député de Laviolette m'ont fait signe
qu'ils voulaient intervenir et il y a aussi le député de
Jean-Talon qui voulait intervenir sur le même sujet, mais je vous
demanderais quand même de réserver votre question, M. le
député, parce que les autres ont déjà
demandé la parole depuis longtemps.
M. le député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Mme le Président, avant de poser mes
questions, vous me permettrez de faire une remarque générale sur
la façon dont les travaux se déroulent à la commission
parlementaire actuellement. Je ne pense pas que nous réalisions
pleinement le mandat qui nous a été confié par la Chambre.
Je pense qu'on devrait utiliser au maximum la présence de ceux qui ont
préparé un mémoire, en l'occurrence le Syndicat des cadres
du gouvernement du Québec, et éviter le plus possible les
discussions de compréhension des différents articles de la loi
parce qu'on se penserait quelquefois en discussion après une
deuxième lecture, et ce n'est pas le cas. Quant à moi, je pense
qu'il y aurait davantage lieu de poser des questions à ceux qui ont
travaillé le mémoire, de les interroger sur les commentaires
qu'ils nous ont faits et de profiter, justement, du fait qu'ils nous font part
de leurs commentaires pour bonifier la loi, s'il y a lieu de le faire, et pour
s'enquérir d'un certain degré d'incompréhension mutuelle,
les membres de la commission versus les dépositaires de rapports.
M. Bellemare: Qu'avez-vous à dire contre moi? Je n'ai fait
que cela poser des questions.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le
député.
M. Gendron: Je n'ai rien dit contre vous, je fais une remarque
à l'ensemble des membres de la commission, M. Bellemare. Si vous vous
sentez visé, ce n'est pas de ma faute.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député
d'Abitibi-Ouest, votre question s'il vous plaît!
M. Gendron: J'aurais une première question à poser.
A un certain moment vous mentionnez, sur la question de l'article 17, M.
Bergeron, qu'un mandat de dix ans pourrait apporter une plus grande
objectivité de la part des membres de la commission, au lieu du mandat
de cinq ans mentionné dans l'article. Je voudrais tout simplement savoir
sur quoi est basé le fait que vous concluez que si le mandat
était de dix ans , on aurait davantage de chances d'une plus grande
objectivité. J'aimerais que vous articuliez davantage.
M. Bergeron: C'est parce que la vie d'un gouvernement est
habituellement de cinq ans. Alors, à chaque changement de
gouvernement...
M. Bellemare: Parfois, c'est trois.
M. Bergeron: ...on changerait en même temps les membres de
la Commission de la fonction publique. Avec dix ans, on aurait peut-être
la chance d'avoir des membres à la Commission de la fonction publique
qui pourraient survivre à un gouvernement et demi, à deux
gouvernements, peut-être même à trois. Dans les
circonstances, pour assurer une plus grande objectivité de la part de
ces gens, on vous demande de bien vouloir étendre à dix ans le
mandat des membres de la commission.
M. Gendron: A l'article 31, vous mentionnez simplement que vous
comprenez par là que les décisions de la commission seront
dorénavant finales et sans appel. Vous vous abstenez de porter un
jugement ou une appréciation quelconque. J'aimerais savoir, en plus de
conclure à l'état de fait, quel est votre point de vue
là-dessus. Est-ce que vous êtes en accord ou en désaccord
ou si vous avez des commentaires particuliers?
M. Bergeron: La dernière phrase de l'article 31 dit:
"Celle-ci (la commission) peut, pour cause, réviser ou révoquer
toute décision qu'elle a rendue". Par exemple, si elle a entendu une
cause de révocation et avait décidé que l'individu ne
devait pas être révoqué, à un moment donné
elle révise sa décision et l'individu se trouve
révoqué. Je me dis que, si la commission a le pouvoir de
réviser ses décisions, l'individu qui s'est vu imposer une
décision doit avoir le pouvoir de faire réviser la
décision. C'est dans ce sens qu'on a fait le commentaire à
l'article 31.
M. de Belleval: Je veux juste donner une explication
là-dessus, très simple; c'est que ce réexamen est normal,
s'il y a un fait nouveau. Quelqu'un a été révoqué
sur un témoignage et on se rend compte, six mois plus tard, que le
témoignage était faux, qu'il y a d'autres témoignages
convergents qui disent que le témoignage sur lequel quelqu'un a
été révoqué était faux. La commission doit
avoir le droit, comme n'importe quel tribunal, de réentendre les
parties. C'est en cas de circonstances semblables. Ce n'est pas un droit
d'appel général. Ce n'est pas un droit d'appel d'ailleurs; c'est
un droit de réouverture pour cause, parce qu'il y a eu manifestement une
irrégularité commise. C'est juste ça.
M. Bellemare: Si ça se présentait, vous avez
toujours le Protecteur du citoyen qui peut réviser cette
décision.
M. de Belleval: II ne peut pas réviser, il peut seulement
conseiller. Il faut que quelqu'un ait le droit de réviser.
M. Bellemare: Si, dans certains cas, il y a une véritable
rétrogradation qui n'est pas admissible au point de vue des
critères de base, le Protecteur du citoyen fait comme à la
Commission des accidents du travail. Il fait plus que donner des avis. Il
oblige la commission à changer complètement sa
décision.
M. de Belleval: II n'a pas de pouvoir de redressement. Il faut
donc donner à la commission le pouvoir de redressement.
M. Bergeron: A ce moment-là, il faudrait aussi
peut-être donner à l'individu impliqué un pouvoir de
redressement; il faudrait que cela aille des deux côtés.
M. de Belleval: Cela va des deux côtés.
M. Bergeron: Ah bon. Comme ça, le texte que nous avons
produit où on vous dit qu'on estime que les décisions de la
commission ne seront plus dorénavant finales et sans appel, vous
êtes d'accord avec ça?
M. de Belleval: Non. C'est-à-dire que les décisions
sont sans appel, sauf si un fait nouveau survient à un moment
donné et que manifestement la décision qui est sans appel et qui
a été rendue doit être revue. Je vous parlais tantôt
d'un faux témoignage. Quelqu'un revient deux ans après et dit:
Vous savez, le monsieur que vous avez révoqué parce qu'il avait
fait telle chose, vous l'avez révoqué sous la foi de tel
témoignage, on vous demande de rouvrir le procès. C'est la
même chose qui existe dans le droit ordinaire. Il vient de se produire un
fait nouveau et on se rend compte que ce témoignage était un faux
témoignage. On ne se prononce pas sur le mérite; c'est qu'il
existe un fait nouveau. La commission regarde ça et dit: C'est vrai, il
y a un faux témoignage. Donc, il faut changer notre décision,
parce que c'est un fait nouveau. Si on ne lui permet pas de changer sa
décision, même si on se rendait compte et que tout le monde
était d'accord pour dire qu'il y a une injustice, on ne pourrait pas
revenir en arrière. C'est seulement ça, ce pouvoir; c'est
purement technique.
M. Bergeron: Parfait. Merci.
M. Garneau: Je ne suis pas d'accord du tout avec les propos du
ministre dans la formulation de l'article tel qu'il est rédigé.
Ce qu'il explique, ce n'est pas le sens de l'article 31 ; il faudrait qu'il
soit rédigé autrement.
Je crois que la question telle qu'elle a été
soulevée doit être posée, parce que c'est une chose que de
rendre une décision sans appel et que la commission elle-même
déclare s'être trompée à un certain moment. Mais je
crois que l'article 31, si c'est le sens que vient de donner le ministre qui
joue, devrait être formulé autrement.
D'ailleurs, je n'ai pas voulu entrer dans tous les détails, mais
il y a plusieurs articles dans le projet de loi où cette question de la
décision de la commission à savoir si elle est avec ou sans
appel, il faudra que ce point soit précisé. Lorsqu'on
étudiera le projet de loi article par article je n'ai pas voulu
le faire à ce stade-ci de nos travaux après la
deuxième lecture, il faudra le préciser. Il y a plusieurs de ces
articles, j'invite le ministre à les regarder, où, à
certains endroits, on l'indique et à d'autres endroits, on ne l'indique
pas. Il faudrait
savoir pourquoi on ne l'indique pas partout ou nulle part.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député,
vous avez terminé. M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Ma question porte sur l'article 70. Quand vous avez
parlé du principe du mérite, vous posez une question à
savoir quelle est la position de la commission parlementaire sur ce
principe.
Vous avez donné comme exemple des choses qui se rapportaient au
salaire, ce qu'on appelle dans le jargon la "merit pay", ou la paie
mérite, et je pense que le texte ne veut pas dire cela. Quelle relation
faites-vous entre les deux?
M. Bergeron: Je n'ai pas pu justement vous dire que j'ai
apporté cela strictement comme exemple. Je voulais vous le dire.
Pourquoi ai-je apporté cela comme exemple? C'est le seul exemple qu'on a
vécu dans la fonction publique au niveau du principe du mérite.
C'est pour cette raison que je l'ai apporté en exemple, tout
simplement.
M. Jolivet: Très bien. C'est comme exemple simplement et
non pas sur le texte...
M. Bergeron: Strictement comme exemple, oui.
M. Jolivet: Très bien.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon, vous aviez manifesté l'intention de poser une question.
M. Garneau: Oui.
Le Président (Mme Cuerrier): ... au président du
syndicat à propos de l'article 88.
M. Garneau: 88. C'est juste, et également pour faire des
commentaires. Je pense qu'on parle de choses, non pas en regard de M. Bergeron,
mais il y a eu des échanges de propos autour de la table qui m'incitent
à me reposer des questions sur l'interprétation des textes, parce
que là, on va appliquer une loi. On n'appliquera pas des intentions,
même si elles sont consignés au journal des Débats.
Le député de Johnson a souligné, à juste
titre, la différence qu'il pouvait y avoir entre un syndicat ou une
association comme la vôtre et un syndicat dûment
accrédité en vertu des dispositions du Code du travail.
Je voudrais attirer l'attention de la commission et peut-être du
ministre aussi sur le fait que la portée de l'article 88, quand on le
regarde en regard de l'article 119. il fait en sorte que toutes les questions
concernant les suspensions, congédiements, appel d'un employé qui
se croit lésé par une décision relativement à son
classement, ces choses ne seront plus négociables à l'avenir.
Elles seront en dehors du champ de négociation, à moins que le
ministre accepte de négocier ses propres règlements et c'est bien
important de le souligner et j'attire l'attention...
Je pense que le député de Johnson l'avait noté
également, mais dans le cas des syndicats, comme le Syndicat des
fonctionnaires provinciaux du Québec, le syndicat des autres
employés qui sont dûment accrédités, qui ne sont pas
uniquement des associations qu'on appelle bona fide, les paragraphes e), f) et
g) sont supprimés par le paragraphe c) de l'article 119, de telle sorte
que toutes ces questions ne seront plus négociables, dans le cadre d'une
négociation collective.
Un autre point que je voulais souligner. L'article 88 est un article de
droit nouveau et je ne dis pas qu'il ne doit pas exister dans le cadre d'une
gérance un peu plus efficace de la fonction publique certains processus
semblables à ceux exposés là, mais une des grandes
différences que souligne l'article 88 en regard de l'article 119, c'est,
comme les règlements ne feront plus partie des conventions collectives
concernant les congédiements, les suspensions et les appels pour un
employé qui se sent lésé dans son classement, l'appel qui
sera fait à la commission sera fait en vertu du règlement du
ministre et la commission aura à statuer en fonction de ce qu'on appelle
le droit statutaire et non pas en fonction du mérite, en fonction de
l'équité. C'est une différence assez importante, parce
qu'à moins que le ministre nous dise et qu'il nous le prouve en le
mettant dans son règlement, la Commission de la fonction publique qui va
entendre le droit d'appel suite à un congédiement ou selon les
autres choses écrites à l'article 88, cette dernière ne
pourra faire autrement que statuer en fonction du règlement et non pas
en fonction de l'équité.
Si le règlement dit, par exemple, qu'un employé qui est
arrivé cinq fois en retard, on le congédie. La commission va
entendre l'appel. Elle va vérifier si c'est vrai que l'employé
est arrivé cinq fois en retard c'est une exagération
mais c'est pour donner un exemple si c'est vrai, la commission
n'aura pas d'autre choix que d'appliquer le règlement
édicté par le ministre et, dans ce sens, le bonhomme pourrait
être arrivé en retard cinq fois parce que, cinq fois, il venait de
Lévis, il y avait eu un accident sur le pont de Québec et il
avait été pris dans un embouteillage de la circulation.
Si la commission pouvait juger en termes d'équité, elle
dirait que cela n'a pas de sens. C'est vrai qu'il est arrivé cinq jours
en retard, mais il avait des raisons. Donc elle pourrait juger en termes
d'équité, à moins que le règlement nous le dise;
cela, je ne le sais pas parce que je n'ai pas le règlement et qu'un
règlement peut toujours être changé. Il y a le fait,
d'abord, qu'il ne soit plus négociable pour n'importe quel syndicat; le
fait que cela devienne dans son application un droit statutaire et non pas
comme un appel en vertu d'un grief où souvent l'arbitre juge en termes
d'équité et en plus le tribunal d'arbitrage est
désigné par le syndicat, par l'employeur et souvent avec un
arbitre, une tierce personne ou encore à partir d'une liste de gens
admissibles au ministère du Travail
pour agir comme arbitres. Tout cela fait qu'il faudrait sans doute
réviser et étudier bien à fond cette question. L'article
88, surtout pour ce qui est des syndicats qui sont appelés à
négocier en bonne et due forme d'après le texte de la loi, je ne
vois pas pourquoi les syndicats ne pourraient pas négocier, dans le
cadre d'une convention collective, les paragraphes e, f et g.
Quand on parle des règlements de griefs, là aussi il y a
des problèmes que je ne voudrais certainement pas aborder pour le
moment, mais certainement e, f et g. Pour ce qui est des autres personnes qui
ne sont pas membres de syndicats suivant les normes du Code du travail, il y a
une explication qu'il va falloir savoir. Je ne sais pas comment elle peut
être donnée. Peut-elle être donnée dans la loi? Ce
serait sûrement une plus grande assurance à savoir si cette
nouvelle procédure sera du droit statutaire ou de
l'équité. La commission a consacré un certain nombre de
minutes à étudier cet aspect. Probablement qu'on aura l'occasion
de le voir avec d'autres groupes qui viendront témoigner, mais chose
certaine, c'est qu'il y a matière à réflexion parce que la
portée des articles 88 et 89, lus en regard des articles 119 et 3, est
beaucoup plus large, même dans le cadre d'une stricte efficacité
de la fonction publique. Je sais qu'il y a parfois des tablettes, comme le
disait le ministre, mais cet article 88, en plus de tout le reste,
n'élimine pas les tablettes. Il ajoute, mais il n'élimine pas les
tablettes, de telle sorte que cela m'apparaît un domaine où il
s'agit de droit nouveau. Avant de le geler dans des textes législatifs,
je ne veux pas me prononcer, pour le moment, sur la question de savoir s'il
devrait y avoir un pouvoir comme celui qui est inclus à l'article 88.
Mais s'il l'était, je crois qu'il faudrait prendre des
précautions qui seraient élémentaires pour s'assurer que
cela ne constitue pas un accroc aux relations normales de travail entre
employeurs et employés.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le président du
syndicat.
M. de Belleval: Avez-vous quelque chose à dire
là-dessus, M. Bergeron?
M. Bergeron: Effectivement, dans notre mémoire, à
plusieurs endroits on vous mentionne qu'on aimerait connaître les
règlements qui vont aller avec tel article. J'ai vécu encore une
expérience je m'excuse de toujours vous parler en termes
d'expérience dans l'ancienne loi de la fonction publique,
c'est-à-dire dans cette qui est actuellement en vigueur, on a l'article
45 qui traite des surnuméraires. Pour moi, les surnuméraires ce
sont les cas de tablettes, présentement. On dit que ces gens doivent
être référés au ministère de la Fonction
publique. Là, le ministère de la Fonction publique doit faire
quelque chose avec eux. On a eu plusieurs cas comme cela, mais, comme on n'a
jamais développé au sein du ministère de la Fonction
publique un service pour recevoir ces gens, on se dit alors que c'est bien beau
des articles dans une loi, mais, si on ne passe pas les rè- glements qui
vont aller avec les articles, qu'est-ce que cela donne au bout? C'est pour cela
que dans notre mémoire on vous demandait de bien vouloir nous
déposer, avant l'adoption de la loi 53, les fameux règlements qui
vont aller avec la loi 53.
M. de Belleval: II serait à peu près impossible de
faire cela pour des raisons évidentes. Votre suggestion de
procéder plutôt par prépublication des règlements,
à mon avis, est intéressante. Dans ce sens, même si la loi
est adoptée, il faudrait revenir ensuite en prépublication pour
les règlements, donc discussion des règlements comme tels, parce
que c'est cela qu'on veut. Ce qu'on veut c'est de faire en sorte qu'il y ait
une discussion à un moment donné sur les règlements, peu
importe le moment, soit qu'ils soient adoptés en même temps ou
après la loi. De toute façon il y en aura toujours qui seront
adoptés après la loi.
Je voudrais revenir sur l'aspect soulevé par le
député de Jean-Talon, il est évident que l'intention du
ministre et aussi l'intention de la loi, ce n'est pas, comme je l'ai dit tout
à l'heure, de restreindre une procédure qui était
déjà prévue par les conventions collectives.
En ce qui concerne l'article 52a, vous avez souligné avec raison
que cet article, sans restreindre le pouvoir de réglementation du
ministre, ne soustrayait pas à l'aire des négociations ou
permettait de ne pas soustraire à l'aire des négociations des
matières qui relevaient de la Commission de la fonction publique. Il y a
une clause qui permet donc à la commission de concourir à une
négociation entre le syndicat et le ministre ou, enfin, le gouvernement.
On me suit bien, là-dessus?
M. Garneau: Je ne suis sûr d'avoir compris, mais j'aimerais
que vous repreniez, parce que je ne suis pas certain que les textes disent ce
que vous exprimez.
M. de Belleval: Je veux dire que le texte, actuellement...
M. Garneau: Le texte, actuellement, à l'article 52a...
Le Président (Mme Cuerrier): Je me trouve dans
l'obligation de vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'une discussion mais bien
d'entendre le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec;
actuellement, nous prenons une tangente.
M. Garneau: Ce que vous dites est vrai, Mme le Président,
mais, d'un autre côté, si on veut s'entendre, si on veut se
comprendre avec les témoins, il faut au moins qu'on sache exactement la
portée de la loi, parce qu'il y a d'autres aspects, aussi. Vous avez
fait une recommandation au sujet de la signature des ententes, mais si la loi
est adoptée telle qu'elle, je me demande, au juste, ce que vous allez
signer dans votre entente, parce que je vous assure qu'il ne reste pas
grand-chose à négocier.
Comme ancien membre du gouvernement, parfois, je me dis: Le pouvoir
politique aime bien avoir un champ assez vaste mais, là, il faut
quand
même se rendre compte que ce qui va rester, une fois qu'on aura
fini nos discussions et que cette loi sera adoptée, cela va être
le texte de la loi; quand vous nous dites, par exemple, à l'article 6,
que vous voudriez que le pouvoir soit pour signer des ententes, "checkez" bien
vos "claques", parce qu'il ne reste plus grand-chose à signer dans vos
ententes.
Si le sens, si la portée juridique de la loi est comme je la
comprends, et elle me paraît assez claire, peut-être que, lorsque
le ministre l'explique, ce que je comprends de ses propos, en tout cas, c'est
qu'ils ne sont pas en concordance avec le libellé de l'article, et si
c'est moi qui comprends mal, je serai très heureux de me le faire
expliquer, mais si c'est moi qui ai raison, il faudrait sans doute que le
ministre analyse, avec ses conseillers juridiques, le texte de loi tel qu'il
est, pour être bien sûr qu'il traduit ses intentions, et c'est ce
qui est important, dans le cas présent.
M. de Belleval: Ce que je voulais dire là-dessus, je me
rends compte que nous parlons de la même chose, et c'est ce qui est
important, effectivement, je pense, et vous avez raison de le souligner, non
seulement pour l'Association des cadres, mais aussi pour les autres qui vont
venir tout à l'heure, qu'il s'agisse de syndicats en vertu du Code du
travail, c'est encore plus évident dans leur cas, puisque, pour les
cadres qui sont non syndiqués, de toute façon, la situation
actuelle n'est pas meilleure que ce que nous proposons, puisque, de toute
façon, ils n'ont pas de droit de négociation, formellement,
actuellement.
Et ce qu'on dit maintenant servira, de toute façon, lorsqu'on
discutera avec les représentants dans le cadre des prochains
mémoires, mais ce que je veux dire là-dessus je pense
qu'il est important qu'on se comprenne tout de suite c'est que si
l'interprétation de la loi, telle que rédigée
actuellement, devait être en ce sens que les possibilités que nous
offre l'article 52a, actuellement disparaissent, ce n'est pas l'intention du
ministre, comme je le dis, ni de la loi, de faire cela et, à ce
moment-là, il faudra réintroduire la porte que nous ouvrait
l'article 52a, c'est ce que je veux dire.
M. Garneau: A ce moment-là, cela signifierait tout
simplement que s'il y avait à modifier l'article 119, il devrait
disparaître, à toutes fins utiles, à moins que ce ne soit
pour apporter des amendements de concordance à l'avant-dernier et au
dernier paragraphes, où on fait référence à la
commission et au lieutenant-gouverneur, et les modifier, à ce
moment-là, pour inclure les noms des organismes, que ce soit le ministre
ou autrement.
M. de Belleval: L'office de recrutement, la commission ou le
ministre.
M. Garneau: II restera toujours l'ambiguïté de savoir
si, juridiquement, on voit qu'on fait du droit nouveau, parce qu'il y a un
principe juridique qui a toujours été dans la loi, qui dit
comment dit-on cela en latin? "Delegare non potest"?
M. de Belleval: "Delegatus non potest delegare".
M. Garneau: On l'a viré à l'envers, cela veut dire
la même chose, on l'étend d'une façon sensible et, ici, on
fait encore du droit nouveau puisque, si on gardait l'article 3 tel qu'il est
là, cela voudrait dire qu'on ferait encore du droit nouveau, où
le lieutenant-gouverneur négocierait ses propres règlements. Ou
on négocie une convention collective, ou on ne la négocie
pas.
A ce moment, je ne vois pas pourquoi, dans le cadre des fonctions qui
sont attribuées à des personnels régis par un syndicat en
bonne et due forme, je ne vois pas pourquoi ces questions ne seraient pas
réglées dans le cadre de la convention collective plutôt
que dans le cadre d'un rè-qlement parce qu'il va y avoir quelque chose
qui va sonner faux. Je pense que, sur le plan juridique, il y a des gens qui
nous écoutent et qui, probablement, sont plus savants que moi
là-dessus... Il y a certainement matière à
réflexion.
Je pense que j'arrêterais là pour le moment.
Le Président (Mme Cuerrier): II me reste donc, M. le
Président, à vous remercier ainsi que le syndicat des cadres du
gouvernement du Québec, dont vous êtes le porte-parole, pour
être venus éclairer cette commission sur votre façon de
penser par rapport à la loi 53 après la première
lecture.
J'inviterai maintenant MM. Alfred Veilleux et Bruno Duchesne qui
présentent à la commission un mémoire à titre
personnel. M. Veilleux, M. Duchesne.
MM. Alfred Veilleux et Bruno Duchesne
M. Duchesne (Bruno): Mme le Président, nous tenons tout
d'abord à remercier la commission parlementaire et ses membres de bien
vouloir nous permettre d'exprimer notre point de vue sur le projet de loi sur
la fonction publique et nous tenons également à remercier le
gouvernement du Québec de s'être intéressé
dès sa première année de pouvoir au problème de la
fonction publique. Nous tenons également à préciser
immédiatement que nous sommes deux professionnels à l'emploi du
gouvernement du Québec depuis déjà un certain nombre
d'années et que nous présentons ce mémoire à titre
strictement personnel.
Il s'agit de notre réflexion sur la situation de la fonction
publique québécoise vue de l'intérieur en rapport avec ce
que le projet de loi 53 veut y corriger. Le but du mémoire que nous
présentons devant la commission parlementaire est de mettre l'accent sur
ce qui apparaît être les principaux problèmes de la fonction
publique, c'est-à-dire ceux de l'ensemble de l'appareil administratif du
gouvernement du Québec. Selon la présentation du ministre de la
Fonction publique, le projet de loi sur la fonction publique vise
principalement l'amélioration de la productivité et de
l'efficacité dans l'utilisation du personnel de la fonction publique et
tente de renforcer et d'expliciter le prin-
cipe et les modalités d'application du régime du
mérite qui doit gouverner l'entrée et la promotion dans la
fonction publique.
Après avoir lu ces buts, le lecteur s'attend à trouver
dans ce projet de loi une définition de ce qu'est une fonction publique
efficace qui saura utiliser au maximum ses ressources humaines dans le meilleur
intérêt de tous les Québécois qu'elle doit
desservir. Mais, lorsqu'on lit les 136 articles du projet de loi, nous
constatons que, exception faite de l'article 5, paragraphe b), qui dit: "Le
ministre est en outre chargé d'élaborer et de proposer au
gouvernement des mesures visant à accroître l'efficacité du
personnel de la fonction publique", ce projet de loi ne fait que modifier les
structures actuelles chargées de la dotation du personnel, redistribuer
certains pouvoirs quant à la promotion du personnel de la fonction
publique et remettre en cause certains volets des conditions de travail des
fonctionnaires qui sont actuellement régis par des conventions
collectives.
Nous ne croyons pas que ces efforts, si louables soient-ils,
solutionnent les problèmes d'efficacité du personnel de la
fonction publique québécoise, ni qu'ils permettent de
préciser ce qu'est le mérite de chaque fonctionnaire afin que
l'on puisse le récompenser ou le punir. Il faut, certes, qu'un
ménage soit fait parmi les fonctionnaires et que l'on améliore
l'efficacité des processus de recrutement pour combler les postes
vacants. Ne serait-il pas plus important d'opérationnaliser le concept
de fonction publique au service de la population québécoise? Si
l'avancement des employés de la fonction publique est basé sur le
principe du mérite, il faudrait, à notre avis, que ce
mérite soit basé sur la production des fonctionnaires.
Cette production s'appelle, selon nous, avant tout, un service public
à une population définie qui exprime ou ressent des besoins
spécifiques.
On cherche vainement dans le projet de loi sur la fonction publique
cette notion de service à la population québécoise et des
mécanismes susceptibles d'évaluer la qualité ou la
quantité de ces services.
C'est principalement cette absence de mécanismes
d'évaluation des programmes de la fonction publique et de leur impact
auprès de la population québécoise qui nous fait croire
que ce projet de loi risque de ne pas atteindre les principaux objectifs qu'il
vise. A la rigueur le projet de loi sur la fonction publique, tel que
déposé, permettra peut-être d'améliorer
l'efficacité de l'actuelle Commission de la fonction publique qui met un
temps incroyable à combler les postes vacants des ministères et
organismes du gouvernement du Québec. Mais que fera-t-il pour
l'efficacité des autres ministères?
M. Veilleux: Vous me permettrez d'essayer de synthétiser
ce qui nous apparaît être les principaux problèmes de la
fonction publique. On ne veut pas présenter ici une liste exhaustive des
problèmes de la fonction publique, mais simplement identifier ceux qui
nous apparaissent les plus centraux et les plus urgents. J'en nommerais
cinq.
Il y a la centralisation et l'absence de délégation de
pouvoirs; la mobilité presque inexistante; la relation entre
l'administratif et le politique il y a plusieurs points sur ce sujet qui
semblent gravement déficitaires ; il y a l'absence de
mécanisme d'évaluation des programmes gouvernementaux
c'est probablement la carence fondamentale à notre avis et enfin
il y a un problème général de motivation qui
n'apparaît pas dans notre texte en détail comme problème,
mais au niveau des recommandations. Nous y reviendrons.
Le premier problème qui nous apparaît fondamental est celui
de la centralisation et de l'absence de délégation de pouvoirs.
La fonction publique du Québec, c'est une bureaucratie
présentement très centralisée où on ne retrouve
pratiquement pas de délégation de pouvoirs mais pas dans
le même sens que délégation de pouvoirs du texte de loi
et où il est pratiquement impossible de trouver une personne
finalement responsable d'un dossier. Toutes les décisions doivent
remonter aux organismes centraux et la puissance de court-circuitage des
organismes centraux est énorme. Les sous-ministres et autres cadres
supérieurs je veux simplement rappeler qu'il y a environ 65
organismes autonomes, 22 ou 23 ministères et 3 ou 4 organismes centraux,
alors c'est dans ce contexte que je parle des organismes centraux et des
ministères n'ont que le pouvoir de recommander à ces
organismes centraux, dans plusieurs cas, des moyens d'utiliser des ressources
qui leur sont allouées en début d'exercice financier et qu'en
principe ils ont la responsabilité d'administrer. Malheureusement, la
plupart du temps il s'agit là d'une responsabilité sans pouvoir
réel de l'exercer puisqu'il y a toujours des possibilités de
court-circuiter.
Le deuxième phénomène ou problème assez
aigu, c'est celui de la mobilité qui nous apparaît presque
inexistante. Ce problème a été rappelé à
plusieurs occasions par les actuels ministres du gouvernement par des ministres
de gouvernements antérieurs, par le premier ministre lui-même,
lors d'un discours qu'il faisait à la remise des diplômes de
l'ENAP. On déplore, en général, le fait que les
fonctionnaires ne sont pas suffisamment mobiles dans la fonction publique, et
là il s'agit de mobilité horizontale, c'est-à-dire
mobilité qui n'implique pas de promotion. La possibilité de
pouvoir faire changer quelqu'un de poste.
Pourquoi les fonctionnaires ne sont-ils pas très mobiles? Nous
croyons que la principale raison est le fait que, dans la fonction publique,
les employés de l'Etat sont affectés sur le principe de postes de
travail, plutôt que d'être affectés ou de travailler sur des
mandats précis. Dans quelque organisation que ce soit, un employé
chargé d'un mandat clair sait que lorsqu'il aura réalisé
son mandat, il devra nécessairement, par la suite, changer de travail.
Evidemment, les postes sur lesquels les fonctionnaires sont affectés
font partie intégrante d'un service, d'une direction ou d'un
ministère; il devient donc nécessaire, pour un fonctionnaire qui
veut être mobile, de changer de poste. Nous suggérons et nous nous
demandons
s'il ne serait pas plus simple de le faire changer de mandat, si notre
structure était ainsi conçue.
Les administrateurs des ministères, lorsqu'ils ont un mandat
important à confier à quelqu'un présentement, doivent
d'abord se demander s'ils ont un poste disponible pour y affecter une personne
apte à réaliser ce mandat. Ce poste, sauf exception, est
désormais fixé dans la structure, même quand le mandat est
réalisé, alors que, déjà, fondamentalement, il
existe, pour un grand nombre de fonctionnaires, une permanence de base. Je
voudrais noter ici que ce problème de mobilité ne touche pas
nécessairement tous les employés de l'Etat, mais il y a un
certain nombre de professionnels, de spécialistes, ainsi que de cadres
qui, normalement, sont appelés, selon les urgences, ou devraient
être appelés, à travailler à différents
endroits et non pas à demeurer uniquement et éternellement
fixés dans tel ou tel poste.
Un autre problème qui nous apparaît assez fondamental,
c'est celui de la relation entre l'administratif et le politique. Ce
problème important pour la majorité des professionnels et
employés de soutien de la fonction publique du Québec concerne
l'éloignement qui existe entre les gens qui travaillent à
préparer un dossier volumineux et ceux qui prennent une décision
sur ces mêmes dossiers. Il y a aussi une certaine disproportion
d'équipement entre le personnel des cabinets, par exemple, et le
personnel d'un très gros ministère qui relève, par voie de
la pyramide, entièrement du sous-ministre. Lorsqu'un problème
majeur se présente, on demande, la plupart du temps, à un ou des
professionnels d'effectuer une étude poussée de la question et de
faire les recommandations qui s'imposent. Souvent, après plusieurs mois
d'un travail sérieux, un volumineux rapport est déposé au
supérieur immédiat de ce groupe de travail. Celui-ci, plus
souvent qu'autrement, se permet, en quelques heures parfois, de modifier les
recommandations qui ne lui plaisent pas et transmet le dossier à son
supérieur immédiat. Là, évidemment, plusieurs
transformations interviennent simplement par la quantité des couches de
hiérarchie qui existent entre ceux qui, au départ, ont fait le
travail et le niveau politique où cela parvient. Il en est ainsi tout au
long de la structure hiérarchique, tant et si bien que le
résumé de quelques pages déposé devant le
sous-ministre ou le ministre, ou le comité ministériel permanent
ne représente généralement plus l'esprit de l'étude
qui avait été effectuée par la base, souvent ne tient pas
compte de toutes les mises en garde du rapport détaillé et
très souvent ne contient pas les recommandations qui apporteraient une
solution véritable au problème étudié. On note que
très souvent c'est sur ce dernier travail que le niveau politique devra
prendre sa décision sans même avoir l'opportunité, par les
structures existantes, de demander l'avis des gens qui ont étudié
le problème pendant des mois. Ensuite, très souvent, on
s'étonne que les décisions prises ne règlent pas le
problème ou ne soient plus du tout opportunes en termes de temps.
Le quatrième problème est fondamental. C'est celui de
l'absence de mécanisme d'évaluation des programmes
gouvernementaux. A notre avis, c'est le plus sérieux des
problèmes que nous avons examinés. Il n'existe pas, à
notre connaissance, au gouvernement du Québec, de mécanisme
efficace permettant d'évaluer l'impact et la valeur des programmes
gouvernementaux. La seule façon que nous connaissons actuellement
d'évaluer si un gouvernement répond aux besoins de la population
en général, c'est l'élection générale. Cela
revient une fois par quatre ans, avec les taux de satisfaction et
d'insatisfaction que l'on connaît depuis une décennie. Mais,
même si c'est très valable, les élections
générales permettent aux citoyens de se prononcer sur une moyenne
de services offerts et sur la moyenne des programmes proposés par
l'Etat. On aurait probablement plusieurs surprises si on évaluait les
programmes gouvernementaux un par un. Depuis plusieurs années
déjà, le gouvernement du Québec et plus
particulièrement le Conseil du trésor utilisent comme mode de
gestion le PPBS. Mais, pendant tout ce temps, on a escamoté la phase qui
nous paraît la plus importante du PPBS et même sa raison
d'être qui était l'évaluation. On s'est attardé
à programmer et à planifier des enveloppes budgétaires
réparties de façon arbitraire au gré des taux de
croissance annuels pour chaque secteur d'activité. Mais il est
très rare que les programmes gouvernementaux soient occasionnellement
remis en cause. Même si les besoins de la population évoluent
constamment, on n'évalue pas périodiquement l'impact réel
des programmes et leur correspondance avec les besoins de la population.
Alors, comment sera-t-il possible d'évaluer le rendement et
l'efficacité de chaque employé de fa fonction publique si on ne
peut même pas évaluer l'efficacité de chaque programme du
gouvernement? Le problème de motivation nous apparaît une
conséquence à tous ces autres problèmes, nous n'en faisons
pas de description spéciale, puisque c'est un problème
évident à notre avis, d'un simple coup d'oeil.
M. Duchesne: Au niveau des recommandations que nous
désirons présenter à la commission parlementaire, il
s'agit là essentiellement du fruit de notre réflexion. C'est
pourquoi nous nous permettons de faire ces recommandations et ajouter à
celles-là le volet indiquant à la commission parlementaire qu'il
s'agirait peut-être de soumettre ces quelques hypothèses à
des personnes beaucoup plus spécialisées pour qu'elles puissent
déterminer s'il s'agit, dans ces recommandations ou dans les solutions
à apporter à ces problèmes, de faire des amendements
à une loi ou encore de préparer une foule de règlements
permettant d'adopter une loi, permettant "d'opérationnaliser"
l'application de la loi, ou encore, dans certains cas, possiblement qu'il ne
s'agira que de modalités d'application, c'est-à-dire de mise en
place de structures qui n'existent peut-être pas présentement et
qui auraient intérêt à exister.
Nous laissons ce soin à la bienveillance des membres de la
commission parlementaire de transmettre à des spécialistes les
questions soulevées ici, s'ils le jugent opportun. En ce qui
concerne le premier problème soulevé
précédemment, nous indiquons à la commission qu'afin
d'améliorer l'efficacité de la fonction publique, en
général, nous croyons qu'il est de la responsabilité du
gouvernement, de déconcentrer certains pouvoirs administratifs aux hauts
fonctionnaires. On leur donne hélas! trop souvent à ces
hauts fonctionnaires et aux autres fonctionnairesdes
responsabilités, mais on leur délègue très rarement
les pouvoirs qui leur permettraient une action plus efficace auprès de
leur clientèle, c'est-à-dire la population
québécoise ou une partie de la population
québécoise.
Il faut donc que les organismes centraux apprennent à
déléguer des pouvoirs pour que la fonction publique
améliore son efficacité et puisse donner un meilleur service
à cette population. En plus d'avoir l'avantage d'alléger le
fardeau des organismes centraux, une véritable délégation
de pouvoirs permettrait, à notre avis, aux citoyens du Québec, de
connaître enfin les véritables responsables des programmes dont
ils ont besoin.
En ce qui concerne la mobilité, afin de faciliter une plus grande
mobilité des fonctionnaires, nous proposons que soit
intégré au gouvernement du Québec le concept de
fonctionnement par mandat. Ce principe pourrait peut-être, à titre
d'exemple, s'exprimer ainsi. Chaque employé pour qui la mobilité
encore là, ça ne se rattache pas à tous les
employés de la fonction publique peut être jugée
opportune devrait être affecté à un poste qui reste le
même tout au long de sa carrière. Qu'un organisme qui a besoin
d'un employé définisse un mandat clair et ceux qui sont
intéressés à travailler à ce mandat viennent avec
leur poste travailler dans l'organisme responsable du mandat, selon les
priorités du moment que vit la fonction publique en
général.
Afin de favoriser une meilleure exploitation des aptitudes de chacun,
nous proposons également qu'au système intégré,
l'information de gestion de personnel proposée à l'article 5e du
projet de loi, on ajoute ou on pense ajouter un fichier des mandats sur
lesquels on a besoin de personnel à l'échelle de la fonction
publique. Egalement, le deuxième volet de ce fichier, un fichier
comprenant les réalisations de chaque fonctionnaire mobile dans le cadre
de ses expériences antérieures.
Evidemment, le premier fichier devrait être accessible à
tous les fonctionnaires intéressés à relever de nouveaux
défis, et le second desservirait les gestionnaires
intéressés à retrouver un employé compétent
pour réaliser un mandat disponible.
Quant au troisième volet des relations politiques par rapport
à l'aspect administratif, nous recommandons que chaque fonctionnaire
chargé d'étudier en profondeur un dossier soit au moins
obligé de présenter à l'intention du décideur
lui-même un résumé synthèse de quelques pages sur
les principales recommandations de son étude, en plus des volumineux
rapports qui contiennent toutes les facettes de l'étude et que trop
souvent, hélas! le niveau décisionnel n'a pas le temps de
lire.
Nous recommandons également que ces résumés soient
intégralement joints à ceux qui sont faits tout au long de la
structure hiérarchique, afin que le point de vue de ceux qui
étudient une question pendant de long mois ne soit pas dilué tout
au lonq de la structure décisionnelle.
Et là, il ne s'agit pas, évidemment, de court-circuiter la
structure existante ou nécessairement de la modifier, mais simplement,
à notre avis, de la compléter, en permettant à ceux qui
ont à effectuer le travail au niveau de la base de s'assurer que leur
opinion ou que leur point de vue, dans une certaine mesure, dans le cadre d'un
document synthèse, puisse se rendre aux instances
décisionnelles.
L'évaluation des programmes gouvernementaux. Nous recommandons
ici, à titre d'exemple, que soient peut-être mis sur pied des
mécanismes permanents d'évaluation des programmes du gouvernement
du Québec.
Ces mécanismes pourraient peut-être prendre l'allure de ce
qu'on pourrait appeler un office d'évaluation des programmes qui
pourrait avoir pour mandat, par exemple, de faire rapport au gouvernement de la
qualité des programmes gouvernementaux, à partir de sondages
directs auprès de la population touchée par chaque programme.
Les résultats de ces rapports pourraient par la suite servir
à améliorer la qualité et l'efficacité des
programmes en place ou à réorienter l'action gouvernementale dans
certains secteurs.
Sur le plan de la motivation, afin de permettre une motivation plus
grande des professionnels de la fonction publique, nous recommandons que les
postes d'adjoints aux cadres supérieurs et d'administrateurs classe IV
soient comblés dans la mesure du possible par voie de recrutement
interne, c'est-à-dire qu'on considère qu'il y a possiblement dans
la fonction publique toutes les ressources compétentes pour combler les
postes d'adjoints aux cadres et d'administrateurs classe IV.
On conçoit très bien qu'à de plus hauts
échelons il s'agisse souvent de personnes beaucoup plus
spécialisées qui viennet fort possiblement, dans plusieurs cas,
de l'extérieur de la fonction publique, mais que, pour au moins ces
niveaux parce que ce sont encore des niveaux très techniques sur
lesquels ces gens ont à se prononcer utilise les
compétences de la fonction publique.
Par ailleurs, il y aurait lieu, à notre avis, de permettre
à certains professionnels très compétents de continuer
à agir comme spécialistes dans leur discipline et de continuer
leur évolution salariale, sans nécessairement devoir opter pour
le secteur administratif.
On devrait également, de plus, permettre à ces
professionnels de suivre des programmes de perfectionnement dans leur
spécialité, comme c'est le cas pour les professionels
orientés vers l'administration, qui ont la possibilité de faire
des programmes du genre de celui que propose l'Ecole nationale d'administration
publique. Ceci aurait comme avantage de permettre au gouvernement du
Québec de développer et de conserver à son emploi les
meilleurs de ses spécialistes, puisque nous concevons très mal le
concept qui veut que nécessairement un directeur d'un centre de re-
cherche, par exemple, soit le mieux payé de la boîte.
Il est, à notre avis, tout aussi admissible qu'un
superspécialiste obtienne un meilleur salaire que celui qui a à
le diriger parce que les fonctions sont quand même
différentes.
En guise de conclusion, donc, nous croyons que ces quelques
recommandations, si elles étaient approfondies davantage par les
spécialistes, permettraient de régler ou d'atténuer
certains des problèmes de la fonction publique qui sont
entièrement évités par le projet de loi actuel de la
fonction publique tel que déposé.
M. Veilleux: Nous espérons donc, messieurs, madame,
membres de la commission parlementaire, que ces quelques réflexions sur
la fonction publique, ce qu'elle devrait être et ses problèmes
actuels permettront de mieux juger de la pertinence et de l'efficacité
qu'aura le projet de loi sur la fonction publique déposé devant
vous.
Nous croyons peut-être que vous en viendrez à la conclusion
que le projet de loi 53 devrait s'intituler plutôt: Loi sur le
ministère de la Fonction publique. Vous penserez peut-être aussi
qu'il faudrait, soit un autre projet de loi, soit de nouveaux
règlements, soit de nouvelles mentalités et, très
certainement, de nouveaux mécanismes pour que la fonction publique
québécoise devienne efficace et desserve mieux la population du
Québec, qui réclame des services de qualité à prix
raisonnable.
Pour prendre l'expression de M. de Belleval tout à l'heure, il
parlait de deux colonnes, je pense qu'il faut parler de trois colonnes. Il y a
la Loi sur la fonction publique, il y a les conventions collectives et pour
nous, nous croyons qu'une troisième colonne tout aussi importante,
essentielle et fondamentale, ce sont les mécanismes par lesquels on fait
appliquer les lois et les règlements et qui font toute la
différence d'efficacité dans l'application.
Merci.
Le Président (M. Dussault): MM. Duchesne et Veilleux, je
vous remercie de votre exposé. Le ministre de la Fonction publique
veut-il prendre la parole?
M. de Belleval: Très rapidement. Je pense que les
problèmes que vous soulevez sont très réels. C'est bon
qu'ils soient soulevés à l'occasion de la commission.
Je pense aussi que la loi fournira à une autorité
clairement identifiée, le ministre de la Fonction publique et les
ministres dans chacun des ministères, les outils pour pouvoir faire un
certain nombre de choses que vous suggérez. Entre autres, la
mobilité est actuellement extrêmement difficile au niveau des
cadres supérieurs puisque, en vertu de la loi en vigueur, les
nominations sont faites à un poste spécifique. Toute mutation
implique donc une nouvelle liste d'admissibilité, une nouvelle
nomination. En vertu de la nouvelle loi, nous aurons la latitude qu'il faut
pour organiser la fonction publique, le déroulement de la
carrière, le sys- tème de promotion et de mutation qui est
à la base d'un système de promotion.
Nous aurons donc le cadre législatif pour faire un certain nombre
de choses que vous proposez. Actuellement, en vertu de la loi actuelle, il
n'existe aucun système central de gestion du personnel autre que ce qui
existe au sein de la Commission de la fonction publique, qui est un organisme
autonome, qui n'est donc pas un organisme ministériel comme tel. Tant
qu'on ne sort pas de ce régime, il n'y a pas moyen de faire un certain
nombre de choses que vous proposez. C'est seulement grâce à
l'adoption de la loi, qui est un cadre législatif, que nous pourrons
mettre en place des réformes du côté de la gestion du
personnel et aussi sur d'autres aspects qui, à mon avis, ne
relèvent peut-être pas nécessairement d'une loi de la
fonction publique de toute façon, mais plutôt de l'application de
la Loi de l'administration financière.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Mes remarques ne seront pas très longues.
Evidemment, il y a plusieurs points sur lesquels on pourrait discuter
longuement. Vous parlez de l'évaluation des programmes, je ne sais pas
au juste dans quel ministère vous êtes.
M. Veilleux: Moi, je suis au ministère de l'Education et
lui au ministère des Affaires culturelles.
M. Garneau: Au ministère des Affaires culturelles, il y a
eu une tentative de faite, à un moment donné, pour les
bibliothèques. C'est un mécanisme extrêmement difficile.
Quand on parle de réévaluation de programmes, c'est toujours avec
à l'esprit, bien souvent je ne sais pas si tel est le cas chez
vous mais on dit vous y faites allusion de fait qu'il y a
des programmes qui sont vieillots et qui mériteraient d'être
abandonnés ou modifiés. L'expérience que j'ai eue pendant
mes quelques années au gouvernement, c'est que c'est tout un
problème d'essayer de soustraire le plus petit des programmes qui
existent un peu partout à travers le Québec. D'ailleurs il y a eu
une étude de faite aux Etats-Unis sur cette question, où on
indiquait justement qu'au cours des cinquante ou soixante dernières
années, il y avait eu je ne sais plus combien d'organismes ou de
programmes nouveaux, mais je pense qu'il y en a eu seulement un ou deux qui
avaient été abolis et, encore, ils ne l'avaient pas
été complètement, mais même si c'est difficile, je
suis d'accord avec vous que c'est un objectif qui devrait être poursuivi.
Il y a eu une tentative de faite pour reprendre chaque année quatre ou
cinq programmes et de les revoir en profondeur. Cela a fonctionné un an
ou deux. Finalement, il y a eu des négociations collectives, etc., et on
a été obligé de se restreindre passablement.
Peut-être que cela pourra être continué.
Il y a un seul point sur lequel je vais vous interroger. Tout au long de
la lecture de la loi, j'ai essayé de voir et de bien comprendre le texte
juri-
dique. Même si je ne suis pas avocat, j'ai une déformation
de ce côté, je me rappelle avoir eu à administrer des lois
et on s'apercevait finalement que la loi n'était pas si facile à
administrer que les intentions qui étaient exposées dans les
discours de deuxième lecture.
Vous l'avez soulevé dans votre mémoire, le ministre parle
d'une affectation à une classe d'emplois plutôt qu'à un
poste. J'aimerais qu'il me souligne l'article où cela est
véritablement dit. Je l'ai cherché et j'ai senti que cela pouvait
être l'intention, mais je ne peux pointer du doigt l'article qui fait que
cela se produirait. Si cela se produit véritablement, cela crée
tout un autre système de complications en termes d'administration, de la
gérance du personnel, des droits requis, du recrutement et tout ce que
vous voulez. Bien souvent, vous savez comment cela se passe. Il y a un concours
qui est ouvert. Cela prend un agronome qui sera en charge de l'étude des
mauvaises herbes. C'est clair que la description, c'est un professionnel qui a
un diplôme universitaire en agronomie, mais ce n'est pas
nécessairement vrai que ce bonhomme va être nommé à
une classe et que, finalement, on va pouvoir le muter si facilement qu'on
puisse le penser, parce qu'il y a des spécialités très
grandes. Le simple pouvoir de mutation comme cela à l'intérieur
des mêmes classes, le peu de temps que j'ai été au
gouvernement m'indique que cela pourrait soulever un paquet de griefs aussi.
L'intention que vous soulevez est bonne. On devrait la fouiller davantage pour
trouver une façon de l'appliquer, mais, en cherchant la façon de
l'appliquer, être bien conscient de toute la série de
problèmes que cela soulève.
Je voulais en parler uniquement pour être d'accord avec, vous,
mais, en même temps, attirer l'attention sur les dangers qu'il y a. Je
suis certain que, si ce principe, comme l'indique le ministre, est bien
consigné dans la loi... Je ne sais pas ce que, tout à l'heure, le
Syndicat des cadres, qui est venu, nous aurait dit précisément
là-dessus, et les autres groupes également, qui
représentent les syndiqués, mais je crois que, même avec
ces difficultés énoncées... En tout cas, je serais
prêt à la risquer et à recommander de la risquer, mais le
ministre peut-il me dire de quel article il s'agit?
M. de Belleval: C'est assez simple, au fond. M. Garneau:
Oui, mais quel article? M. de Belleval: C'est l'article 3.
M. Garneau: J'ai dit que l'article 3 était l'article de la
loi, tout le reste est de concordance; c'est bien cela.
M. de Belleval: Un instant! Je pense que vous exagérez un
peu quand vous dites cela.
M. Garneau: Pas loin, parce que je ne sais pas à quelle
place vous allez prendre cela.
M. de Belleval: En vertu de la nouvelle loi, le ministre est
responsable de la classification des emplois...
M. Garneau: C'est cela.
M. de Belleval: ... et, évidemment, il pourrait continuer
le régime en vigueur, c'est-à-dire, dans le cas de certains
postes, entre autres les postes des cadres supérieurs, classer les
postes et non pas simplement utiliser la classification générale,
c'est-à-dire administrateur IV, III, II, I, mais il pourrait aussi,
à sa discrétion et à la discrétion de la
réglementation qu'il mettra en vigueur là-dessus, utiliser un
nouveau système de classification des postes des cadres
supérieurs, où l'individu recevra une classification comme telle
et non pas une nomination en vertu d'un poste en particulier.
A mon avis, je pense que c'est une réforme importante qu'il faut
faire; il faut avoir un système de gestion de nos cadres où on ne
nomme pas un individu à un poste en particulier, mais à une
classification en particulier, par exemple administrateur IV, et, un peu comme
du côté de la classification des professionnels, on a un plan de
carrières qui permet de nommer quelqu'un à un poste de
professionnel, mais, à l'intérieur de tous les postes de
professionnels ouverts, la mobilité, au fond, est tout à fait
libre. C'est ce que permettra la nouvelle loi et ce que ne permettait pas
l'ancienne loi.
M. Garneau: Je vais encore reprendre les intentions et le texte
de la loi. J'ai souligné, dans ma déclaration de ce matin, que la
plus grande difficulté qu'il y a à étudier ce projet de
loi, c'est de faire la jonction entre les intentions exprimées et le
texte législatif.
A l'article 45b, on en a parlé tout à l'heure, on
mentionne et le ministre a fait grande allusion au mérite et
à la non-intervention que l'office procède,
conformément à la présente loi, au recrutement et à
la sélection des candidats à la fonction publique, déclare
leur aptitude et procède à leur nomination, il procède
à la nomination d'un individu à un poste.
M. de Belleval: Pas nécessairement à un poste. En
tout cas!
M. Garneau: Si c'est cela, évidemment, il y a deux
côtés à la médaille, c'est d'un côté ou
de l'autre!
M. Bellemare: C'est l'article 3 ou l'article 45!
M. Garneau: II y en a un des deux. Si c'est l'office qui a la
responsabilité de nommer et qu'on ne veut pas qu'il y ait
d'interventions de l'extérieur qui viendraient apporter toute une
série d'arbitraires ce serait, suivant le principe du
mérite, sacro-saint à ce moment, la commission pourrait
désigner M. Untel pour occuper la fonction d'agent de recherche. Le
ministre dirait: Je l'affecte à ce poste et, deux jours après, le
changer de bord. Evidemment, il pourrait y avoir des nominations à des
fonctions qui deviendraient pure-
ment arbitraires. Je ne dis pas que c'est une avenue qu'il faut
complètement rejeter, mais je pense qu'il faut être assez franc et
assez précis... La seule précision que j'ai, c'est le texte de
loi qui me dit, actuellement, qu'il nomme à un poste lorsqu'il y aura
une ouverture dans un ministère; il y a quelqu'un qui va faire une
demande à l'office qui s'appelle exactement l'Office du recrutement du
personnel de la fonction publique.
Cette personne va dire: M. le président de l'office, le poste no
34 pour accomplir telle ou telle fonction est vacant, on vous demande de le
remplir. Il y aura des concours et ces gens vont le nommer; ils vont le nommer
à un poste ou bien ils ne le nommeront pas. S'ils le nomment à un
poste c'est la situation actuelle là, on peut tenir pour
acquis que ce que le ministre nous a dit: Avec toutes les réserves que
j'ai sur le mérite, dans son application, tout cela s'applique. Mais,
s'ils ne le nomment pas au poste, tout l'exercice qu'on a fait pour essayer de
dépolitiser ou d'enlever l'arbitraire... Parce qu'on sait que la machine
est tellement grosse que, finalement, c'est administré au niveau des
fonctionnaires et, là aussi, ce n'est pas parce qu'un gars est
fonctionnaire qu'il a perdu tout sens de subjectivisme.
A ce moment, on réintroduit un arbitraire. Mais est-ce que le jeu
en vaut la chandelle? Encore là, il vaudrait peut-être la peine de
l'essayer, mais il va falloir expliquer au monde, dire exactement ce que c'est.
La loi, actuellement, je ne suis pas sûr qu'elle permette de le faire, et
si l'intention du ministre est de faire cela, je pense qu'il va falloir qu'il
le précise dans son projet de loi.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Veilleux. M. Duchesne.
M. Duchesne: Nous pensons que le fait d'affecter justement des
cadres ou des personnes à des postes alourdit considérablement la
structure et le fonctionnement. Pourquoi n'y aurait-il pas possibilité,
à l'intérieur d'une banque de ressources qui existe
déjà en place, d'affecter des gens, effectivement, surtout
à ces niveaux où les priorités changent tellement
fréquemment, au niveau de la vie de la population et au niveau de
l'ensemble des structures gouvernementales, d'affecter, dis-je, des individus
à des mandats? La personne, lorsqu'elle commence à travailler,
commence à travailler avec un statut donné, mais elle commence
à travailler également avec un mandat qui permet de savoir quand
on commence et quand on finit l'opération, de sorte qu'au bout de la
ligne on puisse s'assurer qu'on n'est pas nécessairement obligé
de recommencer à trouver un poste parce que souvent, dans
l'administration gouvernementale, le premier problème qu'on se pose
quand on a une urgence quelque part, c'est est-ce qu'on a le poste pour faire
le travail sur cette urgence, et qu'il faut prendre tout le mécanisme
des organismes centraux versus une revue de programme, versus une
prévision à long terme, l'allocation de budgets pour faire en
sorte que ce qui est vraiment des priorités immédiates, ne le
devient plus lorsqu'on en vient à la fin du cycle après un an et
demi ou deux ans de programmation.
Pourquoi ne réussirions-nous pas à avoir une structure
suffisamment souple pour qu'on puisse, à partir des priorités du
moment, affecter des compétences reconnues sur certains secteurs
d'activités gouvernementales pour une période de temps
prédéterminée sans avoir nécessairement à
procéder toujours par un concours, c'est-à-dire mettre en branle
une machine qui va prendre encore deux mois ou deux mois et demi, quelle que
soit l'ancienne machine ou la future, et les probabilités sont
très fortes que ce soit à peu près les mêmes
délais pour combler un poste quand on a le poste?
Pourquoi, à ce moment, si on recherche vraiment
l'efficacité de la fonction publique, ne serions-nous pas capables de
définir des mandats clairement au niveau des cadres et adjoints aux
cadres et au niveau de certaines catégories de professionnels?
Le Président (Mme Cuerrier): M. Veilleux.
M. Veilleux: Présentement, il y a 6000 professionnels de
la fonction publique. Je donne des chiffres arbitraires, mais probablement qui
tapent dans le mille. Sur 6000, il y en a fort probablement la moitié,
3000, qui sont véritablement dans des postes archispécifiques
donc moins polyvalents, peu mobiles. Un agronome spécialisé en
tel domaine, par exemple, il est bien entendu qu'il n'a pas la même
polyvalence qu'un spécialiste de gestion qui peut aussi bien passer d'un
ministère à l'autre à quelques jours ou semaines
d'intervalle.
D'un autre côté, nous croyons, nous sommes persuadés
de l'intérieur on aurait pu avoir une pétition
là-dessus, peut-être, de 3000, 4000 membres, cela aurait
été très facile, je pense que très
facilement, sur le seul principe du volontariat, c'est-à-dire des gens
qui veulent se porter mobiles, qui sont prêts à accepter la
mobilité, vous pourriez immédiatement en avoir 2000 à 3000
et peut-être plus chez ces professionnels qui aimeraient mieux, disons,
être en service de mobilité. Il y a un mandat à telle
place, il y a telle urgence, il y a tel travail, cela va, cela leur convient,
ils sont prêts à l'accepter s'ils sont demandés. Et quand
c'est fini, deux ans et demi après ou un an et demi après, ils
aimeraient bien passer à une autre urgence.
Il y a beaucoup de monde comme cela. Pas seulement au niveau des
professionnels, mais très particulièrement au niveau des
professionnels, chez les ACS et chez les ADM IV et il se trouve
qu'habituellement ce sont des gens, à mon avis, qui sont les meilleurs
et qui pourraient servir à beaucoup d'endroits dans la fonction
publique, qui l'enrichiraient, qui s'enrichiraient eux-mêmes et qui
seraient beaucoup plus motivés. Présentement,
évidemment...
M. de Belleval: J'aimerais faire un certain nombre de
distinctions là-dessus. Je pense à un point extrêmement
important parce qu'on tombe, bien sûr, dans l'application de la loi, mais
le dé-
puté de Jean-Talon se demande si oui ou non la loi nous permet de
faire cela. Ma réponse est oui. Il y a deux éléments
importants qu'on doit retenir. Premièrement, si on veut avoir une plus
grande mobilité dans la fonction publique, il faut avoir une
autorité centrale en matière de gestion du personnel.
Il n'y en a pas actuellement; chaque ministère est responsable de
la gestion de son propre personnel et, deuxièmement, les nominations en
ce qui concerne les cadres supérieurs sont faites poste par poste. La
loi prévoit qu'à l'avenir il y aura une autorité centrale
en matière de gestion du personnel: le ministre de la Fonction publique.
Tout le monde pense que le ministre de la Fonction publique est un ministre qui
a autorité sur la gestion du personnel de la fonction publique, mais
c'est faux. Tout ce que fait au fond, actuellement, le ministre de la Fonction
publique, c'est négocier des conventions collectives et proposer des
plans de perfectionnement aux ministères qui veulent bien les utiliser.
Pour le reste, il n'a absolument rien à dire sur la gestion du personnel
de la fonction publique. Une des raisons pour lesquelles cette loi est
proposée, c'est pour qu'enfin il y ait une autorité centrale en
matière de gestion du personnel. C'est seulement grâce à
cette autorité centrale qu'on pourra avoir un véritable plan de
mobilité des fonctionnaires.
Deuxièmement, il faut aussi que les nominations ne se fassent
plus à des postes spécifiques. Il faut remarquer, d'abord, que
c'est le cas pour la presque totalité de la fonction publique. Seules
les nominations des cadres supérieurs sont faites à des postes
spécifiques. Toutes les autres nominations sont faites à des
titres de classification. Donc, en vertu de la loi actuelle, s'il y avait au
moins un organisme central de gestion du personnel, on pourrait appliquer ce
que vous proposez. Au niveau des cadres supérieurs, les
mécanismes existent déjà. De ce point de vue, la loi ne
change rien; elle n'introduit pas davantage d'arbitraire, de favoritisme, etc.,
cela existe déjà de toute façon. Tout ce qu'il s'agit de
faire, c'est qu'au niveau des postes de cadres supérieurs on puisse
aussi faire des nominations à un titre de classification plutôt
qu'à un poste en particulier. Je dis que la loi le permet, puisque le
ministre a le pouvoir de réglementer la classification des emplois.
C'est lui qui, dans le cadre de cette classification, fournira, à partir
de cette réglementation, le cadre qu'utilisera l'office de recrutement
pour la nomination. Si le ministre le désire en vertu de son pouvoir de
réglementation, la nomination se fera à un titre de
classification plutôt qu'à un emploi. C'est ce qui me faisait dire
au député de Jean-Talon qu'effectivement la loi permettra de
faire cela au niveau des cadres. Pour les autres employés, c'est
déjà la règle, de toute façon.
M. Garneau: Encore une fois, je ne voudrais pas me chicaner sur
les mots, mais, à l'exception des ouvriers, quand un fonctionnaire est
nommé, il est nommé à un poste parce qu'il occupe un
posie. Chaque ministère a un plan d'effectifs et chaque fonction est
numérotée. Il a un poste parce qu'il faut qu'il soit payé.
Il occupe un poste. Dans le cas des ouvriers, c'est différent.
M. de Belleval: On ne parle pas de la même chose. On
utilise le mot poste en lui donnant deux significations différentes.
Dans le cas du personnel qui n'est pas cadre, il est vrai que l'affectation se
fait à un poste en particulier, mais la nomination se fait à un
titre de classification. Elle ne se fait pas à un poste en particulier.
Tout simplement, il y a un poste qui est vacant avec un numéro, mais
l'acte de nomination ne restreint pas l'affectation à ce poste en
particulier. Pour les cadres, ce n'est pas la même chose. Pour les
cadres, la nomination se fait non seulement à un titre de
classification, mais à un poste clairement défini comme tel et
aucune mobilité n'est possible d'un poste à l'autre autrement
qu'en revenant devant la Commission de la fonction publique pour une nouvelle
nomination; tandis que vous pouvez prendre un professionnel, nommé comme
vous le dites, à un poste numéro un tel, no 150 et, sans
retourner devant la Commission de la fonction publique, l'affecter ensuite au
poste no 160. Le poste dont vous parlez, c'est le poste administratif; ce n'est
pas le poste légal au sens du poste de cadre tel que
déterminé par la Commission de la fonction publique. Il y a une
différence entre ces deux notions de poste.
M. Garneau: Je n'argumenterai pas là-dessus; je ne suis
pas assez certain de mon coup. Je vais prendre la parole du ministre.
La question que je pourrais poser au ministre là-dessus: Si tel
est son objectif, a-t-il pensé à la possibilité d'avoir
deux lois ou deux sections de loi? Est-ce que ce ne serait pas plus facile pour
atteindre les objectifs que soumettent nos intervenants d'avoir la Loi de la
fonction publique, une loi générale pour le personnel qui est
syndiqué et syndicable, et d'avoir un autre type de
référence juridique pour l'administration des cadres?
Peut-être que ce serait plus facile d'avoir une loi spécifique qui
permettrait d'atteindre ces objectifs. Je ne dis pas que ce serait une chose
qui devrait être faite.
Je ne sais pas au juste si cette question-là a déjà
été étudiée, parce que c'est la première
fois, même si j'ai travaillé là-dessus dans le
passé, que le problème étant posé ainsi, me permet
d'envisager cette possibilité. Mais, en effet, c'est un autre projet de
loi. Si le ministre veut répondre... Il me semble que ce serait plus
facile d'atteindre ces objectifs s'il y avait deux sections, dont l'une
toucherait les cadres, alors, il y aurait peut-être plus de
possibilité d'atteindre ces objectifs.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne.
M. Duchesne: Ou encore peut-être que pour intégrer
cela, plutôt que d'avoir deux projets de loi, on pourrait penser à
un livre blanc global sur l'administration du personnel de la fonction
publique, permettant d'accroître l'efficacité de l'ensemble de la
structure administrative du gouvernement du Québec.
M. Veilleux: C'est d'ailleurs le sens de notre intervention. Nous
n'avons pas d'objection fondamentale majeure. On la laisse à tous les
autres corps qui vont venir se présenter ici. C'est contre le texte de
loi sur la fonction publique. On déplore principalement, comme le disait
M. Garneau, qu'il y a beaucoup de choses qui sont sous-entendues ou qui sont
laissées comme "cela viendra après et, évidemment, comme
nous sommes de bonne volonté, tout se fera bien". Ce que nous aurions
aimé, c'est un ensemble de descriptions des problèmes actuels de
la fonction publique bien examinés. Deuxièmement, ce qui, dans la
loi actuelle, ne peut pas résoudre ces problèmes, donc, des
amendements et un nouveau projet de loi, si nécessaire, plus une
esquisse des règlements dans ce même livre blanc et, aussi, au
moins le profil des mécanismes pratiques qui vont solutionner ces
problèmes. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles vous pouvez avoir
choisi d'abord la loi, ensuite les autres choses suivront. On ne le conteste
pas. Mais on dit que, dans l'immédiat, cela aurait été
notre préférence.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson.
M. Bellemare: Je voudrais revenir sur un détail que vous
portez à notre attention sur l'avancement des employés de la
fonction publique basé sur le principe du mérite. Vous dites: "II
faudra que ce mérite soit basé sur des productions des
fonctionnaires d'abord, et, deuxièmement, cette production s'appelle un
service public à la population défini qui exprime ou ressent des
besoins spécifiques. On cherche vainement dans le projet de loi 53 sur
la fonction publique cette notion véritable du service à la
population et des mécanismes susceptibles et des raisons
d'évaluer la quantité ou la qualité de ces services". Je
pense que vous êtes d'accord avec tous ceux qui vous ont
précédés et qui vous succéderont pour dire que la
question du mérite qui est contenue dans l'article 70 pose de
sérieux problèmes pour la fonction publique, pour ceux qui auront
à vivre avec la loi, puisqu'il sera question d'établir un certain
pourcentage dans la rétrogradation ou dans la nomi-nation de certains
fonctionnaires. Je voudrais savoir de vous particulièrement, puisque
c'est votre mémoire et, comme le dit le député d'Abitibi,
c'est à vous qu'il faut s'adresser, surtout pour avoir des explications,
si vous pouvez exemplifier ce mérite qui est contenu dans le personnel
de la fonction publique recruté et promu par voie de concours, selon une
sélection particulière du mérite. C'est la loi. Demain
matin, il faudra que, même au point de vue juridique, certains avocats
l'interprètent, parce que la lettre tue et l'esprit du
législateur vivifie. Une chose reste sûre, c'est qu'on vous
demande, à M. Duchesne et à M. Veilleux, de nous expliquer votre
point de vue.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Veilleux.
M. Veilleux: Dans le sens que nous l'entendions, je
procéderai par un exemple type.
A notre avis, il pourrait très bien arriver que vous ayez un
fonctionnaire sélectionné par concours; c'est un as, tout le
monde dit qu'il est bon, qu'il travaille 55 heures au lieu de 42 heures. Il n'y
a pas de problème, ses collègues, 150 personnes autour,
reconnaissent qu'il est capable. Mais, présentement, le genre de travail
qu'il fait ou le genre de programme particulier auquel il est affecté,
pour lui et pour beaucoup de ses collègues, ce n'est pas là
qu'est la priorité, ou que le gouvernement devrait travailler de telle
ou telle façon. Donc, il est convaincu que la façon dont le
service à la population est présentement organisé est peu
efficace ou est mauvais. C'est là qu'interviendrait pour nous... Il est
très important que la population, d'une façon ou d'une autre, pas
toujours des experts, puisse dire: A notre avis, ce genre de programme ne nous
rend pas service. Les fonctionnaires sentent ça d'instinct
immédiatement que tel ou tel genre de programme, il y a 150 personnes de
trop qui y travaillent ou, encore, que c'est un programme
dépassé.
C'est pour ça que lorsqu'on parle d'un office d'évaluation
ou d'un groupe central qui évaluerait le fonctionnement public au jour
le jour ou à l'année, ce serait principalement sous forme
très rapide et non pas par des grandes expertises indirectes
de dialogues avec la population. Il demande à la population, par
sondage, par exemple: Tel programme qui avait été pensé au
point de vue agronomique, est-ce que ça rend encore service aux
personnes impliquées, les cultivateurs? Peut-être que ça
fait cinq ans que ça ne rend plus service ou ce n'est pas là du
tout qu'est le problème. Le problème majeur devrait être
ailleurs.
M. Bellemare: M. Veilleux, est-ce que vous ne dites pas qu'il y a
une relation de cause à effet entre l'administratif et la politique?
M. Veilleux: Oui.
M. Bellemare: Alors je me dis que vous allez toucher au bobo mais
presque pas. C'est justement ce que vous dites, ce que vous venez d'expliquer,
qui rejoint, un peu plus loin, les relations du domaine administratif avec le
domaine politique. Vous dites que c'est dangereux parce que vous allez
camoufler certains détails qui sont presque imprévisibles. C'est
la politique, en somme, qui va mener la fonction publique.
M. Veilleux: Oui, je suis d'accord.
M. Bellemare: C'est ça que vous dites.
M. Veilleux: Oui.
M. Bellemare: Vous êtes d'accord avec ça, que c'est
la politique qui va mener la fonction publique.
M. Veilleux: Dans certains cadres bien définis...
M. Bellemare: Vous dites qu'il y a beaucoup
de gens qui travaillent pendant des mois et des mois à des
volumineux dossiers et qu'on se foute de ça, en haut lieu; la fonction
publique ne reconnaît pas ça. C'est ça votre
témoignage, c'est écrit textuellement à la page 7. "Un
problème important pour la majorité des professionnels et
employés de soutien de la fonction publique du Québec concerne
l'éloignement qui existe entre les gens qui travaillent à
préparer un dossier volumieux et ceux qui prennent des décisions
sur ces mêmes dossiers. Donc, l'administration est bien loin de
rencontrer les vues que se donnent les gens qui sont élus par la
politique.
M. Duchesne: C'est-à-dire que les gens élus par la
politique sont les gens qui ont le pouvoir décisionnel dans la structure
gouvernementale. C'est normal qu'ils l'aient.
M. Beliemare: Cela veut dire que la politique ne s'occupera pas
de la fonction publique, pas du tout, c'est la politique qui va mener. C'est
ça que vous dites.
M. Duchesne: C'est-à-dire que c'est elle qui a, en dernier
ressort, la responsabilité décisionnelle d'orienter les
programmes du gouvernement.
M. Bellemare: Oui, mais vous ne niez pas que c'est la politique
qui va mener la fonction publique.
M. Duchesne: Oui, c'est actuellement le cas... M. Beliemare:
Bon, la voilà la queue du chat.
M. Duchesne: Cela a toujours été le cas. Pourquoi,
tous les quatre ans...
M. Beliemare: Non, ce n'est pas ça que dit le ministre. Le
ministre dit qu'il faut sortir la politique de la fonction publique. Il l'a
répété moult fois depuis le matin. Là, mon cher,
vous venez d'admettre que c'est la politique qui va mener la fonction
publique.
Le Président (Mme Guerrier): M. Duchesne...
M. Beliemare: Ecoutez, je prends le texte et je le mets en
corrélation avec ce qu'il dit.
M. Jolivet: II n'y a pas de cause à effet.
M. Beliemare: Comment, il n'y a pas de cause à effet?
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! M. Duchesne, vous
pouvez continuer votre intervention.
M. Duchesne: Je crois, M. Beliemare, que la nuance qu'il faut
faire entre la politique qui mène l'organisation gouvernementale et la
politique qui s'implique dans la gestion et le recrutement de personnel pour la
fonction publique, ce sont deux volets totalement différents de la
politique qui mène la fonction publique. Si vous élargissez cela
et que vous dites que ce sont deux volets...
M. Beliemare: Mais le mot politique, quand vous l'employez pour
la...
M. Duchesne: C'est le palier politique. M. Beliemare:
Pardon?
M. Duchesne: Le niveau politique. C'est lui qui détermine
les orientations que le gouvernement doit...
M. Beliemare: Ce n'est pas dans le sens qu'on l'entend dans
l'Opposition.
M. Duchesne: J'aimerais, si vous permettez, Mme le
Président, continuer à répondre à la question
peut-être pour apporter un détail supplémentaire. Ce que
l'on craint sur le concept d'efficacité du fonctionnaire, de rendement
au mérite, c'est qu'il faut faire une distinction importante entre deux
concepts peut-être mal précisés souvent ou pas clairs dans
l'esprit de tout le monde. Il faut faire une différence entre
"efficience" et efficacité, c'est-à-dire qu'il faut de
façon très précise... Est-ce qu'être efficace, c'est
faire ce qu'on doit faire et bien le faire ou faire ce qui devrait être
fait et, à notre avis, une personne peut être bien efficace en
faisant ce qui devrait être fait...
M. Beliemare: Mal jugée par son sous-ministre.
M. Duchesne: ...et mal jugée par son supérieur.
M. Beliemare: Oui, par son supérieur et condamnée,
mon cher monsieur, parce que ce n'est pas un PQ. Cela va arriver, certain.
M. Duchesne: Je ne saurais étendre aussi loin...
Une Voix: C'est l'expérience qui vous parle!
Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne, vous avez
terminé?
M. Duchesne: Oui, Mme le Président.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Je voudrais d'abord vous remercier, personnellement,
même si je ne suis pas quelqu'un de l'intérieur de la fonction
publique. Je dois vous avouer qu'il y a des remarques qui m'apparaissent fort
pertinentes et, en particulier, lorsque vous pensez, éventuellement,
avoir une plus grande mobilité si on axait cela sur des fonctions au
niveau des mandats, c'est-à-dire préciser des mandats et trouver
des gens qui seraient intéressés à travailler
là-dessus.
J'aurais peut-être d'autres commentaires à
faire en termes d'appréciation. Je vous dis simplement qu'il
m'apparaît que cela traduit une certaine réalité, des
difficultés que la fonction publique a à l'intérieur.
A la page 4 de votre mémoire, vous dites qu'il y aurait lieu de
faire un ménage parmi différents fonctionnaires pour
améliorer l'efficacité et, éventuellement, avoir un
nouveau processus de recrutement du personnel.
Je pense que ce sont des remarques qui sont pertinentes, mais je
voudrais faire le lien avec la page 14 où vous dites: "Afin de permettre
une motivation plus grande des professionnels..." et c'est peut-être tout
à fait exact que vous preniez ce préjugé, que cela soit un
préjugé favorable, vous mentionnez que les postes d'adjoints aux
cadres supérieurs et d'administrateurs IV soient comblés par voie
de recrutement interne.
Je voudrais simplement avoir des explications plus
détaillées de votre part. Ne voyez-vous pas là une
certaine contradiction à la limite, bien sûr, entre ce que vous
prêchiez à la page 4 et maintenir les postes de cadres de niveau
IV à l'intérieur même de l'équipe? Tout en ayant
presque porté le jugement qu'il y aurait lieu de faire un certain
ménage, on garde l'accession aux postes supérieurs à
l'intérieur de ceux qui sont déjà là.
Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne.
M. Duchesne: II est bien évident, M. le
député, que lorsqu'on parle de faire un ménage et que
lorsqu'on parle de promouvoir un certain nombre d'individus de l'interne de la
fonction publique, il ne s'agit pas là dans notre esprit des mêmes
individus et c'est important, on le croit. Ce n'est pas contradictoire de dire
qu'il faut faire un ménage, qu'il y a un certain nombre d'individus dans
la fonction publique je dis peut-être et c'est peut-être
douze cas sur quelques centaines de mille qu'on peut retrouver dans d'autres
gouvernements où il y a quelque chose à corriger dans la
structure actuelle de gestion du personnel.
Maintenant, quant on parle de promotion, si on parle de promotion par
concours, que ce soit pour affecter un cadre ou un adjoint aux cadres
supérieurs, à un poste et à une classification, pour
l'affecter à un mandat et à une classification, il est bien
évident que ce ne sont pas les mêmes individus qui seront
touchés par ces deux volets de notre document. Pour nous, c'est
important comme précision de voir à ce que les mécanismes
actuels ou envisagés pour le recrutement de personnel permettent, d'une
part, de motiver les gens à l'intérieur et, d'autre part,
permettent au gouvernement, à certains égards, de faire ce qu'on
appelle un ménage finalement.
M. Gendron: Je comprends bien que vous ne parlez sûrement
pas des mêmes personnes. Autrement, il y aurait contradiction, mais si on
fait l'hypothèse qu'on fait d'abord le ménage à la
fonction publique, après cela, pour faciliter une plus grande
motivation, on permet que les postes soient comblés uniquement par voie
interne pour les postes supérieurs...
Cela suppose-t-il à ce moment que vous portez le jugement qu'il y
a tout ce qu'il faut en bons effectifs pour avoir un degré
d'efficacité et d'efficience, peu importe l'appellation qu'on
choisirait, pour être en mesure de maintenir une fonction publique de
qualité à l'intérieur même des gens qui sont en
place actuellement...
M. Veilleux: II y aurait une question de pourcentage
là-dessus et également une question d'intensité à
des moments donnés. Tout récemment, depuis peut-être un an
ou deux, il y a un très grand nombre de fonctionnaires qui sont parvenus
à la classe I, par exemple parmi les professionnels. Normalement,
dès leur accessibilité à la classe I, d'après la
réglementation de la fonction publique jusqu'à ce jour, ils
étaient admissibles, au moins admissibles à tous les postes de
cadres du gouvernement: cadre IV, III, II, I.
Depuis quelques mois, on ne sait pas pourquoi ce sont
peut-être des décisions internes de la fonction publique un
très grand nombre de ces professionnels, qui sont parvenus au bout, sont
hors-échelle pour la classe I. Donc, ils sont au terme de la classe I.
Ils s'inscrivent à des concours et ils ont tout simplement pour
réponse qu'ils ne sont même pas admissibles. Ce qui ne se voyait
pas auparavant. On entend dire comme explication que c'est une nouvelle
réglementation interne qui vient d'être faite. Quand je dis qu'ils
ne sont même pas admissibles au concours, ils ne peuvent même pas
se présenter devant le jury. C'est une chose qu'on voyait peu avant. On
ne sait pas trop pourquoi. On n'a pas fouillé cela. Pardon?
M. Bellemare: C'est seulement depuis quelques mois.
M. Veilleux: Je n'aurais peut-être pas dû prendre
cette formule. Ce n'est peut-être pas à cause de facteurs
politiques, mais, effectivement, depuis peut-être...
M. Bellemare: Dites-le donc! Dites-le donc! M. Veilleux:
Je ne le sais pas. M. Bellemare: Dites-le donc!
M. Veilleux: Je ne sais pas à quoi c'est dû, mais on
note cela depuis quelque temps.
M. Bellemare: N'ayez pas peur du ministre. Il n'est pas
dangereux.
M. Veilleux: Je n'en ai pas peur, mais je ne veux pas lui imputer
des choses...
M. Bellemare: Non, non, mais c'est seulement depuis quelques
mois. Vous ne voyiez pas cela avant. Dites-le! Dites-le!
M. Garneau: Est-ce en vertu de l'article 88, pour être
muté?
M. Bellemare: Rétrogradé pour muter, 88.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Belleval: J'aimerais bien qu'on ait une précision
là-dessus pour ne pas laisser la commission avec de fausses impressions.
Si j'ai bien compris, vous dites que, depuis quelques mois, la Commission de la
fonction publique, ce n'est pas le ministère de la Fonction publique, ne
permet plus l'admissibilité des P-l à des postes de...
M. Veilleux: A des postes de cadres IV et les exclut,
semble-t-il, systématiquement, des postes cadres III et
évidemment II et I.
M. de Belleval: Je veux que ce soit clair là-dessus.
Premièrement, c'est un règlement de la commission ou c'est
l'application d'un règlement de la Commission de la fonction publique et
non pas du ministre de la Fonction publique.
Deuxièmement, la réglementation en vigueur prévoit
déjà...
M. Garneau: ... sauf que les règlements sont
adoptés par arrêté en conseil.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. de Belleval: Un instant! Laissez-moi terminer. La
réglementation en vigueur depuis de nombreuses années, pas depuis
quelques mois, depuis de nombreuses années, prévoyait justement
que les P-l n'étaient admissibles qu'aux concours d'ACS, sauf que la
commission elle-même, aussi depuis plusieurs années, était
assez large du côté de l'application de son propre
règlement et elle permettait l'admission à des concours à
des niveaux plus élevés. Elle a décidé, de son
propre chef, d'appliquer plus sévèrement son règlement
depuis quelques mois.
M. Bellemare: On a eu des instructions.
M. de Belleval: D'ailleurs, le règlement date de 1967,
c'est-à-dire du temps où le député de Johnson
était ministre du gouvernement.
M. Bellemare: Vous avez un souffleur en arrière pour vous
le dire, parce que cela, c'est hors-concours.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! M. Veilleux,
veuillez terminer votre intervention.
M. Veilleux: A mon avis, peu importe le problème du
règlement, je juge cela injuste de considérer ou d'avoir
rappelé ce règlement, s'il existait; on ne s'était pas
rendu compte qu'il existait. A mon avis, les professionnels ne devraient pas
être systématiquement écartés de tous les autres
postes de cadres autres qu'ACS parce que, chez ces professionnels, ce ne sont
pas tous des niaiseux et des nigauds. A mon avis, il y a souvent un très
grand nombre de professionnels qui sont présentement de très loin
supérieurs à des cadres II et III en termes de compétence,
en termes de capacité et tout.
M. Bellemare: Ils ont été nommés par nous ou
bien par eux, par le Parti libéral, ce n'est pas bon. C'est certain que
ce n'est pas bon.
M. de Belleval: Je dirais là-dessus, pour terminer ce
point en particulier, qu'il illustre très bien une des raisons pour
lesquelles il faut avoir une loi de la fonction publique. Justement, il n'y a
personne, au niveau ministériel, gouvernemental, qui est
l'autorité normale pour décider de choses semblables. Il n'y a
personne qui est responsable de cela actuellement.
M. Bellemare: C'est l'article 3.
M. de Belleval: Evidemment, on est toujours libre de changer le
règlement 67, mais je me dis: II y a un projet de loi qui est
déposé, quand il y aura un ministre qui sera vraiment responsable
de la gestion de la fonction publique, il exercera ses pouvoirs, mais,
actuellement, on peut toujours aller "marchander", si je puis dire, d'une
certaine façon, nos pouvoirs ou notre bon jugement avec la commission et
avec une commission autonome, alors qu'en fait il faudrait utiliser des
méthodes différentes de gestion de la carrière de nos
cadres ou de nos professionnels.
Je dois dire que là-dessus, d'ailleurs, j'ai l'impression que
dans ma propre carrière, j'ai bénéficié de
l'interprétation laxiste de son règlement par la commission, il y
a quelques années.
M. Bellemare: Voyez-vous comme cela a été utile!
Pauvre ministre!
M. Garneau: Là, c'était l'évaluation de la
compétence, pas du mérite.
M. Bellemare: J'aime mieux faire envie que pitié.
Le Président (Mme Cuerrier): J'ai donné la parole
à M. Duchesne.
M. Duchesne: J'aimerais, si vous le permettez, Mme le
Président, revenir un peu en arrière sur la question de
l'évaluation qui a été soulevée au tout
début par le député de Jean-Talon, à savoir les
mécanismes d'évaluation qui ont été
expérimentés, pendant un certain temps, par une série de
quatre ou cinq programmes par année, par le biais du Conseil du
trésor. Ces mécanismes ont malheureusement toujours
été à mettre en place; on demande aux gens qui sont dans
la boîte et qui administrent un programme de l'évaluer
eux-mêmes.
Il est bien évident qu'il devient très difficile, à
ce moment-là, pour ces gens, sans risque de mettre leur fauteuil en jeu,
de dire que le programme ne satisfait pas un ensemble de besoins de la
population et qu'on n'a pas un certain conflit d'intérêts,
finalement, dans ces mécanismes d'évaluation. Ce qui est
proposé dans notre texte, c'est un
peu un mécanisme d'évaluation qui pourrait être
parallèle à la structure d'exécution des programmes qui
sont en place, c'est-à-dire un mécanisme dévaluation qui
serait appliqué par des gens qui n'ont pas de conflit
d'intérêts par rapport aux programmes qu'iis évaluent.
C'est l'approche qu'on essaie de proposer et qu'on désirait soumettre
devant la commission parlementaire.
M. Bellemare: Bien bonne suggestion!
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Oui, deux questions. La première est toujours
en regard de la mobilité par rapport aux mandats à être
donnés en termes de réalisation. Pour les organismes de la
fonction publique, qui sont très larges, très grands, et qui
comportent peut-être des difficultés de mise en application de
cette mobilité par rapport aux mandats de travail, avez-vous
évalué, dans de tels organismes, ce qui existe peut-être
dans d'autres programmes, ou si vous lancez cela, parce que vous avez entendu
parler de l'efficacité de ce système?
M. Veilleux: Quoique je ne sois pas sûr d'avoir compris la
question, dans le système actuel...
M. Jolivet: Le système en question, c'est que la
mobilité par rapport à un mandat de travail cela donne
très bien dans un organisme où vous avez peut-être une
centaine de personnes qui travaillent, mais quand vous l'appliquez à
l'ensembie de la fonction publique où vous avez des milliers de
travailleurs, l'impact est-il le même? D'après vous, lavez-vous
évalué en regardant ce qui s'est fait ailleurs, dans d'autres
organismes que la fonction publique pour ce qui est de la mobilité par
rapport au mandat de travail?
M. Duchesne: Si vous le permettez...
Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne.
M. Duchesne: Ces mécanismes d'évaluation par
mandat, c'est un peu ce qui est réalisé; par exemple, dans des
centres expérimentaux dans le genre de la NASA ou on donne un programme,
on fait ce qu'on appelle du "project management", où on donne un
programme à administrer et à réaliser, et qu'à
l'intérieur d'un délai ou d'un objectif visé on finisse au
bout de la ligne, par abolir cette structure pour ce projet donné.
On fonctionne vraiment par mandat et je pense que ce sont les organismes
qui fonctionnent quand même sur une assez vaste échelle et qui
ont, dans une certaine mesure, fait leurs preuves, sans avoir fait
d'évaluation personnelle et spécifique de ces expériences.
Il y a des cas, dans d'autres administrations, que celle du gouvernement du
Québec, où on a déjà fonctionné par mandat.
Le concept de "project management ' est un concept qui date, quand même,
d'une certaine époque et qui a fait ses preuves dans beaucoup
d'entreprises plus ou moins vastes. Il permet, à ce moment, d'atteindre
une efficacité en fonction des besoins immédiats et en fonction
des priorités de l'organisation.
M. Jolivet: Si je posais cette question au niveau de la fonction
publique, c'est parce que vous avez parlé de la tuyauterie, comme on
l'appelle communément. Entre le petit qui travaille en bas comme
fonctionnaire, qui fait sa "job", prépare son document avec un
comité, avant qu on transpose cela au niveau politique, il y a une
série de gens qui touchent à cela et qui l'élaguent de
telle façon qu'au bout de la course ce qu'ils ont dit, ce n'est pas ce
qui arrive au bout. Est-ce que, d'après vous autres, la formule de
mandat permettrait d'aller plus directement au niveau de l'action et de la
décision à être prise par le responsable politique?
M. Duchesne: Nous croyons que cela va faciliter ce volet parce
qu'à ce moment le mandat vient vraiment en fonction des priorités
que le ministre peut avoir déterminées. C'est donc un dossier
auquel le ministre s'intéresse lui-même de façon beaucoup
plus précise que de travailler dans un vaste bassin où il y a 300
ou 350 opérations à exécuter. Là-dedans, il y a des
opérations qui sont continues et il y a des opérations qui sont
ponctuelles. Comme mécanisme de mandat, on pense, par exemple, aux
groupements chargés de mettre sur pied des structures du genre de la
Régie de l'assurance automobile qu'on mettra sur pied prochainement. On
aura besoin d'une équipe d'implantation qui sera peut-être
très massive pour lancer I opération, mais, par la suite, on
devra nécessairement alléger cette structure.
Actuellement, on croit que le mode de fonctionnement de poste
intégré à une structure donnée, cela prend
tellement de temps à avoir des postes dans une organisation par le biais
d'une revue de programmes qu'il est très difficile, par la suite,
d'enlever ces effectifs dans le cadre d'un plan d'effectif global aux
organismes qui les ont eus. On vit avec des structures de plus en plus lourdes
qui n'ont plus lieu d'exister, selon nous, dans certains cas.
M. Veilleux: A un moment donné, les urgences devraient
être ailleurs. On prend comme exemple le RRQ, la RAMQ, tous ces groupes
qui ont instauré pratiquement des systèmes d'assurance, disons,
globaux pour le Québec. Il y aura le groupe pour l'automobile dans
quelque temps. Dans l'entreprise privée, une compagnie d'assurance va
commencer avec 15 000 abonnés, 15 000 personnes. Elle se rode pour
commencer et, après un certain temps, elle peut passer à 60 000
ou à 100 000 par l'addition de quelques personnes
supplémentaires. Dans le système public, vu que tout le monde,
à compter de telle date, en vertu de telle loi, recevra tel
système, le système RRQ ou RAMQ, tout le monde panique et est
tellement impressionné par cela qu'on en met du monde. On en met plus
que moins. On en met un paquet, 2000, s'il le faut.
Dans le temps de la préparation et du rodage, ils sont
surchargés de travail la plupart du temps.
Mais, après un certain temps, évidemment, la machine est
rodée, les automatismes arrivent, il en faudrait peut-être la
moitié seulement, mais ailleurs, dans tel autre ministère et tel
autre organisme gouvernemental, se déclenche une grosse
opération. Il serait peut-être bon d'en prendre 1000 là et
de les placer ailleurs. Il y a toujours de la place pour 35 000 fonctionnaires.
Il n'y a pas de problème là-dessus.
Mais, les urgences ne sont pas toujours les mêmes à
différents moments et à différents endroits. Tandis qu'un
poste conçu comme une affaire à vie, qui ne change pas ou qui est
très lente à changer, cela ne marche pas avec l'efficacité
gouvernementale, d'après nous.
Le Président (Mme Cuerrier): MM. Duchesne et Veilleux, je
me fais encore une fois l'interprète de la commission pour vous
remercier d'avoir pris la peine de préparer ce mémoire et
d'être venus le présenter à la commission parlementaire sur
la fonction publique.
M. Duchesne: Si vous le permettez, Mme le Président, nous
remercions tous les membres de la commission parlementaire d'avoir bien voulu
nous écouter.
Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec
Le Président (Mme Cuerrier): J'inviterai maintenant Mme
Nicole Dumouchel, secrétaire, à présenter les commentaires
du Bureau de l'ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
Etant donné l'heure avancée, Mme Dumouchel, vous aurez
sans doute le temps de présenter votre mémoire et la discussion
devra probablement avoir lieu après la suspension à 18
heures.
Mme Tellier-Cormier (Jeannine): Mme le Président, dans un
premier temps je voudrais apporter une rectification en tant que porte-parole
officiel. Je vous soulignerai que Mlle Dumouchel qui vous a fait la
communication, l'a fait en tant que directeur général et
secrétaire de l'ordre, mais c'est la présidente de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec qui fera la
présentation.
Le Président (Mme Cuerrier): Vous êtes madame?
Mme Tellier-Cormier: Je m'appelle Jeannine Tellier-Cormier,
présidente de l'Ordre des infirmières du Québec. Je vous
présente, à ma gauche, Mlle Wheeler, qui est secrétaire
adjointe et, à ma droite, M. Normand Grou, qui est conseiller juridique
à l'ordre.
Nous avions d'ailleurs fait connaître notre réponse, suite
à votre convocation, qui seraient les porte-parole officiels pour la
présentation aujourd'hui.
Le Président (Mme Cuerrier): Mme Tellier-Cormier, vous
avez la parole.
Mme Tellier-Cormier: Merci. Mme le Président, M. le
ministre responsable, mesdames et messieurs, permettez-moi, en premier lieu de
vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'échanger avec
vous, aujourd'hui, nos commentaires relativement au projet de loi no 53, Loi
sur la fonction publique. J'ai apprécié que vous ayez fait,
dès le départ, la distinction et en aucun temps nous n'avons
présumé que nous présentions un mémoire.
Peut-être devons-nous souligner que nous sommes aussi conscients
de nos responsabilités à titre de corporation professionnelle.
Nous ne voulons aucunement nous immiscer dans les responsabilités d'un
organisme syndical et, dans cet esprit, il n'est pas dans notre intention de
parler de conditions de travail ou autres. Dans le but aussi de ne pas perdre
le temps précieux de tout le monde, nous ne lirons pas nos commentaires
puisqu'ils vous sont déjà parvenus, dans les délais
prescrits. Comme vous avez pu le constater à la lecture de nos
commentaires, notre principale préoccupation est de s'assurer que l'on
reconnaisse aux infirmières et aux infirmiers du Québec leur
statut professionnel. Ceci n'est pas un problème récent,
puisqu'antérieurement plus de 2000 de nos membres étaient
touchés par cet article de la Loi de la fonction publique. Cependant,
aujourd'hui, nous sommes très conscients que le nombre est moindre.
Toutefois, au moment où le législateur prévoit apporter
des changements nous voulons saisir l'occasion de réitérer notre
demande puisque nous estimons essentiel le respect de ce principe.
Nous sommes à votre disposition pour répondre aux
questions que vous pourriez avoir à nous poser.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. de Belleval: Au fond, la demande que vous nous faites
relève d'une section de la Loi actuelle de la fonction publique qui est
soustraite du projet de loi 53. C'est-à-dire l'article 69. Comme je l'ai
expliqué ce matin, nous avons voulu exclure de la loi 53 toutes les
parties de l'ancienne loi qui touchaient au régime de négociation
collective et d'accréditation, entre autres syndicale, pour la simple et
bonne raison que cette partie-là doit faire l'objet des recommandations
de la commission Martin qui étudie les questions de négociation
collective dans le secteur public et parapublic. Dans ce sens, la
réponse que je devrai vous faire, c'est de vous adresser à la
commission Martin, de soumettre vos revendications à la commission, qui
elle-même fera, dans le cadre de son rapport, des recommandations quant
à la détermination de l'accréditation syndicale.
Le projet de loi que nous avons devant nous ne veut pas toucher à
ces questions pour l'instant et a donc prévu que toute la section de
l'ancienne loi qui touchait à ces questions sera maintenue en vigueur
jusqu'à nouvel ordre et portera d'ailleurs un nouveau titre. C'est la
réponse que je suis obligé de vous faire pour l'instant. Je ne
veux pas
me prononcer sur le mérite de votre demande, pour la simple et
bonne raison, comme je l'ai dit, que toute cette question sera
étudiée par la commission Martin.
Mme Tellier-Cormier: Je respecte votre opinion. D'abord, à
la lecture du projet de loi 53, on ne pouvait pas présumer pour quelle
raison vous demandiez qu'il soit exclu d'une certaine façon. Ce
n'était pas clair dans le projet de loi 53, où on nous dit
seulement que tel article n'y sera plus. D'autre part, il m'apparaît
important que le ministre responsable de la fonction publique, lui-même,
détermine si une autre loi du gouvernement doit être
respectée par une loi qu'il devra lui-même administrer.
Il m'apparaît que c'est une question de fond, à titre
d'infirmières au niveau du Québec, de devoir être
reconnues, à titre de statut professionnel, comme les autres professions
le sont. Il nous apparaissait indispensable de le rappeler à ce
moment-ci, au niveau de cette commission parlementaire.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. le député de Johnson.
M. Bellemare: Vous avez parfaitement raison, Madame, parce que je
crois que les difficultés que vous rencontrez depuis de nombreuses
années font que vous avez milité d'une manière assez
convenable au sein de la fonction publique pour obtenir cette reconnaissance
que vous sollicitez d'une manière plus tangible aujourd'hui dans la loi
53. Je vous félicite d'avoir entrepris cette démarche pour venir
rencontrer les membres de la commission parlementaire qui étudie le
projet de loi 53 et je vous dis d'avance que ce n'est pas en vain que le
travail si tenace que vous faites pour vous faire reconnaître
officiellement comme professionnels aura été fait.
Personnellement, mon collègue et moi, nous avons
déjà discuté de cette appréhension que vous avez et
je peux vous dire une chose, c'est que nous allons déployer toute
l'influence dont nous sommes capables pour essayer de vous faire
reconnaître officiellement par l'article 69. Il stipule actuellement que
les infirmiers et infirmières travaillant au sein de la fonction
publique doivent obligatoirement appartenir au Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec.
Je pense, Madame, que vous avez parfaitement raison et que trop fort ne
casse pas. Devant la commission Martin, vous pouvez faire valoir exactement
cette prétention qui est justifiée, à mon sens, et qui
pourra vous apporter, à l'avenir, véritablement le succès
que vous sollicitez depuis de nombreuses années. Je pense que vous avez
survécu à certaines difficultés qui sont à noter
aujourd'hui, mais avec la ténacité que vous y avez mise,
personnellement et ceux de votre groupe, je pense qu'on devrait bientôt
officiellement reconnaître votre groupe comme professionnel dans la
fonction publique.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre. M. de
Belleval: Maintenant... excusez...
M. Garneau: Allez-y, parce que moi, c'est seulement une
remarque.
M. de Belleval: Evidemment, vu sous un autre aspect que l'article
69, vu sous l'angle de la classification actuellement en vigueur pour les
postes de professionnels... C'est-à-dire que la classification des
postes de professionnels, actuellement, prévoit qu'un diplôme
universitaire de premier cycle est un prérequis à l'entrée
dans la classe des professionnels.
Dans le cas de la profession d'infirmière, un diplôme DEC
permet l'exercice de la profession d'infirmière. Evidemment, nous
pourrions envisager de modifier la classification actuelle des professionnels
pour permettre que des individus qui n'ont qu'un DEC et non pas un
diplôme universitaire de premier cycle appartiennent à la classe
des professionnels.
Je n'ai pas besoin de vous dire que changer la classification des
professionnels de cette façon aurait des incidences majeures sur
beaucoup d'autres professions pour lesquelles on exige aussi un DEC et non pas
un diplôme universitaire de premier cycle.
Vous voyez quand même le caractère très vaste, les
implications très vastes de la demande que vous pourriez formuler au
titre de la classification, et je rappeJle que, de ce point de vue, la
classification, en vertu du projet de loi, bien sûr, relèvera
d'une réglementation du ministre.
Le Président (Mme Cuerrier): Mme Tellier-Cormier.
Mme Tellier-Cormier: Dans un premier temps, j'espère que
les difficultés ne feront pas peur au législateur et ce n'est pas
parce qu'une chose est difficile qu'il faut baisser.
Dans un deuxième temps, je vous rappellerai qu'un premier cycle,
un premier niveau universitaire est l'équivalent de quinze années
de scolarité, et quand vous parlez aujourd'hui de scolarité en
termes d'atteinte d'un diplôme au niveau de l'infirmière, je pense
qu'il ne faut pas parler uniquement de la catégorie actuelle, de celles
qui sortent des CEGEP, mais celles mêmes qui en sortaient auparavant
avaient déjà un minimum de quinze années de
scolarité à la fin de leurs études.
Alors, je pense que si on parle de niveau en termes d'années de
scolarité, on pourrait en parler très longuement.
Il m'apparaît donc que vous considérez que cela
relève d'un problème de classification au niveau des
professionnels. C'est certes une réalité, mais je persiste
à dire que c'est une question de fond, de reconnaissance d'un statut qui
nous revient.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Evidemment, le problème soulevé par
rapport à la commission Martin je ne veux pas tourner le fer dans
la plaie indique jusqu'à quel point notre motion de ce matin
était à propos, et si on avait ici des représentants et
si, à ce moment-ci, on savait que le projet de loi ne serait pas
adopté en deuxième lecture avant le dépôt du rapport
Martin, il y aurait certainement pour vous la possibilité de savoir
dès maintenant que vous pourrez intervenir à nouveau au moment
où le rapport Martin aura été déposé avec
ses recommandations et surtout avec la décision que le gouvernement
pourrait proposer à l'étude de cette commission de
l'Assemblée nationale.
Ceci étant dit, pourrais-je vous demander combien vous avez de
personnes qui seraient touchées par cela, dans la fonction publique,
présentement?
Tout à l'heure, vous avez parlé de 2000, il y a un certain
nombre d'années. Combien en reste-t-il maintenant?
Mme Tellier-Cormier: Actuellement, nous avons la certitude que 68
infirmières sont touchées par ce problème. J'ai la
certitude de 68, mais cela peut être plus.
M. Garneau: Votre objectif est de faire en sorte que ces 68
personnes soient représentées dans un syndicat professionnel
séparé de celui des fonctionnaires en général.
Est-ce cela? Je ne suis pas tellement familier avec le problème.
Mme Tellier-Cormier: Non. Je vous ferai remarquer que l'intention
de la corporation n'est pas de s'immiscer dans les problèmes qui
relèvent d'un organisme syndical. Elles décideront, par la suite,
par quel organisme syndical elles devront être
représentées.
Le problème de fond que je soulève, et que nous soulevons
depuis moult années, c'est le fait d'être reconnues comme
professionnelles, puisque nous sommes reconnues comme professionnelles depuis
1920. Je ne sais pas si je peux m'adresser ici à Mme le
Président? Je pense qu'il y a un facteur sociologique qui fait que,
parce que nous étions des femmes, nous ne nous sommes pas fait entendre
avant. Je pense que c'est un phénomène sociologique qui existe et
qui a existé. Comme nous étions vouées à la
tâche, pour toutes sortes de raisons sociologiques, nous ne nous sommes
peut-être pas fait entendre assez tôt sur ce problème,
quoique cela fasse au-delà de cinq ans que nous faisons des
revendications pour cette chose. C'est depuis 1920 que les infirmières
existent, à titre de corporation, et même l'exercice exclusif
existe depuis 1946.
Je pense que c'est une reconnaissance de quelque chose que nous avons
déjà. La réforme du Code des professions nous a
consacrées à nouveau comme une profession avec un exercice
exclusif. C'est très difficile de digérer c'est le cas de
le dire une telle loi, qui ne fait même pas la concordance avec
une loi qui existe déjà.
Je vous rappellerai aussi, que parmi nos membres, il y a une proportion
quand même assez importante qui est au premier niveau universitaire, au
deuxième et même au troisième. On ne peut pas
prétendre uniquement se baser sur une question de niveau pour nous
refuser une demande qui, selon nous, est justifiée et logique.
M. Garneau: Au sujet de cette demande que vous faites, la
conséquence, en termes administratifs, que le ministre a
soulignée tout à l'heure, la voyez-vous comme véritable?
S'agit-il uniquement d'une reconnaissance professionnelle comme telle, ou si
cela amènerait d'autres modifications? Vous allez pardonner mon
ignorance dans la section administrative de ce problème. Je pense que
nous sommes ici pour nous informer.
M. Bellemare: Vous permettez, Mme le Président...
M. Garneau: J'aimerais entendre la réponse de Mme
Tellier-Cormier.
M. Bellemare: Oui, c'est parce qu'il y a longtemps que ce
problème mijote dans le Parlement du Québec.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, M. le député de Jean-Talon avait la parole;
pourriez-vous attendre pour faire votre intervention? D'ailleurs, je voudrais
faire remarquer à la commission qu'il est 18 heures et que nous devons,
à moins que la commission ne décide de continuer parce qu'elle
pense que les interventions ne seront pas très longues, les participants
aussi...
M. de Belleval: On pourrait te terminer, je pense.
M. Garneau: Je le pense aussi.
Le Président (Mme Cuerrier): La commission est d'avis que
nous puissions terminer avec les invités que nous avons maintenant.
Allez-y, madame! C'est vous qui avez la parole.
Mme Tellier-Cormier: Merci, Mme le Président. Je
soulignerai à M. Garneau que les commentaires faits par le ministre
responsable sont des réalités. Je sais pertinemment que cela va
occasionner des restructurations en termes de classification, mais, encore une
fois, cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas régler un problème
parce qu'il y a des difficultés. Ce sera une reclassification à
faire en tenant compte des années de scolarité ou autres.
Je pense qu'il y a d'autres endroits où le même
problème s'est posé et on y a trouvé une solution. Encore
une fois, je ne sais pas si cela dépend de la profession qu'on exerce,
mais il ne faut vraiment pas plier l'échine devant la
difficulté.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Johnson, je regrette d'avoir dû retarder votre intervention.
M. Bellemare: Oui, mais je répète ce que j'ai
déjà dit et que vous avez certainement entendu, si vous ne l'avez
pas compris. En tout cas, chose certaine, cela fait des années que ce
problème est devant la Législature, devant le Parlement.
Moi-même, comme ministre, j'ai déjà entendu des
réflexions comme celles que vous avez faites, madame, mais nous avons
peut-être fait la sourde oreille. Cela date de plusieurs années.
C'est revenu, en 1970, devant l'autre gouvernement qui, lui aussi, après
plusieurs entrevues que le ministre de la Fonction publique, M. Oswald Parent
vous avait accordées, vous avait donné la certitude bien
définie que le problème se réglerait d'une manière
définitive. Malheureusement, cela n'a été que des voeux
pieux. A l'occasion de ce projet de loi 53, vous êtes venus ici pour
faire valoir vos droits qui sont des droits acquis, parce qu'on vous
reconnaît dans les faits et particulièrement dans l'exercice de
votre profession comme de véritables professionnels, mais on ne veut pas
vous reconnaître au point de vue de la loi. Alors, je dis que,
personnellement, je suis en faveur, même si "trop fort, casse pas", comme
je vous l'ai dit tout à l'heure, que vous interveniez auprès de
la commission Martin pour faire valoir votre droit.
Ici je pense que nous allons faire... Je sais que le ministre ne voudra
pas accepter le projet 53 en deuxième lecture avant d'avoir en main le
rapport Martin. Je sais cela d'avance. J'en suis persuadé, je le connais
parce que c'est un homme qui est strictement honnête et comme il est
honnête, il ne fera pas cela. Il va attendre que le rapport Martin soit
déposé et, après, qu'on ait la latitude de faire la
corrélation entre les deux pour voir là où il y a
amélioration, là où il y a perfectionnement et, dans cette
corrélation, madame, je pense bien que votre représentation,
aujourd'hui, sera entendue.
M. de Belleval: Mme le Président...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. de Belleval: ... en terminant rapidement, pour faire une
dernière remarque sur les dernières remarques du
député de Johnson. On peut faire exprès quand on veut
noyer un chien, de lui trouver des puces et de dire qu'il a la rage et c'est
peut-être un peu la même chose en politique, quand on veut, non pas
discuter du fond d'une question, on essaie de trouver une façon
dilatoire de noyer le poisson. Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne le
problème soulevé par les infirmières, il relève de
l'article 69 et cet article, comme tel, fait partie ou fera partie, quand la
loi 53 sera adoptée, d'une autre loi. Donc, on peut adopter la loi 53,
sans préjuger en aucune façon de ce qui sera...
M. Garneau: Oui, oui, mais...
M. de Belleval: Un instant, laissez-moi finir, je vous en prie.
On peut adopter la loi 53, dis-je, sans préjuger en aucune façon
de la solution qui sera adoptée aux amendements, éventuellement,
à une loi qui existe déjà et qui continuera d'exister,
c'est-à-dire, l'article 69 de la Loi de la fonction publique. Donc, on
peut étudier ces deux questions de façon totalement distincte.
Pour le reste, on y reviendra.
M. Bellemare: Le poisson ne sera jamais noyé.
M. de Belleval: D'ailleurs, je vous ferai remarquer une chose,
c'est qu'il se pourrait fort bien que devant l'ouverture du ministre de la
Fonction publique à apporter des amendements à sa loi, des
personnes qui, actuellement, sont réticentes à la voir accepter
tout de suite, voudraient, au contraire, la voir accepter tout de suite.
M. Garneau: Si vous abolissez la commission Martin.
Le Président (Mme Cuerrier): II me reste à
remercier les participants qui sont nos invités maintenant, puisque vous
le représentez, l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, pour avoir apporté cette collaboration aux travaux de
cette commission.
Mme Cormier: Merci, Mme le Président.
Le Président (Mme Cuerrier): La séance est
suspendue jusqu'à 20 heures.
(Fin de la séance à 18 h 10)
Reprise de la séance à 20 h 19
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
C'est le moment de poursuivre la séance. Nous invitons maintenant
M. Michel Rolland, président de la Fraternité des cadres
intermédiaires des agents de la paix de la fonction publique du
Québec.
M. Michel Rolland
Fraternité des cadres
intermédiaires
des agents de la paix de la fonction publique du
Québec
M. Rolland (Michel): Mme le Président, messieurs les
membres de la commission, il nous fait plaisir de vous présenter notre
mémoire sur le projet de loi 53.
Le projet de loi 53, par les divers amendements qu'il apporte à
la Loi de la fonction publique, concerne d'une façon particulière
les cadres intermédiaires des agents de la paix. Ainsi, la
Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix de la
fonction publique du Québec entend soumettre ses représentations
sur certains aspects du projet de loi, ainsi que sur ses implications
possibles, après avoir offert un bref exposé sur les raisons de
son existence et sur la catégorie de personnel qu'elle
représente.
La fraternité des cadres intermédiaires des agents de la
paix est un syndicat professionnel constitué en vertu de la Loi des
syndicats professionnels depuis le 20 novembre 1969. La fraternité
représentait alors trois catégories de personnes, soit:
surveillants en institutions pénales, surveillants routiers et agents de
pêcherie.
La constitution de la fraternité fut subséquemment
amendée et approuvée le 28 avril 1975 en vue de regrouper, sous
le pouvoir représentatif de ladite fraternité, tous les cadres
intermédiaires des agents de la paix oeuvrant dans les
établissements de détention uniquement. Ces derniers formaient,
de toute façon, la majeure partie des membres à l'origine de la
fraternité. Cette modification de la constitution avait pour but, en
effet, de mettre fin aux nombreux problèmes résultant du fait que
les cadres, lorsque tous regroupés sans distinction aucune, relevaient
de trois ministères différents, lesquels étaient, à
l'époque, ceux de la Justice, de la Fonction publique, de la Voirie, de
la Chasse et de la Pêche, alors qu'actuellement lesdits cadres des
établissements de détention ne relèvent plus que d'un seul
ministère, celui de la Justice.
La fraternité des cadres intermédiaires des agents de la
paix a un objectif conforme à celui qui est stipulé à
l'article 6 de la Loi des syndicats professionnels, soit de promouvoir le
bien-être général des membres de la fraternité et de
voir à leurs intérêts économiques, sociaux, moraux
et culturels dans le respect des lois et de l'autorité.
Depuis sa formation, le gouvernenent du Québec a, de fait,
reconnu le pouvoir de représentation et de consultation de la
fraternité pour le reconnaître officiellement par la commission
d'une entente sur les conditions de travail de ses membres le 17 mai 1977 sous
la forme d'un règlement intitulé "Règlement concernant
certaines conditions de travail du personnel de direction des agents de la paix
(Surveillance en établissement de détention)".
A cet effet, nous avons joint en annexe de notre mémoire
différentes lettres provenant de certains ministères et
créant officiellement notre comité paritaire, à notre
disposition depuis le mois de novembre 1975.
La Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la
paix regroupe les cadres qui se situent entre les cadres supérieurs du
personnel de direction des agents de la paix et les agents de la paix
regroupés sous le Syndicat des agents de la paix, dont ies fonctions
relèvent de la surveillance dans les établissements de
détention. Les cadres intermédiaires, dans l'exécution de
leurs tâches, jouent en quelque sorte un rôle de transition entre
les cadres supérieurs et les syndiqués.
Ainsi, à cause de la nature même de leurs fonctions, les
cadres intermédiaires ayant un pouvoir représentatif de la
direction et, par conséquent, un pouvoir d'autorité, ne peuvent
avoir un statut de salarié au sens du Code du travail et doivent se
distinguer du Syndicat des agents de la paix en se regroupant sous une
association de cadres.
Tout en étant en accord avec l'idée générale
du présent projet de loi, la fraternité s'interroge sur certaines
questions qui se soulèvent et tient à traiter quelques aspects de
ce projet sur lesquels elle diffère plus ou moins d'opinion.
Distinction entre les agents de la paix et autres fonctionnaires. Nous
remarquons que le projet de loi 53 propose une modification substantielle de la
Loi de la fonction publique, mais que, par ailleurs, il contient le maintien
des dispositions des articles 69 à 75 de la Loi de la fonction publique,
ce qui signifie donc que la distinction déjà existante entre
certaines catégories de fonctionnaires, dont les agents de la paix,
persiste malgré les changements apportés à la Loi de la
fonction publique.
L'article 69d, et plus particulièrement les articles 74 et 75,
interdisant toute affiliation et toute grève, démontrent qu'un
traitement différent est donné aux agents de la paix à
cause de leurs fonctions et de leur contexte de travail.
Si le législateur juge à propos de maintenir cette
distinction au niveau des salariés, il nous apparaît logique que
la même distinction soit faite au niveau des cadres de la fonction
publique.
Aussi, la Fraternité des cadres intermédiaires des agents
de la paix suggère que le projet de loi, à son article 59, tienne
compte de cette distinction en reconnaissant, dans la loi, la situation qui
existe dans les faits; ainsi, les agents de la paix nommés et promus
à des emplois de cadres intermédiaires des agents de la paix,
seraient distincts des autres fonctionnaires qui occuperaient des postes de
cadres dans la fonction publique.
Distinction entre cadres supérieurs et cadres
intermédiaires. Comme nous le mentionnons dans les notes
préliminaires de notre mémoire, les
membres de la fraternité sont effectivement des
intermédiaires entre les cadres supérieurs et les
syndiqués dans les établissements de détention; la
Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix
regroupe les cadres qui se situent à un niveau immédiatement
inférieur à celui qu'occupent les cadres supérieurs du
personnel de direction des agents de la paix.
Les cadres intermédiaires des agents de la paix
représentent la direction, soit l'employeur, dans leurs relations avec
les agents de la paix salariés; ils exercent donc sur ces derniers une
autorité qui les exclut de la définition du terme
"salarié" au sens du Code du travail et qui les empêche du
même coup de faire partie du Syndicat des agents de la paix.
Cette autorité des cadres intermédiaires des agents de la
paix n'étant toutefois que relative, puisqu'elle est elle-même
assujettie à celle des cadres supérieurs, doit, à notre
avis, faire l'objet d'une considération particulière de la part
du législateur; à cette fin, le projet de loi, et plus
particulièrement à ses articles 1d et 59, devrait tenir compte de
ce statut particulier des cadres intermédiaires, lequel est
constaté dans les faits et par la reconnaissance de pouvoirs qu'on a
octroyés à la fraternité.
Par le biais de l'article 6 du projet de loi, le pouvoir de
négocier les conventions collectives avec les associations
accréditées de salariés de la fonction publique est
à nouveau consacré au ministre.
Aussi serait-il opportun à notre avis de prévoir un
mécanisme de consultation et de représentation auquel pourrait
avoir recours la fraternité lorsqu'il s'agira pour le ministre de
réglementer les conditions de travail du personnel de cadre.
En effet, notre association, comme d'autres associations existantes, ont
par le passé eu l'occasion de se faire entendre sur de telles
matières. Nous croyons que devrait être reconnu ce droit dans la
loi. Il ne s'agirait pour le législateur que d'arrêter dans le
texte de loi une situation de fait antérieurement reconnue en pratique,
laquelle a d'ailleurs fait bénéficier les associations
concernées de résultats concluants.
Ceci nous apparaîtrait même être une
conséquence iogique des dispositions contenues à l'article 7 du
projet de loi qui prévoit un mécanisme d'appel des
décisions rendues par règlement sur les matières
visées et relativement auxquelles il n'existe pas de recours
auprès de la commission.
C'est donc dire, suivant la juridiction de la commission, tel que
prévu à l'article 28 du projet de loi, qu'un tel mécanisme
d'appel va s'appliquer notamment aux décisions relatives à tout
règlement pour les conditions de travail. On devrait, par
conséquent, prévoir un mécanisme de représentation
quant aux conditions de travail.
En terminant, nous vous soulignons qu'un tel mécanisme de
consultation aurait sans doute pour effet de minimiser les appels prévus
à l'article 7 du projet de loi puisque les parties impliquées
auront eu l'occasion de se faire entendre avant que décision soit
rendue.
Nous constatons que le projet de loi accorde au ministre de la Fonction
publique de larges pouvoirs puisque ce dernier se retrouve non seulement avec
les pouvoirs qu'il avait en vertu de l'ancienne loi du ministre de la Fonction
publique, mais qu'il s'enrichit d'une bonne partie des pouvoirs que
détenait la commission. Désormais, le rôle de cette
dernière est, à toutes fins pratiques, restreint à un
rôle de tribunal d'appel dans certaines matières ainsi qu'à
un rôle consultatif.
Selon l'article 32 du projet de loi, la commission, pour les cas qui
tombent sous sa juridiction, tels qu'énumérés à
l'article 28 du projet de loi, devra déterminer par règlement la
procédure à suivre; par ailleurs, dans les autres cas tombant
sous la juridiction des comités d'appel, le ministre
déterminerait par règlement les règles de
procédure.
Or, nous sommes d'avis que ces règles de procédure
devraient être déterminées dans la loi afin que le ministre
lui-même y soit assujetti et soit lié par cette procédure.
Dans les cas de rétrogradation, de révocation ou de destitution,
l'article 89 du projet de loi prévoit un appel de la décision
à la commission dans les 30 jours. Vu l'importance de ces divers cas, la
fraternité insiste pour que la procédure d'appel soit claire et
qu'un mécanisme d'appel soit bien défini en vue d'éviter
des abus et de garantir la défense des droits des fonctionnaires dont la
position serait ainsi mise en jeu. La fraternité suggère, en
outre, lorsqu'il s'agira de rétrograder, de révoquer ou de
destituer un cadre intermédiaire des agents de la paix, que la
décision de la commission siégeant en appel soit elle-même
soumise à une procédure d'appel devant un autre organisme
nommé à cette fin et que les règles de procédure
devant s'appliquer soient explicites, déterminées et
permanentes.
En terminant, nous croyons qu'il y aurait peut-être lieu de
sanctionner le principe des associations de cadres dans la loi puisque ce
principe est reconnu dans les faits.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. de Belleval: Merci beaucoup, M. Rolland, de votre
contribution. A mon avis, il s'agit d'une contribution positive qui fait
avancer le débat sur un certain nombre de points qui vous concernent,
mais qui concernent aussi l'ensemble des fonctionnaires.
Comme votre prédécesseur, au niveau des cadres
intermédiaires, vous insistez sur l'opportunité de distinguer
entre cadres intermédiaires et cadres supérieurs. Je pense que,
tout à l'heure, j'ai expliqué assez en détail la raison
pour laquelle on introduisait la notion de cadres supérieurs dans la
loi, tous les fonctionnaires étant inscrits indistinctement dans la loi,
la distinction de cadres supérieurs n'étant introduite que pour
les fins de l'application des pouvoirs du Conseil du trésor en ce qui
concerne les plans d'organisation supérieure.
Donc, le projet de loi comme tel n'a pas pour but de créer des
catégories de fonctionnaires, mais s'adresse tout simplement à
l'ensemble des fonctionnaires indistinctement de leur classification.
Vous demandez, bien sûr, un mécanisme de consultation et de
représentation pour les cadres. Comme vous le savez, ce mécanisme
existe déjà en ce qui vous concerne et il est en voie aussi
d'être précisé, d'être formalisé davantage. Je
pense que c'est une démarche qui vous convient. Cependant, je suis
sensible à votre suggestion à savoir que le principe pourrait
être reconnu dans la loi de façon plus explicite. C'est une
possibilité que nous examinerons, mais il faut quand même se
rendre compte que rien dans la loi, justement, n'interdit de reconnaître
les associations de cadres. A vrai dire, les associations de cadres, j'ai
déjà pris des mesures pour les reconnaître
formellement.
J'ai apprécié, dans votre mémoire, d'ailleurs,
votre référence à la date du 17 mai pour l'approbation
d'un règlement sur lequel vous aviez beaucoup insisté et que je
vous avais, effectivement, promis pour le 15 mai. Je pense qu'il s'agit
purement d'une date de concordance, une histoire de fin de semaine, le Conseil
du trésor siégeant le mardi, comme vous le savez. J'ose
espérer, même si je n'en ai pas eu beaucoup d'écho de votre
part, que cette action au niveau du règlement, de votre point de vue,
augurait bien quant aux rapports que nous devons avoir de toute façon
pour l'avenir.
On reçoit beaucoup de critiques, mais fort peu de
félicitations. C'est une coquetterie que je me permets en vous signalant
ce fait. Quant à la question de la réglementation explicite des
mécanismes prévus pour les griefs en toute matière, bien
entendu, c'est dans le cadre de la reconnaissance et des protocoles d'entente
qui en découlent que seront prévus explicitement les
mécanismes d'appel; de la même façon que dans le cas des
employés syndiqués, ce sont les conventions collectives qui
prévoient explicitement les mécanismes d'appel, il existera, de
toute façon, donc, des mécanismes à deux niveaux: au
niveau de la convention comme telle ou de ce qui en tient lieu, et aussi, au
niveau de la Commission de la fonction publique.
En ce qui concerne les règlements d'appel au niveau de la
Commission de la fonction publique, il s'agit de règles de
procédure propres aux tribunaux administratifs qui ne sont
généralement explicitées dans aucune loi, mais qui sont
édictées par les tribunaux eux-mêmes et qui sont
appelées d'ailleurs à changer suivant l'expérience et
quand il est opportun de les modifier.
Cependant, ces règlements sont publics et peuvent être
discutés. Mais il n'est coutume nulle part de prévoir les
règles de procédure devant les tribunaux administratifs dans les
lois qui constituent ces tribunaux.
Voilà, en gros, un certain nombre de remarques que j'avais
à vous faire sur votre mémoire, pour lequel je vous
réitère mes remerciements.
M. Rolland: M. de Belleval, peut-être n'avons-nous pas
encore eu l'occasion de vous remercier pour notre CT du 17 mai 1977, c'est
peut-être l'occasion propice pour le faire. C'est sûr que le
règlement que nous avons obtenu a résolu une bonne partie du fond
du problème, mais il n'en reste pas moins qu'il y a encore bien des
choses à améliorer dans ce document. Vous faisiez
également référence aux procédures d'appel. Dans
notre mémoire, lorsqu'on se réfère à des
procédures d'appel, c'est particulièrement dans les cas de
révocation, de destitution ou de rétrogradation.
Actuellement, nous avons à notre disposition une procédure
de plainte qui, sans être parfaite, nous permet quand même de
régler le fond du problème qui est en litige. Mais, dans les cas
de rétrogradation ou de congédiement, en tant qu'association de
personnel de direction, on comprend assez bien votre préoccupation pour
assainir votre ministère ou le service de la fonction publique. On a,
dans nos sphères d'activité, les mêmes
préoccupations que vous, mais à un niveau plus restreint. Dans un
sens, nous sommes en accord avec le principe qui est mentionné, soit la
révocation ou la destitution. Par contre, on insiste pour avoir des
procédures clairement définies pour donner la possibilité
aux personnes qui seraient impliquées dans un processus semblable
d'avoir une décision équitable et de pouvoir avoir un
deuxième recours lorsqu'il y aurait une erreur, par exemple, en
première instance, soit devant la commission. Au niveau du personnel de
direction qu'on représente, il me semble que ce serait approprié
parce que les conséquences seraient d'autant plus graves. Il faudrait
que nos gens puissent avoir un recours devant un autre organisme qui pourrait
être en l'occurrence, pour nos membres, le Conseil des ministres.
Ce serait un peu ce qui existe dans les procédures de destitution
actuellement en vigueur, alors qu'un employé lésé peut
porter en appel une décision du commissaire-enquêteur
auprès du Conseil des ministres. C'est un peu dans cette optique.
M. de Belleval: Juste un petit renseignement là-dessus. En
fait, contrairement à l'opinion répandue, vous en
témoignez maintenant, ce n'est pas un reproche que je fais, parce que la
disposition est peut-être ambiguë, le Conseil des ministres n'agit
pas comme tribunal d'appel de dernière instance dans un cas de
destitution. Il agit comme instance de ratification ou de non-ratification. Il
n'a pas pour fonction d'entendre un deuxième appel ou les plaintes. Il
n'y a pas de représentation de faite par des avocats...
M. Rolland: II a le pouvoir d'étudier à nouveau les
dossiers.
M. de Belleval: Ce qu'il peut faire, c'est la prérogative
du souverain, c'est le droit de grâce, au fond, il peut laisser la
procédure aller jusqu'au bout ou accorder la grâce du souverain.
Ce n'est pas, à proprement parler, une procédure d'appel. La
preuve, c'est que les parties ne sont pas entendues et il n'y a pas de
représentation de faite par des avocats, etc., ou par des mandataires de
celui qui est l'objet de la procédure. Quoi qu'il en soit, je pense
quand même qu'une bonne procédure d'appel de première
instance doit être déterminée, vous avez raison de le
mentionner, de la meilleure
façon possible, à la suite d'une entente avec
l'association, plus ensuite l'appel final au niveau de la commission.
Là-dessus, dans le cadre des rencontres que nous avons avec les
associations de cadres, je suppose que cette question-là a
été soulevée ou sera soulevée, à savoir la
possibilité pour l'association de cadres aussi d'avoir droit de
subrogation devant la commission, si le cadre en question le désire,
comme dans le cas du personnel syndiqué. Je pense que tous ces
aspects-là seront susceptibles d'améliorer les procédures
en vigueur et de mieux protéger vos membres.
M. Garneau: Je me demande ce que le ministre est en train de nous
dire.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Je pense qu'on sera rendu à la fin des travaux
de la commission et qu'on aura des surprises chaque fois qu'on aura des
mémoires. Le ministre est-il en train de nous dire que l'article 7 de la
loi qu'on étudie actuellement, qui prévoit au paragraphe b) la
formation de comités d'appel de la décision... prévoir,
c'est au paragraphe a), au bénéfice et, pour l'application du
paragraphe a), constituer des comités d'appel dont la décision
est sans appel, et statuer sur la procédure à suivre devant ces
comités... Etes-vous en train d'interpréter ces articles comme
étant le fait que, sans appel dans le cas de gens qui ne sont pas des
salariés dans le sens du Code du travail, ces mots "sans appel" n'ont
pas de signification et que, finalement, on pourrait aller directement à
la Commission de la fonction publique en vertu de l'article 89 et avoir ce
droit d'appel? Ce que je ne saisis pas, c'est que votre article je
reviens toujours à l'article 119, qui établit le champ de
négociation et, par ricochet, qui établit également le
champ de discussion avec les associations bona fide que cet article 119,
relié aux pouvoirs de réglementation de l'article 3, signifierait
qu'il y aurait deux droits d'appel.
Vous êtes en train de nous dire que, dans le cas des cadres
intermédiaires des agents de la paix, il y aurait une négociation
à l'intérieur d'une négociation ou d'une discussion avec
une association bona fide, comme c'est présentement le cas, qui
prévoirait des procédures de griefs, d'appels, en cas de
suspension ou de congédiement, qui iraient en appel à la
Commission de la fonction publique.
M. de Belleval: C'est sûr.
M. Garneau: Mais ce n'est pas ce que dit la loi.
M. de Belleval: Un instant. Oui, c'est exactement ce que dit la
loi, dans le sens que, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la
loi permet de faire une chose semblable. La loi ne l'interdit pas. Ce que la
loi n'interdit pas, donc, elle le permet. Je pense que le député
de Jean-Talon sera d'accord avec cette façon de voir les choses. En
fait, il existe deux types...
M. Garneau: C'est une curieuse façon de
légiférer.
M. de Belleval: Non. Au contraire, c'est une façon tout
à fait habituelle de légiférer.
M. Garneau: II n'y a pas de danger.
M. de Belleval: II existe deux types de matières qui
peuvent être soumis en appel. Il y a des matières qui doivent
aller ou qui peuvent aller jusqu'au niveau de la Commission de la fonction
publique, mais rien n'empêche que, pour ces matières qui vont au
niveau de la Commission de la fonction publique, comme appel final, il n'existe
pas une procédure de grief intermédiaire, comme dans le cas des
conventions collectives. Les conventions collectives prévoient une
procédure de grief et il n'y a rien qui nous interdit, avec les
associations de cadres, de prévoir aussi une procédure de grief.
Dans le cas des griefs qui vont devant la Commission de la fonction publique,
l'appel final est au niveau de la Commission de la fonction publique.
M. Garneau: Vous êtes en train de nous dire que, quand vous
allez faire vos règlements sur les points qui ne sont pas
négociables, comme les questions de suspension, de rétrogradation
et de congédiement, dans votre règlement, vous allez
prévoir une procédure d'appel de première instance.
M. de Belleval: Une procédure de grief de première
instance.
M. Garneau: Une procédure de grief de première
instance, et cette procédure, en fait, ne sera pas négociable.
Elle sera édictée par le ministre. Ce que je ne saisis pas, c'est
que vous allez avoir des discussions avec des syndicats de salariés et
des agences ou des associations bona fide et, en même temps, vous allez
édicter des règlements. Vos règlements vont-ils être
négociables oui ou non? S'ils sont négociables, pourquoi faire
des règlements? C'est aussi bien de le faire directement dans la
convention collective ou dans l'entente à laquelle vous arrivez, comme
gouvernement, avec les associations qui représentent des
employés. Il y a quelque chose qui ne fonctionnera pas entre les
deux.
M. de Belleval: Je pense que nous allons relire tranquillement
l'article 7 et, à sa face même...
M. Garneau: L'article 7 y est pour une partie, mais il reste que
l'article 119 m'intéresse davantage que l'article 7.
M. de Belleval: J'aimerais qu'on sache sur quoi on discute, quand
même.
M. Garneau: Non, non.
M. de Belleval: Toute cette discussion s'est engagée sur
l'article? et non pas sur l'article 119.
M. Garneau: Oui, parce que vous disiez qu'il y avait des
possibilités d'appel à la Commission de la fonction publique.
C'est ce que vous avez dit.
Je vois, ici, à l'article 7, que c'est marqué qu'il n'y a
pas d'appel. Alors, je me dis: II faut que j'aille voir ailleurs.
M. de Belleval: Cela dépend des matières dont il
est question.
M. Garneau: Oui.
M. de Belleval: II y a certaines matières pour lesquelles
il n'existe pas de recours auprès de la commission.
Le Président (Mme Cuerrier): Je me vois dans l'obligation
de vous rappeler que nous en sommes à une discussion qui pourrait se
tenir à un autre moment...
M. Garneau: Ce n'est pas sûr... C'est parce que...
Le Président (Mme Cuerrier): ... à moins que les
intervenants que nous avons mandat d'entendre ce soir n'aient quelque chose
à venir ajouter à ce que vous dites maintenant.
M. Garneau: Le problème, Mme le Président, c'est
que les réponses que le ministre donne à nos invités
réapparaissent non conformes au texte de loi. Je me demande comment,
juridiquement, il pourrait concrétiser la réponse à la
question ou au point soulevé par notre intervenant. C'est seulement cela
que je dis. C'est pour cela qu'a lieu la discussion. Alors, allez-y. L'article
7 c'est pour les non salariés, comme vous disiez, ou pour les gens qui
n'ont pas de convention?
M. de Belleval: On va le relire rapidement et on va se comprendre
parce que c'est là-dessus que porte quand même une partie
importante du mémoire de M. Rolland. "Le ministre doit, par
règlement approuvé par le Conseil du trésor: a)
prévoir, au bénéfice des fonctionnaires non régis
par une convention collective de travail, un appel des décisions rendues
sur les matières visées à tel règlement et
relativement auxquelles il n'existe pas de recours auprès de la
commission."
Pour toutes sortes de questions pour lesquelles il n'existe pas
actuellement de recours, ou dans la future loi pour lesquelles il n'existera
pas de recours auprès de la commission, rien ne nous empêchera
donc de constituer des procédures de grief avec tribunaux d'appel, etc.
Est-ce que cela va bien?
M. Garneau: C'est-à-dire qu'il n'y a pas de tribunaux
d'appel parce que c'est sans appel. Vous allez constituer des comités
d'appel dont la décision est sans appel.
M. de Belleval: C'est cela.
M. Garneau: Alors, il y a seulement un niveau de
décision.
M. de Belleval: II peut y avoir une procédure de grief de
prévue par convention ou par entente...
M. Garneau: Pour entendre les petits griefs. M. de Belleval:
Si vous voulez...
M. Garneau: D'accord.
M. de Belleval: ... et prévoir pour ces griefs, à
la fin, un mécanisme d'appel.
M. Rolland: Excusez-moi...
M. Garneau: Je comprends moins. En tout cas, allez-y,
peut-être que vous allez m'éclairer au moins.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le président de la
fraternité.
M. Rolland: M. Garneau, probablement que vous n'avez pas
très bien saisi le sens de notre intervention là-dessus. Nous
demandons une procédure d'appel sur la décision de la commission,
mais ce, relativement à l'application de l'article 89 et non à
l'application de l'article 7.
M. Garneau: Ce n'est pas votre interprétation que je n'ai
pas saisie. C'est la sienne. C'est l'explication que le ministre nous a
donnée. C'est cela qui m'embêtait parce que cela ne
m'apparaît pas conforme au texte de loi.
M. Rolland: A mon point de vue, vous avez justement
interprété que nous demandions un mécanisme d'appel sur le
paragraphe 7. Est-ce bien ce que j'ai compris?
M. Garneau: Non, non. C'est quand le ministre vous a dit
qu'effectivement il y avait des mécanismes d'appel, qu'il y avait deux
instances. Il a essayé de nous expliquer que dans son règlement
il pourrait y avoir une décision de première instance. L'appel se
ferait à la commission. C'est comme cela qu'il vous a expliqué
cela.
M. de Belleval: II peut y avoir, pour des griefs pour lesquels il
est prévu un recours à la commission, une procédure de
grief intermédiaire.
M. Garneau: Oui.
M. de Belleval: Autrement dit, quand une procédure de
rétrogradation est engagée contre un employé, une partie
des problèmes à ce niveau peut être réglée au
niveau de dispositions de griefs intervenues entre la fraternité, par
exemple, et le ministère de la Fonction publique, mais il reste un droit
d'appel final au niveau de la Commission de la fonction publique qui est
prévu en vertu de la loi.
M. Garneau: Vous parlez de l'article 89?
M. de Belleval: Je parle de l'article 89, oui. Cela va bien?
M. Garneau: Cela ne va pas du tout, parce que votre article 89
prévoit un droit d'appel à la commission en vertu de ce qui est
négociable ou de qui peut être discuté avec des
associations bona fide. Les questions relatives au congédiement, etc.,
ne font pas partie de ce champ de négociation; c'est tout le
problème qu'on soulève depuis ce matin.
M. de Belleval: C'est votre interprétation.
M. Garneau: Lisez l'article 119. Vous le faites exprès;
autrement, pourquoi avez-vous amendé l'article 119? Vous ne l'auriez pas
amendé si vous aviez voulu que cela entre dans le champ des
négociations. Vous le soustrayez du champ des négociations pour
l'amener dans votre champ de réglementation. A ce moment-là, cela
veut dire que le lieutenant-gouverneur en conseil, en dehors de conventions
collectives qui sont dûment négociées, va faire des
règlements pour traiter de ces sujets. Pourquoi accepterait-il de
négocier ces règlements d'une façon séparée
du reste de la convention collective?
M. de Belleval: Mme le Président, la réponse est
relativement simple, c'est que les règlements de griefs demeurent dans
le champ des négociations.
M. Garneau: Pas en ce qui concerne la destitution; en vertu de
l'article 88, vous l'avez soustrait.
M. de Belleval: Ce qu'on a soustrait, c'est l'aspect de l'appel
final d'un grief, qui se fait maintenant à l'expiration des conventions
collectives des syndiqués devant la Commission de la fonction publique.
Mais toute la procédure de grief, qui est normalement prévue dans
les conventions collectives et, dans le cas où il n'y a pas de
convention collective, dans ce qui tient lieu de convention collective, demeure
et il peut y avoir négociation là-dessus. J'ai aussi dit que,
s'il pouvait y avoir une ambiguïté dans la rédaction de la
loi quant à cet aspect des choses, il nous est toujours loisible de
préciser cet aspect pour retrouver l'esprit, en tout cas, de l'article
52a.
C'est la même réponse que je vous donne depuis ce matin
là-dessus. On réexaminera cette question.
M. Garneau: Si vous me dites que vous amendez la loi,
d'accord!
M. de Belleval: J'ai expliqué très clairement
quelle était mon intention dans ce sens. Je pense que la loi est claire,
mais je peux me tromper. Si la loi n'est pas suffisamment claire, on la
clarifiera, mais je n'ai pas besoin d'annoncer un amendement si ce dernier
n'est pas nécessaire. On verra avec les légistes, on verra aussi
à la suite de l'audition des mémoires s'il y a lieu de
préciser certaines choses.
Tout à l'heure, on parlait justement d'un cas semblable, d'une
reconnaissance formelle du principe des associations de cadres dans la Loi de
la fonction publique. Il reste que, même si ce n'est pas dans la loi
actuellement, on peut le faire. Effectivement, on reconnaît des
associations de cadres formellement, mais il se peut que, pour clarifier
davantage les choses, on mette une disposition. Il me semble que c'est un peu
le même cas qui nous préoccupe.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le Président de la
fraternité, m'avez-vous fait signe que vous vouliez intervenir?
M. Rolland: Non.
Le Président (Mme Cuerrier): Je ferai remarquer au
député de Jean-Talon que la discussion se situe maintenant au
niveau de la clarification d'un article, ce qui pourrait être fait
après la deuxième lecture, dans l'étude article par
article, ou bien en commission plénière à
l'Assemblée nationale.
M. Garneau: Mme le Président, je vais faire la même
représentation que j'ai faite tout à l'heure; c'est que je
considère qu'en vertu du texte législatif tel qu'il est
écrit le ministre ne peut pas donner la réponse qu'il a
donnée à nos intervenants parce que...
Ecoutez, l'article 119 garde dans le champ de négociations les
paragraphes a, b, c et d les règlements des griefs, des choses qui sont
négociées et les paragraphes e, f et g sont envoyés
à la partie de la réglementation. Alors, ne venez pas me dire,
par la suite, que vous pouvez faire des choses à l'intérieur de
la négociation quand vous les avez soustraites du champ des
négociations. C'est ce que je ne peux pas admettre, à moins que
vous nous disiez clairement: La loi sera amendée. Ne nous dites pas que
vous pouvez faire des choses avec le texte tel qu'il est, et donner ces
réponses aux gens qui viennent nous voir, parce qu'on les induit en
erreur en ce qui concerne le texte législatif lui-même.
Vous pouvez peut-être annoncer vos intentions. Je ne veux pas vous
en empêcher ou vous priver de ce droit. Cela me plairait beaucoup de vous
entendre dire que cela sera nettement clarifiée et que le champ ou que
l'aire des négociations, en ce qui regarde et les syndicats de
salariés et les associations bona fide, sera maintenu tel qu'il est
à l'article 52a.
A ce moment, je vais arrêter de discuter. Mais je n'aime pas que
vous fassiez cette réponse lorsqu'on vous pose la question concernant
ies droits d'appels, etc., qu'il pourrait y avoir les procédures de
griefs, cela sort de la convention collective, cela sort des ententes
négociées avec des associations bona fide pour tomber dans votre
réglementation.
M. de Belleval: Là-dessus, Mme le Président,
je ne peux faire que répéter ce que j'ai
déjà dit cet après-midi, savoir qu'il n'est pas dans
l'intention de la loi, ni dans mon intention de restreindre, de ce point de
vue, par rapport à la situation qui existait, l'aire des
négociations pour les raisons que j'ai expliquées ce matin. Entre
autres, l'existence de la commission Martin, etc., le fait que nous avons sorti
tous ces aspects du projet de loi 53. Le seul but, c'est la question du
règlement final du grief au niveau de la Commission de la fonction
publique pour certaines matières très restreintes qui touchent
à l'application de la règle du mérite. Maintenant, si par
hasard, ce n'est pas suffisamment clair, on fera les amendements ou les
clarifications nécessaires, comme le dit Mme le Président, en
comité plénier ou lorsqu'on abordera l'étude article par
article. L'important pour l'instant, pour tout le monde, je pense, c'est qu'on
cerne bien quelles sont les intentions de la loi. Si par hasard il y a des
aspects qui ne sont pas assez clairs dans la loi de ce point de vue, on les
corrigera.
Le Président (Mme Cuerrier): S'il n'y a pas d'autre
intervention, il conviendrait maintenant de remercier la Fraternité des
cadres intermédiaires des agents de la paix de la fonction publique du
Québec qui a participé à cette commission parlementaire
par le biais de ses représentants.
M. Garneau: Mme le Président, en joignant mes
remerciements également, je veux dire aux gens qui sont devant nous de
bien vérifier le texte de loi. Vous avez des conseillers juridiques. Si
vous ne me croyez pas, consultez vos conseillers juridiques et surveillez les
amendements qui seront apportés si vous ne voulez pas vous faire
jouer.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon, après vos remerciements...
M. Rolland: Les vérifications en question ont
déjà été effectuées et à ce jour nos
craintes sont quand même assez minimes.
M. Garneau: Bonne chance et ne revenez pas nous voir,
d'abord.
Le Président (Mme Cuerrier): Merci, messieurs.
M. Garneau: J'en ai consulté quelques-uns et ils ne sont
pas d'accord avec les vôtres.
M. Rolland: Autant il y a de gens, autant on va trouver
d'interprétations différentes.
M. Garneau: Bonne chance dans vos négociations de ce qu'il
vous restera à négocier.
Syndicat professionnel des médecins du
gouvernement du Québec
Le Président (Mme Cuerrier): L'intervention est
terminée, j'appelle maintenant le Dr Richard
Authier, président du Syndicat professionnel des médecins
du gouvernement du Québec. M. Authier.
M. Authier: Mme le Président, MM. de la commission, en
préliminaire, permettez-moi de vous présenter ma consoeur, le Dr
Huguette Vi-geant, qui m'a aidé dans la préparation de ce
mémoire.
Ce mémoire, vous le verrez, n'a rien d'original, après la
journée qu'on a passée, et pourra probablement se solder par la
même critique que dans tous les autres cas. Cependant, le Syndicat
professionnel des médecins du gouvernement du Québec
reconnaît à la partie patronale son droit de gérance sur
les médecins syndiqués qu'il emploie. Le syndicat reconnaît
également la nécessité pour le gouvernement de modifier
périodiquement la Loi de la fonction publique pour une meilleure
administration de la chose publique et aussi, je l'espère grandement,
pour l'amélioration du climat de travail des fonctionnaires ainsi que
des relations patronales-syndicales.
Cependant, à la lecture du projet de loi 53, le Syndicat
professionnel des médecins du Québec, en accord avec presque tous
les autres syndicats de fonctionnaires, s'inquiète grandement du contenu
du projet de loi et de l'application future des articles qu'il contient.
D'ailleurs la façon dont les syndicats ont appris l'imminence de la loi
par les media d'information n'est pas sans justifier cette
inquiétude.
Nous comprenons les raisons historiques qui justifient certains
changements majeurs dans la fonction publique et nous sommes d'accord que
l'employeur améliore le recrutement des fonctionnaires, le climat de
travail et même le rendement par un rajeunissement de l'appareil
administratif gouvernemental.
Toutefois, le syndicat reste inquiet pour plusieurs raisons et en voici
quelques-unes. Sujet à l'approbation de notre véritable et ultime
gérant, le Conseil du trésor, le ministre de la Fonction publique
se donne des droits nouveaux, non négociables, sur ses employés
syndiqués. Du coup, il nous apparaît que presque la moitié
des clauses de notre convention collective avec l'Etat disparaît. Si l'on
pousse le raisonnement à l'extrême, il serait même possible
d'étouffer complètement le syndicalisme de la fonction publique.
Aussi, en mettant dans les mains d'un seul homme le pouvoir de
réglementer les conditions de travail de tous les fonctionnaires, l'Etat
ne craint-il pas de donner lieu à l'arbitraire? Ce n'est sans doute pas
l'intention de l'actuel gouvernement qui se veut près des travailleurs
mais, comme dit le proverbe: "Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes
intentions."
Dans un autre ordre d'idées, le syndicat ne peut qu'approuver le
principe du mérite, au niveau du recrutement. Cependant, qui
définira le mérite? Le syndicat des médecins est
particulièrement intéressé à ce que sa maigre
population s'enrichisse de nombreux militants. Aussi, avec l'actuel projet de
loi et le peu de candidats médecins qui se destinent au fonctionnarisme,
le syndicat craint l'arbitraire et le favoritisme. Le mérite pourrait
alors
avoir le visage de celui qu'on a décidé d'avance d'engager
en insistant sur des critères qui sont particuliers à ce
candidat.
Quant à la commission, aussi bien dire qu'elle ne conserve, dans
cette intervention, qu'un bras et un oeil. Un bras pour trancher les litiges
d'interprétation des règlements décrétés par
le ministre et un oeil pour apprécier l'application du principe du
mérite. Sa voix deviendra très faible puisqu'elle ne servira que
sur demande; pro re nata, comme on le dit dans le jargon médical.
Les commissaires, n'étant nommés que pour une
période de cinq ans, seront-ils indépendants et objectifs ou
obéissants? Encore une fois, entendons-nous bien; le syndicat ne
prête pas de mauvaises intentions aux autorités gouvernementales
et au ministre. Il craint une loi bien pensée, mais mal
énoncée. Il tient à l'équilibre des forces entre la
partie patronale et la partie syndicale et ne veut, en aucune façon, des
arbitres nommés par l'Etat et au service de l'Etat, en qui les syndicats
ne peuvent avoir confiance. Que voulez-vous? La nature humaine étant ce
qu'elle est, il peut arriver que l'on nomme à la commission des hommes
enclins à protéger leur situation intéressante et
rémunératrice aux dépens de l'impartialité.
Le Syndicat professionnel des médecins du Québec n'a pas
le loisir et les capacités, vu le petit nombre de ses membres, de vous
suggérer une foule de refontes possibles à la nouvelle loi.
Cependant, par notre présente action, nous voulons, en tant que
médecins syndiqués, vous sensibiliser à notre crainte
vis-à-vis d'une loi qui se veut bonne, mais que nous estimons mal
formulée. Nous nous associons d'ailleurs à tous les autres
syndicats de la fonction publique québécoise et plus
particulièrement au Syndicat des fonctionnaires et au Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec qui ont fait à la
commission et à l'Assemblée nationale des recommandations
très précises qui n'ont pas encore été lues, mais
vous avez sûrement les mémoires.
Le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du
Québec espère être consulté dans
l'élaboration des différents règlements et des principes
qui les sous-tendent, particulièrement au sujet du mérite et de
l'insuffisance professionnelle. Il recommande au ministre de la Fonction
publique d'éviter, avec les syndicats, l'erreur inutile qui surviendrait
inévitablement suite à une interprétation stricte et
unilatérale de la loi. Il demande à participer dynamiquement,
avec son employeur, à l'application de la loi et de ses
règlements. Cet accord, qui portera sur les devoirs, les droits et les
privilèges de chacune des parties, favorisera chacune d'elles. Ainsi,
notre syndicat sera assuré que ses membres seront traités avec
équité, de sa propre survivance et de son pouvoir de
représentation que lui accordaient les précédentes
conventions.
Je vous remercie.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre. M. de
Belleval: Je vous remercie pour votre participation au débat. J'ai
pris bonne note de votre protestation quant à la bonne foi du ministre
et du gouvernement, bien que je vous reconnaisse aussi le loisir de critiquer
la façon dont cette bonne foi, que vous ne mettez pas en cause, est mise
en application. Je ne sais pas si vous aussi êtes signataires des
affiches qui courent actuellement?
M. Authier: En aucune façon.
M. de Belleval: En aucune façon. Vous n'êtes pas
membres. C'est parce qu'il y a plusieurs signatures au bas de cela. La
signature de votre syndicat n'est pas au bas des affiches? Non?
M. Authier: Si elle y est...
M. de Belleval: C'est contre votre volonté.
M. Authier: Je n'étais même pas averti.
M. de Belleval: Bon. D'accord. Le contraire m'aurait surpris.
M. Authier: Je ne sais même pas de quelles affiches vous
parlez.
M. de Belleval: C'est aussi bien. Je voudrais vous poser un
certain nombre de questions. Vous dites que le ministre de la Fonction publique
se donne des droits nouveaux non-négociables, et que, du coup,
près de la moitié des clauses de votre convention collective avec
l'Etat disparaissent. Je pense que ce serait extrêmement
désagréable, même de mon point de vue, si c'était le
cas. Ce ne serait absolument pas mon intention. Il se peut bien que,
malgré que ce ne soit pas mon intention, comme vous dites, nous nous
soyons trompés, de bonne foi, mais j'aimerais que vous m'expliquiez cela
un peu plus en détail.
M. Authier: C'est relativement simple. Sans penser aux
règlements qui peuvent la régir, la fonction publique n'existe
plus. Le ministre a tous les pouvoirs.
M. de Belleval: Expliquez-nous cela un peu en détail. Vous
êtes les premiers à venir nous dire cela.
M. Garneau: Ils ne sont pas les premiers, il y en a d'autres. Je
l'ai dit depuis le début.
M. de Belleval: On parle du monde ordinaire.
M. Garneau: Le monde ordinaire...
M. de Belleval: Je parle du monde crédible.
M. Garneau: Regardez son projet de loi, vous allez voir!
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le Président du Syndicat professionnel des
médecins.
M. Authier: C'est l'article 3.
M. de Belleval: Vous dites: Près de la moitié des
clauses de notre convention collective disparaît. Vous avez quand
même dû regarder votre convention collective. Vous pourriez me dire
quelles sont les clauses de votre convention collective qui disparaissent et
m'expliquer comment le syndicalisme pourrait disparaître à la
suite de l'approbation éventuelle de ce projet de loi.
M. Authier: Nous avons dit que ce serait possible de se rendre
là.
M. de Belleval: Comment serait-ce possible?
M. Authier: Ce serait possible si le ministre de la Fonction
publique accapare tous les droits et décide unilatéralement qu'il
fait telle chose...
M. de Belleval: Comment pourrais-je décider cela en vertu
de la loi? Donnez-moi donc une clause de la loi en vertu de laquelle je
pourrais faire cela.
M. Authier: Si vous le dites dans une loi. Par une loi, le
gouvernement peut même changer un homme en femme.
M. de Belleval: Je me fierais davantage à un
médecin qu'au Parlement pour cela.
M. Authier: Physiquement, mais légalement?
M. de Belleval: Quand même, écoutez. Je vois que
vous avez de la difficulté à me citer les articles qui
aboliraient comme cela la moitié de vos conventions collectives. Il faut
tout de même voir le projet de loi dans son ensemble et ne pas regarder
simplement l'article 3. Je veux bien croire que, pour le député
de Jean-Talon, tous les autres sont des articles de concordance, mais on pourra
facilement sortir de la caricature et regarder les choses en face et se rendre
compte qu'il y a bien d'autres choses. Entre autres, au niveau des conventions
collectives, tous les aspects de l'ancienne loi qui traitent de
l'accréditation, de l'ère des négociations, etc., tout
cela est exclu de la loi 53, ne peut être aboli et n'est pas aboli par la
loi 53, bien au contraire.
Deuxièmement, aussi, il faut que vous lisiez les articles de loi
en concordance les uns avec les autres, pour reprendre l'expression du
député de Jean-Talon. Entre autres, j'attire votre attention sur
les articles 90 et 91, qui disent que le ministre de la Fonction publique fixe,
par règlement approuvé par le Conseil du trésor, la
rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de
travail du personnel de la fonction publique lorsque celui-ci n'est pas
régi par une convention collective ou en l'absence de dispositions dans
les conventions collectives applicables. C'est signe que, si l'on fixe des
choses en l'absence des conventions collectives, c'est parce qu'il existe des
conventions collectives qui, par ailleurs, fixent autre chose. La preuve, c'est
que, bien sûr...
M. Garneau: ... a, b, c de l'article 119, de l'ancien article
52a, et qu'on fait disparaître tous les autres points. Vous racontez des
histoires aux gens.
M. de Belleval: C'est vous, M. le député de
Jean-Talon...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon, je vous demanderais d'attendre que le ministre ait terminé
son intervention avant d'en faire une.
M. de Belleval: Je repose ma question. Compte tenu de ce que je
viens de vous dire, est-ce que vous croyez toujours que le ministre de la
Fonction publique peut faire disparaître le syndicalisme de la fonction
publique?
M. Authier: Evidemment, je ne le pense pas et je ne le crois pas,
et je ne l'espère pas. Cependant, M. le ministre, je pense, et je vous
l'ai dit dans mon mémoire tantôt, que la loi est ambiguë
à certains endroits. C'est ce qui nous fait craindre que, si on va
à l'impossible, on pourrait tout soustraire de la négociation.
C'est ce qui nous fait croire cela. A l'écoute de tous les autres
commentaires qui ont été apportés ici aujourd'hui, c'est
le même raisonnement de tout le monde. A lire tous les autres documents
qui ont été soumis pour les prochains jours, tout le monde dit
à peu près la même chose. C'est curieux, parce qu'on ne
s'est pas concerté là-dessus. J'ai trouvé cela avec les
membres de mon exécutif. On a tous un peu la même opinion. Il y a
quelque chose qui est mal rédigé dans cela. On craint
qu'étant pris avec une loi qui n'est pas tout à fait claire, qui
est mal rédigée, à un moment donné, on se ramasse
sans pouvoir de négociation.
M. de Belleval: Qu'est-ce qui est mal rédigé,
à votre avis? Donnez-moi un article qui fait que je vous enlève
des droits, la moitié de vos droits, dans votre convention collective.
C'est bien beau des impressions, etc., mais, écoutez, nous ne sommes pas
ici pour...
M. Authier: Vous faites des règlements concernant la
classification, les conditions de travail, les rémunérations,
l'évaluation du personnel, la promotion, l'affectation, le classement,
le reclassement, les mutations, les mises en disponibilité et les
rétrogradations. Si vous faites des règlements sur cela et que
c'est en dehors du champ des négociations, nous sommes foutus!
M. de Belleval: Mais ce n'est pas le cas. Vous conservez...
M. Authier: A l'article 3, vous faites des règlements sur
cela.
M. de Belleval: Oui.
M. Authier: Les règlements du ministère sont au
dessus de n'importe quelle négociation.
M. de Belleval: En vertu de l'article 52a, nous négocions,
entre autres, vos conditions de travail, les conditions de
rémunération et de travail.
M. Garneau: Ensuite? Enumérez-les.
M. de Belleval: Vous ne négociez pas la classification
actuellement. Elle n'est pas dans l'ordre de vos négociations. Il n'y a
rien de changé sur cela.
M. Authier: On essaie bien.
M. de Belleval: Vous essayez, mais ce n'est pas quelque chose
qui, actuellement, fait l'objet d'une négociation.
M. Garneau: Que le ministre continue son enumeration et il va
donner lui-même la réponse à sa propre question.
M. de Belleval: C'est moi qui suis en train de donner mes
réponses à mes propres questions, mais ce n'est pas moi qui fais
les affirmations, ce sont les rédacteurs du mémoire. C'est normal
que je leur demande d'étayer leurs affirmations.
M. Garneau: Oui, mais vous nommez seulement l'article 51...
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: ... l'ancien article 52a. Etaient permis à la
négociation le traitement, la rémunération additionnelle,
les heures de travail, les congés, les règlements des griefs, les
suspensions, les congédiements, les appels d'un employé qui se
croit lésé par une décision relativement à son
classement. C'étaient des droits d'appel, des choses qui pouvaient
être négociées et qu'on pouvait déterminer dans le
cadre d'une négociation collective; ce qui pouvait être inclus
comme procédure de grief, procédure de règlement.
Aujourd'hui, avec le nouvel article 100a, vous gardez, comme négociables
à l'intérieur de conventions collectives, les questions a)
traitement ou rémunération additionnelle; b) les heures de
travail et la durée de travail; c) les congés; d) les
règlements de griefs; évidemment, c'est pour ce qui a
été négocié. Mais, pour les questions concernant
les suspensions, les congédiements, et les appels relativement au
classement, on doit se référer aux règlements qui seront
édictés par le ministre, en vertu de l'article 3. Je pense
qu'à ce moment, vous couvrez le champ de la question que vous posiez
à nos interlocuteurs tout à l'heure.
En tout cas je n'ai pas l'intention de revenir 100 fois
là-dessus. Il faudra attendre pour voir s'il y aura, encore une fois,
concordance entre les intentions du ministre et le texte qui nous sera soumis
pour discussion lorsqu'on arrivera à l'étude article par
article.
M. de Belleval: L'énumération que vous venez de
faire confirme ce que je dis depuis ce matin. Le seul point sur lequel vous
pouvez voir une non-concordance entre l'aire des négociations actuelle
et celle qui serait dans la loi 53, c'est le dernier appel de grief en
matière de congédiement, de rétrogradation ou de mesure
disciplinaire.
M. Garneau: Suspension et appel de classement.
M. de Belleval: Suspension et appel de classement.
M. Garneau: C'est cela.
M. de Belleval: Ce sont les seules choses pour lesquelles non pas
les conventions collectives en vigueur seraient abolies ou les questions qui
touchent à ces questions seraient retirées de l'aire des
négociations, mais seulement l'appel final devant la Commission de la
fonction publique. Alors je repose ma question. On a vu tantôt que la
rétrogradation ou le congédiement touchait dix personnes par
année. Ce n'est certainement pas la moitié de l'aire de la
convention collective actuelle des médecins.
M. Garneau: Pourquoi alors avoir mis l'article 119 dans votre
projet de loi? Enlevez-le donc et le problème va être
réglé.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon, je regrette de devoir vous rappeler encore une fois que la
discussion actuelle prend l'allure d'une discussion après la
deuxième lecture, sur un projet de loi article par article.
M. Garneau: Je vais vous répondre encore que je n'admets
pas la véracité des propos du ministre quand la question est
posée par des gens.
Le Président (Mme Cuerrier): Vous pourrez toujours en
discuter, M. le député.
M. Garneau: C'est ce que je fais actuellement. Vous ne
m'empêcherez certainement pas de dire ce que je pense sur ces points. Il
y a toujours une limite!
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît. M. le député, à l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Garneau: Je ne suis pas à l'école, moi non plus.
Je vais dire comme le député de Johnson ce matin.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député,
je vous rappelle à l'ordre.
M. Garneau: Chicanez-vous si vous le voulez! Pensez-vous que vous
allez me faire peur ici? Voyons!
Le Président (Mme Cuerrier): Je vois que...
M. Marchand: La discussion est à deux. Elle est entre le
ministre et le député de Jean-Talon. Reprenez les deux.
Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs! Je vois que le syndicat ne semble plus avoir
d'interventions. Y a-t-il d'autres interventions? Avez-vous demandé la
parole, M. Authier?
M. Authier: L'intervention que je voudrais apporter n'est pas que
nous nous opposons à la loi et je voudrais bien que M. le ministre le
comprenne. C'est que nous, qui n'avons pas de formation juridique, si on
interprète la loi comme cela et qu'on en a peur, il y a sûrement
quelque chose qui sonne mal, qui sonne faux et qui nous effraie. C'est pour
cela que nous voulons que ce soit bien écrit au point de vue juridique.
A ce moment, il n'y aura pas de problème. C'est tout cela.
M. de Belleval: D'accord. De ce point de vue, vous rejoignez les
remarques que j'ai faites depuis le début de la journée. Tout
d'abord l'intention du projet de loi, comme mon intention, n'est pas de
modifier l'aire des négociations qui vous est déjà
consentie en vertu de la loi. Comme je l'ai dit, cette question relève
de la commission Martin. J'ai essayé de prendre toutes les
précautions pour qu'il n'en soit pas ainsi.
Cependant, et je viens de l'expliquer, il y a une question qui est
mentionnée, entre autres, c'est la pile de griefs en dernière
instance. On pourra y revenir tout à l'heure parce que vous avez des
choses intéressantes là-dessus, que vous dites dans la
deuxième partie de votre mémoire. On y reviendra.
Il se peut que ce ne soit pas suffisamment clair. Comme je l'ai dit,
l'important pour l'instant, c'est de s'entendre sur les intentions, la
philosophie du projet de loi. Si, par hasard, il y avait des aspects qui ne
sont pas assez clairs, comme vous le dites si bien, une fois qu'ils seront
clarifiés, vos craintes disparaîtront. A ce moment, vous
regarderez tout cela d'un autre oeil. C'est normal que le milieu syndical ne
veuille pas que par un projet de loi, d'une façon absolument
péremptoire, le gouvernement vienne restreindre l'aire des
négociations qui, jusqu'à maintenant, avait été
consentie aux gouvernements syndicaux. Ce serait essayer de faire indirectement
ce qu'il ne veut pas faire à la table des négociations
collectives. Ce n'est pas le but du projet de loi. Ce n'est pas non plus,
à mon avis, son effet. Si ce n'était pas suffisamment clair, on y
verra dans les étapes ultérieures de discussion du projet de loi.
C'est justement pour cela qu'il y a des commissions parlementaires.
M. Authier: C'est pour cela que nous venons vous porter nos
craintes.
M. de Belleval: Pardon?
M. Authier: C'est pour cela que nous venons vous porter nos
craintes.
M. de Belleval: Oui. Comme je vous le dis, quand je vous pose
carrément la question à savoir quelles sont les clauses de votre
convention collective qui disparaissent, vous avez vous-même beaucoup de
difficulté à les mentionner.
M. Authier: Ce n'est pas qu'elles vont disparaître. On
craint qu'elles ne disparaissent.
M. de Belleval: Je vous demande quelles sont ces clauses qui
pourraient disparaître?
M. Authier: Tout l'article 3.
M. de Belleval: Comme je vous l'ai expliqué tout à
l'heure, il faut lire l'article 3 en corrélation avec les autres
articles, comme l'article 90, comme le fait que l'article 52a, même
amendé du point de vue du grief, en dernière instance, et le fait
que tout le chapitre sur le régime syndical sont exclus du projet de loi
53. Je pense qu'il faut lire tous les articles du projet de loi et pas
simplement l'article 3.
M. Garneau: C'est faux, ce qu'il dit.
M. de Belleval: Et, pour revenir à l'article 3, tous ces
pouvoirs sont exercés actuellement par quelqu'un; ils sont
exercés par la Commission de la fonction publique, en grande partie.
L'important et c'est là que se trouve l'architecture même
du projet de loi c'est que, maintenant, il y aura une autorité
clairement identifiée, responsable, politiquement d'ailleurs, à
l'Assemblée nationale et qui est en même temps votre interlocuteur
aux tables de négociation collective. Il y aura un interlocuteur sur ces
questions, mais il ne s'agit pas de pouvoirs nouveaux exorbitants.
Peut-être qu'écrits comme cela ils peuvent avoir l'air de cela,
mais ce sont tous des pouvoirs qui existent déjà actuellement et
qui sont confiés largement, comme je l'ai dit, à la Commission de
la fonction publique qui n'est pas, pour vous, un interlocuteur valable, vous
allez le reconnaître. La preuve, c'est que l'article 52a prévoit
qu'une bonne partie des pouvoirs de l'aire des négociations est entre
les mains de la Commission de la fonction publique.
Je n'ai pas voulu toucher à ces questions pour l'instant, ni dans
un sens, ni dans l'autre, sauf, comme je l'ai dit, peut-être
marginalement, entre autres, au niveau du grief d'appel de dernière
instance, sur trois ou quatre questions, tout en respectant, d'ailleurs, les
procédures de grief des conventions collectives en vigueur, etc. S'il
faut des clarifications, on les fera.
M. Authier: II y a aussi un autre problème.
M. de Belleval: Mais je pense qu'au sujet de nos intentions il
faut être bien clair.
M. Authier: II y a aussi un autre problème qui nous
inquiète beaucoup, c'est la question du mérite.
M. de Belleval: C'est la deuxième question que je voulais
vous poser là-dessus. J'ai lu votre mémoire et vous dites: "Le
mérite pourrait avoir le visage de celui qu'on a décidé
d'avance d'engager, en insistant sur des critères qui sont particuliers
à ce candidat". La question que je vous pose, c'est: De ce point de vue,
est-ce que le système
actuel de concours et de listes d'admissibilité, qui est en
vigueur sous l'autorité de la Commission de la fonction publique, vous
apparaît conforme au système du mérite?
M. Authier: Pour répondre à votre question, M. le
ministre, il faut se mettre dans le contexte. Nous sommes actuellement 89
syndiqués. Lorsqu'il y a un poste de médecin qui s'ouvre, il n'y
a pas de candidats.
M. de Belleval: Au niveau du recrutement? M. Authier: Au
niveau du recrutement, oui.
M. de Belleval: Au niveau du recrutement, d'accord!
M. Authier: Si on a besoin d'un médecin spécialiste
quelque part, on n'en a pas. Alors, on change le concours et on dit un
omnipraticien. Là, on sera peut-être chanceux. Je vous ferai
remarquer que, comme chance, c'est comme ci, comme ça, parce que
vous le reconnaîtrez avec moi les jeunes médecins ne se
lancent pas dans la fonction publique, ou très peu, pour y faire
carrière ou que ce ne sont pas du tout les mêmes conditions de
salaires. Il faut l'admettre et je n'en discuterai pas.
Cependant, ce qui arrive, c'est que ce sont des médecins
d'âge plus avancé qui postulent l'emploi et nous nous ramassons
avec un syndicat qui a une moyenne d'âge de 56 ans. De ce nombre, il y en
a beaucoup qui arrivent, à la toute fin de leur carrière, pour
pratiquer dans la fonction publique. Cela nous embarrasse un peu parce qu'avant
de les entraîner convenablement cela nous prend un an, deux ans ou trois
ans; ils travaillent un an et ils sont à leur retraite. A un moment
donné, le mérite prend le visage de celui qui est disponible. Si
on en a un, on lui fait un concours selon ses propres caractéristiques,
parce que c'est le seul qu'on a.
M. de Belleval: Le problème que vous soulevez, à
partir de votre expérience très sectorielle, ne relève pas
des dispositions de la Loi de la fonction pubiique comme telle; il ne
relève même pas des dispositions de l'ancienne loi, ni de la
nouvelle loi. Le problème que vous soulevez, c'est un problème de
conditions de travail, de rémunération, etc., qui fait que le
phénomène que vous avancez se présente.
La règle du mérite, quelle qu'elle soit, ou la
règle du non-mérite, quelle qu'elle serait, ne réglerait
pas plus ce problème. Je croyais que vous aviez des objections
fondamentales à l'utilisation de la règle du mérite dans
les nominations ou dans les promotions à la suite de concours.
M. Authier: Oui, on en a. Justement, on aimerait bien d'abord
participer à la question du mérite parce qu'on trouve très
facilement que les gens qu'on croit méritants à un poste ou
méritants à un avancement sont effectivement pas tellement
mé- ritants, mais ce sont les seules choses que le gouvernement peut se
payer.
M. de Belleval: Le problème, ce n'est pas le concours et
ce n'est pas l'ordre de mérite des candidats qui sont issus de ce
concours. D'après ce que je peux voir, de toute façon, il n'y a
jamais de problème d'ordre de candidats méritants dans votre cas.
Il n'y a presque jamais de candidats. Quand il y en a un, vous êtes
tellement contents que, bien sûr, vous le nommez.
M. Authier: Oui, mais cependant, lorsqu'il s'agit de promotion,
il peut y avoir des problèmes de mérite.
M. de Belleval: Oui. Que suggérez-vous comme
système, à ce moment?
M. Authier: Comment un individu, qui n'est pas médecin,
par exemple, peut-il juger du mérite d'un autre? C'est arrivé
dernièrement à l'Institut de médecine légale
à Montréal. Un jury de promotion a refusé une promotion
à un individu parce qu'il n'était pas méritant. Mais il a
été jugé par quatre individus qui n'étaient pas
médecins. J'ai trouvé cela curieux.
M. de Belleval: Pour une promotion? M. Authier: Oui.
M. de Belleval: Une promotion à quel genre de poste?
M. Authier: Un avancement d'échelon
accéléré.
M. de Belleval: Ce n'est pas la même chose. Ce dont on
parle dans le projet de loi 53, en ce qui concerne la règle du
mérite, c'est simplement au niveau de la promotion ou de l'accession
à la fonction publique. Ce dont vous me parlez, c'est une clause de la
convention collective qui relève de la rémunération et non
pas de la promotion. Il s'agit d'une clause négociée, et la
règle du mérite dont il est question dans le projet de loi ne
s'applique absolument pas à ce genre de cas.
M. Authier: Je laisse la parole au Dr Vigeant. M. de Belleval:
Allez-y.
Mme Vigeant (Huguette): C'est parce qu'on est en train de se
perdre en considérations vaseuses sur le mérite. En fait, le
mérite, nous voudrions savoir ce que c'est, ce que ce sera et nous
voudrions participer à la définition du mérite en ce qui
nous regarde. Je ne pourrais pas dire si un policier est méritant ou un
gardien de prison est méritant, ou qui que ce soit d'autre de la
fonction publique, mais ce que le syndicat demande par son mémoire,
c'est une consultation, ou mieux, parce que nous savons que la consultation au
gouvernement, c'est flou, comme concept, mais nous vou-
drions participer à la définition du mérite sinon
être parmi des jurys, comme nous sommes actuellement parmi les jurys
d'avancement de classe. Nous voudrions participer vraiment très
activement. Autrement nous n'aurions plus de défense contre la
définition du mérite.
M. de Belleval: II y a des questions qui relèvent, dans
vos propos, de vos négociations collectives ou de vos conventions
collectives. Il s'agit d'améliorer les dispositions des conventions
collectives à ce sujet, s'il le faut. Le projet de loi ne touche pas
à cela, de toute façon.
Si on revient aux aspects qui touchent directement au projet de loi 53,
c'est seulement au niveau de l'accès à la fonction publique et de
la promotion. Tout ce que le projet de loi dit là-dessus, c'est qu'il
doit y avoir des concours; que ces concours doivent donner lieu à
l'émission d'une liste des candidats déclarés aptes et que
les nominations doivent se faire selon l'ordre d'aptitude ou de mérite
des candidats qui sont déclarés aptes.
Maintenant, quant à l'organisation morne des concours ou à
la détermination des crilères de compétence qui seront
utilisés par les cens qui tiendront le concours, entre autres, par
exemple, dans le cas d'un recrutement, l'Office de recrutement, ou dans le cas
d'un concours de promotion, le ministre de la Fonction publique lui-même,
là, cela relève de la réglementation. Cela ne
relève pas d'une disposition explicite de la loi. Cela relève de
la réglementation. Je suis d'acccrd avec vous, qu'à ce moment, on
peut, dans le cadre d'une réglementation, prévoir un certain
nombre de choses dans un sens ou dans l'autre.
Mais, encore faut-il que quelqu'un ait le pouvoir de réglementer
à ce sujet.
Mme Vigeant: Consulterez-vous?
M. de Belleval: Est-ce qu'il faut que quelqu'un... Si personne
n'a ce pouvo|r, vous n'êtes pas plus avancés. Si vous n'avez
personne avec qui en discuter. Il vous faut un interlocuteur valable.
Actuellement, vous n'en avez même pas. C'est la Commission de la fonction
publique qui détermine tout cela. C'est un organisme autonome. A
l'avenir, il me semble que vous avez un progrès de ce côté,
puisque c'est un ministre responsable qui sera chargé de la
réglementation. Donc, quelqu'un avec qui vous pouvez discuter de cette
chose.
Mme Vigeant: S'il ne nous consulte pas plus que nous consultaient
d'autres organismes pour établir cette réglementation...
M. de Belleval: Vous ne serez pas plus avancés.
Mme Vigeant: Cela peut être surprenant, pour le moins.
M. de Belleval: C'est évident. Vous avez rai- son à
ce point de vue, mais, actuellement, le problème ne se pose même
pas, puisque vous ne pouvez même pas en discuter. Vous ne pouvez
même consulter personne là-dessus. Vous n'avez pas
d'interlocuteur. C'est la Commission de la fonction publique qui s'occupe de
tout cela.
Mme Vigeant: Parlons de l'avenir.
M. de Belleval: II me semble que, de ce point de vue, c'est un
progrès.
Mme Vigeant: Parlons de l'avenir.
M. de Belleval: Oui, mais est-ce que, à cet égard,
cela vous apparaît un progrès que le pouvoir de
réglementation passe d'une commission où vous n'avez pas
accès, à un ministre responsable à qui vous avez
accès?
Mme Vigeant: Nous réserverons nos félicitations
quand la commission Martin aura siégé, quand nous aurons vu vos
règlements. D'ici là, je pense que nous sommes devant une chose
incomplète.
M. de Belleval: II me semble que votre dernière remarque
me laisse voir qu'il y a encore une ambiguïté. Vous me parlez de la
commission Martin; la commission Martin, dans son mandat, ne touche aucunement
à l'organisation des concours dans la fonction publique.
Mme Vigeant: Elle touche une économie
générale de toute la fonction publique, je pense.
M. de Belleval: Elle touche aux conditions de travail, mais un
concours d'accès à la fonction publique ce n'est pas une
condition de travail.
Mme Vigeant: J'admets avec vous que j'ai été plus
loin que le sujet dont nous parlons. Je suis moins bien préparée
que vous à vous répondre.
M. de Belleval: Je l'espère, sinon je vous passerais ma
place.
J'ai d'autres questions à vous poser à la suite de votre
mémoire.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. de Belleval: C'est tout le problème de la
crédibilité de la future Commission de la fonction publique. Vous
dites: II peut bien arriver que l'on nomme à la commission des hommes
enclins à protéger leur situation intéressante et
rémunératrice aux dépens de l'impartialité. Ce
jugement s'appliquerait à pas mal d'officiers publics qui sont
déjà dans la même situation où seront les futurs
commissaires. Actuellement, les commissaires sont nommés par le
gouvernement. Le projet de loi prévoit qu'à l'avenir ils seront
nommés par l'Assemblée nationale. Il me semble que de ce point de
vue, du point de vue de l'impartialité et du caractère solennel
de la fonction, il y a un progrès.
La nomination sera faite par l'Assemblée nationale. Je cloute
fort que l'Opposition concoure à la nomination d'un commissaire, comme
pas plus, actuellement, d'un vérificateur général ou de
l'ombudsman qui est dans la même situation; concoure, dis-je, à la
nomination de personnes qui n'auraient pas un prestige et des
caractéristiques de compétence et d'impartialité reconnues
de la même façon qu'on le fait quand il s'agit de nommer
l'ombudsman, par exemple. Si vous parlez des arbitres de griefs, est-ce que,
à votre avis, les membres de la commission seraient moins honorables, en
principe, compte tenu de leur mode de nomination, que le seraient les juges qui
ne sont pas nommés par l'Assemblée nationale?
M. Authier: La seule différence, M. le ministre, c'est que
les juges sont nommés à vie. Si vous nommez un commissaire pour
cinq ans, si cela lui prend quelques années pour roder son cerveau comme
il le faut et s'il passe à travers, advenant le cas, de plusieurs
élections, plusieurs gouvernements, j'ai des craintes. Je pourrais
peut-être me tromper et je vais sûrement me tromper dans 90% des
cas, si je vis pour voir 90 commissaires. Cependant, j'ai peur que, sur les 10%
des commissaires que vous nommerez pendant les X prochaines années, il y
en ait quelques-uns qui, comme cela, à cause de leur mandat qui sera
très court, voudront être renommés au bout de cinq ans et
agiront en bons serviteurs au lieu d'être impartiaux; c'est ce qui me
fait peur.
M. de Belleval: S'ils étaient nommés pour dix ans,
vos craintes disparaîtraient?
M. Authier: Elles seraient sûrement
atténuées, parce que, à ce moment, comme le faisait
remarquer un autre interlocuteur ici, les commissaires seraient peut-être
plus indépendants et pourraient survivre à un, deux ou
peut-être trois gouvernements. C'est comme cela que nous avons
interprété. Nous avons fait un mémoire qui est
peut-être dur parce que nous disons que cela pourrait aller
jusque-là; cela ne veut pas dire que cela va arriver, j'espère
que non. Mais, si vous nommez des commissaires pour cinq ans, cela pourrait
arriver. Si on a pensé à cela, comme d'autres syndicats, on n'est
pas si fou que cela.
M. de Belleval: Non, mais ce qui me surprend ce n'est pas
tellement que vous soyez critiques, pas du tout. Mais, quand on compare la
situation qui existe actuellement en ce qui concerne la nomination des
commissaires et l'importance des fonctions de ces commissaires actuellement,
comparé au mode de nomination des futurs commissaires et à leurs
fonctions, ce qui me surprend aussi c'est que vous ne notiez pas qu'il y ait
aussi un grand progrès de fait.
Deuxièmement, ce qui me semble aussi un peu étrange, c'est
que vous accordiez plus de crédibilité à des juges
arbitres ou à des arbitres nommés classiquement, par la
méthode actuelle des négociations collectives, par rapport
à ceux de la Commission de la fonction publique. Entre vous et moi,
à la façon dont sont nommés les arbitres actuellement, on
peut se poser des questions, sur ce plan, quant à leur
impartialité et quant à leur désintéressement, par
rapport aux futurs commissaires de la commission.
M. Authier: Vous avez probablement raison, M. le ministre.
Cependant, mettez-vous dans notre situation. Nous n'avons jamais eu un grief.
On ne connaît donc pas les arbitres, on n'en a jamais vu un. Comme vous
le dites très bien, on n'a pas affaire aux membres de la Commission de
la fonction publique. On a parlé à deux ou trois membres de la
Commission de la fonction publique, votre nouvelle loi va être toute une
aventure pour nous. Nous craignons donc, honnêtement on ne veut
rien perdre en tout cas, mais je pense qu'on a peur. On vous soumet nos
craintes et cette crainte que nous inspire le mandat de cinq ans d'un
commissaire qui nous fait peur jusqu'à un certain point parce qu'on se
dit que cet individu sera peut-être plus obéissant
qu'impartial.
M. de Belleval: De toute façon, vous êtes d'heureux
hommes si vous n'avez jamais besoin d'aller en grief en vertu de l'ancienne
loi. Tout ce que je peux vous souhaiter, c'est de continuer d'avoir à
vous dispenser des dispositions de la nouvelle loi.
M. Authier: On enterre nos erreurs.
M. de Belleval: Les architectes les couvrent de lierre. Et vous,
vous les enterrez.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Mme le Président, tout à l'heure, en
intervenant sur le mémoire pour montrer mon désaccord avec
certains des propos du ministre, c'était pour souligner que les craintes
que vous soumettez dans votre mémoire, nous les avons exprimées
ce matin, parce que nous croyons véritablement que l'aire des
négociations, contrairement à ce que le ministre soumet, est
modifiée, que les procédures de grief ou de règlement
d'imbroglios qui peuvent exister dans les articles qui ne seront plus sujets
à la négociation, ces articles-là vont être
déterminés par règlements du ministre, en vertu de
l'article 3, et que c'est en vertu de ces règlements que la Commission
de la fonction publique devra statuer. Je ne voudrais pas reprendre les propos
que je tenais ce matin concernant la différence entre un droit
statutaire et la possibilité de régler au mérite, mais il
nous apparaît que vos craintes sont justifiées et, en ce qui nous
concerne, nous les croyons justifiées sur le plan juridique, si, de
votre côté, vous n'aviez pas eu de telles difficultés ou de
telles consultations sur le plan juridique, comme vous avez dit. Pour ce qui
est de la Commission de la fonction publique et du mandat, je n'ai pas,
jusqu'à maintenant, fait de commentaires là-dessus, parce que je
m'attendais à les faire un peu plus tard en d'autres oc-
casions, mais il demeure que cela nous apparaît un point
important. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi on prendrait la peine de ne
nommer quelqu'un que pour cinq ans. J'irais beaucoup plus loin qu'un mandat de
dix ans. Je soumettrais que ce qui assurerait une véritable
impartialité, ce serait probablement une nomination à bonne
conduite, c'est-à-dire tant et aussi longtemps que l'Assemblée
nationale jugerait, sur une proposition du ministre, d'un membre du
gouvernement ou d'une autre personne, que le membre de la fonction publique a
toujours exercé son mandat correctement et avec impartialité; il
pourrait donc rester en fonction beaucoup plus que cinq ans. Quant à
moi, je souscrirais volontiers à une modification de la loi qui
permettrait de nommer ces commissaires comme un juge en définitive. Un
juge est nommé à bonne conduite. Dans le cas de la Commission de
la fonction publique, je crois que ce serait une amélioration que de
suivre cette procédure. Quant à moi, je n'ai pas d'autres
remarques, Mme le Président.
Le Président (Mme Cuerrier): Les interventions
étant terminées, il me reste à remercier au nom de la
commission le Syndicat professionnel des médecins du Québec, qui
a collaboré aux travaux de cette commission. A ses deux
représentants, merci beaucoup.
M. Authier: Merci beaucoup.
Débat sur la motion du député de
Jean-Talon
Le Président (Mme Cuerrier): Je ne crois pas qu'il y ait
d'autre convocation. L'ordre du jour étant épuisé, nous
avions décidé ce matin que, si l'ordre du jour était
épuisé avant l'heure où nous ajournons habituellement nos
travaux, nous ramènerions une proposition de M. le député
de Jean-Talon qui se lit comme suit: "Que la commission est d'avis que le
projet de loi 53 ne devrait pas être adopté en deuxième
lecture avant que la commission Martin, constituée par
l'arrêté en conseil 241277, du 27 juillet 1977...
M. Garneau: C'est le numéro.
Le Président (Mme Cuerrier): ... le numéro de
l'arrêté en conseil est 241277du 27 juillet 1977, n'ait
déposé son rapport."
M. Garneau: Adopté, Mme le Président.
Le Président (Mme Cuerrier): Cette motion est-elle
adoptée?
M. de Belleval: Mme le Président, je voudrais parler sur
cette motion.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. de Belleval: J'ai expliqué assez en détail ce
matin, et à quelques reprises aussi cet après- midi et même
ce soir, l'intention qui était mienne et que je crois
reflétée correctement dans le projet de loi 53, soit les
questions qui relèvent de la commission Martin. D'ailleurs, je suis
assez bien placé pour le savoir puisque c'est moi-même qui ai
proposé la création de cette commission, au moment même
où nous finissions, d'ailleurs, la préparation du projet de loi
53; nous avons pris les précautions pour que le mandat de la commission
Martin puisse s'exercer normalement, parallèlement avec l'étude
du projet de loi 53.
En particulier, nous avons pris les précautions pour que toutes
les questions qui, dans l'ancienne Loi de la fonction publique, touchent aux
négociations collectives soient exclues du projet de loi 53. Il y a
d'ailleurs des articles du projet de loi qui prévoient cette
exclusion.
Il se peut que, malgré tout, comme je l'ai dit, marginalement,
sur quelques aspects, le projet de loi 53 puisse toucher à une partie ou
à des aspects du mandat de la commission Martin. A mon avis, ces zones
grises, qui sont normales dans toute situation semblable, sont minimes et ne
devraient pas nous empêcher de progresser, comme je l'ai dit, dans
l'étude du projet de loi 53. Toutefois, je pense, et nous verrons,
à la suite de l'examen du projet de loi, ici même, en commission,
et ensuite, si ces zones de recoupement sont plus ou moins vastes, et
jusqu'à quel point il faut tenir compte des recommandations
éventuelles de la commission Martin.
J'ai indiqué, dès le début des travaux que, pour ma
part, je n'avais pas l'intention de procéder à la hâte avec
l'étude du projet de loi 53 et que j'espérais plutôt que
les deux démarches, celle du projet de loi 53 et celle de la commission
Martin, aboutissent de façon simultanée.
Toutefois, il se peut bien aussi que, à la suite des discussions
à cette commission, et à la suite aussi d'éclaircissements
ou d'amendements qui seront apportés au projet de loi, ces zones grises,
s'il y en a, soient complètement dissipées, et qu'à la
satisfaction aussi des représentants des associations d'employés,
ces zones soient dissipées et qu'il n'y ait plus d'objection à ce
que nous procédions immédiatement à l'approbation du
projet de loi 53.
A mon avis, il faut garder l'esprit ouvert de ce côté et
nos options ouvertes, et le faire, cependant, dans l'esprit que j'ai
mentionné; pour ma part, je n'ai pas d'objection de principe, loin de
là, à ce que les deux démarches, comme je l'ai dit,
aboutissent en même temps.
Il me semble que la démarche qui est proposée par le
député de Jean-Talon est prématurée, en tout cas en
ce qui concerne les travaux de cette commission.
Nous commençons à peine nos travaux. Nous avons plusieurs
mémoires à entendre. Nous avons aussi plusieurs discussions
à avoir et des explications à donner. Quand ces mémoires
auront été entendus, quand la commission aura
siégé, quand les explications auront été
données, c'est à ce moment que la commission pourra se prononcer,
en toute connaissance de cause, sur un avis sem-
blable. Pour l'instant, Mme le Président, je soutiens que cette
motion est prématurée et que nous pourrons disposer de cette
question quand la commission aura terminé ses travaux et au moment de
faire son rapport à l'Assemblée nationale. C'est la raison pour
laquelle nous voterons contre cette motion à ce moment.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon est le proposeur de la motion... Je m'excuse M. le
député, je ne vous ai pas demandé si vous aviez
l'intention d'intervenir. J'ai vu le signe de M. le ministre.
M. Garneau: Non, si j'avais voulu intervenir, je vous l'aurais
souligné.
Le Président (Mme Cuerrier): Vous aviez d'ailleurs dit que
vous étiez prêt à adopter cette motion.
M. Garneau: Je voulais tout simplement attendre les autres
intervenants et exercer mon droit de réplique comme proposeur de la
motion.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Oui, Mme le Président, j'aimerais...
Le Président (Mme Cuerrier): Me faites-vous signe que vous
voulez intervenir?
M. Brochu: Oui. J'ai même attendu cela depuis un bout de
temps. Mme le Président, très brièvement, je
considère que la proposition qui a été faite par le
député de Jean-Talon, à la suite du député
de Johnson, est importante, non pas parce que son objet va modifier d'une
façon complète les travaux de notre commission ou qu'elle va
fixer le mandat de la Chambre en ce qui concerne la deuxième lecture,
mais parce que le libellé de la motion s'exprime comme étant un
voeu que la deuxième lecture ne soit pas adoptée tant et aussi
longtemps que la commission Martin n'aura pas déposé son rapport.
La motion en discussion, si elle devait être adoptée, ce que
j'espère, n'engagerait donc la Chambre en rien, sauf qu'elle
démontrerait une attitude du gouvernement. C'était surtout le but
visé par cette motion, c'est-à-dire que le gouvernement
dénote une ouverture d'esprit face à nos
délibérations, face au contenu éventuel du rapport de
cette commission Martin. Il est certain que nous n'aurons pas en cours de route
le dépôt de ce fameux document pour éclairer nos lanternes
pour les discussions présentes en ce qui concerne la commission. A ce
sujet, on est sûr et certain que cela ne changera strictement rien.
Cependant, s'il y avait cette espèce d'engagement moral de la part du
ministre, actuellement, tous les gens qui viennent ici témoigner devant
nous, se sentiraient beaucoup plus en sécurité de le faire parce
qu'à ce moment ils sentiraient une volonté, et de la part du
gouvernement et de la part de l'Opposition, d'arriver non pas à des
conflits, à des discussions, mais à la meilleure situation
possible à la suite de l'étude du projet de loi no 53 et à
sa bonification maximale.
Je ne trouve pas la motion rigide et elle ne l'est pas non plus. C'est
pour cela qu'elle s'exprime dans le sens d'un voeu. C'est pour cela qu'à
ce stade je comprends mal l'hésitation du ministre à ne pas tout
bonnement accepter cette motion qui améliorerait beaucoup le climat de
nos travaux et qui démontrerait aux témoins qui vont venir dans
les jours qui vont suivre que le gouvernement est prêt à regarder
tous les facteurs en cause et à les regarder dans une suite logique. Il
m'apparaît à ce stade que ce qui pourra ressortir de la commission
aura quand même certaines incidences importantes en ce qui concerne
l'adoption du projet de loi en deuxième lecture; en ce qui concerne
également l'attitude des partis de l'Opposition en deuxième
lecture, sinon sur le tout au moins sur certaines parties importantes du projet
de loi no 53.
C'est pour cela que je demande au ministre de revoir sa position sur la
question de cette motion dans cette optique où ce n'est pas un
engagement. Comme je l'ai dit, par le contenu de la motion, ce n'est pas un
engagement formel de sa part, mais un voeu à respecter et une
démarche. Cela irait exactement dans le sens de cette démarche
parallèle à laquelle le ministre a fait allusion au début
de ses remarques où il disait qu'il souhaitait au point de départ
que les travaux de la commission Martin et ceux de la loi 53 aient un
même cheminement et un aboutissement à peu près dans les
mêmes moments.
Donc, cela n'irait pas du tout à l'encontre de cette
espèce de plan de travail ou de cette espèce de projection que le
ministre nous a faite. Cela serait simplement de nature à bonifier notre
travail et je pense que cela n'entraverait en rien le plan d'action que se
donne le ministre actuellement. Alors, je lui demande sérieusement de
réviser cette position pour bonifier les travaux de notre commission et
en arriver peut-être aux meilleurs résultats possible en ce qui
concerne la loi 53.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Très rapidement, je reprendrai à mon
compte, parce que vous savez tout de suite que je suis contre la motion, les
arguments soutenus par le ministre de la Fonction publique.
Premièrement, je pense que la commission a un mandat
spécifique qui lui a été soumis par la Chambre, c'est
d'étudier les différents mémoires des organismes
habilités à donner leurs points de vue sur le sujet,
c'est-à-dire la loi 53.
Deuxièmement, l'objectif visé dans les mémoires,
c'est de voir les incidences sur la partie qu'on dit avoir soustraite dans la
loi 53. Si les intervenants y voient des recoupements, ce sera à eux de
les signaler. Je pense qu'on doit leur donner l'occasion de les signaler
eux-mêmes.
Troisièmement, je ne pense pas qu'on puisse lier
l'Assemblée nationale sur la démarche des tra-
vaux parlementaires à la suite d'un avis de la commission
parlementaire. Quant à l'aspect de traduire une attitude dite
d'ouverture, je pense que ce qui a été signalé par le
député de Richmond est très positif, mais je le vois
à la fin de nos travaux, lorsqu'on aura entendu tous les mémoires
là-dessus. Cela nous permettra de vérifier si les juxtapositions,
les liens qui ont été faits par les différents
intervenants sont soutenus. A la suite de ces interventions, je pense que nous
serions passablement plus éclairés pour prendre la
décision de retarder peut-être l'évolution de l'analyse de
la loi comme telle, parce que la plupart des intervenants nous auront
souligné les liens de jonction, ce qui n'est pas le cas pour le
moment.
Je ne vois pas l'urgence et je ne vois pas, pour le moment, qu'il y ait
lieu de voter tout de suite là-dessus. C'est pourquoi je serai contre,
si on la présente ce soir, tel que c'est le cas.
Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Mme le Président, je pense bien que, de toute
façon, on ne pourra pas voter ce soir, étant donné qu'on
n'aura pas quorum. Je voulais quand même intervenir sur cette question
pour souligner que la motion a son importance d'une double façon. Qu'on
interprète le projet de loi 53 comme touchant l'aire des
négociations ou qu'on l'interprète comme n'y touchant pas, je
pense que la motion prend son sens véritable parce qu'il y a eu une
commission formée, la commission Martin, dont une des parties du mandat,
à l'article b) est d'analyser et de faire rapport sur le contenu de
l'aire des négociations et, également, on ajoute à
l'article b) les règles régissant l'amorce et le
déroulement des négociations.
Personnellement, je soumets que le projet de loi 53 touche directement
à cette aire des négociations. C'est une des raisons pour
lesquelles d'ailleurs, je l'avais souligné dans mon intervention
d'ouverture j'ai refait cette motion, à la suite de celle qui
avait été déclarée irrecevable qu'avait faite le
député de Johnson qui partage avec moi le même point de
vue.
A l'article 119 du projet de loi 53 on dit et je voudrais
l'inclure pour les fins du journal des Débats dans mon argumentation
que "l'article 52a de la Loi sur le régime syndical dans la
fonction publique, édicté par l'article 35 du chapitre 14 des
Lois de 1969 est modifié: a) par le remplacement, dans la sixième
ligne du premier alinéa, des mots "présente loi" par les mots
"Loi sur la Fonction publique"; b) par le remplacement du paragraphe a) du
premier alinéa par le suivant: a) rémunération et
avantages sociaux", au lieu d'être Traitements ou
rémunérations additionnelles. A l'article c), on fait
disparaître les paragraphes e), f) et g) qui concernent la suspension
d'un employé, le congédiement d'un employé et, finalement,
un appel d'un employé qui se croit lésé par une
décision relativement à son classement.
Ce sont là, Mme le Président, des points qui, dans
l'ancienne Loi de la fonction publique, faisaient partie spécifiquement
de l'aire des négo- ciations. De plus, les derniers paragraphes de
l'article 52a qui est amendé par l'article 119 disparaissent. Derniers
paragraphes qui permettaient au ministre de la Fonction publique du temps et au
gouvernement, c'est-à-dire au Conseil des ministres en collaboration
avec la Commission de la fonction publique d'élargir encore davantage ce
champ de négociations pour certaines fins qui étaient
agréées de part et d'autre.
C'est donc dire que le projet de loi 53 touche l'aire des
négociations, qu'on aime cela ou qu'on n'aime pas cela, il faut bien
lire les textes de loi tels qu'ils sont. Si on avait décidé que
le projet de loi ne touchait en rien à l'aire des négociations,
ce projet de loi 53 ne comprendrait pas l'article 119. Je maintiens
également que si on n'a pas l'assurance que le projet de loi, ou du
moins, si cette commission ne fait pas ce voeu à l'Assemblée
nationale, que le projet de loi ne soit pas adopté en deuxième
lecture avant le dépôt du rapport Martin, il sera impossible aux
représentants des associations de fonctionnaires, qu'ils soient des
syndicats ou des associations bona fide, de faire connaître leur point de
vue avant. C'était mon voeu, mon opinion personnelle, à savoir
que cette loi ne devrait même pas être entreprise en
deuxième lecture. Pour montrer une certaine collaboration, nous avons
souligné, au moins, que les débats pourraient peut-être
avoir lieu, mais que si des amendements étaient présentés,
il ne sera pas possible, une fois l'étude entreprise en deuxième
lecture, a fortiori, si elle était adoptée en deuxième
lecture et discutée en commission parlementaire et,
éventuellement, adoptée en troisième lecture avant que le
rapport Martin ne puisse être étudié, à ces
associations de fonctionnaires de faire connaître leur point de vue sur
les décisions qui auront été prises par le gouvernement.
Avec sa majorité, évidemment, on peut discuter et avoir de
très bons arguments de ce côté-ci de la table, mais j'ai
suffisamment d'expérience pour savoir que la majorité, dans une
assemblée délibérante, est aussi importante que la valeur
des arguments. Il sera donc impossible à ces associations
d'employés, de fonctionnaires de venir faire connaître leur point
de vue sur les décisions qu'aura prises le gouvernement suite au
dépôt du rapport Martin en ce qui regarde la loi 53.
Je crois que, comme le disait le député de Richmond, ce
n'est pas une chose extraordinaire que nous demandions. C'était tout
simplement de montrer, face aux préoccupations qui nous ont
été manifestées, à l'exception d'un groupe, par
tous ceux qui sont venus aujourd'hui. J'ai lu les mémoires de ceux qui
viendront au cours des prochains jours et je constate que la
préoccupation est grande et que notre interprétation de la loi
est la même dans 98% ou 99% des intervenants qui ont déjà
déposé des mémoires, à savoir qu'effectivement la
loi 53 touche à l'aire des négociations et que, dans ce sens, il
m'apparaitrait saine démocratie, si on veut véritablement avoir
une participation dans l'élaboration d'une telle loi et si on veut
également maintenir un climat qui soit serein.
Le ministre parlait tout à l'heure des posters. Ce serait
peut-être une façon d'améliorer le climat
en donnant... et le ministre, c'est clair qu'il parle comme membre de la
commission et comme membre du gouvernement, j'imagine bien qu'il pourrait
influencer son leader parlementaire pour que le voeu de cette commission soit
respecté. Si tel était le cas, je crois que cela changerait
fondamentalement le climat des discussions. Cela a l'air de le
préoccuper beaucoup, les posters; il verra quand cela fera cinq, six ans
qu'il est au pouvoir, on s'habitue à cela comme à autre chose.
Mais cela les ferait sans doute disparaître et cela enlèverait
justement cette tension qui existe et qui m'apparaît fondée,
compte tenu de certains articles et en particulier de l'article 119 de la loi
53, préoccupations qui m'apparaissent complètement fondées
tant sur le plan juridique que sur le plan de l'application qui pourrait
être faite si cette loi était adoptée tel quel.
C'est pourquoi, Mme le Président, je crois que ce serait poser un
geste de respect de la démocratie, respect d'une participation
véritable des associations de fonctionnaires et amélioration du
climat de nos discussions si cette motion pouvait être adoptée par
la commission.
Mme le Président, je ne sais pas si nos règlements nous
permettent de procéder au vote si nous n'avons pas quorum; mais, tout
à l'heure, un des intervenants du côté gouvernemental
mentionnait qu'il croyait non justifié de voter à ce moment-ci.
Je n'aurais certainement pas d'objection, pour ma part, à remettre
même le vote sur cette motion au terme de nos travaux s'il le fallait,
parce que je pense qu'au moins il y aurait à cette commission une lueur
d'espoir. Si le ministre montrait le moindrement de bonne volonté, je
serais prêt, pour ma part, à remettre le vote à cette
commission, vote que nous ne pouvons pas pren- dre ce soir, je crois, à
un moment où d'autres mémoires auront été
présentés si ce n'est, autrement, à la fin des travaux de
cette commission.
M. Brochu: C'est sur la question du vote, Mme le
Président.
Le Président (Mme Cuerrier): C'est une question de
règlement, M. le député de Richmond.
M. Brochu: Je suis tout à fait d'accord si on remettait
même à la fin de la commission la mise aux voix de. cette
motion.
Même j'avais cru, d'après les propos du ministre tout
à l'heure, que c'était son intention d'amener cette proposition
lorsqu'il a souhaité que les travaux se fassent de façon
parallèle et qu'il y ait un même aboutissement. Je croyais
qu'à la fin de la commission parlementaire on aurait pu, à ce
moment, prendre le vote. J'appuierais cette proposition du député
de Jean-Talon pour qu'on reporte à la toute fin de nos travaux de la
commission cette mise aux voix. D'ici là, je pense que le gouvernement
aurait peut-être la possibilité de réviser sa position.
Le Président (Mme Cuerrier): Je constate qu'effectivement
il n'y a pas quorum. Alors nous allons puisque vous l'avez
demandé devoir ajourner. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de
discuter de cette présente motion puisque vous dites bien qu'il n'y a
pas quorum.
Cette commission ajourne ses travaux sine die puisque, au moment
où elle pourrait à nouveau siéger, la Chambre
siégera et qu'elle sera convoquée par un ordre de la Chambre
à ce moment.
(Fin de la séance à 22 h 2)