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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 13 octobre 1977 - Vol. 19 N° 204

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 53 — Loi sur la fonction publique


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 53 Loi sur la fonction publique

(Dix heures vingt minutes)

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la fonction publique se réunit pour entendre les mémoires présentés après la première lecture du projet de loi no 53, Loi sur la fonction publique.

Les membres de la commission de la fonction publique sont les suivants: M. Bellemare (Johnson), M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Caron (Verdun) est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Chevrette (Joliette), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Dussault (Châteauguay), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Gravel (Limoilou); M. Grégoire (Frontenac) est remplacé par M. Godin (Mercier); M. Jolivet (Laviolette); M. Lacoste (Sainte-Anne) est remplacé par M. Rancourt (Saint-François); M. Le Moignan (Gaspé), M. Marchand (Laurier), M. Marcoux (Rimouski), Mme Ouellette (Hull); M. Picotte (Maskinongé) est remplacé par M. Garneau (Jean-Talon); M. Vaillancourt (Orford).

Nous avons quorum. Voulez-vous proposer un rapporteur pour cette commission? M. Jolivet sera le rapporteur de cette commission.

Je vais vous lire l'ordre du jour. Nous allons d'abord entendre quelques remarques préliminaires du ministre et, s'il y a lieu, des porte-parole des Oppositions. Les organismes convoqués aujourd'hui sont le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec, dont le porte-parole est M. Jean-Marc Bergeron, président. M. Alfred Veilleux et M. Bruno Duchesne viendront, à titre personnel, présenter leur mémoire. Nous recevrons ensuite l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec dont Mme Nicole Dumouchel est secrétaire, elle est le porte-parole; la Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix de la fonction publique du Québec, dont le porte-parole est M. Michel Rolland, président; le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec dont le Dr Richard Authier, président, sera le porte-parole.

M. le ministre.

M. Garneau: Mme le Président, avant l'intervention...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: ... juste pour préciser l'ordre de nos travaux, le bruit a circulé, à un moment donné, qu'on ne siégerait pas demain. Peut-on savoir quand la commission va siéger? C'est seulement pour informer ceux qui ont des mémoires à présenter. Est-ce que l'ordre du jour est connu, ou est-ce qu'il ne l'est pas encore?

M. de Belleval: L'ordre du jour est connu, je demanderais que l'on fasse copies de l'ordre du jour et qu'on en distribue à tout le monde.

M. Garneau: Avec les dates où on aura des séances?

M. de Belleval: C'est cela. On siégerait donc aujourd'hui, jeudi, ensuite le mercredi, 19 octobre, le jeudi, 20 octobre, et le vendredi, 21 octobre. Donc, aujourd'hui, et les 19, 20 et 21 octobre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre, M. Denis de Belleval

M. de Belleval: Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue, au nom de la commission, aux gens qui sont ici aujourd'hui et à ceux qui se présenteront durant les prochains jours. Nous allons donc étudier un certain nombre de mémoires relativement au projet de loi 53, Loi sur la fonction publique. Je pense qu'il s'agit d'un projet de loi que l'on attendait, au fond, depuis plusieurs années, puisque les gouvernements qui se sont succédé depuis 1966 ont tour à tour considéré, et parfois même ont aussi introduit des amendements importants à la Loi sur la fonction publique.

Aujourd'hui, c'est une refonte complète de la Loi que nous avons devant nous. Cette refonte ne vient pas soudainement, puisque le système de gestion de la fonction publique qui est en vigueur depuis quelques années avait fait l'objet, dans le passé, de nombreuses critiques; il a fait l'objet aussi de projets de réforme, qu'il s'agisse de projets issus, entre autres, des associations, du monde syndical, mais aussi d'une façon parfois plus discrète de l'intérieur même de la fonction publique, sous la direction des ministres de la fonction publique qui se sont succédé depuis la fondation du ministère.

Il va sans dire que toucher à la gestion de la fonction publique et la loi qui J'encadre constitue un sujet délicat et cela explique peut-être aussi que dans le passé, non seulement chez nous mais ailleurs, on ait vu avec beaucoup d'appréhension, de la part des gouvernements, la possibilité d'ouvrir les lois en vigueur et de les modifier considérablement.

Ce n'est pas l'envie qui manque, dans beaucoup d'autres gouvernements, de faire de même. Mais je ne sais pas si l'opportunité politique a été suffisamment ressentie pour qu'on ait voulu, dans ces milieux, prendre le risque — parce qu'il y a toujours un risque à toucher à des matières semblables — politique de regarder les problèmes en face, de les soumettre à la discussion et de proposer des réformes. La loi actuelle répartit mal les responsabilités entre les différents intervenants en ce qui concerne la gestion de la fonction publique.

Sous plusieurs aspects, d'ailleurs, il est difficile d'identifier les responsabilités de la gestion de

la fonction publique actuellement au Québec. Il existe aussi une confusion des pouvoirs, en particulier au sein de l'organisme principal qui est responsable de la gestion de la fonction publique actuellement, à savoir la Commission de la fonction publique, puisqu'il s'agit d'un organisme qui est en même temps exécutif, responsable de la gestion et responsable de l'adjudication, de la surveillance même du processus de sa légitimité ou de sa rectitude.

C'est ce qui a fait dire que, dans un sens, la Commission de la fonction publique était à la fois juge et partie de l'exercice de ses propres responsabilités. Ce système a été critiqué à plusieurs reprises, dans le passé, et certains des membres ou des associations qui viendront devant nous ne se sont pas fait faute dans le passé de critiquer sévèrement le système en vigueur.

Ce système aussi pose un peu, en matière de gestion de la fonction publique, un principe d'organisation publique qui, dans d'autres secteurs, a aussi été critiqué, entre autres au secteur de l'éducation où, jusqu'à la fondation du ministère de l'Education, on disait que l'éducation était trop importante pour la confier à des hommes politiques. On avait mis sur pied — vous vous en souvenez — un système qui faisait que l'irresponsabilité ministérielle était la règle en matière d'éducation, c'est-à-dire qu'il y avait un organisme indépendant du gouvernement qui administrait notre système d'éducation au Québec.

Dans la fonction publique, on peut dire que, actuellement, le règne du Département de l'instruction publique est la règle, c'est-à-dire que c'est une commission indépendante qui est largement responsable de la gestion de la fonction publique, indépendamment du pouvoir gouvernemental, du pouvoir ministériel, qui est responsable pourtant, devant la population, de l'application de ces politiques, qui doit en répondre à l'Assemblée nationale et devant l'électorat, mais dont un des principaux outils d'application de ces politiques, sinon le principal outil d'application de ces politiques, c'est-à-dire, la fonction publique, lui échappe largement puisqu'il est confié, sur le plan réglementaire comme sur le plan courant, à un organisme autonome, c'est ce qui me fait dire que, en matière de gestion publique, on est à l'ère du Département de l'instruction publique.

Des critiques nombreuses ont aussi été soumises sur l'absence de plan de carrière qui résulte de l'organisation de ce régime; l'absence de plan de carrière pour l'ensemble des fonctionnaires, l'absence de cohérence interministérielle au niveau de la gestion de la fonction publique; le caractère aléatoire et critiquable de l'organisation des concours, tant pour l'entrée dans la fonction publique que pour la promotion dans la fonction publique. De ce point de vue, des critiques nombreuses ont été émises dans le passé quant aux risques de politisation, de favoritisme, de patronage politique ou même administratif que permet le système en vigueur.

Le projet de loi vise donc à corriger ces lacunes sous deux aspects principaux, tout d'abord renforcer les mécanismes qui font que, justement, la gestion de la fonction publique doit se faire dans un contexte où l'employé est protégé contre le favoritisme, contre l'arbitraire, d'où qu'ils viennent, qu'ils viennent du pouvoir politique ou du pouvoir administratif. On verra à l'étude quels sont les nombreux mécanismes qui sont prévus dans la loi qui permettent de renforcer la protection dont doivent jouir les individus, mais aussi l'ensemble de la fonction publique, en matière de favoritisme ou de discrimination. On prévoit en particulier qu'à l'avenir, la gestion de la fonction publique devra se faire par un cadre réglementaire précis et non pas par simples directives administratives. Ce cadre réglementaire devra être soumis à un organisme indépendant pour avis et même, ultimement, à l'Assemblée nationale.

Les pouvoirs de la nouvelle Commission de la fonction publique seront renforcés et seront clairement établis en matière de surveillance de la rectitude du procédé administratif, en matière de gestion du personnel. La nouvelle commission aura le pouvoir d'enquêter sur le fonctionnement de la loi, de son propre chef, et elle aura aussi le pouvoir d'entendre les griefs des fonctionnaires qui s'estimeraient lésés dans le processus de promotion ou de gestion de la fonction publique, qu'il s'agisse de procédures de promotion, comme je le disais, qui est un droit nouveau que nous créons, ou qu'il s'agisse de mécanismes disciplinaires. La commission ne sera plus nommée par le gouvernement. Elle sera nommée, à l'avenir, par l'Assemblée nationale et, par conséquent, la solennité, l'indépendance de cette commission sera celle de l'Assemblée nationale elle-même.

Le projet de loi, sous un deuxième aspect, vise à confier la responsabilité de la gestion de la fonction publique à une autorité clairement définie, c'est-à-dire le ministre de la Fonction publique, un ministre du gouvernement qui est responsable devant l'Assemblée nationale, qui est responsable aussi devant la population, qui est aussi l'interlocuteur direct des associations, des syndicats et des membres de la fonction publique.

Ce pouvoir permettra d'établir enfin un véritable système de gestion de la fonction publique, de la gestion des carrières des fonctionnaires et d'organiser la gestion de notre personnel selon des bases modernes et aussi adaptée aux circonstances et aux changements.

Finalement, le projet de loi prévoit que l'accession dans la fonction publique et la promotion se feront selon ce qu'on appelle la règle du mérite. C'est-à-dire que les listes d'éligibilité où tout chacun pouvait piger au gré plus ou moins de ses besoins, sinon de ses fantaisies, seront terminées, puisque les concours dans la fonction publique donneront lieu à l'établissement de listes où les candidats seront classés par ordre d'aptitude et les nominations et promotions devront se faire selon cet ordre d'aptitude.

Bien entendu, le projet de loi est perfectible; déjà, après les discussions que nous avons eues depuis le dépôt en première lecture, à la lecture aussi des mémoires qui m'ont été présentés — j'ai eu le temps de les lire — des projets de modifications de certains articles ou certains aspects

commencent à germer. A ce point de vue, je suis certain que les critiques, tant de l'Opposition que des corps constitués, des associations représentatives ou des individus nous permettront d'améliorer le projet de loi. C'est d'ailleurs le but même du mécanisme dans lequel nous sommes engagés, c'est-à-dire ces présentes séances de la commission parlementaire.

Dans ce sens, j'entrevois nos discussions d'une façon franche et ouverte et avec un esprit de conciliation et d'examen approfondi des objections qui pourront être mises de l'avant. Cependant, je pense qu'un projet semblable, qui est complexe par sa nature même, doit aussi être envisagé avec rigueur par toutes les parties en cause. La propagande, l'invective, et je dirais même, à l'occasion, la substitution de la caricature pour l'information ne peuvent pas permettre véritablement un débat démocratique. De ce point de vue, je fais appel à toutes les parties pour que justement ce que nous aurons durant les prochains mois, ce soit un débat démocratique, un débat où l'on vise à informer et non pas à déformer.

Par ailleurs, compte tenu du fait aussi que certains aspects du projet de loi peuvent toucher de près ou de loin, et, à mon avis, plus de loin que de près, mais, quand même, peuvent toucher au mandat que nous avons déjà donné à une commission d'étude sur le régime des négociations dans les secteurs public et parapublic, c'est-à-dire, la commission Martin, je pense qu'il est important que nous procédions à l'étude du projet de loi en tenant compte des recommandations que cette commission fera éventuellement et à assez court terme, des recommandations qui pourront donc toucher, d'une certaine façon, à certains aspects du projet de loi qui est devant nous. De ce point de vue, je n'ai pas l'intention de bousculer ou de hâter l'approbation du projet de loi à l'Assemblée nationale, mais de faire en sorte que le processus engagé du côté de la commission Martin et le processus engagé du côté du projet de loi 53 cheminent de façon parallèle, mais aboutissent plus ou moins au même moment.

Voilà, en gros, Mme le Président, les quelques remarques que je voulais soumettre au début de cette commission. Je sais que j'aurai amplement l'occasion de clarifier et d'expliciter davantage les points que je viens à peine de soulever.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon, représentant de l'Opposition officielle à cette commission.

Remarques de l'Opposition M. Raymond Garneau

M. Garneau: Mme le Président, nous aborderons aujourd'hui l'étude, en commission parlementaire, du projet de loi no 53, Loi sur la fonction publique. Nous devons reconnaître que c'est uniquement après s'être fait presque tordre le bras que le ministre de la Fonction publique et le gouvernement ont accepté, à la suite des pressions de l'Opposition et des représentants des fonctionnaires, par leurs syndicats, que cette commission ait lieu aujourd'hui, avant la deuxième lecture du projet de loi qui avait été soumis à l'Assemblée nationale.

La refonte de la Loi de la fonction publique exige, en effet, une étude en profondeur de plusieurs aspects de l'administration publique québécoise. Cette refonte exige aussi, si on veut qu'elle soit efficace, une véritable consultation et une participation des principaux intéressés eux-mêmes au processus législatif.

Mme le Président, une consultation avec les syndicats de fonctionnaires aurait dû avoir lieu avant même que ie projet de loi soit rédigé ou, tout au moins, avant que sa version finale soit déposée à l'Assemblée nationale. Si tel eût été le cas, la commission parlementaire d'aujourd'hui prendrait certainement un aspect plus positif et le texte du projet de loi aurait pu être ainsi expurgé de plusieurs de ses extravagances.

Le projet de loi no 53 apparaît, au demeurant, inconcevable de la part d'un gouvernement qui, au cours des dernières années, s'est vanté, à temps et à contretemps, de ses préjugés supposément favorables aux travailleurs.

Nous pourrions faire ressortir toutes les contradictions quant à la philosophie de ce projet de loi avec celle du projet de loi 45. Par exemple, on pourrait aborder toute la question du règlement des griefs, etc.

Cependant, j'aimerais faire un bref rappel pour bien démontrer la nécessité d'une consultation, faire un rappel des étapes qui avaient précédé l'adoption de la Loi de la fonction publique en 1965 et mettre en lumière certains des principes qui ont présidé à sa rédaction.

L'actuelle Loi de la fonction publique, comme je l'ai mentionné, a été adoptée en 1965 et remplaçait la Loi du service civil qui, elle, avait été adoptée une vingtaine d'années auparavant, sous le gouvernement de M. Godbout.

Il faut dire que. dès 1960, après l'arrivée au pouvoir de M. Lesage, la Commission du service civil avait instauré de facto la pratique du recrutement par avis public et par concours. Cependant, en 1964, lors de l'étude du Code du travail, un comité spécial avait été chargé d'étudier les dispositions qui devaient régir la négociation collective dans les secteurs public et parapublic. Ce comité avait retenu les services d'experts. Il avait préparé une volumineuse documentation après avoir tenu des auditions publiques.

Ce comité proposa au gouvernement du temps de faire adopter par l'Assemblée nationale, une loi spéciale de la fonction publique. C'est à ce moment que se forma l'unité de négociations qui devait représenter les fonctionnaires dans les futures négociations.

En fait, le Syndicat des fonctionnaires, dès ce moment, fut appelé à désigner sept membres d'un comité composé de quatorze personnes qui avait pour mandat de travailler à la préparation du projet de loi qui est encore aujourd'hui le projet de loi sur la fonction publique.

Ce rappel des faits n'est que pour indiquer que la Loi de la fonction publique de 1965 avait été adoptée après une consultation qui était survenue à tous les niveaux et à toutes les étapes législatives. Cette démarche s'inscrivait dans la volonté du gouvernement d'associer les représentants des fonctionnaires à une réforme dont l'objectif était de revaloriser la fonction publique et d'en améliorer l'efficacité.

Qu'une réforme de la Loi de la fonction publique soit rendue nécessaire aujourd'hui, cela va de soi. Je souscris volontiers à certains des propos que tenait le ministre tout à l'heure.

D'ailleurs, depuis quelques années déjà plusieurs groupes de travail ont analysé le problème et envisagé un certain nombre de solutions, mais la complexité des solutions envisagées avait fait en sorte qu'avant le 15 novembre, au moment où nous exercions le pouvoir, aucune décision gouvernementale n'avait encore été prise.

Une réforme de la Loi de la fonction publique est aussi devenue nécessaire à la suite de l'expérience des dernières années, qui doit s'analyser à la lumière de la création du ministère de la Fonction publique, qui n'existait pas au moment où la Loi de la fonction publique que l'on connaît aujourd'hui avait été adoptée, et également des pouvoirs qui sont ceux maintenant du Conseil du trésor à l'intérieur de la réforme de la Loi de l'administration financière.

En déposant le projet de loi 53 sans avoir consulté auparavant les représentants des fonctionnaires, le gouvernement a fait preuve, à mon sens, d'une arrogance incroyable. Deuxièmement, en présentant la loi 53 en même temps qu'il crée la commission Martin, le gouvernement fait fi d'un minimum de cohérence dans son action et cela aura comme conséquence des affrontements inutiles et coûteux.

Comment pouvons-nous, en effet, prendre le gouvernement au sérieux? D'une part, il crée, le 27 juillet 1977, une commission d'étude et de consultation chargée de faire des recommandations au gouvernement sur le régime de négociations collectives dans les secteurs public et parapublic et, en même temps et presque simultanément — je crois qu'il n'y a qu'une journée ou deux de différence entre les deux gestes posés par le gouvernement — le projet de loi 53 est déposé à l'Assemblée nationale, projet de loi qui indique clairement que les consultations ne sont pas nécessaires puisque le gouvernement a déjà pris position sur plusieurs des aspects qui sont soumis à l'étude de la commission Martin.

En fait, voici ce mandat de la commission Martin — l'arrêté en conseil le stipule et je cite l'arrêté en conseil no 2412 du 27 juillet 1977— "En vue d'une révision du régime des négociations collectives dans les secteurs public et parapublic du Québec, la commission Martin a comme mandat de dégager les caractéristiques propres aux négociations collectives dans les secteurs public et parapublic. Compte tenu de ces caractéristiques et à la lumière des témoignages entendus, identifier les lacunes et suggérer les réformes appropriées, notamment en ce qui a trait aux éléments suivants du régime actuel: a) le régime syndical et les droits syndicaux; b) le contenu de l'aire de négociations et les règles régissant l'amorce et le déroulement des négociations; c) les mécanismes de règlement des impasses, y compris l'exercice du droit de grève et de lock-out, la détermination des services essentiels, l'intervention de tiers et l'information de la population en ces occasions; d) l'organisation des relations entre les parties aux négociations. Soumettre des recommandations sur les matières précitées et sur toute autre matière reliée directement au régime de négociations collectives dans les secteurs public et parapublic et de nature à améliorer le fonctionnement de ce régime. ' Finalement, on demande que la commission fasse rapport avant le 15 janvier 1978.

Donc, le mandat de la commission Martin est clair, assez précis. Entre autres, il touche à ce que l'on appelle le contenu de l'aire des négociations et les règles régissant l'amorce et le déroulement des négociations.

Je soumets qu'en déposant, le 26 juillet 1977, soit la veille de la formation de la commission Martin, le projet de loi 53, le gouvernement s'est mis en contradiction avec lui-même. La commission Martin a sa raison d'être et, dans ce cas, il faut attendre son rapport avant d'étudier la loi 53, ou bien la commission Martin est une immense farce puisque le gouvernement a déjà fait son lit et, à ce moment même, cette commission parlementaire pourrait n'avoir que peu de signification.

On me dira peut-être que la loi 53 déborde le mandat de la commission Martin, mais il faut tout de même admettre que, dans l'une de ses parties essentielles, ce projet de loi statue sur une partie importante du mandat de la commission. Le projet de loi 53 accorde des pouvoirs que je considère abusifs et qui feront en quelque sorte du ministre de la Fonction publique le tsar de tous les fonctionnaires. Le projet de loi 53 diminue de 50% au moins l'aire des négociations telle qu'elle existe aujourd'hui, modifie d'une façon importante les mécanismes traditionnels d'arbitrage, des griefs. Comme pour camoufler cette intervention directe du pouvoir public dans la gérance des syndicats en vue de s'approprier des droits qui étaient reconnus comme devant être négociés en convention collective, pour tenter de camoufler cette arrogance, on a le culot de présenter des articles qui créent une commission de la fonction publique et un office de recrutement, qui constituent, à mon sens, une "structurite" bien typique du gouvernement actuel, en les faisant nommer par l'Assemblée nationale pour une période aussi courte que cinq ans. On restreint, à toutes fins utiles, les pouvoirs de la Commission de la fonction publique, qui deviennent uniquement des questions de contrôle après coup, alors que le ministre peut, en vertu de l'article 3, réglementer sur tous les aspects de la gestion du personnel.

Je dirais même que la loi 53, c'est l'article 3 et tous les autres articles sont des articles de concordance. En fait, le mécanisme de gestion de la fonction publique sera fixé maintenant par rè-

glement du ministre. L'article 119 ne laisse dans le champ de négociation que le traitement ou la rémunération. Si on prend le texte de l'article 119 du projet de loi 53, on s'aperçoit, par exemple, qu'il ne reste dans les négociations — comparer 119 à 52a de l'ancienne loi — que les traitements ou rémunérations additionnelles, les heures de travail, durée de travail et les congés.

Même les règlements de griefs, pour une bonne part, ne seront plus régis dans le cadre des conventions collectives en ce qui regarde, par exemple, la suspension, le congédiement, l'appel d'un employé qui sera lésé par une décision relativement à son classement. Tout cela est statué maintenant par des règlements qui seront édictés par le ministre.

C'est pour cette raison que je dis que la Commission de la fonction publique, il n'était pas nécessaire de la faire nommer par les deux tiers de l'Assemblée nationale, si, à toutes fins utiles, elle a moins de pouvoirs qu'un tribunal d'arbitrage en avait d'après les conventions qui sont habituellement signées entre le gouvernement et ses employés.

Si le projet de loi 53 ne touchait que les non-syndiqués, qu'on pourrait appeler les gros fonctionnaires, les fonctionnaires de cadres supérieurs, j'accepterais volontiers qu'on puisse étudier ce projet de loi en commission et même à l'Assemblée nationale même avant que la commission Martin n'ait statué. Cependant, ce projet de loi touche tous les syndiqués et, en ce sens, il devient inacceptable d'étudier ce projet de loi tant et aussi longtemps que la commission Martin n'aura pas déposé son rapport. J'entendais, tout à l'heure, le ministre parler d'une étude en parallèle pour en arriver à un point de chute à une période à peu près concordante avec le dépôt du rapport Martin.

Je me demande comment nous allons pouvoir procéder à cette étude. Comment nous allons pouvoir connaître les orientations du ministre si ce rapport n'est pas déposé. Je ne vois pas comment la commission Martin, dans le court laps de temps qu'elle a, pourrait avoir des auditions publiques et nous faire rapport d'une façon partielle de certains aspects de la loi 53, en particulier en ce qui regarde l'article 119 et également tout le processus des griefs et d'appels. Donc, je considère tout à fait inacceptable que l'on puisse étudier le projet de loi 53 d'une façon véritablement en profondeur, avant qu'on ne connaisse le rapport Martin.

Deuxièmement, nous procéderons à l'audition de rapports, de témoignages qui nous viendront de différents groupes d'individus ou de groupes de syndicats. Encore là, ces représentants que nous entendrons seront placés dans une situation fort précaire. D'une part, ils devront porter jugement et faire connaître leur point de vue sur un texte de loi dont on ne connaît pas exactement les amendements qui pourraient être apportés suite au rapport Martin. D'autre part, on ne sait pas si nos visiteurs auront la possibilité de revenir faire connaître leur point de vue lorsque le gouvernement aura véritablement statué sur les conclusions du rapport Martin.

Je dis que le gouvernement actuel se comporte avec arrogance, fait fi des droits acquis des syndiqués dans la fonction publique, bouleverse d'un trait de plume les us et coutumes établis et, de ce fait, portera une lourde responsabilité en ce qui regarde le bon climat des relations de travail qui a pratiquement toujours existé entre le gouvernement et la fonction publique proprement dite.

Mme le Président, ces choses étant dites, et pour bien indiquer dans quel état d'esprit nous abordons cette discussion en commission, je dois dire que, néanmoins, comme nous sommes ici, nous allons essayer de profiter au maximum de l'éclairage que nos témoins pourront nous apporter. En ce sens, l'Opposition officielle essaiera de faire préciser les points de vue des différents intervenants et également, à l'occasion, tentera de connaître de la part du ministre quelles sont les orientations véritables que le gouvernement entend donner à la gestion de sa fonction publique et du secteur parapublic.

Ce qu'il faut souligner, c'est qu'en statuant sur la toi. 53, nous statuons, en définitive, sur les relations de travail et sur les méthodes qui présideront aux relations de travail dans les secteurs parapublics de l'éducation et des affaires sociales. Je vois difficilement comment la fonction publique pourrait être gérée de la façon dont elle le serait par la loi 53 avec la restriction du champ de l'aire de négociation, toute la question des griefs et que, d'un autre côté, lorsque nous arriverons dans le secteur de l'éducation et des affaires sociales, nous ayons tout un autre type de mécanisme, créant ainsi deux sortes d'employés dans le secteur public et surtout deux séries de mécanismes devant régir les négociations collectives d'une façon totalement distincte.

C'est pourquoi je dis que la loi 53 touche non seulement les fonctionnaires et les représentants de ces fonctionnaires, mais également tout le secteur parapublic, syndicalistes dans le secteur de l'enseignement et également dans les affaires sociales. C'est pourquoi je réitère le fait que l'étude de ce projet de loi en commission sera extrêmement difficile tant et aussi longtemps que nous ne connaîtrons pas les recommandations du rapport Martin et que, deuxièmement, le gouvernement n'aura pas statué sur son acceptation ou son refus de ces recommandations qui nous viendront vraisemblablement le 15 janvier 1978. Merci, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le représentant de l'Union Nationale, M. le député de Johnson.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: Mme le Président, je voudrais d'abord vous présenter, à vous et à mes collègues, l'expression de ma joie profonde de revenir travailler, d'accomplir mon mandat. Vous savez que des raisons particulières, celles de la maladie, m'ont empêché, non sans peine, de me mettre sous abri et loin de tout ce stress que l'on ressent dans la

chose publique. Il y en a qui disent que la fonction de député est bien facultative; vous savez, ils s'amusent à Québec! Loin de là! Pour ceux qui seraient portés à croire de telles choses, je pourrais dire, comme vétéran, comme doyen de cette Assemblée nationale, que l'on paie cher, au prix de sa vie même, tous les efforts que l'on déploie afin de bien remplir notre mandat.

Maintenant, je voudrais, Mme le Président, si c'était possible, demander au greffier qu'il remplace M. Michel Le Moignan par M. Yvon Brochu, député de Richmond.

Le Président (Mme Cuerrier): En vertu du règlement, habituellement nous nommons les membres de la commission au début de la séance. De toute façon nous n'avons pas encore commencé à entendre les mémoires. Est-ce que cette commission est d'accord?

M. Bellemare: Alors, s'il n'y avait pas d'objection, s'il y avait unanimité à ce que M. Yvon Brochu, qui est leader parlementaire adjoint, qui a fait merveilleusement bien les choses en mon absence...

Une Voix: Aucune objection.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député remplace donc M. Le Moignan (Gaspé).

M. Bellemare: Le projet de loi 53 nous est soumis ce matin pour étude et pour entendre des mémoires; ce n'est pas une loi qui est condamnable dans tous ses articles. Non. Comme l'a si bien dit le député de Jean-Talon, tout à l'heure, il y a une commission qui est nommée, la commission Martin, pour étudier tous les aspects de la négociation et particulièrement, comme on le lisait, tout à l'heure, dans l'arrêté ministériel, les conditions dans lesquelles la commission doit agir.

Cependant, on voit par le projet de loi 53 qu'on prêche la vertu afin de mieux tromper. On pratique le vice de la discrétion dans son application. Les intentions du gouvernement sont peut-être, pour vous tous, une révélation. En politique, souvent on pense le pouvoir facile, mais aujourd'hui on peut demander à ceux qui y sont, si c'est commode. On ne peut pas être au pouvoir, c'est sûr — et le ministre le sait particulièrement et ceux qui aspirent à l'être comme son voisin de droite — sans tomber entre les mains de certains fanatiques. Cela est une expérience vécue, ayant été au pouvoir, ayant été dans l'Opposition, ayant retourné au pouvoir, et là on aspire nous aussi à aller au pouvoir. Mais en tous les cas, il y a une chose qui est sûre, c'est qu'il y a des hommes publics qui n'ont que ce qu'ils méritent. Bien entendu que les autres sont sans parti, mais, quand je regarde un peu le catéchisme de ce parti au pouvoir qui s'appelle Programme de l'action politique, les statuts et les règlements, je les confronte aujourd'hui avec le projet de loi.

Mon Dieu, qu'il y a une différence entre les pensées que vous avez écrites et mises de l'avant en théorie pour prendre le pouvoir! Aujourd'hui que vous y êtes, vous n'avez pas l'air de vous occuper de ce que vous avez prêché. C'est pour cela que j'ai dit tout à l'heure qu'on prêche la vertu et que souvent on pratique le vice. Lisons ce qui est contenu à la page 7, pour le plus grand plaisir du ministre et de ceux qui l'entourent. "L'administration publique et le service de la fonction publique"— ce n'est pas moi qui ai écrit cela — c'est épouvantable, M. le ministre, de ne pas respecter ce que vous avez étayé pour prendre le pouvoir, pour défaire un autre parti et tromper les gens. A vos oeuvres, à votre application, on découvre la pensée, les agissements futurs. C'est là qu'on retrouve, dans le projet de loi 53, votre dictature, votre ambition, comme le disait le député de Jean-Talon, de devenir un tsar. Vous qui avez condamné d'une manière spéciale l'attitude de mon chef, M. Duplessis, eux aussi, quand ils ont affiché la grande pancarte de M. Duplessis, avec le projet de loi 53, sur la statue, ils n'avaient pas raison de faire cela. On a payé pour l'obscurantisme de M. Duplessis, c'est clair. Mais on a eu un M. Sauvé, par exemple, qui est venu ensuite et vous ne l'avez pas dit, M. Sauvé qui, quelques jours après avoir été nommé premier ministre, a été le véritable père moderne de la fonction publique. Il a fait demander M. Laforce devant le Conseil des ministres, il lui a donné un ordre particulier d'avoir à changer les conditions de travail et surtout les salaires. M. Laforce a répondu, c'est de notoriété publique: "Ecoutez, M. le premier ministre, c'est une affaire qui va durer six mois". Il a dit: "Ce n'est pas six mois, c'est six jours". M. Laforce a employé toute l'équipe qu'il fallait et, six jours après, toute la fonction publique avait des nouvelles fort intéressantes. Vous ne l'avez pas dit, ça! Vous vous êtes servis de la statue de M. Duplessis pour faire une grande pancarte. On ne déshonore pas un homme comme M. Duplessis, qui a tant fait pour sa province, simplement dans un but peut-être louable, mais qui est sûrement méprisable dans la façon de procéder.

Je reviens donc au projet de loi 53, mais particulièrement au livre du PQ. "En conséquence, le gouvernement du Parti québécois s'engage à réformer et à humaniser l'administration publique en appliquant des principes visant à assurer que: "A) La nomination de tous les fonctionnaires, y compris ceux appelés aux fonctions administratives les plus élevées, se fonde sur un critère unique, celui de la compétence reconnue par des concours publics tenus sous l'autorité de la fonction publique". On va voir tout à l'heure si c'est vrai, dans le projet de loi. "B) Toute personne occupant ou postulant un poste dans l'administration publique dans son sens le plus large fournisse à la Commission de la fonction publique..." — pas au ministre, ni à un comité provisoire — "... un bilan de ses intérêts financiers personnels". Pas de critique sur cela, c'est de l'éthique publique. "C) Les cadres supérieurs et les cadres moyens de la fonction publique soient associés à l'élaboration de toutes les politiques et de toutes les lois qui concernent la fonction publique. Que les employés de l'Etat aient accès au perfection-

nement—plan de carrière — selon leur centre d'intérêt ou leur responsabilité, grâce à des concours ou à des stages d'étude".

Allons voir dans la loi et comparez avec ce que vous dites. Là, par exemple, on trouve quelque chose d'édifiant. A l'article 45, je le lis, Mme le Président, pour l'édification du ministre. "L'office est chargé de procéder, conformément à la présente loi, à l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique. L'Office, à cette fin, a adopté des règlements concernant le recrutement et la sélection des candidats;" — l'office — "b) procède, conformément à la présente loi, au recrutement et à la sélection des candidats à la fonction publique, déclare leur aptitude et procède à leur nomination; c) exerce les autres fonctions qui lui sont dévolues par la présente loi. L'office peut, par règlement, prévoir la délégation à tout sous-ministre" — une minute —"à tout sous-ministre ou dirigeant d'organisme des responsabilités qui lui incombent en vertu du paragraphe b) du deuxième alinéa de même que le retrait de cette délégation". Il peut la donner et il peut la retirer. "Il peut, en déléguant ses responsabilités, indiquer la catégorie de fonctionnaires à qui le sous-ministre ou dirigeant d'organisme peut à son tour sous-déléguer..." Imaginez-vous, c'est diacre, sous-diacre. C'est fantastique le pouvoir laissé entre les mains de certains individus qui sont peut-être, de notoriété publique, très compétents, mais le ministre, au lieu de diriger la fonction publique, la laisse diriger par d'autres et délègue ses pouvoirs. Vous allez me dire que c'est un pouvoir qui existe, mais pas aussi vertement écrit comme dans la loi que nous avons devant nous. "... peut à son tour sous-déléguer en tout ou en partie, les responsabilités qui lui ont été ainsi déléguées".

M. le Président, c'est, je pense, des pouvoirs dictatoriaux. Le ministre a dit que la promotion au mérite, clause de rétrogradation, sera comprise, mais jamais le pouvoir est dictatorial parce que la fonction publique ne pourra plus, d'après la loi et l'article 45... Ce sont des éléments de base, le ministre délègue au sous-ministre ou à toute autre personne en autorité, ne recrute plus le personnel. La fonction publique ne s'occupera plus de ça, ne la sélectionnera plus, ne procédera plus à sa nomination. Avant, on avait des avis publics, on avait les concours, on avait une liste d'admissibilité. Exemple, sur dix candidats admissibles, il y en avait un qu'on choisissait. La fonction publique, pas le ministre ni un sous-ministre. Les neuf autres restaient prioritaires...

M. de Belleval: Juste pour vous corriger, à travers les listes d'admissibilité, c'est le ministre qui nommait n'importe qui dans la liste des dix personnes, et non pas la commission.

M. Bellemare: Le ministre, donc, s'arroge tous les pouvoirs.

M. de Belleval: C'est le ministre qui avait ces pouvoirs dans l'ancienne loi; justement, avec la nouvelle loi, ce ne sera plus permis. Les nominations devront se faire selon l'ordre de compétence déterminé par un organisme indépendant qui s'appelle l'Office de recrutement. C'est très différent, justement, par rapport à la situation actuelle où, justement, c'est le règne de l'arbitraire qui est la règle.

M. Bellemare: Ce n'est pas exact, parce qu'il y a ici — si c'est vrai ce que le ministre di — un éditorial publié le 22 août 1977 et qui est un éditorial du poste CJRP et qui dit ceci: "Après neuf mois de pouvoir, le gouvernement n'a pas encore terminé...

M. de Belleval: Cela va faire plaisir aux syndiqués qui sont ici que vous lisiez ça.

M. Bellemare: Oui? Ah bien, on va montrer...

M. de Belleval: CJRP est un de leurs postes favoris.

M. Bellemare: Tant mieux.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: CJRP a dit la vérité. Et les syndiqués, quand bien même vous voudriez essayer de me truquer... Mme le Président, je demande qu'il cesse de m'interrompre; je n'ai pas dit un seul mot pendant qu'il a eu la parole et je pense que, s'il y avait quelque chose de particulier, il pourrait soulever une question de règlement.

Le Président (Mme Cuerrier): C'est déjà fait, M. le député de Johnson.

M. Bellemare: S'il vous plaît. Il essaie de me brouiller, mais il ne me brouillera jamais. Il est comme un aveugle qui essaie d'en guider un autre. "Après neuf mois de pouvoir, le gouvernement n'a pas encore terminé ses changements et le climat qu'il crée ralentit le travail de la plupart de ses employés qui ne savent pas du tout ce qui leur pend au bout du nez", hein! "Aujourd'hui, ils occupent tel poste, alors, demain, sous le tsar de Belleval, ils ne seront peut-être plus là." M. le tsar, mes respects.

La semaine dernière, dans le Soleil, Claude Masson avance aussi l'hypothèse que la nomination des amis, des petits amis du régime, peut être une cause de la présente situation. Eux que nous avons entendus dénoncer le patronage et dire que c'était extraordinaire, ce que faisaient les gouvernements précédents, ils nomment des amis politiques à des postes stratégiques. L'éditorial cite les noms: M. Jean Keable. Il a changé son nom depuis la loi 101, il s'appelle maintenant "M. Kèble". Il est le commissaire-enquêteur dans l'affaire de l'Agence de presse libre à Montréal, candidat pé-quiste. Regardez-moi donc cela! C'est une belle récompense. M. André Desgagné, président de

l'Office des professions, candidat péquiste de Dubuc en 1973. Qui l'a nommé? M. Jacques Boulay, membre de la Régie de la langue française, candidat péquiste en 1973 contre mon honorable ami de Jean-Talon. Robert Nelson, péquiste reconnu, ami personnel de Claude Charron, président de la Régie des installations olympiques. Yves Michaud, le célèbre député, qu'on a si bien connu, qui avait même fait une dissidence avec son Parti libéral en pleine Chambre, qui avait été délogé d'un poste que lui avait donné le Parti libéral, délégué du Québec auprès des organisations internationales, candidat péquiste en 1973. François Dagenais, sous-ministre adjoint à l'Agriculture, directeur général du journal PQ... Mon temps n'est pas limité. Pourquoi?

Le Président (Mme Cuerrier): C'est qu'en vertu de l'article 160, habituellement, on utilise 20 minutes pour parler.

M. Bellemare: Mme le Président, en commission parlementaire, les parties ont le droit de donner leur opinion. Je la donne. Il n'y a rien dans le règlement qui s'oppose à cela.

Le Président (Mme Cuerrier): Alors, vos remarques préliminaires, allez-y!

M. Bellemare: Merci. Je comprends que cela peut peut-être paraître odieux, cette longue liste, pour vous, Mme le Président, qui ne faites pas cela, le patronage éhonté qu'on a reproché à tous les autres. Je vous félicite particulièrement, parce que vous avez le sens des responsabilités et particulièrement de votre mandat. Et les autres: François Dagenais, directeur du Jour. Jean-Marc Béliveau, président de la Commission du salaire minimum, ami personnel d'un grand ministre, l'honorable ministre de la Justice, Marc-André Bédard. Pierre Bourgault, une des premières nominations publiques, membre du conseil d'administration du Musée des beaux-arts de Montréal, indépendantiste et plus que PQ reconnu. Marie-Renée Séguin, Pierre Légaré, Pierre Carignan, nommés à la commission scolaire de l'île de Montréal comme représentants du gouvernement, sympathisants fort reconnus du PQ. La liste continue. Je ne voudrais pas, Mme le Président, vous importuner avec tous les autres détails, mais des dizaines et des dizaines ont été installés dans les bureaux du gouvernement. J'en connais plusieurs, que j'ai vus autour de ces tables, qui sont rendus où aujourd'hui?

Je comprends que le gouvernement va me répondre: On s'entoure d'amis sincères, d'amis fiables. On a plus confiance en eux qu'en d'autres. La fonction publique, qu'est-ce qu'on en fait si véritablement la fonction publique doit être un régulateur pour empêcher les nominations, tel que cela s'est fait en 1960, quand on a mis dehors tous les gens de la Voirie? On les a couverts par une loi en 1965 pour empêcher l'autre gouvernement qui est venu après en 1966, le nôtre, celui de M. Daniel Johnson, de changer qui que ce soit, particulière- ment en ce qui concerne les travaux de ia Voirie dans le temps.

Je pense qu'en politique, surtout au pouvoir, on reçoit des tas de compliments de nos amis. C'est plutôt pour parvenir à de meilleures relations et peut-être nous faire ouvrir davantage nos tiroirs. Si les hommes étaient aussi sérieux et aussi sincères qu'ils le disent après une élection, il n'y aurait plus qu'un seul parti politique; il n'y en n'aurait pas plusieurs.

Mme le Président, si c'était de l'obscurantisme dans le temps de M. Duplessis, c'est aujourd'hui de l'absolutisme. Entre les deux, on peut dire ce que Nabuchodonosor s'était fait expliquer: Mane, thecel, phares. Tu as été pesé, trouvé trop léger, tes jours sont comptés.

Mme le Président, il y a plusieurs points de vue dans la loi qui mériteraient sûrement... Je suis de l'avis de ceux qui préconisent cette commission parlementaire de la fonction publique afin d'entendre ceux qui ont protesté avec véhémence. Je ne pense pas que ce soit tous des insensés; et même en politique, on peut passer pour un comédien, parce qu'on dit la vérité d'une manière un peu crue.

Quand j'ai vu M. Harguindeguy dire que ses syndicats ne paraîtront pas à la commission de la fonction publique, j'en étais scandalisé. J'ai pris la peine de lire tous les mémoires. Je me suis rendu compte qu'avec raison, cet homme de bien, cet homme qui a voué sa vie à la cause des travailleurs — j'ai eu l'occasion de le rencontrer à la Commission des accidents du travail comme président lorsque votre syndicat avait beurré, taché et sali les murs avec des posters, cela a coûté une fortune à la commission pour rétablir l'ordre — M. Harguindeguy avait dit qu'il ne serait pas ici pour protester contre le bill 53. Avec raison, il va nous le dire par les mémoires que nous allons entendre. Mais, il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que ce matin ces gens y sont. Je vous en félicite.

M. Duplessis disait: Ce n'est pas en dehors de la Chambre, même si on n'aime pas cela, qu'on va défendre notre point de vue. C'est en étant présent, par un apostolat de la présence qu'on va rendre justice à ceux qui nous ont délégués, à ceux qui nous ont mandatés.

Ce matin, je vous félicite, M. Harguindeguy, d'avoir bien eu l'obligeance de revenir sur votre décision et d'être ici présent. Ce n'est pas en dehors du parlement que vous allez être capable de faire des améliorations à la Loi de la fonction publique. C'est ici, devant les représentants du gouvernement et du ministre, que vous allez pouvoir dire les vérités. N'ayez pas peur de dire la vérité vraie. Celle qui fait mal, peut-être, mais il est temps de parler. Ce n'est pas dans des assemblées syndicalistes que vous allez nous prouver que vous avez raison. C'est ici, devant l'Opposition et les membres du gouvernement. C'est ici que vous allez nous dire ce que vous allez faire de plus pour donner plus de rendement dans le travail que font les employés.

J'ai vu. dans bien des éditoriaux que, dans la

fonction publique, on pouvait prendre cela plutôt aisé. Je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai été ministre du Travail. J'ai eu des rencontres assez fréquentes avec les syndicats. La religion du travail est à se détériorer au point où le rendement fait que sur les marchés publics on le ressent, non seulement à la fonction publique, mais dans tous les secteurs du travail. La religion du travail, celle qui est la responsabilité de donner à un patron la pleine mesure de ce qu'il a besoin, ce pourquoi il est engagé; aujourd'hui, on s'en fout comme de l'an quarante, pourvu qu'on touche une augmentation de salaire ou certains droits marginaux qu'on veut obtenir à la fin d'une convention.

La religion du travail, aujourd'hui, dans toutes les sphères, qu'elles soient politique, sociale, industrielle ou commerciale, n'est plus ce qu'elle a été. Vous allez me dire que je suis un vieux rado-teux, un vieux qui passe son temps à faire des rengaines, non. Je sais qu'aujourd'hui, dans une heure de travail, il y a certainement dix à quinze minutes qui sont perdues par des colloques, des gens qui se rendent dans un bureau ou un coin de l'usine pour discuter de toutes sortes de choses à part de ce qui ne les regarde pas.

Messieurs, prêchez cette doctrine du travail! Je pense que le travail est une noblesse qui enri chit sûrement celui qui sait en profiter aujourd'hui, quelqu'il soit. La CSN a été reconnue par le Code du travail, c'est dans la Loi de la fonction publique, comme le seul syndicat capable de représenter les fonctionnaires. Je l'ai dit dans le temps, je l'ai répété, les autres, la FTQ ou d'autres associations que la CSD ne peuvent pas; la CSD pourrait parce que c'est une organisation québécoise, la FTQ ne peut pas parce qu'elle n'est pas foncièrement québécoise. Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec est reconnu comme représentant tous les employés de la fonction publique qui sont salariés, selon le code tel qu'amendé, sauf les salariés enseignants — on l'a dit tout à l'heure — et d'autres.

Mais dans le Code du travail, c'est l'article 69 qui vous a donné le privilège d'être le seul représentant, et, dans le temps, je me suis employé à le dire publiquement et à noter cette discrimination qu'on faisait à l'endroit des autres syndicats qui auraient voulu représenter les fonctionnaires de la fonction publique. Mais à ce compte, mes chers amis, soyez raisonnables, prêchez l'esprit de travail à tous vos membres. Nous sommes là pour vous aider à réparer certaines injustices qui sont commises, tel que nous l'avons décrit, à l'article 119 et à l'article 45. Nous voulons véritablement donner une impression nouvelle, mais il va falloir qu'en 1977 les syndicalistes soient plus en faveur de la religion du travail qu'ils ne l'ont jamais été.

Il y a une dégradation dans tous les services, et c'est ce qui produit peut-être aujourd'hui des critiques arrières contre le système. Selon le système que veut établir le ministre — le député de Jean-Talon l'a certainement bien décrit — il deviendra le tsar; il pourra même se servir de ses privilèges, de ses droits que lui donnera la loi pour refuser des droits acquis. Oui, on verra cela dans la loi tout à l'heure, on va entendre cela des mémoires aussi, le pouvoir discrétionnaire d'agir au nom de son parti et de faire de la discrimination. Cela sera enveloppé dans des ritournelles de commissions parlementaires ou bien de comités de gestion, mais le ministre, que je connais d'une manière assez particulière, pourra peut-être laisser jouer son tempérament qui est assez impulsif aussi et qui a beaucoup d'attachement, mes chers amis, pour ce beau programme du PQ et, là, cela deviendra arbitraire.

Et dans un an, M. le ministre, je vous le répéterai parce qu'il y aura des amendements à votre loi, c'est sûr, à la suite du rapport Martin. C'est pour cela que je pense qu'il est absolument nécessaire, comme le disaient d'autres, de ne pas adopter cette loi avant d'avoir le résultat de l'enquête qui se poursuit à la commission Martin.

Motion irrecevable

C'est pourquoi, M. le Président, j'ai l'honneur de faire la proposition suivante: Je propose que le projet de loi 53 ne soit pas adopté avant le dépôt du rapport de la commission Martin.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous aviez une réplique à faire avant que nous puissions continuer les travaux de cette commission.

M. Bellemare: Madame, je pense qu'on doit parler d'abord sur ma motion. Je ne voudrais pas, madame, vous être désagréable, mais c'est une motion qui est faite en vertu de notre règlement selon lequel, mutantis mutandis, la loi peut être discutable. Hormis que le gouvernement veuille l'accepter immédiatement. Ce serait pour le mieux.

Le Président (Mme Cuerrier): Je pense que le ministre devait intervenir maintenant, au niveau des remarques préliminaires par rapport au projet de loi.

M. Bellemare: Non, je regrette, madame. Je soulève un point de règlement.

Le Président (Mme Cuerrier): Je ne suis pas en train de rendre une décision, M. le député de Johnson. Je demande simplement à cette commission si elle préfère entendre la réponse du ministre sur les remarques préliminaires, en supposant que la réponse est peut-être déjà prête, M. le député de Johnson. C'est la commission qui me dit maintenant si elle désire entendre le ministre ou voir si cette motion est recevable à ce moment-ci.

M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Mme le Président, je n'ai pas entendu l'intervention sur la recevabilité encore. A mon sens, cette motion est recevable et je crois que nous devrions la débattre maintenant, avant

qu'il y ait des interventions sur l'ensemble des propos qui ont été tenus par les représentants de l'Opposition. Je dois dire, Mme le Président, que je souscris volontiers à cette motion, d'autant plus qu'elle s'intègre parfaitement au sens des propos que j'ai tenus. Si le député de Johnson me le permettait, j'irais même un peu plus loin et je dirais que, au sujet de ce projet de loi, au lieu de mettre le mot "adopté", on devrait dire "étudié", parce que je ne voudrais pas qu'avec le sens de cette motion, le gouvernement nous amène en Chambre à l'étude en deuxième lecture, nous amène également à l'étude article par article en commission parlementaire du projet de loi 53 et que, finalement, il ne garde, en s'appuyant sur cette motion, que l'adoption en troisième lecture, ce qui priverait non seulement les Oppositions de faire connaître leur point de vue sur les recommandations du rapport, mais priverait également tous les représentants des syndicats d'employés du secteur public de venir également se faire entendre avant que la loi 53 ne soit adoptée sur ces propositions et également sur les amendements qui pourraient éventuellement être apportés à la loi 53 suite à ces recommandations du rapport Martin.

Je ne sais pas si le député de Johnson accepterait que sa motion soit modifiée. Au lieu d'employer le mot "adopté", que ce soit "étudié" en deuxième lecture, avant que le rapport Martin soit déposé.

M. Bellemare: Mme le Président, si vous voulez me donner la parole.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je n'aurais pas d'objection à changer le mot "adopté" par le mot "étudié ". D'ailleurs, dans "adopté", il y a le mot "étudié" aussi, c'est sûr et certain, l'un comprend l'autre. Regardez dans les dictionnaires au mot "adopter" et c'est d'étudier tout ce qui a lieu sur une question. C'est ça, le mot "adopté". C'est pour cela qu'on a mis "adopté".

M. Garneau: En dernière lecture?

M. Bellemare: En deuxième lecture.

M. Garneau: Si vous mettiez "deuxième lecture", je serais totalement avec vous, parce qu'on pourrait dire: C'est quoi, le mot "adopté"? Si c'est en troisième lecture ou si c'est en deuxième lecture, à ce moment...

M. Bellemare: En deuxième lecture, parce que le mot "étudié" n'est pas assez fort pour moi, parce que le mot "adopté" par le Parlement — arrête un peu — avant la commission Martin, je pense que cela lui donne force de loi.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, voulez-vous rédiger...

M. Bellemare: Non, simplement au bout de la motion, avant la deuxième lecture.

Le Président (Mme Cuerrier): Cela se lirait: "Que le projet de loi 53 ne soit pas adopté en deuxième lecture, avant le dépôt du rapport de la commission Martin".

M. Bellemare: Parfait, madame. Si vous me permettez, madame, juste une intervention sur ma motion, parce qu'en vertu de notre règlement, il est bien entendu que les motions ont priorité sur le débat qui doit se poursuivre après l'adoption ou le rejet de la motion.

Je n'ai pas besoin de vous citer cela à vous, Mme le Président; vous êtes au courant du règlement. Mais ceux qui auraient des doutes pourraient facilement référer à notre règlement qui dit que, si une motion, est acceptée pour discussion, après qu'elle est acceptée ou rejetée, on peut revenir, comme en Chambre, à la discussion principale, c'est-à-dire au débat qui avait cours avant.

Le Président (Mme Cuerrier): Je désire vous faire remarquer, M. le député de Johnson, que le mandat de cette commission est d'entendre les mémoires et que l'Assemblée nationale siégera à partir de la semaine prochaine. Vous pourrez faire cette proposition à l'Assemblée.

M. Bellemare: Non, madame, je refuse de me plier à cette directive qui, soit dit en passant, est bien respectueuse, mais c'est à ce moment-ci qu'on doit véritablement voter la motion ou la rejeter. La semaine prochaine j'aurai d'autres motions à présenter, mais celle-là est au début de nos séances: Que le projet de loi ne soit pas adopté en deuxième lecture avant le rapport Martin. Ce qui peut arriver, Mme le Président, c'est qu'il y ait comme un jeu de cache-cache. On avait dit dans le programme électoral qu'on soumettrait aux cadres et aux principaux officiers de la fonction publique, dans leur intérêt, tout projet de loi et, à un moment donné, le projet de loi 53 est arrivé presque subitement. Il peut arriver exactement la même chose en Chambre, à partir de la session qui ouvre mardi.

M. Chevrette: Mme le Président, sur la recevabilité de la motion.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je pense que le député de Johnson apporte une proposition qui change carrément le mandat qui fait qu'on siège ici. L'ordre de la Chambre est d'écouter les mémoires relatifs au dépôt du projet de loi 53. Le député de Johnson vient de faire une motion pour fixer une date hypothétique quant à l'adoption du projet lui-même, en deuxième lecture, pouvoir qui revient uniquement à la Chambre. C'est à la Chambre de décider de l'opportunité du temps de l'adoption d'un projet de loi. Si la proposition du député de Johnson était, par exemple, d'entendre des mé-

moires d'une façon sporadique et de demander au leader du gouvernement de retarder un peu l'audition des mémoires, encore là, cela revient au leader de la Chambre de dire quand la commission siège. Il fait une proposition à l'Assemblée et on dit: On siège cet après-midi, à trois heures, après la période de questions. C'est une motion de la Chambre, mais ce que vous faites présentement, c'est décider pour et au nom de l'Assemblée nationale du moment bien précis de l'adoption d'un projet de loi. A partir de là, je pense qu'il n'y a même pas de débat; la présidence devrait se déclarer suffisamment informée et rendre son jugement dans les plus brefs délais pour qu'on puisse se conformer au mandat pour lequel on siège ici, à savoir écouter les mémoires.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député, vous me mettez les paroles dans la bouche. De toute façon, je ne crois pas, M. le député de Johnson, que vous vouliez aller à l'encontre d'une décision, ou de ce qui m'apparaissait être, à ce moment, une décision. Je me suis peut-être mal exprimée, mais ce que je voulais dire, c'est que le mandat de la commission est vraiment d'entendre les mémoires aujourd'hui et qu'il ne faut pas intervenir dans les travaux de l'Assemblée comme telle. Vous pourriez apporter votre motion dans le sens d'un voeu pieux qu'on pourrait ajouter au rapport de la commission, à la fin des travaux. Alors, cette motion n'est pas recevable.

M. Brochu: Mme le Président, je m'excuse, sur la question de recevabilité, sur le point qui...

Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demande pardon, M. le député; j'ai déjà dit que la motion n'est pas recevable. J'appellerai donc...

M. Brochu: Vous avez dit que la motion n'était pas recevable! Un instant.

M. Bellemare: Madame, si elle n'est pas recevable, votre décision peut être contestée en vertu de notre règlement. C'est mutatis mutandis.

Le Président (Mme Cuerrier): Alors, c'est que vous décidez de contester cette décision maintenant.

M. Brochu: Voici, Mme le Président, j'avais laissé le député de Joliette intervenir, comme c'est son droit d'ailleurs, en faisant valoir les arguments qu'il a fait valoir et j'avais l'intention de relever certains de ses propos. Il y en a que je juge fort à propos et d'autres qui peuvent être contestables et avant que...

M. Chevrette: Question de règlement, Mme le Président. Le député de Richmond en appelle-t-il de votre décision ou veut-il répondre à mon argumentation?

M. Brochu: Un instant!

M. Chevrette: S'il veut répondre à mon argu- mentation, il doit en appeler de votre décision, puisque votre décision est rendue. On va faire respecter le règlement ou on ne le fera pas respecter.

M. Brochu: Ecoutez! Etes-vous seuls à la commission parlementaire? Est-ce qu'il n'y a que le député de Joliette-Montcalm et la présidence ou si on peut s'entendre?

M. Bellemare: Vous lirez l'article 65.

M. Chevrette: On a le droit d'en appeler au règlement et vous le savez, M. le député de Richmond.

M. Brochu: Vous avez pris la décision au bout de la table, comme ça, entre vous deux.

M. Chevrette: Non. J'ai argumenté et Mme le Président a rendu sa décision.

M. Brochu: Et on vous a poliment laissé terminer.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. Brochu: ...espérant avoir la possibilité de faire valoir d'autres arguments dans la discussion, ce qui est normal démocratiquement.

Le Président (Mme Cuerrier): J'ai déjà dit que cette motion n'est pas recevable, M. le député de Richmond. M. le ministre, votre réponse aux remarques préliminaires.

M. Bellemare: Madame, je demande le vote sur votre décision.

Le Président (Mme Cuerrier): Voilà, nous pouvons prendre le vote. Est-ce que cette commission veut en appeler de ma décision sur la recevabilité de cette motion?

M. Bellemare: Oui, certainement, j'en appelle de votre décision.

Le Président (Mme Cuerrier): Vous tenez toujours à en appeler de ma décision, M. le député de Johnson?

M. Bellemare: Oui, madame. Avec tout le respect que j'ai pour vous et le règlement. Parce que je ne sais pas si vous avez lu le règlement, mais en tout cas...

Le Président (Mme Cuerrier): Avez-vous remarqué, M. le député de Johnson, que j'ai justifié cette décision en disant que la motion que vous présentez maintenant ne participe pas du mandat de la commission comme telle et je préside cette commission.

M. Bellemare: Mais, madame, en vertu de l'article 70 — il faudrait que vous le lisiez — La motion d'amendement doit se rapporter directement au

sujet de la motion proposée ne peut avoir que les sujets suivants: retrancher ou ajouter des mots et les remplacer par d'autres.

Je dis que dans l'amendement aux articles 60 et 70, c'est conforme.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député, nous allons lire ensemble l'article 70, comme vous dites. "Un amendement doit se rapporter directement au sujet de...

M. Bellemare: C'est la fonction publique.

Le Président (Mme Cuerrier): ...de la motion proposée..."

M. Bellemare: Oui.

Le Président (Mme Cuerrier): Bon. Il n'y a pas de motion proposée comme telle maintenant. C'est un amendement...

M. Bellemare: La commission siège comme en Chambre, avec tous les pouvoirs qu'ont les députés mutadis mutandis. C'est vrai.

Le Président (Mme Cuerrier): Si c'est comme cela, M. le député, je devrai vous dire qu'il y a un règlement...

M. Bellemare: Continuez donc à lire l'article 70.

Le Président (Mme Cuerrier): Qu'il y a aussi...

M. Bellemare: "II est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement". Voyons donc!

Le Président (Mme Cuerrier): "II est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale...

M. Bellemare: Au contraire. On ne veut pas l'écarter.

Le Président (Mme Cuerrier):... sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement".

Je vous dis que le mandat de la commission n'est pas de décider pour i'Assemblée nationale du moment où elle adoptera un projet de loi. Je vous ferai remarquer qu'il y a aussi l'article 43 du règlement qui dit: "Le président se prononce sur les questions de règlement au moment où il le juge à propos..."

M. Bellemare: D'accord avec cela.

M. Chevrette: Je voudrais d'abord, pour que le débat continue sur le point que vous soulevez, lire le deuxième paragraphe aussi de l'article 43. "Lorsque le président rend sa décision... "

M. Bellemare: Oui, mais finissez donc l'article 43; "et il peut demander des directives".

M. Chevrette: Je vais exposer mon point de vue, vous pourrez...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Joliette-Montcalm. Je pense que la décision est maintenant rendue. Je vous ai lu une partie de l'article 43, mais je vous lirai aussi l'article 43.2: "Lorsque le président rend sa décision, il indique ce qui la justifie et il n'est pas permis de la critiquer ni de revenir sur la question décidée; il en est de même lorsque le président décide de laisser l'Assemblée se prononcer sur une question ".

Alors, j'ai décidé maintenant, et je vous demanderais de vous en tenir à ma décision, M. le député.

M. Bellemare: Madame, j'en ai appelé de votre décision par un vote.

M. de Belleval: En vertu de quel article?

Le Président (Mme Cuerrier): Précisez-moi que! article...

M. Chevrette: En vertu de quel article pouvez-vous en appeler d'une décision par un vote?

M. Bellemare: La décision du président de la commission...

Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demanderais de préciser l'article. Je ne vois pas de question d'appel maintenant.

M. Bellemare: Madame, vous n'avez pas le droit de refuser à un élu du peuple le droit de vote. C'est clair! C'est de la dictature! Vous voyez, messieurs, comment agit le gouvernement avec l'Opposition.

M. Chevrette: On a des règlements.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Imaginez ce qui va arriver avec vous autres.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: II y a anguille sous roche, madame.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, il y a un règlement de cette Assemblée, et je sais que vous êtes toujours très respectueux du règlement. Je vous dis maintenant que j'ai rendu la décision. Vous pourriez toujours en appeler, amener un vote de blâme ou ce que vous voulez. Mais, à ce moment-ci, j'ai déjà rendu ma déci-

sion et je vous demanderais de vous en tenir à la décision, en vertu de l'article 43 de notre règlement. Je donne maintenant la parole à M. le ministre pour son intervention en réponse aux remarques préliminaires sur ce projet de loi no 53.

M. de Belleval: Mme le Président, de façon à ne pas retarder...

M. Bellemare: Je soulève un point de règlement.

Le Président (Mme Cuerrier): Sur la question de règlement, le député de Johnson.

M. Bellemare: Madame, en vertu de notre règlement, je pense qu'il est inopportun pour le ministre de prendre la parole présentement puisqu'on est devant les membres des syndicats des fonctionnaires et de tous les autres qui doivent fournir des documents ce matin. Je pense qu'il n'y a rien dans notre règlement qui permet un droit de réplique, rien, en commission parlementaire, qui permet un droit de réplique. C'est l'opinion que chaque parti a donnée. Pas parce qu'on a peur, non, pas de vous non plus, jamais. Je pense qu'il est temps qu'on montre les dents devant toutes vos intolérances et particulièrement à votre dictature.

Non, non, non, non, non, il y a anguille sous roche. On vous le dit et on vous le répète, comme on vous l'a dit et on vous l'a répété pour bien des choses, dans des éditoriaux que j'ai lus et que j'ai devant moi. Vous persistez à faire du gouvernement une espèce de refuge pour vos amis politiques. La question primordiale pour laquelle nous sommes ici ce matin, c'est pour entendre des mémoires, après l'avis qu'a donné chaque parti.

M. Jolivet: Une autre enquête Salvas.

M. Bellemare: II faudrait peut-être faire une enquête Salvas; il n'y a pas si longtemps il y a eu les hydravions de l'hydro-Québec. Vous verriez autre chose que l'enquête Salvas. Je me réserve le pouvoir de vous le dire. Vous allez voir qu'une enquête Salvas, ce sont des minounes à côté de ça; c'est votre gouvernement qui a permis ça.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le député.

M. Bellemare: Vous allez voir que c'est fini les petits becs en cachette.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson...

M. Chevrette: Ne vous fatiguez pas.

Le Président (Mme Cuerrier): ... je vous rappelle à l'ordre pour la deuxième fois.

Une Voix: Restez calme...

M. Garneau: Mme le Président, vous avez...

Le Président (Mme Cuerrier): Sur la question de règlement, M. le député?

M. Garneau: ... rendu une décision que je respecte mais, en rendant votre décision, vous avez mentionné que la commission ne pouvait pas donner un ordre à l'Assemblée nationale, et c'est là-dessus que vous vous êtes appuyée pour déclarer irrecevable...

Le Président (Mme Cuerrier): C'est le mandat comme tel de la commission.

M. Garneau: ... la motion du député de Johnson. En vertu de nos règlements, on ne peut pas en appeler de votre décision par un vote, comme vous l'avez mentionné. J'aimerais, me conformant à votre décision, faire la motion suivante: "Que la commission est d'avis que le projet de loi 53 ne devrait pas être adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin, constituée par l'arrêté en conseil no 2412 du 27 juillet 1977, n'ait déposé son rapport". En formulant la motion de cette façon, je crois que nous nous conformerions à l'avis que vous nous avez donné que la commission peut émettre un voeu, peut exprimer son avis, et que cette motion, si elle est adoptée, par la commission, fasse partie intégrante du rapport que la commission soumettra à l'Assemblée nationale. J'en fais une motion, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): Je lis cette motion: "Que la commission est d'avis que le projet de loi no 53 ne devrait pas être adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin, instituée par l'arrêté en conseil no 2412 du 27 juillet 1977, n'ait déposé son rapport". Je vous ferai remarquer, M. le député, que c'est moi qui vous ai entendu, mais je ne croyais pas que vous arriviez avec une motion, mais avec une intervention sur la question de règlement, et j'avais déjà donné la parole à M. le ministre.

Alors, voulez-vous retenir cette motion?

M. Garneau: Je n'ai pas d'objection à retenir cette motion, pour autant que vous ayez rendu votre décision sur le point de règlement soulevé par le député de Johnson.

Le Président (Mme Cuerrier): Je vous dis que nous allons simplement retarder votre intervention. J'ai déjà donné la parole à M. le ministre.

M. de Belleval: Mme le Président, très rapidement, pour ne pas retarder les travaux de...

M. Brochu: Mme le Président, sur la même question de règlement, je m'excuse, vous avez bien indiqué tout à l'heure, dans la décision que vous avez rendue, que si la motion avait été formulée autrement, c'est implicitement ce qui était contenu là-dedans, et c'est ce qui est fait maintenant; donc, en vertu des dispositions mêmes de notre règlement, je pense que la commission est prête et disposée à se prononcer immédiatement pour qu'ensuite on passe, selon l'ordre prévu,

l'ordre logique, à la suite de nos travaux. Je pense que ce serait une façon peut-être moins acceptable de procéder que de donner immédiatement la parole au ministre dans un droit de réplique...

M. Bellemare: Il n'en a pas le droit.

M. Brochu: ... qui est d'abord douteux au point de départ, qu'on pourrait même contester, alors qu'on a une motion que vous avez jugée re-cevable dans vos derniers propos, qui est devant les membres de cette assemblée et sur laquelle nous sommes prêts et disposés maintenant à nous prononcer. Mme le Président, je vous demande, s'il vous plaît, de faire respecter le règlement dont vous êtes la gardienne.

Le Président (Mme Cuerrier): Nous allons devoir relire le journal des Débats. La question de règlement à ce moment était à l'effet de revenir sur la décision du président. Je croyais que M. le député de Jean-Talon voulait simplement faire une remarque sur la question de règlement à ce propos. Je vous ferai remarquer que j'avais déjà donné la parole à M. le ministre. J'ai simplement demandé au député de retarder son intervention de quelques secondes.

M. Brochu: Pour préciser, Mme le Président, pour bien se comprendre aussi, le député de Jean-Talon à ce moment, ne faisait pas simplement une remarque, mais il donnait suite à l'ensemble de nos propos et colligeait !a proposition d'une façon différente, dans le même sens qu'elle avait été présentée par le député de Johnson. Je pense que le sujet restait en discussion. C'était plus qu'une remarque de la part du député de Jean-Talon, je crois.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député. Sur la question de règlement.

M. Chevrette: Oui, Mme le Président, comment voulez-vous permettre à un député de faire une motion au moment où c'est l'autre qui a la parole? La moindre décence, c'est de laisser son droit de parole et d'attendre son tour pour faire une proposition. Ce n'est pas une proposition privilégiée que fait le député de Jean-Talon. Il aurait proposé cela à son tour, mais, vu les circonstances d'un appel au règlement, le ministre, qui avait la parole, s'est trouvé à se faire couper.

Le Président (Mme Cuerrier): Je dois vous rappeler à l'ordre, M. le député de Joliette-Montcalm. De toute façon, j'avais déjà donné la parole à M. le ministre.

M. Chevrette: C'est de l'enfantillage.

M. Brochu: Mme le Président, c'est exactement le sens de ce que le député de Joliette-Montcalm vient de dire.

Le Président (Mme Cuerrier): J'ai déjà donné la parole à M. le ministre.

M. Brochu: La motion a été présentée par le député de Johnson, présentée différemment par le député de Jean-Talon et nous sommes prêts à en discuter, et c'est là la politesse de demander...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Richmond, je vous rappelle à l'ordre. J'ai déjà demandé à M. le ministre de reprendre le droit de parole que je lui avais déjà accordé. Je n'accepterai pas que vous reveniez sur cette intervention avant que M. le député de Jean-Talon ne revienne. M. le ministre.

M. Bellemare: Sur quel article vous basez-vous pour prendre votre décision, pour donner le droit de parole au ministre, en commission parlementaire? Cette compétence...

M. Brochu: Est-on venu tantôt vous indiquer de la faire, à l'oreille?

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre. Il se fait habituellement...

M. Chevrette: II a 65 ans!

Le Président (Mme Cuerrier): Les interventions en commission parlementaire, habituellement, se font dans le sens de remarques préliminaires du ministre, ensuite des représentants des oppositions, et le ministre, souvent, en commission parlementaire, répond très rapidement, fait quelques remarques aux interventions sur les questions préliminaires. Je lui ai donné la parole en vertu des précédents qui sont créés depuis très longtemps. M. le ministre.

Réplique du M. le ministre

M. de Belleval: Merci, Mme le Président. Très rapidement, pour ne pas retarder le déroulement normal des travaux de la commission, car notre tâche est d'écouter les gens qui se sont déplacés ce matin, je voudrais revenir simplement sur un aspect des remarques qui ont été formulées par l'Opposition et nous reviendrons aux autres aspects au cours de la commission, de toute façon, au cours des audiences.

Sur cette fameuse question de la concordance des travaux entre la commission Martin et les travaux de cette commission, très rapidement, pour rappeler les faits, le projet de loi et la commission Martin ont été portés à la connaissance du public il y a maintenant plusieurs semaines et même quelques mois.

Lorsque le projet de loi a été déposé, les représentants des associations des employés ont eux-mêmes demandé la convocation d'une commission. J'ai accédé immédiatement à cette suggestion, croyant qu'effectivement c'était la meilleure façon de procéder dans les circonstances.

C'est donc à la demande même de plusieurs intervenants que, très spontanément, nous avons convoqué cette commission. A ce moment, les travaux de la commission Martin étaient connus et

son mandat était déposé et public. D'ailleurs, pendant toutes les semaines qui ont suivi, les associations et les particuliers ont procédé à la rédaction de leur mémoire.

Ce n'est qu'il y a quelques jours à peine que, pour des raisons qui m'apparaissent purement tactiques, on a soulevé la question de la concordance entre la commission Martin et le dépôt du projet de loi no 53. Ce retard excessif dans la présentation de cette objection me la rend suspecte et la rendra aussi suspecte à l'ensemble de la population.

Il s'agit donc maintenant d'étudier dans le meilleur climat possible des questions qui, dans leur ensemble, ne relèvent pas de la commission Martin ou qui y touchent de façon très marginale. Je voudrais simplement rappeler qu'en vertu du projet de loi déposé, toutes les sections de l'ancienne Loi de la fonction publique qui touchent au régime syndical et au régime des négociations sont soustraites du projet de loi déposé. En particulier, les articles 117 et 118 du projet de loi déposé prévoient que la présente Loi de la fonction publique, c'est-à-dire le projet de loi no 53, remplace la Loi de la fonction publique à l'exception du paragraphe 7 de l'article 1 et des articles 52a et 69 à 75, c'est-à-dire que toutes les sections de l'ancienne loi qui touchent justement au régime syndical sont exclues du projet de loi. Nous l'avons justement fait exprès, étant conscients, justement, que la commission Martin siégeait et qu'il ne fallait pas qu'au moment où on étudie le projet de loi sur la fonction publique, on statue en même temps sur toutes les questions qui touchent aux conditions générales du service et au régime d'accréditation et de négociation collective dans la fonction publique.

Cependant, malgré ces précautions, il reste que, marginalement, par la bande, on peut toucher au régime des négociations collectives. De ce point de vue, je l'admettrai volontiers. Le but du projet de loi est de ne restreindre d'aucune façon l'aire des négociations actuelles, ni de modifier d'aucune façon les conventions collectives en vigueur.

Si, sous certains aspects, malgré cette intention, des accrocs étaient apportés à ce principe, il va sans dire que je considérerai avec attention ces objections et que nous en tiendrons compte.

J'ai indiqué, il y a quelques minutes, que, de toute façon, même si les zones grises entre les deux aspects, entre les deux travaux m'apparais-saient minimes, il reste qu'il est quand même important qu'on tienne compte de tous les points de vue. De ce point de vue, donc, nous procéderons avec toute la lenteur souhaitable à l'étude du projet de loi, nous entretiendrons le débat, nous aurons des points de vue qui seront exposés durant les prochains mois et l'aboutissement des travaux de !a commission Martin et des travaux que nous entreprenons aujourd'hui coïncideront. L'engagement du ministre, de ce point de vue, qui est public et enregistré, ne peut être plus clair. Il n'est pas besoin de mesures ou de motions dilatoires qui retardent aujourd'hui nos travaux pour procé- der maintenant à l'audition des mémoires tel que prévu.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon, je vous avais dit que je vous accordais la parole après l'intervention du ministre.

M. Garneau: Mme le Président, je suis bien content que vous ayez décidé de donner la parole au ministre avant que je fasse ma motion parce que l'intervention du ministre rend ma motion encore plus évidente et plus nécessaire.

M. Bellemare: C'est la motion amendée du député de Johnson.

M. Garneau: C'est cela. M. Bellemare: ...

M. Garneau: Ce ne sera pas un amendement, étant donné que...

M. Bellemare: On ne va pas se chicaner, mais...

M. Garneau: Je ne veux pas me chicaner, mais, comme la motion a été...

M. Beliemare: C'est lui qui a eu l'idée...

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le député de Johnson. C'est M. le député de Jean-Talon qui a la parole. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Belleval: On peut se retirer.

M. Garneau: On ne se chicanera pas sur la paternité, mais le fait que le ministre de la Fonction publique ait eu le droit de parler avant que je puisse réintroduire cette motion me rend encore plus convaincu de la nécessité de la faire.

Tout d'abord, il y a une différence entre les discours et les textes de loi. Nous en avons eu un certain échantillon à propos de la loi 101 et nous voyons aujourd'hui encore ce même processus où les discours ne concordent pas avec les textes législatifs. Le ministre vient de nous dire que le texte du projet de loi 53 ne touche pas, dans le fond, au mandat de la commission Martin ou seulement par la bande. Je voudrais bien savoir ce qu'est la bande, quand on nous dit, par exemple, à l'article b) du mandat, que la commission Martin a à étudier le contenu de l'aire de négociations et les règles régissant l'amorce et le déroulement des négociations. Le contenu de l'aire des négociations, l'article 119 le touche directement et je me demande comment on pourrait l'étudier avant d'avoir eu ces recommandations.

De plus, le ministre nous dit que le projet de loi 53 touche uniquement par la bande certaines des questions qui sont actuellement négociées dans le cadre des conventions. Je voudrais attirer son attention sur l'article 68 où, je crois, une sentence arbitrale a été rendue par un tribunal

concernant les occasionnels. Dans la loi 53, on réintroduit l'article 68, donnant au ministre le pouvoir de soustraire à l'application d'une sentence arbitrale une partie importante des travailleurs de la fonction publique.

Motion pour que le projet de loi no 53

ne soit pas adopté en deuxième lecture

avant que la commission Martin

n'ait déposé son rapport

Je soumets donc, Mme le Président, que c'est le devoir de cette commission de donner un avis à l'Assemblée nationale; c'est pour cela que nous sommes ici, pour entendre les mémoires et faire rapport. Je fais motion que cette commission est d'avis que le projet de loi 53 ne devrait pas être adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin, constituée par l'arrêté en conseil 2412 du 27 juillet 1977, n'ait déposé son rapport.

M. Bellemare: Mme le Président, en parlant de la motion que vous avez acceptée...

Le Président (Mme Cuerrier): Un instant, M. le député de Johnson; je vais simplement faire une remarque. J'ai dit tantôt que nous avions comme mandat, aujourd'hui, d'entendre les rapports et c'est à l'ordre du jour de cette commission. Habituellement, les motions qui sont reçues au début des travaux d'une commission sont faites afin d'organiser les travaux comme tels, par exemple, pour décider du temps qui sera alloué à chacun des rapports ou au droit de parole des députés, ou à des choses du même genre, c'est-à-dire, donc, à l'organisation des travaux de l'Assemblée. Je pense quand même que cette motion, vu qu'elle pourrait exprimer un voeu de la commission, est recevable. Je crois quand même qu'il faut retarder la discussion sur cette motion parce que le mandat qui nous lie aujourd'hui est d'entendre les mémoires. Nous conserverons cette motion pour la ramener à une étape ultérieure au cours des travaux de cette commission.

M. Garneau: Mme le Président, vous avez déclaré ma motion recevable et je ne vois pas, dans notre règlement, de raison qui empêche la commission de se prononcer maintenant là-dessus. La présenter à ce moment-ci a un avantage, c'est qu'au fur et à mesure que nous entendrons les mémoires, si cette motion était adoptée par la commission, nos témoins sauraient qu'il s'agit là d'une étude préliminaire d'un projet de loi préliminaire. Si le désir du gouvernement n'est pas de faire siéger à nouveau la commission, au moins ils sauront qu'ils peuvent dès maintenant se présenter devant la commission Martin non pas comme des cobayes qui vont juste parader pour la frime. Ils sauront également que des décisions finales ne seront pas prises avant que ce rapport soit présenté. Je crois qu'en procédant de cette façon nous faciliterions grandement l'étude des rapports en laissant savoir dès maintenant à nos témoins qu'ils pourront éventuellement se faire entendre soit à l'intérieur d'une commission ou, au moins, par des prises de position publiques. En effet, il ne sera pas trop tard pour pouvoir porter un jugement sur les recommandations Martin en sachant dès maintenant que la commission fera rapport à l'Assemblée nationale et exprimera l'avis que cette loi ne soit pas adoptée en deuxième lecture avant le dépôt du rapport Martin. Je crois que cela changerait complètement le climat de nos travaux et que cela permettrait une discussion plus franche.

Aussi, nos témoins sauraient exactement dans quelle situation ils se placent, dans quelle situation ils sont et également quelles seront les possibilités qu'ils auront, à l'avenir, de se faire entendre sur ce même sujet. C'est pourquoi, je prétends que nous devrions nous prononcer dès maintenant. Si le gouvernement et ses représentants à cette table sont d'accord avec cette motion, le débat ne devrait pas prendre plus que le temps de dire "adopté".

S'ils ne sont pas d'accord, qu'ils le disent donc maintenant, de telle sorte que nos témoins sauront à quoi s'en tenir.

M. Bellemare: Mme le Président...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: ... l'article 163 de notre règlement dit: "A moins de dispositions contraires, les règles relatives à l'Assemblée s'appliquent aux commissions".

Si je vérifie mon livre: "La motion est un acte de procédure par lequel un député propose de faire une chose, d'ordonner l'accomplissement d'une chose, d'exprimer une opinion sur un sujet".

Le Président (Mme Cuerrier): Le numéro de l'article, M. le député de Johsnon.

M. Bellemare: Le no 54. 55, madame: "Une fois adoptée — la motion du député de Jean-Talon, comme vous l'avez adoptée — une motion devient un ordre ou une résolution de l'Assemblée..." ou de la commission, puisque je viens de vous lire l'article 163, c'est mutatis mutandis.

On a certainement le droit, madame, de l'étudier immédiatement ou de la rejeter si on n'est pas satisfait, mais pour montrer dans quel chemin on s'enlise. La commission entendra sûrement tous les mémoires. C'est sûr. Mais pourquoi ne pas accepter tout de suite la motion que j'ai présentée — ou celle qui est amendée un peu différemment, mais qui veut que ce soit un voeu pieux — voulant que le bill 53 ne soit pas adopté en deuxième lecture sans avoir eu, au moins, le privilège de lire et d'entendre le résultat de l'enquête menée par la commission Martin?

Ce n'est pas plus malin que cela, madame, il n'y a pas... pourquoi avoir peur de la vérité? Pourquoi aller se cacher derrière les règlements? Pourquoi être obligé de faire ce débat qui me semble inutile, une perte de temps épouvantable quand on a devant soi des gens qui vont peut-être

dire non. Ils ont la majorité. On verra véritablement où se dirige le gouvernement. Si le gouvernement veut dire oui, l'honorable ministre de la Fonction publique peut nous dire: Oui, monsieur, la loi ne sera pas acceptée en deuxième lecture avant que le rapport Martin ne soit déposé. Quelle différence y a-t-il? On ne veut que cela. Ce n'est pas pour embêter le gouvernement. C'est pour que véritablement la commission qu'ils ont nommée en juillet puisse faire un rapport qui nous épate, qui nous renseigne. Ce n'est que cela. Le ministre dira: Oui ou non. C'est tout. On le saura où on va.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Joliette-Montcalm, sur l'opportunité de votre intervention d'étudier tout de suite cette motion, ou bien si vous la considérez... c'est-à-dire que, comme je disais tantôt, j'ai dit tantôt que je croyais que nous pouvions étudier des motions préliminaires à l'organisation des travaux, mais M. le député de Joliette-Montcalm entend intervenir de la même façon que les deux autres députés sur l'opportunité de discuter maintenant de la motion. J'avais dit qu'elle était recevable.

M. Chevrette: Je déplore, Mme le Président, qu'on ait à faire ce débat de procédure. Il n'en demeure pas moins que vous avez, dans un premier temps, rendu une décision tantôt à savoir qu'on ne pouvait pas modifier le mandat de la Chambre. Dans votre argumentation, vous avez ouvert une porte en présentant un voeu. Le voeu qui est présenté, sous forme de résolution non adoptée, contrairement à ce qu'a dit le député de Johnson, parce que si vous maintenez qu'elle est recevable, il faudrait la débattre avant de l'adopter. Donc, ce n'est pas une motion adoptée en vertu de l'article 53.

En vertu de l'article 43, vous avez rendu une décision tantôt qui m'apparaît très explicite et, à partir de ce fait, je pense que tout voeu qui voudrait orienter les débats de la Chambre, parce que c'est la Chambre qui a donné ordre de venir ici écouter les mémoires des groupes, tout voeu, dis-je, qui voudrait faire comprendre à l'Assemblée nationale qu'il serait préférable de retarder l'adoption en deuxième lecture ou en troisième lecture, comme vous voudrez, devrait venir, je pense, au niveau du rapport de la commission; mais, après avoir répondu au mandat premier pour lequel on est ici, à savoir, écouter les mémoires que les gens ont à nous présenter. A partir de ce fait, la porte que j'aimerais vous ouvrir aussi à mon tour, c'est que compte tenu que vous avez rendu une décision ferme dans le premier cas, je préférerais grandement que la présidence prenne en délibéré la motion du député de Jean-Talon et qu'elle dise, à la fin de ce débat, que nous faisons présentement...

Je considère qu'elle pourra être recevable à la fin de l'audition des mémoires parce que c'est un rapport qu'on a à présenter à l'Assemblée nationale, qui, elle, jugera, parce que c'est l'Assemblée nationale qui va juger, au bout de la course, si oui ou non on attend. Il y a quand même un engagement politique de la part du ministre, qui a été formel là-dessus. Je me demande vraiment si ce n'est pas retarder l'audition des mémoires que l'on recherche.

M. Bellemare: C'est vous autres qui la retardez.

M. Chevrette: Je m'excuse, vous avez parlé et je ne vous ai pas interrompu, M. le député de Johnson. S'il y en a qui ont peur, moi, je ne suis pas heureux. Je peux donc vous dire, Mme le Président, que personnellement, par rapport à la première décision que vous avez rendue, si vous acceptiez une telle chose actuellement, on interférerait dans le mandat de l'Assemblée nationale. Je pense que ce serait très prudent, de la part de la présidence, de prendre cette motion en délibéré.

M. Garneau: Sur un point de règlement, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): Sur un point de règlement, M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Oui, parce que je dois reconnaître que vous avez rendu une décision. Vous avez rendu la décision que la motion que j'ai présentée était acceptable et vous vous êtes interrogée sur le moment où elle pourrait être débattue. Je soumets, Mme le Président, que l'intervention du député de Joliette n'est pas dans l'ordre puisque vous avez déjà rendu la décision qu'elle était acceptable; donc, on ne peut plus... Comme nous nous sommes soumis, tout à l'heure, à votre décision concernant la formulation de la première motion du député de Johnson, je crois qu'au moins la partie gouvernementale devrait également respecter votre décision, autant que l'Opposition l'a fait.

Ce que je soumets maintenant sur ce point de règlement, c'est que rien ne nous empêche de l'étudier maintenant. Il n'y a aucune procédure. Si une commission parlementaire qui a pour objet d'entendre des mémoires sur un projet de loi n'a pas la possibilité d'exprimer un voeu dans son rapport, je me demande au juste ce qu'on vient faire ici. On pourrait le souligner — je n'ai pas les procès-verbaux devant moi — à combien de commissions parlementaires des motions semblables ont-elles été présentées, acceptées et discutées. Si les débats retardent à ce moment, ce n'est pas parce que l'Opposition veut faire de la procédure. Vous avez accepté la motion; que le gouvernement nous dise donc si oui ou non il l'accepte, le problème va finir là. Vous avez la majorité, on sait que vous n'avez pas raison, mais vous avez la majorité; de toute façon c'est aussi bien de régler maintenant. Que le ministre nous le dise. S'il est prêt à faire une déclaration, il doit être également prêt à accepter la formalisation d'une telle déclaration, et c'est le sens de ma motion. Nous ne donnons pas d'ordre à l'Assemblée nationale, nous exprimons un voeu. D'ailleurs, quand nous présentons cette motion avec cette formulation

que la commission est d'avis, c'est fort différent d'une motion qui pourrait être présentée à l'occasion d'un discours en deuxième lecture parce qu'à ce moment la motion prend la formulation d'un ordre et non pas d'un avis. On dit que cette motion en discussion ne soit pas étudiée maintenant, alors que maintenant la motion est formulée sur une base d'avis. C'est pourquoi je crois qu'elle devrait — vous l'avez déjà acceptée et je vous en remercie — être débattue et mise aux voix maintenant. Quant à moi je serais même prêt à procéder au vote tout de suite, si les gens du gouvernement ne veulent pas intervenir; au moins on saurait de quel côté ils logent par l'expression de leur vote.

M. Bellemare: Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Exactement comme l'ont fait les deux honorables députés avant moi, je voudrais dire qu'en vertu de l'article 56 ce n'est pas une motion principale, ce n'est pas une motion secondaire ou une motion incidente ou dilatoire, mais c'est une motion de forme. Je pense, Mme le Président, qu'on aurait mauvaise grâce, de la part d'un gouvernement qui se dit bien intentionné... Les syndicats ont fait un mouvement qui semble donner plus de renfort, puisqu'ils sont ici ce matin pour déposer leur mémoire, mais nous craignons énormément que ce soit une loi truffée, qu'elle soit même d'un intérêt particulier pour exercer certains privilèges que la Chambre n'aurait pas le pouvoir de refuser parce que nous n'avons pas la majorité. Nous avertissons le gouvernement, Mme le Président, que, malgré les décisions que vous avez rendues, nous allons être très rigides sur l'acceptation du projet de loi 53 avant que le rapport Martin soit déposé.

On sait combien il y a eu de commissions qui ont siégé concernant différents sujets et qui ont pris des mois et des mois, même des années, avant de faire leur rapport. Je crois qu'il est dans l'intérêt public, particulièrement dans ce cas-ci, où il est question de la vie et de la mort de la discrimination qu'on peut exercer contre certaines personnes, incognito, peut-être inaperçu, enrobé de toutes sortes de mélanges pour dire que c'est de bonne foi, qu'un tel, en tout cas...

La loi est vertement critiquée dans les milieux où l'on atteint particulièrement les fonctionnaires, les employés du gouvernement. Elle est très sévèrement critiquée par tous les syndicats.

M. Gendron: Mme le Président, question de règlement.

Le Président (Mme Cuerrier): Sur une question de règlement, M. le député.

M. Gendron: Je voudrais simplement que vous demandiez au député de Johnson sur quoi il parle. A ma connaissance, nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale, pour parler des principes de la loi. Il est en train de faire une discussion de fond sur les critiques qui sont amenées au niveau de la loi et je ne pense pas que nous soyons en train de discuter là-dessus. La question de règlement est de savoir si on discute immédiatement ou pas la question soulevée par le député de Jean-Talon, à savoir si on accepte sa motion. C'est là-dessus que la discussion porte en ce moment et je ne vois pas pourquoi vous permettez que la discussion se fasse sur le fond de la question.

M. Brochu: Sur la question de règlement, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Richmond, le député de Johnson n'avait pas terminé son intervention. Je vous demande pardon.

M. Brochu: Excusez-moi, Mme le Président...

M. Bellemare: II a le droit de soulever une question de règlement en réponse...

M. Brochu: J'ai le droit de soulever une question de règlement en réponse au député d'Abitibi. Je lui reconnais le droit d'intervenir à ce moment-ci, cependant le député de Johnson, en vertu de notre règlement, a quand même la latitude voulue pour choisir les arguments qu'il décide de choisir en vue d'étayer l'appui qu'il donne à la motion dont il est d'ailleurs le parrain. Je pense qu'à ce stade-ci, ce serait...

Le Président (Mme Cuerrier): J'avais déjà donné la parole au député de Johnson. M. le député de Johnson, je sais que vous connaissez suffisamment votre règlement...

M. Bellemare: Si, Mme le Président, vous...

Le Président (Mme Cuerrier): ... pour intervenir.

M. Bellemare: Madame, si vous vouliez en convenir, ce serait très simple d'empêcher de se répandre dans le public une mauvaise rumeur, celle que le ministre veut essayer de passer ce projet de loi en vitesse, en catimini. La session commence mardi, et je ne serais pas surpris, mon cher monsieur, que ce projet de loi vienne dans les premières semaines de la session et qu'on n'ait pas le rapport Martin. Le rapport Martin peut apporter beaucoup de changements, des directives nouvelles, et c'est ce que nous requérons ce matin. Nous demandons simplement au gouvernement un engagement un peu particulier, celui de ne pas voter le projet de loi 53 à la vapeur, d'attendre d'être parfaitement renseigné sur les conclusions que nous donnera l'enquête qu'il a lui-même demandée. Cette enquête peut prendre des années à venir. Ce n'est que cela que nous voulons ce matin, pas autre chose. Si le gouvernement n'est pas prêt à dire non, s'il est prêt à dire oui, ce sera très simple.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, je vous demanderais de vous en tenir à votre intervention sur ce qu'on discute maintenant, mais je vous demanderais de ne pas discuter sur le fond de la motion comme telle.

M. Bellemare: Ecoutez, Mme le Président. Cessons d'être étroits...

Le Président (Mme Cuerrier): De toute façon, je pense que votre intervention est injustifiée.

M. Bellemare: ... on est des législateurs et on est devant des gens qui vont nous juger, vous comme moi. Il est un temps dans la politique où le Parlement a des droits. Les députés élus sont ici pour parler et pour donner leur opinion, n'en déplaise à votre présidence. Cessez d'être étroite et d'être pour nous des personnes qui nous empêchent de dire la vérité.

Le Président (Mme Cuerrier): Je vous demanderais, M. le député de Johnson...

M. Bellemare: La sévérité, c'est bon à l'école, mais pas ici. On n'est pas à l'école, on est dans un parlement.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, je suis ici pour faire respecter le règlement et je vous demanderais de respecter ce que je représente ici aujourd'hui.

M. Bellemare: Entre la lettre qui tue et l'esprit qui vivifie...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: ... il y a tout une différence. Vous en êtes la différence.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! Nous sommes tenus aujourd'hui à un ordre du jour. J'ai déclaré cette motion recevable, puisqu'elle exprime un voeu vis-à-vis de l'Assemblée nationale. Nous allons épuiser aujourd'hui l'ordre du jour, et nous discuterons ensuite de la motion, parce qu'elle n'est pas une motion préliminaire pour l'organisation des travaux, et nous sommes déjà tenus par un ordre du jour qui a été proposé tantôt à cette commission. J'appellerais maintenant...

M. Garneau: Mme le Président, je regrette... M. Brochu: Mme le Président, je regrette... Le Président (Mme Cuerrier): J'ai déjà...

M. Garneau: Non, par exemple, il y a toujours des limites. On n'a pas encore abordé l'ordre du jour de la commission, on en était uniquement au rapport préliminaire. J'ai fait une motion. L'article 65 dit que le président doit mettre en délibération toute motion. Je pense qu'elle est en délibéra- tion. Je ne vois pas sur quoi vous pouvez vous appuyer pour dire qu'on n'a pas le droit de faire une motion et de la débattre aujourd'hui. Que le gouvernement nous dise donc s'il est d'accord ou non et vous allez sortir de cette impasse dans laquelle on vous place.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Je demande le vote sur cette question-là.

M. Bellemare: Le vote.

M. Garneau: II y a toujours des limites. Je demande le vote sur cette question.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon, je vous ai dit que le mandat de cette commission est d'entendre les intervenants sur les mémoires qui sont proposés aujourd'hui. Je vous ai dit aussi que la motion que vous présentez n'est pas une motion préliminaire pour l'organisation des travaux. Je vous dis maintenant que j'invite M. Jean-Marc Bergeron, président...

M. Garneau: Je regrette, Mme le Président, ce n'est pas... C'est justement que ça fait partie de l'organisation de nos travaux. Les gens vont venir témoigner devant nous, ils vont nous poser la question: Est-ce que vous allez procéder à l'étude, en deuxième lecture, de ce projet de loi avant le dépôt du rapport Martin? Qu'est-ce que le ministre va répondre? Vous dites que ce n'est pas dans l'organisation de nos travaux; ça fait partie, je pense, de la première étape de nos travaux, à savoir jusqu'où va porter l'étude de ce projet de loi en regard d'une autre commission formée par le même gouvernement pour étudier l'aire de négociations. Je soutiens que c'est justement dans le cadre de l'organisation de nos travaux.

M. Bellemare: Article 67.

M. Gameau: Evidemment, si le ministre de la Fonction publique vous souffle les réponses à côté, il y a toujours une limite.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: II y a toujours une limite de se faire charrier comme ça.

M. Chevrette: Au moins, respectez la présidence.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon...

M. Bellemare: Vous avez peur de ça, vous autres, la dictature.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre!

M. Bellemare: Vous l'avez, la manifestation!

Le Président (Mme Cuerrier): A Tordre, messieurs! J'allais dire au député de Jean-Talon que, justement, sa dernière intervention présume, à mon sens, du fait que l'Assemblée nationale décidera de recevoir votre motion non pas comme un voeu — en tout cas, votre intervention me faisait penser à ça — qu'elle recevrait cette motion non pas comme un voeu, mais comme un ordre. Je vous ferai remarquer que les commissions parlementaires n'ont pas d'ordre à donner à la Chambre, mais des voeux à émettre et ce que je vous dis maintenant, c'est que nous devons recevoir les mémoires et je vous dis que nous entendrons... Il n'y a rien dans le règlement qui dise qu'on doive entendre une motion comme celle-ci, maintenant ou plus tard, mais il y a un ordre du jour...

M. Brochu: Je m'excuse, Mme le Président; en vertu de l'article 67 de notre règlement, la mise en délibération des motions, l'Assemblée doit disposer de toute motion régulière. Maintenant que celle-ci est en discussion, sauf les exceptions prévues au règlement... Donc, à ce moment-ci, nous sommes justifiés de disposer tout simplement de la motion. Cela réglerait la question et on pourrait passer aux travaux.

M. Chevrette: Mme le Président, je voudrais intervenir. Mme le Président, je voudrais intervenir. Mme le Président, question...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Voici, l'article du règlement dit qu'on doit mettre une proposition en discussion, mais elle ne dit pas quand, elle ne dit pas immédiatement. Il y a un précédent créé au niveau de la commission parlementaire sur la loi 101 qui a été clairement établi où le vice-président actuel de la Chambre, M. Jean-Guy Cardinal, a bien dit qu'il acceptait la recevabilité, mais que l'opportunité de la discuter viendrait à un moment bien précis. C'est le privilège de la présidence. Je pense qu'il faudrait au moins respecter la présidence, si on veut que les débats soient cohérents.

Deuxièmement, j'ai entendu de la bouche même du député de Johnson, que le droit sacré de l'Assemblée nationale de se prononcer en tout temps... C'est là le lieu sacré pour se prononcer et, aujourd'hui, on veut se prononcer par-dessus la tête de ceux qui sont élus, les 110.

M. Bellemare: J'aimerais bien en...

M. Brochu: C'est un voeu, c'est un voeu, ce n'est pas une directive à l'Assemblée nationale. Un instant, pour charrier, il y a des limites.

M. Bellemare: ... quelque chose dans la loi. On va l'adopter en catimini.

M. Brochu: II y a quelque chose de pas clair.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais au député de Joliette-Montcalm de ne pas discuter du fond de la question comme tel. J'allais dire que nous sommes tenus par l'ordre du jour et je vous ai dit tantôt que la motion de M. le député de Jean-Talon, je la considère comme recevable et que nous l'étudie-rons quand nous aurons épuisé aujourd'hui l'ordre du jour de cette commission. J'invite donc...

M. Brochu: Mme le Président, une directive...

Le Président (Mme Cuerrier): ... M. Jean-Marc...

M. Brochu: ... une directive, Mme le Président...

Le Président (Mme Cuerrier): ... M. le député de Richmond...

M. Brochu: Mme le Président, j'ai le droit de vous demander une directive, vous êtes la présidente désignée de la commission.

Le Président (Mme Cuerrier): Si c'est une directive que vous demandez, allez-y, mais ma décision est déjà rendue, M. le député de Richmond. Allez-y, demandez-moi votre directive.

M. Brochu: Mme le Président, une motion a été déposée par le député de Jean-Talon. Vous avez permis un début de discussion ou d'opinion sur le bien-fondé de disposer immédiatement de cette question. Trois députés, à ma connaissance, se sont prononcés en partie sur cette même question et. par la suite, une foule de questions de règlement sont intervenues. J'avais manifesté, à ce moment, mon désir et mon intention de parler également sur le besoin de disposer immédiatement de cette motion.

Mme le Président, je vous demande donc à se stade-ci la directive suivante: Est-ce qu'il n'est pas de votre devoir, en tant que gardienne de la bonne marche de nos travaux, que l'on puisse terminer immédiatement ce tour de table pour permettre aux autres opinants qui en ont manifesté l'intention d'indiquer ce qu'ils pensent du besoin de disposer immédiatement de cette question?

Le Président (Mme Cuerrier): Vous avez terminé?

M. Brochu: Oui.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Richmond, vous connaissez les règlements de l'Assemblée nationale et vous savez qu'on peut intervenir sur une question de règlement, mais qu'à n'importe quel moment le président de l'Assemblée peut vous dire qu'il est suffisamment informé pour rendre une décision. J'ai dit que cette motion sera discutée après que nous en aurons terminé avec l'ordre du jour d'aujourd'hui. J'ai dit aussi que j'invite M. Jean-Marc Bergeron, président du

Syndicat des cadres du gouvernement du Québec et porte-parole de cet organisme, à venir présenter son mémoire.

M. Bellemare: Le gouvernement a peur.

M. Brochu: Ce qui est inquiétant dans tout cela, Mme le Président, c'est qu'on crée des précédents à tout bout de champ. On se base sur des petits précédents...

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs! A l'ordre, M. le député de Richmond! A l'ordre, M. le député!

M. Brochu: ... pour réorganiser d'autres commissions parlementaires. Si c'est la façon d'administrer, alors on sait où on s'en va.

M. Bellemare: Ce qui est antiparlementaire, c'est de ne pas vouloir respecter les députés. Vous êtes en train de nous bâillonner.

M. Dussault: Cela fait une demi-heure que vous faites de l'antiparlementarisme.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le député de Johnson. M. Jean-Marc Bergeron.

Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc.

M. Bergeron (Jean-Marc): Mme le Président, M. le ministre de la Fonction publique et MM. membres de la commission parlementaire, le gouvernement du Québec a déposé, le 26 juillet dernier, un projet de loi portant le no 53 qui devrait amener une refonte complète de la loi actuelle de la fonction publique. Le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc., qui représente le personnel de direction intermédiaire et de premier niveau, s'est intéressé à ce projet de loi et désire aujourd'hui vous présenter ses commentaires et ses recommandations.

Avant d'aborder le projet de loi lui-même et les recommandations que nous désirons formuler, nous tenons à vous faire un bref historique de l'avènement du SCGO. Le syndicalisme dans la fonction publique est apparu grâce à la participation d'individus qui, au moment de l'obtention de l'accréditation du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, se sont vus exclus de cette unité de négociation ou bien parce qu'ils exerçaient des fonctions qui dépassaient le niveau de responsabilités de la majorité des membres du SFPQ et qui se sont retrouvés dans l'unité de négociation du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec ou encore qu'ils exerçaient des fonctions de gérance qui, cette fois, les amenaient à une exclusion de la définition du terme salarié que l'on retrouve dans le Code du travail et qui en faisaient strictement du personnel déclaré non syndicable.

A la suite de ces expériences et devant le nombre grandissant d'employés exclus du terme salarié, ces personnes dans un ultime effort ont décidé de se regrouper dans une association représentant du personnel de gérance qui oeuvrait à l'intérieur de la fonction publique.

En 1971, cette association, incorporée en vertu de la Loi des syndicats professionnels, demanda au ministre des Institutions financières du temps de changer son nom en celui de Le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec Inc. (SCGQ). En septembre de la même année, le ministre de la Fonction publique, par la voie du directeur général des relations du travail, accordait au SCGQ une reconnaissance de bonne foi en indiquant à cet organisme que sa volonté était d'exclure de sa juridiction les cadres supérieurs de la fonction publique, ainsi que leurs adjoints, le tout étant concrétisé le 12 juillet 1972, pour les catégories de personnel représentées par le SCGQ, par l'obtention d'une procédure de règlement de plaintes qui a été approuvée par le CT 65044.

L'action, à partir de cette date, du SCGQ, a été de réclamer des règlements de classification s'adressant strictement aux catégories de personnel de direction qu'il représentait. Au cours des mois suivants et jusqu'en mars 1975, la Commission de la fonction publique a adopté des règlements de classification accordant un statut particulier: 1) au personnel de direction des agents de la paix; 2) au personnel de direction des bureaux d'enregistrement; 3)au personnel de direction des greffes; 4) aux agents de maîtrise du personnel de bureaux, techniciens et assimilés; 5) enfin la Commission de la fonction publique révisait le règlement de classification du personnel de maîtrise des ouvriers.

A ces cinq catégories de personnel de direction et de maîtrise actuellement représentées par le SCGQ, s'ajoutent des professionnels qui exercent des fonctions de gérance à l'intérieur de la fonction publique et sont ainsi de fait exclus de la notion du terme salarié tel que défini par le Code du travail actuellement en vigueur. D'ici quelques semaines, le SCGQ terminera l'étude du contenu d'une reconnaissance légale et exclusive par le Conseil des ministres pour les catégories de personnel déjà citées.

Mme le Président et membres de la commission parlementaire, il nous fait maintenant plaisir de vous formuler, après cet exposé, nos commentaires et nos recommandations sur le contenu de la prochaine loi de la fonction publique qui devrait correspondre à nos besoins. Notre expérience vécue nous a amenés à considérer les aspects positifs que l'on retrouve dans le projet de loi 53 tout en relevant pour le bénéfice des membres de la commission les points qui nous apparaissent comme étant négatifs. De plus, vous constaterez que les articles où on relève de graves imprécisions ou anomalies que nous voulons voir amendées sont les suivants:

Article 1 - Interprétation;

Article 4 - Pratiques interdites;

Article 5 - Prérogatives du ministre de la Fonction publique;

Article 6 - Représentant du gouvernement;

Article 7 - Application des règlements;

Article 17 - Nomination à titre permanent;

Article 25 - Mandat donné à la Commission;

Article 28 - Fonctions et pouvoirs de la Commission;

Article 31 - Pouvoirs de la Commission;

Article 37 - Régime de retraite;

Article 45 - Fonctions et pouvoirs de l'Office;

Article 88 - Rétrogradation;

Article 119 - Avantages sociaux;

Article 120 - Pouvoirs du Conseil du trésor.

Souvent une approche négative attire plus l'attention des auditeurs qu'une approche positive; nous nous en tiendrons quand même à cette dernière: Commentaires et recommandations.

Article 1. A l'article 1, nous considérons qu'il y a erreur dans l'interprétation: à notre avis le paragraphe c) inclut le paragraphe b) car le plus inclut le moins. Au paragraphe d) nous aimerions que le mot "supérieur" soit biffé.

Il existe, dans la fonction publique, comme partout ailleurs, des cadres de différents niveaux alors que dans le projet de loi no 53, on ne parle que des cadres supérieurs. De plus, le Code du travail, sous-paragraphe 1, paragraphe m) de l'article 1, ne fait aucune distinction entre les catégories de personnel de direction en excluant chacune des personnes de cette catégorie, quel que soit son niveau, de la définition du terme "salarié'.

Dans la fonction publique, nous avons des règlements de classification différents pour les cadres de tous les niveaux, soit supérieurs, intermédiaires et de premier niveau. Le paragraphe d) de l'article 1 du projet de loi no 53 ne tient pas compte de cette réalité en ne mentionnant que les cadres supérieurs et en omettant d'inclure les autres catégories de personnel de direction existantes.

Le paragraphe d) de l'article 1 devrait se lire comme suit: d) "fonctionnaires de cadres": un fonctionnaire visé à l'article 59.

Tous les articles du projet de loi no 53 qui font référence au paragraphe d) de l'article 1 devront être modifiés suivant cette nouvelle définition.

Article 4. En vertu de la non-restriction que l'on a donnée au paragraphe d) de l'article 1, les membres de SCGQ ne se sentent pas touchés par l'article 30 conformément à l'énoncé du paragraphe a) de l'article 4 qui devrait se lire comme suit: a) à la détermination du niveau des postes en relation avec la classification, à l'exception des postes de fonctionnaires de cadres.

Article 5. A l'article 5, le SCGQ propose d'ajouter à la suite du paragraphe f) un paragraphe g) qui se lirait comme suit: g) de former un conseil consultatif sous la présidence du sous-ministre composé de la façon suivante: un représentant du SFPQ, du SPGQ, du SCGQ, du SPMGQ, de la FCIAP, du SANGQ, de l'APCDGQ et du SCGPQ. Ce conseil verra à formuler des recommandations au ministre quant aux devoirs décrits aux paragraphes a), b), c), d), e), f) du présent article.

Article 6. En ce qui concerne la Loi de la fonction publique, elle doit réglementer, à notre avis, les droits et les devoirs de tous les employés du gouvernement du Québec, ainsi que des pouvoirs et devoirs de l'employeur; elle ne peut être restrictive dans ses particularités, car elle nous apparaît jusqu'à maintenant vouloir s'adresser strictement aux personnels couverts par le terme "salariés" que l'on retrouve dans le Code du travail, et aux cadres supérieurs.

L'article 6 devrait donc se lire comme suit: "Le ministre est aussi chargé, dans le cadre des mandats qu'il reçoit du Conseil du trésor, de négocier les conventions collectives et les ententes qui en tiendraient lieu avec l'autorisation du gouvernement. Il en surveille l'application et en coordonne l'interprétation."

A l'article 7, nous sommes d'avis que le gouvernement devra faire connaître, avant la sanction du projet de loi 53, le ou les règlements prévus à l'avantage des fonctionnaires actuellement non régis par une convention collective de travail ou une entente qui en tiendrait lieu. En conséquence, cet article devrait se lire comme suit: "a) prévoir au bénéfice des fonctionnaires non régis actuellement par une convention collective de travail ou une entente qui en tiendrait lieu, un appel des décisions rendues sur les matières visées à tel règlement et relativement auxquelles il n'existe pas de recours auprès de la commission."

Article 17. Un mandat de seulement cinq ans pour les membres de la Commission de la fonction publique occasionnerait certainement un manque d'objectivité de leur part. Afin d'éviter cette situation, nous proposons un mandat d'une durée de dix ans. Donc, l'article 17 devrait se lire de cette façon: "Le mandat des membres de la commission est d'au plus dix ans, mais il se continue à l'expiration jusqu'à renouvellement du mandat ou remplacement du membre".

Article 25. Nous nous demandons pourquoi les fonctionnaires et employés de la commission peuvent maintenant être poursuivis en justice dans l'exercice de leurs fonctions alors qu'ils ne peuvent l'être dans la loi actuelle. Donc, l'article 25 devrait se formuler comme suit: "Les membres de la commission, de même que ses fonctionnaires et employés, ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'actes officiels accomplis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions."

Article 26. Nous pensons donc qu'il faudrait reformuler l'article 26 de revenir aux articles 14 et 15 de la loi actuelle qui nous semblent beaucoup plus acceptables, étant donné leur caractère général d'application à l'ensemble du personnel de la commission, et nous vous citons les articles 14 et 15 de la Loi actuelle de la fonction publique.

M. Dussault: Est-ce parce que notre texte est incomplet ou parce qu'on a ajouté des articles par la suite que nous n'avons pas les derniers articles dont il était question?

Le Président (Mme Cuerrier): M. le président.

M. Dussault: Vous avez parlé des articles 7, 17, 25, et même 26, et nous n'avons pas les textes. Est-ce un accident ou quoi?

M. Bergeron: Est-ce que tout le monde est comme cela? Ce serait une erreur de préparation du document.

M. Garneau: C'est vrai, en partie. Sur la copie que j'avais, cela n'y était pas, et le recherchiste m'en donne maintenant une dans laquelle cela se trouve. Je pense qu'il y a eu des photocopies qui ont...

M. Bergeron: II est possible qu'au moment de la...

M. Chevrette: Celui que vous lisez, c'est le mémoire corrigé.

M. Dussault: Sur celui dont je parle est aussi inscrit "mémoire corrigé".

Le Président (Mme Guerrier): Après cette mise au point, ceux qui pourraient vous fournir les copies corrigées vont le faire. M. le président.

M. Bergeron: Merci. A l'article 28, nous considérons que le gouvernement doit faire connaître immédiatement, et ce, avant l'adoption du projet de loi no 53, les formes ou procédures de recours ou d'appel qu'il entend établir par voie de règlement annoncé dans la section II du chapitre III, de même que des explications seront nécessaires pour la bonne compréhension du principe du mérite. De plus, sous réserve que le législateur accepte les modifications que le SCGQ propose au paragraphe d) de l'article 1 et aux articles 4, 6 et 7, les fonctionnaires de cadres recommandent que le paragraphe a) de i'article 28 se lise de façon à maintenir la logique exprimée précédemment. Alors, l'article 28 a) statue sur les recours exercés par les fonctionnaires et fonctionnaires cadres de la fonction publique, tel que défini dans les paragraphes c) et d) de l'article 1 dudit projet de loi.

A la lecture de l'article 31, nous comprenons qu'en vertu de l'énoncé de la dernière phrase, les décisions de la commission ne seront plus dorénavant finales et sans appel. A l'article 37, nous formulons les mêmes recommandations qu'à l'article 17 pour les mêmes motifs, à savoir un mandat de dix ans. A l'article 45, les membres du SCGQ sont d'avis que l'office n'ait pas le pouvoir de déléguer les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du paragraphe b) du deuxième alinéa parce que l'office n'a plus sa raison d'être en déléguant les pouvoirs qui lui sont conférés.

Donc, l'article 45 pourrait se lire comme suit ou pourrait être corrigé de cette façon: "Que l'office ne puisse pas, par règlement, prévoir la délégation à tout sous-ministre ou dirigeant d'organisme des responsabilités qui lui incombent en vertu du paragraphe b) du deuxième alinéa". De même, nous reformulons les énoncés faits aux articles 56 et 59 de façon à rejoindre notre interpré- tation donnée au paragraphe d) de l'article 1: "Le Conseil du trésor détermine également le niveau des postes des fonctionnaires de cadres en relation avec la classification".

Nous disons à l'article 59 que la classification visée à l'article 58 doit identifier les employés des fonctionnaires de cadres. Les personnes nommées et les fonctionnaires promus à ces emplois constituent les cadres de la fonction publique. Nous commentons l'article 61 comme ceci: La commission devra faire connaître la réglementation qu'elle entend établir sur la classification ou d'une modification à la classification. A l'article 65, nous aimerions que la nouvelle loi tienne compte du fait qu'une personne qui passe dans un cabinet de ministre ne doit pas être pénalisée quant aux possibilités d'avancement qu'elle aurait eues si elle était demeurée dans son emploi.

L'article 66 serait plus complet si le paragraphe a) se lisait comme suit: "66a: Qu'il procède à une nouvelle vérification de ses aptitudes tout en tenant compte de l'expérience acquise". Nous attirons votre attention sur l'article 70, parce que nous aimerions faire connaître la position de la commission sur le principe de mérite. Nous aimerions que l'article 75 tienne compte, dans son énoncé, de la recommandation suivante: Tout concours de promotion à une catégorie de personnel de direction devra s'adresser, en premier lieu aux catégories de personnel décrites au paragraphe b) de l'article 1.

Article 76...

M. Gendron: Je m'excuse.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: II me paraît important de savoir si on étudie en commission parlementaire le mémoire que celui que les membres déposent ici. Encore là, pour les articles 65, 70 et 75, nous n'avons rien entre les mains à ce sujet. Ce que nous avons entre les mains, est-ce le mémoire que la commission dépose ou si c'est un autre mémoire qu'elle nous livre?

Je trouve que ce serait important, pour éclairer la commission, de savoir exactement ce qui est déposé par les gens ici. Avec ce que nous avons, nous ne sommes pas en mesure de porter un jugement.

Le Président (Mme Cuerrier): Nous allons arrêter les travaux pour quelques secondes et bien vérifier ce qui est proposé comme mémoire. Il semblerait qu'il y ait...

M. Gendron: II y a beaucoup d'erreurs. Il manque au moins deux pages.

Le Président (Mme Cuerrier): C'est cela. Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes. Je demanderais — étant donné que certains des participants à la commission n'ont pas le texte intégral de votre rapport — à cette commis-

sion si elle préfère suspendre ses travaux jusqu'à ce que tout le monde ait le texte intégral.

Une Voix: A 14 h 30.

Le Président (Mme Cuerrier): Oui, alors, 14 h 30.

M. Garneau: A moins que vous n'acceptiez qu'on adopte la motion dès maintenant...

Le Président (Mme Cuerrier): J'ai dit qu'on libérerait l'ordre du jour avant, M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: C'est à l'ordre du jour.

Le Président (Mme Cuerrier): Nous suspendons les travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 44)

Reprise de la séance à 14 h 42

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

Il semble que chacun ait maintenant en main un document complet. M. le Président, c'est vous qui aviez la parole.

M. Bergeron: Merci, Mme le Président. A la décharge du personnel de l'Assemblée nationale...

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre. Très bien. M. le président.

M. Bergeron: A la décharge de la responsabilité du personnel de l'Assemblée nationale, je voudrais vous avouer que l'erreur qui s'est produite dans la préparation de notre document ne lui est pas imputable, mais est imputable à notre machine. Vous savez que la mécanique a des raisons que la raison ne connaît pas. On s'excuse du contretemps de ce matin.

Mme le Président, ce matin, nous en étions rendus, au moment de l'intervention d'un membre de la commission, à l'article 76. Avec votre autorisation, on reprendrait à l'article 76?

Le Président (Mme Cuerrier): Voilà.

M. Bellemare: Mme le Président, ce matin, on n'avait pas l'article 70. Maintenant, on l'a reçu. A partir de là, j'avais un dossier incomplet.

Le Président (Mme Cuerrier): N'avez-vous pas eu l'occasion de le revoir?

M. Bellemare: Je n'ai pas eu l'occasion de le revoir parce que, ce midi, c'était très court. On n'avait pas, dans le texte renouvelé qu'on nous avait remis la deuxième fois, l'article 70. Il y avait 66, mais 70 n'était pas là. Dans celui qu'on nous a remis il y a quelques instants, l'article 70 y est. C est pour noter certaines choses. Nous attirons votre attention sur l'article 70 parce que nous aimerions connaître votre position sur le principe de "mérite". Voyez-vous, c'est une grosse question.

Le Président (Mme Cuerrier): Après cette mise au point, M. le Président, vous en étiez donc à l'article 76. Cela va, M. le député de Johnson?

M. Bellemare: Cela va, madame.

M. Bergeron: Article 76. Pour les mêmes raisons énoncées en vertu du paragraphe c) de l'article 45, le paragraphe i) devrait se lire comme suit à l'article 76: "Sont nommés par l'office". Pas de délégation.

L'article 83. Le texte de l'article 83 devrait tenir compte des énoncés suivants: Lorsqu'un employé se croit lésé par une décision de l'employeur qui modifie les conditions de travail autres que celles visées par un règlement y référant, cet employé peut formuler une plainte si cette décision n'est fondée sur aucun motif raisonnable dont la preuve incombe à l'employeur. Dans le cas d'af-

fectation qui nécessite un changement de domicile, l'employeur doit donner à l'employé concerné un préavis de déménagement d'au moins trois mois. Cependant, si l'employé a des enfants résidant chez lui qui fréquentent une institution d'enseignement, l'employeur ne doit pas exiger que l'employé déménage durant l'année scolaire, à moins que celui-ci n'y consente.

Article 88. Nous tenons à vous rappeler que les organismes représentant les fonctionnaires de cadres se voient imposer une formule de rétrogradation sans qu'il y ait eu négociation avec lesdits organismes, alors que des groupements représentant des groupes de fonctionnaires salariés au sens du Code du travail auraient reçu des compensations relativement à une perte de droit pour ces employés.

Cette notion de rétrogradation, on ne la retrouvait pas dans l'ancienne loi. Donc, l'inclusion de cette notion est une véritable perte de droit pour les catégories de personnel représentées par le SCGQ et pourra devenir un danger pour la bonne administration du personnel de la fonction publique.

De plus, les pouvoirs de rétrograder, révoquer ou destituer ne doivent pas être donnés à un sous-ministre ou à un dirigeant d'organisme, à cause du caractère particulier de la fonction publique et les expériences déjà vécues avec des individus occupant les fonctions de sous-ministre ou dirigeant d'organisme. On doit plutôt confier cette responsabilité à un ou des organismes dont l'objectivité et l'honnêteté ne pourront être mises en doute.

Nous reformulons l'énoncé de l'article 107 pour continuer dans la logique donnée au paragraphe d) de l'article 1: "En outre, les sous-ministres, les dirigeants d'organisme, les fonctionnaires-cadres ainsi que les autres fonctionnaires lorsqu'ils en sont requis par leur ministre, sous-ministre ou dirigeant d'organisme, prêtent le serment ou font l'affirmation contenue dans l'annexe B." C'est la continuation de l'article 107

Article 119. Nous nous devons de vous interroger, à l'article 119 sur le changement qui a été apporté au paragraphe a), alors que ce paragraphe se lisait comme suit dans l'ancienne loi, "traitement ou rémunération additionnelle". Le remplacement du paragraphe a) de l'ancienne loi par le nouveau texte implique-t-il un désavantage pour le personnel de la fonction publique?

L'article 22 de la Loi de l'administration financière qui est devenu l'article 120 dans ce projet de loi ne tient pas compte des ministères quand il dit: Le Conseil du trésor exerce les pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil en tout ce qui concerne l'approbation des plans d'organisation des organismes ou ministères du gouvernement. Peut-on savoir ce que ce texte implique?

Article 121. Nous comptons que sur l'article 121 la commission parlementaire fasse la lumière. En effet, dans une loi générale, on ne peut faire de particularités en y insérant un règlement spécial, ce qui nous amène à nous demander quelle sorte d'entité administrative sont les Services de protec- tion de l'environnement. Un ministère, une direction générale?

L'article 124, tel que formulé, est imprécis. Nous pensons que les affaires pendantes ne peuvent souffrir de préjudice par le passage de l'ancienne à la nouvelle loi. Le texte que nous proposons commencerait comme suit: "En autant qu'il n'y ait préjudice aux intéressés, les affaires pendantes devant l'ancienne commission sont continuées, etc."

Mme le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, notre plus ardent désir serait d'avoir contribué, par cette présentation, à la revalorisation et à une "réemphase" plus marquée donnée à la fonction de gérance dans la fonction publique du Québec.

Merci.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: Je remercie le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec d'avoir présenté un mémoire précis, qui discute, bien sûr, d'un certain nombre de principes généraux, mais aussi des questions très spécifiques.

Je dois dire que, dans l'ensemble, un certain nombre de choses que vous avez proposées rejoignent des réflexions que nous avons faites, comme je l'ai dit, depuis le dépôt du projet de loi. Sans vouloir entrer dans tous les détails, parce que, quand même, notre temps est limité, j'aimerais faire un ou deux commentaires préliminaires et ensuite, s'il y a d'autres questions plus particulières, on pourra toujours y revenir.

Tout d'abord, le nouveau gouvernement, depuis le 15 novembre, a étendu un certain nombre de droits syndicaux qui n'étaient pas reconnus dans l'ancienne loi, ou qui n'étaient pas reconnus de facto. Entre autres, du côté des employés occasionnels, nous avons obtenu de la Commission de la fonction publique une résolution qui fait que les employés occasionnels seront maintenant inclus dans l'unité de négociation.

D'ailleurs, la nouvelle loi prévoit que cette extension de l'unité d'accréditation est irrévocable. Elle est inscrite dans la loi. Elle ne sera plus soumise au pouvoir réglementaire du ministre.

Deuxièmement, dans un secteur qui vous concerne plus particulièrement, c'est-à-dire les associations de cadres, nous avons mis de l'avant un projet de reconnaissance formelle des associations de cadres de façon que non seulement il y ait des conversations ou des consultations plus ou moins formelles comme dans le passé, mais que, maintenant, cette reconnaissance se fasse de façon formelle en vertu d'un arrêté en conseil et que les associations de cadres puissent régulièrement obtenir un droit de représentation pour leurs membres, que, bien sûr, en découlent un certain nombre d'obligations, mais aussi un certain nombre de droits.

Nous sommes actuellement en train de discuter avec les différentes associations de cadres pour savoir quelle pourrait être la forme de cette reconnaissance formelle et quels en seraient les

avantages et aussi les obligations pour les deux parties. Ces deux mesures démontrent bien notre volonté d'élargir autant que possible les zones ou enfin les secteurs de l'administration publique où le droit d'association est reconnu.

Evidemment, le problème des cadres est un peu particulier par rapport aux autres membres de la fonction publique puisqu'ils participent au pouvoir de gestion de l'Etat. Ils sont donc les principaux collaborateurs des ministres. A mon avis, cette notion s'étend non seulement aux cadres supérieurs, mais elle s'étend aussi aux cadres intermédiaires.

Le projet de loi comme tel ne prévoit pas un régime spécial d'accréditation pour les syndicats de cadres puisque, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons voulu exclure du projet actuel tout ce qui concernait le régime syndical.

Cela ne veut pas dire que, dans l'avenir, il en sera ainsi, que des amendements à la loi ne pourraient pas venir, qui toucheraient justement à ces questions qui sont, comme je l'ai dit, pour l'instant, exclues du projet de loi; bien au contraire.

Toutefois, on reconnaît maintenant, dans la nouvelle loi, une disposition qui permet au ministre de la Fonction publique de pourvoir, à l'intention des fonctionnaires non syndiqués et, en particulier, donc, des cadres, des mécanismes d'appel qui tiennent lieu, au fond, de ce qui existe en pareille matière dans les conventions collectives. Ce pouvoir est général, il reste maintenant à le concrétiser, et c'est le but des conversations que nous avons entre nous depuis quelque temps.

Faut-il aller plus loin que cela dans le projet de loi? Faut-il prévoir explicitement de quoi il s'agit? Je pense que, pas plus ces dispositions ne sont dans la loi pour les syndiqués, pas plus il n'est sans doute nécessaire de les mettre pour les non syndiqués. Ce sont les conventions collectives qui détaillent ces procédures; dans le cas des syndiqués, je pense que c'est dans le cadre du processus formel de reconnaissance dans lequel nous sommes engagés que nous pourrons détailler les mécanismes précis: commissions d'appel, comités de griefs, etc., à l'intention des cadres intermédiaires comme des cadres supérieurs, et pour tout autre employé non syndiqué.

C'est aussi la raison pour laquelle la définition de cadre intermédiaire n'apparaît pas dans le projet de loi; la définition du mot cadre est là simplement pour donner la définition des types d'emploi dont la détermination du niveau est sous la responsabilité du Conseil du trésor. Autrement dit, le projet de loi définit, en général, ce qu'est un fonctionnaire, et il définit un fonctionnaire-cadre simplement parce qu'il prévoit que c'est le Conseil du trésor qui est responsable de l'organisation des plans d'effectifs supérieurs, et donc de la détermination des niveaux de postes de cadres supérieurs dans ces plans d'organisation.

S'il n'y avait pas eu ces dispositions, nous n'aurions même pas eu besoin de faire allusion à la notion de cadre supérieur, et c'est la raison pour laquelle nous ne faisons pas, non plus, allusion à la notion de cadre intermédiaire. Tous les fonctionnaires sont fonctionnaires; il y a une définition générale qui rejoint tout le monde, et il n'est pas besoin de la préciser davantage, sauf pour ce que je viens d'expliquer. Toutefois, je me rends compte que, malgré tout, il existe peut-être des points de concordance qui devraient être faits pour d'autres articles de la foi; vous en avez souligné quelques-uns. Nous examinerons, bien sûr d'assez près ces choses.

Vous parlez aussi de comités consultatifs pour les plans de perfectionnement. Je pense qu'effectivement il doit y avoir de tels comités consultatifs pour les cadres comme pour les syndiqués, mais il n'est pas besoin, je pense, de mettre une disposition spécifique dans la loi là-dessus. Il s'agit davantage de questions qui relèvent du pouvoir réglementaire ou, dans le cas des conventions collectives, des dispositions des conventions collectives.

Cela m'amène à faire une remarque générale. La gestion de la fonction publique s'appuie sur deux grands piliers. Elle s'appuie sur la loi, d'une part, mais elle s'appuie aussi sur les conventions collectives ou sur les conventions qui tiennent lieu de conventions collectives, comme vous le soulignez à juste titre. Tout ne doit pas être mis dans la loi, alors que les matières en question doivent plutôt être couvertes par la convention collective.

Deuxièmement, aussi, en ce qui concerne des aspects qui relèvent de la loi, plusieurs sont des aspects réglementaires qui doivent évoluer d'une façon souple et qui n'ont pas besoin d'être indiqués comme tels dans la loi. Je pense que ces remarques générales pourront peut-être servir de guides pour un certain nombre de questions qui seront soulevées tout le long de nos délibérations en commission. Evidemment, l'important, comme je l'ai dit ce matin, c'est que la loi comme telle ne vienne pas restreindre indirectement des droits qui sont normalement inscrits dans des conventions collectives de travail.

Là-dessus, s'il peut y avoir des aspects qui donnent lieu à interprétation sur le contenu même de la loi, notre intention est très claire: le but de cette loi n'est pas de restreindre a posteriori des dispositions des conventions collectives; bien au contraire, c'est de respecter non seulement les conventions collectives dans l'avenir. A mon avis, ces principes valent pour des ententes qui tiendraient lieu de conventions collectives ou, enfin, qui préciseraient les conditions de travail, les droits et les obligations des parties avec les cadres supérieurs, les cadres intermédiaires ou toute autre association de non syndiqués en vertu de la loi actuelle.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Mme le Président, ce qui me frappe dans les propos du ministre, c'est qu'il fait allusion à ce qui est négociable et il répète, à quelques reprises, que ce n'est pas l'intention du gouvernement, du législateur, en proposant cette loi, de diminuer ou de restreindre ce qui avait

l'habitude d'être négocié. L'article 52a de la Loi de la fonction publique actuelle établit ce champ de négociation qui porte sur un certain nombre de sujets, comme le traitement, les heures de travail, les règlements de griefs, suspension, congédiement, etc., et il y a également un autre paragraphe qui souligne que, toutefois, aucune disposition d'une convention collective ne peut porter sur un autre sujet qui, en vertu de la présente loi, relève de la commission du lieutenant-gouverneur en conseil, à moins que la commission n'y ait concouru par règlement et qu'un tel règlement n'ait été approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil.

En définitive, la loi existante permettait, après consultation avec les associations représentant les employés, que ce soit une associaton bona fide ou encore un syndicat en bonne et due forme, suivant les prescriptions du Code du travail, dans certaines conditions, d'élargir le champ de négociation.

L'article 119, actuellement, tel que je le comprends, ne maintient pas ce paragraphe et limite, d'une façon très précise, ce champ de négociation. De plus, il y avait, d'une façon régulière, des consultations entre la Commission de la fonction publique pour plusieurs des articles qui étaient négociés, que l'on retrouve à l'article 3 du projet de loi concernant la classification des emplois, les conditions de rémunération de travail, l'évaluation du personnel, etc., qui, dans mon interprétation du texte législatif, ne concordent pas avec les propos que vient de tenir le ministre. Parce que c'est bien beau de manifester des intentions, je suis bien prêt à reconnaître que le ministre est sincère en le disant, sauf que l'application intégrale du projet de loi va faire en sorte que ces choses vont demeurer des voeux pieux, à moins qu'on puisse le permettre dans la loi. Cela n'est pas permis, tel qu'on le voit présentement dans la définition et à l'article 3 et à l'article 119, surtout avec la disparition des deux derniers paragraphes que l'on retrouvait à l'article 52 de l'ancienne loi.

C'est un peu embêtant d'entreprendre l'étude du projet de loi lorsqu'on a à discuter du texte législatif et des intentions qui sont exprimées à l'extérieur dans des propos tenus par le ministre. J'aimerais bien, si telle est l'intention du ministre, que la loi reflète ces impressions, reflète ces préoccupations en l'indiquant d'une façon plus précise, parce qu'il reste que même si je suis prêt... supposons que je sois prêt—c'est plus conforme à la réalité — à faire confiance à l'actuel ministre, qui me dit que son successeur n'interpréterait pas ce texte de loi-là différemment?

Il pourrait dire tout simplement qu'il ne discute pius des articles qui sont contenus à l'article 3, qui sont de la responsabilité réglementaire du ministre, que c'est son pouvoir et qu'il l'exerce. Il faudrait certainement préciser ces choses-là. Dans le cas des définitions, je ne voudrais par revenir sur tous les points qui ont été soulevés par nos interlocuteurs, mais je voudrais quand même que vous me précisiez pour quelles raisons vous avez fait vous-même cette distinction en ce qui regarde le fonctionnaire de cadre. Je comprends les pro- pos que le ministre a tenus. Je suis prêt à partager son point de vue sur le procédé administratif qui fait qu'on appelle cadres supérieurs tous ceux qui sont dans les plans d'organisation. Mais qu'est-ce que cela changerait, d'après vous, pour tous les cadres intermédiaires si cette recommandation était acceptée?

M. Bergeron: Au niveau de l'interprétation et à l'intérieur de plusieurs articles, on se réfère assez régulièrement à l'article 1d, où on parle des fonctionnaires de cadres supérieurs. Or, pour nous, les fonctionnaires de cadres supérieurs sont nos supérieurs. Ils sont exactement dans la même situation que nous au niveau de l'interprétation du terme "salariés" que l'on retrouve dans le Code du travail actuel. A l'intérieur d'une loi, si on les nomme, nous disons: Ecoutez, nous avons autant le droit qu'eux d'être nommés. Vu qu'on est en train de refaire la Loi de la fonction publique, on se dit: Pourquoi le gouvernement ne profiterait-il pas de l'occasion pour nous inclure aussi, c'est-à-dire ne pas restreindre le terme "cadres" seulement aux cadres supérieurs mais l'étendre aussi aux cadres intermédiaires et de premier niveau?

M. Garneau: Le sens de ma question est: Est-ce une question de prestige ou est-ce une question qui affecte véritablement vos conditions de travail? C'est cela, pour aller plus directement.

M. Bergeron: Au niveau des conditions de travail, je ne crois pas que cela puisse nous affecter directement pour le moment, mais éventuellement, si jamais l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec se présente devant un commissaire-enquêteur pour demander une accréditation, vu qu'ils sont nommés dans la loi sur la fonction publique, cela sera beaucoup plus facile pour eux que pour nous.

M. Garneau: Sur la question du comité consultatif dont vous parlez...

M. Bergeron: Oui.

M. Garneau: ... comment verriez-vous le fonctionnement de cela en termes opérationnels? Vous suggérez, en fait, un comité consultatif formé d'à peu près tous les organismes qui représentent les groupes d'employés. Dans sa formulation telle que vous la suggérez comme amendement à l'article 5 pour en former l'article 5g, est-ce que vous ne croyez pas que ce serait là une table autour de laquelle se trouveraient des gens qui défendent des intérêts fort divergents, du moins peut-être pas contradictoires mais fort différents? Cela n'amènerait-il pas en quelque sorte une complication dans les discussions?

Ne croyez-vous pas que, si un tel comité consultatif devait exister, cela pourrait être rédigé d'une façon un peu plus souple qu'avec le paragraphe g) qui en ferait, parce que c'est dans la loi et exprimé ainsi, une structure extrêmement lourde où vous seriez appelés, par exemple, ou

obligés de discuter, dans ces consultations, des sujets qui vous intéressent, mais qui peuvent ne pas intéresser du tout tous les autres membres qui sont concernés par un très vaste comité consultatif de cette nature. Est-ce que vous ne trouvez pas que ce serait, sur le plan opérationnel, extrêmement difficile à faire fonctionner?

M. Bergeron: D'abord, si on parle de perfectionnement, je pense que tous les groupes ont un même but, c'est de viser au perfectionnement des gens qu'ils ont à représenter. Dans ce but, je pense que si on se rencontre pour discuter de perfectionnement, on a tous découvert, à un moment donné, qu'on avait des problèmes de perfectionnement; à ce moment-là, je pense qu'on peut s'orienter ensemble et mieux... Je pense que le ministre de la Fonction publique aurait une meilleure consultation s'il faisait affaire avec tous les groupements plutôt que de faire affaire avec seulement ceux qui ont actuellement des conventions collectives de travail signées avec le gouvernement.

M. Garneau: Mais quand vous faites référence à ce comité consultatif, il serait beaucoup plus large que la simple formation, parce que vous les rattachez aux paragraphes a), b), c), d), e) et f). Ils seraient consultés sur l'ensemble. En tout cas, je comprends votre point de vue, et il y a une question additionnelle que je pourrais poser... Est-ce que vous croyez que ça doit être dans la loi ou si vous seriez d'accord avec ce que j'ai compris des propos du ministre, que ces consultations s'opèrent sur la base bona fide comme elles semblent exister présentement, de ce que j'ai entendu tout à l'heure?

M. Bergeron: M. Garneau, les hommes passent, mais les écrits restent. On peut faire confiance à un individu à un moment donné, qu'il occupe n'importe quelle fonction, mais, à son départ, il faut quand même tout recommencer avec son remplaçant. Quand c'est inscrit quelque part, ça donne une assurance, une sécurité à tout le monde.

M. Garneau: J'ai seulement une autre question à vous poser, en ce qui regarde la question du mérite. Vous y faites allusion, dans votre mémoire, est-ce que vous croyez qu'en termes de garantie des employés de l'Etat, c'est un principe qui peut être opérationnalisé d'une façon juste?

M. Bergeron: Je m'excuse, à l'article 28, effectivement, quand on regarde le projet de loi 53, on en parle à l'article 28, mais c'est seulement au paragraphe d), on le nomme seulement, mais on aimerait connaître le système que notre employeur voudrait instaurer pour aller en parallèle avec le principe du mérite.

M. Garneau: Est-ce que le ministre pourrait répondre aux appréhensions de l'Opposition et du président du syndicat des cadres?

M. de Belleval: Ce sont peut-être des appréhensions de l'Opposition, mais, pour l'instant, c'est une interrogation du président du syndicat des cadres et non pas une appréhension...

M. Garneau: Alors, des appréhensions et des interrogations, pour être précis?

M. de Belleval: Le principe du mérite est explicité d'une façon assez claire à l'article 70 et c'est ce à quoi on fait allusion. On dit que "le personnel de la fonction publique est recruté et promu— le mot "promu" est bien important— par voie de concours selon une sélection établie au mérite. C'est-à-dire que tout concours donne lieu à l'établissement, par un jury, de listes classant les candidats par ordre de mérite et que les nominations et les promotions sont faites selon cet ordre, parmi ceux qui ont fait l'objet d'une déclaration d'aptitudes.

A certains égards, on a fait peut-être tout un plat du principe du mérite, mais il n'est pas nouveau. Il est inscrit dans plusieurs lois. Tout ce qu'il dit, c'est que, quand vous faites une promotion, que vous engagez quelqu'un, vous déterminez, comme maintenant, une liste d'admissibilité, vous déterminez quels sont les candidats qui sont aptes, et vous nommez les gens aptes par ordre d'aptitude, ou par ordre de compétence, ou par ordre de mérite, selon le vocabulaire qu'on aime. C'est aussi simple que cela. Les règlements du ministre en matière de gestion du personnel doivent être de nature telle qu'ils respectent ce principe fondamental, à savoir que les mécanismes doivent permettre d'établir le plus justement et le plus objectivement possible l'ordre d'aptitude ou l'ordre de compétence, ou l'ordre de mérite des candidats.

De ce point de vue, je pense que c'est un progrès sur l'ancien système, comme je l'ai dit ce matin, où les nominations, après les concours, pouvaient se faire dans n'importe quel ordre, ou dans n'importe quel désordre, c'est-à-dire qu'un candidat reçu 50e au concours pouvait être nommé avant le candidat qui était reçu premier au concours. A mon avis, c'est aussi simple que cela, et aussi facile de compréhension. C'est un système qui existe dans beaucoup de législations. C'est ce qui existe au niveau du gouvernement fédéral, entre autres, depuis de nombreuses années. C'est une des méthodes retenues dans ces pays, comme je le disais tout à l'heure, pour faire reculer l'arbitraire, le favoritisme dans la gestion de la fonction publique.

M. Garneau: Je ne sais pas si je dois interpréter ces propos comme signifiant que l'article 70 et l'article 38 de l'ancienne loi, c'est du pareil au même.

M. de Belleval: C'est du pareil au même, justement.

M. Garneau: Quand vous dites qu'actuellement, la Commission de la fonction publique

soumet à un concours, fait des avis publics, reçoit des candidatures, passe les gens à un examen écrit, en sélectionne un certain nombre pour les examens oraux devant un jury, et finalement, établit une liste d'admissibilité de sept, huit, dix douze; s'il y en a quinze qui se qualifient, ou cent, ils sont qualifiés... Evidemment, on sait que la marge, dans un concours devant un jury, entre celui qui est qualifié à 80 et celui qui est qualifié à 81, c'est très subjectif. C'est difficile à établir sur la base du strict mérite, de trancher. Même là, je serais prêt à dire que c'est ce qui se passe, avec une variante qui permettait aux ministres ou aux sous-ministres de choisir parmi une liste de personnes qui avaient été déclarées admissibles.

Lorsqu'on fait la référence à la promotion selon le mérite, je me demande si... De deux choses l'une, ou c'est du pareil au même, ou on joue sur les mots. Si je suis fonctionnaire dans un service du ministère des Transports ou du ministère des Institutions financières et que je soumets ma candidature pour une promotion, qui peut déterminer, sur la base du mérite, qu'est-ce que c'est, le mérite, si c'est quelque chose de nouveau? La seule personne qui, en définitive, sera en mesure de dire si mon rendement, ou la façon, comme fonctionnaire, dont j'exécute mes responsabilités... C'est pratiquement uniquement mon patron immédiat.

Par exemple, il y a des jurys, la Commission de la fonction publique demande un universitaire ou une personne de l'extérieur pour venir siéger à un jury.

Comment, dans le cadre d'une promotion, une personne venant de l'extérieur, qui n'a pas vu le candidat autrement que pendant la demi-heure qu'a duré l'entrevue, peut-elle faire une recommandation basée sur le mérite, à moins que ce ne soit le même fonctionnement qu'actuellement, c'est-à-dire qu'il y ait des jurys, que les gens interviewent et qu'on appelle cela autrement? Si c'est simplement appeler des choses identiques par un nom différent, je ne me chicanerai pas. Mais, si cela a un sens, il va falloir qu'un règlement soit édicté et qu'on le connaisse avant l'adoption de ce projet pour nous dire véritablement ce qu'il y aura de changé par rapport au passé. J'ai de la difficulté à saisir, d'une façon bien objective, comment un jury va pouvoir fonctionner autrement dans l'avenir que de la façon dont il fonctionne présentement. Je ne vois pas comment une personne de l'extérieur qui forme un jury ou même un fonctionnaire d'un autre ministère qui fait partie du jury, qui ne connaît pas le candidat qui est sujet à la promotion, pourra déterminer le mérite. Il peut vérifier si quelqu'un a les qualifications requises. Par exemple, si on dit dans le règlement que cela prend un diplôme de CEGEP, un diplôme universitaire ou cinq ans d'expérience, que la personne soit bilingue ou trilingue, cela se vérifie. C'est vrai, tel candidat remplit telles et telles conditions. Là, un jury peut statuer. Quand on tombe sur la question de mérite, je me demande si, à toutes fins utiles, cela ne voudra pas dire que les promotions dans la fonction publique vont se faire sur recommandation presque exclusive du supérieur immédiat.

Si telle était l'explication du mot "mérite", je me demande si cela ne créerait pas dans son application un danger d'arbitraire qui n'est pas un arbitraire politique. Si le ministre ne le savait pas avant, il doit se rendre compte depuis qu'il est ministre qu'il ne connaît même pas dans son ministère tous les jurys qui existent pour les promotions. S'il voulait s'en préoccuper, il n'aurait pas le temps de faire autre chose. Cela me paraît un critère que, s'il est nouveau, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas défini et qu'il sera difficile d'application. Si c'est la même chose qu'antérieurement, je suis bien prêt à arrêter le débat.

M. de Belleval: Me permettez-vous de répondre, M. le député? Il y a une différence fondamentale entre l'ancien système et le nouveau de ce point de vue. Premièrement, dans la loi actuelle de la fonction publique, le principe du mérite est absolument inexistant. Tout ce qui est prévu, c'est que les nominations se font à partir d'une liste de candidats déclarés aptes. Elles se font dans n'importe quel ordre. Le grand point nouveau, c'est que maintenant les nominations se font selon l'ordre d'aptitudes et de compétence déterminé par le jury, c'est-à-dire, donc, que cela met fin à l'arbitraire du ministre, parce que c'est ce dernier qui, en vertu de la loi actuelle, nomme. Ce n'est pas le fonctionnaire; c'est le ministre qui nomme. Actuellement, la seule restriction qu'on met à la discrétion du ministre, c'est qu'on lui permet de choisir n'importe qui à travers une liste.

Or, on sait très bien que, pour plusieurs concours, il est très facile de qualifier beaucoup plus de candidats qu'il n'y a de postes, même pour les concours de promotion. Si quatre ou cinq candidats sont déclarés admissibles, le ministre peut choisir celui qu'il préfère parmi les cinq candidats et non pas nécessairement celui qui est le meilleur de l'avis du jury. Compte tenu de l'organisation la plus objective possible des concours qui, bien sûr, essaient de mesurer le plus objectivement possible les capacités d'un individu, mais aussi avec la part de subjectivité qui, de toute façon, existe dans tout concours et que n'importe quel système, quel qu'il soit, ne peut faire disparaître, il reste qu'une fois qu'on a tenu compte de tous ces facteurs, une liste est établie où les candidats sont classés par ordre d'aptitudes, par ordre de mérite ou par ordre de compétence. Les nominations doivent se faire selon cet ordre. De ce point de vue, c'est très différent du système actuel. Personnellement, on sait que le système actuel était une occasion de faire revenir le patronage par la porte d'en arrière. Entre autres, il y avait dans certains cabinets de ministres — je ne dirai pas de quel gouvernement; j'ai travaillé sous plusieurs gouvernements — des gens qui étaient chargés de filtrer les listes d'admissibilité et de faire en sorte que ce n'était pas n'importe quelle candidate à un concours de sténodactylo qui avait le poste.

On s'assurait que la sténodactylo catholique obtienne le poste, on avait des listes d'admissibilité, et vous receviez un papier disant: Oui, on vous déclare éligible, la commission vous déclare éligible. Maintenant, trouvez-vous quelqu'un dans

un ministère qui veut vous engager. C'est ce qui faisait que les sténodactylos de plus de 45 ans ne trouvaient personne qui était d'accord pour les engager, ou rarement, même si la personne en question était plus compétente, plus apte à faire son travail d'une façon efficace, compte tenu des résultats du concours, qu'une autre qui était peut-être plus jeune et mieux tournée. Cela pouvait être aussi folklorique que cela.

Qu'il s'agisse de patronage politique ou de patronage de fonctionnaire, l'ancien système permettait justement ce favoritisme larvé, et le nouveau système, de ce point de vue — je ne dis pas qu'il éliminera toute possibilité, il n'y a aucun système à l'épreuve des filous et des gens qui veulent le contourner — va faire reculer davantage les zones de favoritisme et de discrétion. Tous les citoyens, comme tous les fonctionnaires, seront davantage égaux devant la loi et devant leur capacité d'obtenir un emploi dans la fonction publique, ou d'obtenir une promotion. C'est ce que permet la nouvelle loi, et pas plus, mais pas moins.

M. Garneau: C'est une chose de vouloir modifier la loi et dire que le pouvoir de nomination sera donné à la Commission de la fonction publique ou à l'office de recrutement, et c'est une autre chose de dire que tout cela sera fait suivant le mérite. Je suis bien prêt à argumenter avec l'actuel ministre de la Fonction publique sur l'avantage ou les désavantages qu'il peut y avoir de faire les nominations, de confier la responsabilité de nommer à un poste de fonctionnaire un organisme comme, par exemple, la Commission de la fonction publique ou, comme vous l'appelez, je crois, l'office de recrutement. C'est une chose. Je suis prêt à en discuter. Mais lorsque le ministre incorpore le mot "mérite", cela m'apparaît vouloir être un jeu de mots. Parce qu'il est possible pour un jury de classifier les gens d'après la compétence qu'ils présentent d'après les dossiers scolaires ou encore la feuille de route, de dire que telle personne serait sans doute plus compétente qu'une autre, compte tenu de l'expérience qu'elle a ou de ses diplômes universitaires, ou de ses diplômes de spécialisation. C'est une chose qui, d'après moi, peut se mesurer. Mais, lorsqu'on fait face à une promotion, qu'on incorpore le mot "mérite " et qu'on veut lui donner un sens totalement différent de ce qui existait antérieurement, je me demande si on ne rendra pas plus subjectives encore que ne le sont aujourd'hui les promotions des fonctionnaires. Qui peut mesurer le mérite d'une personne qui a occupé une fonction pendant un an, deux ans ou trois ans? Je ne vois pas qui peut mesurer le mérite d'un fonctionnaire qui serait, par exemple, directeur général dans un ministère, je me demande qui peut déterminer son mérite; si c'est là le nouveau critère, le mérite peut-il être déterminé par une autre personne que celle qui le connaît et qui a été son supérieur? On peut sans doute mesurer la compétence et voir si la compétence du bonhomme ou de la bonne femme est en accord avec les règlements qui déterminent les qualifications requises pour occuper un emploi, mais de là à dire que cette promotion va se faire suivant le mérite, je me demande si on n'inclut pas un degré de subjectivité qui va aller à l'encontre de ce que recherche le ministre.

Je ne veux pas faire un long débat là-dessus, c'est tout simplement pour le mentionner et mettre le ministre en garde contre l'utilisation de termes qui, à l'expérience, vont s'avérer peut-être contraires à l'objectif visé. Je voudrais qu'il fasse bien la distinction entre le pouvoir de nommer et le pouvoir de donner une promotion appuyée sur le mérite. Je suis bien prêt à reconnaître — je me répète — qu'on puisse mesurer les qualifications d'une personne par rapport aux exigences d'un emploi, mais lorsqu'on base les promotions sur le mérite, et surtout quand on sait que ces pouvoirs donnés à l'office de recrutement pourront être délégués à un sous-ministre qui pourra les déléguer à un autre fonctionnaire, finalement, on risque d'avoir un degré de subjectivité qui dépassera peut-être ce qui se fait présentement avec toutes les lacunes qui peuvent exister — je sais qu'il y en a — mais je crois qu'on laisse prévoir, on laisse espérer des choses qu'on ne pourra certainement pas livrer dans le contexte, en tout cas, dans le sens des mots utilisés. Enfin, c est l'observation que je voulais faire là-dessus.

Sur les autres aspects du mémoire qui a été présenté, j'aurais un certain nombre de questions de détail, mais, compte tenu du fait que le texte est assez explicite, je vais attendre, lorsque nous arriverons en temps et lieu à la discussion article par article, après la deuxième lecture, pour voir de quelle façon nous utiliserons vos recommandations pour faire nous-mêmes des propositions d'amendement, si nous le jugeons à propos.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Ce matin, j'ai fait une intervention pour donner mon point de vue sur la loi. Maintenant que c'est votre tour, c'est à nous de vous poser des questions. Je pense que c'est cela qui est notre rôle présentement, c'est de vous qu'il faut entendre parler. C'est pourquoi j'ai trois questions. Sur les articles 45, 70 et 88. Etes-vous d'accord, M. Bergeron, sur le texte qui est dans la loi, à l'article 45? On y dit que l'office peut, par règlement, prévoir la délégation à tout sous-ministre ou dirigeant d'organisme des responsabilités qui lui incombent en vertu du paragraphe b du deuxième alinéa, c'est-à-dire procéder, conformément à la présente loi, au recrutement et à la sélection des candidats de la fonction publique, déclarer leur aptitude et procéder à leur nomination.

Je voudrais connaître votre opinion sur cela.

M. Bergeron: Dans un premier temps, M. le député, il faut voir que la seule raison d'être de l'office, c'est de faire du recrutement et de la sélection de personnel. Si l'office peut déléguer son pouvoir, sa seule raison d'être, on n'a plus d'affaire à l'avoir, l'office, on n'a pas d'affaire à en parler à l'article 45. Deuxièmement, on a vécu des

expériences plus ou moins intéressantes avec des individus. S'ils avaient les pouvoirs que leur confère l'article 45, actuellement, il y a un paquet de gens qui ne seraient plus dans la fonction publique. On pense...

M. Bellemare: Comment cela? Vous affirmez quelque chose qui est grave.

M. Bergeron: Suite, par exemple, à l'arrivée au pouvoir de n'importe quel parti politique — je ne veux pas viser un parti ou un autre — on fait des changements au niveau de la haute gérance dans la fonction publique. Par exemple, on remplace des sous-ministres. Le nouveau sous-ministre qui arrive est intéressé à avoir des gens en qui il peut avoir confiance, des gens qu'il connaît. Mais les gens qui sont déjà en place, qu'est-ce qu'ils deviennent? On trouve que c'est beaucoup trop fort et que les pouvoirs que l'on retrouve à l'article 45, les pouvoirs conférés à l'office, de recrutement et de sélection, devraient appartenir tout le temps à l'office. Ces pouvoirs ne devraient jamais être délégués.

Vous savez, dans la fonction publique...

M. Bellemare: Je suis parfaitement de votre opinion. Je l'ai dit ce matin, je le répète encore. Cette délégation de pouvoir est extrêmement dangereuse parce qu'elle permettra à un subalterne, un sous-ministre d'agir au nom du ministre et de la commission en certaines circonstances que nous vivrons. Nous y verrons peut-être, à l'application, des défauts, mais le ministre a pris la peine de nous avertir que les deux piliers du bill 53 sont, d'abord, la loi et, deuxièmement, les conventions collectives. Je suis parfaitement d'accord, mais je l'avertis d'avance, et vous verrez qu'avec le temps j'aurai encore raison. La prochaine convention collective n'est pas signée.

Elle se fera dans un tumulte encore pire que celui que nous avons connu (a dernière fois à cause, justement, de cette délégation de pouvoirs que vous conférez présentement dans un article de la loi.

M. Bergeron: Est-ce que je pourrais juste terminer ce que j'avais commencé à vous dire? Cela va prendre une petite minute.

M. Bellemare: C'est vous, d'ailleurs, que je veux entendre.

M. Bergeron: Bon. Merci. Les membres de la fonction publique, les employés du gouvernement, s'ils sont employés du gouvernement, ce n'est pas parce qu'ils s'appellent Pierre, Jean, Jacques. C'est que la population attend d'eux des services. Or, avec l'article 45, il y a des dangers que les employés du gouvernement deviennent des employés de quelques personnes à l'intérieur de la fonction publique. Ils ne seront plus au service de la population. Ils vont être au service de quelques individus.

M. Bellemare: Ce que vous craignez, c'est que le pouvoir arbitraire de certains sous-ministres fasse certains droits acquis.

M. Bergeron: Vous savez, monsieur, on peut faire confiance à des individus qu'on connaît actuellement, qui sont en place, mais si ces sous-ministres qui sont reconnus pour leur compétence, leur honnêteté, s'en vont et qu'on se retrouve avec — parce qu'il en existe comme partout ailleurs — des gens moins honnêtes, beaucoup moins honnêtes, cela donnera quoi au bout?

M. de Belleval: J'aimerais dire un mot là-dessus.

M. Bellemare: Oui, j'attendais cela. Ecoutez, ce n'est pas le point de vue de Maurice Bellemare ni. du député de Johnson, c'est le président M. Bergeron...

M. de Belleval: Non, d'accord, c'est le point de vue de M. Bergeron et de ses membres, mais ce sera aussi le point de vue d'autres personnes qui viendront et qui attireront notre attention sur le danger du pouvoir de délégation.

Il est sûr que, premièrement, le principe de la délégation, ce n'est pas le principe de l'abandon du pouvoir. L'office ou tout organisme qui peut déléguer conserve quand même le pouvoir originel et l'organisme en question peut retirer cette délégation en tout temps.

Deuxièmement, cette délégation ne s'exerce pas de n'importe quelle façon, elle doit s'exercer dans le cadre d'un règlement; la délégation ne peut s'exercer par simple directive administrative; il faut qu'il y ait un règlement de délégation qui soit adopté. Ce règlement doit être soumis à la Commission de la fonction publique pour avis, pour vérifier si le règlement est de nature ou non à léser justement la règle du mérite. Là, je ne veux pas revenir sur la question mérite, aptitude, etc.; si c'est juste une question de mots qui peut donner lieu à diverses interprétations, on le changera.

Ensuite, la Commission de la fonction publique est responsable de faire enquête sur l'application de la loi de sa propre initiative. Je suppose que, en particulier, s'il y a des règlements de délégation et s'il y avait des délégations, la commission surveillerait elle-même d'assez près pour voir comment le pouvoir de délégation est effectivement exercé. L'office lui-même va lui aussi vérifier comment son pouvoir de délégation est exercé en pratique. Donc, il y a des balises qui font que ce pouvoir de délégation n'est pas un pouvoir d'abandon, mais vraiment un pouvoir de délégation de responsabilités. On l'a mis dans la loi parce qu'on s'est dit: Pour des raisons d'efficacité administrative, à l'occasion, il peut être utile de permettre à des ministères de procéder eux-mêmes au recrutement de certains fonctionnaires. J'admets avec vous qu'il faudrait procéder avec prudence, à tout le moins, dans l'exercice de ce pouvoir, probablement procéder graduellement

pour divers types de fonctions et voir comment le pouvoir est exercé.

Au niveau du gouvernement fédéral, on a donné à la Commission de la fonction publique ce pouvoir de délégation et, effectivement, il y a eu aussi, je l'admets, des critiques sur la façon dont il avait été exercé à l'occasion. Mais je dis: Est-ce qu'on se barre les jambes en interdisant toute délégation ou bien si on ne permet pas un pouvoir de délégation, quitte à l'entourer de garanties comme celles que je viens de mentionner et y aller prudemment pour voir comment, à l'usage, cela peut être exercé de façon quand même à améliorer l'efficacité de la gestion du personnel, parce qu'il faut bien voir qu'on a des critiques. Un directeur général du personnel, surtout pour des sections régionales de son personnel, doit faire converger tous les concours à Québec, alors qu'il pourrait, sur place, tenir lui-même des concours sous l'autorité de la commission, actuellement ou plus tard, de l'office. Je pense que ce sont des pratiques qui pourraient être de nature à raccourcir les délais, à faire en sorte que le personnel soit engagé plus rapidement et à améliorer l'efficacité de la machine administrative; on se plaint que la bureaucratie est lourde partout, mais, chaque fois qu'on veut l'alléger, on dit: Houp! Il ne faut pas bouger; attention, c'est dangereux, etc. Alors, on ne peut pas manger son gâteau et l'avoir encore, il faut quand même choisir. On a pensé que cela pouvait être un compromis acceptable. Entre autres, vous avez parlé, dans votre mémoire, de la possibilité de prépublication des règlements, un peu comme ceux de l'environnement. Je trouve que c'est une suggestion très intéressante. On pourrait entre autres mettre dans la loi une disposition, donc amender le projet de loi actuel pour prévoir la prépublication.

Donc, quand un règlement vient en prépublication, ou reçoit des mémoires, on a des propositions là-dessus des réflexions, on peut même venir ici, en commission parlementaire, pour en discuter et voir si le règlement de délégation, par exemple, en ce qui nous concerne actuellement, est de nature à favoriser, oui ou non, une discrétion dangereuse et aussi à voir, au jour le jour, comment il est appliqué à l'occasion. Il ne faut pas crier au loup immédiatement et dire que tout sera délégué de façon inconditionnelle sans balise. Il y a des balises qui sont prévues. Il y a des sauvegardes qui sont prévues, il y a des pouvoirs d'enquête qui sont prévus et je pense qu'au contraire, il faudrait plutôt faire un peu confiance à l'habileté des gestionnaires, à leur honnêteté, quitte à vérifier, au fur et à mesure que ce pouvoir de délégation-là sera exercé, à supposer, bien sûr, qu'il soit exercé de façon prudente, pour voir s'il donne de bons résultats. S'il donne de mauvais résultats, on retirera ce pouvoir de délégation, tel que prévu d'ailleurs dans la loi. L'office peut le retirer, la Commission de la fonction publique va faire enquête. Elle pourra donc aussi recommander que le pouvoir soit retiré. C'est à l'usage qu'on verra si c'est bon ou si ce n'est pas bon. Comme je l'ai dit, dans d'autres administrations publiques, on pratique ce pouvoir-là et, malgré tout, cela n'a pas donné lieu à des tollés, à des pancartes, à des caricatures ou à quoi que ce soit. On l'a fait. Ces gens-là sont civilisés. Ils font des choses, ils en essaient; parfois, ils se trompent, comme nous, mais ils essaient loyalement des choses qu'on propose ici, les mêmes choses que nous. De ce point de vue-là, je ne vois pas en quoi on serait moins habile qu'eux à utiliser des mécanismes semblables.

M. Bellemare: Mme le Président, je viens de comprendre un peu la délégation de pouvoirs qui aura une réglementation qu'on verra au préalable. Mais, comment peut-on, dans une loi, donner un pouvoir au sous-ministre, celui, par exemple, de déléguer, comme il est dit à l'article 45: "II peut, en déléguant ses responsabilités, indiquer la catégorie de fonctionnaires à qui le sous-ministre..." Ecoutez. Que l'office délègue ses pouvoirs à un sous-ministre, je pense, comme l'a expliqué le ministre et comme on l'a déjà vécu, que c'est peut-être plus rapide et je comprends que la facilité fait qu'il y a moins de bureaucratie. Mais qu'un sous-ministre, dans une loi, ait le droit de faire la délégation sans aucun compromis, sans aucune directive...

M. de Belleval: ... aussi.

M. Bellemare: Ce n'est pas dans la loi. Dura lex, sed lex. La loi est dure, mais c'est la loi.

M. de Belleval: Je veux seulement dire que le règlement de délégation, s'il prévoit, doit aussi prévoir la sous-délégation. Le sous-ministre n'a pas la latitude de sous-déléguer. Il faut que le règlement de délégation le prévoie lui-même et prévoie les conditions selon lesquelles la sous-délégation sera exercée. Je donnais un exemple tout à l'heure. On permet à un ministère d'engager une certaine catégorie de fonctionnaires. Le sous-ministre peut permettre à un administrateur régional, disons au chef du personnel à Montréal, de procéder lui aussi à l'engagement. Il faut que cela soit prévu dans le règlement, il faut que cela soit encadré de la même façon que si c'était donné au sous-ministre. Je suis d'accord avec vous que, si, une fois donné au sous-ministre, le sous-ministre lui-même pouvait s'en aller dans la nature et faire n'importe quoi avec cela, on perdrait la rigidité ou...

M. Bellemare: Comme nos débats sont enregistrés, nous retrouverons plus tard, s'il y a des abus, cette déclaration du ministre. Parce qu'un jour, un sous-ministre que j'avais appelé pour une fonction qui avait été décrite dans les journaux, pour savoir si un candidat que je connaissais, qui était de l'Université d'Ottawa, pouvait s'inscrire, m'a dit: Oui, certainement, je ne vois pas pourquoi. Alors, le candidat avait été désigné d'avance. Cela arrive. Il avait été choisi par le sous-ministre. Le monsieur d'Ottawa s'est présenté et on lui a dit bien franchement qu'il courait après rien parce que le concours était fait pour faire nommer monsieur Untel. Cela se faisait couramment.

M. de Belleval: C'est ce qu'on appelle un concours bidon.

M. Bellemare: Un concours bidon. C'est exactement ce qui est arrivé. Le gars, extrêmement qualifié, a réussi ses examens avec grande distinction et il est arrivé deuxième au concours. Le premier avait été désigné d'avance. Je pense que le sous-ministre qui est dans une situation comme celle-là, qui ferait une délégation de pouvoir, il faudrait que cela soit contenu dans un règlement qui prévienne toutes ces difficultés.

Ma question no 2 est au sujet du mérite. C'est la promotion au mérite. Quels sont les critères que pourront surveiller les syndicats des fonctionnaires, comme disait le député de Jean-Talon? Est-ce qu'il va y avoir des critères de base? Je ne demande pas ça à vous, M. le ministre, je demande ça à M. Bergeron. Il va me dire son opinion sur le mérite et le démérite. Parce que j'aurai une question à vous poser à l'article 88.

M. Bergeron: Si vous permettez, je vais vous parler d'une expérience vécue. En 1974, avec l'adoption de règlements de classification pour le personnel de direction intermédiaire, on a enlevé des échelles de traitement, c'est-à-dire qu'on a des échelles de traitement sans échelons. Alors, la rémunération des gens varie entre un minimum, comme pour les cadres supérieurs. Cette expérience a été valable pour un certain nombre d'individus et très peu valable pour la plupart des individus. Pour les cadres intermédiaires et de premier niveau, on pouvait obtenir une augmentation de la masse salariale de 4% et on versait à chacun des individus un pourcentage qui variait entre 0 et 8%. J'ai vécu une expérience bien drôle à la CAT, celle d'un individu qui avait été... Pardon?

M. Bellemare: En quelle année?

M. Bergeron: Vous étiez parti, monsieur.

M. Bellemare: J'étais parti, ah! bon, d'accord.

M. Bergeron: C'est un individu qui avait bénéficié d'une promotion, qui avait eu cette promotion à la fin de mai ou au début de juin, et comme ses augmentations ne venaient qu'au 1er juillet, on a dit au gars: Tu as été bon pendant le mois de juin, alors tu mériterais au moins la masse salariale de 4%, mais comme tu as été seulement un mois sur douze dans ces fonctions, on va te donner 1/12 de 4%. C'est un exemple qui a été vécu un peu partout. Je regarde chez les cadres supérieurs; là aussi, on leur donne des augmentations de rémunération au mérite. Je connais plusieurs adjoints aux cadres supérieurs qui, actuellement, demandent à être rétrogrades dans une classification de professionnels, parce que c'est plus payant pour eux d'être rétrogrades que de rester adjoints aux cadres supérieurs.

Pourquoi? C'est qu'on laisse au sous-ministre de chacun des ministères ou à leurs directeurs généraux la possibilité de déterminer le pourcen- tage d'augmentation. Comme cela nous fait peur un peu...

M. Bellemare: ... solution de connaître, d'assister, de vérifier, de pouvoir obtenir les critères de base que l'office va prendre pour établir justement le mérite?

M. Bergeron: Ecoutez, vous me posez une question de $64 000, je vais vous faire part encore d'une autre expérience.

M. Bellemare: Cela va être bien plus simple pour vous.

M. Bergeron: Au ministère des Affaires sociales, on vient d'instaurer un système pour assurer chacun d'avoir justice dans l'obtention d'une augmentation au mérite. On a établi un système de pointage qui va avec la fiche de notation et un paquet de choses comme ça. Ce système semble vouloir bien aller présentement. Dans les circonstances, je me demande si, au niveau du principe de mérite, on ne pourrait pas établir — je ne suis pas un spécialiste en relations de travail — aussi un système de pointage où on tiendrait compte de l'expérience des individus, de la formation et d'un paquet de facteurs. A mes yeux, ce serait...

M. Bellemare: Qui seraient connus d'avance.

M. Bergeron: Oui, pour moi, ce serait un vrai système de mérite, un système de pointage.

M. Bellemare: A l'article 70, vous préconisez qu'on procède à une nouvelle vérification des aptitudes tout en tenant compte de l'expérience acquise. C'est votre suggestion, mais quant au mérite, vous avez entièrement...

M. Bergeron: En établissant aussi un certain système de pointage ou de contrôle.

M. Bellemare: Qui serait connu au préalable par tout le monde et qui pourrait empêcher, comme disait le ministre tout à l'heure, l'arbitraire ou bien le patronage.

Ma troisième question...

M. de Belleval: Est-ce que je pourrais ajouter une couple de précisions là-dessus?

M. Bellemare: Oui, très bien.

M. de Belleval: La question que vous posez est pertinente, à savoir comment on détermine l'ordre de mérite ou l'ordre d'aptitudes ou l'ordre de compétence. Je ne veux pas m'enfarger dans le mot. Si on n'aime pas le mot mérite, on en mettra un autre à la place. Le mot chien n'a jamais mordu personne.

M. Bellemare: Le mot chat en a grafigné bien gros.

M. de Belleval: Alors, on a déjà ce problème actuellement en vertu du système actuel. En vertu du système de concours qui est en vigueur, la Commission de la fonction publique, par exemple, dans le cas d'un concours de recrutement ou de promotion, doit déterminer l'ordre de mérite ou l'ordre d'aptitudes des candidats. Elle émet une liste d'admissibilité et elle donne l'ordre de mérite des candidats. Le problème n'est pas là. Le problème, c'est que les nominations ne se font pas selon cet ordre. Elles se font dans le désordre. Il restera toujours que, dans n'importe quel système — que cela soit un système d'arbitraire comme le système actuel à l'intérieur de la liste d'admissibilité ou que cela soit un système dit de mérite ou d'ordre d'aptitudes — le problème de la détermination la plus efficace possible des aptitudes demeurera toujours. Bien sûr, il y a beaucoup de recherches qui se font là-dessus pour améliorer l'objectivité des concours, mais il restera toujours aussi des marges d'incertitude là-dessus. C'est un problème, mais l'aspect de la réforme est qu'à l'avenir les nominations se feront selon l'ordre qui est déterminé déjà, avec les mêmes problèmes qui se sont posés dans le passé.

Quand on en arrive, cette fois, à la rémunération, évidemment, la rémunération annuelle n'est pas considérée comme une promotion. Entre autres, en vertu des conventions collectives, par exemple celle des professionnels, l'annuité ou l'avancement d'échelon n'est pas considéré comme une promotion. La façon dont cette annuité est donnée est prévue par la convention collective sur preuve de rendement satisfaisant et on n'en dit pas beaucoup plus. Il ne s'agit pas, à ce moment, de promotion et on ne voit pas la règle du mérite explicitée dans la loi, pas plus que dans l'ancienne d'ailleurs, puisqu'il ne s'agit pas de promotion comme telle.

Maintenant, les mécanismes d'évaluation, qui font qu'on peut déterminer une annuité qui varie de zéro à 10%, réapparaissent extrêmement im-portans. Je suis d'accord avec vous que, s'il n'y a pas un bon système d'évaluation de la performance d'un individu, ces systèmes d'annuité dite au mérite — je dois dire qu'il n'y a rien dans la loi qui touche à cela — sont, à mon avis, un peu frauduleux. Ils sont injustes pour les individus en cause s'il n'y a pas un système de notation valable et il s'agit d'une fraude puisqu'en fait comment peut-on ensuite porter un jugement sur une augmentation, s'il n'y a pas un bon système d'évaluation? A mon avis, il faut y repenser. Il faut améliorer nos systèmes d'évaluation; sinon, on discréditera ce genre de rémunération dite au mérite. Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais cela sera certainement une des priorités du ministère de la Fonction publique de vérifier cela en ce qui concerne les cadres, parce que c'est le seul endroit, pour l'instant, où le ministre a quelque chose à dire puisque c'est le Conseil du trésor qui détermine les annuités et, donc, qui peut être en mesure de faire quelque chose sur le système d'évaluation. Pour les autres, ce sont les conventions collectives, comme vous le savez, qui déterminent les annuités et la méthode de ces annuités.

M. Bellemare: Alors, M. Bergeron, voici ma troisième question. Après notre question et votre réponse, le ministre saisit l'occasion pour expliquer d'une manière beaucoup plus tangible la portée du projet de loi. Mais, quand je parle de critères, qui va les faire, qui va les surveiller et qui va pouvoir les appliquer au mérite? Cela aussi peut être à la discrétion de ceux qui seront nommés pour les exercer. Lorsque je vois, à l'article 88, la rétrogradation, je fais un saut épouvantable parce que vous êtes des cadres qui ne sont pas, en vertu d'une convention collective, organisés.

Vous êtes au bon plaisir du prince. C'est sûr et certain que votre mémoire en dit assez long pour comprendre cela. Vous n'avez pas de convention collective qui vous régit. Vous n'avez pas le droit de faire la grève, vous n'avez pas le droit de faire ci, vous n'avez pas le droit de faire ça. Même au point de vue du Code du travail vous n'êtes pas une entité qui peut négocier. C'est bien sûr.

Je vois l'article 88 qui dit, Mme le Président — écoutez bien cela — "le sous-ministre ou le dirigeant d'un organisme peut, par écrit, rétrograder à une classe comportant une rémunération maximum inférieure, révoquer ou destituer tout fonctionnaire incompétent dans l'exercice de ses fonctions ou incapable de les exercer". Je vois mal un "breakman" dans la "Brotherhood" dans les Transports unis, endurer une telle affaire. On nomme par ancienneté un conducteur; qu'il soit bon ou pas bon, c'est son ancienneté, il doit être nommé en vertu de la "Brotherhood". C'est vrai que souvent on a des conducteurs qu'on mérite. A cause de l'échelle de l'ancienneté, il est obligé d'accepter ou bien d'annuler la nomination de chef de train et de rester simple "breakman".

Mais qu'un sous-ministre, qu'un dirigeant puisse lui-même, par écrit, rétrograder à une classe inférieure un employé de cadre, c'est bien facile de trouver un être qui ne nous plaît pas, qui n'a pas une face qui nous revient. J'étais ministre du Travail en 1966. Il y avait un bon monsieur qui était chef d'un service. Untel ne vaut pas cher, M. le ministre, me dit-il. Je prends cela en note, lui dis-je. Je vais vérifier et je vous ferai un rapport.

Parce qu'il avait refusé de l'emmener avec lui à l'ouvrage, un bon matin, l'employé avait refusé. Je ne t'emmène pas, dit-il. Tu es trop bête pour moi. Le gars se vengeait parce qu'il n'aimait pas sa face. C'était bien insignifiant.

J'ai fait venir le chef du service. C'est peut-être pour des raisons personnelles que vous ne voulez pas qu'on donne la mention à ce monsieur, lui dis-je. Non, non dit-il. Etes-vous bien sûr? Ce n'est pas parce qu'il a refusé une fois de vous emmener en automobile, un matin? C'est un détail, dit-il. Il y a des circonstances dans la fonction publique où peut-être quelqu'un, un sous-ministre ou un dirigeant d'un organisme, n'aimera pas la face d'un gars, peut-être même sa religion, parce que ce n'est pas un péquiste, ce sera simplement un bon libéral ou un excellent unioniste, cela pourra peut-être arriver, parce qu'il en reste encore.

M. de Belleval: ... un bon libéral.

M. Bellemare: Des bons libéraux? M. de Belleval: En reste-t-il encore?

M. Bellemare: Oui, ils sont avec nous, présentement.

Je dis que c'est aller bien loin. Quand je pose cette question, je regarde l'article 120, le chapitre 17 disparaît de l'ancienne loi. Le Conseil du trésor approuve les règlements adoptés en vertu de la loi. "Le Conseil du trésor exerce les pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil en tout ce qui concerne l'approbation des plans d'organisation des organismes du gouvernement autres que ceux visés à la Loi sur la fonction publique, etc. "Il exerce aussi les pouvoirs qui sont conférés au lieutenant-gouverneur en conseil en vertu du Régime de retraite..." Je me demande une chose et je voudrais avoir votre opinion, M. Bergeron, à savoir si cet article vous plaît ou non. Ne regardez pas ma face, mais regardez bien l'article. Une chose reste sûre, c'est que cela va rester dans la loi si on n'y voit pas aujourd'hui. C'est une véritable perte de droits pour vous qui n'avez pas l'avantage d'être un syndicat.

M. Bergeron: Actuellement la rétrogradation pour les catégories de personnel que nous représentons n'existe pas, à moins qu'un individu en formule, par écrit, la demande à la Commission de la fonction publique. Quand la Commission de la fonction publique reçoit une telle demande, elle communique avec l'individu pour lui demander si on lui a tordu le bras, si on lui a fait ceci ou cela pour qu'il écrive un tel document. Si l'individu dit non, on ne m'a pas fait cela, je l'accepte ainsi pour un paquet de raisons, alors la rétrogradation n'existe pas.

Dans plusieurs ministères, on a développé un système pour faire accepter des rétrogradations à des individus. Par exemple, on dit à un individu: Tu demeures à Québec, toute ta famille est à Québec, tes enfants sont à l'Université Laval ou à tel CEGEP, on te mute à...

M. Bellemare: A Rouyn-Noranda.

M. Bergeron: Non, il y a des gens de Rouyn-Noranda aussi. On te mute à Fort Chimo.

M. Bellemare: Fort Chimo.

M. Bergeron: L'individu dit: Cela n'a pas de bon sens. On lui répond: Accepte une rétrogradation et on va te garder ici.

M. Bellemare: C'est cela, du chantage!

M. Bergeron: Ce que j'aime mieux — et je le dis souvent — plutôt que parler de rétrogradation à un individu solide, on peut s'organiser pour l'obliger à être congédié et, là, il a le droit de se faire entendre. Présentement, les gens ne peuvent pas se faire entendre sur une histoire de rétrogradation ou sur une histoire de mutation.

M. Bellemare: Si je vous comprends bien, l'article 88 pourrait rester mais avec un droit d'appel.

M. de Belleval: ...M. le député.

M. Bergeron: Quant aux articles 88 et 89, pour nous, c'est une perte de droits acquis. On se dit que les organismes qui représentent des salariés au sens du code, c'est-à-dire le Syndicat des fonctionnaires, le Syndicat des agents de la paix, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, pour inclure la notion de rétrogradation dans leur dernière convention, on leur a sûrement donné un paquet de nanane pour qu'ils acceptent cela. Quant à nous, le nanane, on ne l'a pas eu, et on nous impose aussi la rétrogradation avec le projet de loi 53.

Maintenant, j'amerais connaître le nanane que ces gens ont reçu; peut-être que nos gens seraient bien intéressés à le recevoir, ce paquet, mais, de toute façon, pour nous, la rétrogradation, c'est une perte de droits acquis parce qu'effectivement cela n'existait pas pour nos catégories de personnel.

M. de Belleval: Est-ce que je peux revenir là-dessus?

M. Bellemare: ...dire le nanane?

M. de Belleval: Oui. Comme je n'ai pas négocié l'ancienne convention collective, je ne sais pas quel nanane M. Harguindeguy a reçu de M. Oswald Parent pour accepter cela, ou s'il en a accepté un; je ne voudrais surtout pas entrer dans ce genre de jeu. Quoiqu'il en soit, la clause de rétrogradation existe maintenant en vertu des conventions collectives, et on peut se poser des questions, d'ailleurs, sur son utilité. Il reste qu'actuellement il est vrai qu'en vertu de la Loi de la fonction publique, en ce qui vous concerne, les cadres, enfin, les employés non syndiqués, on ne peut rétrograder. Il faut mettre à la porte, congédier...

M. Bellemare: Les envoyer à Alma.

M. de Belleval: ...ou envoyer à Fort Chimo, ou, en fait, mettre sur une tablette, comme on dit. Cela revient au même, mais c'est plus hypocrite.

M. Bellemare: Oui.

M. de Belleval: Et comme M. Bergeron vient de le dire, au fond, la clause de rétrogradation, dans un sens, est moins draconienne que le système actuel, puisque, comme vous venez de le dire, on peut faire des choses de façon hypocrite, et l'individu n'a aucun droit d'appel. A moins qu'on le congédie, il ne peut se faire entendre nulle part. Or, dans ce sens, il me semble que, si on a a choisir entre un système aussi radical que le système actuel et la clause de rétrogradation, celle-ci serait un progrès plutôt qu'une perte de droits, ne trouvez-vous pas?

M. Bellemare: Cela pourrait être un cataplasme sur une jambe de bois, aussi.

M. de Belleval: Oui.

M. Bergeron: M. le ministre, si on dépose une demande de révocation pour un individu, il a le droit de se faire entendre devant la Commission de la fonction publique, en vertu de l'ancienne loi.

M. de Belleval: C'est ce que je dis, en vertu de la nouvelle loi aussi.

M. Bergeron: Vous disiez qu'il n'y a pas de place où il peut se faire entendre si on le congédie. En vertu de l'ancienne loi, il a le droit de se faire entendre devant la commission.

M. de Belleval: Evidemment, c'est la question que je vous pose: Ne croyez-vous pas, de ce point de vue, qu'entre choisir une procédure hypocrite, comme celle qui existe actuellement, ou la révocation pure et simple, la clause de rétrogradation constitue un moyen terme qui est un progrès?

M. Bellemare: La question que je veux vous poser, c'est: Qui va exercer ce pouvoir de rétrogradation quand un sous-ministre est convaincu que celui qui est là lui nuit?

M. de Belleval: Je veux revenir à M. Bergeron. Je répondrai à votre question. Est-ce que vous ne pensez pas que, de ce point de vue, c'est un progrès?

M. Bergeron: M. le ministre, il m'est arrivé de conseiller à des gens d'accepter une rétrogradation. Après avoir fait une enquête approfondie, j'ai dit aux gens ou à certaines personnes: Tu serais mieux, pour telle et telle raison, d'accepter ce qu'on t'offre présentement. Maintenant, je l'aimais, ce système et j'aimerais le garder.

M. de Belleval: Oui. Je suis d'accord avec vous, mais, au fond, c'est un système qui ne protège quand même pas tellement l'individu puisque, vous l'avez dit tantôt, il donne lieu à toutes sortes de tordage de bras, peut-être de manoeuvres d'intimidation, à l'occasion, ou même de menaces de renvoi pur et simple. Dans le système que nous proposons maintenant, il y aurait des règlements. La rétrogradation ne peut pas se faire, pas plus que le congédiement, en dehors d'un cadre réglementaire. Elle ne peut plus se faire en catimini comme elle se fait maintenant, en tout cas, en ce qui concerne la rétrogradation.

A mon avis, on met sur la place publique, de ce point de vue ou, enfin, sinon sur la place du grand public mais du moins dans un cadre formel, verifiable, sur lequel la commission peut enquêter, etc., dans le cadre d'un règlement, un aspect de la gestion du personnel qui est très désagréable, mais qui existe de toute façon. On sait qu'il y a des individus, à un moment donné, qui, pour une raison ou pour une autre, que ce soit une maladie grave, que ce soit une perte de droit d'exercice ou que ce soit tout simplement, à un moment donné, une perte de compétence, au fond, ont intérêt à être rétrogrades plutôt que, comme dans le système actuel, à être congédiés purement et simplement.

M. Bellemare: La seule différence qu'il y a, M. le ministre, c'est qu'ils n'en ont pas de syndicat. C'est probablement pour tous ceux qui ont signé des conventions collectives dans les six autres syndicats, moins celui-là, parce qu'eux n'ont pas de convention collective avec vous, ils sont soumis au bon plaisir du prince. C'est pour cela qu'ils disent qu'ils vont subir maintenant la loi générale.

M. de Belleval: Oui, mais ils ne subissent pas le bon plaisir du prince. Comme je l'ai dit, la révocation, pas plus que le congédiement, maintenant, ne pourra se faire à l'avenir indépendamment d'un cadre administratif, d'un cadre réglementaire, et il y a, bien sûr, toute la procédure d'appel qui est prévue à l'article 89. Dans le cadre des négociations que nous avons actuellement, des consultations que nous avons actuellement avec l'Association des cadres intermédiaires, nous prévoyons, entre autres, que le syndicat des cadres intermédiaires pourra représenter ses membres en cas de grief sur ces points. Cela explique aussi l'article...

M. Bellemare: Pas en vertu d'un article, mais en vertu d'un ordre en conseil.

M. de Belleval: Oui, comme vous l'avez mentionné vous-même tantôt, ils n'ont pas le droit actuellement, en vertu des lois, à une accréditation.

M. Bellemare: Non.

M. de Belleval: Nous sommes donc pris, eux comme nous, d'ailleurs, à fonctionner dans le cadre de négociations de bonne foi, de rapports de bonne foi, sauf que, comme je l'ai dit tout à l'heure, plutôt que de faire cela un peu à la bonne franquette comme cela s'est fait depuis plusieurs années, on est prêt à le faire d'une façon maintenant formelle et non pas simplement d'une façon informelle, comme cela se fait maintenant, et en donnant des droits très précis à l'association et à ses membres et en imposant aussi un certain nombre d'obligations librement consenties.

A mon avis, cette clause de rétrogradation n'est pas quelque chose de si effrayant que cela, puisque, comme vous l'avez fait remarquer, elle existe dans les conventions collectives et c'est un moindre mal par rapport à un renvoi pur et simple.

M. Bergeron: M. le ministre, ce qui me fait peur, avec la clause de rétrogradation, c'est que, d'abord, les membres que nous représentons, ce sont des gens qui ont tous atteint un certain nombre d'années de service. Or, si on regarde, au gouvernement, par exemple, les sous-ministres, ce sont de jeunes hommes qui font confiance bien plus à des jeunes, et les plus âgés, eux, sont vrai-

ment mis de côté. La clause de rétrogradation que l'on retrouve dans le projet de loi 53, au départ, je suis presque assuré qu'elle va être adressée tout de suite à des personnes qui sont rendues à 55, 60, 62, 63, 64 ans, parce que les gens qui détiennent les pouvoirs dans les ministères ne font plus confiance aux gens rendus à ces âges.

C'est regrettable, et c'est pour cela qu'on vous demande de ne pas l'inclure dans la Loi de la fonction publique, parce que les personnes qui vont être pénalisées, ce sont de bons serviteurs de l'Etat, des gens qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes pour l'Etat et on va les remercier de cette façon. Cela va drôlement les pénaliser, à part cela, pour leur retraite parce que, s'il y a une baisse de salaire, cela va les pénaliser pour le reste de leur vie.

M. Bellemare: Mon cher monsieur, il y a un auteur qui a dit que les vieux, à cause de leur expérience, c'est une monnaie d'or pour acheter les péripéties de l'avenir. Je dis cela parce que j'ai l'âge, Mme le Président; étant le doyen, je ne voudrais pas qu'on me mette de côté...

M. de Belleval: Vous êtes un homme en or, M. le député. Remarquez qu'au niveau du gouvernement fédéral, la fonction publique fédérale, où cette disposition existe, elle est utilisée, je pense — on me citait les chiffres cette semaine; je crois que c'est pour 300 000 ou 400 000 employés — une douzaine de fois par année. Comme on le voit, c'est vraiment pour des cas exceptionnels. A mon avis, la réglementation en vigueur, ou la réglementation qui sera approuvée et le fait que la Commission de la fonction publique sera l'arbitre final en matière de grief, ferait aussi qu'on ne pourra pas utiliser cette clause de rétrogradation de n'importe quelle façon, pas plus qu'actuellement, on peut utiliser la clause de renvoi de n'importe quelle façon. Il y a fort peu de renvois dans la fonction publique; il faut quasiment, comme dit la chanson, que vous tuiez le sous-ministre, devant témoin, avant de pouvoir être révoqué. Il faut que vous soyez vraiment pris la main dans le sac.

M. Bellemare: Et encore, je ne suis pas bien sûr que la fonction publique ne les réaccepte pas, ces gars qui ont été pris la main dans le sac. Je connais des cas particuliers.

M. de Belleval: II ne faut quand même pas faire un drame avec des clauses qui sont là pour des cas exceptionnels et qui, dans toutes les fonctions publiques, y compris la fonction publique québécoise, en ce qui concerne déjà les clauses en vigueur, sont fort peu utilisées.

Maintenant, je ne suis pas prêt non plus à en faire tout un plat, si cela sert si peu souvent que cela. Il reste que, malgré tout, à un moment donné, il y a des individus qui, vraiment, ne veulent pas admettre qu'ils ont dépassé leur niveau d'incompétence et qu'on laisse comme cela, sans révocation. Je ne pense pas non plus que ce soit un principe de saine gestion de la fonction publi- que que de garder des gens à fort salaire à ne rien faire, à toutes fins pratiques, parce qu'ils ne sont vraiment plus compétents pour exercer leur fonction. Il s'agit d'avoir une espèce d'équilibre entre l'efficacité, la justice pour l'ensemble des fonctionnaires et des contribuables, d'une part, et évidemment éviter que ces clauses deviennent des occasions d'arbitraire et d'injustice pour les individus. Mais, est-ce que vraiment il n'y a pas moyen de faire comme d'autres ont fait, dans des circonstances semblables, et d'utiliser ces mécanismes d'une façon civilisée, dans un cadre réglementaire, avec des droits d'arbitrage, de grief, etc.? Est-ce que vraiment cela n'est pas possible?

M. Bellemare: Le premier paragraphe de l'article 89 dit que la commission peut maintenir, annuler ou modifier la décision rendue. Ce qui veut dire que, même si les arguments sont bons, la commission peut complètement rejeter la décision qui serait rendue ou la modifier.

M. de Belleval: Non, tout ce que cela veut dire, c'est que la commission entend l'appel. Elle a déjà une jurisprudence, elle fait d'ailleurs ce travail en ce qui concerne les renvois, les congédiements; elle le fait déjà et, de ce point de vue, il y a une jurisprudence, il y a des règles, il y a des règlements et, si on ne fait pas la preuve de l'incompétence, on ne peut renvoyer le fonctionnaire ou on ne peut le rétrograder.

Je voudrais revenir sur une chose que vous avez dite tantôt, M. le député. Quand vous dites... Vous avez laissé entendre qu'il s'agissait de quelque chose de nouveau, cet article 88...

M. Bellemare: Pour eux, pas pour les autres syndicats.

M. de Belleval: C'est cela, mais je voudrais quand même indiquer d'une façon très claire que l'article 88 reproduit, à toutes fins pratiques, ce qui existe pour l'ensemble des employés...

M. Bellemare: Qui a été négocié, je sais cela, qui est dans la loi...

M. de Belleval: ... sauf en ce qui concerne la clause de rétrogradation en ce qui concerne les employés non syndiqués. Maintenant, je pose la question à M. Bergeron: Est-ce que, vraiment, vous considérez que c'est une perte de droit, que c'est une épée de Damoclès ou si, au fond, ce n'est pas une clause normale qu'on retrouve ailleurs, dans d'autres fonctions publiques, qu'on retrouve d'ailleurs à l'intérieur même de la fonction publique québécoise et qui, utilisée d'une façon civilisée, dans le cadre de règlements, comme je l'ai dit, avec droit d'appel, n'est pas au fond plutôt un avantage pour plusieurs de vos membres plutôt qu'un désavantage? En fait, vous avez le choix entre la peste et le choléra.

M. Bellemare: II y a la peste et le choléra, mais il y a aussi la famine.

M. de Belleval: On vous propose, comme aux autres, un système réglementaire objectif où, au fond, vos membres vont avoir des droits supplémentaires plutôt que d'en perdre. Comme, actuellement, pour les cadres, qu'il s'agisse des cadres intermédiaires ou des cadres supérieurs, c'est le règne de l'hypocrisie, c'est le règne de la tablette larvée ou c'est le congédiement pur et simple, je vous repose la question. Vous pourrez toujours y repenser et en rediscuter; on pourra s'en reparler, je n'y tiens pas comme à la prunelle de mes yeux. Après tout, je l'ai dit tantôt, ce n'est pas une clause qui est tellement utilisée que toute l'efficacité de la fonction publique en dépende demain matin. Mais ce n'est pas non plus l'épouvantail qu'on essaie de monter.

M. Bellemare: Non. On dit que cela existe dans toutes les conventions collectives, sauf la leur. Mais vu que c'est leur mémoire qu'on discute, c'est pour cela que j'ai demandé à M. Bergeron ce qu'il en pensait au point de vue de la rétrogradation et des droits acquis. M. Bergeron dit: Ecoutez, j'aimerais mieux rester dans le statu quo que de m'exposer, parce que je n'ai pas de syndicat, parce que j'appartiens à la bonne volonté du prince, pas à autre chose. Quand ce sera dans la loi, je subirai cela moi aussi, indépendamment de ce qui peut arriver.

M. de Belleval: On y reviendra un peu plus tard, il n'y a rien qui nous empêche — si ce n'est pas assez clair dans la loi qu'un amendement le dise — que sur ces aspects-là comme sur beaucoup d'autres, et je pense à l'intervention du député de Jean-Talon à l'occasion de sa remarque sur l'article 52a qui permet actuellement une négociation sur des choses qui sont de la compétence de la Commission de la fonction publique et qui deviendront de la compétence du ministre plus tard, pour autant que, dans le cadre qui existe déjà, la commission y ait concouru par règlement, il n'y a rien qui empêche, dis-je, que pour des clauses semblables aussi — je suis d'accord avec vous que c'est important pour vous, pour vos membres — le pouvoir soit donné au ministre, mais que ce pouvoir il l'exerce dans le cadre de règlements et qu'il concoure par règlement à discuter de ces choses avec vous. Autrement dit, que l'application de cette clause fasse l'objet d'une négociation comme elle fait l'objet d'une négociation avec les syndicats. Cela m'apparaît tout à fait valable que, dans des secteurs semblables, il y ait effectivement une concertation soit avec les syndicats, comme cela existe déjà, soit avec les associations. A ce moment-là, sans doute que cela apparaîtrait moins dangereux de votre point de vue puisque vous concourriez vous aussi à l'application de la clause. C'est pour cela que je pense que vous devriez y penser encore.

M. Bellemare: II faudra que vous exigiez votre nanane vous aussi.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député d'Abitibi-Ouest et M. le député de Laviolette m'ont fait signe qu'ils voulaient intervenir et il y a aussi le député de Jean-Talon qui voulait intervenir sur le même sujet, mais je vous demanderais quand même de réserver votre question, M. le député, parce que les autres ont déjà demandé la parole depuis longtemps.

M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Mme le Président, avant de poser mes questions, vous me permettrez de faire une remarque générale sur la façon dont les travaux se déroulent à la commission parlementaire actuellement. Je ne pense pas que nous réalisions pleinement le mandat qui nous a été confié par la Chambre. Je pense qu'on devrait utiliser au maximum la présence de ceux qui ont préparé un mémoire, en l'occurrence le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec, et éviter le plus possible les discussions de compréhension des différents articles de la loi parce qu'on se penserait quelquefois en discussion après une deuxième lecture, et ce n'est pas le cas. Quant à moi, je pense qu'il y aurait davantage lieu de poser des questions à ceux qui ont travaillé le mémoire, de les interroger sur les commentaires qu'ils nous ont faits et de profiter, justement, du fait qu'ils nous font part de leurs commentaires pour bonifier la loi, s'il y a lieu de le faire, et pour s'enquérir d'un certain degré d'incompréhension mutuelle, les membres de la commission versus les dépositaires de rapports.

M. Bellemare: Qu'avez-vous à dire contre moi? Je n'ai fait que cela poser des questions.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le député.

M. Gendron: Je n'ai rien dit contre vous, je fais une remarque à l'ensemble des membres de la commission, M. Bellemare. Si vous vous sentez visé, ce n'est pas de ma faute.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député d'Abitibi-Ouest, votre question s'il vous plaît!

M. Gendron: J'aurais une première question à poser. A un certain moment vous mentionnez, sur la question de l'article 17, M. Bergeron, qu'un mandat de dix ans pourrait apporter une plus grande objectivité de la part des membres de la commission, au lieu du mandat de cinq ans mentionné dans l'article. Je voudrais tout simplement savoir sur quoi est basé le fait que vous concluez que si le mandat était de dix ans , on aurait davantage de chances d'une plus grande objectivité. J'aimerais que vous articuliez davantage.

M. Bergeron: C'est parce que la vie d'un gouvernement est habituellement de cinq ans. Alors, à chaque changement de gouvernement...

M. Bellemare: Parfois, c'est trois.

M. Bergeron: ...on changerait en même temps les membres de la Commission de la fonction publique. Avec dix ans, on aurait peut-être la chance d'avoir des membres à la Commission de la fonction publique qui pourraient survivre à un gouvernement et demi, à deux gouvernements, peut-être même à trois. Dans les circonstances, pour assurer une plus grande objectivité de la part de ces gens, on vous demande de bien vouloir étendre à dix ans le mandat des membres de la commission.

M. Gendron: A l'article 31, vous mentionnez simplement que vous comprenez par là que les décisions de la commission seront dorénavant finales et sans appel. Vous vous abstenez de porter un jugement ou une appréciation quelconque. J'aimerais savoir, en plus de conclure à l'état de fait, quel est votre point de vue là-dessus. Est-ce que vous êtes en accord ou en désaccord ou si vous avez des commentaires particuliers?

M. Bergeron: La dernière phrase de l'article 31 dit: "Celle-ci (la commission) peut, pour cause, réviser ou révoquer toute décision qu'elle a rendue". Par exemple, si elle a entendu une cause de révocation et avait décidé que l'individu ne devait pas être révoqué, à un moment donné elle révise sa décision et l'individu se trouve révoqué. Je me dis que, si la commission a le pouvoir de réviser ses décisions, l'individu qui s'est vu imposer une décision doit avoir le pouvoir de faire réviser la décision. C'est dans ce sens qu'on a fait le commentaire à l'article 31.

M. de Belleval: Je veux juste donner une explication là-dessus, très simple; c'est que ce réexamen est normal, s'il y a un fait nouveau. Quelqu'un a été révoqué sur un témoignage et on se rend compte, six mois plus tard, que le témoignage était faux, qu'il y a d'autres témoignages convergents qui disent que le témoignage sur lequel quelqu'un a été révoqué était faux. La commission doit avoir le droit, comme n'importe quel tribunal, de réentendre les parties. C'est en cas de circonstances semblables. Ce n'est pas un droit d'appel général. Ce n'est pas un droit d'appel d'ailleurs; c'est un droit de réouverture pour cause, parce qu'il y a eu manifestement une irrégularité commise. C'est juste ça.

M. Bellemare: Si ça se présentait, vous avez toujours le Protecteur du citoyen qui peut réviser cette décision.

M. de Belleval: II ne peut pas réviser, il peut seulement conseiller. Il faut que quelqu'un ait le droit de réviser.

M. Bellemare: Si, dans certains cas, il y a une véritable rétrogradation qui n'est pas admissible au point de vue des critères de base, le Protecteur du citoyen fait comme à la Commission des accidents du travail. Il fait plus que donner des avis. Il oblige la commission à changer complètement sa décision.

M. de Belleval: II n'a pas de pouvoir de redressement. Il faut donc donner à la commission le pouvoir de redressement.

M. Bergeron: A ce moment-là, il faudrait aussi peut-être donner à l'individu impliqué un pouvoir de redressement; il faudrait que cela aille des deux côtés.

M. de Belleval: Cela va des deux côtés.

M. Bergeron: Ah bon. Comme ça, le texte que nous avons produit où on vous dit qu'on estime que les décisions de la commission ne seront plus dorénavant finales et sans appel, vous êtes d'accord avec ça?

M. de Belleval: Non. C'est-à-dire que les décisions sont sans appel, sauf si un fait nouveau survient à un moment donné et que manifestement la décision qui est sans appel et qui a été rendue doit être revue. Je vous parlais tantôt d'un faux témoignage. Quelqu'un revient deux ans après et dit: Vous savez, le monsieur que vous avez révoqué parce qu'il avait fait telle chose, vous l'avez révoqué sous la foi de tel témoignage, on vous demande de rouvrir le procès. C'est la même chose qui existe dans le droit ordinaire. Il vient de se produire un fait nouveau et on se rend compte que ce témoignage était un faux témoignage. On ne se prononce pas sur le mérite; c'est qu'il existe un fait nouveau. La commission regarde ça et dit: C'est vrai, il y a un faux témoignage. Donc, il faut changer notre décision, parce que c'est un fait nouveau. Si on ne lui permet pas de changer sa décision, même si on se rendait compte et que tout le monde était d'accord pour dire qu'il y a une injustice, on ne pourrait pas revenir en arrière. C'est seulement ça, ce pouvoir; c'est purement technique.

M. Bergeron: Parfait. Merci.

M. Garneau: Je ne suis pas d'accord du tout avec les propos du ministre dans la formulation de l'article tel qu'il est rédigé. Ce qu'il explique, ce n'est pas le sens de l'article 31 ; il faudrait qu'il soit rédigé autrement.

Je crois que la question telle qu'elle a été soulevée doit être posée, parce que c'est une chose que de rendre une décision sans appel et que la commission elle-même déclare s'être trompée à un certain moment. Mais je crois que l'article 31, si c'est le sens que vient de donner le ministre qui joue, devrait être formulé autrement.

D'ailleurs, je n'ai pas voulu entrer dans tous les détails, mais il y a plusieurs articles dans le projet de loi où cette question de la décision de la commission à savoir si elle est avec ou sans appel, il faudra que ce point soit précisé. Lorsqu'on étudiera le projet de loi article par article — je n'ai pas voulu le faire à ce stade-ci de nos travaux — après la deuxième lecture, il faudra le préciser. Il y a plusieurs de ces articles, j'invite le ministre à les regarder, où, à certains endroits, on l'indique et à d'autres endroits, on ne l'indique pas. Il faudrait

savoir pourquoi on ne l'indique pas partout ou nulle part.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député, vous avez terminé. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Ma question porte sur l'article 70. Quand vous avez parlé du principe du mérite, vous posez une question à savoir quelle est la position de la commission parlementaire sur ce principe.

Vous avez donné comme exemple des choses qui se rapportaient au salaire, ce qu'on appelle dans le jargon la "merit pay", ou la paie mérite, et je pense que le texte ne veut pas dire cela. Quelle relation faites-vous entre les deux?

M. Bergeron: Je n'ai pas pu justement vous dire que j'ai apporté cela strictement comme exemple. Je voulais vous le dire. Pourquoi ai-je apporté cela comme exemple? C'est le seul exemple qu'on a vécu dans la fonction publique au niveau du principe du mérite. C'est pour cette raison que je l'ai apporté en exemple, tout simplement.

M. Jolivet: Très bien. C'est comme exemple simplement et non pas sur le texte...

M. Bergeron: Strictement comme exemple, oui.

M. Jolivet: Très bien.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon, vous aviez manifesté l'intention de poser une question.

M. Garneau: Oui.

Le Président (Mme Cuerrier): ... au président du syndicat à propos de l'article 88.

M. Garneau: 88. C'est juste, et également pour faire des commentaires. Je pense qu'on parle de choses, non pas en regard de M. Bergeron, mais il y a eu des échanges de propos autour de la table qui m'incitent à me reposer des questions sur l'interprétation des textes, parce que là, on va appliquer une loi. On n'appliquera pas des intentions, même si elles sont consignés au journal des Débats.

Le député de Johnson a souligné, à juste titre, la différence qu'il pouvait y avoir entre un syndicat ou une association comme la vôtre et un syndicat dûment accrédité en vertu des dispositions du Code du travail.

Je voudrais attirer l'attention de la commission et peut-être du ministre aussi sur le fait que la portée de l'article 88, quand on le regarde en regard de l'article 119. il fait en sorte que toutes les questions concernant les suspensions, congédiements, appel d'un employé qui se croit lésé par une décision relativement à son classement, ces choses ne seront plus négociables à l'avenir. Elles seront en dehors du champ de négociation, à moins que le ministre accepte de négocier ses propres règlements et c'est bien important de le souligner et j'attire l'attention...

Je pense que le député de Johnson l'avait noté également, mais dans le cas des syndicats, comme le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, le syndicat des autres employés qui sont dûment accrédités, qui ne sont pas uniquement des associations qu'on appelle bona fide, les paragraphes e), f) et g) sont supprimés par le paragraphe c) de l'article 119, de telle sorte que toutes ces questions ne seront plus négociables, dans le cadre d'une négociation collective.

Un autre point que je voulais souligner. L'article 88 est un article de droit nouveau et je ne dis pas qu'il ne doit pas exister dans le cadre d'une gérance un peu plus efficace de la fonction publique certains processus semblables à ceux exposés là, mais une des grandes différences que souligne l'article 88 en regard de l'article 119, c'est, comme les règlements ne feront plus partie des conventions collectives concernant les congédiements, les suspensions et les appels pour un employé qui se sent lésé dans son classement, l'appel qui sera fait à la commission sera fait en vertu du règlement du ministre et la commission aura à statuer en fonction de ce qu'on appelle le droit statutaire et non pas en fonction du mérite, en fonction de l'équité. C'est une différence assez importante, parce qu'à moins que le ministre nous dise et qu'il nous le prouve en le mettant dans son règlement, la Commission de la fonction publique qui va entendre le droit d'appel suite à un congédiement ou selon les autres choses écrites à l'article 88, cette dernière ne pourra faire autrement que statuer en fonction du règlement et non pas en fonction de l'équité.

Si le règlement dit, par exemple, qu'un employé qui est arrivé cinq fois en retard, on le congédie. La commission va entendre l'appel. Elle va vérifier si c'est vrai que l'employé est arrivé cinq fois en retard — c'est une exagération — mais c'est pour donner un exemple — si c'est vrai, la commission n'aura pas d'autre choix que d'appliquer le règlement édicté par le ministre et, dans ce sens, le bonhomme pourrait être arrivé en retard cinq fois parce que, cinq fois, il venait de Lévis, il y avait eu un accident sur le pont de Québec et il avait été pris dans un embouteillage de la circulation.

Si la commission pouvait juger en termes d'équité, elle dirait que cela n'a pas de sens. C'est vrai qu'il est arrivé cinq jours en retard, mais il avait des raisons. Donc elle pourrait juger en termes d'équité, à moins que le règlement nous le dise; cela, je ne le sais pas parce que je n'ai pas le règlement et qu'un règlement peut toujours être changé. Il y a le fait, d'abord, qu'il ne soit plus négociable pour n'importe quel syndicat; le fait que cela devienne dans son application un droit statutaire et non pas comme un appel en vertu d'un grief où souvent l'arbitre juge en termes d'équité et en plus le tribunal d'arbitrage est désigné par le syndicat, par l'employeur et souvent avec un arbitre, une tierce personne ou encore à partir d'une liste de gens admissibles au ministère du Travail

pour agir comme arbitres. Tout cela fait qu'il faudrait sans doute réviser et étudier bien à fond cette question. L'article 88, surtout pour ce qui est des syndicats qui sont appelés à négocier en bonne et due forme d'après le texte de la loi, je ne vois pas pourquoi les syndicats ne pourraient pas négocier, dans le cadre d'une convention collective, les paragraphes e, f et g.

Quand on parle des règlements de griefs, là aussi il y a des problèmes que je ne voudrais certainement pas aborder pour le moment, mais certainement e, f et g. Pour ce qui est des autres personnes qui ne sont pas membres de syndicats suivant les normes du Code du travail, il y a une explication qu'il va falloir savoir. Je ne sais pas comment elle peut être donnée. Peut-elle être donnée dans la loi? Ce serait sûrement une plus grande assurance à savoir si cette nouvelle procédure sera du droit statutaire ou de l'équité. La commission a consacré un certain nombre de minutes à étudier cet aspect. Probablement qu'on aura l'occasion de le voir avec d'autres groupes qui viendront témoigner, mais chose certaine, c'est qu'il y a matière à réflexion parce que la portée des articles 88 et 89, lus en regard des articles 119 et 3, est beaucoup plus large, même dans le cadre d'une stricte efficacité de la fonction publique. Je sais qu'il y a parfois des tablettes, comme le disait le ministre, mais cet article 88, en plus de tout le reste, n'élimine pas les tablettes. Il ajoute, mais il n'élimine pas les tablettes, de telle sorte que cela m'apparaît un domaine où il s'agit de droit nouveau. Avant de le geler dans des textes législatifs, je ne veux pas me prononcer, pour le moment, sur la question de savoir s'il devrait y avoir un pouvoir comme celui qui est inclus à l'article 88. Mais s'il l'était, je crois qu'il faudrait prendre des précautions qui seraient élémentaires pour s'assurer que cela ne constitue pas un accroc aux relations normales de travail entre employeurs et employés.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le président du syndicat.

M. de Belleval: Avez-vous quelque chose à dire là-dessus, M. Bergeron?

M. Bergeron: Effectivement, dans notre mémoire, à plusieurs endroits on vous mentionne qu'on aimerait connaître les règlements qui vont aller avec tel article. J'ai vécu encore une expérience — je m'excuse de toujours vous parler en termes d'expérience — dans l'ancienne loi de la fonction publique, c'est-à-dire dans cette qui est actuellement en vigueur, on a l'article 45 qui traite des surnuméraires. Pour moi, les surnuméraires ce sont les cas de tablettes, présentement. On dit que ces gens doivent être référés au ministère de la Fonction publique. Là, le ministère de la Fonction publique doit faire quelque chose avec eux. On a eu plusieurs cas comme cela, mais, comme on n'a jamais développé au sein du ministère de la Fonction publique un service pour recevoir ces gens, on se dit alors que c'est bien beau des articles dans une loi, mais, si on ne passe pas les rè- glements qui vont aller avec les articles, qu'est-ce que cela donne au bout? C'est pour cela que dans notre mémoire on vous demandait de bien vouloir nous déposer, avant l'adoption de la loi 53, les fameux règlements qui vont aller avec la loi 53.

M. de Belleval: II serait à peu près impossible de faire cela pour des raisons évidentes. Votre suggestion de procéder plutôt par prépublication des règlements, à mon avis, est intéressante. Dans ce sens, même si la loi est adoptée, il faudrait revenir ensuite en prépublication pour les règlements, donc discussion des règlements comme tels, parce que c'est cela qu'on veut. Ce qu'on veut c'est de faire en sorte qu'il y ait une discussion à un moment donné sur les règlements, peu importe le moment, soit qu'ils soient adoptés en même temps ou après la loi. De toute façon il y en aura toujours qui seront adoptés après la loi.

Je voudrais revenir sur l'aspect soulevé par le député de Jean-Talon, il est évident que l'intention du ministre et aussi l'intention de la loi, ce n'est pas, comme je l'ai dit tout à l'heure, de restreindre une procédure qui était déjà prévue par les conventions collectives.

En ce qui concerne l'article 52a, vous avez souligné avec raison que cet article, sans restreindre le pouvoir de réglementation du ministre, ne soustrayait pas à l'aire des négociations ou permettait de ne pas soustraire à l'aire des négociations des matières qui relevaient de la Commission de la fonction publique. Il y a une clause qui permet donc à la commission de concourir à une négociation entre le syndicat et le ministre ou, enfin, le gouvernement. On me suit bien, là-dessus?

M. Garneau: Je ne suis sûr d'avoir compris, mais j'aimerais que vous repreniez, parce que je ne suis pas certain que les textes disent ce que vous exprimez.

M. de Belleval: Je veux dire que le texte, actuellement...

M. Garneau: Le texte, actuellement, à l'article 52a...

Le Président (Mme Cuerrier): Je me trouve dans l'obligation de vous rappeler qu'il ne s'agit pas d'une discussion mais bien d'entendre le Syndicat des cadres du gouvernement du Québec; actuellement, nous prenons une tangente.

M. Garneau: Ce que vous dites est vrai, Mme le Président, mais, d'un autre côté, si on veut s'entendre, si on veut se comprendre avec les témoins, il faut au moins qu'on sache exactement la portée de la loi, parce qu'il y a d'autres aspects, aussi. Vous avez fait une recommandation au sujet de la signature des ententes, mais si la loi est adoptée telle qu'elle, je me demande, au juste, ce que vous allez signer dans votre entente, parce que je vous assure qu'il ne reste pas grand-chose à négocier.

Comme ancien membre du gouvernement, parfois, je me dis: Le pouvoir politique aime bien avoir un champ assez vaste mais, là, il faut quand

même se rendre compte que ce qui va rester, une fois qu'on aura fini nos discussions et que cette loi sera adoptée, cela va être le texte de la loi; quand vous nous dites, par exemple, à l'article 6, que vous voudriez que le pouvoir soit pour signer des ententes, "checkez" bien vos "claques", parce qu'il ne reste plus grand-chose à signer dans vos ententes.

Si le sens, si la portée juridique de la loi est comme je la comprends, et elle me paraît assez claire, peut-être que, lorsque le ministre l'explique, ce que je comprends de ses propos, en tout cas, c'est qu'ils ne sont pas en concordance avec le libellé de l'article, et si c'est moi qui comprends mal, je serai très heureux de me le faire expliquer, mais si c'est moi qui ai raison, il faudrait sans doute que le ministre analyse, avec ses conseillers juridiques, le texte de loi tel qu'il est, pour être bien sûr qu'il traduit ses intentions, et c'est ce qui est important, dans le cas présent.

M. de Belleval: Ce que je voulais dire là-dessus, je me rends compte que nous parlons de la même chose, et c'est ce qui est important, effectivement, je pense, et vous avez raison de le souligner, non seulement pour l'Association des cadres, mais aussi pour les autres qui vont venir tout à l'heure, qu'il s'agisse de syndicats en vertu du Code du travail, c'est encore plus évident dans leur cas, puisque, pour les cadres qui sont non syndiqués, de toute façon, la situation actuelle n'est pas meilleure que ce que nous proposons, puisque, de toute façon, ils n'ont pas de droit de négociation, formellement, actuellement.

Et ce qu'on dit maintenant servira, de toute façon, lorsqu'on discutera avec les représentants dans le cadre des prochains mémoires, mais ce que je veux dire là-dessus — je pense qu'il est important qu'on se comprenne tout de suite — c'est que si l'interprétation de la loi, telle que rédigée actuellement, devait être en ce sens que les possibilités que nous offre l'article 52a, actuellement disparaissent, ce n'est pas l'intention du ministre, comme je le dis, ni de la loi, de faire cela et, à ce moment-là, il faudra réintroduire la porte que nous ouvrait l'article 52a, c'est ce que je veux dire.

M. Garneau: A ce moment-là, cela signifierait tout simplement que s'il y avait à modifier l'article 119, il devrait disparaître, à toutes fins utiles, à moins que ce ne soit pour apporter des amendements de concordance à l'avant-dernier et au dernier paragraphes, où on fait référence à la commission et au lieutenant-gouverneur, et les modifier, à ce moment-là, pour inclure les noms des organismes, que ce soit le ministre ou autrement.

M. de Belleval: L'office de recrutement, la commission ou le ministre.

M. Garneau: II restera toujours l'ambiguïté de savoir si, juridiquement, on voit qu'on fait du droit nouveau, parce qu'il y a un principe juridique qui a toujours été dans la loi, qui dit — comment dit-on cela en latin?— "Delegare non potest"?

M. de Belleval: "Delegatus non potest delegare".

M. Garneau: On l'a viré à l'envers, cela veut dire la même chose, on l'étend d'une façon sensible et, ici, on fait encore du droit nouveau puisque, si on gardait l'article 3 tel qu'il est là, cela voudrait dire qu'on ferait encore du droit nouveau, où le lieutenant-gouverneur négocierait ses propres règlements. Ou on négocie une convention collective, ou on ne la négocie pas.

A ce moment, je ne vois pas pourquoi, dans le cadre des fonctions qui sont attribuées à des personnels régis par un syndicat en bonne et due forme, je ne vois pas pourquoi ces questions ne seraient pas réglées dans le cadre de la convention collective plutôt que dans le cadre d'un rè-qlement parce qu'il va y avoir quelque chose qui va sonner faux. Je pense que, sur le plan juridique, il y a des gens qui nous écoutent et qui, probablement, sont plus savants que moi là-dessus... Il y a certainement matière à réflexion.

Je pense que j'arrêterais là pour le moment.

Le Président (Mme Cuerrier): II me reste donc, M. le Président, à vous remercier ainsi que le syndicat des cadres du gouvernement du Québec, dont vous êtes le porte-parole, pour être venus éclairer cette commission sur votre façon de penser par rapport à la loi 53 après la première lecture.

J'inviterai maintenant MM. Alfred Veilleux et Bruno Duchesne qui présentent à la commission un mémoire à titre personnel. M. Veilleux, M. Duchesne.

MM. Alfred Veilleux et Bruno Duchesne

M. Duchesne (Bruno): Mme le Président, nous tenons tout d'abord à remercier la commission parlementaire et ses membres de bien vouloir nous permettre d'exprimer notre point de vue sur le projet de loi sur la fonction publique et nous tenons également à remercier le gouvernement du Québec de s'être intéressé dès sa première année de pouvoir au problème de la fonction publique. Nous tenons également à préciser immédiatement que nous sommes deux professionnels à l'emploi du gouvernement du Québec depuis déjà un certain nombre d'années et que nous présentons ce mémoire à titre strictement personnel.

Il s'agit de notre réflexion sur la situation de la fonction publique québécoise vue de l'intérieur en rapport avec ce que le projet de loi 53 veut y corriger. Le but du mémoire que nous présentons devant la commission parlementaire est de mettre l'accent sur ce qui apparaît être les principaux problèmes de la fonction publique, c'est-à-dire ceux de l'ensemble de l'appareil administratif du gouvernement du Québec. Selon la présentation du ministre de la Fonction publique, le projet de loi sur la fonction publique vise principalement l'amélioration de la productivité et de l'efficacité dans l'utilisation du personnel de la fonction publique et tente de renforcer et d'expliciter le prin-

cipe et les modalités d'application du régime du mérite qui doit gouverner l'entrée et la promotion dans la fonction publique.

Après avoir lu ces buts, le lecteur s'attend à trouver dans ce projet de loi une définition de ce qu'est une fonction publique efficace qui saura utiliser au maximum ses ressources humaines dans le meilleur intérêt de tous les Québécois qu'elle doit desservir. Mais, lorsqu'on lit les 136 articles du projet de loi, nous constatons que, exception faite de l'article 5, paragraphe b), qui dit: "Le ministre est en outre chargé d'élaborer et de proposer au gouvernement des mesures visant à accroître l'efficacité du personnel de la fonction publique", ce projet de loi ne fait que modifier les structures actuelles chargées de la dotation du personnel, redistribuer certains pouvoirs quant à la promotion du personnel de la fonction publique et remettre en cause certains volets des conditions de travail des fonctionnaires qui sont actuellement régis par des conventions collectives.

Nous ne croyons pas que ces efforts, si louables soient-ils, solutionnent les problèmes d'efficacité du personnel de la fonction publique québécoise, ni qu'ils permettent de préciser ce qu'est le mérite de chaque fonctionnaire afin que l'on puisse le récompenser ou le punir. Il faut, certes, qu'un ménage soit fait parmi les fonctionnaires et que l'on améliore l'efficacité des processus de recrutement pour combler les postes vacants. Ne serait-il pas plus important d'opérationnaliser le concept de fonction publique au service de la population québécoise? Si l'avancement des employés de la fonction publique est basé sur le principe du mérite, il faudrait, à notre avis, que ce mérite soit basé sur la production des fonctionnaires.

Cette production s'appelle, selon nous, avant tout, un service public à une population définie qui exprime ou ressent des besoins spécifiques.

On cherche vainement dans le projet de loi sur la fonction publique cette notion de service à la population québécoise et des mécanismes susceptibles d'évaluer la qualité ou la quantité de ces services.

C'est principalement cette absence de mécanismes d'évaluation des programmes de la fonction publique et de leur impact auprès de la population québécoise qui nous fait croire que ce projet de loi risque de ne pas atteindre les principaux objectifs qu'il vise. A la rigueur le projet de loi sur la fonction publique, tel que déposé, permettra peut-être d'améliorer l'efficacité de l'actuelle Commission de la fonction publique qui met un temps incroyable à combler les postes vacants des ministères et organismes du gouvernement du Québec. Mais que fera-t-il pour l'efficacité des autres ministères?

M. Veilleux: Vous me permettrez d'essayer de synthétiser ce qui nous apparaît être les principaux problèmes de la fonction publique. On ne veut pas présenter ici une liste exhaustive des problèmes de la fonction publique, mais simplement identifier ceux qui nous apparaissent les plus centraux et les plus urgents. J'en nommerais cinq.

Il y a la centralisation et l'absence de délégation de pouvoirs; la mobilité presque inexistante; la relation entre l'administratif et le politique — il y a plusieurs points sur ce sujet qui semblent gravement déficitaires — ; il y a l'absence de mécanisme d'évaluation des programmes gouvernementaux — c'est probablement la carence fondamentale à notre avis — et enfin il y a un problème général de motivation qui n'apparaît pas dans notre texte en détail comme problème, mais au niveau des recommandations. Nous y reviendrons.

Le premier problème qui nous apparaît fondamental est celui de la centralisation et de l'absence de délégation de pouvoirs. La fonction publique du Québec, c'est une bureaucratie présentement très centralisée où on ne retrouve pratiquement pas de délégation de pouvoirs — mais pas dans le même sens que délégation de pouvoirs du texte de loi — et où il est pratiquement impossible de trouver une personne finalement responsable d'un dossier. Toutes les décisions doivent remonter aux organismes centraux et la puissance de court-circuitage des organismes centraux est énorme. Les sous-ministres et autres cadres supérieurs — je veux simplement rappeler qu'il y a environ 65 organismes autonomes, 22 ou 23 ministères et 3 ou 4 organismes centraux, alors c'est dans ce contexte que je parle des organismes centraux et des ministères — n'ont que le pouvoir de recommander à ces organismes centraux, dans plusieurs cas, des moyens d'utiliser des ressources qui leur sont allouées en début d'exercice financier et qu'en principe ils ont la responsabilité d'administrer. Malheureusement, la plupart du temps il s'agit là d'une responsabilité sans pouvoir réel de l'exercer puisqu'il y a toujours des possibilités de court-circuiter.

Le deuxième phénomène ou problème assez aigu, c'est celui de la mobilité qui nous apparaît presque inexistante. Ce problème a été rappelé à plusieurs occasions par les actuels ministres du gouvernement par des ministres de gouvernements antérieurs, par le premier ministre lui-même, lors d'un discours qu'il faisait à la remise des diplômes de l'ENAP. On déplore, en général, le fait que les fonctionnaires ne sont pas suffisamment mobiles dans la fonction publique, et là il s'agit de mobilité horizontale, c'est-à-dire mobilité qui n'implique pas de promotion. La possibilité de pouvoir faire changer quelqu'un de poste.

Pourquoi les fonctionnaires ne sont-ils pas très mobiles? Nous croyons que la principale raison est le fait que, dans la fonction publique, les employés de l'Etat sont affectés sur le principe de postes de travail, plutôt que d'être affectés ou de travailler sur des mandats précis. Dans quelque organisation que ce soit, un employé chargé d'un mandat clair sait que lorsqu'il aura réalisé son mandat, il devra nécessairement, par la suite, changer de travail. Evidemment, les postes sur lesquels les fonctionnaires sont affectés font partie intégrante d'un service, d'une direction ou d'un ministère; il devient donc nécessaire, pour un fonctionnaire qui veut être mobile, de changer de poste. Nous suggérons et nous nous demandons

s'il ne serait pas plus simple de le faire changer de mandat, si notre structure était ainsi conçue.

Les administrateurs des ministères, lorsqu'ils ont un mandat important à confier à quelqu'un présentement, doivent d'abord se demander s'ils ont un poste disponible pour y affecter une personne apte à réaliser ce mandat. Ce poste, sauf exception, est désormais fixé dans la structure, même quand le mandat est réalisé, alors que, déjà, fondamentalement, il existe, pour un grand nombre de fonctionnaires, une permanence de base. Je voudrais noter ici que ce problème de mobilité ne touche pas nécessairement tous les employés de l'Etat, mais il y a un certain nombre de professionnels, de spécialistes, ainsi que de cadres qui, normalement, sont appelés, selon les urgences, ou devraient être appelés, à travailler à différents endroits et non pas à demeurer uniquement et éternellement fixés dans tel ou tel poste.

Un autre problème qui nous apparaît assez fondamental, c'est celui de la relation entre l'administratif et le politique. Ce problème important pour la majorité des professionnels et employés de soutien de la fonction publique du Québec concerne l'éloignement qui existe entre les gens qui travaillent à préparer un dossier volumineux et ceux qui prennent une décision sur ces mêmes dossiers. Il y a aussi une certaine disproportion d'équipement entre le personnel des cabinets, par exemple, et le personnel d'un très gros ministère qui relève, par voie de la pyramide, entièrement du sous-ministre. Lorsqu'un problème majeur se présente, on demande, la plupart du temps, à un ou des professionnels d'effectuer une étude poussée de la question et de faire les recommandations qui s'imposent. Souvent, après plusieurs mois d'un travail sérieux, un volumineux rapport est déposé au supérieur immédiat de ce groupe de travail. Celui-ci, plus souvent qu'autrement, se permet, en quelques heures parfois, de modifier les recommandations qui ne lui plaisent pas et transmet le dossier à son supérieur immédiat. Là, évidemment, plusieurs transformations interviennent simplement par la quantité des couches de hiérarchie qui existent entre ceux qui, au départ, ont fait le travail et le niveau politique où cela parvient. Il en est ainsi tout au long de la structure hiérarchique, tant et si bien que le résumé de quelques pages déposé devant le sous-ministre ou le ministre, ou le comité ministériel permanent ne représente généralement plus l'esprit de l'étude qui avait été effectuée par la base, souvent ne tient pas compte de toutes les mises en garde du rapport détaillé et très souvent ne contient pas les recommandations qui apporteraient une solution véritable au problème étudié. On note que très souvent c'est sur ce dernier travail que le niveau politique devra prendre sa décision sans même avoir l'opportunité, par les structures existantes, de demander l'avis des gens qui ont étudié le problème pendant des mois. Ensuite, très souvent, on s'étonne que les décisions prises ne règlent pas le problème ou ne soient plus du tout opportunes en termes de temps.

Le quatrième problème est fondamental. C'est celui de l'absence de mécanisme d'évaluation des programmes gouvernementaux. A notre avis, c'est le plus sérieux des problèmes que nous avons examinés. Il n'existe pas, à notre connaissance, au gouvernement du Québec, de mécanisme efficace permettant d'évaluer l'impact et la valeur des programmes gouvernementaux. La seule façon que nous connaissons actuellement d'évaluer si un gouvernement répond aux besoins de la population en général, c'est l'élection générale. Cela revient une fois par quatre ans, avec les taux de satisfaction et d'insatisfaction que l'on connaît depuis une décennie. Mais, même si c'est très valable, les élections générales permettent aux citoyens de se prononcer sur une moyenne de services offerts et sur la moyenne des programmes proposés par l'Etat. On aurait probablement plusieurs surprises si on évaluait les programmes gouvernementaux un par un. Depuis plusieurs années déjà, le gouvernement du Québec et plus particulièrement le Conseil du trésor utilisent comme mode de gestion le PPBS. Mais, pendant tout ce temps, on a escamoté la phase qui nous paraît la plus importante du PPBS et même sa raison d'être qui était l'évaluation. On s'est attardé à programmer et à planifier des enveloppes budgétaires réparties de façon arbitraire au gré des taux de croissance annuels pour chaque secteur d'activité. Mais il est très rare que les programmes gouvernementaux soient occasionnellement remis en cause. Même si les besoins de la population évoluent constamment, on n'évalue pas périodiquement l'impact réel des programmes et leur correspondance avec les besoins de la population.

Alors, comment sera-t-il possible d'évaluer le rendement et l'efficacité de chaque employé de fa fonction publique si on ne peut même pas évaluer l'efficacité de chaque programme du gouvernement? Le problème de motivation nous apparaît une conséquence à tous ces autres problèmes, nous n'en faisons pas de description spéciale, puisque c'est un problème évident à notre avis, d'un simple coup d'oeil.

M. Duchesne: Au niveau des recommandations que nous désirons présenter à la commission parlementaire, il s'agit là essentiellement du fruit de notre réflexion. C'est pourquoi nous nous permettons de faire ces recommandations et ajouter à celles-là le volet indiquant à la commission parlementaire qu'il s'agirait peut-être de soumettre ces quelques hypothèses à des personnes beaucoup plus spécialisées pour qu'elles puissent déterminer s'il s'agit, dans ces recommandations ou dans les solutions à apporter à ces problèmes, de faire des amendements à une loi ou encore de préparer une foule de règlements permettant d'adopter une loi, permettant "d'opérationnaliser" l'application de la loi, ou encore, dans certains cas, possiblement qu'il ne s'agira que de modalités d'application, c'est-à-dire de mise en place de structures qui n'existent peut-être pas présentement et qui auraient intérêt à exister.

Nous laissons ce soin à la bienveillance des membres de la commission parlementaire de transmettre à des spécialistes les questions soulevées ici, s'ils le jugent opportun. En ce qui

concerne le premier problème soulevé précédemment, nous indiquons à la commission qu'afin d'améliorer l'efficacité de la fonction publique, en général, nous croyons qu'il est de la responsabilité du gouvernement, de déconcentrer certains pouvoirs administratifs aux hauts fonctionnaires. On leur donne hélas! trop souvent— à ces hauts fonctionnaires et aux autres fonctionnaires—des responsabilités, mais on leur délègue très rarement les pouvoirs qui leur permettraient une action plus efficace auprès de leur clientèle, c'est-à-dire la population québécoise ou une partie de la population québécoise.

Il faut donc que les organismes centraux apprennent à déléguer des pouvoirs pour que la fonction publique améliore son efficacité et puisse donner un meilleur service à cette population. En plus d'avoir l'avantage d'alléger le fardeau des organismes centraux, une véritable délégation de pouvoirs permettrait, à notre avis, aux citoyens du Québec, de connaître enfin les véritables responsables des programmes dont ils ont besoin.

En ce qui concerne la mobilité, afin de faciliter une plus grande mobilité des fonctionnaires, nous proposons que soit intégré au gouvernement du Québec le concept de fonctionnement par mandat. Ce principe pourrait peut-être, à titre d'exemple, s'exprimer ainsi. Chaque employé pour qui la mobilité — encore là, ça ne se rattache pas à tous les employés de la fonction publique — peut être jugée opportune devrait être affecté à un poste qui reste le même tout au long de sa carrière. Qu'un organisme qui a besoin d'un employé définisse un mandat clair et ceux qui sont intéressés à travailler à ce mandat viennent avec leur poste travailler dans l'organisme responsable du mandat, selon les priorités du moment que vit la fonction publique en général.

Afin de favoriser une meilleure exploitation des aptitudes de chacun, nous proposons également qu'au système intégré, l'information de gestion de personnel proposée à l'article 5e du projet de loi, on ajoute ou on pense ajouter un fichier des mandats sur lesquels on a besoin de personnel à l'échelle de la fonction publique. Egalement, le deuxième volet de ce fichier, un fichier comprenant les réalisations de chaque fonctionnaire mobile dans le cadre de ses expériences antérieures.

Evidemment, le premier fichier devrait être accessible à tous les fonctionnaires intéressés à relever de nouveaux défis, et le second desservirait les gestionnaires intéressés à retrouver un employé compétent pour réaliser un mandat disponible.

Quant au troisième volet des relations politiques par rapport à l'aspect administratif, nous recommandons que chaque fonctionnaire chargé d'étudier en profondeur un dossier soit au moins obligé de présenter à l'intention du décideur lui-même un résumé synthèse de quelques pages sur les principales recommandations de son étude, en plus des volumineux rapports qui contiennent toutes les facettes de l'étude et que trop souvent, hélas! le niveau décisionnel n'a pas le temps de lire.

Nous recommandons également que ces résumés soient intégralement joints à ceux qui sont faits tout au long de la structure hiérarchique, afin que le point de vue de ceux qui étudient une question pendant de long mois ne soit pas dilué tout au lonq de la structure décisionnelle.

Et là, il ne s'agit pas, évidemment, de court-circuiter la structure existante ou nécessairement de la modifier, mais simplement, à notre avis, de la compléter, en permettant à ceux qui ont à effectuer le travail au niveau de la base de s'assurer que leur opinion ou que leur point de vue, dans une certaine mesure, dans le cadre d'un document synthèse, puisse se rendre aux instances décisionnelles.

L'évaluation des programmes gouvernementaux. Nous recommandons ici, à titre d'exemple, que soient peut-être mis sur pied des mécanismes permanents d'évaluation des programmes du gouvernement du Québec.

Ces mécanismes pourraient peut-être prendre l'allure de ce qu'on pourrait appeler un office d'évaluation des programmes qui pourrait avoir pour mandat, par exemple, de faire rapport au gouvernement de la qualité des programmes gouvernementaux, à partir de sondages directs auprès de la population touchée par chaque programme.

Les résultats de ces rapports pourraient par la suite servir à améliorer la qualité et l'efficacité des programmes en place ou à réorienter l'action gouvernementale dans certains secteurs.

Sur le plan de la motivation, afin de permettre une motivation plus grande des professionnels de la fonction publique, nous recommandons que les postes d'adjoints aux cadres supérieurs et d'administrateurs classe IV soient comblés dans la mesure du possible par voie de recrutement interne, c'est-à-dire qu'on considère qu'il y a possiblement dans la fonction publique toutes les ressources compétentes pour combler les postes d'adjoints aux cadres et d'administrateurs classe IV.

On conçoit très bien qu'à de plus hauts échelons il s'agisse souvent de personnes beaucoup plus spécialisées qui viennet fort possiblement, dans plusieurs cas, de l'extérieur de la fonction publique, mais que, pour au moins ces niveaux — parce que ce sont encore des niveaux très techniques sur lesquels ces gens ont à se prononcer — utilise les compétences de la fonction publique.

Par ailleurs, il y aurait lieu, à notre avis, de permettre à certains professionnels très compétents de continuer à agir comme spécialistes dans leur discipline et de continuer leur évolution salariale, sans nécessairement devoir opter pour le secteur administratif.

On devrait également, de plus, permettre à ces professionnels de suivre des programmes de perfectionnement dans leur spécialité, comme c'est le cas pour les professionels orientés vers l'administration, qui ont la possibilité de faire des programmes du genre de celui que propose l'Ecole nationale d'administration publique. Ceci aurait comme avantage de permettre au gouvernement du Québec de développer et de conserver à son emploi les meilleurs de ses spécialistes, puisque nous concevons très mal le concept qui veut que nécessairement un directeur d'un centre de re-

cherche, par exemple, soit le mieux payé de la boîte.

Il est, à notre avis, tout aussi admissible qu'un superspécialiste obtienne un meilleur salaire que celui qui a à le diriger parce que les fonctions sont quand même différentes.

En guise de conclusion, donc, nous croyons que ces quelques recommandations, si elles étaient approfondies davantage par les spécialistes, permettraient de régler ou d'atténuer certains des problèmes de la fonction publique qui sont entièrement évités par le projet de loi actuel de la fonction publique tel que déposé.

M. Veilleux: Nous espérons donc, messieurs, madame, membres de la commission parlementaire, que ces quelques réflexions sur la fonction publique, ce qu'elle devrait être et ses problèmes actuels permettront de mieux juger de la pertinence et de l'efficacité qu'aura le projet de loi sur la fonction publique déposé devant vous.

Nous croyons peut-être que vous en viendrez à la conclusion que le projet de loi 53 devrait s'intituler plutôt: Loi sur le ministère de la Fonction publique. Vous penserez peut-être aussi qu'il faudrait, soit un autre projet de loi, soit de nouveaux règlements, soit de nouvelles mentalités et, très certainement, de nouveaux mécanismes pour que la fonction publique québécoise devienne efficace et desserve mieux la population du Québec, qui réclame des services de qualité à prix raisonnable.

Pour prendre l'expression de M. de Belleval tout à l'heure, il parlait de deux colonnes, je pense qu'il faut parler de trois colonnes. Il y a la Loi sur la fonction publique, il y a les conventions collectives et pour nous, nous croyons qu'une troisième colonne tout aussi importante, essentielle et fondamentale, ce sont les mécanismes par lesquels on fait appliquer les lois et les règlements et qui font toute la différence d'efficacité dans l'application.

Merci.

Le Président (M. Dussault): MM. Duchesne et Veilleux, je vous remercie de votre exposé. Le ministre de la Fonction publique veut-il prendre la parole?

M. de Belleval: Très rapidement. Je pense que les problèmes que vous soulevez sont très réels. C'est bon qu'ils soient soulevés à l'occasion de la commission.

Je pense aussi que la loi fournira à une autorité clairement identifiée, le ministre de la Fonction publique et les ministres dans chacun des ministères, les outils pour pouvoir faire un certain nombre de choses que vous suggérez. Entre autres, la mobilité est actuellement extrêmement difficile au niveau des cadres supérieurs puisque, en vertu de la loi en vigueur, les nominations sont faites à un poste spécifique. Toute mutation implique donc une nouvelle liste d'admissibilité, une nouvelle nomination. En vertu de la nouvelle loi, nous aurons la latitude qu'il faut pour organiser la fonction publique, le déroulement de la carrière, le sys- tème de promotion et de mutation qui est à la base d'un système de promotion.

Nous aurons donc le cadre législatif pour faire un certain nombre de choses que vous proposez. Actuellement, en vertu de la loi actuelle, il n'existe aucun système central de gestion du personnel autre que ce qui existe au sein de la Commission de la fonction publique, qui est un organisme autonome, qui n'est donc pas un organisme ministériel comme tel. Tant qu'on ne sort pas de ce régime, il n'y a pas moyen de faire un certain nombre de choses que vous proposez. C'est seulement grâce à l'adoption de la loi, qui est un cadre législatif, que nous pourrons mettre en place des réformes du côté de la gestion du personnel et aussi sur d'autres aspects qui, à mon avis, ne relèvent peut-être pas nécessairement d'une loi de la fonction publique de toute façon, mais plutôt de l'application de la Loi de l'administration financière.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Mes remarques ne seront pas très longues. Evidemment, il y a plusieurs points sur lesquels on pourrait discuter longuement. Vous parlez de l'évaluation des programmes, je ne sais pas au juste dans quel ministère vous êtes.

M. Veilleux: Moi, je suis au ministère de l'Education et lui au ministère des Affaires culturelles.

M. Garneau: Au ministère des Affaires culturelles, il y a eu une tentative de faite, à un moment donné, pour les bibliothèques. C'est un mécanisme extrêmement difficile. Quand on parle de réévaluation de programmes, c'est toujours avec à l'esprit, bien souvent— je ne sais pas si tel est le cas chez vous — mais on dit — vous y faites allusion — de fait qu'il y a des programmes qui sont vieillots et qui mériteraient d'être abandonnés ou modifiés. L'expérience que j'ai eue pendant mes quelques années au gouvernement, c'est que c'est tout un problème d'essayer de soustraire le plus petit des programmes qui existent un peu partout à travers le Québec. D'ailleurs il y a eu une étude de faite aux Etats-Unis sur cette question, où on indiquait justement qu'au cours des cinquante ou soixante dernières années, il y avait eu je ne sais plus combien d'organismes ou de programmes nouveaux, mais je pense qu'il y en a eu seulement un ou deux qui avaient été abolis et, encore, ils ne l'avaient pas été complètement, mais même si c'est difficile, je suis d'accord avec vous que c'est un objectif qui devrait être poursuivi. Il y a eu une tentative de faite pour reprendre chaque année quatre ou cinq programmes et de les revoir en profondeur. Cela a fonctionné un an ou deux. Finalement, il y a eu des négociations collectives, etc., et on a été obligé de se restreindre passablement. Peut-être que cela pourra être continué.

Il y a un seul point sur lequel je vais vous interroger. Tout au long de la lecture de la loi, j'ai essayé de voir et de bien comprendre le texte juri-

dique. Même si je ne suis pas avocat, j'ai une déformation de ce côté, je me rappelle avoir eu à administrer des lois et on s'apercevait finalement que la loi n'était pas si facile à administrer que les intentions qui étaient exposées dans les discours de deuxième lecture.

Vous l'avez soulevé dans votre mémoire, le ministre parle d'une affectation à une classe d'emplois plutôt qu'à un poste. J'aimerais qu'il me souligne l'article où cela est véritablement dit. Je l'ai cherché et j'ai senti que cela pouvait être l'intention, mais je ne peux pointer du doigt l'article qui fait que cela se produirait. Si cela se produit véritablement, cela crée tout un autre système de complications en termes d'administration, de la gérance du personnel, des droits requis, du recrutement et tout ce que vous voulez. Bien souvent, vous savez comment cela se passe. Il y a un concours qui est ouvert. Cela prend un agronome qui sera en charge de l'étude des mauvaises herbes. C'est clair que la description, c'est un professionnel qui a un diplôme universitaire en agronomie, mais ce n'est pas nécessairement vrai que ce bonhomme va être nommé à une classe et que, finalement, on va pouvoir le muter si facilement qu'on puisse le penser, parce qu'il y a des spécialités très grandes. Le simple pouvoir de mutation comme cela à l'intérieur des mêmes classes, le peu de temps que j'ai été au gouvernement m'indique que cela pourrait soulever un paquet de griefs aussi. L'intention que vous soulevez est bonne. On devrait la fouiller davantage pour trouver une façon de l'appliquer, mais, en cherchant la façon de l'appliquer, être bien conscient de toute la série de problèmes que cela soulève.

Je voulais en parler uniquement pour être d'accord avec, vous, mais, en même temps, attirer l'attention sur les dangers qu'il y a. Je suis certain que, si ce principe, comme l'indique le ministre, est bien consigné dans la loi... Je ne sais pas ce que, tout à l'heure, le Syndicat des cadres, qui est venu, nous aurait dit précisément là-dessus, et les autres groupes également, qui représentent les syndiqués, mais je crois que, même avec ces difficultés énoncées... En tout cas, je serais prêt à la risquer et à recommander de la risquer, mais le ministre peut-il me dire de quel article il s'agit?

M. de Belleval: C'est assez simple, au fond. M. Garneau: Oui, mais quel article? M. de Belleval: C'est l'article 3.

M. Garneau: J'ai dit que l'article 3 était l'article de la loi, tout le reste est de concordance; c'est bien cela.

M. de Belleval: Un instant! Je pense que vous exagérez un peu quand vous dites cela.

M. Garneau: Pas loin, parce que je ne sais pas à quelle place vous allez prendre cela.

M. de Belleval: En vertu de la nouvelle loi, le ministre est responsable de la classification des emplois...

M. Garneau: C'est cela.

M. de Belleval: ... et, évidemment, il pourrait continuer le régime en vigueur, c'est-à-dire, dans le cas de certains postes, entre autres les postes des cadres supérieurs, classer les postes et non pas simplement utiliser la classification générale, c'est-à-dire administrateur IV, III, II, I, mais il pourrait aussi, à sa discrétion et à la discrétion de la réglementation qu'il mettra en vigueur là-dessus, utiliser un nouveau système de classification des postes des cadres supérieurs, où l'individu recevra une classification comme telle et non pas une nomination en vertu d'un poste en particulier.

A mon avis, je pense que c'est une réforme importante qu'il faut faire; il faut avoir un système de gestion de nos cadres où on ne nomme pas un individu à un poste en particulier, mais à une classification en particulier, par exemple administrateur IV, et, un peu comme du côté de la classification des professionnels, on a un plan de carrières qui permet de nommer quelqu'un à un poste de professionnel, mais, à l'intérieur de tous les postes de professionnels ouverts, la mobilité, au fond, est tout à fait libre. C'est ce que permettra la nouvelle loi et ce que ne permettait pas l'ancienne loi.

M. Garneau: Je vais encore reprendre les intentions et le texte de la loi. J'ai souligné, dans ma déclaration de ce matin, que la plus grande difficulté qu'il y a à étudier ce projet de loi, c'est de faire la jonction entre les intentions exprimées et le texte législatif.

A l'article 45b, on en a parlé tout à l'heure, on mentionne — et le ministre a fait grande allusion au mérite et à la non-intervention — que l'office procède, conformément à la présente loi, au recrutement et à la sélection des candidats à la fonction publique, déclare leur aptitude et procède à leur nomination, il procède à la nomination d'un individu à un poste.

M. de Belleval: Pas nécessairement à un poste. En tout cas!

M. Garneau: Si c'est cela, évidemment, il y a deux côtés à la médaille, c'est d'un côté ou de l'autre!

M. Bellemare: C'est l'article 3 ou l'article 45!

M. Garneau: II y en a un des deux. Si c'est l'office qui a la responsabilité de nommer et qu'on ne veut pas qu'il y ait d'interventions de l'extérieur qui viendraient apporter toute une série d'arbitraires — ce serait, suivant le principe du mérite, sacro-saint — à ce moment, la commission pourrait désigner M. Untel pour occuper la fonction d'agent de recherche. Le ministre dirait: Je l'affecte à ce poste et, deux jours après, le changer de bord. Evidemment, il pourrait y avoir des nominations à des fonctions qui deviendraient pure-

ment arbitraires. Je ne dis pas que c'est une avenue qu'il faut complètement rejeter, mais je pense qu'il faut être assez franc et assez précis... La seule précision que j'ai, c'est le texte de loi qui me dit, actuellement, qu'il nomme à un poste lorsqu'il y aura une ouverture dans un ministère; il y a quelqu'un qui va faire une demande à l'office qui s'appelle exactement l'Office du recrutement du personnel de la fonction publique.

Cette personne va dire: M. le président de l'office, le poste no 34 pour accomplir telle ou telle fonction est vacant, on vous demande de le remplir. Il y aura des concours et ces gens vont le nommer; ils vont le nommer à un poste ou bien ils ne le nommeront pas. S'ils le nomment à un poste — c'est la situation actuelle — là, on peut tenir pour acquis que ce que le ministre nous a dit: Avec toutes les réserves que j'ai sur le mérite, dans son application, tout cela s'applique. Mais, s'ils ne le nomment pas au poste, tout l'exercice qu'on a fait pour essayer de dépolitiser ou d'enlever l'arbitraire... Parce qu'on sait que la machine est tellement grosse que, finalement, c'est administré au niveau des fonctionnaires et, là aussi, ce n'est pas parce qu'un gars est fonctionnaire qu'il a perdu tout sens de subjectivisme.

A ce moment, on réintroduit un arbitraire. Mais est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Encore là, il vaudrait peut-être la peine de l'essayer, mais il va falloir expliquer au monde, dire exactement ce que c'est. La loi, actuellement, je ne suis pas sûr qu'elle permette de le faire, et si l'intention du ministre est de faire cela, je pense qu'il va falloir qu'il le précise dans son projet de loi.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Veilleux. M. Duchesne.

M. Duchesne: Nous pensons que le fait d'affecter justement des cadres ou des personnes à des postes alourdit considérablement la structure et le fonctionnement. Pourquoi n'y aurait-il pas possibilité, à l'intérieur d'une banque de ressources qui existe déjà en place, d'affecter des gens, effectivement, surtout à ces niveaux où les priorités changent tellement fréquemment, au niveau de la vie de la population et au niveau de l'ensemble des structures gouvernementales, d'affecter, dis-je, des individus à des mandats? La personne, lorsqu'elle commence à travailler, commence à travailler avec un statut donné, mais elle commence à travailler également avec un mandat qui permet de savoir quand on commence et quand on finit l'opération, de sorte qu'au bout de la ligne on puisse s'assurer qu'on n'est pas nécessairement obligé de recommencer à trouver un poste parce que souvent, dans l'administration gouvernementale, le premier problème qu'on se pose quand on a une urgence quelque part, c'est est-ce qu'on a le poste pour faire le travail sur cette urgence, et qu'il faut prendre tout le mécanisme des organismes centraux versus une revue de programme, versus une prévision à long terme, l'allocation de budgets pour faire en sorte que ce qui est vraiment des priorités immédiates, ne le devient plus lorsqu'on en vient à la fin du cycle après un an et demi ou deux ans de programmation.

Pourquoi ne réussirions-nous pas à avoir une structure suffisamment souple pour qu'on puisse, à partir des priorités du moment, affecter des compétences reconnues sur certains secteurs d'activités gouvernementales pour une période de temps prédéterminée sans avoir nécessairement à procéder toujours par un concours, c'est-à-dire mettre en branle une machine qui va prendre encore deux mois ou deux mois et demi, quelle que soit l'ancienne machine ou la future, et les probabilités sont très fortes que ce soit à peu près les mêmes délais pour combler un poste quand on a le poste?

Pourquoi, à ce moment, si on recherche vraiment l'efficacité de la fonction publique, ne serions-nous pas capables de définir des mandats clairement au niveau des cadres et adjoints aux cadres et au niveau de certaines catégories de professionnels?

Le Président (Mme Cuerrier): M. Veilleux.

M. Veilleux: Présentement, il y a 6000 professionnels de la fonction publique. Je donne des chiffres arbitraires, mais probablement qui tapent dans le mille. Sur 6000, il y en a fort probablement la moitié, 3000, qui sont véritablement dans des postes archispécifiques donc moins polyvalents, peu mobiles. Un agronome spécialisé en tel domaine, par exemple, il est bien entendu qu'il n'a pas la même polyvalence qu'un spécialiste de gestion qui peut aussi bien passer d'un ministère à l'autre à quelques jours ou semaines d'intervalle.

D'un autre côté, nous croyons, nous sommes persuadés de l'intérieur — on aurait pu avoir une pétition là-dessus, peut-être, de 3000, 4000 membres, cela aurait été très facile, je pense — que très facilement, sur le seul principe du volontariat, c'est-à-dire des gens qui veulent se porter mobiles, qui sont prêts à accepter la mobilité, vous pourriez immédiatement en avoir 2000 à 3000 et peut-être plus chez ces professionnels qui aimeraient mieux, disons, être en service de mobilité. Il y a un mandat à telle place, il y a telle urgence, il y a tel travail, cela va, cela leur convient, ils sont prêts à l'accepter s'ils sont demandés. Et quand c'est fini, deux ans et demi après ou un an et demi après, ils aimeraient bien passer à une autre urgence.

Il y a beaucoup de monde comme cela. Pas seulement au niveau des professionnels, mais très particulièrement au niveau des professionnels, chez les ACS et chez les ADM IV et il se trouve qu'habituellement ce sont des gens, à mon avis, qui sont les meilleurs et qui pourraient servir à beaucoup d'endroits dans la fonction publique, qui l'enrichiraient, qui s'enrichiraient eux-mêmes et qui seraient beaucoup plus motivés. Présentement, évidemment...

M. de Belleval: J'aimerais faire un certain nombre de distinctions là-dessus. Je pense à un point extrêmement important parce qu'on tombe, bien sûr, dans l'application de la loi, mais le dé-

puté de Jean-Talon se demande si oui ou non la loi nous permet de faire cela. Ma réponse est oui. Il y a deux éléments importants qu'on doit retenir. Premièrement, si on veut avoir une plus grande mobilité dans la fonction publique, il faut avoir une autorité centrale en matière de gestion du personnel.

Il n'y en a pas actuellement; chaque ministère est responsable de la gestion de son propre personnel et, deuxièmement, les nominations en ce qui concerne les cadres supérieurs sont faites poste par poste. La loi prévoit qu'à l'avenir il y aura une autorité centrale en matière de gestion du personnel: le ministre de la Fonction publique. Tout le monde pense que le ministre de la Fonction publique est un ministre qui a autorité sur la gestion du personnel de la fonction publique, mais c'est faux. Tout ce que fait au fond, actuellement, le ministre de la Fonction publique, c'est négocier des conventions collectives et proposer des plans de perfectionnement aux ministères qui veulent bien les utiliser. Pour le reste, il n'a absolument rien à dire sur la gestion du personnel de la fonction publique. Une des raisons pour lesquelles cette loi est proposée, c'est pour qu'enfin il y ait une autorité centrale en matière de gestion du personnel. C'est seulement grâce à cette autorité centrale qu'on pourra avoir un véritable plan de mobilité des fonctionnaires.

Deuxièmement, il faut aussi que les nominations ne se fassent plus à des postes spécifiques. Il faut remarquer, d'abord, que c'est le cas pour la presque totalité de la fonction publique. Seules les nominations des cadres supérieurs sont faites à des postes spécifiques. Toutes les autres nominations sont faites à des titres de classification. Donc, en vertu de la loi actuelle, s'il y avait au moins un organisme central de gestion du personnel, on pourrait appliquer ce que vous proposez. Au niveau des cadres supérieurs, les mécanismes existent déjà. De ce point de vue, la loi ne change rien; elle n'introduit pas davantage d'arbitraire, de favoritisme, etc., cela existe déjà de toute façon. Tout ce qu'il s'agit de faire, c'est qu'au niveau des postes de cadres supérieurs on puisse aussi faire des nominations à un titre de classification plutôt qu'à un poste en particulier. Je dis que la loi le permet, puisque le ministre a le pouvoir de réglementer la classification des emplois. C'est lui qui, dans le cadre de cette classification, fournira, à partir de cette réglementation, le cadre qu'utilisera l'office de recrutement pour la nomination. Si le ministre le désire en vertu de son pouvoir de réglementation, la nomination se fera à un titre de classification plutôt qu'à un emploi. C'est ce qui me faisait dire au député de Jean-Talon qu'effectivement la loi permettra de faire cela au niveau des cadres. Pour les autres employés, c'est déjà la règle, de toute façon.

M. Garneau: Encore une fois, je ne voudrais pas me chicaner sur les mots, mais, à l'exception des ouvriers, quand un fonctionnaire est nommé, il est nommé à un poste parce qu'il occupe un posie. Chaque ministère a un plan d'effectifs et chaque fonction est numérotée. Il a un poste parce qu'il faut qu'il soit payé. Il occupe un poste. Dans le cas des ouvriers, c'est différent.

M. de Belleval: On ne parle pas de la même chose. On utilise le mot poste en lui donnant deux significations différentes. Dans le cas du personnel qui n'est pas cadre, il est vrai que l'affectation se fait à un poste en particulier, mais la nomination se fait à un titre de classification. Elle ne se fait pas à un poste en particulier. Tout simplement, il y a un poste qui est vacant avec un numéro, mais l'acte de nomination ne restreint pas l'affectation à ce poste en particulier. Pour les cadres, ce n'est pas la même chose. Pour les cadres, la nomination se fait non seulement à un titre de classification, mais à un poste clairement défini comme tel et aucune mobilité n'est possible d'un poste à l'autre autrement qu'en revenant devant la Commission de la fonction publique pour une nouvelle nomination; tandis que vous pouvez prendre un professionnel, nommé comme vous le dites, à un poste numéro un tel, no 150 et, sans retourner devant la Commission de la fonction publique, l'affecter ensuite au poste no 160. Le poste dont vous parlez, c'est le poste administratif; ce n'est pas le poste légal au sens du poste de cadre tel que déterminé par la Commission de la fonction publique. Il y a une différence entre ces deux notions de poste.

M. Garneau: Je n'argumenterai pas là-dessus; je ne suis pas assez certain de mon coup. Je vais prendre la parole du ministre.

La question que je pourrais poser au ministre là-dessus: Si tel est son objectif, a-t-il pensé à la possibilité d'avoir deux lois ou deux sections de loi? Est-ce que ce ne serait pas plus facile pour atteindre les objectifs que soumettent nos intervenants d'avoir la Loi de la fonction publique, une loi générale pour le personnel qui est syndiqué et syndicable, et d'avoir un autre type de référence juridique pour l'administration des cadres? Peut-être que ce serait plus facile d'avoir une loi spécifique qui permettrait d'atteindre ces objectifs. Je ne dis pas que ce serait une chose qui devrait être faite.

Je ne sais pas au juste si cette question-là a déjà été étudiée, parce que c'est la première fois, même si j'ai travaillé là-dessus dans le passé, que le problème étant posé ainsi, me permet d'envisager cette possibilité. Mais, en effet, c'est un autre projet de loi. Si le ministre veut répondre... Il me semble que ce serait plus facile d'atteindre ces objectifs s'il y avait deux sections, dont l'une toucherait les cadres, alors, il y aurait peut-être plus de possibilité d'atteindre ces objectifs.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne.

M. Duchesne: Ou encore peut-être que pour intégrer cela, plutôt que d'avoir deux projets de loi, on pourrait penser à un livre blanc global sur l'administration du personnel de la fonction publique, permettant d'accroître l'efficacité de l'ensemble de la structure administrative du gouvernement du Québec.

M. Veilleux: C'est d'ailleurs le sens de notre intervention. Nous n'avons pas d'objection fondamentale majeure. On la laisse à tous les autres corps qui vont venir se présenter ici. C'est contre le texte de loi sur la fonction publique. On déplore principalement, comme le disait M. Garneau, qu'il y a beaucoup de choses qui sont sous-entendues ou qui sont laissées comme "cela viendra après et, évidemment, comme nous sommes de bonne volonté, tout se fera bien". Ce que nous aurions aimé, c'est un ensemble de descriptions des problèmes actuels de la fonction publique bien examinés. Deuxièmement, ce qui, dans la loi actuelle, ne peut pas résoudre ces problèmes, donc, des amendements et un nouveau projet de loi, si nécessaire, plus une esquisse des règlements dans ce même livre blanc et, aussi, au moins le profil des mécanismes pratiques qui vont solutionner ces problèmes. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles vous pouvez avoir choisi d'abord la loi, ensuite les autres choses suivront. On ne le conteste pas. Mais on dit que, dans l'immédiat, cela aurait été notre préférence.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Je voudrais revenir sur un détail que vous portez à notre attention sur l'avancement des employés de la fonction publique basé sur le principe du mérite. Vous dites: "II faudra que ce mérite soit basé sur des productions des fonctionnaires d'abord, et, deuxièmement, cette production s'appelle un service public à la population défini qui exprime ou ressent des besoins spécifiques. On cherche vainement dans le projet de loi 53 sur la fonction publique cette notion véritable du service à la population et des mécanismes susceptibles et des raisons d'évaluer la quantité ou la qualité de ces services". Je pense que vous êtes d'accord avec tous ceux qui vous ont précédés et qui vous succéderont pour dire que la question du mérite qui est contenue dans l'article 70 pose de sérieux problèmes pour la fonction publique, pour ceux qui auront à vivre avec la loi, puisqu'il sera question d'établir un certain pourcentage dans la rétrogradation ou dans la nomi-nation de certains fonctionnaires. Je voudrais savoir de vous particulièrement, puisque c'est votre mémoire et, comme le dit le député d'Abitibi, c'est à vous qu'il faut s'adresser, surtout pour avoir des explications, si vous pouvez exemplifier ce mérite qui est contenu dans le personnel de la fonction publique recruté et promu par voie de concours, selon une sélection particulière du mérite. C'est la loi. Demain matin, il faudra que, même au point de vue juridique, certains avocats l'interprètent, parce que la lettre tue et l'esprit du législateur vivifie. Une chose reste sûre, c'est qu'on vous demande, à M. Duchesne et à M. Veilleux, de nous expliquer votre point de vue.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Veilleux.

M. Veilleux: Dans le sens que nous l'entendions, je procéderai par un exemple type.

A notre avis, il pourrait très bien arriver que vous ayez un fonctionnaire sélectionné par concours; c'est un as, tout le monde dit qu'il est bon, qu'il travaille 55 heures au lieu de 42 heures. Il n'y a pas de problème, ses collègues, 150 personnes autour, reconnaissent qu'il est capable. Mais, présentement, le genre de travail qu'il fait ou le genre de programme particulier auquel il est affecté, pour lui et pour beaucoup de ses collègues, ce n'est pas là qu'est la priorité, ou que le gouvernement devrait travailler de telle ou telle façon. Donc, il est convaincu que la façon dont le service à la population est présentement organisé est peu efficace ou est mauvais. C'est là qu'interviendrait pour nous... Il est très important que la population, d'une façon ou d'une autre, pas toujours des experts, puisse dire: A notre avis, ce genre de programme ne nous rend pas service. Les fonctionnaires sentent ça d'instinct immédiatement que tel ou tel genre de programme, il y a 150 personnes de trop qui y travaillent ou, encore, que c'est un programme dépassé.

C'est pour ça que lorsqu'on parle d'un office d'évaluation ou d'un groupe central qui évaluerait le fonctionnement public au jour le jour ou à l'année, ce serait principalement sous forme très rapide — et non pas par des grandes expertises indirectes — de dialogues avec la population. Il demande à la population, par sondage, par exemple: Tel programme qui avait été pensé au point de vue agronomique, est-ce que ça rend encore service aux personnes impliquées, les cultivateurs? Peut-être que ça fait cinq ans que ça ne rend plus service ou ce n'est pas là du tout qu'est le problème. Le problème majeur devrait être ailleurs.

M. Bellemare: M. Veilleux, est-ce que vous ne dites pas qu'il y a une relation de cause à effet entre l'administratif et la politique?

M. Veilleux: Oui.

M. Bellemare: Alors je me dis que vous allez toucher au bobo mais presque pas. C'est justement ce que vous dites, ce que vous venez d'expliquer, qui rejoint, un peu plus loin, les relations du domaine administratif avec le domaine politique. Vous dites que c'est dangereux parce que vous allez camoufler certains détails qui sont presque imprévisibles. C'est la politique, en somme, qui va mener la fonction publique.

M. Veilleux: Oui, je suis d'accord.

M. Bellemare: C'est ça que vous dites.

M. Veilleux: Oui.

M. Bellemare: Vous êtes d'accord avec ça, que c'est la politique qui va mener la fonction publique.

M. Veilleux: Dans certains cadres bien définis...

M. Bellemare: Vous dites qu'il y a beaucoup

de gens qui travaillent pendant des mois et des mois à des volumineux dossiers et qu'on se foute de ça, en haut lieu; la fonction publique ne reconnaît pas ça. C'est ça votre témoignage, c'est écrit textuellement à la page 7. "Un problème important pour la majorité des professionnels et employés de soutien de la fonction publique du Québec concerne l'éloignement qui existe entre les gens qui travaillent à préparer un dossier volumieux et ceux qui prennent des décisions sur ces mêmes dossiers. Donc, l'administration est bien loin de rencontrer les vues que se donnent les gens qui sont élus par la politique.

M. Duchesne: C'est-à-dire que les gens élus par la politique sont les gens qui ont le pouvoir décisionnel dans la structure gouvernementale. C'est normal qu'ils l'aient.

M. Beliemare: Cela veut dire que la politique ne s'occupera pas de la fonction publique, pas du tout, c'est la politique qui va mener. C'est ça que vous dites.

M. Duchesne: C'est-à-dire que c'est elle qui a, en dernier ressort, la responsabilité décisionnelle d'orienter les programmes du gouvernement.

M. Bellemare: Oui, mais vous ne niez pas que c'est la politique qui va mener la fonction publique.

M. Duchesne: Oui, c'est actuellement le cas... M. Beliemare: Bon, la voilà la queue du chat.

M. Duchesne: Cela a toujours été le cas. Pourquoi, tous les quatre ans...

M. Beliemare: Non, ce n'est pas ça que dit le ministre. Le ministre dit qu'il faut sortir la politique de la fonction publique. Il l'a répété moult fois depuis le matin. Là, mon cher, vous venez d'admettre que c'est la politique qui va mener la fonction publique.

Le Président (Mme Guerrier): M. Duchesne...

M. Beliemare: Ecoutez, je prends le texte et je le mets en corrélation avec ce qu'il dit.

M. Jolivet: II n'y a pas de cause à effet.

M. Beliemare: Comment, il n'y a pas de cause à effet?

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! M. Duchesne, vous pouvez continuer votre intervention.

M. Duchesne: Je crois, M. Beliemare, que la nuance qu'il faut faire entre la politique qui mène l'organisation gouvernementale et la politique qui s'implique dans la gestion et le recrutement de personnel pour la fonction publique, ce sont deux volets totalement différents de la politique qui mène la fonction publique. Si vous élargissez cela et que vous dites que ce sont deux volets...

M. Beliemare: Mais le mot politique, quand vous l'employez pour la...

M. Duchesne: C'est le palier politique. M. Beliemare: Pardon?

M. Duchesne: Le niveau politique. C'est lui qui détermine les orientations que le gouvernement doit...

M. Beliemare: Ce n'est pas dans le sens qu'on l'entend dans l'Opposition.

M. Duchesne: J'aimerais, si vous permettez, Mme le Président, continuer à répondre à la question peut-être pour apporter un détail supplémentaire. Ce que l'on craint sur le concept d'efficacité du fonctionnaire, de rendement au mérite, c'est qu'il faut faire une distinction importante entre deux concepts peut-être mal précisés souvent ou pas clairs dans l'esprit de tout le monde. Il faut faire une différence entre "efficience" et efficacité, c'est-à-dire qu'il faut de façon très précise... Est-ce qu'être efficace, c'est faire ce qu'on doit faire et bien le faire ou faire ce qui devrait être fait et, à notre avis, une personne peut être bien efficace en faisant ce qui devrait être fait...

M. Beliemare: Mal jugée par son sous-ministre.

M. Duchesne: ...et mal jugée par son supérieur.

M. Beliemare: Oui, par son supérieur et condamnée, mon cher monsieur, parce que ce n'est pas un PQ. Cela va arriver, certain.

M. Duchesne: Je ne saurais étendre aussi loin...

Une Voix: C'est l'expérience qui vous parle!

Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne, vous avez terminé?

M. Duchesne: Oui, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je voudrais d'abord vous remercier, personnellement, même si je ne suis pas quelqu'un de l'intérieur de la fonction publique. Je dois vous avouer qu'il y a des remarques qui m'apparaissent fort pertinentes et, en particulier, lorsque vous pensez, éventuellement, avoir une plus grande mobilité si on axait cela sur des fonctions au niveau des mandats, c'est-à-dire préciser des mandats et trouver des gens qui seraient intéressés à travailler là-dessus.

J'aurais peut-être d'autres commentaires à

faire en termes d'appréciation. Je vous dis simplement qu'il m'apparaît que cela traduit une certaine réalité, des difficultés que la fonction publique a à l'intérieur.

A la page 4 de votre mémoire, vous dites qu'il y aurait lieu de faire un ménage parmi différents fonctionnaires pour améliorer l'efficacité et, éventuellement, avoir un nouveau processus de recrutement du personnel.

Je pense que ce sont des remarques qui sont pertinentes, mais je voudrais faire le lien avec la page 14 où vous dites: "Afin de permettre une motivation plus grande des professionnels..." et c'est peut-être tout à fait exact que vous preniez ce préjugé, que cela soit un préjugé favorable, vous mentionnez que les postes d'adjoints aux cadres supérieurs et d'administrateurs IV soient comblés par voie de recrutement interne.

Je voudrais simplement avoir des explications plus détaillées de votre part. Ne voyez-vous pas là une certaine contradiction à la limite, bien sûr, entre ce que vous prêchiez à la page 4 et maintenir les postes de cadres de niveau IV à l'intérieur même de l'équipe? Tout en ayant presque porté le jugement qu'il y aurait lieu de faire un certain ménage, on garde l'accession aux postes supérieurs à l'intérieur de ceux qui sont déjà là.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne.

M. Duchesne: II est bien évident, M. le député, que lorsqu'on parle de faire un ménage et que lorsqu'on parle de promouvoir un certain nombre d'individus de l'interne de la fonction publique, il ne s'agit pas là dans notre esprit des mêmes individus et c'est important, on le croit. Ce n'est pas contradictoire de dire qu'il faut faire un ménage, qu'il y a un certain nombre d'individus dans la fonction publique — je dis peut-être et c'est peut-être douze cas sur quelques centaines de mille qu'on peut retrouver dans d'autres gouvernements — où il y a quelque chose à corriger dans la structure actuelle de gestion du personnel.

Maintenant, quant on parle de promotion, si on parle de promotion par concours, que ce soit pour affecter un cadre ou un adjoint aux cadres supérieurs, à un poste et à une classification, pour l'affecter à un mandat et à une classification, il est bien évident que ce ne sont pas les mêmes individus qui seront touchés par ces deux volets de notre document. Pour nous, c'est important comme précision de voir à ce que les mécanismes actuels ou envisagés pour le recrutement de personnel permettent, d'une part, de motiver les gens à l'intérieur et, d'autre part, permettent au gouvernement, à certains égards, de faire ce qu'on appelle un ménage finalement.

M. Gendron: Je comprends bien que vous ne parlez sûrement pas des mêmes personnes. Autrement, il y aurait contradiction, mais si on fait l'hypothèse qu'on fait d'abord le ménage à la fonction publique, après cela, pour faciliter une plus grande motivation, on permet que les postes soient comblés uniquement par voie interne pour les postes supérieurs...

Cela suppose-t-il à ce moment que vous portez le jugement qu'il y a tout ce qu'il faut en bons effectifs pour avoir un degré d'efficacité et d'efficience, peu importe l'appellation qu'on choisirait, pour être en mesure de maintenir une fonction publique de qualité à l'intérieur même des gens qui sont en place actuellement...

M. Veilleux: II y aurait une question de pourcentage là-dessus et également une question d'intensité à des moments donnés. Tout récemment, depuis peut-être un an ou deux, il y a un très grand nombre de fonctionnaires qui sont parvenus à la classe I, par exemple parmi les professionnels. Normalement, dès leur accessibilité à la classe I, d'après la réglementation de la fonction publique jusqu'à ce jour, ils étaient admissibles, au moins admissibles à tous les postes de cadres du gouvernement: cadre IV, III, II, I.

Depuis quelques mois, on ne sait pas pourquoi — ce sont peut-être des décisions internes de la fonction publique — un très grand nombre de ces professionnels, qui sont parvenus au bout, sont hors-échelle pour la classe I. Donc, ils sont au terme de la classe I. Ils s'inscrivent à des concours et ils ont tout simplement pour réponse qu'ils ne sont même pas admissibles. Ce qui ne se voyait pas auparavant. On entend dire comme explication que c'est une nouvelle réglementation interne qui vient d'être faite. Quand je dis qu'ils ne sont même pas admissibles au concours, ils ne peuvent même pas se présenter devant le jury. C'est une chose qu'on voyait peu avant. On ne sait pas trop pourquoi. On n'a pas fouillé cela. Pardon?

M. Bellemare: C'est seulement depuis quelques mois.

M. Veilleux: Je n'aurais peut-être pas dû prendre cette formule. Ce n'est peut-être pas à cause de facteurs politiques, mais, effectivement, depuis peut-être...

M. Bellemare: Dites-le donc! Dites-le donc! M. Veilleux: Je ne le sais pas. M. Bellemare: Dites-le donc!

M. Veilleux: Je ne sais pas à quoi c'est dû, mais on note cela depuis quelque temps.

M. Bellemare: N'ayez pas peur du ministre. Il n'est pas dangereux.

M. Veilleux: Je n'en ai pas peur, mais je ne veux pas lui imputer des choses...

M. Bellemare: Non, non, mais c'est seulement depuis quelques mois. Vous ne voyiez pas cela avant. Dites-le! Dites-le!

M. Garneau: Est-ce en vertu de l'article 88, pour être muté?

M. Bellemare: Rétrogradé pour muter, 88.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Belleval: J'aimerais bien qu'on ait une précision là-dessus pour ne pas laisser la commission avec de fausses impressions. Si j'ai bien compris, vous dites que, depuis quelques mois, la Commission de la fonction publique, ce n'est pas le ministère de la Fonction publique, ne permet plus l'admissibilité des P-l à des postes de...

M. Veilleux: A des postes de cadres IV et les exclut, semble-t-il, systématiquement, des postes cadres III et évidemment II et I.

M. de Belleval: Je veux que ce soit clair là-dessus. Premièrement, c'est un règlement de la commission ou c'est l'application d'un règlement de la Commission de la fonction publique et non pas du ministre de la Fonction publique.

Deuxièmement, la réglementation en vigueur prévoit déjà...

M. Garneau: ... sauf que les règlements sont adoptés par arrêté en conseil.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. de Belleval: Un instant! Laissez-moi terminer. La réglementation en vigueur depuis de nombreuses années, pas depuis quelques mois, depuis de nombreuses années, prévoyait justement que les P-l n'étaient admissibles qu'aux concours d'ACS, sauf que la commission elle-même, aussi depuis plusieurs années, était assez large du côté de l'application de son propre règlement et elle permettait l'admission à des concours à des niveaux plus élevés. Elle a décidé, de son propre chef, d'appliquer plus sévèrement son règlement depuis quelques mois.

M. Bellemare: On a eu des instructions.

M. de Belleval: D'ailleurs, le règlement date de 1967, c'est-à-dire du temps où le député de Johnson était ministre du gouvernement.

M. Bellemare: Vous avez un souffleur en arrière pour vous le dire, parce que cela, c'est hors-concours.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre! M. Veilleux, veuillez terminer votre intervention.

M. Veilleux: A mon avis, peu importe le problème du règlement, je juge cela injuste de considérer ou d'avoir rappelé ce règlement, s'il existait; on ne s'était pas rendu compte qu'il existait. A mon avis, les professionnels ne devraient pas être systématiquement écartés de tous les autres postes de cadres autres qu'ACS parce que, chez ces professionnels, ce ne sont pas tous des niaiseux et des nigauds. A mon avis, il y a souvent un très grand nombre de professionnels qui sont présentement de très loin supérieurs à des cadres II et III en termes de compétence, en termes de capacité et tout.

M. Bellemare: Ils ont été nommés par nous ou bien par eux, par le Parti libéral, ce n'est pas bon. C'est certain que ce n'est pas bon.

M. de Belleval: Je dirais là-dessus, pour terminer ce point en particulier, qu'il illustre très bien une des raisons pour lesquelles il faut avoir une loi de la fonction publique. Justement, il n'y a personne, au niveau ministériel, gouvernemental, qui est l'autorité normale pour décider de choses semblables. Il n'y a personne qui est responsable de cela actuellement.

M. Bellemare: C'est l'article 3.

M. de Belleval: Evidemment, on est toujours libre de changer le règlement 67, mais je me dis: II y a un projet de loi qui est déposé, quand il y aura un ministre qui sera vraiment responsable de la gestion de la fonction publique, il exercera ses pouvoirs, mais, actuellement, on peut toujours aller "marchander", si je puis dire, d'une certaine façon, nos pouvoirs ou notre bon jugement avec la commission et avec une commission autonome, alors qu'en fait il faudrait utiliser des méthodes différentes de gestion de la carrière de nos cadres ou de nos professionnels.

Je dois dire que là-dessus, d'ailleurs, j'ai l'impression que dans ma propre carrière, j'ai bénéficié de l'interprétation laxiste de son règlement par la commission, il y a quelques années.

M. Bellemare: Voyez-vous comme cela a été utile! Pauvre ministre!

M. Garneau: Là, c'était l'évaluation de la compétence, pas du mérite.

M. Bellemare: J'aime mieux faire envie que pitié.

Le Président (Mme Cuerrier): J'ai donné la parole à M. Duchesne.

M. Duchesne: J'aimerais, si vous le permettez, Mme le Président, revenir un peu en arrière sur la question de l'évaluation qui a été soulevée au tout début par le député de Jean-Talon, à savoir les mécanismes d'évaluation qui ont été expérimentés, pendant un certain temps, par une série de quatre ou cinq programmes par année, par le biais du Conseil du trésor. Ces mécanismes ont malheureusement toujours été à mettre en place; on demande aux gens qui sont dans la boîte et qui administrent un programme de l'évaluer eux-mêmes.

Il est bien évident qu'il devient très difficile, à ce moment-là, pour ces gens, sans risque de mettre leur fauteuil en jeu, de dire que le programme ne satisfait pas un ensemble de besoins de la population et qu'on n'a pas un certain conflit d'intérêts, finalement, dans ces mécanismes d'évaluation. Ce qui est proposé dans notre texte, c'est un

peu un mécanisme d'évaluation qui pourrait être parallèle à la structure d'exécution des programmes qui sont en place, c'est-à-dire un mécanisme dévaluation qui serait appliqué par des gens qui n'ont pas de conflit d'intérêts par rapport aux programmes qu'iis évaluent. C'est l'approche qu'on essaie de proposer et qu'on désirait soumettre devant la commission parlementaire.

M. Bellemare: Bien bonne suggestion!

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, deux questions. La première est toujours en regard de la mobilité par rapport aux mandats à être donnés en termes de réalisation. Pour les organismes de la fonction publique, qui sont très larges, très grands, et qui comportent peut-être des difficultés de mise en application de cette mobilité par rapport aux mandats de travail, avez-vous évalué, dans de tels organismes, ce qui existe peut-être dans d'autres programmes, ou si vous lancez cela, parce que vous avez entendu parler de l'efficacité de ce système?

M. Veilleux: Quoique je ne sois pas sûr d'avoir compris la question, dans le système actuel...

M. Jolivet: Le système en question, c'est que la mobilité par rapport à un mandat de travail cela donne très bien dans un organisme où vous avez peut-être une centaine de personnes qui travaillent, mais quand vous l'appliquez à l'ensembie de la fonction publique où vous avez des milliers de travailleurs, l'impact est-il le même? D'après vous, lavez-vous évalué en regardant ce qui s'est fait ailleurs, dans d'autres organismes que la fonction publique pour ce qui est de la mobilité par rapport au mandat de travail?

M. Duchesne: Si vous le permettez...

Le Président (Mme Cuerrier): M. Duchesne.

M. Duchesne: Ces mécanismes d'évaluation par mandat, c'est un peu ce qui est réalisé; par exemple, dans des centres expérimentaux dans le genre de la NASA ou on donne un programme, on fait ce qu'on appelle du "project management", où on donne un programme à administrer et à réaliser, et qu'à l'intérieur d'un délai ou d'un objectif visé on finisse au bout de la ligne, par abolir cette structure pour ce projet donné.

On fonctionne vraiment par mandat et je pense que ce sont les organismes qui fonctionnent quand même sur une assez vaste échelle et qui ont, dans une certaine mesure, fait leurs preuves, sans avoir fait d'évaluation personnelle et spécifique de ces expériences. Il y a des cas, dans d'autres administrations, que celle du gouvernement du Québec, où on a déjà fonctionné par mandat. Le concept de "project management ' est un concept qui date, quand même, d'une certaine époque et qui a fait ses preuves dans beaucoup d'entreprises plus ou moins vastes. Il permet, à ce moment, d'atteindre une efficacité en fonction des besoins immédiats et en fonction des priorités de l'organisation.

M. Jolivet: Si je posais cette question au niveau de la fonction publique, c'est parce que vous avez parlé de la tuyauterie, comme on l'appelle communément. Entre le petit qui travaille en bas comme fonctionnaire, qui fait sa "job", prépare son document avec un comité, avant qu on transpose cela au niveau politique, il y a une série de gens qui touchent à cela et qui l'élaguent de telle façon qu'au bout de la course ce qu'ils ont dit, ce n'est pas ce qui arrive au bout. Est-ce que, d'après vous autres, la formule de mandat permettrait d'aller plus directement au niveau de l'action et de la décision à être prise par le responsable politique?

M. Duchesne: Nous croyons que cela va faciliter ce volet parce qu'à ce moment le mandat vient vraiment en fonction des priorités que le ministre peut avoir déterminées. C'est donc un dossier auquel le ministre s'intéresse lui-même de façon beaucoup plus précise que de travailler dans un vaste bassin où il y a 300 ou 350 opérations à exécuter. Là-dedans, il y a des opérations qui sont continues et il y a des opérations qui sont ponctuelles. Comme mécanisme de mandat, on pense, par exemple, aux groupements chargés de mettre sur pied des structures du genre de la Régie de l'assurance automobile qu'on mettra sur pied prochainement. On aura besoin d'une équipe d'implantation qui sera peut-être très massive pour lancer I opération, mais, par la suite, on devra nécessairement alléger cette structure.

Actuellement, on croit que le mode de fonctionnement de poste intégré à une structure donnée, cela prend tellement de temps à avoir des postes dans une organisation par le biais d'une revue de programmes qu'il est très difficile, par la suite, d'enlever ces effectifs dans le cadre d'un plan d'effectif global aux organismes qui les ont eus. On vit avec des structures de plus en plus lourdes qui n'ont plus lieu d'exister, selon nous, dans certains cas.

M. Veilleux: A un moment donné, les urgences devraient être ailleurs. On prend comme exemple le RRQ, la RAMQ, tous ces groupes qui ont instauré pratiquement des systèmes d'assurance, disons, globaux pour le Québec. Il y aura le groupe pour l'automobile dans quelque temps. Dans l'entreprise privée, une compagnie d'assurance va commencer avec 15 000 abonnés, 15 000 personnes. Elle se rode pour commencer et, après un certain temps, elle peut passer à 60 000 ou à 100 000 par l'addition de quelques personnes supplémentaires. Dans le système public, vu que tout le monde, à compter de telle date, en vertu de telle loi, recevra tel système, le système RRQ ou RAMQ, tout le monde panique et est tellement impressionné par cela qu'on en met du monde. On en met plus que moins. On en met un paquet, 2000, s'il le faut.

Dans le temps de la préparation et du rodage, ils sont surchargés de travail la plupart du temps.

Mais, après un certain temps, évidemment, la machine est rodée, les automatismes arrivent, il en faudrait peut-être la moitié seulement, mais ailleurs, dans tel autre ministère et tel autre organisme gouvernemental, se déclenche une grosse opération. Il serait peut-être bon d'en prendre 1000 là et de les placer ailleurs. Il y a toujours de la place pour 35 000 fonctionnaires. Il n'y a pas de problème là-dessus.

Mais, les urgences ne sont pas toujours les mêmes à différents moments et à différents endroits. Tandis qu'un poste conçu comme une affaire à vie, qui ne change pas ou qui est très lente à changer, cela ne marche pas avec l'efficacité gouvernementale, d'après nous.

Le Président (Mme Cuerrier): MM. Duchesne et Veilleux, je me fais encore une fois l'interprète de la commission pour vous remercier d'avoir pris la peine de préparer ce mémoire et d'être venus le présenter à la commission parlementaire sur la fonction publique.

M. Duchesne: Si vous le permettez, Mme le Président, nous remercions tous les membres de la commission parlementaire d'avoir bien voulu nous écouter.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Le Président (Mme Cuerrier): J'inviterai maintenant Mme Nicole Dumouchel, secrétaire, à présenter les commentaires du Bureau de l'ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Etant donné l'heure avancée, Mme Dumouchel, vous aurez sans doute le temps de présenter votre mémoire et la discussion devra probablement avoir lieu après la suspension à 18 heures.

Mme Tellier-Cormier (Jeannine): Mme le Président, dans un premier temps je voudrais apporter une rectification en tant que porte-parole officiel. Je vous soulignerai que Mlle Dumouchel qui vous a fait la communication, l'a fait en tant que directeur général et secrétaire de l'ordre, mais c'est la présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec qui fera la présentation.

Le Président (Mme Cuerrier): Vous êtes madame?

Mme Tellier-Cormier: Je m'appelle Jeannine Tellier-Cormier, présidente de l'Ordre des infirmières du Québec. Je vous présente, à ma gauche, Mlle Wheeler, qui est secrétaire adjointe et, à ma droite, M. Normand Grou, qui est conseiller juridique à l'ordre.

Nous avions d'ailleurs fait connaître notre réponse, suite à votre convocation, qui seraient les porte-parole officiels pour la présentation aujourd'hui.

Le Président (Mme Cuerrier): Mme Tellier-Cormier, vous avez la parole.

Mme Tellier-Cormier: Merci. Mme le Président, M. le ministre responsable, mesdames et messieurs, permettez-moi, en premier lieu de vous remercier de nous avoir donné l'occasion d'échanger avec vous, aujourd'hui, nos commentaires relativement au projet de loi no 53, Loi sur la fonction publique. J'ai apprécié que vous ayez fait, dès le départ, la distinction et en aucun temps nous n'avons présumé que nous présentions un mémoire.

Peut-être devons-nous souligner que nous sommes aussi conscients de nos responsabilités à titre de corporation professionnelle. Nous ne voulons aucunement nous immiscer dans les responsabilités d'un organisme syndical et, dans cet esprit, il n'est pas dans notre intention de parler de conditions de travail ou autres. Dans le but aussi de ne pas perdre le temps précieux de tout le monde, nous ne lirons pas nos commentaires puisqu'ils vous sont déjà parvenus, dans les délais prescrits. Comme vous avez pu le constater à la lecture de nos commentaires, notre principale préoccupation est de s'assurer que l'on reconnaisse aux infirmières et aux infirmiers du Québec leur statut professionnel. Ceci n'est pas un problème récent, puisqu'antérieurement plus de 2000 de nos membres étaient touchés par cet article de la Loi de la fonction publique. Cependant, aujourd'hui, nous sommes très conscients que le nombre est moindre. Toutefois, au moment où le législateur prévoit apporter des changements nous voulons saisir l'occasion de réitérer notre demande puisque nous estimons essentiel le respect de ce principe.

Nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir à nous poser.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: Au fond, la demande que vous nous faites relève d'une section de la Loi actuelle de la fonction publique qui est soustraite du projet de loi 53. C'est-à-dire l'article 69. Comme je l'ai expliqué ce matin, nous avons voulu exclure de la loi 53 toutes les parties de l'ancienne loi qui touchaient au régime de négociation collective et d'accréditation, entre autres syndicale, pour la simple et bonne raison que cette partie-là doit faire l'objet des recommandations de la commission Martin qui étudie les questions de négociation collective dans le secteur public et parapublic. Dans ce sens, la réponse que je devrai vous faire, c'est de vous adresser à la commission Martin, de soumettre vos revendications à la commission, qui elle-même fera, dans le cadre de son rapport, des recommandations quant à la détermination de l'accréditation syndicale.

Le projet de loi que nous avons devant nous ne veut pas toucher à ces questions pour l'instant et a donc prévu que toute la section de l'ancienne loi qui touchait à ces questions sera maintenue en vigueur jusqu'à nouvel ordre et portera d'ailleurs un nouveau titre. C'est la réponse que je suis obligé de vous faire pour l'instant. Je ne veux pas

me prononcer sur le mérite de votre demande, pour la simple et bonne raison, comme je l'ai dit, que toute cette question sera étudiée par la commission Martin.

Mme Tellier-Cormier: Je respecte votre opinion. D'abord, à la lecture du projet de loi 53, on ne pouvait pas présumer pour quelle raison vous demandiez qu'il soit exclu d'une certaine façon. Ce n'était pas clair dans le projet de loi 53, où on nous dit seulement que tel article n'y sera plus. D'autre part, il m'apparaît important que le ministre responsable de la fonction publique, lui-même, détermine si une autre loi du gouvernement doit être respectée par une loi qu'il devra lui-même administrer.

Il m'apparaît que c'est une question de fond, à titre d'infirmières au niveau du Québec, de devoir être reconnues, à titre de statut professionnel, comme les autres professions le sont. Il nous apparaissait indispensable de le rappeler à ce moment-ci, au niveau de cette commission parlementaire.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. le député de Johnson.

M. Bellemare: Vous avez parfaitement raison, Madame, parce que je crois que les difficultés que vous rencontrez depuis de nombreuses années font que vous avez milité d'une manière assez convenable au sein de la fonction publique pour obtenir cette reconnaissance que vous sollicitez d'une manière plus tangible aujourd'hui dans la loi 53. Je vous félicite d'avoir entrepris cette démarche pour venir rencontrer les membres de la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 53 et je vous dis d'avance que ce n'est pas en vain que le travail si tenace que vous faites pour vous faire reconnaître officiellement comme professionnels aura été fait.

Personnellement, mon collègue et moi, nous avons déjà discuté de cette appréhension que vous avez et je peux vous dire une chose, c'est que nous allons déployer toute l'influence dont nous sommes capables pour essayer de vous faire reconnaître officiellement par l'article 69. Il stipule actuellement que les infirmiers et infirmières travaillant au sein de la fonction publique doivent obligatoirement appartenir au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec.

Je pense, Madame, que vous avez parfaitement raison et que trop fort ne casse pas. Devant la commission Martin, vous pouvez faire valoir exactement cette prétention qui est justifiée, à mon sens, et qui pourra vous apporter, à l'avenir, véritablement le succès que vous sollicitez depuis de nombreuses années. Je pense que vous avez survécu à certaines difficultés qui sont à noter aujourd'hui, mais avec la ténacité que vous y avez mise, personnellement et ceux de votre groupe, je pense qu'on devrait bientôt officiellement reconnaître votre groupe comme professionnel dans la fonction publique.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre. M. de Belleval: Maintenant... excusez...

M. Garneau: Allez-y, parce que moi, c'est seulement une remarque.

M. de Belleval: Evidemment, vu sous un autre aspect que l'article 69, vu sous l'angle de la classification actuellement en vigueur pour les postes de professionnels... C'est-à-dire que la classification des postes de professionnels, actuellement, prévoit qu'un diplôme universitaire de premier cycle est un prérequis à l'entrée dans la classe des professionnels.

Dans le cas de la profession d'infirmière, un diplôme DEC permet l'exercice de la profession d'infirmière. Evidemment, nous pourrions envisager de modifier la classification actuelle des professionnels pour permettre que des individus qui n'ont qu'un DEC et non pas un diplôme universitaire de premier cycle appartiennent à la classe des professionnels.

Je n'ai pas besoin de vous dire que changer la classification des professionnels de cette façon aurait des incidences majeures sur beaucoup d'autres professions pour lesquelles on exige aussi un DEC et non pas un diplôme universitaire de premier cycle.

Vous voyez quand même le caractère très vaste, les implications très vastes de la demande que vous pourriez formuler au titre de la classification, et je rappeJle que, de ce point de vue, la classification, en vertu du projet de loi, bien sûr, relèvera d'une réglementation du ministre.

Le Président (Mme Cuerrier): Mme Tellier-Cormier.

Mme Tellier-Cormier: Dans un premier temps, j'espère que les difficultés ne feront pas peur au législateur et ce n'est pas parce qu'une chose est difficile qu'il faut baisser.

Dans un deuxième temps, je vous rappellerai qu'un premier cycle, un premier niveau universitaire est l'équivalent de quinze années de scolarité, et quand vous parlez aujourd'hui de scolarité en termes d'atteinte d'un diplôme au niveau de l'infirmière, je pense qu'il ne faut pas parler uniquement de la catégorie actuelle, de celles qui sortent des CEGEP, mais celles mêmes qui en sortaient auparavant avaient déjà un minimum de quinze années de scolarité à la fin de leurs études.

Alors, je pense que si on parle de niveau en termes d'années de scolarité, on pourrait en parler très longuement.

Il m'apparaît donc que vous considérez que cela relève d'un problème de classification au niveau des professionnels. C'est certes une réalité, mais je persiste à dire que c'est une question de fond, de reconnaissance d'un statut qui nous revient.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Evidemment, le problème soulevé par rapport à la commission Martin — je ne veux pas tourner le fer dans la plaie — indique jusqu'à quel point notre motion de ce matin était à propos, et si on avait ici des représentants et si, à ce moment-ci, on savait que le projet de loi ne serait pas adopté en deuxième lecture avant le dépôt du rapport Martin, il y aurait certainement pour vous la possibilité de savoir dès maintenant que vous pourrez intervenir à nouveau au moment où le rapport Martin aura été déposé avec ses recommandations et surtout avec la décision que le gouvernement pourrait proposer à l'étude de cette commission de l'Assemblée nationale.

Ceci étant dit, pourrais-je vous demander combien vous avez de personnes qui seraient touchées par cela, dans la fonction publique, présentement?

Tout à l'heure, vous avez parlé de 2000, il y a un certain nombre d'années. Combien en reste-t-il maintenant?

Mme Tellier-Cormier: Actuellement, nous avons la certitude que 68 infirmières sont touchées par ce problème. J'ai la certitude de 68, mais cela peut être plus.

M. Garneau: Votre objectif est de faire en sorte que ces 68 personnes soient représentées dans un syndicat professionnel séparé de celui des fonctionnaires en général. Est-ce cela? Je ne suis pas tellement familier avec le problème.

Mme Tellier-Cormier: Non. Je vous ferai remarquer que l'intention de la corporation n'est pas de s'immiscer dans les problèmes qui relèvent d'un organisme syndical. Elles décideront, par la suite, par quel organisme syndical elles devront être représentées.

Le problème de fond que je soulève, et que nous soulevons depuis moult années, c'est le fait d'être reconnues comme professionnelles, puisque nous sommes reconnues comme professionnelles depuis 1920. Je ne sais pas si je peux m'adresser ici à Mme le Président? Je pense qu'il y a un facteur sociologique qui fait que, parce que nous étions des femmes, nous ne nous sommes pas fait entendre avant. Je pense que c'est un phénomène sociologique qui existe et qui a existé. Comme nous étions vouées à la tâche, pour toutes sortes de raisons sociologiques, nous ne nous sommes peut-être pas fait entendre assez tôt sur ce problème, quoique cela fasse au-delà de cinq ans que nous faisons des revendications pour cette chose. C'est depuis 1920 que les infirmières existent, à titre de corporation, et même l'exercice exclusif existe depuis 1946.

Je pense que c'est une reconnaissance de quelque chose que nous avons déjà. La réforme du Code des professions nous a consacrées à nouveau comme une profession avec un exercice exclusif. C'est très difficile de digérer — c'est le cas de le dire — une telle loi, qui ne fait même pas la concordance avec une loi qui existe déjà.

Je vous rappellerai aussi, que parmi nos membres, il y a une proportion quand même assez importante qui est au premier niveau universitaire, au deuxième et même au troisième. On ne peut pas prétendre uniquement se baser sur une question de niveau pour nous refuser une demande qui, selon nous, est justifiée et logique.

M. Garneau: Au sujet de cette demande que vous faites, la conséquence, en termes administratifs, que le ministre a soulignée tout à l'heure, la voyez-vous comme véritable? S'agit-il uniquement d'une reconnaissance professionnelle comme telle, ou si cela amènerait d'autres modifications? Vous allez pardonner mon ignorance dans la section administrative de ce problème. Je pense que nous sommes ici pour nous informer.

M. Bellemare: Vous permettez, Mme le Président...

M. Garneau: J'aimerais entendre la réponse de Mme Tellier-Cormier.

M. Bellemare: Oui, c'est parce qu'il y a longtemps que ce problème mijote dans le Parlement du Québec.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, M. le député de Jean-Talon avait la parole; pourriez-vous attendre pour faire votre intervention? D'ailleurs, je voudrais faire remarquer à la commission qu'il est 18 heures et que nous devons, à moins que la commission ne décide de continuer parce qu'elle pense que les interventions ne seront pas très longues, les participants aussi...

M. de Belleval: On pourrait te terminer, je pense.

M. Garneau: Je le pense aussi.

Le Président (Mme Cuerrier): La commission est d'avis que nous puissions terminer avec les invités que nous avons maintenant. Allez-y, madame! C'est vous qui avez la parole.

Mme Tellier-Cormier: Merci, Mme le Président. Je soulignerai à M. Garneau que les commentaires faits par le ministre responsable sont des réalités. Je sais pertinemment que cela va occasionner des restructurations en termes de classification, mais, encore une fois, cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas régler un problème parce qu'il y a des difficultés. Ce sera une reclassification à faire en tenant compte des années de scolarité ou autres.

Je pense qu'il y a d'autres endroits où le même problème s'est posé et on y a trouvé une solution. Encore une fois, je ne sais pas si cela dépend de la profession qu'on exerce, mais il ne faut vraiment pas plier l'échine devant la difficulté.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Johnson, je regrette d'avoir dû retarder votre intervention.

M. Bellemare: Oui, mais je répète ce que j'ai déjà dit et que vous avez certainement entendu, si vous ne l'avez pas compris. En tout cas, chose certaine, cela fait des années que ce problème est devant la Législature, devant le Parlement. Moi-même, comme ministre, j'ai déjà entendu des réflexions comme celles que vous avez faites, madame, mais nous avons peut-être fait la sourde oreille. Cela date de plusieurs années. C'est revenu, en 1970, devant l'autre gouvernement qui, lui aussi, après plusieurs entrevues que le ministre de la Fonction publique, M. Oswald Parent vous avait accordées, vous avait donné la certitude bien définie que le problème se réglerait d'une manière définitive. Malheureusement, cela n'a été que des voeux pieux. A l'occasion de ce projet de loi 53, vous êtes venus ici pour faire valoir vos droits qui sont des droits acquis, parce qu'on vous reconnaît dans les faits et particulièrement dans l'exercice de votre profession comme de véritables professionnels, mais on ne veut pas vous reconnaître au point de vue de la loi. Alors, je dis que, personnellement, je suis en faveur, même si "trop fort, casse pas", comme je vous l'ai dit tout à l'heure, que vous interveniez auprès de la commission Martin pour faire valoir votre droit.

Ici je pense que nous allons faire... Je sais que le ministre ne voudra pas accepter le projet 53 en deuxième lecture avant d'avoir en main le rapport Martin. Je sais cela d'avance. J'en suis persuadé, je le connais parce que c'est un homme qui est strictement honnête et comme il est honnête, il ne fera pas cela. Il va attendre que le rapport Martin soit déposé et, après, qu'on ait la latitude de faire la corrélation entre les deux pour voir là où il y a amélioration, là où il y a perfectionnement et, dans cette corrélation, madame, je pense bien que votre représentation, aujourd'hui, sera entendue.

M. de Belleval: Mme le Président...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: ... en terminant rapidement, pour faire une dernière remarque sur les dernières remarques du député de Johnson. On peut faire exprès quand on veut noyer un chien, de lui trouver des puces et de dire qu'il a la rage et c'est peut-être un peu la même chose en politique, quand on veut, non pas discuter du fond d'une question, on essaie de trouver une façon dilatoire de noyer le poisson. Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne le problème soulevé par les infirmières, il relève de l'article 69 et cet article, comme tel, fait partie ou fera partie, quand la loi 53 sera adoptée, d'une autre loi. Donc, on peut adopter la loi 53, sans préjuger en aucune façon de ce qui sera...

M. Garneau: Oui, oui, mais...

M. de Belleval: Un instant, laissez-moi finir, je vous en prie. On peut adopter la loi 53, dis-je, sans préjuger en aucune façon de la solution qui sera adoptée aux amendements, éventuellement, à une loi qui existe déjà et qui continuera d'exister, c'est-à-dire, l'article 69 de la Loi de la fonction publique. Donc, on peut étudier ces deux questions de façon totalement distincte. Pour le reste, on y reviendra.

M. Bellemare: Le poisson ne sera jamais noyé.

M. de Belleval: D'ailleurs, je vous ferai remarquer une chose, c'est qu'il se pourrait fort bien que devant l'ouverture du ministre de la Fonction publique à apporter des amendements à sa loi, des personnes qui, actuellement, sont réticentes à la voir accepter tout de suite, voudraient, au contraire, la voir accepter tout de suite.

M. Garneau: Si vous abolissez la commission Martin.

Le Président (Mme Cuerrier): II me reste à remercier les participants qui sont nos invités maintenant, puisque vous le représentez, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, pour avoir apporté cette collaboration aux travaux de cette commission.

Mme Cormier: Merci, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): La séance est suspendue jusqu'à 20 heures.

(Fin de la séance à 18 h 10)

Reprise de la séance à 20 h 19

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

C'est le moment de poursuivre la séance. Nous invitons maintenant M. Michel Rolland, président de la Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix de la fonction publique du Québec.

M. Michel Rolland

Fraternité des cadres intermédiaires

des agents de la paix de la fonction publique du Québec

M. Rolland (Michel): Mme le Président, messieurs les membres de la commission, il nous fait plaisir de vous présenter notre mémoire sur le projet de loi 53.

Le projet de loi 53, par les divers amendements qu'il apporte à la Loi de la fonction publique, concerne d'une façon particulière les cadres intermédiaires des agents de la paix. Ainsi, la Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix de la fonction publique du Québec entend soumettre ses représentations sur certains aspects du projet de loi, ainsi que sur ses implications possibles, après avoir offert un bref exposé sur les raisons de son existence et sur la catégorie de personnel qu'elle représente.

La fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix est un syndicat professionnel constitué en vertu de la Loi des syndicats professionnels depuis le 20 novembre 1969. La fraternité représentait alors trois catégories de personnes, soit: surveillants en institutions pénales, surveillants routiers et agents de pêcherie.

La constitution de la fraternité fut subséquemment amendée et approuvée le 28 avril 1975 en vue de regrouper, sous le pouvoir représentatif de ladite fraternité, tous les cadres intermédiaires des agents de la paix oeuvrant dans les établissements de détention uniquement. Ces derniers formaient, de toute façon, la majeure partie des membres à l'origine de la fraternité. Cette modification de la constitution avait pour but, en effet, de mettre fin aux nombreux problèmes résultant du fait que les cadres, lorsque tous regroupés sans distinction aucune, relevaient de trois ministères différents, lesquels étaient, à l'époque, ceux de la Justice, de la Fonction publique, de la Voirie, de la Chasse et de la Pêche, alors qu'actuellement lesdits cadres des établissements de détention ne relèvent plus que d'un seul ministère, celui de la Justice.

La fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix a un objectif conforme à celui qui est stipulé à l'article 6 de la Loi des syndicats professionnels, soit de promouvoir le bien-être général des membres de la fraternité et de voir à leurs intérêts économiques, sociaux, moraux et culturels dans le respect des lois et de l'autorité.

Depuis sa formation, le gouvernenent du Québec a, de fait, reconnu le pouvoir de représentation et de consultation de la fraternité pour le reconnaître officiellement par la commission d'une entente sur les conditions de travail de ses membres le 17 mai 1977 sous la forme d'un règlement intitulé "Règlement concernant certaines conditions de travail du personnel de direction des agents de la paix (Surveillance en établissement de détention)".

A cet effet, nous avons joint en annexe de notre mémoire différentes lettres provenant de certains ministères et créant officiellement notre comité paritaire, à notre disposition depuis le mois de novembre 1975.

La Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix regroupe les cadres qui se situent entre les cadres supérieurs du personnel de direction des agents de la paix et les agents de la paix regroupés sous le Syndicat des agents de la paix, dont ies fonctions relèvent de la surveillance dans les établissements de détention. Les cadres intermédiaires, dans l'exécution de leurs tâches, jouent en quelque sorte un rôle de transition entre les cadres supérieurs et les syndiqués.

Ainsi, à cause de la nature même de leurs fonctions, les cadres intermédiaires ayant un pouvoir représentatif de la direction et, par conséquent, un pouvoir d'autorité, ne peuvent avoir un statut de salarié au sens du Code du travail et doivent se distinguer du Syndicat des agents de la paix en se regroupant sous une association de cadres.

Tout en étant en accord avec l'idée générale du présent projet de loi, la fraternité s'interroge sur certaines questions qui se soulèvent et tient à traiter quelques aspects de ce projet sur lesquels elle diffère plus ou moins d'opinion.

Distinction entre les agents de la paix et autres fonctionnaires. Nous remarquons que le projet de loi 53 propose une modification substantielle de la Loi de la fonction publique, mais que, par ailleurs, il contient le maintien des dispositions des articles 69 à 75 de la Loi de la fonction publique, ce qui signifie donc que la distinction déjà existante entre certaines catégories de fonctionnaires, dont les agents de la paix, persiste malgré les changements apportés à la Loi de la fonction publique.

L'article 69d, et plus particulièrement les articles 74 et 75, interdisant toute affiliation et toute grève, démontrent qu'un traitement différent est donné aux agents de la paix à cause de leurs fonctions et de leur contexte de travail.

Si le législateur juge à propos de maintenir cette distinction au niveau des salariés, il nous apparaît logique que la même distinction soit faite au niveau des cadres de la fonction publique.

Aussi, la Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix suggère que le projet de loi, à son article 59, tienne compte de cette distinction en reconnaissant, dans la loi, la situation qui existe dans les faits; ainsi, les agents de la paix nommés et promus à des emplois de cadres intermédiaires des agents de la paix, seraient distincts des autres fonctionnaires qui occuperaient des postes de cadres dans la fonction publique.

Distinction entre cadres supérieurs et cadres intermédiaires. Comme nous le mentionnons dans les notes préliminaires de notre mémoire, les

membres de la fraternité sont effectivement des intermédiaires entre les cadres supérieurs et les syndiqués dans les établissements de détention; la Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix regroupe les cadres qui se situent à un niveau immédiatement inférieur à celui qu'occupent les cadres supérieurs du personnel de direction des agents de la paix.

Les cadres intermédiaires des agents de la paix représentent la direction, soit l'employeur, dans leurs relations avec les agents de la paix salariés; ils exercent donc sur ces derniers une autorité qui les exclut de la définition du terme "salarié" au sens du Code du travail et qui les empêche du même coup de faire partie du Syndicat des agents de la paix.

Cette autorité des cadres intermédiaires des agents de la paix n'étant toutefois que relative, puisqu'elle est elle-même assujettie à celle des cadres supérieurs, doit, à notre avis, faire l'objet d'une considération particulière de la part du législateur; à cette fin, le projet de loi, et plus particulièrement à ses articles 1d et 59, devrait tenir compte de ce statut particulier des cadres intermédiaires, lequel est constaté dans les faits et par la reconnaissance de pouvoirs qu'on a octroyés à la fraternité.

Par le biais de l'article 6 du projet de loi, le pouvoir de négocier les conventions collectives avec les associations accréditées de salariés de la fonction publique est à nouveau consacré au ministre.

Aussi serait-il opportun à notre avis de prévoir un mécanisme de consultation et de représentation auquel pourrait avoir recours la fraternité lorsqu'il s'agira pour le ministre de réglementer les conditions de travail du personnel de cadre.

En effet, notre association, comme d'autres associations existantes, ont par le passé eu l'occasion de se faire entendre sur de telles matières. Nous croyons que devrait être reconnu ce droit dans la loi. Il ne s'agirait pour le législateur que d'arrêter dans le texte de loi une situation de fait antérieurement reconnue en pratique, laquelle a d'ailleurs fait bénéficier les associations concernées de résultats concluants.

Ceci nous apparaîtrait même être une conséquence iogique des dispositions contenues à l'article 7 du projet de loi qui prévoit un mécanisme d'appel des décisions rendues par règlement sur les matières visées et relativement auxquelles il n'existe pas de recours auprès de la commission.

C'est donc dire, suivant la juridiction de la commission, tel que prévu à l'article 28 du projet de loi, qu'un tel mécanisme d'appel va s'appliquer notamment aux décisions relatives à tout règlement pour les conditions de travail. On devrait, par conséquent, prévoir un mécanisme de représentation quant aux conditions de travail.

En terminant, nous vous soulignons qu'un tel mécanisme de consultation aurait sans doute pour effet de minimiser les appels prévus à l'article 7 du projet de loi puisque les parties impliquées auront eu l'occasion de se faire entendre avant que décision soit rendue.

Nous constatons que le projet de loi accorde au ministre de la Fonction publique de larges pouvoirs puisque ce dernier se retrouve non seulement avec les pouvoirs qu'il avait en vertu de l'ancienne loi du ministre de la Fonction publique, mais qu'il s'enrichit d'une bonne partie des pouvoirs que détenait la commission. Désormais, le rôle de cette dernière est, à toutes fins pratiques, restreint à un rôle de tribunal d'appel dans certaines matières ainsi qu'à un rôle consultatif.

Selon l'article 32 du projet de loi, la commission, pour les cas qui tombent sous sa juridiction, tels qu'énumérés à l'article 28 du projet de loi, devra déterminer par règlement la procédure à suivre; par ailleurs, dans les autres cas tombant sous la juridiction des comités d'appel, le ministre déterminerait par règlement les règles de procédure.

Or, nous sommes d'avis que ces règles de procédure devraient être déterminées dans la loi afin que le ministre lui-même y soit assujetti et soit lié par cette procédure. Dans les cas de rétrogradation, de révocation ou de destitution, l'article 89 du projet de loi prévoit un appel de la décision à la commission dans les 30 jours. Vu l'importance de ces divers cas, la fraternité insiste pour que la procédure d'appel soit claire et qu'un mécanisme d'appel soit bien défini en vue d'éviter des abus et de garantir la défense des droits des fonctionnaires dont la position serait ainsi mise en jeu. La fraternité suggère, en outre, lorsqu'il s'agira de rétrograder, de révoquer ou de destituer un cadre intermédiaire des agents de la paix, que la décision de la commission siégeant en appel soit elle-même soumise à une procédure d'appel devant un autre organisme nommé à cette fin et que les règles de procédure devant s'appliquer soient explicites, déterminées et permanentes.

En terminant, nous croyons qu'il y aurait peut-être lieu de sanctionner le principe des associations de cadres dans la loi puisque ce principe est reconnu dans les faits.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: Merci beaucoup, M. Rolland, de votre contribution. A mon avis, il s'agit d'une contribution positive qui fait avancer le débat sur un certain nombre de points qui vous concernent, mais qui concernent aussi l'ensemble des fonctionnaires.

Comme votre prédécesseur, au niveau des cadres intermédiaires, vous insistez sur l'opportunité de distinguer entre cadres intermédiaires et cadres supérieurs. Je pense que, tout à l'heure, j'ai expliqué assez en détail la raison pour laquelle on introduisait la notion de cadres supérieurs dans la loi, tous les fonctionnaires étant inscrits indistinctement dans la loi, la distinction de cadres supérieurs n'étant introduite que pour les fins de l'application des pouvoirs du Conseil du trésor en ce qui concerne les plans d'organisation supérieure.

Donc, le projet de loi comme tel n'a pas pour but de créer des catégories de fonctionnaires, mais s'adresse tout simplement à l'ensemble des fonctionnaires indistinctement de leur classification.

Vous demandez, bien sûr, un mécanisme de consultation et de représentation pour les cadres. Comme vous le savez, ce mécanisme existe déjà en ce qui vous concerne et il est en voie aussi d'être précisé, d'être formalisé davantage. Je pense que c'est une démarche qui vous convient. Cependant, je suis sensible à votre suggestion à savoir que le principe pourrait être reconnu dans la loi de façon plus explicite. C'est une possibilité que nous examinerons, mais il faut quand même se rendre compte que rien dans la loi, justement, n'interdit de reconnaître les associations de cadres. A vrai dire, les associations de cadres, j'ai déjà pris des mesures pour les reconnaître formellement.

J'ai apprécié, dans votre mémoire, d'ailleurs, votre référence à la date du 17 mai pour l'approbation d'un règlement sur lequel vous aviez beaucoup insisté et que je vous avais, effectivement, promis pour le 15 mai. Je pense qu'il s'agit purement d'une date de concordance, une histoire de fin de semaine, le Conseil du trésor siégeant le mardi, comme vous le savez. J'ose espérer, même si je n'en ai pas eu beaucoup d'écho de votre part, que cette action au niveau du règlement, de votre point de vue, augurait bien quant aux rapports que nous devons avoir de toute façon pour l'avenir.

On reçoit beaucoup de critiques, mais fort peu de félicitations. C'est une coquetterie que je me permets en vous signalant ce fait. Quant à la question de la réglementation explicite des mécanismes prévus pour les griefs en toute matière, bien entendu, c'est dans le cadre de la reconnaissance et des protocoles d'entente qui en découlent que seront prévus explicitement les mécanismes d'appel; de la même façon que dans le cas des employés syndiqués, ce sont les conventions collectives qui prévoient explicitement les mécanismes d'appel, il existera, de toute façon, donc, des mécanismes à deux niveaux: au niveau de la convention comme telle ou de ce qui en tient lieu, et aussi, au niveau de la Commission de la fonction publique.

En ce qui concerne les règlements d'appel au niveau de la Commission de la fonction publique, il s'agit de règles de procédure propres aux tribunaux administratifs qui ne sont généralement explicitées dans aucune loi, mais qui sont édictées par les tribunaux eux-mêmes et qui sont appelées d'ailleurs à changer suivant l'expérience et quand il est opportun de les modifier.

Cependant, ces règlements sont publics et peuvent être discutés. Mais il n'est coutume nulle part de prévoir les règles de procédure devant les tribunaux administratifs dans les lois qui constituent ces tribunaux.

Voilà, en gros, un certain nombre de remarques que j'avais à vous faire sur votre mémoire, pour lequel je vous réitère mes remerciements.

M. Rolland: M. de Belleval, peut-être n'avons-nous pas encore eu l'occasion de vous remercier pour notre CT du 17 mai 1977, c'est peut-être l'occasion propice pour le faire. C'est sûr que le règlement que nous avons obtenu a résolu une bonne partie du fond du problème, mais il n'en reste pas moins qu'il y a encore bien des choses à améliorer dans ce document. Vous faisiez également référence aux procédures d'appel. Dans notre mémoire, lorsqu'on se réfère à des procédures d'appel, c'est particulièrement dans les cas de révocation, de destitution ou de rétrogradation.

Actuellement, nous avons à notre disposition une procédure de plainte qui, sans être parfaite, nous permet quand même de régler le fond du problème qui est en litige. Mais, dans les cas de rétrogradation ou de congédiement, en tant qu'association de personnel de direction, on comprend assez bien votre préoccupation pour assainir votre ministère ou le service de la fonction publique. On a, dans nos sphères d'activité, les mêmes préoccupations que vous, mais à un niveau plus restreint. Dans un sens, nous sommes en accord avec le principe qui est mentionné, soit la révocation ou la destitution. Par contre, on insiste pour avoir des procédures clairement définies pour donner la possibilité aux personnes qui seraient impliquées dans un processus semblable d'avoir une décision équitable et de pouvoir avoir un deuxième recours lorsqu'il y aurait une erreur, par exemple, en première instance, soit devant la commission. Au niveau du personnel de direction qu'on représente, il me semble que ce serait approprié parce que les conséquences seraient d'autant plus graves. Il faudrait que nos gens puissent avoir un recours devant un autre organisme qui pourrait être en l'occurrence, pour nos membres, le Conseil des ministres.

Ce serait un peu ce qui existe dans les procédures de destitution actuellement en vigueur, alors qu'un employé lésé peut porter en appel une décision du commissaire-enquêteur auprès du Conseil des ministres. C'est un peu dans cette optique.

M. de Belleval: Juste un petit renseignement là-dessus. En fait, contrairement à l'opinion répandue, vous en témoignez maintenant, ce n'est pas un reproche que je fais, parce que la disposition est peut-être ambiguë, le Conseil des ministres n'agit pas comme tribunal d'appel de dernière instance dans un cas de destitution. Il agit comme instance de ratification ou de non-ratification. Il n'a pas pour fonction d'entendre un deuxième appel ou les plaintes. Il n'y a pas de représentation de faite par des avocats...

M. Rolland: II a le pouvoir d'étudier à nouveau les dossiers.

M. de Belleval: Ce qu'il peut faire, c'est la prérogative du souverain, c'est le droit de grâce, au fond, il peut laisser la procédure aller jusqu'au bout ou accorder la grâce du souverain. Ce n'est pas, à proprement parler, une procédure d'appel. La preuve, c'est que les parties ne sont pas entendues et il n'y a pas de représentation de faite par des avocats, etc., ou par des mandataires de celui qui est l'objet de la procédure. Quoi qu'il en soit, je pense quand même qu'une bonne procédure d'appel de première instance doit être déterminée, vous avez raison de le mentionner, de la meilleure

façon possible, à la suite d'une entente avec l'association, plus ensuite l'appel final au niveau de la commission. Là-dessus, dans le cadre des rencontres que nous avons avec les associations de cadres, je suppose que cette question-là a été soulevée ou sera soulevée, à savoir la possibilité pour l'association de cadres aussi d'avoir droit de subrogation devant la commission, si le cadre en question le désire, comme dans le cas du personnel syndiqué. Je pense que tous ces aspects-là seront susceptibles d'améliorer les procédures en vigueur et de mieux protéger vos membres.

M. Garneau: Je me demande ce que le ministre est en train de nous dire.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Je pense qu'on sera rendu à la fin des travaux de la commission et qu'on aura des surprises chaque fois qu'on aura des mémoires. Le ministre est-il en train de nous dire que l'article 7 de la loi qu'on étudie actuellement, qui prévoit au paragraphe b) la formation de comités d'appel de la décision... prévoir, c'est au paragraphe a), au bénéfice et, pour l'application du paragraphe a), constituer des comités d'appel dont la décision est sans appel, et statuer sur la procédure à suivre devant ces comités... Etes-vous en train d'interpréter ces articles comme étant le fait que, sans appel dans le cas de gens qui ne sont pas des salariés dans le sens du Code du travail, ces mots "sans appel" n'ont pas de signification et que, finalement, on pourrait aller directement à la Commission de la fonction publique en vertu de l'article 89 et avoir ce droit d'appel? Ce que je ne saisis pas, c'est que votre article — je reviens toujours à l'article 119, qui établit le champ de négociation et, par ricochet, qui établit également le champ de discussion avec les associations bona fide — que cet article 119, relié aux pouvoirs de réglementation de l'article 3, signifierait qu'il y aurait deux droits d'appel.

Vous êtes en train de nous dire que, dans le cas des cadres intermédiaires des agents de la paix, il y aurait une négociation à l'intérieur d'une négociation ou d'une discussion avec une association bona fide, comme c'est présentement le cas, qui prévoirait des procédures de griefs, d'appels, en cas de suspension ou de congédiement, qui iraient en appel à la Commission de la fonction publique.

M. de Belleval: C'est sûr.

M. Garneau: Mais ce n'est pas ce que dit la loi.

M. de Belleval: Un instant. Oui, c'est exactement ce que dit la loi, dans le sens que, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la loi permet de faire une chose semblable. La loi ne l'interdit pas. Ce que la loi n'interdit pas, donc, elle le permet. Je pense que le député de Jean-Talon sera d'accord avec cette façon de voir les choses. En fait, il existe deux types...

M. Garneau: C'est une curieuse façon de légiférer.

M. de Belleval: Non. Au contraire, c'est une façon tout à fait habituelle de légiférer.

M. Garneau: II n'y a pas de danger.

M. de Belleval: II existe deux types de matières qui peuvent être soumis en appel. Il y a des matières qui doivent aller ou qui peuvent aller jusqu'au niveau de la Commission de la fonction publique, mais rien n'empêche que, pour ces matières qui vont au niveau de la Commission de la fonction publique, comme appel final, il n'existe pas une procédure de grief intermédiaire, comme dans le cas des conventions collectives. Les conventions collectives prévoient une procédure de grief et il n'y a rien qui nous interdit, avec les associations de cadres, de prévoir aussi une procédure de grief. Dans le cas des griefs qui vont devant la Commission de la fonction publique, l'appel final est au niveau de la Commission de la fonction publique.

M. Garneau: Vous êtes en train de nous dire que, quand vous allez faire vos règlements sur les points qui ne sont pas négociables, comme les questions de suspension, de rétrogradation et de congédiement, dans votre règlement, vous allez prévoir une procédure d'appel de première instance.

M. de Belleval: Une procédure de grief de première instance.

M. Garneau: Une procédure de grief de première instance, et cette procédure, en fait, ne sera pas négociable. Elle sera édictée par le ministre. Ce que je ne saisis pas, c'est que vous allez avoir des discussions avec des syndicats de salariés et des agences ou des associations bona fide et, en même temps, vous allez édicter des règlements. Vos règlements vont-ils être négociables oui ou non? S'ils sont négociables, pourquoi faire des règlements? C'est aussi bien de le faire directement dans la convention collective ou dans l'entente à laquelle vous arrivez, comme gouvernement, avec les associations qui représentent des employés. Il y a quelque chose qui ne fonctionnera pas entre les deux.

M. de Belleval: Je pense que nous allons relire tranquillement l'article 7 et, à sa face même...

M. Garneau: L'article 7 y est pour une partie, mais il reste que l'article 119 m'intéresse davantage que l'article 7.

M. de Belleval: J'aimerais qu'on sache sur quoi on discute, quand même.

M. Garneau: Non, non.

M. de Belleval: Toute cette discussion s'est engagée sur l'article? et non pas sur l'article 119.

M. Garneau: Oui, parce que vous disiez qu'il y avait des possibilités d'appel à la Commission de la fonction publique. C'est ce que vous avez dit.

Je vois, ici, à l'article 7, que c'est marqué qu'il n'y a pas d'appel. Alors, je me dis: II faut que j'aille voir ailleurs.

M. de Belleval: Cela dépend des matières dont il est question.

M. Garneau: Oui.

M. de Belleval: II y a certaines matières pour lesquelles il n'existe pas de recours auprès de la commission.

Le Président (Mme Cuerrier): Je me vois dans l'obligation de vous rappeler que nous en sommes à une discussion qui pourrait se tenir à un autre moment...

M. Garneau: Ce n'est pas sûr... C'est parce que...

Le Président (Mme Cuerrier): ... à moins que les intervenants que nous avons mandat d'entendre ce soir n'aient quelque chose à venir ajouter à ce que vous dites maintenant.

M. Garneau: Le problème, Mme le Président, c'est que les réponses que le ministre donne à nos invités réapparaissent non conformes au texte de loi. Je me demande comment, juridiquement, il pourrait concrétiser la réponse à la question ou au point soulevé par notre intervenant. C'est seulement cela que je dis. C'est pour cela qu'a lieu la discussion. Alors, allez-y. L'article 7 c'est pour les non salariés, comme vous disiez, ou pour les gens qui n'ont pas de convention?

M. de Belleval: On va le relire rapidement et on va se comprendre parce que c'est là-dessus que porte quand même une partie importante du mémoire de M. Rolland. "Le ministre doit, par règlement approuvé par le Conseil du trésor: a) prévoir, au bénéfice des fonctionnaires non régis par une convention collective de travail, un appel des décisions rendues sur les matières visées à tel règlement et relativement auxquelles il n'existe pas de recours auprès de la commission."

Pour toutes sortes de questions pour lesquelles il n'existe pas actuellement de recours, ou dans la future loi pour lesquelles il n'existera pas de recours auprès de la commission, rien ne nous empêchera donc de constituer des procédures de grief avec tribunaux d'appel, etc. Est-ce que cela va bien?

M. Garneau: C'est-à-dire qu'il n'y a pas de tribunaux d'appel parce que c'est sans appel. Vous allez constituer des comités d'appel dont la décision est sans appel.

M. de Belleval: C'est cela.

M. Garneau: Alors, il y a seulement un niveau de décision.

M. de Belleval: II peut y avoir une procédure de grief de prévue par convention ou par entente...

M. Garneau: Pour entendre les petits griefs. M. de Belleval: Si vous voulez...

M. Garneau: D'accord.

M. de Belleval: ... et prévoir pour ces griefs, à la fin, un mécanisme d'appel.

M. Rolland: Excusez-moi...

M. Garneau: Je comprends moins. En tout cas, allez-y, peut-être que vous allez m'éclairer au moins.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le président de la fraternité.

M. Rolland: M. Garneau, probablement que vous n'avez pas très bien saisi le sens de notre intervention là-dessus. Nous demandons une procédure d'appel sur la décision de la commission, mais ce, relativement à l'application de l'article 89 et non à l'application de l'article 7.

M. Garneau: Ce n'est pas votre interprétation que je n'ai pas saisie. C'est la sienne. C'est l'explication que le ministre nous a donnée. C'est cela qui m'embêtait parce que cela ne m'apparaît pas conforme au texte de loi.

M. Rolland: A mon point de vue, vous avez justement interprété que nous demandions un mécanisme d'appel sur le paragraphe 7. Est-ce bien ce que j'ai compris?

M. Garneau: Non, non. C'est quand le ministre vous a dit qu'effectivement il y avait des mécanismes d'appel, qu'il y avait deux instances. Il a essayé de nous expliquer que dans son règlement il pourrait y avoir une décision de première instance. L'appel se ferait à la commission. C'est comme cela qu'il vous a expliqué cela.

M. de Belleval: II peut y avoir, pour des griefs pour lesquels il est prévu un recours à la commission, une procédure de grief intermédiaire.

M. Garneau: Oui.

M. de Belleval: Autrement dit, quand une procédure de rétrogradation est engagée contre un employé, une partie des problèmes à ce niveau peut être réglée au niveau de dispositions de griefs intervenues entre la fraternité, par exemple, et le ministère de la Fonction publique, mais il reste un droit d'appel final au niveau de la Commission de la fonction publique qui est prévu en vertu de la loi.

M. Garneau: Vous parlez de l'article 89?

M. de Belleval: Je parle de l'article 89, oui. Cela va bien?

M. Garneau: Cela ne va pas du tout, parce que votre article 89 prévoit un droit d'appel à la commission en vertu de ce qui est négociable ou de qui peut être discuté avec des associations bona fide. Les questions relatives au congédiement, etc., ne font pas partie de ce champ de négociation; c'est tout le problème qu'on soulève depuis ce matin.

M. de Belleval: C'est votre interprétation.

M. Garneau: Lisez l'article 119. Vous le faites exprès; autrement, pourquoi avez-vous amendé l'article 119? Vous ne l'auriez pas amendé si vous aviez voulu que cela entre dans le champ des négociations. Vous le soustrayez du champ des négociations pour l'amener dans votre champ de réglementation. A ce moment-là, cela veut dire que le lieutenant-gouverneur en conseil, en dehors de conventions collectives qui sont dûment négociées, va faire des règlements pour traiter de ces sujets. Pourquoi accepterait-il de négocier ces règlements d'une façon séparée du reste de la convention collective?

M. de Belleval: Mme le Président, la réponse est relativement simple, c'est que les règlements de griefs demeurent dans le champ des négociations.

M. Garneau: Pas en ce qui concerne la destitution; en vertu de l'article 88, vous l'avez soustrait.

M. de Belleval: Ce qu'on a soustrait, c'est l'aspect de l'appel final d'un grief, qui se fait maintenant à l'expiration des conventions collectives des syndiqués devant la Commission de la fonction publique. Mais toute la procédure de grief, qui est normalement prévue dans les conventions collectives et, dans le cas où il n'y a pas de convention collective, dans ce qui tient lieu de convention collective, demeure et il peut y avoir négociation là-dessus. J'ai aussi dit que, s'il pouvait y avoir une ambiguïté dans la rédaction de la loi quant à cet aspect des choses, il nous est toujours loisible de préciser cet aspect pour retrouver l'esprit, en tout cas, de l'article 52a.

C'est la même réponse que je vous donne depuis ce matin là-dessus. On réexaminera cette question.

M. Garneau: Si vous me dites que vous amendez la loi, d'accord!

M. de Belleval: J'ai expliqué très clairement quelle était mon intention dans ce sens. Je pense que la loi est claire, mais je peux me tromper. Si la loi n'est pas suffisamment claire, on la clarifiera, mais je n'ai pas besoin d'annoncer un amendement si ce dernier n'est pas nécessaire. On verra avec les légistes, on verra aussi à la suite de l'audition des mémoires s'il y a lieu de préciser certaines choses.

Tout à l'heure, on parlait justement d'un cas semblable, d'une reconnaissance formelle du principe des associations de cadres dans la Loi de la fonction publique. Il reste que, même si ce n'est pas dans la loi actuellement, on peut le faire. Effectivement, on reconnaît des associations de cadres formellement, mais il se peut que, pour clarifier davantage les choses, on mette une disposition. Il me semble que c'est un peu le même cas qui nous préoccupe.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le Président de la fraternité, m'avez-vous fait signe que vous vouliez intervenir?

M. Rolland: Non.

Le Président (Mme Cuerrier): Je ferai remarquer au député de Jean-Talon que la discussion se situe maintenant au niveau de la clarification d'un article, ce qui pourrait être fait après la deuxième lecture, dans l'étude article par article, ou bien en commission plénière à l'Assemblée nationale.

M. Garneau: Mme le Président, je vais faire la même représentation que j'ai faite tout à l'heure; c'est que je considère qu'en vertu du texte législatif tel qu'il est écrit le ministre ne peut pas donner la réponse qu'il a donnée à nos intervenants parce que...

Ecoutez, l'article 119 garde dans le champ de négociations les paragraphes a, b, c et d les règlements des griefs, des choses qui sont négociées et les paragraphes e, f et g sont envoyés à la partie de la réglementation. Alors, ne venez pas me dire, par la suite, que vous pouvez faire des choses à l'intérieur de la négociation quand vous les avez soustraites du champ des négociations. C'est ce que je ne peux pas admettre, à moins que vous nous disiez clairement: La loi sera amendée. Ne nous dites pas que vous pouvez faire des choses avec le texte tel qu'il est, et donner ces réponses aux gens qui viennent nous voir, parce qu'on les induit en erreur en ce qui concerne le texte législatif lui-même.

Vous pouvez peut-être annoncer vos intentions. Je ne veux pas vous en empêcher ou vous priver de ce droit. Cela me plairait beaucoup de vous entendre dire que cela sera nettement clarifiée et que le champ ou que l'aire des négociations, en ce qui regarde et les syndicats de salariés et les associations bona fide, sera maintenu tel qu'il est à l'article 52a.

A ce moment, je vais arrêter de discuter. Mais je n'aime pas que vous fassiez cette réponse lorsqu'on vous pose la question concernant ies droits d'appels, etc., qu'il pourrait y avoir les procédures de griefs, cela sort de la convention collective, cela sort des ententes négociées avec des associations bona fide pour tomber dans votre réglementation.

M. de Belleval: Là-dessus, Mme le Président,

je ne peux faire que répéter ce que j'ai déjà dit cet après-midi, savoir qu'il n'est pas dans l'intention de la loi, ni dans mon intention de restreindre, de ce point de vue, par rapport à la situation qui existait, l'aire des négociations pour les raisons que j'ai expliquées ce matin. Entre autres, l'existence de la commission Martin, etc., le fait que nous avons sorti tous ces aspects du projet de loi 53. Le seul but, c'est la question du règlement final du grief au niveau de la Commission de la fonction publique pour certaines matières très restreintes qui touchent à l'application de la règle du mérite. Maintenant, si par hasard, ce n'est pas suffisamment clair, on fera les amendements ou les clarifications nécessaires, comme le dit Mme le Président, en comité plénier ou lorsqu'on abordera l'étude article par article. L'important pour l'instant, pour tout le monde, je pense, c'est qu'on cerne bien quelles sont les intentions de la loi. Si par hasard il y a des aspects qui ne sont pas assez clairs dans la loi de ce point de vue, on les corrigera.

Le Président (Mme Cuerrier): S'il n'y a pas d'autre intervention, il conviendrait maintenant de remercier la Fraternité des cadres intermédiaires des agents de la paix de la fonction publique du Québec qui a participé à cette commission parlementaire par le biais de ses représentants.

M. Garneau: Mme le Président, en joignant mes remerciements également, je veux dire aux gens qui sont devant nous de bien vérifier le texte de loi. Vous avez des conseillers juridiques. Si vous ne me croyez pas, consultez vos conseillers juridiques et surveillez les amendements qui seront apportés si vous ne voulez pas vous faire jouer.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon, après vos remerciements...

M. Rolland: Les vérifications en question ont déjà été effectuées et à ce jour nos craintes sont quand même assez minimes.

M. Garneau: Bonne chance et ne revenez pas nous voir, d'abord.

Le Président (Mme Cuerrier): Merci, messieurs.

M. Garneau: J'en ai consulté quelques-uns et ils ne sont pas d'accord avec les vôtres.

M. Rolland: Autant il y a de gens, autant on va trouver d'interprétations différentes.

M. Garneau: Bonne chance dans vos négociations de ce qu'il vous restera à négocier.

Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec

Le Président (Mme Cuerrier): L'intervention est terminée, j'appelle maintenant le Dr Richard

Authier, président du Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec. M. Authier.

M. Authier: Mme le Président, MM. de la commission, en préliminaire, permettez-moi de vous présenter ma consoeur, le Dr Huguette Vi-geant, qui m'a aidé dans la préparation de ce mémoire.

Ce mémoire, vous le verrez, n'a rien d'original, après la journée qu'on a passée, et pourra probablement se solder par la même critique que dans tous les autres cas. Cependant, le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec reconnaît à la partie patronale son droit de gérance sur les médecins syndiqués qu'il emploie. Le syndicat reconnaît également la nécessité pour le gouvernement de modifier périodiquement la Loi de la fonction publique pour une meilleure administration de la chose publique et aussi, je l'espère grandement, pour l'amélioration du climat de travail des fonctionnaires ainsi que des relations patronales-syndicales.

Cependant, à la lecture du projet de loi 53, le Syndicat professionnel des médecins du Québec, en accord avec presque tous les autres syndicats de fonctionnaires, s'inquiète grandement du contenu du projet de loi et de l'application future des articles qu'il contient. D'ailleurs la façon dont les syndicats ont appris l'imminence de la loi par les media d'information n'est pas sans justifier cette inquiétude.

Nous comprenons les raisons historiques qui justifient certains changements majeurs dans la fonction publique et nous sommes d'accord que l'employeur améliore le recrutement des fonctionnaires, le climat de travail et même le rendement par un rajeunissement de l'appareil administratif gouvernemental.

Toutefois, le syndicat reste inquiet pour plusieurs raisons et en voici quelques-unes. Sujet à l'approbation de notre véritable et ultime gérant, le Conseil du trésor, le ministre de la Fonction publique se donne des droits nouveaux, non négociables, sur ses employés syndiqués. Du coup, il nous apparaît que presque la moitié des clauses de notre convention collective avec l'Etat disparaît. Si l'on pousse le raisonnement à l'extrême, il serait même possible d'étouffer complètement le syndicalisme de la fonction publique. Aussi, en mettant dans les mains d'un seul homme le pouvoir de réglementer les conditions de travail de tous les fonctionnaires, l'Etat ne craint-il pas de donner lieu à l'arbitraire? Ce n'est sans doute pas l'intention de l'actuel gouvernement qui se veut près des travailleurs mais, comme dit le proverbe: "Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions."

Dans un autre ordre d'idées, le syndicat ne peut qu'approuver le principe du mérite, au niveau du recrutement. Cependant, qui définira le mérite? Le syndicat des médecins est particulièrement intéressé à ce que sa maigre population s'enrichisse de nombreux militants. Aussi, avec l'actuel projet de loi et le peu de candidats médecins qui se destinent au fonctionnarisme, le syndicat craint l'arbitraire et le favoritisme. Le mérite pourrait alors

avoir le visage de celui qu'on a décidé d'avance d'engager en insistant sur des critères qui sont particuliers à ce candidat.

Quant à la commission, aussi bien dire qu'elle ne conserve, dans cette intervention, qu'un bras et un oeil. Un bras pour trancher les litiges d'interprétation des règlements décrétés par le ministre et un oeil pour apprécier l'application du principe du mérite. Sa voix deviendra très faible puisqu'elle ne servira que sur demande; pro re nata, comme on le dit dans le jargon médical.

Les commissaires, n'étant nommés que pour une période de cinq ans, seront-ils indépendants et objectifs ou obéissants? Encore une fois, entendons-nous bien; le syndicat ne prête pas de mauvaises intentions aux autorités gouvernementales et au ministre. Il craint une loi bien pensée, mais mal énoncée. Il tient à l'équilibre des forces entre la partie patronale et la partie syndicale et ne veut, en aucune façon, des arbitres nommés par l'Etat et au service de l'Etat, en qui les syndicats ne peuvent avoir confiance. Que voulez-vous? La nature humaine étant ce qu'elle est, il peut arriver que l'on nomme à la commission des hommes enclins à protéger leur situation intéressante et rémunératrice aux dépens de l'impartialité.

Le Syndicat professionnel des médecins du Québec n'a pas le loisir et les capacités, vu le petit nombre de ses membres, de vous suggérer une foule de refontes possibles à la nouvelle loi. Cependant, par notre présente action, nous voulons, en tant que médecins syndiqués, vous sensibiliser à notre crainte vis-à-vis d'une loi qui se veut bonne, mais que nous estimons mal formulée. Nous nous associons d'ailleurs à tous les autres syndicats de la fonction publique québécoise et plus particulièrement au Syndicat des fonctionnaires et au Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec qui ont fait à la commission et à l'Assemblée nationale des recommandations très précises qui n'ont pas encore été lues, mais vous avez sûrement les mémoires.

Le Syndicat professionnel des médecins du gouvernement du Québec espère être consulté dans l'élaboration des différents règlements et des principes qui les sous-tendent, particulièrement au sujet du mérite et de l'insuffisance professionnelle. Il recommande au ministre de la Fonction publique d'éviter, avec les syndicats, l'erreur inutile qui surviendrait inévitablement suite à une interprétation stricte et unilatérale de la loi. Il demande à participer dynamiquement, avec son employeur, à l'application de la loi et de ses règlements. Cet accord, qui portera sur les devoirs, les droits et les privilèges de chacune des parties, favorisera chacune d'elles. Ainsi, notre syndicat sera assuré que ses membres seront traités avec équité, de sa propre survivance et de son pouvoir de représentation que lui accordaient les précédentes conventions.

Je vous remercie.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre. M. de Belleval: Je vous remercie pour votre participation au débat. J'ai pris bonne note de votre protestation quant à la bonne foi du ministre et du gouvernement, bien que je vous reconnaisse aussi le loisir de critiquer la façon dont cette bonne foi, que vous ne mettez pas en cause, est mise en application. Je ne sais pas si vous aussi êtes signataires des affiches qui courent actuellement?

M. Authier: En aucune façon.

M. de Belleval: En aucune façon. Vous n'êtes pas membres. C'est parce qu'il y a plusieurs signatures au bas de cela. La signature de votre syndicat n'est pas au bas des affiches? Non?

M. Authier: Si elle y est...

M. de Belleval: C'est contre votre volonté.

M. Authier: Je n'étais même pas averti.

M. de Belleval: Bon. D'accord. Le contraire m'aurait surpris.

M. Authier: Je ne sais même pas de quelles affiches vous parlez.

M. de Belleval: C'est aussi bien. Je voudrais vous poser un certain nombre de questions. Vous dites que le ministre de la Fonction publique se donne des droits nouveaux non-négociables, et que, du coup, près de la moitié des clauses de votre convention collective avec l'Etat disparaissent. Je pense que ce serait extrêmement désagréable, même de mon point de vue, si c'était le cas. Ce ne serait absolument pas mon intention. Il se peut bien que, malgré que ce ne soit pas mon intention, comme vous dites, nous nous soyons trompés, de bonne foi, mais j'aimerais que vous m'expliquiez cela un peu plus en détail.

M. Authier: C'est relativement simple. Sans penser aux règlements qui peuvent la régir, la fonction publique n'existe plus. Le ministre a tous les pouvoirs.

M. de Belleval: Expliquez-nous cela un peu en détail. Vous êtes les premiers à venir nous dire cela.

M. Garneau: Ils ne sont pas les premiers, il y en a d'autres. Je l'ai dit depuis le début.

M. de Belleval: On parle du monde ordinaire.

M. Garneau: Le monde ordinaire...

M. de Belleval: Je parle du monde crédible.

M. Garneau: Regardez son projet de loi, vous allez voir!

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le Président du Syndicat professionnel des médecins.

M. Authier: C'est l'article 3.

M. de Belleval: Vous dites: Près de la moitié des clauses de notre convention collective disparaît. Vous avez quand même dû regarder votre convention collective. Vous pourriez me dire quelles sont les clauses de votre convention collective qui disparaissent et m'expliquer comment le syndicalisme pourrait disparaître à la suite de l'approbation éventuelle de ce projet de loi.

M. Authier: Nous avons dit que ce serait possible de se rendre là.

M. de Belleval: Comment serait-ce possible?

M. Authier: Ce serait possible si le ministre de la Fonction publique accapare tous les droits et décide unilatéralement qu'il fait telle chose...

M. de Belleval: Comment pourrais-je décider cela en vertu de la loi? Donnez-moi donc une clause de la loi en vertu de laquelle je pourrais faire cela.

M. Authier: Si vous le dites dans une loi. Par une loi, le gouvernement peut même changer un homme en femme.

M. de Belleval: Je me fierais davantage à un médecin qu'au Parlement pour cela.

M. Authier: Physiquement, mais légalement?

M. de Belleval: Quand même, écoutez. Je vois que vous avez de la difficulté à me citer les articles qui aboliraient comme cela la moitié de vos conventions collectives. Il faut tout de même voir le projet de loi dans son ensemble et ne pas regarder simplement l'article 3. Je veux bien croire que, pour le député de Jean-Talon, tous les autres sont des articles de concordance, mais on pourra facilement sortir de la caricature et regarder les choses en face et se rendre compte qu'il y a bien d'autres choses. Entre autres, au niveau des conventions collectives, tous les aspects de l'ancienne loi qui traitent de l'accréditation, de l'ère des négociations, etc., tout cela est exclu de la loi 53, ne peut être aboli et n'est pas aboli par la loi 53, bien au contraire.

Deuxièmement, aussi, il faut que vous lisiez les articles de loi en concordance les uns avec les autres, pour reprendre l'expression du député de Jean-Talon. Entre autres, j'attire votre attention sur les articles 90 et 91, qui disent que le ministre de la Fonction publique fixe, par règlement approuvé par le Conseil du trésor, la rémunération, les avantages sociaux et les autres conditions de travail du personnel de la fonction publique lorsque celui-ci n'est pas régi par une convention collective ou en l'absence de dispositions dans les conventions collectives applicables. C'est signe que, si l'on fixe des choses en l'absence des conventions collectives, c'est parce qu'il existe des conventions collectives qui, par ailleurs, fixent autre chose. La preuve, c'est que, bien sûr...

M. Garneau: ... a, b, c de l'article 119, de l'ancien article 52a, et qu'on fait disparaître tous les autres points. Vous racontez des histoires aux gens.

M. de Belleval: C'est vous, M. le député de Jean-Talon...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon, je vous demanderais d'attendre que le ministre ait terminé son intervention avant d'en faire une.

M. de Belleval: Je repose ma question. Compte tenu de ce que je viens de vous dire, est-ce que vous croyez toujours que le ministre de la Fonction publique peut faire disparaître le syndicalisme de la fonction publique?

M. Authier: Evidemment, je ne le pense pas et je ne le crois pas, et je ne l'espère pas. Cependant, M. le ministre, je pense, et je vous l'ai dit dans mon mémoire tantôt, que la loi est ambiguë à certains endroits. C'est ce qui nous fait craindre que, si on va à l'impossible, on pourrait tout soustraire de la négociation. C'est ce qui nous fait croire cela. A l'écoute de tous les autres commentaires qui ont été apportés ici aujourd'hui, c'est le même raisonnement de tout le monde. A lire tous les autres documents qui ont été soumis pour les prochains jours, tout le monde dit à peu près la même chose. C'est curieux, parce qu'on ne s'est pas concerté là-dessus. J'ai trouvé cela avec les membres de mon exécutif. On a tous un peu la même opinion. Il y a quelque chose qui est mal rédigé dans cela. On craint qu'étant pris avec une loi qui n'est pas tout à fait claire, qui est mal rédigée, à un moment donné, on se ramasse sans pouvoir de négociation.

M. de Belleval: Qu'est-ce qui est mal rédigé, à votre avis? Donnez-moi un article qui fait que je vous enlève des droits, la moitié de vos droits, dans votre convention collective. C'est bien beau des impressions, etc., mais, écoutez, nous ne sommes pas ici pour...

M. Authier: Vous faites des règlements concernant la classification, les conditions de travail, les rémunérations, l'évaluation du personnel, la promotion, l'affectation, le classement, le reclassement, les mutations, les mises en disponibilité et les rétrogradations. Si vous faites des règlements sur cela et que c'est en dehors du champ des négociations, nous sommes foutus!

M. de Belleval: Mais ce n'est pas le cas. Vous conservez...

M. Authier: A l'article 3, vous faites des règlements sur cela.

M. de Belleval: Oui.

M. Authier: Les règlements du ministère sont au dessus de n'importe quelle négociation.

M. de Belleval: En vertu de l'article 52a, nous négocions, entre autres, vos conditions de travail, les conditions de rémunération et de travail.

M. Garneau: Ensuite? Enumérez-les.

M. de Belleval: Vous ne négociez pas la classification actuellement. Elle n'est pas dans l'ordre de vos négociations. Il n'y a rien de changé sur cela.

M. Authier: On essaie bien.

M. de Belleval: Vous essayez, mais ce n'est pas quelque chose qui, actuellement, fait l'objet d'une négociation.

M. Garneau: Que le ministre continue son enumeration et il va donner lui-même la réponse à sa propre question.

M. de Belleval: C'est moi qui suis en train de donner mes réponses à mes propres questions, mais ce n'est pas moi qui fais les affirmations, ce sont les rédacteurs du mémoire. C'est normal que je leur demande d'étayer leurs affirmations.

M. Garneau: Oui, mais vous nommez seulement l'article 51...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: ... l'ancien article 52a. Etaient permis à la négociation le traitement, la rémunération additionnelle, les heures de travail, les congés, les règlements des griefs, les suspensions, les congédiements, les appels d'un employé qui se croit lésé par une décision relativement à son classement. C'étaient des droits d'appel, des choses qui pouvaient être négociées et qu'on pouvait déterminer dans le cadre d'une négociation collective; ce qui pouvait être inclus comme procédure de grief, procédure de règlement. Aujourd'hui, avec le nouvel article 100a, vous gardez, comme négociables à l'intérieur de conventions collectives, les questions a) traitement ou rémunération additionnelle; b) les heures de travail et la durée de travail; c) les congés; d) les règlements de griefs; évidemment, c'est pour ce qui a été négocié. Mais, pour les questions concernant les suspensions, les congédiements, et les appels relativement au classement, on doit se référer aux règlements qui seront édictés par le ministre, en vertu de l'article 3. Je pense qu'à ce moment, vous couvrez le champ de la question que vous posiez à nos interlocuteurs tout à l'heure.

En tout cas je n'ai pas l'intention de revenir 100 fois là-dessus. Il faudra attendre pour voir s'il y aura, encore une fois, concordance entre les intentions du ministre et le texte qui nous sera soumis pour discussion lorsqu'on arrivera à l'étude article par article.

M. de Belleval: L'énumération que vous venez de faire confirme ce que je dis depuis ce matin. Le seul point sur lequel vous pouvez voir une non-concordance entre l'aire des négociations actuelle et celle qui serait dans la loi 53, c'est le dernier appel de grief en matière de congédiement, de rétrogradation ou de mesure disciplinaire.

M. Garneau: Suspension et appel de classement.

M. de Belleval: Suspension et appel de classement.

M. Garneau: C'est cela.

M. de Belleval: Ce sont les seules choses pour lesquelles non pas les conventions collectives en vigueur seraient abolies ou les questions qui touchent à ces questions seraient retirées de l'aire des négociations, mais seulement l'appel final devant la Commission de la fonction publique. Alors je repose ma question. On a vu tantôt que la rétrogradation ou le congédiement touchait dix personnes par année. Ce n'est certainement pas la moitié de l'aire de la convention collective actuelle des médecins.

M. Garneau: Pourquoi alors avoir mis l'article 119 dans votre projet de loi? Enlevez-le donc et le problème va être réglé.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon, je regrette de devoir vous rappeler encore une fois que la discussion actuelle prend l'allure d'une discussion après la deuxième lecture, sur un projet de loi article par article.

M. Garneau: Je vais vous répondre encore que je n'admets pas la véracité des propos du ministre quand la question est posée par des gens.

Le Président (Mme Cuerrier): Vous pourrez toujours en discuter, M. le député.

M. Garneau: C'est ce que je fais actuellement. Vous ne m'empêcherez certainement pas de dire ce que je pense sur ces points. Il y a toujours une limite!

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît. M. le député, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garneau: Je ne suis pas à l'école, moi non plus. Je vais dire comme le député de Johnson ce matin.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député, je vous rappelle à l'ordre.

M. Garneau: Chicanez-vous si vous le voulez! Pensez-vous que vous allez me faire peur ici? Voyons!

Le Président (Mme Cuerrier): Je vois que...

M. Marchand: La discussion est à deux. Elle est entre le ministre et le député de Jean-Talon. Reprenez les deux.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît, messieurs! Je vois que le syndicat ne semble plus avoir d'interventions. Y a-t-il d'autres interventions? Avez-vous demandé la parole, M. Authier?

M. Authier: L'intervention que je voudrais apporter n'est pas que nous nous opposons à la loi et je voudrais bien que M. le ministre le comprenne. C'est que nous, qui n'avons pas de formation juridique, si on interprète la loi comme cela et qu'on en a peur, il y a sûrement quelque chose qui sonne mal, qui sonne faux et qui nous effraie. C'est pour cela que nous voulons que ce soit bien écrit au point de vue juridique. A ce moment, il n'y aura pas de problème. C'est tout cela.

M. de Belleval: D'accord. De ce point de vue, vous rejoignez les remarques que j'ai faites depuis le début de la journée. Tout d'abord l'intention du projet de loi, comme mon intention, n'est pas de modifier l'aire des négociations qui vous est déjà consentie en vertu de la loi. Comme je l'ai dit, cette question relève de la commission Martin. J'ai essayé de prendre toutes les précautions pour qu'il n'en soit pas ainsi.

Cependant, et je viens de l'expliquer, il y a une question qui est mentionnée, entre autres, c'est la pile de griefs en dernière instance. On pourra y revenir tout à l'heure parce que vous avez des choses intéressantes là-dessus, que vous dites dans la deuxième partie de votre mémoire. On y reviendra.

Il se peut que ce ne soit pas suffisamment clair. Comme je l'ai dit, l'important pour l'instant, c'est de s'entendre sur les intentions, la philosophie du projet de loi. Si, par hasard, il y avait des aspects qui ne sont pas assez clairs, comme vous le dites si bien, une fois qu'ils seront clarifiés, vos craintes disparaîtront. A ce moment, vous regarderez tout cela d'un autre oeil. C'est normal que le milieu syndical ne veuille pas que par un projet de loi, d'une façon absolument péremptoire, le gouvernement vienne restreindre l'aire des négociations qui, jusqu'à maintenant, avait été consentie aux gouvernements syndicaux. Ce serait essayer de faire indirectement ce qu'il ne veut pas faire à la table des négociations collectives. Ce n'est pas le but du projet de loi. Ce n'est pas non plus, à mon avis, son effet. Si ce n'était pas suffisamment clair, on y verra dans les étapes ultérieures de discussion du projet de loi. C'est justement pour cela qu'il y a des commissions parlementaires.

M. Authier: C'est pour cela que nous venons vous porter nos craintes.

M. de Belleval: Pardon?

M. Authier: C'est pour cela que nous venons vous porter nos craintes.

M. de Belleval: Oui. Comme je vous le dis, quand je vous pose carrément la question à savoir quelles sont les clauses de votre convention collective qui disparaissent, vous avez vous-même beaucoup de difficulté à les mentionner.

M. Authier: Ce n'est pas qu'elles vont disparaître. On craint qu'elles ne disparaissent.

M. de Belleval: Je vous demande quelles sont ces clauses qui pourraient disparaître?

M. Authier: Tout l'article 3.

M. de Belleval: Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, il faut lire l'article 3 en corrélation avec les autres articles, comme l'article 90, comme le fait que l'article 52a, même amendé du point de vue du grief, en dernière instance, et le fait que tout le chapitre sur le régime syndical sont exclus du projet de loi 53. Je pense qu'il faut lire tous les articles du projet de loi et pas simplement l'article 3.

M. Garneau: C'est faux, ce qu'il dit.

M. de Belleval: Et, pour revenir à l'article 3, tous ces pouvoirs sont exercés actuellement par quelqu'un; ils sont exercés par la Commission de la fonction publique, en grande partie. L'important — et c'est là que se trouve l'architecture même du projet de loi — c'est que, maintenant, il y aura une autorité clairement identifiée, responsable, politiquement d'ailleurs, à l'Assemblée nationale et qui est en même temps votre interlocuteur aux tables de négociation collective. Il y aura un interlocuteur sur ces questions, mais il ne s'agit pas de pouvoirs nouveaux exorbitants. Peut-être qu'écrits comme cela ils peuvent avoir l'air de cela, mais ce sont tous des pouvoirs qui existent déjà actuellement et qui sont confiés largement, comme je l'ai dit, à la Commission de la fonction publique qui n'est pas, pour vous, un interlocuteur valable, vous allez le reconnaître. La preuve, c'est que l'article 52a prévoit qu'une bonne partie des pouvoirs de l'aire des négociations est entre les mains de la Commission de la fonction publique.

Je n'ai pas voulu toucher à ces questions pour l'instant, ni dans un sens, ni dans l'autre, sauf, comme je l'ai dit, peut-être marginalement, entre autres, au niveau du grief d'appel de dernière instance, sur trois ou quatre questions, tout en respectant, d'ailleurs, les procédures de grief des conventions collectives en vigueur, etc. S'il faut des clarifications, on les fera.

M. Authier: II y a aussi un autre problème.

M. de Belleval: Mais je pense qu'au sujet de nos intentions il faut être bien clair.

M. Authier: II y a aussi un autre problème qui nous inquiète beaucoup, c'est la question du mérite.

M. de Belleval: C'est la deuxième question que je voulais vous poser là-dessus. J'ai lu votre mémoire et vous dites: "Le mérite pourrait avoir le visage de celui qu'on a décidé d'avance d'engager, en insistant sur des critères qui sont particuliers à ce candidat". La question que je vous pose, c'est: De ce point de vue, est-ce que le système

actuel de concours et de listes d'admissibilité, qui est en vigueur sous l'autorité de la Commission de la fonction publique, vous apparaît conforme au système du mérite?

M. Authier: Pour répondre à votre question, M. le ministre, il faut se mettre dans le contexte. Nous sommes actuellement 89 syndiqués. Lorsqu'il y a un poste de médecin qui s'ouvre, il n'y a pas de candidats.

M. de Belleval: Au niveau du recrutement? M. Authier: Au niveau du recrutement, oui.

M. de Belleval: Au niveau du recrutement, d'accord!

M. Authier: Si on a besoin d'un médecin spécialiste quelque part, on n'en a pas. Alors, on change le concours et on dit un omnipraticien. Là, on sera peut-être chanceux. Je vous ferai remarquer que, comme chance, c'est comme ci, comme ça, parce que — vous le reconnaîtrez avec moi — les jeunes médecins ne se lancent pas dans la fonction publique, ou très peu, pour y faire carrière ou que ce ne sont pas du tout les mêmes conditions de salaires. Il faut l'admettre et je n'en discuterai pas.

Cependant, ce qui arrive, c'est que ce sont des médecins d'âge plus avancé qui postulent l'emploi et nous nous ramassons avec un syndicat qui a une moyenne d'âge de 56 ans. De ce nombre, il y en a beaucoup qui arrivent, à la toute fin de leur carrière, pour pratiquer dans la fonction publique. Cela nous embarrasse un peu parce qu'avant de les entraîner convenablement cela nous prend un an, deux ans ou trois ans; ils travaillent un an et ils sont à leur retraite. A un moment donné, le mérite prend le visage de celui qui est disponible. Si on en a un, on lui fait un concours selon ses propres caractéristiques, parce que c'est le seul qu'on a.

M. de Belleval: Le problème que vous soulevez, à partir de votre expérience très sectorielle, ne relève pas des dispositions de la Loi de la fonction pubiique comme telle; il ne relève même pas des dispositions de l'ancienne loi, ni de la nouvelle loi. Le problème que vous soulevez, c'est un problème de conditions de travail, de rémunération, etc., qui fait que le phénomène que vous avancez se présente.

La règle du mérite, quelle qu'elle soit, ou la règle du non-mérite, quelle qu'elle serait, ne réglerait pas plus ce problème. Je croyais que vous aviez des objections fondamentales à l'utilisation de la règle du mérite dans les nominations ou dans les promotions à la suite de concours.

M. Authier: Oui, on en a. Justement, on aimerait bien d'abord participer à la question du mérite parce qu'on trouve très facilement que les gens qu'on croit méritants à un poste ou méritants à un avancement sont effectivement pas tellement mé- ritants, mais ce sont les seules choses que le gouvernement peut se payer.

M. de Belleval: Le problème, ce n'est pas le concours et ce n'est pas l'ordre de mérite des candidats qui sont issus de ce concours. D'après ce que je peux voir, de toute façon, il n'y a jamais de problème d'ordre de candidats méritants dans votre cas. Il n'y a presque jamais de candidats. Quand il y en a un, vous êtes tellement contents que, bien sûr, vous le nommez.

M. Authier: Oui, mais cependant, lorsqu'il s'agit de promotion, il peut y avoir des problèmes de mérite.

M. de Belleval: Oui. Que suggérez-vous comme système, à ce moment?

M. Authier: Comment un individu, qui n'est pas médecin, par exemple, peut-il juger du mérite d'un autre? C'est arrivé dernièrement à l'Institut de médecine légale à Montréal. Un jury de promotion a refusé une promotion à un individu parce qu'il n'était pas méritant. Mais il a été jugé par quatre individus qui n'étaient pas médecins. J'ai trouvé cela curieux.

M. de Belleval: Pour une promotion? M. Authier: Oui.

M. de Belleval: Une promotion à quel genre de poste?

M. Authier: Un avancement d'échelon accéléré.

M. de Belleval: Ce n'est pas la même chose. Ce dont on parle dans le projet de loi 53, en ce qui concerne la règle du mérite, c'est simplement au niveau de la promotion ou de l'accession à la fonction publique. Ce dont vous me parlez, c'est une clause de la convention collective qui relève de la rémunération et non pas de la promotion. Il s'agit d'une clause négociée, et la règle du mérite dont il est question dans le projet de loi ne s'applique absolument pas à ce genre de cas.

M. Authier: Je laisse la parole au Dr Vigeant. M. de Belleval: Allez-y.

Mme Vigeant (Huguette): C'est parce qu'on est en train de se perdre en considérations vaseuses sur le mérite. En fait, le mérite, nous voudrions savoir ce que c'est, ce que ce sera et nous voudrions participer à la définition du mérite en ce qui nous regarde. Je ne pourrais pas dire si un policier est méritant ou un gardien de prison est méritant, ou qui que ce soit d'autre de la fonction publique, mais ce que le syndicat demande par son mémoire, c'est une consultation, ou mieux, parce que nous savons que la consultation au gouvernement, c'est flou, comme concept, mais nous vou-

drions participer à la définition du mérite sinon être parmi des jurys, comme nous sommes actuellement parmi les jurys d'avancement de classe. Nous voudrions participer vraiment très activement. Autrement nous n'aurions plus de défense contre la définition du mérite.

M. de Belleval: II y a des questions qui relèvent, dans vos propos, de vos négociations collectives ou de vos conventions collectives. Il s'agit d'améliorer les dispositions des conventions collectives à ce sujet, s'il le faut. Le projet de loi ne touche pas à cela, de toute façon.

Si on revient aux aspects qui touchent directement au projet de loi 53, c'est seulement au niveau de l'accès à la fonction publique et de la promotion. Tout ce que le projet de loi dit là-dessus, c'est qu'il doit y avoir des concours; que ces concours doivent donner lieu à l'émission d'une liste des candidats déclarés aptes et que les nominations doivent se faire selon l'ordre d'aptitude ou de mérite des candidats qui sont déclarés aptes.

Maintenant, quant à l'organisation morne des concours ou à la détermination des crilères de compétence qui seront utilisés par les cens qui tiendront le concours, entre autres, par exemple, dans le cas d'un recrutement, l'Office de recrutement, ou dans le cas d'un concours de promotion, le ministre de la Fonction publique lui-même, là, cela relève de la réglementation. Cela ne relève pas d'une disposition explicite de la loi. Cela relève de la réglementation. Je suis d'acccrd avec vous, qu'à ce moment, on peut, dans le cadre d'une réglementation, prévoir un certain nombre de choses dans un sens ou dans l'autre.

Mais, encore faut-il que quelqu'un ait le pouvoir de réglementer à ce sujet.

Mme Vigeant: Consulterez-vous?

M. de Belleval: Est-ce qu'il faut que quelqu'un... Si personne n'a ce pouvo|r, vous n'êtes pas plus avancés. Si vous n'avez personne avec qui en discuter. Il vous faut un interlocuteur valable. Actuellement, vous n'en avez même pas. C'est la Commission de la fonction publique qui détermine tout cela. C'est un organisme autonome. A l'avenir, il me semble que vous avez un progrès de ce côté, puisque c'est un ministre responsable qui sera chargé de la réglementation. Donc, quelqu'un avec qui vous pouvez discuter de cette chose.

Mme Vigeant: S'il ne nous consulte pas plus que nous consultaient d'autres organismes pour établir cette réglementation...

M. de Belleval: Vous ne serez pas plus avancés.

Mme Vigeant: Cela peut être surprenant, pour le moins.

M. de Belleval: C'est évident. Vous avez rai- son à ce point de vue, mais, actuellement, le problème ne se pose même pas, puisque vous ne pouvez même pas en discuter. Vous ne pouvez même consulter personne là-dessus. Vous n'avez pas d'interlocuteur. C'est la Commission de la fonction publique qui s'occupe de tout cela.

Mme Vigeant: Parlons de l'avenir.

M. de Belleval: II me semble que, de ce point de vue, c'est un progrès.

Mme Vigeant: Parlons de l'avenir.

M. de Belleval: Oui, mais est-ce que, à cet égard, cela vous apparaît un progrès que le pouvoir de réglementation passe d'une commission où vous n'avez pas accès, à un ministre responsable à qui vous avez accès?

Mme Vigeant: Nous réserverons nos félicitations quand la commission Martin aura siégé, quand nous aurons vu vos règlements. D'ici là, je pense que nous sommes devant une chose incomplète.

M. de Belleval: II me semble que votre dernière remarque me laisse voir qu'il y a encore une ambiguïté. Vous me parlez de la commission Martin; la commission Martin, dans son mandat, ne touche aucunement à l'organisation des concours dans la fonction publique.

Mme Vigeant: Elle touche une économie générale de toute la fonction publique, je pense.

M. de Belleval: Elle touche aux conditions de travail, mais un concours d'accès à la fonction publique ce n'est pas une condition de travail.

Mme Vigeant: J'admets avec vous que j'ai été plus loin que le sujet dont nous parlons. Je suis moins bien préparée que vous à vous répondre.

M. de Belleval: Je l'espère, sinon je vous passerais ma place.

J'ai d'autres questions à vous poser à la suite de votre mémoire.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: C'est tout le problème de la crédibilité de la future Commission de la fonction publique. Vous dites: II peut bien arriver que l'on nomme à la commission des hommes enclins à protéger leur situation intéressante et rémunératrice aux dépens de l'impartialité. Ce jugement s'appliquerait à pas mal d'officiers publics qui sont déjà dans la même situation où seront les futurs commissaires. Actuellement, les commissaires sont nommés par le gouvernement. Le projet de loi prévoit qu'à l'avenir ils seront nommés par l'Assemblée nationale. Il me semble que de ce point de vue, du point de vue de l'impartialité et du caractère solennel de la fonction, il y a un progrès.

La nomination sera faite par l'Assemblée nationale. Je cloute fort que l'Opposition concoure à la nomination d'un commissaire, comme pas plus, actuellement, d'un vérificateur général ou de l'ombudsman qui est dans la même situation; concoure, dis-je, à la nomination de personnes qui n'auraient pas un prestige et des caractéristiques de compétence et d'impartialité reconnues de la même façon qu'on le fait quand il s'agit de nommer l'ombudsman, par exemple. Si vous parlez des arbitres de griefs, est-ce que, à votre avis, les membres de la commission seraient moins honorables, en principe, compte tenu de leur mode de nomination, que le seraient les juges qui ne sont pas nommés par l'Assemblée nationale?

M. Authier: La seule différence, M. le ministre, c'est que les juges sont nommés à vie. Si vous nommez un commissaire pour cinq ans, si cela lui prend quelques années pour roder son cerveau comme il le faut et s'il passe à travers, advenant le cas, de plusieurs élections, plusieurs gouvernements, j'ai des craintes. Je pourrais peut-être me tromper et je vais sûrement me tromper dans 90% des cas, si je vis pour voir 90 commissaires. Cependant, j'ai peur que, sur les 10% des commissaires que vous nommerez pendant les X prochaines années, il y en ait quelques-uns qui, comme cela, à cause de leur mandat qui sera très court, voudront être renommés au bout de cinq ans et agiront en bons serviteurs au lieu d'être impartiaux; c'est ce qui me fait peur.

M. de Belleval: S'ils étaient nommés pour dix ans, vos craintes disparaîtraient?

M. Authier: Elles seraient sûrement atténuées, parce que, à ce moment, comme le faisait remarquer un autre interlocuteur ici, les commissaires seraient peut-être plus indépendants et pourraient survivre à un, deux ou peut-être trois gouvernements. C'est comme cela que nous avons interprété. Nous avons fait un mémoire qui est peut-être dur parce que nous disons que cela pourrait aller jusque-là; cela ne veut pas dire que cela va arriver, j'espère que non. Mais, si vous nommez des commissaires pour cinq ans, cela pourrait arriver. Si on a pensé à cela, comme d'autres syndicats, on n'est pas si fou que cela.

M. de Belleval: Non, mais ce qui me surprend ce n'est pas tellement que vous soyez critiques, pas du tout. Mais, quand on compare la situation qui existe actuellement en ce qui concerne la nomination des commissaires et l'importance des fonctions de ces commissaires actuellement, comparé au mode de nomination des futurs commissaires et à leurs fonctions, ce qui me surprend aussi c'est que vous ne notiez pas qu'il y ait aussi un grand progrès de fait.

Deuxièmement, ce qui me semble aussi un peu étrange, c'est que vous accordiez plus de crédibilité à des juges arbitres ou à des arbitres nommés classiquement, par la méthode actuelle des négociations collectives, par rapport à ceux de la Commission de la fonction publique. Entre vous et moi, à la façon dont sont nommés les arbitres actuellement, on peut se poser des questions, sur ce plan, quant à leur impartialité et quant à leur désintéressement, par rapport aux futurs commissaires de la commission.

M. Authier: Vous avez probablement raison, M. le ministre. Cependant, mettez-vous dans notre situation. Nous n'avons jamais eu un grief. On ne connaît donc pas les arbitres, on n'en a jamais vu un. Comme vous le dites très bien, on n'a pas affaire aux membres de la Commission de la fonction publique. On a parlé à deux ou trois membres de la Commission de la fonction publique, votre nouvelle loi va être toute une aventure pour nous. Nous craignons donc, honnêtement — on ne veut rien perdre en tout cas, mais je pense qu'on a peur. On vous soumet nos craintes et cette crainte que nous inspire le mandat de cinq ans d'un commissaire qui nous fait peur jusqu'à un certain point parce qu'on se dit que cet individu sera peut-être plus obéissant qu'impartial.

M. de Belleval: De toute façon, vous êtes d'heureux hommes si vous n'avez jamais besoin d'aller en grief en vertu de l'ancienne loi. Tout ce que je peux vous souhaiter, c'est de continuer d'avoir à vous dispenser des dispositions de la nouvelle loi.

M. Authier: On enterre nos erreurs.

M. de Belleval: Les architectes les couvrent de lierre. Et vous, vous les enterrez.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Mme le Président, tout à l'heure, en intervenant sur le mémoire pour montrer mon désaccord avec certains des propos du ministre, c'était pour souligner que les craintes que vous soumettez dans votre mémoire, nous les avons exprimées ce matin, parce que nous croyons véritablement que l'aire des négociations, contrairement à ce que le ministre soumet, est modifiée, que les procédures de grief ou de règlement d'imbroglios qui peuvent exister dans les articles qui ne seront plus sujets à la négociation, ces articles-là vont être déterminés par règlements du ministre, en vertu de l'article 3, et que c'est en vertu de ces règlements que la Commission de la fonction publique devra statuer. Je ne voudrais pas reprendre les propos que je tenais ce matin concernant la différence entre un droit statutaire et la possibilité de régler au mérite, mais il nous apparaît que vos craintes sont justifiées et, en ce qui nous concerne, nous les croyons justifiées sur le plan juridique, si, de votre côté, vous n'aviez pas eu de telles difficultés ou de telles consultations sur le plan juridique, comme vous avez dit. Pour ce qui est de la Commission de la fonction publique et du mandat, je n'ai pas, jusqu'à maintenant, fait de commentaires là-dessus, parce que je m'attendais à les faire un peu plus tard en d'autres oc-

casions, mais il demeure que cela nous apparaît un point important. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi on prendrait la peine de ne nommer quelqu'un que pour cinq ans. J'irais beaucoup plus loin qu'un mandat de dix ans. Je soumettrais que ce qui assurerait une véritable impartialité, ce serait probablement une nomination à bonne conduite, c'est-à-dire tant et aussi longtemps que l'Assemblée nationale jugerait, sur une proposition du ministre, d'un membre du gouvernement ou d'une autre personne, que le membre de la fonction publique a toujours exercé son mandat correctement et avec impartialité; il pourrait donc rester en fonction beaucoup plus que cinq ans. Quant à moi, je souscrirais volontiers à une modification de la loi qui permettrait de nommer ces commissaires comme un juge en définitive. Un juge est nommé à bonne conduite. Dans le cas de la Commission de la fonction publique, je crois que ce serait une amélioration que de suivre cette procédure. Quant à moi, je n'ai pas d'autres remarques, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): Les interventions étant terminées, il me reste à remercier au nom de la commission le Syndicat professionnel des médecins du Québec, qui a collaboré aux travaux de cette commission. A ses deux représentants, merci beaucoup.

M. Authier: Merci beaucoup.

Débat sur la motion du député de Jean-Talon

Le Président (Mme Cuerrier): Je ne crois pas qu'il y ait d'autre convocation. L'ordre du jour étant épuisé, nous avions décidé ce matin que, si l'ordre du jour était épuisé avant l'heure où nous ajournons habituellement nos travaux, nous ramènerions une proposition de M. le député de Jean-Talon qui se lit comme suit: "Que la commission est d'avis que le projet de loi 53 ne devrait pas être adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin, constituée par l'arrêté en conseil 241277, du 27 juillet 1977...

M. Garneau: C'est le numéro.

Le Président (Mme Cuerrier): ... le numéro de l'arrêté en conseil est 241277—du 27 juillet 1977, n'ait déposé son rapport."

M. Garneau: Adopté, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): Cette motion est-elle adoptée?

M. de Belleval: Mme le Président, je voudrais parler sur cette motion.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: J'ai expliqué assez en détail ce matin, et à quelques reprises aussi cet après- midi et même ce soir, l'intention qui était mienne et que je crois reflétée correctement dans le projet de loi 53, soit les questions qui relèvent de la commission Martin. D'ailleurs, je suis assez bien placé pour le savoir puisque c'est moi-même qui ai proposé la création de cette commission, au moment même où nous finissions, d'ailleurs, la préparation du projet de loi 53; nous avons pris les précautions pour que le mandat de la commission Martin puisse s'exercer normalement, parallèlement avec l'étude du projet de loi 53.

En particulier, nous avons pris les précautions pour que toutes les questions qui, dans l'ancienne Loi de la fonction publique, touchent aux négociations collectives soient exclues du projet de loi 53. Il y a d'ailleurs des articles du projet de loi qui prévoient cette exclusion.

Il se peut que, malgré tout, comme je l'ai dit, marginalement, sur quelques aspects, le projet de loi 53 puisse toucher à une partie ou à des aspects du mandat de la commission Martin. A mon avis, ces zones grises, qui sont normales dans toute situation semblable, sont minimes et ne devraient pas nous empêcher de progresser, comme je l'ai dit, dans l'étude du projet de loi 53. Toutefois, je pense, et nous verrons, à la suite de l'examen du projet de loi, ici même, en commission, et ensuite, si ces zones de recoupement sont plus ou moins vastes, et jusqu'à quel point il faut tenir compte des recommandations éventuelles de la commission Martin.

J'ai indiqué, dès le début des travaux que, pour ma part, je n'avais pas l'intention de procéder à la hâte avec l'étude du projet de loi 53 et que j'espérais plutôt que les deux démarches, celle du projet de loi 53 et celle de la commission Martin, aboutissent de façon simultanée.

Toutefois, il se peut bien aussi que, à la suite des discussions à cette commission, et à la suite aussi d'éclaircissements ou d'amendements qui seront apportés au projet de loi, ces zones grises, s'il y en a, soient complètement dissipées, et qu'à la satisfaction aussi des représentants des associations d'employés, ces zones soient dissipées et qu'il n'y ait plus d'objection à ce que nous procédions immédiatement à l'approbation du projet de loi 53.

A mon avis, il faut garder l'esprit ouvert de ce côté et nos options ouvertes, et le faire, cependant, dans l'esprit que j'ai mentionné; pour ma part, je n'ai pas d'objection de principe, loin de là, à ce que les deux démarches, comme je l'ai dit, aboutissent en même temps.

Il me semble que la démarche qui est proposée par le député de Jean-Talon est prématurée, en tout cas en ce qui concerne les travaux de cette commission.

Nous commençons à peine nos travaux. Nous avons plusieurs mémoires à entendre. Nous avons aussi plusieurs discussions à avoir et des explications à donner. Quand ces mémoires auront été entendus, quand la commission aura siégé, quand les explications auront été données, c'est à ce moment que la commission pourra se prononcer, en toute connaissance de cause, sur un avis sem-

blable. Pour l'instant, Mme le Président, je soutiens que cette motion est prématurée et que nous pourrons disposer de cette question quand la commission aura terminé ses travaux et au moment de faire son rapport à l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cette motion à ce moment.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon est le proposeur de la motion... Je m'excuse M. le député, je ne vous ai pas demandé si vous aviez l'intention d'intervenir. J'ai vu le signe de M. le ministre.

M. Garneau: Non, si j'avais voulu intervenir, je vous l'aurais souligné.

Le Président (Mme Cuerrier): Vous aviez d'ailleurs dit que vous étiez prêt à adopter cette motion.

M. Garneau: Je voulais tout simplement attendre les autres intervenants et exercer mon droit de réplique comme proposeur de la motion.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Oui, Mme le Président, j'aimerais...

Le Président (Mme Cuerrier): Me faites-vous signe que vous voulez intervenir?

M. Brochu: Oui. J'ai même attendu cela depuis un bout de temps. Mme le Président, très brièvement, je considère que la proposition qui a été faite par le député de Jean-Talon, à la suite du député de Johnson, est importante, non pas parce que son objet va modifier d'une façon complète les travaux de notre commission ou qu'elle va fixer le mandat de la Chambre en ce qui concerne la deuxième lecture, mais parce que le libellé de la motion s'exprime comme étant un voeu que la deuxième lecture ne soit pas adoptée tant et aussi longtemps que la commission Martin n'aura pas déposé son rapport. La motion en discussion, si elle devait être adoptée, ce que j'espère, n'engagerait donc la Chambre en rien, sauf qu'elle démontrerait une attitude du gouvernement. C'était surtout le but visé par cette motion, c'est-à-dire que le gouvernement dénote une ouverture d'esprit face à nos délibérations, face au contenu éventuel du rapport de cette commission Martin. Il est certain que nous n'aurons pas en cours de route le dépôt de ce fameux document pour éclairer nos lanternes pour les discussions présentes en ce qui concerne la commission. A ce sujet, on est sûr et certain que cela ne changera strictement rien. Cependant, s'il y avait cette espèce d'engagement moral de la part du ministre, actuellement, tous les gens qui viennent ici témoigner devant nous, se sentiraient beaucoup plus en sécurité de le faire parce qu'à ce moment ils sentiraient une volonté, et de la part du gouvernement et de la part de l'Opposition, d'arriver non pas à des conflits, à des discussions, mais à la meilleure situation possible à la suite de l'étude du projet de loi no 53 et à sa bonification maximale.

Je ne trouve pas la motion rigide et elle ne l'est pas non plus. C'est pour cela qu'elle s'exprime dans le sens d'un voeu. C'est pour cela qu'à ce stade je comprends mal l'hésitation du ministre à ne pas tout bonnement accepter cette motion qui améliorerait beaucoup le climat de nos travaux et qui démontrerait aux témoins qui vont venir dans les jours qui vont suivre que le gouvernement est prêt à regarder tous les facteurs en cause et à les regarder dans une suite logique. Il m'apparaît à ce stade que ce qui pourra ressortir de la commission aura quand même certaines incidences importantes en ce qui concerne l'adoption du projet de loi en deuxième lecture; en ce qui concerne également l'attitude des partis de l'Opposition en deuxième lecture, sinon sur le tout au moins sur certaines parties importantes du projet de loi no 53.

C'est pour cela que je demande au ministre de revoir sa position sur la question de cette motion dans cette optique où ce n'est pas un engagement. Comme je l'ai dit, par le contenu de la motion, ce n'est pas un engagement formel de sa part, mais un voeu à respecter et une démarche. Cela irait exactement dans le sens de cette démarche parallèle à laquelle le ministre a fait allusion au début de ses remarques où il disait qu'il souhaitait au point de départ que les travaux de la commission Martin et ceux de la loi 53 aient un même cheminement et un aboutissement à peu près dans les mêmes moments.

Donc, cela n'irait pas du tout à l'encontre de cette espèce de plan de travail ou de cette espèce de projection que le ministre nous a faite. Cela serait simplement de nature à bonifier notre travail et je pense que cela n'entraverait en rien le plan d'action que se donne le ministre actuellement. Alors, je lui demande sérieusement de réviser cette position pour bonifier les travaux de notre commission et en arriver peut-être aux meilleurs résultats possible en ce qui concerne la loi 53.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Très rapidement, je reprendrai à mon compte, parce que vous savez tout de suite que je suis contre la motion, les arguments soutenus par le ministre de la Fonction publique.

Premièrement, je pense que la commission a un mandat spécifique qui lui a été soumis par la Chambre, c'est d'étudier les différents mémoires des organismes habilités à donner leurs points de vue sur le sujet, c'est-à-dire la loi 53.

Deuxièmement, l'objectif visé dans les mémoires, c'est de voir les incidences sur la partie qu'on dit avoir soustraite dans la loi 53. Si les intervenants y voient des recoupements, ce sera à eux de les signaler. Je pense qu'on doit leur donner l'occasion de les signaler eux-mêmes.

Troisièmement, je ne pense pas qu'on puisse lier l'Assemblée nationale sur la démarche des tra-

vaux parlementaires à la suite d'un avis de la commission parlementaire. Quant à l'aspect de traduire une attitude dite d'ouverture, je pense que ce qui a été signalé par le député de Richmond est très positif, mais je le vois à la fin de nos travaux, lorsqu'on aura entendu tous les mémoires là-dessus. Cela nous permettra de vérifier si les juxtapositions, les liens qui ont été faits par les différents intervenants sont soutenus. A la suite de ces interventions, je pense que nous serions passablement plus éclairés pour prendre la décision de retarder peut-être l'évolution de l'analyse de la loi comme telle, parce que la plupart des intervenants nous auront souligné les liens de jonction, ce qui n'est pas le cas pour le moment.

Je ne vois pas l'urgence et je ne vois pas, pour le moment, qu'il y ait lieu de voter tout de suite là-dessus. C'est pourquoi je serai contre, si on la présente ce soir, tel que c'est le cas.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Mme le Président, je pense bien que, de toute façon, on ne pourra pas voter ce soir, étant donné qu'on n'aura pas quorum. Je voulais quand même intervenir sur cette question pour souligner que la motion a son importance d'une double façon. Qu'on interprète le projet de loi 53 comme touchant l'aire des négociations ou qu'on l'interprète comme n'y touchant pas, je pense que la motion prend son sens véritable parce qu'il y a eu une commission formée, la commission Martin, dont une des parties du mandat, à l'article b) est d'analyser et de faire rapport sur le contenu de l'aire des négociations et, également, on ajoute à l'article b) les règles régissant l'amorce et le déroulement des négociations.

Personnellement, je soumets que le projet de loi 53 touche directement à cette aire des négociations. C'est une des raisons pour lesquelles — d'ailleurs, je l'avais souligné dans mon intervention d'ouverture — j'ai refait cette motion, à la suite de celle qui avait été déclarée irrecevable qu'avait faite le député de Johnson qui partage avec moi le même point de vue.

A l'article 119 du projet de loi 53 on dit — et je voudrais l'inclure pour les fins du journal des Débats dans mon argumentation — que "l'article 52a de la Loi sur le régime syndical dans la fonction publique, édicté par l'article 35 du chapitre 14 des Lois de 1969 est modifié: a) par le remplacement, dans la sixième ligne du premier alinéa, des mots "présente loi" par les mots "Loi sur la Fonction publique"; b) par le remplacement du paragraphe a) du premier alinéa par le suivant: a) rémunération et avantages sociaux", au lieu d'être Traitements ou rémunérations additionnelles. A l'article c), on fait disparaître les paragraphes e), f) et g) qui concernent la suspension d'un employé, le congédiement d'un employé et, finalement, un appel d'un employé qui se croit lésé par une décision relativement à son classement.

Ce sont là, Mme le Président, des points qui, dans l'ancienne Loi de la fonction publique, faisaient partie spécifiquement de l'aire des négo- ciations. De plus, les derniers paragraphes de l'article 52a qui est amendé par l'article 119 disparaissent. Derniers paragraphes qui permettaient au ministre de la Fonction publique du temps et au gouvernement, c'est-à-dire au Conseil des ministres en collaboration avec la Commission de la fonction publique d'élargir encore davantage ce champ de négociations pour certaines fins qui étaient agréées de part et d'autre.

C'est donc dire que le projet de loi 53 touche l'aire des négociations, qu'on aime cela ou qu'on n'aime pas cela, il faut bien lire les textes de loi tels qu'ils sont. Si on avait décidé que le projet de loi ne touchait en rien à l'aire des négociations, ce projet de loi 53 ne comprendrait pas l'article 119. Je maintiens également que si on n'a pas l'assurance que le projet de loi, ou du moins, si cette commission ne fait pas ce voeu à l'Assemblée nationale, que le projet de loi ne soit pas adopté en deuxième lecture avant le dépôt du rapport Martin, il sera impossible aux représentants des associations de fonctionnaires, qu'ils soient des syndicats ou des associations bona fide, de faire connaître leur point de vue avant. C'était mon voeu, mon opinion personnelle, à savoir que cette loi ne devrait même pas être entreprise en deuxième lecture. Pour montrer une certaine collaboration, nous avons souligné, au moins, que les débats pourraient peut-être avoir lieu, mais que si des amendements étaient présentés, il ne sera pas possible, une fois l'étude entreprise en deuxième lecture, a fortiori, si elle était adoptée en deuxième lecture et discutée en commission parlementaire et, éventuellement, adoptée en troisième lecture avant que le rapport Martin ne puisse être étudié, à ces associations de fonctionnaires de faire connaître leur point de vue sur les décisions qui auront été prises par le gouvernement. Avec sa majorité, évidemment, on peut discuter et avoir de très bons arguments de ce côté-ci de la table, mais j'ai suffisamment d'expérience pour savoir que la majorité, dans une assemblée délibérante, est aussi importante que la valeur des arguments. Il sera donc impossible à ces associations d'employés, de fonctionnaires de venir faire connaître leur point de vue sur les décisions qu'aura prises le gouvernement suite au dépôt du rapport Martin en ce qui regarde la loi 53.

Je crois que, comme le disait le député de Richmond, ce n'est pas une chose extraordinaire que nous demandions. C'était tout simplement de montrer, face aux préoccupations qui nous ont été manifestées, à l'exception d'un groupe, par tous ceux qui sont venus aujourd'hui. J'ai lu les mémoires de ceux qui viendront au cours des prochains jours et je constate que la préoccupation est grande et que notre interprétation de la loi est la même dans 98% ou 99% des intervenants qui ont déjà déposé des mémoires, à savoir qu'effectivement la loi 53 touche à l'aire des négociations et que, dans ce sens, il m'apparaitrait saine démocratie, si on veut véritablement avoir une participation dans l'élaboration d'une telle loi et si on veut également maintenir un climat qui soit serein.

Le ministre parlait tout à l'heure des posters. Ce serait peut-être une façon d'améliorer le climat

en donnant... et le ministre, c'est clair qu'il parle comme membre de la commission et comme membre du gouvernement, j'imagine bien qu'il pourrait influencer son leader parlementaire pour que le voeu de cette commission soit respecté. Si tel était le cas, je crois que cela changerait fondamentalement le climat des discussions. Cela a l'air de le préoccuper beaucoup, les posters; il verra quand cela fera cinq, six ans qu'il est au pouvoir, on s'habitue à cela comme à autre chose. Mais cela les ferait sans doute disparaître et cela enlèverait justement cette tension qui existe et qui m'apparaît fondée, compte tenu de certains articles et en particulier de l'article 119 de la loi 53, préoccupations qui m'apparaissent complètement fondées tant sur le plan juridique que sur le plan de l'application qui pourrait être faite si cette loi était adoptée tel quel.

C'est pourquoi, Mme le Président, je crois que ce serait poser un geste de respect de la démocratie, respect d'une participation véritable des associations de fonctionnaires et amélioration du climat de nos discussions si cette motion pouvait être adoptée par la commission.

Mme le Président, je ne sais pas si nos règlements nous permettent de procéder au vote si nous n'avons pas quorum; mais, tout à l'heure, un des intervenants du côté gouvernemental mentionnait qu'il croyait non justifié de voter à ce moment-ci. Je n'aurais certainement pas d'objection, pour ma part, à remettre même le vote sur cette motion au terme de nos travaux s'il le fallait, parce que je pense qu'au moins il y aurait à cette commission une lueur d'espoir. Si le ministre montrait le moindrement de bonne volonté, je serais prêt, pour ma part, à remettre le vote à cette commission, vote que nous ne pouvons pas pren- dre ce soir, je crois, à un moment où d'autres mémoires auront été présentés si ce n'est, autrement, à la fin des travaux de cette commission.

M. Brochu: C'est sur la question du vote, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): C'est une question de règlement, M. le député de Richmond.

M. Brochu: Je suis tout à fait d'accord si on remettait même à la fin de la commission la mise aux voix de. cette motion.

Même j'avais cru, d'après les propos du ministre tout à l'heure, que c'était son intention d'amener cette proposition lorsqu'il a souhaité que les travaux se fassent de façon parallèle et qu'il y ait un même aboutissement. Je croyais qu'à la fin de la commission parlementaire on aurait pu, à ce moment, prendre le vote. J'appuierais cette proposition du député de Jean-Talon pour qu'on reporte à la toute fin de nos travaux de la commission cette mise aux voix. D'ici là, je pense que le gouvernement aurait peut-être la possibilité de réviser sa position.

Le Président (Mme Cuerrier): Je constate qu'effectivement il n'y a pas quorum. Alors nous allons — puisque vous l'avez demandé — devoir ajourner. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de discuter de cette présente motion puisque vous dites bien qu'il n'y a pas quorum.

Cette commission ajourne ses travaux sine die puisque, au moment où elle pourrait à nouveau siéger, la Chambre siégera et qu'elle sera convoquée par un ordre de la Chambre à ce moment.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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