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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, March 27, 1984 - Vol. 27 N° 2

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de loi no 58 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des biens


Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, s'il vous plaît!

Avant de demander à nos invités de se présenter, il y a quelques ajustements à faire du côté de notre commission. Je vais demander au secrétaire de nous donner lecture des membres de la commission et des remplacements, s'il y a lieu.

Le Secrétaire: Sont membres de cette commission M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Léger (Lafontaine), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière), M. Vaugeois (Trois-Rivières), M. Johnson (Anjou).

M. Mathieu (Beauce-Sud) remplace M. Gérard D. Levesque (Bonaventure) et M. Leduc (Saint-Laurent) remplace M. Mailloux (Charlevoix).

Le Président (M. Vaugeois): Vous êtes le bienvenu. Vous n'avez pas à remplacer.

M. Rivest: Avec tous les droits et privilèges.

Le Président (M. Vaugeois): Messieurs et mesdames de la Chambre des notaires du Québec, nous allons vous inviter également à vous présenter: vous pouvez présenter les membres de votre groupe, ou chacun peut se présenter lui-même; c'est à votre discrétion.

M. Kimmel (Earl): Je vais présenter ceux qui sont ici en avant. Me Louise Thisdale, présidente du sous-comité de législation sur le Code civil et professeur à l'Université de Montréal; Me Jacques Auger, notaire et professeur à l'Université de Sherbrooke, notre porte-parole qui va présenter notre mémoire et qui répondra aux questions, sauf à celles sur la copropriété. À ma droite, Me Denyse Fortin, du service de la recherche et de l'information à la Chambre des notaires du Québec, qui a agi comme secrétaire de notre comité. Il y a aussi avec nous Me Claude Robitaille, qui répondra aux questions sur la copropriété et, finalement, moi-même, Me Earl Kimmel, président du comité de législation et membre du bureau et du comité législatif de la Chambre des notaires du Québec.

Le Président (M. Vaugeois): M. Kimmel, je constate qu'il y a également plusieurs représentants de votre groupe professionnel de la chambre des notaires. Je pense que vous pourriez vous permettre de présenter ceux qui vous accompagnent également.

M. Kimmel: II y a également avec nous Me Yves Demers, notaire à Québec et membre du sous-comité de législation, Me Robert Lessard, notaire à Saint-Georges-de-Beauce et également membre du sous-comité de législation, Me Claude Robitaille, dont j'ai parlé tout à l'heure, Me Gérard Ducharme, notaire de Montréal et membre du sous-comité sur la copropriété, Me Pierre Desrosiers, notaire à Hull et membre du sous-comité sur la copropriété et M. Raymond Chouinard, notre communicateur.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le Président.

Je vous souhaite la bienvenue, ce matin. Vous êtes dans une nouvelle salle, une salle que nous ne reconnaissons pas. Vous allez l'inaugurer. Espérons que ce sera de bon augure, de la même façon que vous nous permettez de faire une première expérience de la nouvelle loi et du nouveau règlement de l'Assemblée nationale. Nous sommes même un peu en transition puisque certains éléments qui vont régir le début de nos travaux ont été décidés avant que le nouveau règlement ne soit approuvé sur une base expérimentale. Mais nous avons réussi, je pense, à faire les ajustements de telle façon que, par exemple, le ministre de la Justice est membre de plein droit de cette commission, étant donné que nous étudions un projet de loi. Autrement, vous pourriez vous retrouver devant une commission parlementaire composée uniquement de parlementaires non membres de l'exécutif. Mais comme il s'agit d'un projet de loi, j'insiste, le ministre est donc un membre de plein droit. À cet égard, vous retrouverez certains éléments des anciennes commissions mais, par ailleurs, vous avez devant vous un président et un vice-président qui ne sont pas des présidents de séance, mais qui sont définis comme des animateurs de la commission, donc qui ont un droit de parole différent de celui qu'ont pu exercer précédemment les anciens présidents de séance.

À certains moments de nos travaux, nous pourrions demander à un président de

séance d'intervenir pour permettre au président de jouer un autre rôle plus actif. La même chose pourrait arriver pour le vice-président.

Je pourrais expliciter un peu comme cela notre mode de fonctionnement. Disons que je vais me contenter de nous souhaiter bonne chance réciproquement parce que nous allons nous-mêmes apprendre beaucoup. À cet égard, nous sollicitons déjà votre indulgence. Mais, par ailleurs, vous y trouverez un certain nombre d'avantages tout de suite: moins de formalisme, peut-être une plus grande souplesse dans le fonctionnement. Nous avons également cherché à inviter chacun des groupes qui avaient demandé à être entendu au moment où ils souhaitaient le faire. Nous avons cherché à respecter le moment préféré. Nous avons également tenu compte du temps souhaité. Dans votre cas, vous aviez souhaité un peu moins de trois heures. Au total, nous devrions pouvoir disposer de près de trois heures aujourd'hui.

De notre côté, si nous n'avons pas un minimum de discipline, le temps pourrait fuir sans qu'on en fasse bon usage. Alors, nous allons ensemble convenir de la façon de nous partager le temps dont nous disposons. À cet égard, je vous demanderais si vous avez un souhait à formuler pour le temps de présentation de votre mémoire.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, la nouvelle commission et les règles ont un peu changé. J'aimerais demander si le ministre et moi aurons quelques minutes pour faire un exposé général.

Le Président (M. Vaugeois): Avant la présentation du mémoire?

M. Marx: Avant la présentation des mémoires. C'était toujours fait comme cela avant, et j'aimerais avoir cinq minutes pour faire un très bref exposé.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous me le permettez, je mets la question en suspens, et je demande à nos invités de nous indiquer leurs besoins ou leurs préférences.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député, avant que vous parliez, je dois prévenir tout le monde que nous avons encore des problèmes d'aménagement dans cette salle; en particulier, le mobilier n'est pas encore arrivé. Nous nous excusons d'ailleurs à votre endroit que tous les invités ne puissent être à la table en avant. On comprend qu'il y a une équipe de relève derrière vous. Quant à nous, c'est un peu inconfortable, surtout quant à la climatisation. On s'excuse vraiment, parce que le système n'est pas en fonctionnement ce matin. Il va s'agir d'être à cet égard raisonnable et ne pas trop fumer.

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, vous avez soulevé la question dont je voulais parler brièvement à la commission. Comme vous le savez, que la commission relève de la nouvelle ou de l'ancienne formule elle est une émanation de l'Assemblée nationale. Or, nous savons tous que, dans la salle de l'Assemblée nationale et dans ses galeries, il est interdit de fumer.

M. le Président, vu l'importance de cette question du point de vue de notre santé, je propose qu'il soit également interdit de fumer dans les salles des commissions.

Une voix: Bravo!

Une voix: Adopté, M. le Président.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, il semble qu'il n'y ait pas d'objection. Que souhaitez-vous?

M. Auger (Jacques): M. le Président, je crois que nous pourrions présenter les grandes lignes de notre mémoire dans une période approximative de 45 minutes, ce qui laisserait le temps pour des questions qui pourraient être posées par les membres de cette commission. Donc, 45 minutes, c'est approximatif, mais nous croyons pouvoir le faire dans ce laps de temps.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Ce que je vais proposer, sous réserve d'autres remarques, c'est que nous pourrions demander au ministre un mot d'introduction de son côté. Nous pourrions inviter un porte-parole de l'Opposition à faire de même. Après quoi, vous auriez à peu près 45 minutes à votre disposition. Ensuite, nous pourrions revenir pour un certain nombre de questions que pourrait tout de suite vouloir soulever quelqu'un de la majorité, en l'occurrence probablement le ministre, quelqu'un de l'Opposition, et nous pourrions essayer de partager le temps pour que les membres de cette commission, profitent à peu près du même laps de temps dont ont profité les porte-parole. De cette façon, je crois qu'on va entrer dans nos deux heures et demie, deux heures et trois quarts de temps.

Une autre chose que je propose également aux membres de la commission: comme nous sommes là pour étudier et non pour nous confronter - d'ailleurs, la matière s'y prête bien - des députés m'ont suggéré de permettre qu'une question soit amenée immédiatement si elle porte sur le même sujet et si le but n'est pas de soulever une

controverse. Si, par exemple, dans ses questions, le ministre aborde une question que voudrait approfondir rapidement un membre de cette commission, il pourrait immédiatement demander la parole et nous pourrions aller plus loin dans la question pour ne pas y revenir une demi-heure plus tard, alors qu'on a un peu perdu le fil du point, l'esprit n'étant pas d'empêcher l'autre d'aller au bout de sa pensée ou de le contredire au départ, mais d'aller plus loin dans l'étude d'une question.

Si on est d'accord là-dessus, j'invite d'abord le ministre à nous dire quelques mots. Il sera suivi d'un porte-parole de l'Opposition et nous vous inviterons ensuite à nous présenter votre mémoire. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je vous remercie. Je vous souhaite ainsi qu'au vice-président et aux membres de la commission tout le succès dans ce qui constitue une première, je crois, pour la commission des institutions, qui fonctionne selon le nouveau mode prévu dans notre règlement dans le cadre de cette première étape de la réforme parlementaire.

Dans ce contexte, nous abordons cependant un sujet extrêmement vaste, une substance à la fois considérable et diversifiée. On sait que la réforme du Code civil est une entreprise je dirais presque gigantesque. Elle remonte - on s'en souvient, de façon substantielle - à l'époque de la codification des lois du Bas-Canada en 1866. Cette étape constitue la plus importante réforme depuis la codification de 1866.

Je rappelle un certain nombre de choses à propos du projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Le projet de loi 58, au sujet duquel nous entendrons les commentaires venant de la Chambre des notaires du Québec et d'autres groupes, n'est qu'un des trois aspects en ce moment à l'étude devant le Parlement.

Un projet de loi, on le sait, a été déposé en matière de succession et un autre en matière des personnes. Je voudrais donc rappeler que les quelque treize cents articles qui touchent ces projets de loi connaissent et doivent connaître une certaine cohérence. Pour nous aider à y arriver, il faut bien voir que nous ne sommes pas seuls et que nous n'aurons pas été seuls dans ce processus qui dure, on s'en souvient, depuis la formation de la Commission de révision du droit qui a été présidée par Me Paul-André Crépeau pendant de nombreuses années. La Commission de révision du droit à laquelle, sans doute, les plus beaux cerveaux juridiques du Québec ont participé à un titre ou à un autre, à titre de consultant, à titre de personne entendue, à titre de rédacteur de rapports, cette commission a entrepris cette revue de l'ensemble de ce droit fondamental que constitue le Code civil au Québec, il y a de nombreuses années. Elle a soumis un rapport important qui a fait l'objet d'un certain nombre de consultations auprès d'organismes impliqués, notamment les orgnismes professionnels oeuvrant dans le secteur du droit. Finalement cela a donné lieu à ces projets de loi qui sont devant nous.

Ces projets, il faut bien le dire, et nous sommes ici en audition des intéressés sur le projet de loi 58, ne constituent pas la position définitive ou finale du gouvernement sur le plan de ce qu'il lui reste d'initiatives législatives et parlementaires, M. le Président, mais ils constituent pour l'essentiel, je pense, une façon d'aborder la réforme du droit à partir non seulement d'un approfondissement de ce que la doctrine et la jurisprudence ont fait du droit civil québécois, mais également à partir d'un ajustement à des réalités sociologiques de fonctionnement de l'économie, puisque nous sommes dans le chapitre des biens et que nous parlons beaucoup des dimensions du commerce, de l'économie et des liens de droit qui existent entre les personnes dans le cadre des transactions ou des biens, de la responsabilité des administrateurs, de la transmission de la propriété, de la division ou de l'indivision de la propriété. Nous touchons donc à une série de choses qui sont aussi très contemporaines, c'est-à-dire le mode de fonctionnement des échanges de biens et des liens de droit qui existent à l'égard de ces biens entre les personnes qui transigent sur le plan économique.

C'est donc un sujet très vaste et très complexe pour lequel, encore une fois, je voudrais souligner l'apport considérable qu'y ont mis un nombre de personnes extrêmement imposant et qui représentaient à elles seules une somme de connaissances, de responsabilités et de volonté de voir nos lois refléter le mieux possible l'état de la société dans laquelle nous vivons.

Je me contenterai donc, M. le Président, dans ces remarques préliminaires, de remercier la chambre des notaires du mémoire dont nous avons eu l'occasion de prendre connaissance depuis qu'il a été déposé à la commission, du travail extrêmement systématique, de toute évidence, qui a été fait par son sous-comité de législation ou son comité de législation -je ne suis pas sûr. Je veux lui dire que nous aurons l'occasion, après avoir entendus ses porte-parole, de peut-être poser un certain nombre de questions mais sûrement de continuer de fouiller de façon extrêmement précise l'ensemble des choses qui nous ont été soumises.

Le Président (M. Vaugeois): M. Marx, pour l'Opposition.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de la chambre des notaires. Je suis sûr qu'ils vont apporter un apport précieux au travail de la commission.

Le projet de loi 58 portant réforme du droit des biens constitue la quatrième étape du processus de révision du Code civil. Le Code civil représente le fondement de notre système juridique. Il englobe le droit qui régit les rapports juridiques entre les Québécois et les Québécoises. C'est donc dire qu'il s'agit là de la démarche législative la plus importante des dernières années.

Dès 1977, l'Office de révision du Code civil déposait son rapport, qui constitue une excellente base de révision de notre droit civil. Le but de cette révision est de donner à la société québécoise un code moderne, clair et précis. Pourtant, depuis sept ans, peu de réformes contenues dans le rapport ont été traduites en loi. En effet, seule la loi 89 sur le droit de la famille a été adoptée en 1981, en période préélectorale, pour répondre aux demandes de certains groupes de pression.

Encore, faut-il ajouter que certaines des réformes alors jugées essentielles par le ministre de la Justice de l'époque - peut-être pas par le ministre actuel - concernant le droit de la famille ne sont pas en vigueur. C'est le cas des articles relatifs au divorce, ce qui s'explique par la compétence exclusive du fédéral en cette matière. Or, depuis l'adoption de la loi 89, que je sache, le ministre n'a amorcé aucune discussion avec le gouvernement du Canada pour opérer le transfert de juridiction.

Il y a aussi d'autres articles qui ne sont pas encore entrés en vigueur. Ainsi l'article 115 du Code civil du Bas-Canada, qui date de 1866, prévoit que l'homme âgé de quatorze ans et la femme âgée de douze ans peuvent contracter mariage. Le nouveau Code civil a modifié l'âge respectif des conjoints à 18 et 16 ans mais, malheureusement, ces articles, sans raison d'ailleurs, n'ont jamais été en vigueur. À l'heure actuelle, ce sont les règles de l'ancien code qui s'appliquent et l'âge de mariage pour un homme est toujours de quatorze ans et celui d'une femme de douze ans. Ma fille de treize ans était très surprise d'apprendre cet état du droit.

En décembre 1982, les projets de loi 106 sur les droits des personnes et 107 sur les droits de succession étaient déposés. Les auditions publiques ont été tenues en avril 1983. À la suite de voeux exprimés par plusieurs organismes, le ministre d'alors affirmait que ces projets ne seraient pas adoptés avant que ne soient étudiées une loi sur les biens et une loi d'application générale pour ces trois lois. Si cette décision semblait rassurante, elle ne l'est que partiellement et qu'à court terme. Je crois d'abord que le délai nécessaire qui devrait être accordé pour l'étude des lois précitées en reporte l'adoption à tout près d'un an.

Quand donc pourrons-nous voir déposés les projets sur les obligations, les sûretés, la prescription et le droit international privé? Le rythme m'apparaît bien lent et la démarche chaotique. Nous ne connaissons pas encore l'échéancier précis qu'entend suivre le nouveau ministre. Nous n'avons pas encore droit à des notes explicatives, comme ce fut le cas lors de la première codification. Nous devons toujours étudier des dispositions sans en connaître l'étendue exacte, étant donné que des dispositions interreliées d'autres livres de code et que les mesures transitoires ne sont pas encore rendues publiques.

J'aimerais souligner au ministre que le ministre fédéral de la Justice, qui a déposé des amendements au Code criminel, a aussi déposé des amendements avec des notes explicatives. Je ne comprends pas pourquoi, dans notre révision du Code civil, on ne trouve pas de notes explicatives. Si le ministre a un livre de notes explicatives préparé par son ministère, j'espère qu'il va nous en donner une copie. Ce n'est pas seulement l'Opposition qui demande des notes explicatives. C'est tout le monde qui vient -ou presque tout le monde - devant la commission. Je crois donc que l'ampleur des travaux justifierait la nomination d'un adjoint parlementaire qui aurait la responsabilité de la révision sous l'autorité, bien entendu, du ministre.

Le dossier du Code civil mérite une attention particulière et on ne saurait le traiter comme on le fait pour toute autre loi sectorielle. Une personne responsable à temps plein de cette réforme, conjuguée à la plus grande souplesse des règles régissant les commissions parlementaires, nous permettrait d'aller de l'avant plus rapidement et d'accorder toute l'attention nécessaire à ce processus de caractère primordial. Nous n'aurions plus l'impression d'être placés devant une montagne quasi infranchissable. C'est dans cette optique que j'aborderai l'étude du projet de loi 58.

J'aimerais faire remarquer que les délais accordés pour la production des mémoires et le temps très court dont nous, de l'Opposition, jouissons pour en prendre connaissance ne favorisent pas une étude sérieuse et approfondie du projet de loi. Si, en général, je peux dire que ma formation politique reconnaît l'effort considérable qui a été fait dans la rédaction de ce projet de loi, j'aurais, comme mes collègues, quand même préféré avoir le loisir d'étudier plus en profondeur les observations qui ont été

faites. J'exclus de ces remarques la chambre des notaires, parce que nous avons eu son mémoire il y a au moins une semaine ou dix jours. Quoi qu'il en soit, nous sommes heureux de pouvoir bénéficier aujourd'hui et demain des commentaires de personnes ayant une expertise dans ce domaine technique et parfois complexe. Nous espérons que cette commission permettra de cerner le plus possible les difficultés d'application pratiques et d'y apporter les correctifs appropriés. Nous souhaitons aussi que les problèmes relatifs entre autres au choix des termes utilisés lors de la rédaction à la distinction des biens, aux nouvelles règles sur la copropriété et à l'étendue de l'application de titres sur l'administration du bien d'autrui sauront être aplanis.

En conclusion, j'aimerais souligner qu'il existe aujourd'hui au Québec deux codes civils, celui de 1866 - officiellement le Code civil du Bas-Canada - et le Code civil du Québec, qui a été institué par la loi 89 sur le droit de la famille. Des articles qui portent le même numéro se trouvent dans les deux codes quoiqu'ils visent des matières différentes. Par exemple, l'article 407 traite de mariage dans un code et de la propriété dans l'autre. S'il est vrai que de telles difficultés dérangent les avocats et les notaires dans leurs recherches, qu'en est-il alors pour le simple citoyen soucieux de connaître un tant soit peu son Code civil? En effet, aujourd'hui, notre droit civil est une jungle d'articles et de dispositions. Le ministre de la Justice du Bas-Canada de 1866, qu'on appelait à l'époque Procureur général du Bas-Canada, a été plus sage que le ministre de la Justice d'aujourd'hui ou plutôt que son prédécesseur - parce que M. Johnson vient d'arriver en poste - c'est-à-dire que le ministre de la Justice du Bas-Canada, en 1866, a adopté d'un seul trait le Code civil, tandis que le ministre actuel ou son prédécesseur ne refait le Code civil que d'une manière parcellaire. En procédant à une telle réforme à la pièce, on s'expose à commettre des erreurs, des contradictions et des lacunes. Qui en souffre? Poser la question, c'est y répondre.

J'aimerais terminer ce court exposé en assurant tous les participants à la commission de notre entière collaboration. J'aimerais signaler aux membres de la commission que, de ce côté-ci de la table, nous avons vraiment des experts en droit civil. Je m'exclus comme expert, mais il y a le député de Saint-Laurent, qui est notaire et qui est vraiment expert dans ces matières. De même, le député de Beauce-Sud est aussi notaire et il connaît bien cette matière. Également, le député de Chapleau est avocat et il est aussi expert en droit civil. Nous aurons d'autres députés experts de notre formation qui vont venir nous assister dans ces travaux. Merci, M. le

Président.

M. de Bellefeuille: Heureusement qu'il y a Mme la députée de Jonquière pour équilibrer tout cela.

M. Marx: II y a Mme la députée de Jonquière et moi-même, qui ne sommes pas des experts en droit civil, mais nous allons faire de notre mieux lors des travaux de cette commission.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de D'Arcy McGee, jusqu'à la fin, j'étais assez d'accord avec vos remarques. Mais, finalement, je commence à me demander si vous ne nous dites pas que vous êtes en conflit d'intérêts pour plusieurs d'entre vous. En tout cas, nous avons, de ce côté du moins de l'Assemblée, le gros bon sens en partage. C'est assez utile également pour étudier un projet de loi, y compris la réforme du Code civil.

Je comprendrais que le ministre puisse avoir envie de réagir aux propos parce qu'on a débordé un petit peu. D'un autre côté, M. le député, vous nous avez rendu service. Vous vous êtes fait le porte-parole des parlementaires en général face à l'Exécutif pour une bonne partie de votre intervention. On vous en remercie. Pour le reste, je pense bien que le ministre aura l'occasion tout à l'heure, en réagissant au mémoire, peut-être d'ajuster certaines petites choses. Je ne voudrais pas qu'on attende davantage pour donner la parole à Me Auger afin qu'il nous présente le mémoire de la chambre des notaires. (10 h 45)

Auditions Chambre des notaires du Québec

M. Kimmel: M. le Président, MM. et Mmes les membres de la commission parlementaire, avec votre permission, avant que Me Jacques Auger ne commence, j'aimerais souligner également la présence de Me Simon Morency, président de la Chambre des notaires du Québec.

Le Président (M. Vaugeois): Me Morency, soyez le bienvenu.

M. Morency (Simon): M. le Président, mesdames et messieurs, mes respects.

M. Auger: M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les membres de la commission, la chambre des notaires est heureuse de participer aux travaux de cette commission sur le projet de loi 58.

Avant d'aborder notre mémoire proprement dit, nous aimerions faire quelques commentaires généraux sur le projet de loi

58. Comme il a été dit tantôt, le projet de loi 58 est une pièce maîtresse et très importante du prochain Code civil. Le droit des biens est un peu le coeur du Code civil, coeur autour duquel tourne toute une série d'autres règles. Il est indéniable qu'il s'agit là d'une pièce législative d'une extrême importance. On peut le constater notamment à l'ampleur des dispositions qu'on y consacre. Le projet de loi 58 contient plus de 450 articles et, en matière de droit civil, c'est tout dire.

Il nous paraît très important de souligner le fait que ce projet de loi 58 est très bien structuré. À cet égard, il nous faut offrir nos félicitations aux auteurs du projet et à tous ceux qui, comme l'a souligné le ministre tantôt, ont permis d'aboutir à ce projet de loi. Le projet, on peut le constater facilement en consultant la table des matières, est très bien divisé en sept titres regroupant, de façon logique et cohérente, des règles, ce qui permet et facilite énormément l'approche d'une telle loi.

Le projet de loi 58 innove également à plusieurs égards et adapte à beaucoup d'autres, aux réalités modernes, le droit des biens. On peut souligner, sans toutefois restreindre ce qui vient d'être dit, certains points. On y retrouve maintenant des règles qui nous permettent de mieux comprendre ce phénomène assez répandu qu'est l'indivision, ce qui n'existe pas dans le Code civil actuel. On réglemente également le droit de superficie auquel le Code civil actuel ne fait qu'une allusion très discrète. On reprend complètement tout ce qui concerne les fiducies et la fondation en adaptant ces secteurs à des réalités d'aujourd'hui.

On a également rassemblé dans un titre toutes les règles concernant l'administration du bien d'autrui, ce qui va constituer un énorme avantage sur le plan législatif. On a également revu et corrigé les règles concernant l'emphythéose, la substitution, la copropriété divise; bref, un projet qui s'inscrit vraiment dans une perspective de révision.

Il faut également souligner, comme on l'a dit tantôt, que le projet de loi est bien rédigé, son langage est facile à comprendre. Bien sûr, il y a des choses qu'il est encore possible d'améliorer mais, en général, le projet de loi est bien rédigé. On a évité, dans un esprit et un respect de ce qu'est le droit civil, ces longues enumerations, ces cas trop particuliers pour s'en tenir d'une façon assez générale à des règles de principe. Or, à cet égard, il faut également féliciter les auteurs du projet.

Si on a quelques reproches à adresser, c'est qu'on peut déplorer, comme on l'a également souligné tantôt, l'absence de commentaires accompagnant le projet de loi. Même s'il n'est pas coutumier qu'un projet de loi soit systématiquement accompagné de commentaires, le Code civil et les projets de loi qui visent à le réviser sont, à cet égard, dans une classe particulière. Le premier Code civil a bénéficié de commentaires importants de la part des codificateurs. Cette technique avait été suivie par l'Office de révision. Il aurait été fort souhaitable qu'on puisse bénéficier de ce même type de commentaires qui permettent beaucoup plus facilement d'étudier le projet de loi et d'en comprendre la portée, les objectifs et les principales réformes.

Nous aurions également, bien sûr, aimé bénéficier d'un peu plus de temps entre le dépôt du projet et la commission parlementaire pour en examiner de façon encore plus systématique toutes les dispositions qui sont complexes, techniques et, à cet égard, difficiles à étudier.

Nous nous joignons aussi à ceux qui demandent une accélération du processus de révision du Code civil. Ce processus, étape par étape, est de nature, comme on l'a souligné tantôt, à engendrer des problèmes, à ne pas permettre de voir l'intégralité des problèmes qui peuvent se présenter et risque aussi d'engendrer des problèmes de droit transitoire très complexes.

À la suite de ces commentaires généraux, nous aimerions maintenant présenter notre mémoire de façon plus précise en vous soulignant que ce document que vous avez entre les mains est divisé en deux parties. La première constitue une espèce d'avant-propos dans lequel nous avons voulu attirer l'attention des membres de cette commission sur des sujets qui, sans être nécessairement les plus importants, nous ont paru dignes de faire l'objet de commentaires préliminaires, ce qui ne signifie pas que ces mêmes sujets ne sont pas repris dans le corps du mémoire.

Par ailleurs, la principale partie de notre mémoire est composée d'une étude article par article du projet de loi, accompagnée, chaque fois que nous avons cru utile de proposer des modifications, d'une reformulation du texte de loi et des commentaires qui expliquent cette modification.

Il est certain que nous ne pourrons pas faire état ce matin de chacune de nos propositions, de nos recommandations, le temps ne nous le permettrait pas et, si je comprends bien l'idée de ces commissions, il ne s'agit pas encore d'étudier article par article le projet de loi, mais plutôt de discuter des grands principes qu'il véhicule et des principaux problèmes qu'il est susceptible d'engendrer.

Aussi, nous allons simplement nous contenter d'aborder certains points, ce qui, encore une fois, ne signifie pas que le reste de notre mémoire n'est pas important et qu'on ne pourrait pas y trouver des informations utiles dans le but d'améliorer

encore davantage ce projet de loi.

Nous voulons enfin vous dire que la chambre des notaires n'a travaillé que dans un seul but, face à ce projet de loi 58: permettre, dans la mesure de nos moyens et de nos connaissances, que le projet de loi 58 soit le meilleur possible pour l'ensemble des citoyens du Québec.

La première question qu'on voudrait aborder concerne, à tout seigneur tout honneur, le droit de propriété lui-même qui, il faut bien l'admettre, est la partie la plus importante du droit des biens, même si elle n'épuise pas complètement le sujet.

Dans ce titre du projet de loi 58 consacré au droit de propriété, il y a un chapitre troisième qui est intitulé: Des règles particulières à la propriété immobilière. Nous voudrions attirer l'attention de cette commission sur trois questions qui se trouvent dans ce chapitre troisième. Ces trois questions sont les suivantes: les inconvénients qui résultent du voisinage; les vues que l'on peut avoir sur la propriété du voisin et, finalement, la propriété des sources. Je traiterai successivement de chacun de ces trois points.

Pour permettre aux membres de la commission d'avoir peut-être une meilleure compréhension de mes propos, j'indiquerai aussi à l'avance quels sont les articles du projet de loi qui sont principalement concernés par notre intervention.

En ce qui concerne le premier point, les inconvénients du voisinage, cela nous amène aux articles 1033 particulièrement et 1031 du projet de loi. Il est assez facile de comprendre et d'imaginer les multiples problèmes qui peuvent se poser entre voisins. Je pense qu'on peut se passer d'illustrations et de démonstrations pour affirmer ce point-là. Le droit n'a donc pas été insensible à toutes ces questions qui résultent du voisinage. Cependant, le code actuel ne contient aucune règle spécifique visant à régler les problèmes entre voisins. Bien au contraire, il définit, à son article 406, le droit de propriété comme étant le droit de jouir des choses de la façon la plus absolue. Vu sous cet angle, il apparaît qu'on pourrait tout faire lorsqu'on est propriétaire, mais tel n'est pas le cas. La jurisprudence et la doctrine ont toujours restreint cet absolutisme apparent du droit de propriété pour le replacer dans un contexte social où le droit doit tenir compte du droit des autres.

Le projet, à cet égard, à son article 1033, introduit une règle qui nous apparaît très importante. Cette règle, lorsqu'on en prend connaissance, signifie, le croyons-nous, ceci: les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage, dit l'article; ceux qui n'excèdent pas la tolérance que se doivent les voisins suivant la nature des lieux. Si on prend l'article a contrario, cela signifie que les voisins ne sont pas tenus d'accepter les risques anormaux qui dépassent les limites de la tolérance. Le grand avantage de cet article 1033 qui nous apparaît codifier la jurisprudence actuelle, c'est qu'il n'est pas du tout fondé sur une notion de faute, c'est-à-dire que, quand des troubles de voisinage excéderont les limites de la tolérance, celui qui en sera victime ne sera pas obligé de démontrer, soit pour faire cesser le préjudice ou pour être indemnisé, que le trouble provient d'une faute, parce qu'à ce moment-là, cette obligation de démontrer une faute est souvent extrêmement complexe en la matière.

Je peux citer un exemple. Une usine dans mon voisinage produit des émanations de fumée très importantes ou des odeurs vraiment nauséabondes. Si je suis obligé de prouver, pour faire cesser ce préjudice ou être indemnisé, que les techniques industrielles de pointe n'ont pas été utilisées, vous imaginez le fardeau que j'ai sur les épaules. Ici, la règle de l'article 1033 introduit cette théorie du trouble de voisinage que la jurisprudence a graduellement introduite dans notre droit et qui permet de trancher le litige sur la base de la simple mesure des inconvénients subis en l'absence de toute faute. Nous sommes totalement d'accord avec l'article 1033.

Cependant, si nous insistons sur ce point, c'est que nous trouvons curieux que l'article 1031, qui concerne également une catégorie importante de troubles de voisinage, mette de côté cette règle générale pour revenir à la notion de faute, du moins telle que nous l'avons interprétée. L'article 1031 vise tous ces cas où un propriétaire fait des constructions sur son fonds, constructions qui finissent par ébranler ou endommager la solidité des édifices du fonds voisin. Si on prend bien connaissance de l'article, on voit qu'il crée comme obligation au propriétaire qui fait des constructions de veiller à ne rien ébranler. Dans le langage juridique, il s'agit d'une obligation de moyens, c'est-à-dire que l'obligation qu'il a, c'est de prendre les moyens pour ne pas ébranler, si bien que si un préjudice est subi, la victime devra démontrer que les moyens n'ont pas été pris pour ne pas causer ces dommages. Or, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la victime. Elle est obligée de démontrer une faute. Qu'est-ce qui risque de se produire très souvent? C'est que, premièrement, on ne démontre pas de faute, donc aucune indemnisation, ou, deuxièmement, on démontre une faute, mais il s'avère qu'elle est imputable à une autre personne que le propriétaire, par exemple, l'entrepreneur général qu'il a engagé et dont il ne répond pas parce qu'il n'y a pas de lien de subordination entre les deux. Si cette personne est malheureusement insolvable, la

victime se retrouve sans aucun dédommagement possible et la jurisprudence a illustré, de façon assez claire, ces situations.

Bref, ce que nous recommandons, si notre interprétation de l'article 1031 est exacte, c'est qu'on regarde à nouveau cette catégorie particulière des troubles de voisinage pour la soumettre à la même règle que celle de l'article 1033, c'est-à-dire une responsabilité découlant beaucoup plus de la seule mesure des inconvénients que basée sur une notion de faute avec tout ce que cela comporte comme preuve.

Le deuxième point, toujours dans ce chapitre troisième des règles particulières à la propriété immobilière, concerne les vues que l'on peut avoir sur la propriété du voisin. Il s'agit particulièrement de l'article 1034. À cet égard, le projet reprend substantiellement le droit actuel en transposant dans le système métrique les règles du Code civil actuelles et, à cet égard, nous n'avons aucun commentaire particulier à faire si ce n'est sur le troisième paragraphe de l'article 1034. (11 heures)

L'article 1034, pour bien situer le problème, est cet article qui permet à quelqu'un d'ouvrir des vues sur la propriété voisine, mais à la condition qu'il respecte une certaine distance, un mètre quatre-vingt-dix. On comprend très bien l'idée sous-jacente à l'article: on veut préserver une certaine intimité entre les propriétés voisines ce qui est un principe fort louable que le Code civil actuel reconnaît et que le projet de loi maintient.

Mais l'article 1034, dans son troisième paragraphe, nous apparaît faire un accroc très sérieux à cette règle, parce que ces trois paragraphes apportent des exceptions. Nous sommes d'accord avec les deux premières. La troisième nous apparaît critiquable pour les raisons suivantes: cet article dit qu'on pourra ouvrir des vues sans que cela soit illégal aussi longtemps que l'ouverture en question ne donne sur aucun mur en raison de la hauteur où elle est pratiquée. On pense tout de suite à l'exemple du voisin dont la propriété comporte vingt étages à côté d'une propriété résidentielle unifamiliale. Or, c'est certain que la fenêtre du vingtième étage ne dérange pas beaucoup le propriétaire voisin. Cette situation, on peut toujours la tolérer.

Mais, tel que l'article est rédigé, si le propriétaire voisin est un propriétaire qui n'a pas encore construit sur son terrain, cela ne l'empêche pas de pouvoir utiliser ce terrain, soit simplement pour son repos dominical, pour y faire du jardinage ou quelques autres activités. Pourquoi ne pourrait-il pas bénéficier de cette même intimité? Or, l'article permettrait d'ouvrir des vues en deçà de la distance permise parce que la vue ne donnera sur aucun mur, par définition, du terrain voisin vacant.

On pourrait aussi imaginer des situations où un édifice se prolonge vers l'arrière du terrain à une distance plusprofonde que celle du voisin. Encore là, l'article permettrait de maintenir des vues qui donneraient une vue trèsrapprochée. Nous demandons que cet article soit reconsidéré de façon que cette règle - de l'article 1034 - de principe ne subisse pas d'accroc trop sérieux en ce qui la concerne.

Un troisième point, toujours dans le même chapitre, concerne la propriété des sources. Cela nous amène à l'article 1020 du projet. Pour comprendre notre commentaire, il faut peut-être commencer par expliquer ce qu'est le droit actuel sur les sources. Le Code civil, à son article 502, pose une règle très claire et je vous la lis: "Celui qui a une source dans son fonds peut en user et en disposer à sa volonté". C'est l'expression, bien sûr, d'un droit de propriété. Je suis propriétaire du fonds, je suis propriétaire de la source qui émerge sur mon fonds, je peux en disposer à ma volonté.

Si vous comparez ce texte du Code civil actuel à l'article 1020, vous allez y voir un changement important. L'article 1020 semble, encore une fois si nous l'avons bien analysé, enlever le droit de propriété de la source pour ne conférer au propriétaire du fonds, sur laquelle elle se trouve, qu'un droit d'usage limité à ses seuls besoins.

Or, on s'est d'abord demandé pourquoi un tel changement de politique. Est-ce qu'il y a eu de tels abus dans l'utilisation des sources qu'il faille maintenant en priver le propriétaire du fonds de la propriété? Nous n'avons pas trouvé de tels abus du moins tels qu'illustrés par la jurisprudence et la doctrine. Nous croyons même que cet article est à ce point limitatif qu'il pourrait même créer des difficultés là où il ne devrait pas y en avoir. Le fait d'avoir une source sur mon fonds m'a toujours permis, dans le droit actuel, de pouvoir en faire bénéficier les voisins qui peuvent en avoir grand besoin. Est-ce que l'article actuel permettrait encore une telle chose vu qu'on limite ce droit d'usage à mes seuls besoins? Que signifie également cette expression qui clôt l'article: respecter les conditions d'utilisation de l'eau?

Bref, sur ce point, nous croyons qu'il serait préférable de maintenir le droit actuel. Et même si l'article 502 apparaît comme très absolu, il faut comprendre que le droit de propriété a toujours été restreint par ces règles issues de la jurisprudence et qui ont consacré les théories de l'abus de droit, d'une part, et du trouble de voisinage, de l'autre. Alors, si j'utilise ma source pour inonder le voisin, le droit permettra de mettre fin à de tels abus. Si j'utilise ma source de façon contraire à ce que normalement doit être le droit de propriété,

la théorie de l'abus de droit viendra empêcher ce fait. Mais faut-il priver le propriétaire de la propriété de la source? Nous ne le croyons pas.

Une deuxième catégorie de sujets sur lesquels nous voudrions faire des commentaires concerne la distinction des biens. C'est là un sujet énorme, vaste, il faut l'avouer aussi, compliqué et très technique, mais quand même très important et c'est la raison pour laquelle nous voulons faire certains commentaires la concernant. Nous touchons ici plus particulièrement aux articles 945 et suivants du projet, donc les tous premiers articles du projet, et de façon toute particulière l'article 948. Pour que mes propos soient bien compris sur cette question, il est peut-être utile de faire certaines remarques préliminaires.

Le Code civil actuel a toujours divisé les biens en deux grandes catégories, les meubles et les immeubles, et on comprend facilement que c'est tout simplement à partir des caractéristiques physiques des objets corporels que cette grande distinction est faite. Un immeuble est quelque chose qui ne se déplace pas alors qu'un meuble est quelque chose qui se déplace. Tous les biens ont été classifiés en meubles ou immeubles. C'est une distinction traditionnelle que le projet reprend, qui est peut-être critiquable à certains égards, parce que appliquée à des choses incorporelles, cela devient parfaitement arbitraire de dire qu'une créance est un meuble. C'est vraiment arbitraire, on le conçoit. Mais il semble assez difficile de ne pas classifier les biens.

À cet égard, je pense qu'il faut accepter de reprendre cette grande division des liens entre les biens immeubles et les meubles. Entre ces deux catégories d'immeubles que sont les fonds de terre et les bâtiments qui s'y trouvent et les meubles qui se déplacent, soit seuls soit avec une force étrangère, le droit a introduit des catégories intermédiaires et c'est là peut-être que la chose se complique un peu, mais elle n'en est pas moins importante. Le droit actuel connaît ce qu'on appelle des immeubles par destination. Très rapidement, on pourrait les expliquer ou les définir comme ceci: ce sont des biens meubles qui conservent toutes leurs caractéristiques de biens meubles, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas confondus dans un immeuble, ils ne perdent pas leur individualité. Ils sont réputés immeubles - c'est donc une fiction que la loi crée - pour deux raisons: soit parce qu'on les a matériellement attachés à un immeuble -pensons à des volets fixés à l'extérieur d'une résidence, des tapis mur à mur - ou parce qu'ils ont été placés sur un immeuble pour l'exploitation de cet immeuble, et le meilleur exemple que l'on en puisse donner, ce sont les outillages ou la machinerie dans une usine.

L'avantage de cette catégorie de biens, c'est que, même si le bien au point nature, au point de vue physique, demeure meuble, il est réputé immeuble et suit donc le sort de l'immeuble, c'est-à-dire que toutes les règles du code qui vont s'appliquer aux immeubles vont être également applicables à ces immeubles par destination. Or, il est facile, en consultant la jurisprudence, les traités de droit, de constater à quel point il a été difficile d'en arriver à cerner cette notion complexe d'immeuble par destination. Il ne serait pas exagéré de dire que la jurisprudence, en y incluant les tribunaux de toutes les juridictions, y compris la Cour suprême, ont mis 30 bonnes années à clarifier cette question. Or, notre inquiétude sur ce point, quant au projet de loi, provient de l'article 948 qui, sans se démarquer totalement du droit actuel, semble vouloir effectuer un certain recul et cela peut se comprendre.

Beaucoup de gens ont dit: Cette catégorie des immeubles par destination est en train d'envahir à tel point le droit que tantôt il n'existera plus de meubles. L'Office de révision, à cet égard, avait pris une position catégorique. Il éliminait complètement les immeubles par destination avec un simple lien intellectuel, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus cette catégorie d'immeubles par destination sans attache fixe. Le projet de loi, si nous l'avons bien compris, ne va pas aussi loin, mais il pose une condition supplémentaire pour qu'un bien soit considéré comme immeuble par destination dans le cas des biens à vocation économique. Il faudra, à l'avenir, que la destination du bien soit déclarée dans un acte. Or, nous pensons qu'il s'agit d'un remède peut-être de nature à être pire que le mal auquel on veut remédier.

Pourquoi? Parce que d'abord le projet de loi n'élabore aucunement sur ce que pourrait être cette déclaration. Qui pourrait la faire? Dans quel type d'acte pourrait-on la retrouver? Comment pourrait-elle être révoquée une fois qu'elle est faite? Devra-t-elle être enregistrée pour être opposable aux tiers? Toutes ces questions et bien d'autres ne trouvent pas réponse dans le projet de loi. Ce qui nous apparaît peut-être encore plus critiquable, c'est qu'il faut vraiment se demander s'il est plausible que le caractère meuble ou immeuble d'un bien dépende en grande partie d'une déclaration dans un acte. Essentiellement, les immeubles par destination, actuellement, on les découvre et on les identifie à partir de critères objectifs extérieurs, parce qu'il s'agit là d'une question qui ne concerne que les tiers. Or, y ajouter un élément nouveau tel que cette déclaration dans un acte nous apparaît de nature à engendrer une autre période d'incertitude sur cette question qui a été trop longtemps controversée et difficile à

comprendre. Nous souhaitons donc que cette question soit revue très attentivement, parce qu'elle touche énormément de biens et qu'elle a une importance considérable, notamment en matière de garanties d'hypothèques et de toutes ces certitudes qui peuvent être données sur des biens à vocation économique.

Nous voulons aussi, concernant cet article 948, attirer l'attention de la commission sur le fait que le premier paragraphe de l'article - qui semble constituer en soi une règle complète, à laquelle le deuxième alinéa fait une certaine exception ou apporte une certaine précision -ce premier paragraphe, si on le lit, permettrait de considérer comme immeuble par destination des membres meublants qui se trouvent dans une résidence familiale. On se demande d'abord si une telle chose est souhaitable et on s'interroge surtout sur les conséquences qui pourraient en résulter. Est-ce cela qui est voulu? C'est difficile pour nous de le savoir; il n'y a pas de commentaires qui accompagnent cet article. Mais si telle était l'intention du législateur, il faudrait peut-être y aller prudemment sur cette question, parce que, encore une fois, lorsqu'un bien est réputé immeuble par destination, il suit le sort de l'immeuble, si bien qu'un créancier hypothécaire qui reprendrait un immeuble le reprendrait meublé. C'est peut-être un avantage pour lui, mais cela peut être un inconvénient majeur pour le propriétaire. La vente d'un immeuble entraînerait la vente de son contenu, etc. Or, nous pensons que l'article 948, relativement à ces deux questions, devrait être revu.

Un troisième point qui concerne également la distinction des biens concerne l'article 954 du projet qui apporte une seconde distinction quant aux biens en les divisant en capitaux ou en fruits et revenus. Nous ne voyons pas d'inconvénient à une telle distinction, si ce n'est à l'égard d'une question. L'article 954 déclare que les dividendes en actions sont du capital. Il n'y a peut-être pas objection en soi à ce qu'un article général qui vise à faire une distinction de principe déclare qu'un dividende en actions est du capital. Pourquoi? Parce que si j'ai un stock d'actions, il m'est assez difficile de distinguer celles que j'ai acquises en investissant et celles que m'ont procurées le dividende en actions résultant de ces actions. Le tout est du capital et cela se conçoit assez bien. Mais il faut voir les conséquences de cette règle et, à notre avis, elle a des conséquences peut-être à certains égards néfastes sur les droits de certaines personnes.

Je ne m'en tiendrai qu'à un exemple. On connaît cette institution du Code civil qu'est l'usufruit. L'usufruitier qui en bénéficie est cette personne qui peut recevoir tous les fruits et tous les revenus que produisent des biens, sans être propriétaire du capital ou de la propriété qui appartient à une autre personne. Or, pensons à ce cas de l'usufruitier qui a le droit de recevoir tous les fruits et revenus d'un bien face à la règle de l'article 954. Cet usufruitier aurait avantage souvent, pour des raisons fiscales, par exemple, à demander que le dividende des actions dont il est usufruitier lui soit émis en actions, simplement pour des raisons fiscales; on ne peut pas lui reprocher. S'il faisait une telle option, l'article 954 ferait que le dividende est du capital et, automatiquement, il perdrait. Donc, ce n'est pas tout à fait normal. On pourrait reprendre le même exemple avec le bénéficiaire des revenus d'une fiducie. Nous croyons que si on veut maintenir cette règle de l'article 954, notamment à l'égard du dividende en actions, il faudrait peut-être en mesurer les conséquences sur certaines personnes qui ne jouissent que des fruits des biens, de façon à ne pas les priver davantage du droit qu'ont les autres individus et de façon qu'ils puissent vraiment percevoir les fruits des biens dont ils sont les bénéficiaires; car, fondamentalement, un dividende, qu'il soit émis en argent ou en action, cela demeure le revenu que produit une action comme l'intérêt est le revenu que produit une somme capitale. (11 h 15)

Un autre point sur lequel nous voudrions faire des commentaires est la question qu'aborde l'article 961, deuxième alinéa, du projet, et qui concerne la prescription des biens de l'État. Ce sont en fait plutôt des questions que nous avons ici que des commentaires précis. Lorsqu'on prend connaissance du deuxième paragraphe ou de l'alinéa second de l'article 961, on en arrive à la conclusion que les biens de l'État qui sont affectés à des fins publiques ne peuvent pas être acquis par prescription, cela va de soi; je ne peux pas prescrire ici, même si j'y reste pendant trente ans, l'édifice du Parlement. Je pense qu'on comprend bien cela. Mais ce même article laisserait donc entendre que les biens de l'État qui ne sont pas affectés à des fins publiques pourraient être prescrits. Or, il s'agit là d'une modification importante par rapport au droit actuel qui, je vous le rappelle, est en ce sens: "Tous les biens de l'État, qu'il s'agisse de l'État fédéral ou de l'État provincial, sont imprescriptibles, qu'ils soient utilisés par l'État à des fins publiques ou qu'ils soient utilisés par l'État à des fins privées". La seule exception à cette théorie de l'unité domaniale, si vous voulez, des biens de l'État existe au niveau des corporations municipales. La raison pour laquelle il y a exception, c'est que le Code civil actuel, à

ses articles 2220 et 2221, introduit la dualité ou la théorie de la dualité domaniale à ce niveau. Si bien qu'on peut prescrire les biens d'une municipalité qui ne sont pas utilisés par celle-ci à des fins publiques ou qui ne servent pas à l'usage général. Or, la règle de l'article 961, deuxième alinéa, semble donc vouloir appliquer à l'État lui-même, aux corporations publiques et probablement aussi aux municipalités, ce qui est actuellement une exception. Est-ce bien cela qui est voulu? Si oui, nous n'avons peut-être pas d'objection à ce qu'il en soit ainsi, mais il faudrait sans doute penser qu'une telle règle n'affectera certainement pas les biens de l'État fédéral qui continueront, quelle que soit leur utilité, d'être imprescriptibles, du moins si mes souvenirs en droit constitutionnel sont exacts. Je doute beaucoup que le Code civil, à cet égard, puisse avoir un impact sur la propriété des biens appartenant à l'État fédéral. Si bien qu'on se retrouverait, encore une fois, avec une règle d'imprescriptibilité totale des biens de l'État quand il s'agirait de l'État fédéral, et une règle de prescriptibilité des biens de l'État provincial quand il s'agirait de biens affectés à des fins non publiques.

On s'est finalement demandé si l'article ne se limitait pas quant à cette question de prescription aux seules personnes morales de droit public, mais, telle que rédigée, nous croyons que cette dernière partie de la phrase s'applique tant aux biens de l'État qu'aux biens des corporations publiques.

Un autre point sur lequel nous aimerions faire certains commentaires concerne la copropriété divise, ce que l'on appelle communément les condominiums. À cet égard, la chambre des notaires est favorable à ces nouvelles règles qui pourront régir la copropriété divise. Nous pouvons souligner plus spécifiquement certaines d'entre elles qui nous apparaissent fort souhaitables. D'abord, la règle de l'article 1071, qui attribue la personnalité juridique à la collectivité des propriétaires. Or, dorénavant, l'ensemble des propriétaires formera une personne morale qui permettra, nous le croyons, une structure beaucoup plus stable de la copropriété divise, tout en facilitant et en assurant une meilleure compréhension des règles d'administration d'une telle copropriété.

Une autre règle qui nous apparaît fort souhaitable, c'est l'article 1129, qui offre la possibilité pour les propriétaires de parties exclusives contiguës de modifier les limites de leur unité sans avoir à obtenir le consentement des autres propriétaires non concernés. C'est une règle qui est de nature à introduire beaucoup plus de souplesse au niveau de la copropriété divise et qui nous apparaît aussi fort souhaitable. L'article 1128 également, qui abolit la règle de l'unanimité quand il s'agit de changer la destination de l'immeuble, pour la remplacer par une règle de double majorité, mais n'exigeant pas l'unanimité: nous croyons qu'il s'agit là également d'une souplesse qui a été introduite dans le projet de loi et qui est de nature à rendre encore plus attrayante cette forme de copropriété.

L'article 1099 également nous apparaît souhaitable. C'est cette règle qui permet à un copropriétaire qui s'estime lésé dans la répartition des charges afférentes à sa section de demander qu'il y ait révision. Le seul point sur lequel nous souhaiterions voir des corrections apportées concernant l'article 1099, c'est que le critère retenu par l'article est très vague, on y parle d'injustice. Nous proposons en remplacement de ce critère susceptible d'engendrer inutilement des discussions une formule mathématique inspirée de la loi française concernant la même question et qui nous apparaît de nature à éviter des débats longs et parfois peu utiles sur la question.

Enfin, un dernier commentaire concernant les articles 1121, 1122 et 1123 du projet de loi. La Chambre des notaires du Québec est d'accord et approuve l'idée de base sous-jacente à ces dispositions et qui vise à réduire l'importance du pouvoir de contrôle du promoteur au sein du syndicat. Cette idée-là, nous y sommes favorables et nous y souscrivons; cependant, nous sommes en désaccord avec ses modalités. Nous croyons que les formules adoptées pour graduellement faire perdre le contrôle à un promoteur sont trop draconiennes et qu'il y aurait moyen de trouver un juste milieu qui respecterait à la fois les droits des autres copropriétaires et ceux du promoteur. À cet égard, la chambre propose une double modification. D'abord, c'est d'étendre la règle à tout propriétaire ou copropriétaire, qu'il soit promoteur ou pas, et dans le cas où un tel copropriétaire détient plus de la moitié de l'ensemble des voix, de réduire ces voix à l'ensemble des voix des autres copropriétaires. On est fort conscient qu'on aboutit parfois à des situations où il y aura égalité de voix, mais cela nous semble quand même une mesure moins draconienne à cet égard, et si jamais des conflits ne pouvaient pas se régler sur une base volontaire, évidemment, les tribunaux sont là pour les trancher.

Une autre question sur laquelle nous voudrions également faire des commentaires, c'est le droit de préemption dont on retrouve les principales règles aux articles 1238 et suivants du projet de loi. Il s'agit cette fois de quelque chose qui est nouveau en ce que le code actuel ne comporte rien sur cette question. Cela ne signifie pas qu'il n'existait pas sur des bases purement conventionnelles de tels droits, mais le Code civil ne réglementait aucunement cette question. Qu'est-ce qu'un droit de préemption? Je

pense que la meilleure façon de le comprendre, c'est encore de lire l'article 1238, qui est relativement clair. L'article nous dit que le droit de préemption est celui qui permet à son titulaire d'acquérir un bien par préférence à toute autre personne, ou qui résulte de l'obligation qu'a le propriétaire de lui offrir le bien en vente, s'il décide de le céder. Or, c'est donc un droit qu'une personne a de se voir offrir en premier le bien que son propriétaire décide de vendre.

L'idée d'introduire un tel droit est en soi bonne. Je pense qu'il est difficile de s'opposer comme tel à l'idée d'un droit de préemption. Ce n'est donc pas à ce sujet-là que nous avons des remarques, mais bien quant aux modalités et aux conséquences de ce droit. D'abord il faut voir que le droit de préemption, tel que le projet de loi nous le présente, peut provenir de deux sources. Il pourra résulter de la loi seule, c'est-à-dire que la loi pourra décréter que ce droit existera sans qu'il ne soit nécessaire de le stipuler dans une convention. On en a un très bon exemple dans le même projet de loi 58, à l'article 1055, qui décrète que toute personne qui se retrouvera dans l'indivision bénéficiera d'un droit de préemption sur la part des coindivisaires et réciproquement.

On peut déjà imaginer l'ampleur que risque de prendre le droit de préemption parce que l'indivision peut résulter de plusieurs causes: succession, convention, etc. Donc, il y a plusieurs personnes qui vont déjà être "aux prises" avec le droit de préemption. Il pourra aussi résulter de la convention, c'est-à-dire que des personnes pourront conférer, par convention, un tel droit à d'autres personnes.

Encore une fois, l'idée ne nous apparaît pas mauvaise. Loin de là. Elle est de nature, dans certains cas, notamment au niveau des indivisaires, à régler des problèmes qui se posaient assez souvent. Ce sur quoi nous voulons cependant attirer l'attention de la commission c'est, d'une part, sur les modalités d'application de ce droit de préemption et sur ses conséquences.

Lorsqu'on prend connaissance des articles 1238 et suivants, on constate que le droit de préemption est enfermé dans un schéma assez strict. Évidemment, pour le mettre en oeuvre, il faudra qu'il y ait des avis, des délais à la suite de l'avis, de nouveaux délais si, entre-temps, les modalités changent, etc. Nous croyons qu'il s'agit là de choses indispensables à la mise en oeuvre d'un tel droit mais qui, dans les faits, vont entraîner des délais parfois considérables avant qu'une transaction puisse finalement avoir lieu.

Pour concrétiser davantage cette question, je donne un exemple. J'ai donné un droit de préemption à mon voisin quant à l'achat de ma propriété. Le jour où je mets ma propriété en vente, je suis donc obligé d'abord de l'en aviser, de lui dévoiler les modalités du prix et de la transaction. Il a un mois pour y penser et me dire: J'accepte ou je refuse. S'il accepte, tant mieux! La transaction se fait et tout est réglé. S'il n'accepte pas, il n'est pas certain que je pourrai vendre aux prix et modalités dévoilés. Dieu sait qu'entre un acheteur et un vendeur les modalités d'une transaction, notamment le prix, varient parfois rapidement et souvent. Cela signifie-t-il que chaque fois on devra notifier à nouveau ce bénéficiaire du droit de préemption? Si oui, un nouveau délai d'un mois, une nouvelle attente. Bref, cela nous apparaît de nature à compliquer énormément certaines transactions.

Toutefois, si ce n'était que de cet aspect des modalités, je pense qu'on pourrait toujours trouver des façons peut-être plus souples d'y arriver, mais la sanction accrochée à tout cela nous paraît aussi de nature à engendrer certaines complexités.

L'article 1244 du projet de loi décrète que si toutes ces modalités d'exercice du droit n'ont pas été respectées le titulaire du droit de préemption, dans l'année où il aura connaissance de ces fautes, pourra demander la nullité de la transaction.

Imaginons toujours que mon immeuble que j'avais offert en premier lieu à mon voisin a finalement été vendu à un tiers parce que le voisin ne s'est pas prévalu du droit qu'il avait. Au bureau d'enregistrement, dans les titres de propriété, on va pouvoir constater deux choses: L'existence d'un droit de préemption puisqu'il doit être enregistré -l'article 1242 est précis à cet égard. On va aussi constater que le bien a été vendu à une autre personne que le titulaire du droit de préemption.

Or, comment pourra-t-on s'assurer, en faisant un examen des titres de cette propriété, que les avis ont été donnés, que les délais ont été respectés, que les modalités de dénonciation de la transaction ont été clairement indiquées? Il s'agit là d'une chose impossible. À ce moment, celui qui examinera le titre de la propriété va devoir dire: C'est toujours assujetti à ce que, possiblement, ce bénéficiaire du droit de préemption découvre des irrégularités qu'il pourra invoquer. À moins que, systématiquement, on fasse intervenir dans ces actes de vente le bénéficiaire du droit en question, ce qui parfois peut être difficile, ne serait-ce que parce qu'on ne le trouve plus ou qu'il est décédé. (11 h 30)

À cet égard, une autre question que soulèvent les articles 1038 et suivants est: S'agit-il d'un droit qui va se transmettre aux héritiers du bénéficiaire du droit? Si oui, on peut se retrouver avec douze personnes, chacune titulaire d'une fraction d'un droit de préemption. Qu'arrive-t-il s'ils ne s'entendent

pas pour l'exercer?

Ce sont toutes des questions qui nous inquiètent, non pas, comme vous pouvez le constater, quant au principe même du droit de préemption qui, en soi, est difficilement contestable; mais celui-ci va amener, dans sa mise en application, des délais, des formalités forcément complexes pour que cela puisse fonctionner et aussi des incertitudes au niveau des titres de propriété.

À l'égard de la sanction, on pourrait penser à ne pas retenir la nullité de la transaction comme sanction mais simplement, comme le droit actuel le prévoit quand de tels droits sont créés par la convention, des dommages-intérêts au cas de contravention, ce qui tout au moins laisse les titres de propriété libres et clairs de cette catégorie de problèmes.

Enfin, un avant-dernier point sur lequel nous voudrions aussi faire des commentaires concerne ce titre septième du projet de loi concernant les règles sur l'administration du bien d'autrui. À cet égard, nous sommes en grande partie d'accord avec les règles, parce qu'il y a longtemps qu'une telle chose aurait dû être faite, c'est-à-dire regrouper dans un seul titre du Code civil l'ensemble des règles qui s'appliquent à toutes les personnes qui administrent le bien d'autrui, qu'il s'agisse d'un tuteur, d'un liquidateur de succession, d'un curateur, d'un mandataire, etc. Il est anormal qu'il faille courir d'un couvert à l'autre du Code civil pour retrouver des règles qui peuvent facilement être regroupées. À cet égard, le projet de loi constitue certainement un pas en avant. Il est également très intéressant de pouvoir clairement distinguer les différents types d'administration, comme la simple garde, la simple administration et la pleine administration. Toutes ces règles nous apparaissent fort souhaitables. Mais nous n'avons jamais cessé d'avoir des hésitations, et elles datent du projet de loi sur les personnes, qui annonçait déjà que les administrateurs de compagnies seraient assujettis à ces règles. Déjà, nous avions certaines réserves à cet égard. Même après avoir pris connaissance du projet de loi, ces réserves nous les avons encore. Pourquoi? Parce que l'on pense d'abord que l'administrateur d'une compagnie est quand même dans une classe à part de tous ces autres administrateurs du bien d'autrui que vise le titre septième. Il y a des différences énormes entre un tuteur, un curateur, un liquidateur, un fiduciaire et un administrateur de compagnie. Il y a aussi, il ne faut pas l'oublier, déjà un droit très complet qui concerne les corporations et leurs administrateurs. Et même si nous reconnaissons que les règles de ce titre septième ne sont que de droit supplétif, qu'elles ne s'appliqueront qu'à défaut d'autres dispositions, il reste qu'elles sont susceptibles de s'appliquer dans les cas où il n'y aura pas de telles autres dispositions. Il y a donc des dangers de conflits entre les dispositions spécifiques des lois régissant le droit corporatif et le Code civil et il y a aussi des problèmes qui risquent de se poser dans le cas où le droit va purement et simplement s'appliquer parce qu'on n'y aura pas dérogé.

On peut souligner un exemple tiré des règles du titre septième. Si l'on prend l'article 1373, qui clôt la section parlant des placements que peut faire un administrateur. Il nous semble qu'il s'agit d'une règle générale, 1373 s'appliquant à tout administrateur. Or, cette règle dit: Les placements effectués au cours de l'administration doivent l'être au nom de l'administrateur agissant en sa qualité.

Si une telle règle est souhaitable pour un tuteur, un curateur ou un liquidateur de successions, on voit mal comment cela peut s'appliquer à un administrateur de corporation. Il ne fera pas les placements à son nom ès qualités. En fait, c'est que cet administrateur est beaucoup plus la personne par laquelle la compagnie agit, parle ou transige qu'une personne qui est dans la situation ou dans le rôle d'un tuteur, d'un curateur, etc. Notre recommandation consiste à demander qu'une attention encore une fois toute particulière soit accordée à cette question de l'administrateur de corporation pour bien s'assurer qu'on n'engendrera pas des conflits inutiles qui pourront amener des conséquences comme on en a déjà connu dans notre droit, c'est-à-dire un exode de l'incorporation vers d'autres cieux plus favorables.

Encore une fois, cette question qui nous avait préoccupés lors du projet de loi 106 sur les personnes nous préoccupe encore à l'égard particulièrement et notamment de l'administrateur d'une corporation.

En terminant, nous voudrions souligner que notre mémoire ne contient aucun commentaire concernant tous les problèmes de droit transitoire que l'entrée en vigueur de cette loi 58 risque d'engendrer et va certainement engendrer. Nous sommes parfaitement conscients qu'il y aura des problèmes. Je pense que vous en êtes également conscients puisque le dernier article de ce projet de loi laisse entendre qu'une loi d'application viendra. Or, nous n'avons donc pas cru utile de faire des commentaires sur les problèmes de droit transitoires, préférant attendre le projet de loi de mise en application. À cette époque, nous ferons les commentaires que nous jugerons utile de faire sur cette question.

Je vous remercie de votre attention et nous voulons aussi vous assurer de notre plus entière collaboration pour l'avenir concernant la poursuite de ces projets visant à doter le

Québec d'un Code civil nouveau et, nous l'espérons, amélioré, dans le meilleur intérêt de l'ensemble des Québécois. Merci.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie beaucoup, M. Auger. Vous avez dit au début que le projet de loi était intéressant, je le dis dans mes mots. Votre présentation et vos commentaires l'étaient également. Même si tout cela est assez technique et met plus à l'aise des députés qui s'adonnent - comme par hasard - à être de ce milieu, je dois dire que vos explications étaient parfaitement recevables par des gens de bon sens. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir pris ce ton de présentation, qui permettait de bien saisir vos préoccupations, qui sont finalement celles des citoyens, des honnêtes gens.

Je vais demander à M. le ministre de peut-être réagir et d'aborder quelques questions. J'aimerais lui demander, en commençant, s'il lui est possible de nous préciser certaines choses quant à la loi d'application. Comment est-ce que cela se passerait éventuellement? Est-ce qu'il y aurait un projet de loi? Quelle serait la procédure qui serait envisagée à cet égard? M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Voilà, M. le Président. Si vous me le permettez, j'ai eu l'impression d'assister à un excellent cours de droit donné, de toute évidence, par quelqu'un qui a des talents pédagogiques. Je ne qualifierai pas ce que j'ai eu en matière de biens quand j'étais à l'université. Je dirai que j'ai été très impressionné par la présentation de Me Auger.

Peut-être que, pour parler de ce que serait la loi d'application, il faut que je revienne en même temps sur certains des commentaires généraux et peu généreux du député de D'Arcy McGee. Il nous faisait tout à l'heure le grand coup d'encensoir pour les législateurs de 1866, qui ont décidé de procéder à la réforme du Code civil en bloc. Encore faut-il dire que, en 1866, il y avait un certain nombre d'années que la société avait sans doute ses complexités, mais n'avait peut-être pas les complexités de la société que nous connaissons aujourd'hui. En 1866 c'était une époque où une économie rurale, agraire, de tradition, de normes et de moeurs assez monolithiques, avait permis aux citoyens du Bas-Canada de vivre dans des institutions qu'ils s'étaient données, d'ailleurs dominées par des juristes, ce qui n'est plus le cas et qui n'est peut-être pas une mauvaise chose. Ce qui était bon pour 1866 ne serait pas nécessairement mauvais aujourd'hui, mais je pense qu'on ne doit pas en inférer que ce serait idéal aujourd'hui.

Le choix qui a été fait par le gouvernement a été de procéder par blocs, le bloc des personnes, des successions et des biens constituant un tout important et considérable avec presque 1300 articles pour ces trois blocs, constituant un tout dans lequel on pouvait assurer une certaine cohérence. Si je devais suivre le propos du député de D'Arcy McGee, je pense qu'il faudrait renoncer dès maintenant à procéder à la réforme du Code civil et attendre qu'effectivement tous les projets soient prêts. Si c'est ce qu'il nous suggère, je veux bien en tenir compte. J'aurai l'occasion de me faire une tête là-dessus dans les jours qui viennent et d'en discuter avec mes collègues, notamment mon prédécesseur, qui y a mis beaucoup d'énergie et beaucoup de temps. Est-ce qu'il est possible d'envisager que nous allons revoir le Code civil du Québec, sans pour autant que soit sur la table l'ensemble de la révision? C'est une question légitime, mais je pense qu'elle nous condamne à l'inaction pour un certain nombre d'années, si nous nous décidons dans le sens qu'évoquait le député de D'Arcy McGee.

La loi d'application a essentiellement comme objet de prévoir la transition du droit. Nous introduisons dans le chapitre des biens, des successions et des personnes, d'une part, des modifications substantielles au droit existant et, deuxièmement, du droit nouveau. Je pense que le droit de préemption évoqué par Me Auger en est un exemple, la notion des fondations également et quelques autres données. Puisque nous modifions de façon substantielle le droit, il s'agit de s'assurer qu'il y ait une continuité dans l'exercice des droits de ceux qui se prévalent du droit que leur accorde le code en matière de succession, de personnes ou de biens à un moment donné précis, c'est-à-dire au moment où le code actuel est en vigueur.

Qu'intervient-il de cette période transitoire? Cette période transitoire est importante pour la succession des droits des personnes, pour savoir de quel droit se saisira le tribunal au moment d'un litige et de quelle façon il l'appliquera. Il y a également deux autres choses un peu plus terre à terre mais néanmoins fondamentales pour les citoyens, les praticiens du droit: d'abord des modifications au Code de procédure civile qui peuvent en découler et, deuxièmement, un temps pour les juristes, les professionnels du milieu de voir venir les choses, de s'en saisir et de pouvoir permettre à leurs clients de se prévaloir des nouvelles dispositions des lois. C'est là l'objet essentiel d'une loi de transition, d'une loi d'application d'une réforme comme celle que nous voulons adopter.

La raison pour laquelle nous ne l'avons pas déposée est que nous avons entendu des représentations des personnes qui sont aujourd'hui comme d'autres sur le chapitre des personnes et des successions. Nous en entendons sur les biens. Ce qui résultera de

cela pourra être carrément une réimpression des projets. Dans la mesure où nous considérons qu'il s'agit là d'un bloc, la réimpression de ces projets serait accompagnée de la loi d'application, c'est-à-dire de ces dispositions transitoires. Je pense que tout cela formera un tout d'une certaine cohérence et d'un certain intérêt, l'alternative étant de tirer tout cela dans la nature, de s'asseoir ici et de discuter de lois de transition ou d'application alors que les dispositions de droit substantif ne sont pas réglées. Les dispositions de droit substantif ne sont par réglées, M. le Président. C'est pour cela que nous, sommes en commission et que nous entendons les exposés de gens qui ont passé une bonne partie de leur vie, une bonne partie des derniers mois surtout, à analyser ce projet de loi. Cela me permet d'entrer dans la discussion de certaines des choses qui ont fait l'objet des commentaires de la part de la chambre des notaires. Cela va?

Je ne prendrai pas l'ensemble des remarques. Je laisserai, par exemple, cette question de la copropriété. Je ne sais pas si je dois dire qu'untel est un spécialiste de ces questions; les notaires comme les avocats disent qu'il n'y a pas de spécialité. Je laisserai à mes collègues - je sais qu'un certain nombre d'entre eux s'intéressent beaucoup aux questions de copropriété indivise et divise - le soin d'intervenir. Nous avons pris bonne note de vos propos et de vos remarques. Je me contenterai sur un certain nombre de choses qui m'apparaissent, a priori, plus susceptibles de faire l'objet de commentaires à ce stade-ci.

D'abord, les préoccupations que vous avez autour des articles 1033 et 1031 sur l'équivalent d'un régime de responsabilité sans faute. Je pense que vos commentaires sont sûrement très pertinents et que nous pourrons en tenir compte. Je pense que vous attirez l'attention sur un fardeau de démonstration de la victime qui peut être extrêmement onéreux. Nous en prenons bonne note. (11 h 45)

Sur les vues, ce que vise le projet de loi est de favoriser la lumière et de permettre aux propriétaires de faire des ouvertures dans ces ouvrages pour que pénètre la lumière. Cependant, compte tenu des règles qui s'appliquent, ce droit ne serait pas assujetti à l'acquisition d'un droit de caractère permanent s'il devait s'ériger à côté de lui des ouvrages qui sont à 1 mètre 80 et qui, s'ils avaient été érigés au début, auraient empêché le propriétaire de faire de telles ouvertures. C'est clair qu'il y a... Fondamentalement, c'est une question d'équilibre des inconvénients. Veut-on favoriser de façon temporaire l'ouverture ou la pratique des ouvertures dans les ouvrages en se disant que le jour où il y a une érection de bâtiment à côté et que cela tombe dans la norme de 1 mètre 80, on est obligé de le bloquer. L'alternative, c'est de maintenir les conditions actuelles qui ne favoriseraient pas ce type d'approche, mais j'avoue que c'est évident que, dans les deux cas, il y a des inconvénients.

Sur la question de la propriété des sources, un débat important et fondamental, je crois, le comité d'étude sur le régime juridique des eaux - c'est bien l'appellation exacte? - a saisi le gouvernement et les citoyens d'un phénomène relativement nouveau. L'eau devient un bien qui, sur le plan collectif, à cause de sa rareté reliée au phénomène de la pollution... Contrairement à ce qu'on a toujours vécu sur notre territoire où on a abondamment d'eau, ce n'est pas le type de question qu'on s'est posée dans le passé. Il y a un certain nombre d'années, à cause du phénomène de la pollution et à cause d'une très grande sensibilisation des citoyens à l'égard des questions qui touchent l'environnement, on en vint en Amérique du Nord à considérer que l'eau est un bien de nature publique qui, à cause de la pollution, peut devenir rare. Des raretés peuvent être créées par l'homme ou à cause de l'homme. Qu'on pense, par exemple, au résultat des pluies acides. Qu'on pense à la pollution résultant de l'exploitation industrielle. Le principe qu'établissent ces nouvelles dispositions du Code civil, c'est de reconnaître qu'il s'agit là d'un bien public. Donc, les modalités qui s'ensuivent découlent de ce type de choix qui est fait. Vous avez raison en posant la question.

Encore y a-t-il, je pense, une analyse et une réflexion à faire à partir des considérations que vous avez évoquées et celles que d'autres évoqueront - je le sais -sur la notion du droit d'usage, de voir jusqu'où va ce droit d'usage et quelles sont les limites que le législateur va y mettre, parce qu'à toutes fins utiles, on part d'un état du droit où il n'y a pas de limites, sinon des limites générales au droit de propriété qu'on retrouve ailleurs dans le code. On a décidé qu'à l'égard de ce bien particulier, il y aurait des limites à l'utilisation que peuvent en faire les individus, limites qui vont même jusqu'à dire qu'il n'en est plus propriétaire autrement que pour des fins d'usage. C'est un choix. C'est un choix politique, au sens où c'est un choix de vision de ce qui doit être fait et comment notre législation doit s'adapter à cette réalité, à savoir que l'eau est en train de devenir une ressource qui connaît une certaine rareté dans notre société ou qui risque d'en connaître une avec le temps. Les conséquences de cela sont très précises. Au-delà des modifications fondamentales à l'égard de l'exercice du droit de propriété sur les sources, elle implique même dans le droit d'utilisation des contraintes. Vous

donniez l'exemple suivant: Est-ce que son usage, c'est son usage personnel? Mettons l'individu dans une situation où il ne peut pas faire profiter la source qui est située sur son fonds à son voisin. Cela pourrait aller jusque là selon l'interprétation qu'on donne, et encore faudrait-il que le législateur soit sans doute plus précis? Est-ce que le fait que vous soyez assis sur un fonds de terre où il y a une source qui est la seule source prenant environnement avec trois ou quatre propriétés, un certain nombre d'habitants, vous empêcherait ex gratia ou autrement, de faire profiter de cette source vos voisins? Ou est-ce que cet acte-là devrait être soumis à un contrôle étatique d'une façon ou d'une autre, à une autorisation de l'État? On voit tout de suite ce que cela implique. Effectivement, cela peut nous mener jusque là, de décider que l'eau est quelque chose de rare. Il y a des risques à cela.

Ce n'est donc pas, comme vous l'évoquiez, je pense, dans vos propos, qu'on ait raison de croire qu'il y a eu des abus dans l'exercice du droit de propriété des sources de la part des propriétaires, mais que le fait que l'eau devienne quelque chose de plus rare va nous exposer à des conflits d'intérêts collectifs et individuels à l'égard d'une ressource considérée comme risquant d'être de plus en plus rare, qu'il faut donc se munir des instruments juridiques pour bien qualifier la nature de cette ressource.

Sur les immeubles par destination, je retiens vos nombreux et éprouvants commentaires sur un certain nombre de choses, notamment, sur le plan de la rédaction, d'être bien certain que les meubles meublants ne deviennent pas des immeubles par destination. Il faudrait changer plusieurs lois, je pense, si on en était arrivé à cela. Je pense que l'ensemble de vos commentaires sur les immeubles par destination sont intéressants et nous ébranlent sur au moins deux des trois aspects que vous avez soulevés.

Quant à la prescription, l'imprescripti-bilité des biens de l'État, je prends bonne note des excellentes connaissances en droit constitutionnel, entre autres. Il est bien évident, enfin, a priori, cela m'étonnerait que le Code civil d'après 1867 - donc, celui qu'on étudie - puisse venir régir des règles d'imprescriptibilité des biens de l'Etat fédéral. Je ne discute pas le fait que cela serait souhaitable, mais plutôt la capacité juridique d'y arriver. Notre but n'est pas de créer deux classes de biens et de permettre qu'on insère aussi trois catégories d'États: L'État fédéral, l'État québécois et les personnes morales publiques. Effectivement, on prend bonne note de vos suggestions.

Quant au droit de préemption, vous avez soulevé deux types de problèmes; un de nature technique, pas facile à résoudre, mais possible; un autre plus fondamental sur la notion de sanction. La notion des avis, quelle forme cela doit-elle prendre? Qui appréciera comment cela a été fait, etc., dans quelle mesure est-ce que cela peut modifier quelque chose ou encore est-ce que cela peut intervenir dans une transaction ou dans une aliénation à l'égard d'un tiers? Vous dites qu'avec cela, il y aura peut-être moyen de "moyenner". Le problème est effectivement la sanction. Je pense que vos commentaires vont nous amener à considérer le fait de le refaire d'une façon assez importante. Cependant, il me paraîtrait important, notaire, si vous pouviez, au nom de vos collègues de la chambre, nous dire si vous croyez qu'il faut codifier la préemption. Vous l'avez évoqué vous-même, il y a des règles de jurisprudence quant à la préemption ou certaines doctrines qui ont évolué autour de cela mais surtout la jurisprudence sur l'opportunité de codifier certaines règles qui se veulent encore une fois non pas des règles d'application obligatoire et générale mais des règles minimales et de droit substitutif. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Auger: C'est, bien sûr, une question...

Le Président (M. Rivest): Si vous me permettez, Me Auger, simplement pour qu'on puisse... D'abord, je voudrais excuser le président de la commission, qui a dû s'absenter. Deuxièmement, M. le ministre, je pense que vous pourriez, avec Me Auger, éclaircir un peu l'ensemble des interrogations que vous lui avez formulées. À moins qu'au nom de la chambre, M. Auger ait des commentaires à faire sur les commentaires du ministre. Ensuite, étant donné qu'on doit tout de même suspendre à 13 heures, il faudrait permettre à d'autres membres de la commission d'interroger les membres de la chambre des notaires. Me Auger, dans votre mémoire, vous avez retenu trois ou quatre ou cinq grands sujets d'intérêt, mais il y a peut-être des commentaires que vous voudriez ajouter sur le bilan de votre mémoire, si vous aimez procéder à l'analyse article par article. Ou si vous vouliez, avant de terminer votre exposé, attirer l'attention de la commission sur certains points majeurs, je pense que les membres de la commission consentiraient à vous accorder tout le temps qu'il vous faudra.

M. Auger: Oui. Pour répondre à la question qui m'a été posée concernant le droit de préemption, bien sûr, c'est une question qu'on s'est posée: Faut-il codifier ce droit? La réponse découle directement de la question préalable du droit de préemption légale. Si on introduit un droit de préemption légale, il faut forcément codifier; si on laisse le droit de préemption à l'état de convention, c'est-à-dire ne résultant que

d'une convention consentie entre particuliers, la codification est beaucoup moins nécessaire. Elle peut être utile à titre de droit supplétif, mais elle est beaucoup moins nécessaire.

Je pense que la question de base est celle-ci: Faut-il introduire un droit de préemption légale? Dans le projet actuel, ce droit est introduit au niveau de toute personne qui se retrouve dans l'indivision. On en retrouve aussi un semblable entre les co-usufruitiers et les "conus-propriétaires"; cela semble être une espèce de droit de préemption aussi et il n'est pas impossible que d'autres lois en ajoutent. C'est là, je pense, la question.

En ce qui concerne les indiviseurs, est-il souhaitable qu'il y ait préemption légale? La réponse ne peut pas être carrément oui ou carrément non, il y a avantage à un tel droit et aussi des inconvénients. Il y a des indiviseurs qui pourraient parfaitement bien s'en passer et d'autres pour qui ce sera utile, alors, ce n'est pas tout blanc ni tout noir. Dans la réflexion que cette commission et le gouvernement feront sur la question, la question préalable est celle-ci: il y a un besoin de codification si on maintient la préemption légale.

Pour faire suite aux propos du vice-président de la commission, il pourrait être très long, si on entreprenait de le faire, de souligner toutes les questions qui font l'objet de commentaires dans notre mémoire. Nous avons voulu attirer l'attention sur des points qui nous ont paru peut-être plus importants que d'autres. Cela n'épuise pas, loin de là, tous les commentaires que l'on a faits, mais, étant donné l'ampleur du projet, il me serait difficile de sérier ici et là deux ou trois points pour y ajouter des commentaires. À moins que les membres de cette commission aient des précisions à demander, je n'ajouterai pas de commentaire additionnel sans que cela nous amène à déborder le temps qui nous est alloué.

Le Président (M. Rivest): D'accord. M. le ministre, oui.

M. Johnson (Anjou): Brièvement, sur la question des immeubles par destination, beaucoup de notaires transigent beaucoup en matière commerciale; peut-être que vous pourriez nous faire part un peu du fruit de l'expérience des membres de la corporation.

Est-ce que, comme orientation, permettre aux meubles utilisés pour des fins d'exploitation économique de devenir des immeubles par destination vous paraît quelque chose de souhaitable comme orientation générale?

M. Auger: Je pense que c'est souhaitable et même nécessaire. Maintenant, la façon d'y arriver ne passe pas nécessairement par les immeubles par destination et les immeubles par destination avec avis ou pas. Je pense que, sur le plan économique et simplement en constatant la réalité des choses, prenons le cas d'une industrie, le bâtiment sans la machinerie n'est plus utile et a moins de valeur; la machinerie sans le bâtiment également. C'est pour cela que cette théorie a été inventée, pour que des biens qui sont intimement reliés notamment dans le cadre de certaines activités économiques, agricoles ou commerciales, puissent bénéficier d'un seul statut juridique. S'il fallait, pour réaliser des garanties données sur une entreprise, passer par une saisie mobilière parce qu'on est en présence d'outillage, aller à la saisie immobilière quant au tréfonds et aux bâtisses, etc., cela complique énormément les choses. (12 heures)

Le fait qu'il y ait entité juridique de biens qui sont économiquement interreliés, c'est une bonne chose. On ne serait pas pour l'abolition pure et simple de cette catégorie de biens. Maintenant faut-il viser à freiner l'expansion, parce que je pense que c'est là le problème qui a été envisagé par le projet de loi 58? C'est vrai que si on regarde la jurisprudence depuis dix ou quinze ans, on peut prendre peur et se demander s'il y aura encore demain matin des meubles, tellement la théorie a pris de l'expansion. C'est vrai, mais cela semble être stabilisé, cela semble surtout être compréhensible à l'heure actuelle, après de longs débats. C'est pour cela que, sans vouloir prôner l'immobilisme juridique, nous disons: Faisons attention quand on touche à cette question. L'élaboration du droit sur ce point a été très difficile et y ajouter des conditions supplémentaires, telle, par exemple, une déclaration dans un acte, à moins qu'on en précise très clairement les modalités, risque d'engendrer une autre période d'incertitude dont personne, finalement, ne bénéficiera.

Il faut surtout savoir que l'importance de cette question des immeubles par destination est essentiellement quelque chose qui concerne les tiers. Cela ne dérange pas le propriétaire de l'usine que ses outils et sa machinerie soient meubles ou immeubles. Cela lui est indifférent, parce que c'est à lui. C'est essentiellement vis-à-vis des tiers que cette question a de l'importance: les tiers créanciers, tiers créanciers hypothécaires, tiers acheteurs. C'est donc à lui que la chose doit être relativement claire. C'est pour cela qu'on peut se demander ce que cette déclaration dans un acte vient faire, dans le fond, dans la mesure où le projet de loi n'en précise pas davantage les modalités. Suffira-t-il que j'écrive dans un document que j'affecte mes biens à l'exploitation économique de mon industrie pour que, automatiquement, ce soit

là un avis suffisant face aux tiers? Il faut répondre non à la question. Or, notre préoccupation à cet égard c'est qu'on voit difficilement comment on peut se passer de la théorie des immeubles par destination ou de son équivalent si on ne veut pas l'appeler ainsi, mais que, si on veut la transformer, compte tenu du temps qu'on a dû mettre pour y aboutir et finir par la comprendre, il nous faudrait être très prudents.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Saint-Laurent.

Vous avez terminé, M. le ministre?

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais saluer mes confrères les notaires et remercier Me Auger pour son excellent exposé.

Je m'adresserais peut-être au président. Je me demande si, à l'occasion de la réforme parlementaire, on ne devrait pas changer les règles quand il s'agit de recevoir les membres de certaines corporations. Je me demande si c'est la bonne formule pour les auditions, surtout quand on touche au Code civil. Je pense qu'on ne peut pas parler de principe général quand on étudie un chapitre aussi important que celui des biens. Ce qu'on fait, je pense que c'est du "picochage". On a touché à trois ou quatre articles peut-être importants, je n'ai rien contre les sources, mais ce n'est pas une préoccupation majeure pour l'ensemble des Québécois.

Sur chaque article, il y a certainement un principe. On parle du Code civil, qui régit quotidiennement les Québécois. Je pense que chaque article a un principe et pourrait faire l'objet d'une étude très détaillée. On touche à trois ou quatre points parce que le temps est limité. Remarquez que ce n'est pas un reproche que je vous fais. Le barreau va faire exactement la même chose. On va peut-être vous accorder une demi-heure ou une heure de plus qu'à l'Association des constructeurs d'habitations du Québec. Je n'ai rien contre cette association, mais je ne pense pas qu'elle ait le même intérêt. Elle est peut-être préoccupée par quelques articles, alors que les membres de la chambre des notaires et le barreau vivent ces choses quotidiennement. Je ne pense pas qu'on puisse étudier 450 articles dans l'espace d'une heure ou d'une heure et demie ou enfin trois heures qu'on est censé avoir.

Je ne dirais pas que c'est un exercice futile, mais je ne pense pas que ce soit la bonne façon. Je pense qu'on pourrait peut-être profiter de cette occasion qu'est la réforme parlementaire pour adopter une nouvelle formule. Il faudrait peut-être qu'on étudie cela sur une période beaucoup plus longue. J'ai des questions, je ne le cache pas, sur tous les articles.

Le Président (M. Rivest): M. le député, si vous me le permettez, à la suite de vos commentaires, la première chose, c'est que ce projet de loi a effectivement été référé à notre commission antérieurement à la réforme parlementaire. Je comprends très bien et je pense que tous les membres de la commission comprennent aussi votre souci. Je dois vous rappeler, par contre, comme en témoigne d'ailleurs le document préparé par la chambre des notaires, que toute la deuxième partie du mémoire comporte une analyse article par article et que, dans une étape ultérieure à l'adoption du projet de loi, d'une part, le mémoire qui a été présenté par la chambre des notaires et porté à la connaissance des membres de la commission sera pour vous, M. le député, et pour les collègues, un instrument de travail drôlement précieux lorsque viendra l'étude article par article. De plus, ce sera pour le ministre et le ministère de la Justice également l'occasion de savoir quelle est la préoccupation, pour tel ou tel article, de la chambre des notaires, des arpenteurs, du barreau.

Effectivement, vous avez raison dans un certain sens de souligner qu'il peut être injuste pour nos invités de devoir choisir entre mille et une questions d'importance dans un tel projet de loi, compte tenu du temps qui leur est imparti, et de souligner quatre ou cinq points qui leur apparaissent d'intérêt plus large. Je pense que c'est le sens des travaux de la commission dont on a hérité, comme je l'ai dit antérieurement. Compte tenu de l'importance du projet de loi, le temps que nous consacrerons à chacun des groupes et les deux jours que nous consacrerons au tout, c'est sans aucune espèce de commune mesure avec l'importance des projets de loi. Dans ce sens-là, je pourrais en parler avec le président et même le président de l'Assemblée nationale. C'est sûr qu'il pourrait y avoir une façon d'ajuster le tout. Mais disons qu'on est dans une période transitoire.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'apprécie vos remarques, M. le Président. Il est évident qu'on ne peut pas traiter une réforme du Code civil comme un projet de loi sectoriel. Je pense que c'est là toute la différence. Bien sûr, lors de l'étude article par article en commission, on pourra apporter des corrections, des amendements, mais je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on devrait enlever un chapitre ou qu'on devrait enlever tout le chapitre de la question de la préemption. M. le ministre, tantôt, a soulevé cette question. Ici, j'ai des réserves. Je pense qu'à ce moment-là, on devrait simplement se limiter à l'étude article par article sans chambarder complètement le projet de loi.

Si on aborde maintenant le principe du

projet de loi, je dois vous dire que j'ai beaucoup de restrictions en ce qui concerne le droit de propriété. Je suis bien d'accord qu'on ne vit plus dans une société agraire, mais je pense qu'on assiste à l'érosion du droit de propriété et qu'on va définitivement trop loin dans cette érosion.

Aujourd'hui, si on regarde le projet de loi, les majorités ne sont plus des majorités. On ne respecte plus la majorité. Si on ne respectait pas la majorité, je dois vous dire qu'on ne serait pas ici ni de l'autre côté de la table non plus. Je pense que ce sont des principes très importants quand on touche au droit de propriété. À mon sens, on devrait respecter la majorité.

Au chapitre sur la copropriété, on dit que maintenant, après un an, un promoteur ne pourra détenir plus de 60% des voix; après deux ans, 40%; après trois ans, 25%. Pourquoi? Si la personne a investi des biens, si elle a investi beaucoup d'argent, je ne vois pas pourquoi on limiterait son droit de propriété. Je dois vous dire que j'ai fait énormément de dossiers de copropriété. Au départ, je me suis demandé quels étaient les droits de la minorité? J'avais peut-être tendance à être d'accord avec l'article du code français qui dit que si on a plus de la moitié, si le promoteur ou, enfin, le propriétaire détient plus de la moitié, son pourcentage doit être considéré comme étant la moitié. Mais, à la pratique, j'ai réalisé que le droit de propriété, c'était très important et que la majorité - je pense que cela va avec le droit de propriété - ou le droit majoritaire, on devrait le respecter. On ne peut substituer aucune règle à ce principe. Je serais pour que, dans le chapitre de la copropriété, on enlève toutes ces règles de supposée majorité ou de ces mécanismes qui donnent à la minorité la majorité ou qui enlèvent la majorité aux majoritaires. Je pense que ce sont des règles absolument arbitraires et qui n'ont aucune raison d'être là. En fait, on règle un mal et je pense que la piqûre est trop forte, cela n'améliorera absolument pas - on va avoir des problèmes - le fonctionnement de la copropriété.

D'ailleurs, si on regarde la copropriété indivise, le principe n'est pas le même. Dans la copropriété indivise, on applique le principe de la majorité, même pas, c'est celui du consentement unamime. Je ne vois pas pourquoi, à ce moment, les règles sont différentes dans la copropriété divise. Je pense que ce sont des choses qu'on doit regarder de très près. Également, pour ce qui est de la question de principe, on recourt constamment au tribunal. Je ne vois pas la nécessité de recourir constamment au tribunal, de vouloir faire régler tous les problèmes par le tribunal.

Si on regarde le projet de loi, je pense que c'est quelque chose qu'on a également constaté dans la réforme sur les personnes, sur les successions, on recourt constamment au tribunal.

Une voix: Dans votre cas, cela existe.

M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est donc que le tribunal? C'est qui? Je ne pense pas que ce soit une autorité suprême où, définitivement, le jugement doit être rendu. Il est assurément de bon jugement, d'autant plus que ce sont d'anciens avocats qui deviennent des juges; si, au moins, il y avait des notaires.

Personnellement, j'ai de fortes réserves pour ce qui est de toujours recourir au tribunal. Dans un article, on dit: À tout tribunal, on ne spécifie même pas lequel. On suppose qu'il y a plusieurs tribunaux. Je pense qu'on devrait, autant que possible, limiter le recours au tribunal. Dans l'ancien code, je crois que c'était un principe qui était établi, on essayait d'établir autant de règles que possible. Je comprends que l'on dit: On enlève les énumérations. Je veux bien qu'on les enlève, mais si c'est strictement pour avoir un projet de loi qui va être un câble, mais un câble qui ne sera pas tellement solide, moi je ne suis pas d'accord.

Et, si on regarde le projet de loi, je dirais qu'il y a plusieurs articles qui établissent le principe de l'expropriation: expropriation du droit de propriété, expropriation des recours, expropriation des moyens. Si on regarde simplement, les articles 1031, 1032, 1045, les semelles chez le voisin, je ne vois pas pourquoi, en vertu de quoi on aurait le droit d'établir des semelles chez le voisin. Si on empiète de cinq ou dix pieds pour mettre une grosse semelle et que le voisin veut bâtir, veut descendre plus bas, veut y mettre lui-même ses semelles, comment va-t-il fonctionner? Dites-moi donc cela? À mon sens, c'est un article qui est absolument inacceptable, c'est une expropriation chez le voisin. Â l'article 1066, d'autres expropriations, aux articles 1101, 1011, 1124, 1198, j'en passe, il y en a d'autres, toujours des expropriations. Je vous le dis, on est en train d'éroder le droit de propriété. C'est une chose qu'il faudrait regarder de très près.

J'ai peut-être d'autres questions précises, je voudrais toucher également la question des vues. Dans ma pratique, les vues illégales, cela a été le cauchemar. J'ai pratiqué pendant 20 ans dans un milieu urbain, Montréal, et cela a constamment été un cauchemar. Était-on heureux quand on pouvait obtenir une servitude pour légaliser tout celai J'en serais pratiquement rendu au point où on devrait faire disparaître les vues illégales, complètement. (12 h 15)

Cela ne devrait pas créer tellement de problèmes. D'ailleurs, si on regarde l'article

1034, on permet la vue dans certains cas, dans le cas où, disons, le terrain n'est pas construit. C'est ce que j'ai compris. C'est ce que j'ai pu déduire, ce que j'ai cru comprendre de l'article. C'est ce que cela dit, et là également où la vue est cachée par un mur. Est-ce que cela va être le cas si vous avez un mur mitoyen plein, sans fenêtre, ou un mur non mitoyen, bâti immédiatement dans la ligne? Est-ce que le principe va être le même?

Je pense qu'on devrait envisager la possibilité de faire disparaître complètement les vues illégales. On ne brimerait pas tellement le droit de propriété et on réglerait des problèmes. À ce moment, on s'en remettrait strictement aux règlements municipaux qui établissent la marge latérale qu'on doit laisser lors d'une construction. Je les ferais peut-être disparaître complètement, parce que ce qu'on fait constamment, c'est d'établir des servitudes pour les légaliser. Pourquoi alors ne pas les faire disparaître? Partout où vous avez des vues illégales, est-ce qu'on les légalise? Est-ce que vraiment la question des vues illégales empêche l'établissement de vues? Est-ce que vraiment on se préoccupe, lors de la construction, de dire: On ne mettra pas de fenêtres, on n'établira pas de vues, parce que cela va peut-être créer des problèmes? On va régler au moyen d'une servitude. Je réglerais au moins la question des escaliers. Le code, l'article ne mentionne même pas la question des escaliers. Il faudrait au moins régler ce problème des escaliers. C'est un peu une vue d'ensemble. Maintenant, en ce qui concerne les questions, comme je le dis, j'en aurais sur chaque article. Si vous permettez, peut-être que je pourrais passer la parole à quelqu'un d'autre pour revenir ensuite avec des questions ponctuelles sur chaque article.

Le Président (M. Rivest): M. le député, il nous reste effectivement à peu près 45 minutes. J'ai des demandes d'intervention de la part du député de Deux-Montagnes, du député de Chapleau, du député de Beauce-Sud et du député de Châteauguay.

M. Dussault: C'est strictement sur une question de procédure...

Le Président (M. Rivest): Oui.

M. Dussault: Nous avons été très tolérants à l'égard de notre collègue de l'Opposition, nous voyons que son nom apparaît sur la liste des personnes qui représentent la Chambre des notaires du Québec. Il m'intéresse de savoir si M. le député de Saint-Laurent parlait au nom de la Chambre, mais assis ailleurs qu'à la barre des témoins, si on peut dire. Simplement, j'étais d'accord avec le député de Saint-

Laurent, tout à l'heure, qu'il y avait...

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: J'étais d'accord, M. le Président, qu'il y avait lieu tout à l'heure de se demander si la réforme parlementaire était bien servie par la méthode que nous utilisons. Je me pose encore la question, sauf que je pense qu'il y a encore un objectif aujourd'hui qui est vrai à cette commission, c'est que nos invités sont là pour être entendus, pour s'exprimer, pour nous donner leur point de vue. Il faudrait qu'on fasse le plus grand effort possible, M. le Président, pour que nos interventions comme telles soient moins longues...

Le Président (M. Rivest): Dans cet esprit-là, M. le député, est-ce que je peux vous inviter à conclure?

M. Dussault: C'est ici que je m'arrête, M. le Président, pour qu'enfin l'objectif soit atteint.

Le Président (M. Rivest): Merci. M. le député de Châteauguay. Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais obtenir des réactions à mes propos de la part de la chambre des notaires, soit de Me Auger, Me Thisdale, ou Me Robitaille.

Le Président (M. Rivest): Oui. Je pense, en termes pratiques, que si les porte-parole pouvaient répondre aux remarques du député de Saint-Laurent, ensuite M. le député de Deux-Montagnes, vous finirez bien un jour par avoir la parole et MM. les députés de Chapleau et de Beauce-Sud aussi. Je pense que tout le monde peut convenir, sauf vous -cela nous fera plaisir de vous entendre - au moins de ce côté-ci de la table, d'être assez concis. Merci. M. Auger.

M. Auger: Pour faire suite aux propos du député de Saint-Laurent, nous avons, bien sûr, constaté que le projet de loi n'était pas aussi libéral à l'égard du droit de propriété qu'on l'a été en 1866. L'absolutisme de ce droit est temporisé par des besoins sociaux et nous n'avons pas été effrayés outre mesure par certaines restrictions qui ont été introduites, sous réserve de ce que souligne notre mémoire et, à cet égard, nous avons fait certains commentaires. Donc, nous ne sommes pas vraiment, comme je le disais, effrayés par la dégradation qu'est en train de subir le droit de propriété.

Concernant la question des vues, nous n'avons pas cru utile d'adopter la position que défendait le député. Nous pensons qu'il est encore utile que le Code civil, en tant

que principale loi régissant les rapports entre les individus, garantisse une certaine intimité entre les propriétés voisines. C'est vrai, comme le soulignait le député, que, souvent, la pratique notariale répare les pots cassés. Faut-il pour autant faire disparaître la règle? Nous ne l'avons pas cru. Au contraire, nous avons cru utile de la préserver, c'est-à-dire que nous sommes d'accord avec le maintien de la règle qui permet et qui défend d'ouvrir des vues à une certaine distance. C'est la raison pour laquelle nous avons fait des commentaires sur le troisième paragraphe de l'article 1034, parce que nous y voyons des accrocs assez sérieux à cette règle. Maintenant, nous convenons fort bien qu'il puisse en être décidé autrement, ou qu'on puisse avoir sur cette question des opinions différentes.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je suis heureux de constater que le point de vue qu'a exprimé le député de Saint-Laurent n'est pas nécessairement celui de la chambre des notaires, dont le porte-parole a apporté là-dessus des éclaircissements très utiles.

Je voudrais tout simplement poser une question à Me Auger au sujet de l'article 1020. Votre position, Me Auger, si je comprends bien, c'est de maintenir les dispositions actuelles du code plutôt que d'introduire les éléments nouveaux prévus par cet article. Or, de mon point de vue de simple profane, j'ai l'impression que le législateur serait bien fondé d'introduire l'article 1020, qui pourrait être modifié quant au libellé, mais maintenu quant à son intention. Je songe à des situations concrètes où, par exemple, quelqu'un qui a une source sur sa propriété fait le commerce de l'eau et décide, par exemple, tout à coup, parce que les conditions de rentabilité de ce commerce ont été modifiées, de tout laisser tomber et de renoncer. J'ai l'impression que l'article 1020 est conçu pour donner un recours aux gens qui se prévalaient de ce service commercial d'eau. Par ailleurs, on peut songer à une autre situation où quelqu'un fait le commerce de l'eau et maintient ce commerce de l'eau. Il est bien entendu qu'il ne faut pas que l'article 1020 permette à des gens dans son libellé de l'empêcher de continuer ce commerce, si cela ne nuit aucunement à des tiers. C'est là un équilibre qu'il faut maintenir. Je pense que l'article 1020 effectivement maintient cet équilibre.

M. Auger: Si vous me permettez, sur cette question, nous pensons que l'article 1020, dans l'exemple que vous nous donnez, ne permettrait pas de faire le commerce de l'eau et que ce problème n'existerait plus. L'article limite le droit d'usage à la source au besoin de l'usager. Or, les besoins de l'usager ne comprennent certainement pas la commercialisation de l'eau pour des fins de vente à d'autres individus. En fait, encore une fois, sur cette question - je comprends très bien le sens des propos du ministre tantôt - c'est une question importante. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé utile d'attirer l'attention de la commission sur ce point. Nous voyons difficilement quelles sont ces limites qu'introduit la nouvelle règle. Je voudrais ajouter d'autres exemples à ceux que j'ai donnés tantôt. Une source qui jaillit sur un fonds peut jaillir à des endroits qui dérangent. Pourra-t-on la détourner? Pourra-t-on la tarir même, si c'est important qu'on le fasse pour la solidité des constructions qui sont sur le fonds? Tant et aussi longtemps qu'on en est propriétaire, ce problème ne se pose pas, encore une fois, ce qui ne permet pas d'en abuser, et ce qui ne permet pas de faire n'importe quoi avec les règles générales du droit. Les règles qui restreignent l'usage abusif anormal du droit de propriété interviendraient pour prohiber cette chose. Encore une fois, nous nous interrogeons sur le sens véritable de la disposition. Quand il passe de la propriété à l'usage, de quel type d'usage s'agit-il? À quel type d'acte est-ce limité? Est-ce que cela va prohiber totalement que l'on puisse faire profiter d'autres personnes que soi-même de la source? Quelles sont ces conditions d'utilisation de l'eau auxquelles le texte se réfère? Bref, c'est toute une série de questions auxquelles on ne trouve pas facilement de réponse dans l'article 1020, bien que l'on comprenne la préoccupation dont le ministre nous faisait part tantôt, que l'eau devient un bien de plus en plus rare et que l'État doit veiller à sa protection. On ne peut évidemment pas être défavorable à cette approche de la question, mais nous continuons à penser qu'il y a des choses qui vont devoir être davantage précisées sur cette question si on veut passer radicalement d'un système de propriété à un système très limité d'usage.

Nous devons peut-être ajouter comme précision supplémentaire que, pour nous, la propriété de la source ne va quand même pas jusqu'à la propriété des lacs souterrains, aux rivières où s'alimente cette source. Il y a quand même une distinction à faire. Quand on parle de source, on parle de quelque chose plus immédiatement près de la surface du sol que de rivières souterraines éloignées qui alimentent la source. Cela ne va pas jusque-là, bien sûr. Dans notre esprit, c'est quand même limité à ce que l'on entend généralement dans le langage courant par une source. Cela peut être un puits creusé, cela peut être une source naturelle, donc ce genre d'ouvrage que l'on rencontre.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le Président, la réforme du Code civil, comme tout le monde l'a mentionné jusqu'à maintenant, c'est vaste, complexe et difficile à comprendre. Les explications qu'on a eues ce matin de la chambre des notaires m'ont énormément aidé à comprendre un peu l'envergure de la réforme, mais j'abonde un peu dans le sens de mon confrère de Saint-Laurent lorsqu'il a parlé de la réforme parlementaire. Je déplore le fait que c'est seulement très récemment qu'on a eu le mémoire de la chambre des notaires, ou celui du barreau, ou ceux des autres organismes qui vont comparaître devant nous et qui nous donnent un point de vue différent dans certains cas. Il y a certainement une approche différente, que ce soit la chambre des notaires, les avocats ou les autres intervenants qui viendront devant notre commission en temps et lieu. Je suggère qu'à l'avenir, quand il s'agira d'un amendement ou d'une réforme aussi complexe que celle du Code civil, ou d'une loi fondamentale où il y a des technicités, on ait le mémoire au moins suffisamment longtemps d'avance pour qu'on puisse comprendre où on s'en va avec les interventions des différents intervenants qui viennent devant nous. Afin de mieux comprendre où on s'en va après l'étude dans les prochains jours et d'entendre les différents intervenants, j'adresse ma question au ministre: Prévoit-il que le projet de loi sera déposé, étudié et adopté d'ici le mois de juin? Est-ce une priorité pour vous que ce soit adopté dans un échéancier assez restreint ou est-ce une affaire qui va traîner en longueur?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai bien évoqué tout à l'heure que nous considérions comme un bloc les successions, les biens et les personnes, que nous étions dans le troisième bloc, qu'après audition des parties nous procéderions à deux choses: d'une part, à la réécriture de ces trois projets, le cas échéant et, deuxièmement, au dépôt d'un projet de loi qui en est un d'application où, notamment, des règles transitoires sur les droits acquis, par exemple, en matière d'eau seraient confirmées, etc. Je pense que la perspective, soyons réalistes, est plutôt... D'abord, c'est clair qu'on n'aura pas adopté ces trois projets de loi pour le mois de juin. Pour que ce soit bien clair, est-ce que nous déposerons les trois projets de loi d'ici le mois de juin? On verra selon l'état de nos travaux.

M. Marx: Est-ce que le ministre peut nous fixer un échéancier, est-ce qu'on va adopter ce bloc et la loi transitoire avant 1985 ou s'il ne peut nous dire cela avant 1986? Après, il ne sera pas ici, mais disons... Je serai ici peut-être en tant que ministre, mais...

M. Johnson (Anjou): II me semble que j'ai déjà entendu notre collègue dire cela quelque part en 1980. Cela fait cinq ans.

Le Président (M. Rivest): S'il vous plaît, je vous inviterais de part et d'autre à revenir malgré la tentation que j'éprouve.

M. Marx: Mais le ministre peut-il nous dire si ce sera adopté avant 1985?

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous plaît: M. le député de... Oui? M. le ministre, est-ce que vous voulez répondre à la question?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'avoue que je suis un peu inquiet. J'ai entendu les propos du député de Saint-Laurent tout à l'heure et on n'est pas sorti du bois avec 1300 articles et une approche comme celle-là. On va être chanceux si c'est adopté avant 1989. Si on considère que l'état de préparation de la société québécoise face à la réforme du droit civil va mettre le Parlement dans une situation où, sur 1300 articles, il va recommencer l'éternel débat sur le droit de propriété, on n'est pas sorti du bois, c'est bien évident. (12 h 30)

Je dirai que la réponse n'est pas entre mes mains. Elle est essentiellement entre les mains des membres de cette commission et de l'Opposition très largement, comme on le sait. Quant à nous, nous ferons ce que nous avons à faire pour colliger l'ensemble des remarques, réécrire les projets de loi, les déposer et les accompagner d'un projet de loi d'application qui s'occupe de la dimension transitoire, des droits acquis et du reste, et des modifications comme des procédures civiles et que la perspective à envisager pourrait être - je le souhaiterais - un dépôt de l'ensemble des blocs d'ici juin; mais je ne peux m'engager à le faire. Sinon, une perspective serait à l'automne. Est-ce qu'à l'automne on pourra envisager qu'on peut procéder à l'adoption avant Noël? Je ne le sais pas. Vraiment, 1300 articles, si c'est pour faire huit semaines de commission parlementaire, il va falloir y penser.

M. Marx: C'est pourquoi j'ai proposé que vous ayez un adjoint parlementaire pour faire le travail, parce qu'on sait que vous êtes trop occupé à d'autres dossiers. C'est cela.

Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, la parole est au

député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le ministre, je comprends très bien votre réponse concernant les difficultés, l'importance de votre travail et tout le temps qui s'écoulera avant que le projet de loi soit préparé et adopté, mais y a-t-il une raison pour laquelle on n'a pu obtenir les mémoires avant ce matin ou avant la semaine dernière?

Le Président (M. Rivest): M. le député, si vous me le permettez, ce n'est pas la responsabilité du ministre. On m'informe qu'effectivement, en ce qui vous concerne et peut-être aussi le député de Beauce-Sud, le mémoire de la Chambre des notaires du Québec a été distribué depuis un certain temps aux membres de la commission mais, en raison de l'intérêt particulier que vous portez au domaine et comme vous avez été ajoutés, je pense, à la liste des membres de la commission dite des institutions, même si vous faites depuis longtemps partie de l'ancienne commission dite de la justice, il est bien possible que les mémoires qui ont été produits ne vous aient pas été transmis ou communiqués. C'est inévitable. Les membres des commissions ont changé à la suite de la réforme parlementaire. M. le député, est-ce que vous avez d'autres questions à soulever? La parole est au député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, saluer mes collègues de la Chambre des notaires du Québec qui sont ici ce matin et les féliciter du beau travail qu'ils nous ont présenté. Je voudrais faire quelques brèves remarques - le temps est précieux - pour signaler l'importance d'un organisme comme la Chambre des notaires du Québec et également l'importance du notariat ici au Québec comme institution. Les notaires se retrouvent dans toutes les régions du Québec. C'est la profession qui est la mieux répartie, elle rend de très grands services à la population. On connaît également l'importance de l'acte juridique, de l'acte authentique qui est de plus en plus érodé lui aussi, mais je pense qu'il faut se remémorer ces choses en certaines occasions. Je ne peux pas aller plus en profondeur ce matin dans ces remarques.

Ce qui me frappe d'abord, c'est ceci: d'abord, notre Code civil, c'est le fondement juridique qui régit les relations entre les citoyens. C'est pratiquement un monument que l'on doit garder monolithique pour que les gens s'y retrouvent lorsqu'on travaille avec des choses aussi importantes que le droit de propriété, le droit des hypothèques, le fait de garantir aux créanciers une bonne hypothèque et tout ce qui a pu en découler. Ce qui me désole, c'est de voir que ce monument qu'est notre Code civil souffre de plus en plus d'érosion avec l'avènement dans plusieurs lois statutaires d'atteintes répétées à notre Code civil, qui doit être et rester un monument monolithique.

Par exemple, nous avons toutes les règles qui concernent les hypothèques au Code civil. On arrive à des lois statutaires comme la Loi sur la protection du consommateur où on dit: On détermine des règles spéciales en cas de deuxième hypothèque contractée par un consommateur et on sait les effets qui en résultent. Donc, on n'a plus dans un seul texte législatif l'ensemble de l'économie en ce qui concerne le droit des hypothèques.

Ce matin, on regarde le droit des biens, le droit de propriété. Nous parlons de l'indivision, des servitudes et de tout ce qui en découle. M. le Président, si nous avions affaire qu'à un seul texte, comme les justiciables seraient bien servis et comme la population et les officiers de justice seraient bien servis! Nous avons encore des lois parallèles. Vous nous établissez dans le projet de loi 58 des principes, des procédures en ce qui concerne par exemple l'indivision, les servitudes. Vous arrivez avec une loi statutaire, la Loi sur la protection du territoire agricole, donc un régime tout à fait parallèle et contradictoire. Lorsque vous arrivez pour faire une étude sur les titres de propriété, vous allez au bureau d'enregistrement. Ce n'est pas indiqué à l'index aux immeubles où on doit vérifier si l'immeuble est sujet à la Loi sur la protection du territoire agricole ou pas. Il devient alors de plus en plus difficile de travailler dans des conditions semblables.

Lorsque nous avons, par exemple, affaire à l'indivision, il nous faut suivre les règles du Code civil. Si notre immeuble est affecté par la Loi sur la protection du territoire agricole il faut également suivre les règles prévues à cette loi. Je ne comprends pas la pensée qui guide cette érosion de notre Code civil. Il me semble qu'on devrait profiter de la révision pour codifier tout cela sous un même toit de manière qu'on puisse s'y retrouver.

M. le Président, je voudrais poser quelques questions. Comme mon collègue de Saint-Laurent, je regrette que nous ayons si peu de temps pour approfondir tout cela. Nous ne faisons que butiner ici et là dans les articles. Je vous le dis en toute déférence, peut-être y aurait-il lieu de confier à une sous-commission de votre commission une étude plus en profondeur? Il me semble que ce n'est pas honorer l'institution suprême qu'est notre Code civil...

Le Président (M. Rivest): Je m'excuse, M. le député, si vous le permettez. Je répète que l'institution sera peut-être davantage honorée lorsque effectivement on

arrivera à l'étude article par article. Je retiens votre suggestion en ce sens que, peut-être au niveau de la commission, on pourra créer une sous-commission. Mais, à ce moment, tous les gens auront amplement l'occasion d'étudier tous et chacun des articles. Malheureusement, on n'est pas encore à cette étape.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, nous avons parlé des sources d'eau. Je voudrais vous faire montre un peu des préoccupations venant des régions rurales. Nous savons que les sources sont des choses fréquentes en campagne, l'article 1020 vient en quelque sorte exproprier les sources. On dit: "Le propriétaire du fonds duquel jaillit naturellement une source peut user de cette source pour ses besoins, mais il doit respecter les conditions d'utilisation de l'eau." Par ailleurs, à l'article 959, nous disons: "Les eaux, courantes ou non, ainsi que l'air sont des choses affectées à l'usage commun; cependant, ils peuvent être considérés comme objet de propriété..." Écoutez, on se dirige vers un nouveau régime et, si je comprends bien maintenant, lorsque viendra le temps en région rurale d'appliquer ces articles, il faudra tenir compte de la Commission de la protection du territoire agricole, qui doit maintenant donner son autorisation pour valider les servitudes. Je voudrais parler de l'article 1044 concernant les clôtures. Vous savez qu'en campagne c'est un point important. Cela a apporté des causes très productives devant les tribunaux. On dit: "Tout propriétaire peut clore son terrain à ses frais, l'entourer de murs, de fossés, de haies ou de toute autre clôture. "Il peut, également, obliger son voisin à ériger pour moitié ou à frais communs un ouvrage de clôture servant à séparer leur fonds ou acquérir la mitoyenneté d'un mur privatif, etc."

Autrefois, dans le Code civil actuel qui nous régit, on parle selon la destination des lieux. Maintenant, ici, on l'enlève. On dit à l'article suivant 1044: "Toute clôture qui se trouve sur la ligne separative est présumée mitoyenne..." Qu'est-ce qui se passe dans les régions rurales entre deux fermes qui sont séparées l'une de l'autre par une clôture? Dans le moment présent, on sait que les clôtures sont partagées, moitié à un propriétaire et moitié à l'autre, selon l'équilibre des avantages et des inconvénients. Là, il y a des ajustements possibles. Je poserais la question à notre représentant. A-t-on réfléchi là-dessus?

M. Auger: Nous ne nous sommes pas particulièrement arrêtés longtemps sur les clôtures, mais l'article 1044 établit une présomption. Je pense que la règle a comme principe que si une clôture se trouve sur la ligne séparative, elle est présumée mitoyenne, ce qui ne signifie pas qu'elle l'est nécessairement et qu'elle pourrait, à la suite d'accords intervenus ou d'autres modalités de partage d'établissement de la clôture, ne pas être mitoyenne.

M. Mathieu: C'est parce que... Ah, excusez-moi.

M. Auger: Oui, oui.

M. Mathieu: II découle de là une responsabilité. Si une clôture est défectueuse, des animaux passent, vont causer un accident ou des dommages considérables. Qui va encourir la responsabilité? Il y a des points très importants. Peut-être qu'il serait bon de préciser ce point. Je le porte à l'attention du ministre.

M. le Président, je voudrais dire un mot, avec votre permission, en concluant. Un autre point que l'on trouve souvent dans une pratique en région rurale; ce sont les servitudes. C'est à la section I du chapitre troisième, à l'article 1205. Dois-je comprendre, à la lecture de l'article 1209, qu'il n'y a plus de servitude personnelle? On dit à l'article 1209: "La servitude n'est pas affectée par les mutations de propriété des fonds servants ou dominants. "Elle suit ces immeubles en quelques mains qu'ils passent, sous réserve des dispositions relatives à l'enregistrement des droits réels." Là, on parle d'une servitude continue, discontinue, apparente et non apparente, mais il y a une distinction dans notre droit actuel qui nous parle de servitude réelle et personnelle; dois-je conclure que c'est abandonné?

M. Auger: À moins de me tromper, je pense que le Code civil actuel ne parle pas des servitudes personnelles comme telles. Cela ne signifie pas qu'on n'a pas reconnu qu'il en existait, mais quand le législateur réglemente ce qu'on appelle les servitudes réelles, au chapitre des servitudes réelles, actuellement, dans le code, il s'agit véritablement d'un droit conféré sur un fonds au bénéfice d'un autre fonds, ce que reprennent les articles 1205 et suivants. Donc à cet égard, il ne m'apparaît pas y avoir de modification. Par servitude personnelle, on entend actuellement dans le droit les droits comme l'usufruit, l'usage d'habitations qui sont assimilées à des formes de servitude personnelle, étant un droit sur un bien, donc un droit réel, en faveur d'une personne. Mais, pour être encore plus précis dans la réponse à la question que vous posez: Est-ce qu'on fait disparaître la possibilité d'avoir une servitude personnelle contre un immeuble, c'est-à-dire un droit réel sur un immeuble, mais en faveur d'une personne, et qui pourrait être de la nature d'un droit de passage ou autre sans être une véritable

servitude réelle, c'est-à-dire d'un pont à l'autre.

Notre interprétation du projet de loi, c'est qu'on pourrait le faire. Sur cette question, nous nous fondons sur l'article 1148 qui est l'article introductif de toutes ces règles concernant les démembrements du droit de propriété. L'article se lit comme suit: "Les principaux démembrements de la propriété sont l'usufruit, l'usage, la servitude et l'emphytéose. "Les parties peuvent constituer tout autre démembrement en partageant entre elles les attributs de la propriété."

C'est un article qui est nouveau dans le droit, mais qui nous apparaît clarifier au moins une chose, c'est que le Code civil énumère et régit ou réglemente spécifiquement quatre démembrements: l'usufruit, l'usage, la servitude et l'emphytéose, mais il n'empêche pas les parties de créer d'autres démembrements du droit de propriété. À cet égard, il nous est apparu - parce qu'on s'est posé exactement la même question - que les parties pourraient donc, sur la base de l'article 1148, créer des servitudes réelles en faveur d'une personne, c'est-à-dire un droit qui affecte un fonds mais au bénéfice d'une personne et non pas au bénéfice d'un autre fonds.

Je ne sais pas si ma réponse est suffisamment claire?

M. Mathieu: En concluant, j'aurais seulement un dernier commentaire. J'aimerais vous entendre sur ma réflexion à savoir que nous avons maintenant dans ce projet de loi 58 tout un régime prévu pour le démembrement, l'accession de la propriété, les servitudes, etc. Par ailleurs, dans des lois statutaires comme la Loi sur la protection du territoire agricole, nous avons un régime parallèle. On ne peut pas sortir de l'indivision sans faire telle procédure, donner une servitude sans une autorisation de la commission. Est-ce que vous avez un commentaire à faire là-dessus?

M. Auger: Je parlais peut-être plus en mon nom qu'au nom de la chambre, parce qu'on n'a pas pris de position sur ce point. Il est certain que, pour les Québécois, il serait beaucoup plus simple de retrouver toutes les règles qui concernent, par exemple, la propriété des biens au Code civil comme c'était le cas il y a peut-être 30 ou 40 ans.

Il faut cependant se demander si le Code civil serait encore un Code civil, si on y intégrait toutes ces lois que l'on juge nécessaire d'introduire. Vous citez le cas de la Loi sur la protection du territoire agricole. Je comprends que les opinions peuvent être partagées sur... (12 h 45)

M. Mathieu: Pas seulement celle-là...

M. Auger: Oui.

M. Mathieu: ...il y en a d'autres.

M. Auger: Je pense qu'il est inévitable que, dans une société complexe, il faille des lois particulières pour régler des problèmes spécifiques et particuliers. Est-ce que le Code civil en serait encore un si on y introduisait systématiquement toutes ces lois? Personnellement, je pense que ce ne le serait plus. Cela serait plutôt de la nature des statuts refondus.

Je pense que le Code civil doit demeurer une loi générale, une loi-cadre qui pose les règles générales régissant les rapports entre individus dans notre société. Mais il est inévitable, je crois, que des lois statutaires viennent y apporter, à certains égards, des exceptions, des restrictions. Quand vous parlez de régime parallèle, ce sont plutôt des exceptions qu'on apporte qu'un véritable régime parallèle. On ne peut pas prétendre que la Loi sur la protection du territoire agricole régit en totalité les propriétés agricoles dans tous les aspects que le droit se charge normalement de réglementer. Il y a encore des secteurs du Code civil qui vont s'appliquer. Je pense à la prescription et je pourrais en nommer beaucoup d'autres. Or, pour moi il est inévitable qu'une telle chose se produise. Quand on peut l'éviter, c'est souhaitable. Évidemment, parce que cela facilite énormément pour celui à qui la loi est destinée la compréhension de la loi.

Je pense qu'il faut peut-être éviter, tenter dans la mesure du possible de retourner vers le Code civil ce qui devrait s'y trouver mais il y aura toujours - je pense - des exceptions. À cet égard, j'aurais peut-être un dernier commentaire. On peut remarquer, quand on fait l'examen de la législation qui a entouré le Code civil et notamment les lois qui ont été introduites depuis la codification. Il n'y en a pas eu beaucoup, je vous le concède, mais il en a eu.

On peut constater une chose et je ne sais pas si cela faisait partie d'une philosophie arrêtée mais il semble qu'on ait recouru au procédé suivant à plusieurs occasions. On adaptait une loi statutaire visant un cas particulier et quand elle avait fait ses preuves, qu'on l'avait corrigée, quand elle était plus parfaite, qu'on la jugeait vraiment une oeuvre législative intéressante, on l'intégrait dans le Code civil. On la laissait donc faire son petit bonhomme de chemin et manifester les problèmes qui pouvaient en résulter et quand on sentait qu'elle était adéquate on l'intégrait dans le Code civil. Ce sont des choses qui vont certainement se reproduire à l'avenir. Je pense et je termine sur cela en vous donnant un exemple au droit des sûretés. S'il y a un

droit à l'heure actuelle qui est en train de s'éparpiller partout. Le Code civil connaît une érosion fantastique dans le domaine du droit des sûretés. Cette situation est anormale et il serait relativement simple que le code rapatrie ce qui lui revient puisqu'il n'y a pas de raison majeure d'avoir cinq ou six lois qui régissent les sûretés, car ces sûretés visent quand même à régler des situations complètes. Ce ne sont pas des lois d'exception mais qui s'appliquent à tout le monde. Quand une loi s'applique à une catégorie de personnes, ne vise qu'un type particulier de problème il ne m'apparaît pas utile de l'intégrer dans le Code civil sans que celui-ci devienne - comme je le disais tantôt - plus de la nature des statuts refondus que d'un véritable code civil.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: En concluant, je donnais l'exemple de la Loi sur la protection du territoire agricole, mais pas pour la contester dans sa nécessité. Il y a d'autres lois comme la loi 125 sur l'aménagement du territoire. Ce qui me fait un peu craindre, lorsqu'on touche au Code civil, c'est que, quand on prend une disposition et qu'on la passe dans une loi statutaire, elle est diluée. Par exemple, dans la Loi sur la protection du territoire agricole, on ne reconnaît pas la valeur de l'acte authentique comme cela existe au Code civil, de sorte qu'on dit: Pour obtenir un droit acquis au sens de la loi 90, il faut que le titre de propriété soit enregistré avant le décret du zonage agricole, alors qu'un acte notarié authentique doit suffire pour indiquer la date de l'existence du droit acquis. C'est cette dilution qui vient à la pièce érode le monument qu'est le Code civil et en réalité le monument de nos droits. Merci.

Le Président (M. Rivest): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent prendre la parole? M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Me Auger, comment pouvez-vous concilier le deuxième paragraphe de l'article 1060, qui fait état que, dans la copropriété indivise pour changer la destination du bien, aliéner le bien, le partager ou le grever, il faut l'unanimité alors qu'aux articles 1127 et 1128 la règle n'est pas la même du tout en ce qui concerne la copropriété indivise?

M. Auger: D'abord, l'article 1060 commence par poser la règle que les décisions relatives à l'administration d'un bien indivis sont prises à la majorité en valeur des indivisaires. Cette première partie de l'article vise les actes d'administration.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je parle du deuxième paragraphe.

M. Auger: D'accord. Le deuxième paragraphe exige la règle de l'unanimité en matière d'aliénation du bien indivis. On voit mal comment il pourrait en être autrement puisqu'on est en matière d'indivision ici, c'est-à-dire qu'on est en présence d'un droit qui n'est partagé que par des quotes-parts abstraites et non pas concrètement dans l'objet du droit de propriété. Or, on ne peut jamais disposer de plus de droits qu'on en a, c'est un grand principe du droit qui est tout simplement appliqué ici, dans le deuxième alinéa de l'article 1060.

Vous me citiez l'article 1127...

M. Leduc (Saint-Laurent): Changer la destination...

M. Auger: C'est que là, je pense qu'on change complètement de situation. On est en présence d'une copropriété divise, c'est-à-dire d'un immeuble qui - vous le savez fort bien - appartient, quant à certaines de ses parties divises, exclusivement à des individus et, quant à ses parties communes, à l'ensemble des copropriétaires. Or, on prévoit ici des règles qui concernent non pas la disposition de la partie divise, mais qui concernent l'ensemble de la bâtisse, et il est, je pense, fort acceptable qu'on puisse y retrouver ce genre de disposition. Je ne sais pas si mon collègue aurait des commentaires à ajouter sur cette question, mais, entre l'indivision ordinaire ou celle qu'on a toujours qualifiée d'ordinaire et la copropriété divise, il y a de nettes différences qui peuvent justifier un traitement législatif différent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais si vous permettez, je ne vois ce qui pourrait justifier que, dans le cas de la copropriété divise, on puisse changer la destination sans avoir l'unanimité, alors qu'on peut le faire dans la copropriété indivise. Je ne vois aucun argument, vous n'avez pas répondu à cette question. Je comprends, bien sûr, qu'il y a une différence entre les deux copropriétés, mais, en ce qui concerne la destination, je pense que l'article 1128 est inacceptable. On change les règles du jeu en cours de route. Je pense que - d'ailleurs, l'ancien code ne le permettait pas - l'article 1128 est inacceptable.

M. Auger: On peut évidemment avoir des opinions différentes sur l'article 1128. La règle qui est introduite est une règle de double majorité: d'abord majorité des copropriétaires et majorité de 90%, ce qui commence à être une majorité quand même assez grande. Je pense que l'idée sous-jacente à l'article 1128, c'est quand même d'éviter qu'un changement de destination

souhaité par la presque totalité des gens soit rendu impossible par le refus d'une très petite minorité, ce que la règle de l'unanimité permettait de faire. Je pense que c'est ce qui est sous-jacent à l'article 1128. À cet égard, dans le commentaire introductif qu'on faisait ce matin, on disait: C'est une règle qui nous apparaît de nature à introduire un peu plus de souplesse là où il faut qu'il y en ait, si on veut que cette forme de propriété soit acceptable pour les gens qui ont à y vivre. Si un individu paralyse totalement un changement de destination souhaité par la très grande majorité, cela peut créer des problèmes qui seront difficiles à vivre dans le cadre de ce type de propriété.

Quant à l'indivision ordinaire, encore une fois, c'est vraiment une situation totalement différente. Si on ne peut pas vendre un bien indivis autrement que par l'ensemble des indivisaires, c'est tout simplement parce qu'on ne peut jamais vendre plus de droits qu'on n'en a et que l'aliénation totale du bien présuppose forcément le concours de tous les indivisaires pour que le bien soit totalement tranféré quant à sa propriété.

Le Président (M. Rivest): Oui, M. le député.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais maintenant poser une question à Me Robitaille. Avant de lui demander ce qu'il pense des nouvelles règles pour établir la majorité, je voudrais lui poser une question en ce qui concerne le deuxième paragraphe de l'article 1121. On dit: "Toutefois, un copropriétaire ne peut, à l'assemblée, disposer de plus de dix pour cent de l'ensemble des voix des copropriétaires, en outre des voix rattachées à la fraction qui lui sert de résidence." Je voudrais savoir s'il comprend ce paragraphe de la même façon que je le comprends. Supposons une copropriété de trois appartements, de trois unités où l'un des copropriétaires n'habite pas et qu'il possède deux appartements, deux unités. Cela veut donc dire, à ce moment-là, qu'il serait minoritaire. C'est cela?

Une voix: Oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous comprenez l'article exactement comme moi.

M. Robitaille (Claude): À ce moment-là, oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous pensez que c'est acceptable?

M. Robitaille: Je m'excuse, j'ai manqué le début de votre intervention, je cherchais l'article.

M. Leduc (Saint-Laurent): Le deuxième paragraphe de l'article dit: "Toutefois, un copropriétaire ne peut, à l'assemblée, disposer de plus de dix pour cent de l'ensemble des voix des copropriétaires, en outre des voix rattachées à la fraction qui lui sert de résidence." Supposons qu'il n'habite pas là et qu'il ait deux unités sur trois.

M. Robitaille: À ce moment-là, il serait considéré comme un propriétaire ayant plus... selon la suggestion que nous avons faite à la commission...

M. Leduc (Saint-Laurent): ...et, si vous le permettez, que le troisième y demeure.

M. Robitaille: Oui, mais, à ce moment, les voix du copropriétaire seront réduites aux voix de l'autre. Il pourra y avoir une impasse qui pourrait être réglée soit par un arbitrage en déclaration ou, encore, s'il y a un litige, il devra être soumis au tribunal. S'il n'habite pas là, suivant la modification proposée, le total de ses voix est réduit à celui des voix de l'autre, ils seront à égalité.

M. Leduc (Saint-Laurent): À l'article 1121, le deuxième paragraphe ne s'appliquerait pas dans ce cas.

M. Robitaille: C'est cela.

M. Auger: En fait, la proposition de la chambre consiste à remplacer les articles 1121, 1122 et 1123 par une règle qui, dans le cas où un copropriétaire, qu'il soit promoteur ou non, dispose de plus de la majorité des voix, vise à réduire le nombre de ses voix à l'ensemble des voix détenues par les autres copropriétaires.

M. Robitaille: C'est cela.

M. Auger: Cela remplacerait les articles 1121, 1122 et 1123.

M. Robitaille: On a voulu ramener cela non pas seulement au promoteur, mais à tout copropriétaire - l'exemple que vous donnez l'illustre bien - dans le but de garder un équilibre entre les copropriétaires. (13 heures)

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes d'accord avec cette règle, la règle française, si nous disons...

M. Robitaille: On s'est penché sur cela et on a pensé que, d'après justement la grande expérience de la copropriété en France devrait nous influencer.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous êtes au courant si c'est le seul endroit où cette règle existe? Existe-t-elle en

Ontario? Existe-t-elle aux États-Unis? Existe-t-elle ailleurs?

M. Robitaille: Je crois que cette règle existe aux États-Unis dans certaines lois.

M. Leduc (Saint-Laurent): Existe-t-elle en Ontario?

M. Robitaille: Je ne me souviens pas si elle existe en Ontario.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je me demande si on ne découragera pas les promoteurs, les constructeurs d'ériger des copropriétés avec cette règle. D'après vous, est-ce que l'application de cette nouvelle règle ne pourrait pas nuire au développement des copropriétés qui, en fait, rend minoritaire celui qui investit, le promoteur ou le constructeur?

M. Robitaille: Justement, la suggestion qu'on fait de modifier ces articles, c'est pour ne pas insister seulement sur le fait que le promoteur ou le constructeur soit le seul à subir un contrôle de ses voix. En soumettant notre modification, on a voulu rendre les autres copropriétaires qui détiendraient plus de la moitié de voix assujettis à cela. On n'a pas pensé que cela pouvait empêcher de quelque façon la construction de grosses copropriétés.

M. Auger: Si je peux me permettre d'ajouter un commentaire, c'est typique de bien des situations juridiques. C'est sûr qu'adopter des règles semblables pourra peut-être rendre moins intéressant pour certaines personnes l'investissement dans de tels projets. Par ailleurs, si les règles sont trop favorables à l'une des deux parties en présence, cela peut aussi rendre difficile et peu intéressant l'accession à ce type de propriété par des gens qui, à vie, vont être des minoritaires. Il y a un équilibre qui est toujours souhaitable, je pense, comme règle de départ et qui n'est pas toujours facile à atteindre sans qu'on fasse ce qu'on peut considérer comme certains accrocs à des principes autrefois indiscutables et sans brèche.

La solution que propose la chambre en est une d'équilibre. Ce n'est peut-être pas la meilleure, c'est celle qu'on propose. Maintenant, il est peut-être possible d'en trouver qui sont encore meilleures tout en conciliant les intérêts des deux parties en présence, parce qu'il faut bien comprendre qu'il n'y a pas que les promoteurs dans un projet de copropriété divise, il y a aussi tous les copropriétaires.

Le Président (M. Rivest): Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, je voudrais, au nom de la commission, remercier les membres de la Chambre des notaires du Québec et informer les membres de la commission que les travaux reprendront après les affaires courantes, soit vers quinze heures et nous aurons comme invitée l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc.

(Suspension de la séance à 13 h 3)

(Reprise de la séance à 16 h 2)

Le Président (M. Vauqeois): À l'ordre!

Je vous souhaite la bienvenue. Avant de vous demander de vous présenter, je vous prie de nous excuser, car la séance de l'après-midi ne peut jamais commencer à l'heure prévue étant donné que nous sommes soumis à la période des questions, qui est d'une longueur variable, et à certaines motions qui sont inévitables à la suite de cette période. Cela ne changera pas le temps que nous avions prévu pour votre mémoire. Pour les fins du journal des Débats, je signale que nous allons entendre d'abord l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc.; par la suite, nous entendrons M. Armand Elbaz.

La réforme parlementaire est en cours et loin d'être terminée, il faut donc faire lecture du mandat de notre commission: entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés par le projet de loi 58, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des biens. Est-ce que vous voulez vous présenter et nous présenter les gens qui vous accompagnent?

Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec Inc.

M. Rousseau (Omer-B.): M. le Président, distingués membres de cette commission parlementaire, M. le ministre responsable du projet de loi, à ma droite, pour représenter l'organisation, il y a M. Léo Petitclerc, qui est vice-président de l'APCHQ, un constructeur de Cap-Rouge sous le nom de Léo Petitclerc Inc.; à ma gauche, M. Serge Crochetière, conseiller juridique à l'organisation, assisté en cela par Me Gilles Doyon et par Me Monique Beaudoin.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie. Qui présentera le mémoire de votre association?

M. Rousseau: Mon nom est Omer-B. Rousseau; je suis directeur général de l'APCHQ. La lecture du document sera faite par M. Serge Crochetière, qui sera en mesure de le commenter.

Le Président (M. Vaugeois): Quel temps souhaitez-vous prendre pour présenter votre

mémoire?

M. Crochetière (Serge): Une vingtaine de minutes pour en faire la lecture et environ quarante-cinq minutes ou une heure pour le commenter. Je crois qu'on pourra se conformer aux délais que vous nous aviez fixés.

Le Président (M. Vaugeois): Une vingtaine de minutes et, après, vous acceptez que nous puissions vous questionner.

M. Crochetière: On l'espère.

Le Président (M. Vaugeois): II faudra peut-être s'ajuster par rapport à ce matin. On m'a fait valoir certains articles du règlement. Ce qui me paraît important, de toute façon, c'est qu'on puisse s'assurer qu'outre le ministre et le porte-parole de l'Opposition, les députés membres de cette commission puissent également être assurés d'avoir accès aux délais qu'on s'est fixés.

Normalement, les interventions ne devraient pas dépasser dix minutes, à l'exception de votre présentation. Mais ce qui me paraît plus important, c'est que, comme cette fois-ci il nous restera à peu près une heure, le porte-parole de la majorité et le porte-parole de l'Opposition ne prennent pas plus d'un quart d'heure ou de vingt minutes, de telle sorte qu'on puisse dégager de façon sûre vingt minutes à une demi-heure pour les députés qui voudraient intervenir, chacun étant conscient que l'article 164 limite les interventions à dix minutes.

Il serait normalement souhaitable que le porte-parole de la majorité et le porte-parole de l'Opposition respectent également l'article 164, mais, à la limite, j'aimerais mieux qu'ils parlent quinze minutes et terminent leur exposé plutôt que d'intervenir une deuxième fois pendant dix minutes.

En tout cas, si on ne respectait pas l'article 164, il faudrait être conscients, à ce moment-là, qu'on applique l'article 151 et que c'est d'un commun accord que nous sommes tolérants concernant les dix minutes. On m'a demandé d'attirer l'attention des membres de la commission sur cet aspect de notre règlement.

M. Rousseau et vos collègues, vous êtes les bienvenus. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt le point de vue réaliste de votre association.

M. Rousseau: Merci, M. le Président. Je vais y aller de façon très brève et très sommaire quant à la présentation ou à la représentation de l'APCHQ. L'APCHQ est un organisme sans but lucratif fondé en 1962. Elle représente actuellement plus de 4200 entreprises dans l'industrie de la construction. Ces entreprises oeuvrent particulièrement dans le secteur de l'habitation.

Notre vocation principale est vraiment orientée vers le secteur de l'habitation. Elle a quand même deux volets, d'une part, de représenter les intérêts de l'industrie de la construction et, d'autre part, de protéger le consommateur par le moyen de l'accréditation des entreprises de construction au point de vue de la solvabilité, de la technique et au point de vue administratif. De cette façon, on s'assure que le consommateur qui transige avec un constructeur est en droit d'avoir un produit conforme à la transaction intervenue. À défaut par l'entrepreneur de pouvoir faire honneur à ses obligations, l'APCHQ assume ses responsabilités.

Outre ces deux aspects ou ces deux volets que je viens d'avancer, l'APCHQ est directement impliquée aussi dans le domaine de la recherche. Pour ceux qui ne le savent pas, nous avons construit, au cours de l'année 1983, par l'entremise de certains constructeurs, des maisons superénergie. À ce chapitre, nous en avons construit cinquante au cours de l'année 1983, ce qui était une deuxième phase. Au niveau de la troisième phase, nous anticipons en construire 300, dans le but, évidemment, d'apporter un allégement à la facture du consommateur.

C'est, je pense, une présentation très brève de l'organisation. Je vais laisser le temps à M. Serge Crochetière de vous présenter le mémoire et de recevoir vos questions. Merci.

M. Crochetière: M. le Président. Je vais procéder à la lecture et je ferai quelques commentaires hors texte au fur et à mesure qu'on étudiera chacun des articles. Par la suite, s'il y a des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

Les commentaires. Le premier article qui retient spécifiquement l'attention de l'association est le futur article 1027 du Code civil du Québec, lequel s'exprime comme suit: "Un propriétaire doit, après avoir reçu un avis au préalable, permettre à son voisin l'accès à son fonds si cela est nécessaire pour construire, réparer ou entretenir une construction, un ouvrage ou une plantation fait sur le fonds voisin."

C'est un élément heureux pour nous. L'association, en tant que représentante des constructeurs d'habitations, est d'accord avec le contenu de cet article, lequel propose une solution au problème de ce que l'on appelle "les constructions à ligne latérale zéro", entre autres en permettant au propriétaire ou au constructeur qui veut construire un édifice près de la ligne séparative des lots d'avoir accès au fonds voisin si la chose est nécessaire. Cela va sûrement apporter une solution à un problème de servitudes qui devaient être créées sur plusieurs projets,

notamment ces projets à ligne latérale zéro.

L'article 1034 se lit comme suit: "On ne peut avoir sur le fonds voisin de vues droites, de balcons ou d'autres saillies à moins d'un mètre quatre-vingt de la ligne séparative. "Cette règle ne s'applique pas: "1° Lorsqu'il s'agit de vues sur la voie publique, de perrons pour l'entrée ou la sortie d'un bâtiment ou de portes à panneau plein ou à verre translucide; "2° Aussi longtemps que le propriétaire qui a pratiqué l'ouverture est empêché de voir du fait de la présence d'un mur ou d'une clôture séparant les fonds voisins; "3° Aussi longtemps que l'ouverture ne donne sur aucun mur en raison de la hauteur où elle est pratiquée."

Cet article constitue, à plusieurs égards, une amélioration de la situation actuelle dans le domaine des servitudes de vues. D'une part, il réduit la distance requise pour avoir vue sur le fonds voisin et, d'autre part, cet article élimine la question des vues obliques, simplifiant d'autant la loi dans ce domaine. Enfin, cet article permet la vue sur la voie publique. Ces dispositions correspondront davantage aux besoins de densification que connaît actuellement l'aménagement du territoire.

Les articles 1054 et 1064, quant à nous, doivent être lus ensemble pour bien mesurer la portée de nos commentaires. L'article 1054 concerne les codes de copropriété indivise. "Les quotes-parts des indivisaires sont présumées égales. "Chacun des indivisaires a, relativement à sa quote-part, les droits et les obligations d'un propriétaire exclusif. "Il peut ainsi aliéner, hypothéquer ou autrement consentir une sûreté sur sa quote-part et ses créanciers peuvent la saisir." Donc, on reconnaît un statut à la copropriété indivise et aux indivisaires.

Maintenant, l'article 1064 le précise: "Nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision. Le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'ait été reporté par une convention expresse, par une disposition testamentaire, par un jugement ou par l'effet de la loi ou qu'il ne soit impossible en raison de l'affectation du bien à un but durable.

Le second paragraphe précise: "Malgré une convention contraire, la majorité en valeur des indivisaires peut néanmoins demander le partage d'un immeuble dans le but d'établir une copropriété divise."

Ainsi donc, le deuxième alinéa de l'article 1064 permettra à la majorité en valeur des indivisaires de demander le partage d'un immeuble, s'ils ont l'intention d'établir une copropriété divise. La mise en vigueur de cet article aurait-elle pour effet de lever de façon instantanée le moratoire existant toujours actuellement, par le biais des dispositions de la Loi sur la Régie du logement? C'est un moratoire de fait puisque la réglementation permettant la transformation des immmeubles n'a pas encore été édictée.

Dans l'affirmative, ceci pourrait produire des conséquences tant sur le plan social que dans le secteur de la construction neuve. En ce qui concerne les effets sur le plan social, ceux-ci n'ont pas à être démontrés, l'existence de la Loi sur la Régie du logement et de son moratoire parlant d'évidence.

On se réfère ici au principe qui avait prévalu à la venue du moratoire, à savoir que de laisser de but en blanc les transformations sans aucune réglementation, cela pouvait amener, surtout dans certains quartiers en milieu urbain, des promoteurs à vider les lieux par rapport aux gens déjà en place et à vendre des unités à de nouveaux arrivants avec une surexploitation des superficies et autres choses du genre. Par ailleurs, en ce qui a trait au secteur de la construction neuve, la levée instantanée du moratoire existant actuellement pourrait causer de graves difficultés à ce secteur particulier. En conséquence, nous préconisons une mise en vigueur progressive de cet article, de façon à tenir compte de la réalité sociale et économique.

Qu'on nous comprenne bien, notre but n'est pas d'empêcher les transformations ni même d'empêcher la création de copropriétés divises dans le stock de logements neufs. On veut cependant que le législateur soit conséquent avec les positions qu'il a déjà adoptées notamment en matière de moratoire et aussi avec, actuellement, les programmes qui ont été mis de l'avant pour favoriser la construction de petites unités neuves en milieu urbain, notamment dans les structures de bois et brique. Cela pourrait venir perturber le marché et on ignore encore quelles seront les conséquences de la fin du programme Corvée-habitation et dans quelle mesure une telle disposition, qui permettrait la création de copropriétés divises immédiatement, affecterait le marché du neuf après Corvée-habitation. C'est cela que l'on veut souligner.

Passons à l'article 1067. "Les créanciers qui auraient pu agir sur le bien avant l'indivision ou ceux dont la créance résulte de l'administration du bien indivis sont payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente du bien indivis. "Les créanciers, même hypothécaires ou privilégiés, d'un indivisaire ne peuvent demander le partage si ce n'est par action oblique dans le cas où l'indivisaire pourrait lui-même le demander. Ils peuvent, toutefois, poursuivre la saisie et la vente de la quote-part de leur débiteur."

Quant aux droits des créanciers

hypothécaires, je leur laisse le soin de vous faire les remarques qu'ils auront sûrement à vous faire là-dessus. (16 h 15)

Pour nous, d'autre part, on se dit que, pour être conséquents avec les droits de préemption qui ont été donnés aux indivisaires, il n'y a aucun droit de subrogation légale d'accordé dans ces cas-là. Autrement dit, si un créancier hypothécaire voulait se prévaloir soit de la clause de dation en paiement, soit d'une action hypothécaire, rien ne permettrait aux autres indivisaires de le forcer à leur céder sa créance pour empêcher, justement, les conséquences de la reprise par un tiers, un étranger, surtout dans les petites structures.

Et nous ajoutons que cette façon de procéder opérerait une concordance entre ces deux articles, c'est-à-dire avec l'article 1055.

L'article 1070 dit: La copropriété divise d'un immeuble est établie par l'enregistrement à l'index des immeubles d'une déclaration en vertu de laquelle la propriété de l'immeuble est répartie entre ses propriétaires par fractions. "Une personne, même seule, peut diviser un immeuble et établir une copropriété."

Cela reproduit substantiellement les termes actuels du projet de loi, sauf qu'on a ajouté "l'enregistrement à l'index des immeubles"; pour nous, c'est superflu puisque l'enregistrement doit se faire à l'index.

L'article 1087 dit: "L'état descriptif contient, soit la désignation cadastrale de l'immeuble, des parties exclusives et des parties communes, soit un plan de l'immeuble qui indique l'ensemble du terrain et des bâtiments, la forme et les dimensions de toutes les parties exclusives et communes et leur localisation dans l'immeuble. "Il contient aussi une description des droits réels grevant l'immeuble ou existant en sa faveur, sauf les hypothèques et les privilèges. "Les plans doivent porter le certificat d'un arpenteur-géomètre attestant, le cas échéant, de la conformité du plan et des bâtiments construits."

Cet article soulève plusieurs problèmes et crée des ambiguïtés, tant chez les constructeurs que chez les prêteurs hypothécaires. Puisque cet article prévoit que l'état descriptif des fractions peut contenir, au choix, un plan de l'immeuble, il conviendrait, selon nous, d'insérer le mot "cadastral" - pour bien indiquer qu'il s'agit du plan de subdivision et non pas du plan d'architecture de cet immeuble - après le mot "plan" ou encore de spécifier que ce plan doit identifier chacun des lots par son numéro. Ceci aurait probablement pour effet d'éviter des problèmes d'interprétation sur cet aspect de l'article.

Par ailleurs, bien que nous soyons d'accord avec le contenu de l'article 1087, nous aimerions souligner à l'attention de la commission les problèmes importants causés par l'écart marqué entre le temps requis pour la construction d'un immeuble en copropriété divise et celui nécessaire pour le service du cadastre pour mener à bien toutes les opérations cadastrales requises sur un projet en copropriété. Ces délais administratifs trop lourds causent un préjudice considérable à tous les intervenants dans le domaine de la copropriété, que ce soit le consommateur, le constructeur, le prêteur, l'assureur, le notaire ou l'arpenteur-géomètre.

À ce sujet, nous vous joignons en annexe les recommandations formulées par un groupe de travail mis sur pied par notre association pour examiner les divers aspects de ce problème. En conséquence, toute amélioration du processus administratif effectuée au niveau de la loi serait la bienvenue.

Si vous le permettez, juste pour illustrer la portée de notre propos, c'est que, principalement dans les petites structures, les entrepreneurs et les arpenteurs-géomètres ont terminé le bâtiment avant que le service du cadastre ait créé ou donné la nouvelle subdivision cadastrale, ce qui fait que les entrepreneurs ne peuvent pas transférer de titres à leurs consommateurs; il y a des formules de préoccupation qui sont signées entre les constructeurs et les consommateurs où ces gens-là n'ont pas de titres réels. En contrepartie, les constructeurs ne peuvent pas toucher les déboursés hypothécaires auxquels ils auraient droit ou les avances des consommateurs. Cela crée des situations ambiguës, tout cela parce que le service de numérotation du cadastre et la création de nouvelles subdivisions ne suivent pas la réalité du marché.

En contrepartie, le texte, tel qu'il est présenté actuellement, n'a pas son pendant; on n'a pas encore vu comment se feraient les nouvelles subdivisions cadastrales. Cela risque de créer encore plus d'ambiguïté. Est-ce que, de la façon dont il est formulé actuellement, le simple dépôt d'un plan va donner naissance à une nouvelle subdivision cadastrale? Si tel était le cas, il serait impossible de trouver un financement hypothécaire adéquat parce qu'il n'y a pas un prêteur qui va aller fractionner une hypothèque sur un édifice qui n'est pas encore substantiellement terminé et qui ne lui donnera pas une garantie suffisante. Dans sa rédaction actuelle, le projet qui nous est présenté, vu l'absence de dispositions concernant le cadastre, nous paraît susceptible de créer plus de problèmes que ceux qu'on vit déjà. Les problèmes sont réels actuellement et ils ne participent pas de la responsabilité des entrepreneurs; il s'agit de délais administratifs qui font en sorte qu'ils

sont incapables de transférer des titres clairs à des consommateurs qui, par ailleurs, y auraient droit.

L'article 1091 dit: "II doit être fait état à la déclaration de copropriété et, le cas échéant, au prospectus du fait que des parties de l'immeuble ou des services sont destinés à être communs à plusieurs immeubles détenus en copropriété dont la construction s'échelonne sur plusieurs années. Une description du plan général de développement de la copropriété doit être jointe à la déclaration."

Nous sommes d'avis que le contenu de l'article 1091 va à l'encontre de l'article 1073, lequel prévoit que la valeur relative de chacune des fractions de la copropriété divise est établie par rapport à la valeur de l'ensemble des fractions, ainsi qu'en fonction de la nature de la partie exclusive de chaque fraction, de sa superficie ou de son volume et de sa situation. Là, on les obligerait à déterminer certains espaces communs qui feraient quand même partie de la déclaration de copropriété, alors qu'elle n'aurait peut-être pas encore été constituée ou qu'elle n'aurait pas encore été rattachée à d'autres bâtiments.

Autant la formulation de l'article 1073 nous apparaissait claire, autant le contenu de l'article 1091 nous conduit à l'imprécision et à l'incertitude.

En effet, tant et aussi longtemps que toutes les phases d'un projet ne sont pas complétées, la valeur de l'ensemble des fractions demeure indéterminée et, en conséquence, rendra indéterminable la valeur relative de chacune des fractions de la copropriété divise en ce qu'il ne sera pas possible d'établir la quote-part d'un copropriétaire dans les parties de l'immeuble ou des services destinés à être communs à plusieurs immeubles détenus en copropriété. En effet, un projet de copropriété par phases pourrait ne jamais être complété pour une raison ou pour une autre qui pourrait être tout à fait indépendante soit des changements de zonage ou de quoi que ce soit.

En conséquence, nous recommandons de supprimer l'article 1091 dans sa forme actuelle. D'autres solutions devraient être mises en place pour régir la construction par phases et réglementer l'utilisation de parties de l'immeuble ou de services destinés à être communs à plusieurs immeubles détenus en copropriété. À l'instar de la loi française, l'une de ces solutions pourrait être la formation, une fois parachevée la construction de tous les édifices du projet, d'une association ou d'un syndicat secondaire de copropriétés, lequel aurait mandat d'administrer les services ou les parties d'un immeuble destinés à être communs à plusieurs immeubles détenus en copropriété. Il y aurait donc deux degrés de syndicats, le syndicat relié à chaque copropriété distincte et le tout serait chapeauté par un syndicat, qu'on appellerait secondaire ou primaire, qui serait chargé de superviser ces intérêts liés.

L'article 1099 dit: "Un copropriétaire peut, dans les trois ans du jour de l'enregistrement de la déclaration de copropriété ou dans les deux ans d'une première mutation à titre onéreux de sa fraction, demander la révision de la répartition des charges communes ou de la valeur relative des fractions, si cette répartition est injuste et non conforme aux critères d'établissement de la valeur relative des fractions."

L'article 1099, relatif au recours d'un copropriétaire en révision judiciaire de la répartition des charges communes afférentes à sa fraction, pourrait être à l'origine de plusieurs litiges si l'on s'en remet uniquement à sa formulation actuelle.

À ce sujet, le comité ad hoc mis sur pied par l'association pour faire l'examen du projet de loi 58 avait suggéré que le critère de répartition injuste soit remplacé par une norme mathématique plus facile d'application. Dans cette optique, nous suggérons que l'article 1099 devrait accorder à un copropriétaire le droit de demander la révision judiciaire de la répartition des charges communes ou de la valeur relative des fractions, si la part afférente à sa fraction est supérieure de plus d'un dizième ou si la part afférente à celle d'un autre copropriétaire est inférieure de plus d'un dizième à celle qui résulterait d'une répartition faite conformément aux critères d'établissement de la valeur relative des fractions énoncée par l'article 1073. Pour cette recommandation, nous nous sommes inspirés de la législation française, d'une part, et aussi des remarques que la Chambre des notaires avait formulées sur cet article.

Par ailleurs, advenant que l'action soit maintenue par le tribunal, il faudrait assurément que la nouvelle répartition des charges prenne effet à compter de l'introduction du recours et non pas qu'il n'ait pas d'effet rétroactif: ceci afin d'éviter de créer une situation encore plus injuste pour certains copropriétaires que celle que l'on aurait voulu corriger.

L'article 1111 dit: "Le syndicat a une hypothèque légale sur la fraction d'un copropriétaire qui fait défaut, pendant plus de soixante jours, de payer sa quote-part des charges communes ou sa contribution au fonds de prévoyance. "L'enregistrement d'un avis de l'hypothèque conserve la préférence pour les charges et créances de l'année en cours et pour celles de deux années subséquentes."

Les dispositions de l'article 1111 ne posent pas de difficulté particulière, sauf que nous croyons que le délai de 60 jours prévu devrait être ramené à 30 jours pour

permettre au syndicat d'intervenir avec célérité et non pas laisser accumuler les charges trop lourdes.

En effet, nous estimons qu'un délai trop long à ce chapitre aurait pour effet d'induire, du moins d'encourager un copropriétaire à profiter de ce délai avant de payer sa quote-part des charges communes ou sa contribution au fonds de prévoyance, entraînant ainsi des difficultés administratives pour les administrateurs du syndicat. Une remarque, ici, qui n'apparaît pas, mais, dans certains districts judiciaires, les délais étant de surcroît très longs avant l'audition, il serait possible théoriquement que les trois ans garantis ne soient pas suffisants dans certains cas.

Prenons maintenant en considération le futur article 1112: "Le syndicat peut intenter toute action fondée sur les vices cachés affectant les parties communes ou les parties exclusives, mais dans ce dernier cas, avec l'autorisation des copropriétaires. "L'absence de diligence raisonnable que peut opposer le défendeur à une telle action s'apprécie à l'égard du syndicat ou d'un copropriétaire à compter du jour de l'élection d'un nouveau conseil d'administration, après le transfert du contrôle du syndicat par le promoteur."

Nous sommes d'opinion qu'en accordant au syndicat le droit d'intenter une action fondée sur les vices cachés tant pour les parties exclusives que pour les parties communes, cet article favorisera et encouragera les poursuites abusives et exorbitantes contre le constructeur ou le promoteur selon le cas. Le syndicat n'ayant pas d'intérêt dans les parties exclusives, nous croyons que le copropriétaire devrait intenter lui-même toute poursuite relative à des vices cachés affectant sa partie privative. Actuellement, ce que l'on crée comme cela, c'est un recours collectif. D'autre part, juste pour illustrer le type de problème que cela peut créer, par expérience, chaque fois qu'il y a une copropriété de créée, il y a aussi une association de copropriétaires, dans les faits, qui se crée.

En matière de vices cachés, il y a une notion qui est essentielle dans toute l'économie de notre droit, c'est l'acceptation du vice par le consommateur. Si on applique intégralement cet article, ce fait va disparaître. Les consommateurs réunis ne tiendront plus compte d'une acceptation tacite ou expresse qu'ils avaient déjà émise face à un vice caché dans leur unité exclusive et ils vont joindre le groupe. On multiplierait ainsi indûment les réclamations.

En regard de ce qui précède, la deuxième partie du premier alinéa de l'article 1112 devrait être biffée - on revient à l'alinéa premier, suivant notre recommandation - ledit alinéa se lisant comme suit: "Le syndicat peut intenter toute action fondée sur les vices cachés affectant les parties communes."

L'article 1133 dit: "Dans les trois mois du jour où le promoteur d'une copropriété ne détient plus la majorité des voix à l'assemblée des copropriétaires, l'administrateur doit convoquer une assemblée extraordinaire des copropriétaires pour qu'il soit procédé à l'élection d'un nouveau conseil d'administration. "Si l'assemblée n'est pas convoquée dans les trois mois, tout copropriétaire peut le faire."

Ici, nous aimerions simplement souligner à l'attention de la commission que le mécanisme de prise de contrôle de la copropriété par le syndicat, tel que prévu à l'article 1133, ne tient pas compte de la réalité actuelle, et plus particulièrement des exigences tant des prêteurs que des assureurs hypothécaires, lesquels exigent que le promoteur de la copropriété en demeure l'administrateur pour une période minimale d'un an, sinon deux ans. Souvent, ces dispositions sont inscrites dans la convention avec le promoteur; donc, il ne peut pas y déroger. C'est aussi inscrit dans la déclaration de copropriété. Et s'ils l'ont fait, nous, du moins, on le perçoit comme étant une mesure pour protéger leurs intérêts, mais aussi celui des consommateurs, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas une portion suffisante ou une période de rodage suffisante pour que les gens impliqués puissent prendre le contrôle, surtout dans les grosses structures.

L'article 1134 dit: "Le promoteur, lors de cette assemblée, rend compte de son administration. "Il produit des états financiers qui doivent être préparés par un comptable et être accompagnés de commentaires, le cas échéant, sur la situation financière du syndicat. "Le comptable doit, dans son rapport aux copropriétaires, indiquer toute irrégularité qu'il constate." (16 h 30)

Au regard de cet article, mentionnons simplement que l'exigence d'états financiers préparés par un comptable et accompagnés de commentaires sur la situation financière du syndicat apparaît exorbitante et peu réaliste dans le cas des copropriétés de moindre importance. Cet article peut avoir une portée dans le cas d'immeubles à logements ou à unités multiples. Mais, dans le cas de deux ou trois unités, si je puis me permettre de vous rapporter le commentaire d'un promoteur, il a dit: Mon budget, pour la première année, c'est 1500 $, pour une petite structure; là, je vais être obligé de le fixer à 2500 $ parce que cela va me coûter 1000 $ pour payer un comptable agréé pour obtenir les états financiers dont ils ont besoin et ce sont les consommateurs qui vont

en faire les frais, tout à fait inutilement. Qu'est-ce qu'il y a? Un peu de déneigement, une assurance commune; ce sont à peu près les seuls frais communs que vous avez là-dedans comme budget, dans les petites structures, duplex, triplex, quadruplex. Vous ajoutez des coûts inutilement.

Dans le cas de petites copropriétés, la faculté d'exiger ou non des états financiers préparés par un comptable devrait donc être laissée à la discrétion des administrateurs.

En terminant et à titre de conclusion, nous désirons exprimer toute notre appréciation et nos remerciements aux autorités gouvernementales pour nous avoir permis de soumettre nos commentaires et nos recommandations sur ce projet de loi qui intéresse spécifiquement tous les intervenants du secteur résidentiel de l'industrie de la construction au Québec, plus particulièrement en ce qui concerne les modalités de la copropriété, notamment la copropriété divise et indivise.

Ces commentaires et recommandations ont été faits à partir de l'expérience pratique vécue par les entrepreneurs et autres intervenants du secteur de l'habitation, et nous sommes persuadés à l'avance qu'ils seront pris en considération pour l'élaboration finale du projet de loi 58.

Le tout respectueusement soumis. Je vous remercie.

Le Président (M. Vaugeois): Merci bien, M. Crochetière. Avant d'inviter les membres de la commission à réagir et à vous poser quelques questions, je vais me prévaloir de l'autonomie et de la liberté qui sont accordées au nouveau président de la commission pour réagir le premier et bien sûr, pour vous féliciter de votre mémoire et de l'aspect pratique que vous apportez. Je trouve bien important qu'on ait le point de vue que vous exprimez. Là-dessus, il n'y a que des félicitations. Maintenant, je réagis sur le début de votre présentation.

Je suis un de ceux, comme député, qui regrettent un peu les délais mis à sortir les règlements correspondant à la Loi sur la Régie du logement que vous avez évoquée. Je suis parmi ceux-là. Chacun est libre dans ce Parlement d'avoir ses attentes quant à ce projet de règlement, mais moi, je trouve que déjà on avait provoqué un moratoire et les délais à produire les règlements y ajoutent encore. On nous a indiqué qu'il serait souhaitable que les règlements soient précisés le jour où cette partie du Code civil deviendrait en vigueur, ce qui suppose encore des délais assez importants. Nous l'avons compris ce matin, il y a encore du temps devant nous avant qu'on vive sous cette nouvelle partie du Code civil.

Vous suggérez au départ qu'on y aille progressivement, éventuellement. Vous dites qu'il faudrait y aller de façon progressive.

Vous évoquez pour cela, d'abord, les effets sur le plan social pour les logements existants, les effets économiques, si je comprends bien, pour ceux qui se sont lancés dans des programmes de constructions nouvelles. Cela m'a étonné d'autant plus que, antérieurement, vous vous étiez réjouis de certaines dispositions possibles comme sur les droits de vue, etc., parce que cela pouvait aider à consolider le tissu urbain et à augmenter la densification urbaine. Je ne veux pas faire de grands discours là-dessus, mais, pour moi, je vous signale que je serai parmi les parlementaires qui souhaiteraient même qu'on n'attende pas qu'on ait terminé cette étude de cette partie du Code civil. À partir du moment où les intentions du législateur se sont précisées, ce qui est le cas maintenant, et que les groupes, pendant deux jours, vont avoir eu l'occasion de s'exprimer, je souhaiterais que la préparation des règlements soit accélérée. Il me semble que les deux ou trois ans qui viennent de s'écouler, les attentes des gens à cet égard, l'impact économique et l'impact social, également, d'une libéralisation de ce côté, contrebalancent les inconvénients que vous avez évoqués. On voit venir cela. Cela correspondrait à une consolidation du tissu urbain, cela correspondrait, si vous voulez, à la densification, ce que vous avez souhaité par ailleurs.

Nous ne sommes pas là pour étudier cet aspect, mais nous constatons aussi que le Code civil, au fond, à certains moments, déborde sur des questions aussi concrètes que l'urbanisme, que l'aménagement.

Je voulais vous le signaler. Vous pouvez réagir à ce moment-ci par un commentaire. Allez-y!

M. Crochetière: J'ai un commentaire, une explication ou un éclaircissement à formuler. Ce que l'on dit, dans notre mémoire, c'est que actuellement, on ne veut pas qu'il y ait une ouverture complète sans que cette réglementation dont vous parlez soit adoptée. Sinon, c'est une attitude qui nous paraît très paradoxale. Vous allez, d'une part, l'empêcher par une législation et d'autre part, vous allez créer un trou dans cette propre législation par le biais d'une autre loi. Permettez-nous, à notre tour, de trouver cette attitude-là un peu curieuse. Si vous jugez qu'il est actuellement opportun d'ouvrir grandes les vannes, laissez alors tomber les dispositions de la Loi sur la Régie du logement. Sinon, adoptez votre réglementation pour que cela se fasse de façon cohérente et concertée.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie de ces explications. Je vous signale, je pense bien que vous le savez, que, si nous avons fait des efforts au niveau de Corvée-habitation, etc., il n'en reste pas moins qu'il

y a une obligation sociale et économique qui nous est imposée, c'est de tenir compte des lots viabilisés, ce que nous n'avons pas encore réussi à faire. Je serais en train de détourner le débat. Je vais inviter le ministre qui va le ramener à sa juste dimension; le ministre va d'abord réagir à votre mémoire et peut-être vous poser quelques questions.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais d'abord remercier l'APCHQ, qui s'est toujours distinguée d'ailleurs de beaucoup d'autres groupes comme collaborant toujours de façon très précise et articulée, et l'expression anglaise c'est "to the point", devant les projets de loi. Je la remercie de la teneur de son mémoire, qui va nous permettre de travailler très précisément sur un certain nombre de choses, non seulement aujourd'hui, mais dans les jours qui suivront, dans l'analyse que nous ferons des mémoires détaillés au ministère et à la commission, je présume.

Je pense que vous avez couvert une partie des questions qui touchent le moratoire. Je rappellerai cependant qu'actuellement, sur les immeubles de moins de cinq logements, le moratoire n'a pas d'effet, puisque l'on peut acquérir en indivision un immeuble de moins de cinq logements et ensuite le convertir subséquemment.

M. Crochetière: C'est moins de cinq, c'est jusqu'à quatre.

M. Johnson (Anjou): En effet. Pour les immeubles de plus de cinq logements, on ne peut les acquérir en indivision pour des fins de copropriété. Quant au problème de cohérence et aux préoccupations urbanistiques du président de la commission, qui a deux dadas particuliers, la réforme parlementaire et l'urbanisme, je pense que c'était pour lui une occasion de délectation.

Revenons à une partie de votre mémoire, sur l'article 1067, la subrogation légale. Quant à l'article 1241, le droit de préemption s'appliquant, il permettra à l'indivisaire qui a enregistré un avis d'adresse d'être notifié de l'intention des créanciers. Est-ce que vous trouvez que cela ne répond pas suffisamment à vos préoccupations? C'est donc de payer la créance, c'est donc d'être subrogé.

M. Crochetière: Si vous permettez, le droit de préemption s'exerce dans les cas où l'on veut céder à un tiers, dans un cas de cession à un tiers. Mais, dans un cas d'action hypothécaire, si vous nous dites que c'est à cela que cela équivaut, pour nous, ce n'est pas clair; parce que, dans le cas d'une action hypothécaire, vous ne cédez pas à un tiers. Le créancier hypothécaire fait vendre en justice son droit dans la quote-part. Alors, on dit que, pour clarifier cela, si vous voulez, cela ne change rien pour nous, mais on croit bon pour clarifier la situation des indivisaires, de préciser qu'il y aurait un droit de subrogation, qu'ils pourraient exercer une subrogation légale, comme cela existe déjà dans les cas d'un créancier de rang postérieur. D'accord? En plus du droit de préemption, si on y indiquait le droit de subrogation, pour nous, cela bouclerait la boucle.

M. Johnson (Anjou): Merci de votre suggestion. Sur cela, je m'excuse...

Le Président (M. Vaugeois): Ah bon! On laisse continuer le ministre.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je peux continuer?

Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui, bien sûr.

M. Johnson (Anjou): Je tiens pour acquis que mes collègues vont possiblement enfourcher sur différents sujets. L'article 1099, dans votre mémoire, c'est sur le critère de la répartition injuste. Je comprends l'effort que vous faites pour chercher une solution. Vous dites: Avec le droit que vous donnez à l'article 1099, on assistera peut-être à une poursuite ou à une avalanche de poursuites. Il y a une façon de régler cela: c'est de mettre un critère mathématique. Je reconnais là le rôle prédominant des ingénieurs à l'APCHQ. Le problème, cependant, ce critère mathématique que vous évoquez ne deviendrait-il pas une règle pour tout ce qui est en deçà du dixième?

Si on dit: le critère mathématique, si vos charges sont d'un dixième supérieures aux autres, selon la formule que vous évoquez, ou si celles d'un autre copropriétaire sont d'un dixième inférieures, cela permettra que ce soit toujours 0,9%.

M. Crochetière: Mais, en contrepartie, est-ce qu'on assistera, dans ce cas, à des règlements de comptes dès qu'il y aura des écarts de valeurs de fractions, surtout si la vente du même projet se fait à des prix différents, parce que répartie sur une période plus longue que prévue au départ? Celui qui va avoir payé plus cher va-t-il se sentir frustré? Ou celui qui aura payé plus cher pour avoir une fraction ou pour avoir à assumer les mêmes charges va-t-il s'en sentir frustré? On ne le sait pas. Je vous dis juste que, d'un côté comme de l'autre, cela crée des problèmes.

La norme objective faisait en sorte que cela contraignait effectivement les gens à se maintenir en deçà de cette norme

mathématique. Mais, nous croyons aussi que tel était l'effet recherché, qu'on ait toujours une juste proportion maintenue dans tous les projets.

M. Johnson (Anjou): Êtes-vous allé chez les jésuites?

M. Crochetière: Chez les eudistesl Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président (M. Vaugeois): C'était avant la loi 40!

M. Johnson (Anjou): Oui. Ah! Ah! Ah! La copropriété par phase, article 1091. Je ne sais pas si on se comprend bien. L'objet de l'article 1091 est simplement de dire que, lorsqu'il y a un projet de copropriété impliquant quatre ou cinq immeubles autour d'un grand parc ou d'un grand terrain, il faut aviser les éventuels copropriétaires du fait qu'un matin ils ouvriront leur balcon et qu'ils n'auront pas devant eux un grand terrain, mais un plus petit terrain avec trois bâtisses dessus. C'est ce dont on parle, dans le fond.

Je ne pense pas que l'article 1091, en ce sens, génère du droit au sens où vous l'interprétez. On fait une obligation de mettre les gens au courant de quoi? C'est ce à quoi ils vont éventuellement participer. Il me semble que votre réflexion en fait mener plus large à l'article 1091 que ce n'est le cas. Peut-être pourrais-je vous entendre? Peut-être ai-je mal compris le sens de votre intervention? (16 h 45)

M. Crochetière: Le problème provient de la mise en corrélation de l'article 1073 avec l'article 1091 ou du fait que l'article 1073 crée l'obligation de donner une valeur avec des critères déjà préétablis. D'accord? On dit que cela va sûrement compliquer la tâche de celui qui rédigera la déclaration de copropriété dans le contexte où c'est un projet d'aménagement qui est projeté sur plusieurs années avec certains espaces en commun. Je crois que ce que vous voulez éviter pourrait se faire par le biais d'un prospectus où on aviserait les gens de ce à quoi ils doivent s'attendre: qu'on va leur créer une marina, douze piscines ou huit courts de tennis et qu'il n'y ait pas une huitième tour qui se construise là-dessus. Je suis d'accord avec cela. Si vous parlez de valeur relative à l'avance sur des espaces communs qui n'ont même pas été créés et dont vous ignorez le coût de réalisation, on dit qu'en termes de rédaction cela risque de créer de sérieux problèmes au notaire qui sera pris pour le faire.

M. Johnson (Anjou): Je ne les ai pas vus hocher du bonnet! Oui, je les vois hocher du bonnet!

M. Crochetière: Ils sont d'accord avec nous là-dessus.

M. Johnson (Anjou): Pour terminer, je voudrais vous entendre sur deux choses: premièrement, sur les recours pour vices cachés. Votre objectif étant d'essayer d'étaler de façon raisonnable les délais, si on suivait la proposition de l'office de révision relative aux poursuites, on donnerait les mêmes responsabilités au vendeur et au constructeur et les mêmes délais de poursuite. Vous trouvez que cela serait une bonne idée?

M. Crochetière: Cela pourrait se défendre dans le contexte des propositions de l'Office de révision du Code civil, où on ramenait cela à un délai maximal de trois ans. On parle de responsabilité trentenaire en matière de vices cachés et décennale en matière de défauts de structure. Dans quelle mesure un défaut de structure affecte-t-il une unité et le droit exclusif du copropriétaire? Si on modifie les règles du jeu et qu'on établit une prescription triennale, je pense qu'on pourrait étudier et regarder cela de façon très intéressée. Dans le contexte actuel, ce ne sont pas les règles du jeu. Qu'on vienne introduire ici de nouvelles dispositions par rapport à des modifications hypothétiques - il y a eu des recommandations de l'Office de la protection du consommateur pour prolonger à dix ans toute garantie avec même une couverture des défauts apparents etc., dans le contexte actuel, je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il s'agit essentiellement d'une question de délai. Il s'agit d'une question de vécu.

Les entrepreneurs, actuellement, sont plus régulièrement poursuivis; c'est normal et ils ne s'en plaignent pas, du moins ce n'est pas l'objet de nos représentations. Mais là, ce qu'on est en train de créer, ce sont des recours collectifs sans la lettre et c'est à cela qu'on s'oppose parce que c'est normal et c'est humain: si vous prenez une assemblée de 100 personnes et s'il y en a une qui se plaint que son bain est croche, l'autre à côté l'avait accepté et elle est déjà dedans depuis six mois, mais si les délais invoqués ici ne sont pas encore arrivés pour la passation des pouvoirs, elle dira: Le mien aussi, mets-le dans la poursuite. Où s'en va-t-on? Vers du défoulement collectif. C'est à cela qu'on peut arriver.

M. Johnson (Anjou): Je pense que vous avez bien mis le doigt sur la conséquence centrale d'une partie de l'article 1112, soit le caractère collectif des poursuites qui suivent le vice caché. Je trouve que vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère quand vous décrivez ce qui arrivera. Je m'attendais que vous lisiez l'acte d'émeute de ce qui se passait à l'assemblée, à cause du bain

croche, mais je retiens ce que vous dites, enfin pour étude.

M. Crochetière: Je vous en sais gré.

M. Johnson (Anjou): Dernière chose. Je voudrais que vous éclairiez les membres de la commission sur l'avant-dernier aspect que vous avez soulevé, soit les 1500 $ et les 2500 $.

M. Crochetière: C'est une remarque.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais c'était à titre d'exemple et je voudrais que vous reveniez là-dessus.

M. Crochetière: Oui, c'est un entrepreneur qui nous a dit: Mes frais de "condo" - il les gère pendant un an, ce sont des triplex à Montréal - c'est à peu près 1200 $ par unité dans mon budget. Si je suis obligé d'engager un CA à ce sujet et, en plus, de lui faire faire une expertise et une analyse, je risque que mes frais soient de 2000 $ ou 2500 $ pour rien, strictement rien, parce que tu n'as pas besoin d'un CA pour analyser un budget de 1200 $ pour une petite structure de trois unités à ossature de bois.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Crochetière: Ici, il n'y pas de distinction.

M. Johnson (Anjou): Que pourrait-on faire avec cela? Que suggérez-vous pour en tenir compte?

M. Crochetière: On suggère que cela reste facultatif. Dans le cas des petites propriétés, la faculté d'exiger ou non des états financiers préparés par un comptable devrait être laissée à la discrétion des administrateurs. On me suggère même que le syndicat pourrait participer à cette négociation. C'est eux qui vont ultimement en payer les frais. Us ne seront probablement pas intéressés à le faire dans la majorité des cas. Il ne faut pas se leurrer, les 1500 $ ou les 2000 $ au lieu des 1000 $ ou des 1200 $, c'est le consommateur qui va les payer; cela fera partie des frais. La répartition du coût d'un "condo", c'est le copropriétaire qui l'assume dans ses mensualités. Si vous leur imposez des frais tout à fait inutiles ou qui risquent dans plusieurs cas d'être inutiles, laissez-les au moins décider s'ils en ont besoin.

M. Johnson (Anjou): Merci, Me Crochetière.

M. Crochetière: Merci.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Brièvement, M. le Président. Je ne veux pas reprendre toute la discussion. Elle fut intéressante. Je voudrais, à mon tour, féliciter les représentants de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, au nom de notre groupe. Leur mémoire est réaliste et fait preuve de préoccupations concrètes. On voit qu'ils sont bien dans le bain. Je voudrais seulement vous poser une couple de questions. Lorsque vous parlez, à l'article...

M. Johnson (Anjou): Quel bain? Celui qui est croche ou celui qui est droit?

M. Mathieu: Pardon?

M. Johnson (Anjou): Quel bain? Celui qui est croche ou...

M. Mathieu: À l'article 1087, vous êtes préoccupés, semble-t-il, à bon droit, par les longs délais administratifs en ce qui concerne la subdivision cadastrale lorsqu'il faut, par exemple, obtenir un nouveau plan cadastral. Pourriez-vous nous donner un exemple de délai? Parle-t-on d'un mois, de deux mois, de trois mois?

M. Crochetière: On parle de trois ou quatre mois souvent après que les... Un tableau vous a été remis en annexe de vos mémoires.

M. Mathieu: Ah bon!

M. Crochetière: D'accord? Il indique les délais en termes de semaines - d'accord? - à la dernière page, condominium, les étapes d'arpentage, préparé par une firme d'arpenteurs-géomètres, Gendron, Lefebvre & Associés, basé sur leur expérience. Il y a les délais entre la construction, la préparation des plans, la rencontre avec le notaire des clients et le moment où effectivement les titres sont clairs. Il y a des périodes d'attente de trois ou quatre mois, alors que les consommateurs sont déjà entrés dans l'unité.

Ce que nous suggérons dans notre mémoire, pour hâter les choses, c'est que la naissance de la nouvelle subdivision - cela rejoint en grande partie les dispositions de l'article 1087 - se fasse au moment où le plan de l'arpenteur, ainsi qu'un certificat de parachèvement des travaux pourront être déposés. Cela rejoindrait aussi ou cela satisferait davantage les préoccupations des prêteurs. En ce qui concerne la propriété, on serait certain qu'on ne vendrait pas n'importe quoi, parce que la bâtisse serait là avant d'être enregistrée. Par ailleurs, physiquement ou concrètement, l'immeuble

serait là. Le consommateur pourrait le voir, le prêteur serait assuré qu'il a une valeur et, quand on permettrait au consommateur d'entrer dans sa maison, il aurait un titre clair, quitte à parachever, par la suite, la formalité d'un plan définitif entre l'arpenteur et le bureau et ce serait la responsabilité de l'arpenteur professionnel. Nous avons préparé ce document-là en collaboration avec un représentant de l'Ordre des arpenteurs-géomètres et ils seraient, eux aussi, d'accord dans cette démarche.

M. Mathieu: II y a un point que je voudrais préciser. Vgus dites: Lors du dépôt du plan; à quel endroit, au bureau d'enregistrement ou au service du cadastre?

M. Crochetière: Au service du cadastre.

M. Mathieu: Encore là, lorsque votre dépôt de plan est fait au service du cadastre, le bureau d'enregistrement n'en est pas encore informé. N'y aurait-il pas lieu d'avoir une procédure intérimaire pour que le même dépôt soit fait aux deux endroits?

M. Crochetière: Nous avons suggéré, dans notre mémoire que ce que nous avons appelé, nous, une subdivision numérique préalable soit établie auprès du bureau du cadastre - d'accord? - de sorte que l'arpenteur-géomètre sache, à l'avance, sur son plan - donc, sur son plan d'arpenteur -quelle va être la subdivision affectée à telle partie de l'édifice. Toutefois, cette nouvelle subdivision ou ce projet de subdivision ne prendrait naissance que par le dépôt, tant auprès du registre qu'auprès du bureau du cadastre, d'un certificat de parachèvement de l'unité qui atteste de la conformité au plan subdivisé qui aurait déjà été numéroté en collaboration avec le service du cadastre.

M. Mathieu: Si je comprends bien votre raisonnement, cela ne donnerait pas au chercheur de titres, au bureau d'enregistrement, son document soumis à l'index des immeubles, au livre des renvois, où que ce soit. Ce serait une procédure intermédiaire pour hâter les choses, pour enlever des délais tout simplement. Les dépôts seraient faits au service du cadastre?

M. Crochetière: Avec le dépôt, d'accord, il y aurait naissance de la nouvelle subdivision cadastrale.

M. Mathieu: Mais les tiers en seraient informés quand cela serait redéposé.

M. Crochetière: II peut y avoir un délai. J'espère que l'informatisation va permettre de raccourcir les délais. Je vous avoue que, pour le mécanisme pour s'assurer que, dès le dépôt, on ait l'information requise au bureau d'enregistrement, déjà, actuellement, je soupçonne un écart entre le moment où le bureau du cadastre l'approuve et le moment où le bureau d'enregistrement le consigne. Il faut vivre déjà avec cela actuellement.

M. Mathieu: J'en suis conscient. Je trouve cela intéressant comme moyen. Maintenant, une courte question également à la page 4. L'article 1034 dit: "On ne peut avoir sur le fonds voisin de vues droites, de balcons ou d'autres saillies à moins d'un mètre quatre-vingt de la ligne séparative."

Si je comprends bien, si mes calculs sont bons, cela veut dire six pieds et vingt-trois centièmes.

M. Crochetière: 5,90 pieds je crois. Sur une machine qui fait le transfert automatique, cela m'a donné près de six pieds. Cela ne correspondrait pas exactement à ce qui était autrefois les six pieds français.

M. Mathieu: La mienne donnait 6,23. Peut-être qu'il y aurait lieu d'accorder nos violons entre nous?

M. Crochetière: II y a une de nos deux machines qui a un problème.

M. Mathieu: Y aurait-il quelqu'un au service du ministre qui pourrait nous dire si c'est la même distance que dans l'ancienne loi, qui était de six pieds français? Dans l'ancienne loi, c'est six pieds français, si je comprends bien.

M. Crochetière: C'était six pieds français.

M. Johnson (Anjou): Le mètre quatre-vingt, croyez-le ou non, est plus court que six pieds français et même que six pieds anglais.

M. Crochetière: C'est 5,90.

M. Johnson (Anjou): C'est 5,90, d'après nos calculs.

M. Mathieu: Ah boni C'est un mètre quatre-vingt. C'est cinq pieds et quatre-vingt-dix centièmes. (17 heures)

M. Marx: J'espère que ce ne sera pas rétroactif.

M. Johnson (Anjou): Assez pour entrer dans la police. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent intervenir? Auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Crochetière: La seule chose que je voudrais ajouter est liée à votre première intervention.

Le Président (M. Vaugeois): Ne me provoquez pas là-dessus!

M. Crochetière: On le faisait remarquer tantôt, la question de la transformation en coproppriété, à notre avis, doit s'inclure ou doit être incluse dans la politique d'habitation qui, elle, voit aussi à s'assurer qu'il y a une nouvelle pénétration en milieu urbain, mais que, conjointement à cela, il doit y avoir des constructions neuves et que cela doit être fait de façon parallèle. C'est la seule remarque que j'avais à ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Le sens de ma remarque, c'est que, si les constructions neuves se faisaient sur lots viabilisés, je pense qu'à ce moment-là les arguments tombent. Mais, on n'a rien fait, de part et d'autre, pour forcer la construction à ces endroits. Donc, le coût social que vous évoquez, on pourrait le transférer sur le coût que la collectivité supporte pour suivre le phénomène de l'étalement urbain des dernières années. À ce moment-là, c'est évident que les pressions vont être énormes pour accélérer le processus du passage en propriété indivise et même de propriété indivise en propriété divise. D'ailleurs, les journalistes, récemment, l'évoquaient. C'est Laurier Cloutier, dans la Presse, qui faisait des calculs rapides. Dans le temps de le dire, on est dans les milliards de dollars.

Je crois que, de toute façon, quel que soit le temps que nous allons mettre à ajuster le Code civil ou à sortir les règlements, la tendance est là et pour plusieurs années à venir. Le phénomène de la construction qu'on a vécu, qu'on a connu et qui, d'après ce que je comprends de votre mémoire, fonde l'activité d'un certain nombre d'entreprises encore, devra s'ajuster. Il me semble qu'on voit venir les choses, actuellement. Déjà, il y a des règlements en attente. Il y a maintenant un projet de loi sur la table. On peut toujours souhaiter que cela se fasse de façon progressive, mais on voit venir les choses à ce moment-ci.

Je m'excuse, je ne voulais pas revenir là-dessus. Comme l'a dit le ministre, j'ai des dada dangereux. On vous remercie de votre participation et nous invitons M. Elbaz à venir nous présenter son mémoire.

M. Johnson (Anjou): Merci, messieurs, merci beaucoup.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, la commission va maintenant entendre M. Elbaz, qui présente un mémoire à titre personnel. Donc, il n'y aura pas de chicane pour le temps que vous allez prendre avec vos collègues. De notre côté, je pense que nous allons répéter les règles que nous nous étions données pour le mémoire précédent. Alors, nous vous écoutons.

M. J.-Armand Elbaz

M. Elbaz (J.-Armand): Merci, M. le Président, j'aimerais juste, comme avant-propos de ma présentation, dire qu'un des avantages du mémoire que je présente est qu'il ne fera aucunement référence au projet de loi qui est présenté. Comme je le dis à l'article 4 de mon mémoire, cela vise un aspect totalement absent de la loi tant celle envisagée que celle qui existe présentement. Je suppose que vous avez devant vous le mémoire, mais, au fur et à mesure de ma lecture, je ferai quelques commentaires.

Le domaine que nous aimerions présenter et discuter traite du droit du locataire commercial en ce qui concerne le bail qui le lie à son propriétaire. Cela entrerait plus dans le cadre du louage que du droit des biens, mais je pense que le projet de loi offre une occasion de présenter cet aspect.

Les situations réelles et pratiques du droit du locataire commercial sont nombreuses et connues et donnent parfois lieu à un entrefilet dans les journaux. On a remarqué dans la Presse, il y a quelque temps, les achats de locaux commerciaux qui avaient été faits par certains investisseurs dans l'est, particulièrement la rue Masson. À la suite de ces achats d'investisseurs, on remarquait un départ des locataires commerciaux qui ne pouvaient subir les augmentations qui avaient été demandées par ces investisseurs. Les conséquences, qui sont tragiques pour la communauté et pour la société entière, sont soit un accroissement des chômeurs, soit la disparition d'un élément de la chaîne commerciale, soit un accroissement des coûts qui sont transmis aux consommateurs; finalement, tout le monde y perd.

Les observations générales commenceront par le fait que, lorsqu'un locataire commercial acquiert un local, acquiert un bail, un des éléments qu'il acquiert avec ou qui se développe avec son travail, c'est l'achalandage, c'est cette valeur commerciale. Or, malheureusement, les baux commerciaux, tels qu'ils existent présentement et tels qu'ils sont généralement présentés aux avocats, après deux, trois ou cinq ans, sont présentés de façon tellement critique que même nous ne pouvons pas aider ces clients. Cela n'affecte pas seulement le petit commerçant; cela affecte même des gros. Il n'y a pas longtemps, on parlait de l'affaire Mappins, en plein centre de la ville de Montréal, qui avait donné lieu à des problèmes parce que l'absence de législation

ne permettait pas aux gens concernés d'assurer leurs droits.

Nous soumettons donc que le législateur devrait rétablir un équilibre en introduisant une loi à deux points de vue: premièrement, un droit au renouvellement du bail et, deuxièmement, un droit à une indemnité d'éviction. Plusieurs législations étrangères -française, suisse et marocaine; on me dit aussi que cette même législation existe en Saskatchewan - permettent ces deux éléments, donnent droit aux locataires à ces deux choses, c'est-à-dire au renouvellement automatique du bail, et, deuxièmement, à une indemnité lors de l'éviction.

À la page 4, je me suis permis de citer un extrait d'un arrêt de Suisse, dans lequel il serait intéressant de relire ce que le juge dit: "Lorsque la chose louée sert aux besoins d'un commerce, le rapport contractuel entre bailleur et preneur prend un aspect particulier. Toute activité commerciale est génératrice d'une valeur de clientèle. (Ce que nous appellerions achalandage). Cette valeur est afférente en première ligne à la personne du commerçant ou à sa raison de commerce. Mais, le cas échéant, la valeur est aussi en partie inhérente aux locaux dans lesquels s'exploite l'entreprise. Il en est notamment ainsi pour les magasins. Et la part de la valeur de clientèle attachée aux locaux du commerce est d'autant plus grande que l'emplacement du magasin joue un rôle plus ou moins important pour l'exploitation d'une certaine entreprise, que l'emplacement est plus favorable et qu'un commerce y a été exploité plus longtemps. En revanche, cette fraction diminue dans la mesure où les qualités personnelles du commerçant sont décisives pour la bonne marche de l'entreprise. S'agissant d'un commerce exploité dans les locaux pris à bail, la valeur liée à la chose louée, tout en dépendant de l'activité du commerçant, n'adhère pas à sa personne et ne le suit pas lorsqu'il quitte les lieux loués. Elle appartient au bailleur. Dans la mesure où elle existe, le bailleur apparaît lui-même comme le commerçant qui fait exploiter l'entreprise par le locataire. Le bailleur a, en ce cas, un intérêt personnel, différent de celui du preneur, au maintien de la valeur provenant de la clientèle." Donc, finalement, la protection que je demande qu'on attribue au locataire n'est pas une protection qui va enrichir le locataire aux dépens du propriétaire; au contraire, les deux en tireraient avantage.

Cette notion de valeur de clientèle existe durant un bail. En effet, lorsque le locataire vend un commerce avec un bail, il vend une partie qui s'appelle l'achalandage et une autre partie qui s'appelle l'inventaire. Pourquoi est-ce que, trois ans après, lorsque le bail se termine, cet achalandage disparaît tout d'un coup? Cet aspect-là, en principe, devrait aider le commerçant locataire à négocier un renouvellement de son bail. Or, en fait, c'est ce même aspect qui le force à négocier dans des situations qui sont très onéreuses.

Il y a un deuxième aspect, qui est plus objectif à ce point de vue, en plus de la partie achalandage qui est développée par le bail, c'est l'aspect dit des améliorations locatives qui sont apportées par le locataire alors qu'il est dans les locaux. Il y a tout avantage à améliorer, s'il sait qu'il va rester. Or, le contraire se produit s'il sait que, dans deux ou trois ans, il va repartir. À ce propos-là, j'aimerais juste lire deux lignes d'un exposé des motifs. Dans la loi française de 1953, on disait: "II a été constaté également que le commerçant ne consacrait pas le même soin à l'exploitation et à l'aménagement de son fonds s'il risque, à l'expiration de chaque période triennale, de s'en voir déposséder." Je pense que c'est un élément à retenir.

En donnant ce droit à un renouvellement automatique du bail commercial, je pense qu'il y aurait des droits ou une partie pratique à suivre. S'il y a un droit automatique, pour l'exécuter, pour l'exercer, il faudrait probablement se présenter en cour. Les lois étrangères donnent certains aspects pratiques intéressants, par exemple une demande d'experts qui serait faite à la Cour supérieure, etc.

Le droit à l'indemnité d'éviction. Malgré tout, malgré le droit au renouvellement, il se pourrait que le propriétaire refuse au locataire de rester. En conséquence, certaines lois prévoient une indemnité d'éviction, indemnité qui est calculée ou qui est proportionnelle au préjudice causé au locataire. Dans certains cas, elle est calculée selon les améliorations qui sont apportées aux locaux; pour d'autres cas, elle dépend, tout simplement, du préjudice qui a été causé et est constituée, par exemple, par le montant qui serait nécessaire pour le dédommagement, les frais de réinstallation et autres frais inhérents. Les avantages d'une telle loi seraient, premièrement, une stabilité commerciale, deuxièmement, un accroissement du "pool" de locaux commerciaux qui seraient utilisés. Si on pense à une région commerciale à l'intérieur d'un centre-ville, par exemple, en quinze ans ou en seize ans, il augmente très peu du fait qu'il y a un remplacement des commerçants plutôt qu'un développement, sauf s'il y a des constructions, par exemple, de centres commerciaux à l'extérieur de la ville, mais, à l'intérieur de la ville, il y a rarement de développements; donc, finalement, tout le monde y perd. Voilà, M. le Président, je suis prêt à répondre à vos questions.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous

remercie beaucoup. Je trouve bien intéressant le point de vue que vous soulevez, d'autant plus qu'au Québec, après un certain temps, un certain délai, on en vient à se préoccuper beaucoup d'aménagement urbain, on connaît l'expérience ailleurs des rues piétonnières, des locataires qui ont été à la merci des nouveaux propriétaires, vous l'avez souligné même pour Montréal, le phénomène de la rénovation des artères commerciales pose le problème des baux commerciaux. Nous avions déjà le problème des centres commerciaux qui placent les petits locataires, ceux qui ne sont pas des magasins à succursales multiples à la merci complète du propriétaire.

Je poserais ma question au ministre, en guise d'introduction à son intervention et à ses questions. Est-ce qu'effectivement on peut dire que, dans nos lois, en général, il n'y a rien qui pourrait protéger un locataire commercial dans une grande surface ou quelque chose comme cela? Est-ce qu'il n'y a vraiment aucun droit pour lui?

M. Johnson (Anjou): Dans nos lois en général, ce que nous avons, c'est le contrat qui lie le locataire et le locateur. En ce sens-là, on ne retrouve pas de mode de protection, par exemple, du petit commerçant ou de l'exploitant d'un petit commerce face au propriétaire d'une grande superficie. On n'a rien dans nos lois qui est spécifique à ce domaine-là. Je pense que c'est ce que soulève Me Elbaz, en disant: Beaucoup de ces gens sont dans des situations où le rapport économique, finalement, entre l'exploitant commercial et le propriétaire du centre commercial met l'exploitant commercial dans une situation absolument vulnérable et dont des propriétaires de centres commerciaux ou d'édifices commerciaux ne se gênent pas pour abuser dans bien des cas. J'ai l'impression que, pour l'ensemble de l'Amérique du Nord - et l'on fera faire des recherches à partir du mémoire de M. Elbaz, même si ces préoccupations devraient s'inscrire plutôt dans un autre titre du Code civil, qui est celui de la location - que le choix qui a été fait a été de laisser cela à la concurrence, y compris la concurrence brutale et sauvage. (17 h 15)

On nous cite l'exemple de la Suisse, bien que je n'aie pas vu les dispositions législatives qu'il y existe, ou celui du Maroc, au sujet duquel Me Elbaz est beaucoup plus précis. Je pense que, historiquement, la législation qui touche les commerçants est très différente de la nôtre. Ce que représente un petit commerçant dans la société marocaine ne s'identifie peut-être pas tellement à ce que l'on retrouve aux Galeries d'Anjou, pour toutes sortes de raisons. La règle, je crois, en Amérique du

Nord, c'est qu'il n'y a pas de mesures de protection des petits commerçants dans ces questions.

Ceci dit, je pense que le mérite du mémoire de M. Elbaz, même si cela ne touche pas directement le projet de loi et il a eu la gentillesse de nous le dire au début de son exposé, est de faire en sorte qu'on se préoccupe un peu de faire, au moins, un recensement de la législation dans ce domaine. Je sais, d'ailleurs, que c'est une préoccupation de beaucoup de députés qui ont eu l'occasion de vivre des situations vraiment de très grande fragilité, de vulnérabilité chez un tas de petits commerçants, que ce soit dans des situations de rénovation, dans des situations de centres commerciaux ou dans d'autres lieux où les gens, finalement, sont dans un marché captif.

J'en ai visité dans certaines banlieues de Montréal; il est évident que les exploitants des petits commerces sont absolument à la totale - comment dirais-je, non pas disposition - merci du propriétaire. Sauf qu'on vit dans une société où, sur le plan du commerce, on a décidé que c'étaient des règles capitalistes qui s'appliquaient à ce niveau. On ne peut pas invoquer le caractère de consommateur du petit commerçant; il est un commerçant. On protège le consommateur; on protège celui qui, socio-économiquement, est dans une situation vulnérable; on protège l'enfant, mais on a décidé qu'on ne faisait pas d'arbitrage entre les capitalistes dans notre société depuis plusieurs années.

Ce que cela met en cause fondamentalement, comme préoccupation, c'est jusqu'où l'État doit aller pour faire des arbitrages entre les intérêts capitalistes dans le secteur du commerce, dans un secteur comme celui-là, où ce n'est pas l'intérêt du consommateur qui justifierait son intervention. C'est l'intérêt d'un groupe commerçant par opposition à un autre groupe commerçant. Je dois dire qu'on n'avait pas de projet de ce côté-là. L'intérêt du mémoire de M. Elbaz, c'est une réflexion et une certaine recherche dans la législation qui existe.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. Je pense que vos dernières interventions, M. le ministre, appelleront peut-être un petit caucus ministériel, parce que, effectivement, plusieurs députés sont préoccupés par cela. Il n'est pas certain que cela n'ait pas d'effet pour le consommateur. Il n'est pas certain qu'il n'y ait pas d'effet là pour la valeur foncière. Mais nous découvrons une chose: la réalité du commerce de détail est différente au Québec de celle du reste de l'Amérique du Nord.

Nous avons reçu des chiffres, la semaine dernière, du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui sont

étonnants à cet égard. Cela a une répercussion sur la production manufacturière et sur la consommation. Mais ce seront des discussions internes, si vous le permettez. Les nouvelles commissions tolèrent encore les caucus sectoriels.

M. Rivest: Ne nous mêlez pas à cela, s'il vous plaît!

Le Président (M. Vaugeois): Messieurs de l'Opposition.

M. Marx: Je crois que, parmi les députés ministériels, les ministres sont plus forts que les simples députés, parce qu'ils n'ont pas demandé à tous les membres du caucus leur point de vue sur ce sujet.

Le Président (M. Vaugeois): Voulez-vous recommencer? Ce que vous avez dit n'est pas clair.

M. Marx: J'aimerais remercier Me Elbaz pour son mémoire. C'est une idée intéressante, quoique la différence entre le Québec, le Maroc et la Suisse, c'est qu'au Maroc et en Suisse les petits commerçants ont un lobby beaucoup plus fort qu'au Québec. Cela vient de cela. Ici, comme le ministre l'a dit, nous sommes dans un système de libre entreprise. Notre formation prétend toujours qu'on a une réglementation trop grande de l'entreprise privée au Québec. Ce que vous proposez, en fait, c'est une autre réglementation, une autre forme de réglementation, quoiqu'on l'inclurera dans le Code civil.

Je vais jouer le rôle d'avocat de l'Opposition, ce que je trouve fort intéressant à faire de temps à autre. Où est-ce que cela va arrêter? On va protéger le commerçant contre son locateur. Pourquoi ne pas le protéger contre son fournisseur? Quelle est la différence? Supposons qu'il ait un fournisseur qui lui fournit les meubles de la marque X; un jour, il décide de ne plus faire affaires avec ce commerçant, mais avec son concurrent, qui a un magasin à côté. Est-ce qu'il faut le protéger contre son fournisseur également? Je ne vois pas, sur le plan conceptuel, vraiment la différence entre le locateur du petit commerçant et son fournisseur.

M. Elbaz: Vous ne la voyez peut-être pas, mais certains juges la voient. Il y a un courant jurisprudentiel que vous avez certainement remarqué qui fait que les juges commencent à se trouver un peu trop étriqués par l'application stricte des contrats et, de plus en plus, ils essaient de trouver des échappatoires à cela. On a protégé le commerçant contre son fournisseur, cela se trouve dans le Code civil. Il a des droits; s'il n'est pas satisfait de la marchandise qui a été vendue, il a le droit de se plaindre, etc. Or, il y a un aspect particulier qui constitue une valeur réelle dans son actif, qui n'est absolument pas dans la loi et qui lui coûte très cher s'il doit quitter. Il n'a probablement pas les mêmes fonds pour aller s'installer en face. Je vais citer encore la rue Sainte-Catherine. Vous remarquerez qu'il y a une sorte de déplacement en zigzag des commerçants qui vont à droite, à gauche et tout le monde y perd parce que, là où il y avait un magasin de disques, on trouve maintenant une arcade, là où il y avait un magasin de livres, cela devient une pharmacie. Enfin, il y a une notion même commerciale d'enrichissement collectif qui n'existe plus.

M. Marx: Je ne vois pas la différence entre les contrats parce qu'un bail, c'est un contrat comme il peut en avoir un avec son fournisseur. Peut-être qu'on a des arcades à la place des bijouteries et ainsi de suite, parce que les gens veulent avoir plus d'arcades et moins de bijouteries. C'est cela la libre entreprise et le libre choix. Je ne suis pas contre l'idée a priori, mais si on commence à réglementer les baux des commerçants, où est-ce que ça va s'arrêter? Quel est vraiment l'intérêt du législateur d'intervenir dans ce domaine? C'est pour protéger le petit commerçant. Pourquoi protéger le petit commerçant seulement dans ce domaine? Il y a d'autres domaines aussi. On peut le protéger au point que, même s'il est incompétent, il ne perdra pas d'argent. S'il loue un magasin, il peut se protéger dans son bail ou il peut chercher à se protéger dans son bail. Il peut prendre un bail de dix ans, quinze ans, un bail renouvelable, etc.

M. Elbaz: Et après les quinze ans?

M. Marx: Pardon? Ce sera après les quinze ans. Il n'y a rien qui soit pour toujours. C'est l'aspect de la réglementation dans tout cela qui...

M. Elbaz: Oui, mais plus loin que l'aspect de la réglementation, il y a l'aspect des droits de la personne, des droits du commerçant qui veut survivre. Or là, vous le mettez dans une boîte en disant: S'il n'a pas su prévoir, il y a quinze ans, qu'il devait partir, il devrait payer un bail augmenté de 500%, tant pis pour lui. Je pense que c'est un peu dur, quand même.

M. Marx: Oui. Mais, comment dirais-je, c'est ça le jeu de la libre entreprise. C'est "dog-est-dog". Si on changeait cela pour protéger tout le monde partout, ce ne serait pas le même système que l'on a aujourd'hui, quoiqu'on puisse faire des ajustements ici et là. Comme le ministre vient de le dire, il va demander aux experts de son ministère, pour

ne pas dire les fonctionnaires de son ministère - parce qu'ils sont vraiment des experts - de faire une étude sur cette question, parce que je pense que, si on fait des modifications, ce sera au chapitre des obligations. La question va revenir sur le tapis et, si elle ne revient pas, par la volonté du ministre, je vous promets de soulever cette question en temps et lieu dans le cadre de l'étude des obligations.

M. Johnson (Anjou): C'est sur la table présentement.

M. Marx: Oui.

Une voix: Oui, mais c'est l'Opposition qui l'a mise sur la table.

M. Marx: Non, mais je veux dire que...

Le Président (M. Vaugeois): L'Opposition est, dans ce cas, plus faible que...

M. Marx: Non, mais j'espère au temps... La journée où nous allons étudier les obligations, c'est certain que nous serons de l'autre côté de la table.

Le Président (M. Vaugeois): Bien, M. de Bellefeuille a aussi des questions.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais signaler au député de D'Arcy McGee que cette absence d'intervention de l'État par voie législative, réglementaire ou administrative pour aider les petits commerçants n'existe peut-être pas ou n'est peut-être pas aussi totale qu'il le dit parce que, si on examine l'ensemble de nos lois, de nos règlements et de nos dispositions administratives, je pense qu'on va découvrir un certain nombre de choses qui sont là précisément pour chercher à protéger le petit commerçant. Ce n'est peut-être pas toujours dit aussi clairement que cela, mais l'intention est là. Donc, je pense qu'on pourrait trouver des précédents, s'il fallait en trouver, pour justifier de nouvelles interventions.

Je voulais surtout chercher à tirer une chose au clair quant aux intentions de M. Elbaz. Est-ce que vous avez à l'idée, M. Elbaz, des ajouts au Code civil ou si vous avez plutôt à l'idée des interventions législatives en dehors du Code civil?

M. Elbaz: Non, cela devrait, à mon avis, se faire à l'intérieur du Code civil, dans le cadre du droit sur le louage de choses, des baux commerciaux, aux articles 1600 et suivants, et non pas strictement par règlement parce que l'on connaît les problèmes que cela peut causer.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, on vous remercie, M. Elbaz. Pour rassurer tout le monde, non pas vous, je vous dirai que le problème que vous soulevez est peut-être réglé un peu au Maroc, mais il y a plusieurs pays européens qui le vivent. Je terminerai sur une anecdote. C'est dans mes privilèges de président, je pense. En France...

M. de Bellefeuille: On est en train de l'expérimenter.

M. Marx: Le président s'arroge pas mal de privilèges.

Le Président (M. Vaugeois): En France...

M. de Bellefeuille: II en profite pour créer des précédents.

Le Président (M. Vaugeois): Absolument.

M. de Bellefeuille: Je vous en prie, M. le Président.

M. Johnson (Anjou): II y a une interdiction de fumer alors qu'il y a des cendriers.

Une voix: C'est à corriger.

Le Président (M. Vaugeois): Les commerçants français craignaient l'arrivée des rues piétonnes. Dans certains cas, ils s'opposaient à ce que la municipalité décide d'aménager une rue piétonne. Finalement, la municipalité avait raison et installait sa rue piétonne et là le commerce devenait florissant. En l'espace de deux ou trois ans, les propriétaires de la rue changeaient. Vous savez à peu près ce qui arrivait, c'est que, deux ou trois ans après, les commerçants avaient changé aussi, parce que le succès était tel que les propriétaires avaient pu avoir des exigences qui chassaient ceux qui avaient craint la transformation de la rue. Cela démontre au moins que nous ne sommes pas en retard sur tout le monde quant à ce problème. Mais, je considère que, petit commerçant peut-être par atavisme, vous n'avez pas soulevé un faux problème et qu'il restera à y réfléchir. Le ministre a pris note de vos observations. On vous remercie beaucoup.

M. Elbaz: Merci, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Vaugeois): La séance est suspendue jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 17 h 28) (Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre!

Je vais demander au secrétaire de mettre de l'ordre dans tout cela.

Le Secrétaire: Voici l'ordre du jour: à 20 heures l'Association québécoise de planification fiscale et successorale; à 21 heures, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec Inc.; à 22 heures, l'Association des banquiers canadiens comité du Québec.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que je peux vous demander combien de temps vous souhaitez avoir pour présenter votre mémoire?

M. Rainville (François): Nous avons prévu 45 minutes partagées en 4 périodes d'environ 10 minutes.

Le Président (M. Vaugeois): Parce que vous parlez chacun à votre tour.

M. Rainville: C'est cela, étant donné l'étendue du projet.

Le Président (M. Vaugeois): On vous laisse procéder. Au total vous nous dites que vous pensez prendre 45 minutes.

M. Rainville: Approximativement.

Le Président (M. Vaugeois): Nous aurons à nous discipliner chacun de notre côté et on va vous écouter.

Association québécoise de planification fiscale et successorale

M. Rainville: Vous me permettrez tout d'abord de présenter mes collègues de l'Association québécoise de planification fiscale et successorale. À mon extrême droite, Me Maurice Roy; à ma droite immédiate, Me Luc Martel; à mon extrême gauche, Me Viateur Chénard et Me Denis Lacroix à ma gauche immédiate. Je suis François Rainville, notaire, président du conseil d'administration.

Le Président (M. Vaugeois): Originaire de la Mauricie.

M. Rainville: Exactement. On exporte les bons produits.

M. le Président, vous me permettrez peut-être avant d'amorcer la discussion un court rappel de notre historique, si court soit-il. Notre association est unique en son genre, en ce sens qu'elle regroupe avocats, notaires, comptables, assureurs-vie dans un but de planification fiscale et successorale. Aujourd'hui, notre association compte 1700 membres. Le comité de législation, qui a pondu le rapport qui vous sera soumis, existe depuis environ deux ans et tout cela est basé sur du bénévolat le plus absolu. Je pense qu'il était de notre devoir, considérant le sujet, de venir vous présenter nos propres considérations.

Je demanderais, sans d'autre préambule, à Me Viateur Chénard de nous présenter la première partie qui traitera de la distribution des biens et de leur appropriation de même que des modalités de la propriété.

M. Chénard (Viateur): Le premier point est la terminologie employée dans le nouveau code. Il existe une confusion dans les termes entre les choses qui sont l'objet des droits et les droits eux-mêmes. Par exemple, on peut être propriétaire, locataire, usufruitier d'une résidence; on peut avoir une servitude, on peut avoir différentes sortes de droits. Alors, ce qui est dans notre patrimoine comme individu ce n'est donc pas les choses physiques elles-mêmes, mais uniquement des droits sur celles-ci. Dans le projet de code, la confusion apparaît un peu partout. Cela peut avoir des conséquences malheureuses, lorsque, par exemple, on veut faire des transactions complexes, il est utile d'avoir une précision et une constance dans les termes employés dans le code, mais également sur le plan fiscal, sur l'usufruit qui porterait sur un immeuble, les autorités fiscales nous disent que ce n'est pas un bien amortisseur parce que ce n'est pas un immeuble. Mais dans le fond, il n'y a pas vraiment de différence entre un usufruit sur un immeuble et le droit de propriété sur un immeuble; c'est tous les deux un droit réel qui porte sur une chose physique qui est un immeuble. Alors, dans le moment, il n'y a personne qui peut prendre l'amortissement parce qu'il n'y a plus de véritable propriétaire, il y a quelqu'un qui détient l'usufruit, et puis quelqu'un qu'on appelle le propriétaire qui détient le reste. Dans le fond, c'est juste une distinction, c'est une confusion qu'il y a dans les termes. Un usufruit, c'est un immeuble autant que le droit de propriété qui porte sur un immeuble. Dans le projet de loi, un peu partout, la confusion revient à multiples reprises, on parle de biens corporels, alors qu'en fait les seuls biens qu'on détient ce sont les droits. Donc, c'est nécessairement incorporel, cela peut être un droit sur une personne de recevoir de l'argent, cela peut être un droit de propriété, cela peut être les différents démembrements du droit de propriété, mais fondamentalement, on a uniquement des droits, on a jamais des choses dans le patrimoine. Sur le plan théorique, l'exemple de l'usufruit nous montre que cela peut amener des difficultés d'interprétation. Le rapport du Barreau, demain, dans ses commentaires, apportera les corrections appropriées dans tous les articles, là où il y avait la confusion entre un bien et une

chose.

Le deuxième point, c'est l'article 948 qui parle des immeubles par destination. Le premier alinéa correspond grosso modo au droit actuel à savoir que, comme dans un hôtel, les ustensiles, les biens meubles qui sont placés sur l'immeuble pour servir à son exploitation économique sont les immeubles par destination. Maintenant, dans le projet, il y a un deuxième alinéa qui nous dit que la seule affectation des meubles à exploitation économique ne fait pas présumer du caractère immobilier, qu'il faut avoir un acte qui déclare cette destination. Le problème est que nous ne savons pas quel acte, qui peut faire cet acte; est-ce qu'il va être enregistrable? Qui peut le modifier? Qui peut le radier? Je pense que cela introduit... En tout cas, il faudrait peut-être préciser ce que l'on veut dire, mais tel que c'est rédigé, cela met plus de confusion qu'autre chose. Cela limite singulièrement les droits des créanciers hypothécaires qui ont les sûretés réelles.

Le troisième point porte les articles 953 et 956 qui distinguent ce qui est du capital et ce qui est du revenu. Il y a peut-être deux secteurs qui n'ont pas été couverts. Ce sont les droits de propriété intellectuelle et industrielle et les redevances. Comme vous le voyez à la page 6 de notre rapport, peut-être qu'on pourrait s'inspirer de l'article 90 du Code civil du Québec qui est le nouveau code en matière matrimoniale qui nous dit que les droits de propriété intellectuelle et industrielle constituent du capital et les sommes qui en proviennent sont du revenu en autant que cela ne provient pas d'une aliénation du droit fondamental, comme le droit d'auteur ou le droit sur un brevet, quelque chose comme cela.

Enfin, il y a des redevances qui sont payables sur l'usage d'un bien qu'il puise comme une mine, etc. La section en question ne se prononce pas là-dessus. Ce serait utile que le législateur le fasse dans un sens ou dans un autre.

Un peu plus loin, on parle également des dividendes en actions. On présume que ceux-ci sont du capital. En fait, normalement, un dividende, c'est un revenu. Parfois, cela peut être également du capital comme un dividende de liquidation. Je ne pense pas qu'il soit utile ou souhaitable que le législateur impose une règle fixe. On peut peut-être laisser l'évaluation de la nature capital ou revenu à l'interprétation selon les faits. Est-ce une distribution des actifs de la compagnie ou si c'est une distribution de revenus?

Ensuite, un peu plus loin, sur la partie de l'indivision - l'article 1053 - d'une part, c'est certainement une bonne chose que l'on permette le report du partage, donc, qu'on permette l'indivision pour une période de 30 ans dans un immeuble et cinq ans sur les meubles. Seulement, ce n'est pas clair. Après cela, on mentionne que c'est possible de le faire en autant qu'une convention d'indivision est enregistrée sur l'immeuble et on se demande quelles sont les dispositions de la convention qui seront imposables aux autres. On aura seulement cette convention. Si c'est une propriété importante, par exemple, il n'y aura pas de droit de préemption avec les délais qui sont stipulés dans le code où on parle d'un mois. C'est impossible de trouver un acquéreur ou un financement dans un délai d'un mois.

L'administration d'une propriété. Généralement, les gens vont mettre dans leur convention différentes dispositions. Ils vont peut-être créer un comité de gérance. Ils vont parler d'un droit de premier refus. Ils vont parler de clause d'achat et de vente obligatoire, etc. Il serait peut-être préférable simplement que le code dise qu'une convention en indivision, pour autant qu'elle concerne les modalités de détention et d'administration de l'immeuble, est opposable au tiers et aux parties pour autant qu'elle soit enregistrée. En somme, que l'opposabilité de cette convention ne se limite pas uniquement à la période d'indivision.

Un autre point sur le même sujet. On confirme à l'article 1054 qu'un indivisaire peut hypothéquer son droit de propriété qui ne porte que sur une fraction indivise. Pour le créancier qui va aller prêter de l'argent sur cette garantie, cela lui prend des certitudes de stabilité. Si la convention d'indivision et si toutes ses modalités, qui vont traiter de la gérance, de la vente du pouvoir d'hypothéquer, etc., sont opposables, il va savoir très exactement quelles sont les règles du jeu. C'est peut-être une raison additionnelle pour que toutes les dispositions de la convention d'indivision soient opposables. Ainsi, si je veux financer une part indivise d'un immeuble, le créancier va savoir à quoi s'attendre. Qu'est-ce qu'il finance? Qu'arrivera-t-il si je fais défaut de payer le prêt?

En ce qui concerne le droit de préemption, cela devrait être de droit supplétif et non pas obligatoire. Parce que, selon la nature du bien et selon la nature de l'immeuble, les gens vont mettre dans leur contrat ce qui paraît opportun. Le délai, en particulier, est vraiment soit trop court ou trop long, selon le genre d'immeuble dont on parle.

Encore une fois, si les dispositions de la convention d'indivision étaient opposables à tous, tout le monde pourrait savoir ce qu'il en est. Si on le mentionne dans la convention, cela se passera de telle et telle façon. Personne n'est lésé. On connaît les règles du jeu. Si les gens ont décidé de ne pas l'inscrire, cela pourrait être les règles supplétives qui apparaissent dans votre

projet.

Même chose, lorsqu'un indivisaire veut mettre fin à l'indivision, en vertu de l'article 1066. Il peut y avoir une attribution soit en nature, soit en argent numéraire de la part de l'indivisaire dissident. Encore une fois, si la convention d'indivision devenait opposable à tous, cela pourrait régler le problème selon la façon que les gens ont jugée la plus pratique. À ce moment-là, on appliquerait d'abord ce qu'il y a dans la convention d'indivision pour se débarrasser de quelqu'un qui veut s'en aller. S'il n'y a rien, on pourrait recourir aux dispositions du code.

Dans la section des condominiums, il y a, à l'article 1073, une disposition qui interdit d'évaluer la quote-part des charges communes en fonction de la destination de l'utilisation qui est faite d'une fraction. Il y a des immeubles dans lesquels il y a des établissements commerciaux, des unités qui sont réservées à l'usage commercial, d'autres à l'usage résidentiel. Les coûts entraînés ne sont pas les mêmes: frais de garde, surveillance, usage des espaces communs, chauffage, sécurité, assurances, etc. Il n'est donc peut-être pas normal qu'il y ait un même traitement pour la personne qui détient une unité résidentielle et celle qui détient une unité à vocation commerciale. Il y a des établissements qui ont une circulation beaucoup plus élevée, donc, il y a plus de frais. Peut-être que le code pourrait reconnaître que, selon la destination ou la vocation de l'unité, il peut y avoir une évaluation différente.

Le Président (M. Vaugeois): À quel article vous êtes-vous référé?

M. Chénard: L'article 1073. Si vous regardez un peu plus loin, à l'article 1099, on donne le droit au propriétaire d'une unité de faire réviser sa quote-part s'il apparaît que cela n'a pas été fait selon l'article 1073.

Ensuite, je passerai à la copropriété en temps partagé, aux articles 1090 et 1128. On semble permettre, sans donner beaucoup de détails, ce qu'on appelle en anglais le "time sharing". Le problème que cela pose, c'est que dans notre droit civil, ça peut être bien des choses, mais ce n'est pas clair. Le consommateur qui va aller acheter une unité temporaire, lui, va faire confiance aux gens, va signer sans trop savoir ce qu'il achète. Mais est-ce qu'il aura un simple droit personnel? Est-ce qu'il aura un usufruit temporaire? Cela ne répond pas vraiment.

Plutôt que d'ouvrir la porte, ou vous l'interdisez, pour éviter les abus, ou encore vous créez un cadre clair dans lequel les droits des gens sont bien établis et on permet de le faire. Dans le moment, on ouvre la porte à quelque chose qui peut entraîner des tas d'abus, vraiment, et celui qui va payer, c'est le type ordinaire qui va investir son argent là-dedans. Sur le plan fiscal également, étant donné que ce ne sera pas clair sur le plan civil, ce sera un paquet de problèmes à interpréter aussi.

Un autre point de détail. Lorsque le promoteur fait une reddition de compte, à l'article 1134, on mentionne qu'un comptable va préparer les états financiers, mais on ne précise pas la nature de son mandat. Forcément, le rapport préparé par le comptable sera utilisé, la crédibilité du comptable sera utilisée pour dire: Bon, ce sont bien les chiffres. Mais si celui-ci n'a pas le mandat de faire des états financiers vérifiés, il ne peut pas vraiment se permettre d'aller voir toutes et chacune des pièces pour donner une opinion complète. Peut-être que ce serait utile de préciser.

Peut-être un point final sur la question des condominiums. Quant à la protection de l'acheteur, on laisse sous-entendre à un moment donné la possibilité qu'il y ait un prospectus. Il serait peut-être utile d'aller plus loin de ce côté. Il y a des problèmes comme la protection du dépôt de l'acheteur. On achète sur plan, on met 5000 $, 10 000 $ et parfois j'ai vu 100 000 $ comptant sur une unité qui n'est pas construite, et je n'ai aucun droit de propriété. C'est déposé entre les mains du notaire ou, directement, du promoteur. Pour une raison quelconque, la propriété n'est pas terminée, il y a des privilèges, etc. Le prêteur dit: Je ne suis pas payé, donc je reprends l'immeuble. Il perd son dépôt et il ne peut pas faire grand-chose. Il y a différentes situations comme cela. Peut-être que cela doit aller dans une autre loi, je ne le sais pas, mais on ne donne pas vraiment de protection à l'acheteur. On mentionne un prospectus sans dire vraiment ce qu'il en est. Ma partie est complétée, je vous remercie.

M. Rainville: Me Luc Martel.

M. Martel (Luc): J'aurais simplement sept remarques à faire sur la partie de l'usufruit. Ma première remarque parlerait de l'article 1151. Dans cet article, on semble apporter une nouvelle notion, un usufruit successif. Si on relie le premier alinéa de l'article au second alinéa qui dit que les bénéficiaires doivent exister lors de l'ouverture de l'usufruit en leur faveur, on craint que le nouvel article 1151 puisse être interprété comme créant un nouvel animal civil qui serait un mélange de substitution et d'usufruit. Plus particulièrement, si on peut interpréter le second alinéa de l'article 1151 comme voulant dire que l'usufruit s'ouvre en faveur d'un bénéficiaire subséquent au moment de l'extinction de l'usufruit du bénéficiaire précédent, on tombe vraiment dans ce qui était plutôt de nature de la substitution. Il se pourrait que quelqu'un qui pensait créer un usufruit tout à coup en

prévoyant une succession d'usufruitiers, arrive à créer quelque chose qui se rapprocherait plutôt de la substitution. Cela peut créer des conséquences importantes au niveau de droits successoraux - ce n'est pas du tout le même traitement - et au niveau de l'impôt sur le revenu également. Il y aurait peut-être lieu de préciser si ces articles pourraient permettre effectivement de créer une espèce d'usufruit successif. Plusieurs usufruitiers qui se suivraient. De la même façon, si plusieurs usufruitiers peuvent se suivre, il y aurait peut-être aussi plusieurs nus-propriétaires qui pourraient se suivre parce que la durée de l'usufruit pourrait être assez longue. Il y aurait peut-être lieu de préciser, dans la rédaction de l'article 1151, qu'il n'y ait pas de double interprétation au niveau de la création d'une nouvelle institution.

Ma seconde remarque est relative à l'article 1163 où l'on parle encore de la nue-propriété indivise. L'article 1163 traite des droits respectifs du nu-propriétaire et de l'usufruitier d'un bien indivis quant à l'acquisition d'une quote-part de l'usufruit ou d'une quote-part de la nue-propriété. C'est comme une espèce de droit de premier refus qu'on accorde entre les nus-propriétaires pour une quote-part de nue-propriété et la même chose pour un usufruit entre tous les usufruitiers. L'article utilise les mots "acquisition" et "acquérir". On ne semble pas faire la distinction entre une acquisition entre vifs ou à cause de mort, une acquisition à titre gratuit ou à titre onéreux. Est-ce que cela voudrait dire, s'il s'agissait d'une acquisition à titre gratuit, que quelqu'un ne pourrait pas donner son usufruit à un nu-propriétaire sans que ce soit d'abord offert aux autres usufruitiers? Alors, on s'interroge s'il ne s'agirait pas là d'une contrainte à la liberté de tester ou à la liberté de donner qui existait jusqu'à preuve du contraire. De la même façon, pour ce qui serait d'une acquisition à titre onéreux, il n'est pas évident que la solution qu'on propose soit préférable à celle qui serait obtenue si l'article n'existait pas. A ce moment-là, on suggérerait l'abolition pure et simple de l'article 1163. Si, toutefois, on devait le maintenir, peut-être qu'il devrait être indiqué que cela s'appliquerait uniquement aux acquisitions faites à titre onéreux et de façon supplétive seulement. (20 h 30)

Une autre remarque, c'est au sujet de l'article 1170 où l'on permet au constituant de l'usufruit de dispenser l'usufruitier de faire inventaire. Par contre, il ne pourrait pas en être de même s'il s'agissait d'un usufruit successif. On se demande pourquoi le constituant ne pourrait pas faire en sorte que, même dans un usufruit successif, il puisse dispenser l'usufruitier de l'inventaire. Est-ce que ce n'est pas le constituant qui est la personne la plus indiquée pour déterminer si un inventaire devrait ou non être dressé? On suggérerait d'éliminer le deuxième alinéa de l'article 1170.

L'article 1174 dit que l'usufruitier est privé des revenus pendant la période où l'inventaire des biens n'a pas été dressé lorsqu'il a l'obligation de dresser l'inventaire. On se demande si ce n'est pas un article un peu excessif par rapport au droit actuel. Ce qui se produit, c'est qu'à défaut de faire inventaire, les revenus sont tout simplement mis sous séquestre en attendant que l'usufruitier remplisse son obligation. Également, on pourrait se demander si ce n'est pas l'usufruitier qui a droit à ces revenus, c'est qui? Est-ce que cela va être le nu-propriétaire? Est-ce que ce serait, par exemple, un autre usufruitier s'il y avait un usufruit successif? Cela ouvre la porte à des questions. On pourrait peut-être tout simplement s'en tenir au droit actuel et mentionner que tant et aussi longtemps que l'usufruitier ne respecte pas son obligation, les revenus seront sous séquestre. Il pourra les toucher lorsqu'il aura respecté son obligation de faire inventaire.

Une remarque au sujet de la section de la répartition des dettes et charges qui touche les articles 1182 à 1189. Dans cette disposition, on ne trouve rien qui parle de la répartition des dépenses, des articles, par exemple, semblables à 1375 et 1376 qu'on va voir plus loin dans l'administration du bien d'autrui. Pour fins d'uniformisation du Code civil, il paraissait préférable que des règles de répartition, s'il pouvait y en avoir quelque part, on fasse en sorte qu'elles s'appliquent à toutes les situations où un bénéficiaire de fruit et revenu est une personne distincte d'un bénéficiaire de capital pour ne pas que dans chaque section il y ait des règles différentes de répartition des dépenses. D'ailleurs, en usufruit, c'est quand même utile qu'on précise quelque part, cela a toujours été un grand débat au niveau des droits successoraux qui de l'usufruitier et du nu-propriétaire est responsable des droits successoraux. Le débat est toujours ouvert. Une remarque relative à l'article 1198 qui stipule que l'usufruitier peut exiger la conversion de son droit en rentes viagères s'il éprouve des difficultés à remplir ses obligations. On se demande pourquoi ce serait une rente viagère, par exemple, dans le cas où c'est un usufruit de cinq ans. On devrait plutôt avoir, en fait, une rente qui pourrait correspondre à la durée de l'usufruit. C'est la suggestion qu'on mentionnait dans notre rapport.

Une dernière remarque relativement au droit d'usage à l'article 1199 où on stipule que l'usage, c'est le droit de se servir temporairement du bien d'autrui, d'en percevoir les fruits et revenus. On semble avoir éliminé la notion de droit d'habitation qui existait avant dans le chapitre de l'usage

et de l'habitation. Évidemment, c'est un peu une redondance parce que déjà l'usage se trouvait être l'usage d'un bien immobilier qui était déjà inclus, mais le terme droit d'habitation, c'est une expression qui était un peu idéale pour exprimer, justement, la volonté d'accorder un usage sur un immeuble d'habitation. C'est également un terme imagé que tous les gens comprennent, surtout tous les testateurs qui viennent nous voir, le droit d'habitation, tout de suite, ça sonne une cloche. Un droit d'usage, là il faut apporter des précisions. C'est l'usage de quoi? On suggérerait peut-être de remettre le terme droit d'habitation dans le chapitre droit d'usage. Cela conclut mes remarques sur l'usufruit.

Une voix: Me Denis Lacroix.

M. Lacroix (Denis): Concernant l'em-phytéose, le premier commentaire qu'on désire faire concerne l'utilisation du mot "redevance" dans les dispositions. On sait qu'en vertu du droit antérieur, il fallait absolument qu'une redevance emphytéotique soit payable au bailleur. Le projet de loi ne reprend pas cette exigence, mais il maintient quand même la possibilité et régit, en quelque sorte, la possibilité qu'une redevance puisse être payée au bailleur emphytéotique. À cet égard, on a un commentaire à faire à savoir que, selon la doctrine en vertu du droit actuel, il est clair que tous les montants qui sont payés à un bailleur emphytéotique le sont à titre de prix de cession du droit qui est cédé au preneur emphytéotique. C'est le droit de propriété complet qui est cédé au preneur emphytéotique, de sorte qu'on ne peut pas parler dans ces cas de montants qui sont payés à titre de revenus au bailleur emphytéotique. Il s'agit plutôt d'un prix de cession, d'une somme de capital qui est payée au bailleur emphytéotique. À ce moment-là, on trouve que l'utilisation du mot "redevance" pourrait prêter à confusion et on voit immédiatement les conséquences que cela pourrait avoir au niveau fiscal étant donné que l'institution d'emphytéose, au départ, peut constituer certains problèmes fiscaux. Pour sécuriser l'aspect capital des paiements qui pourraient être faits au bailleur emphytéotique, on propose que le mot "redevance" soit modifié par les mots "prix de cession".

Le deuxième commentaire à propos de l'emphytéose concerne la règle de l'article 1235 à savoir qu'à la fin de l'emphytéose, le propriétaire reprend l'immeuble libre de tout droit et charge à la fin du contrat. C'est la règle générale. Il y a une exception et elle est importante: lorsque la fin de l'emphytéose résulte de la résiliation du contrat, le bailleur emphytéotique peut demander la résiliation du contrat si la redevance n'a pas été payée pour une période de trois ans. C'est une exception qui est de taille parce que si la redevance n'est pas payée au bailleur emphytéotique, celui-ci n'a qu'un seul recours, c'est de demander la résiliation du contrat. S'il demande la résiliation du contrat, il va retrouver un immeuble susceptible d'être grevé d'hypothèques, de privilèges ouvriers, ou de construction en général, et de toutes charges qu'aura pu consentir le preneur emphytéotique. Ces charges vont demeurer aussi longtemps que l'emphytéose ne prendra pas fin selon le terme initial de l'emphytéose. Donc, à toutes fins utiles, on vient annuler le recours ou enlever tout effet pratique que pourrait avoir le recours du bailleur emphytéotique dans ces circonstances, parce qu'il va reprendre un immeuble qui n'a à peu près aucune équité. On pense que c'est particulièrement pénible pour le bailleur emphytéotique comme situation et on propose que l'exception relative à la mise à terme de l'emphytéose, en raison de la résiliation, soit simplement enlevée et que la règle générale soit applicable dans tous les cas.

Concernant le chapitre relatif à la restriction à la libre disposition de certains biens plus particulièrement, au départ, on a fait dans le rapport certaines remarques générales concernant la substitution. Actuellement, on sait que la substitution est une institution qui est dans notre droit depuis fort longtemps. On constate que, depuis un certain nombre d'années, la substitution n'est presque pas utilisée. Lorsqu'on retrouve la substitution, c'est très rarement parce que les justiciables ou parce que des planificateurs ont désiré utiliser la substitution. On retrouve plutôt cette institution en tant qu'erreur commise par des planificateurs qui n'avaient peut-être pas nécessairement l'intention de créer une substitution. Ils avaient peut-être l'intention de créer plutôt un usufruit, ou un autre mécanisme juridique.

Par ailleurs, on se rend compte que la fiducie est un mécanisme qui est de plus en plus utilisé. Les gens connaissent davantage les règles applicables à la fiducie qui est un mécanisme qui demeure quand même plus souple que peut l'être la substitution. À cet égard, on se demandait à l'AQPFS, si seulement les objectifs visés par des justiciables sont pris en considération s'il n'avait pas été possible, dans une certaine mesure, de regrouper au sein du droit des fiducies, les règles relatives aux substitutions, dans le sens qu'il y aurait techniquement disparition des substitutions mais que la situation visée à cet égard serait prise en charge par le droit des fiducies. À ce moment-là, il y a un grand nombre des dispositions applications aux fiducies qui pourraient très bien s'appliquer

aux situations qui sont visées en matière de substitution, c'est-à-dire aux intentions visées, aux objectifs visés par les justiciables qui emploient ces mécanismes.

Notre commentaire est à cet effet. C'est un commentaire qui est presque formulé sous forme de question. Est-ce qu'il ne serait pas possible d'intégrer le droit des substitutions ou les objectifs visés par la substitution au sein du droit applicable aux fiducies, quitte à faire quelques amendements mineurs afin de prévoir les situations qui ne seraient peut-être visées par les dispositions applicables aux fiducies.

Le prochain commentaire concerne l'article 1256 qui prévoit que: "Avant l'ouverture, - de la substitution - le grevé est propriétaire des biens substitués; ces biens forment, au sein de son patrimoine personnel, un patrimoine distinct destiné à l'appelé."

Il nous semble qu'il existe une certaine contradiction. On a constaté une certaine incompréhension à l'AQPFS face à ces dispositions. D'une part, on dit que le grevé est propriétaire des biens substitués. S'il en est propriétaire, c'est donc que ça fait partie de son patrimoine propre. D'autre part, on ajoute que ces biens forment, au sein de son patrimoine personnel, un patrimoine distinct. On a énormément de difficulté à percevoir qu'il puisse y avoir un patrimoine distinct au sein du patrimoine personnel. On voit mal l'effet de cette règle et comment elle doit être comprise en tant que telle. On suggère donc que cet article soit reformulé de façon à faire disparaître cette contradiction.

Concernant l'article 1262 qui prévoit que dans tous les cas, les droits de l'acquéreur, du créancier ou du locataire ne sont pas affectés par les droits de l'appelé à l'ouverture de la substitution, mon commentaire, à cet égard, se limite à dire que, dans la mesure où la substitution doit être conservée dans notre droit, c'est une mesure qui est vraiment de nature à moderniser le droit relatif à la substitution sur la question.

Concernant la fiducie, dans le chapitre concernant certains patrimoines d'affectation, mon premier commentaire porte sur la distinction entre les espèces de fiducie. Il y a désormais trois types de fiducie qui sont créés. On ne doute pas de la nécessité d'avoir à créer différents types de fiducie. On pense que c'est nécessaire, parce que les fiducies sont utilisées à diverses fins qui parfois n'ont rien à voir les unes avec les autres. Donc il est important qu'on pense avoir des règles spécifiques applicables à certains types de fiducie en particulier. Là où on a certaines appréhensions, c'est qu'il va peut-être devenir extrêmement difficile de déterminer à quel type de fiducie on peut avoir affaire dans certains cas particuliers.

Si on se replace dans un contexte pratique où une fiducie a déjà été créée - par exemple, on a à régler une succession, il y a une fiducie qui est crée par un testament, on a à déterminer de quel type de fiducie il s'agit - en vertu des règles qui existent actuellement, il nous semble qu'il pourrait être extrêmement difficile de déterminer s'il s'agit d'une fiducie d'utilité privée ou d'une fiducie personnelle. Il me semble que les règles ne sont pas faciles, ne nous aident pas tellement à trancher de quel genre de fiducie il s'agit dans ces cas-là.

En conséquence, on recommanderait que soient précisés les éléments permettant de distinguer la fiducie personnelle et la fiducie d'utilité privée. Par exemple, est-ce que le mode de constitution de la fiducie doit être déterminant? Certaines fiducies peuvent être créées à titre gratuit seulement; d'autres fiducies peuvent être créées à titre onéreux. Donc, est-ce que le mode de création sera déterminant ou, à l'inverse, est-ce que les tribunaux vont pouvoir venir dire qu'une fiducie n'est pas valablement créée parce qu'on détermine que c'est une fiducie personnelle et qu'elle n'a pas été créée à titre gratuit? C'est le problème qu'on désirait soulever à cet égard. (20 h 45)

Ensuite, concernant le premier alinéa de l'article 1298, qui exige que la fiducie personnelle soit constituée à titre gratuit, actuellement, la grande majorité des fiducies qui sont créées le sont, probablement, comme mécanisme utilisé dans les planifications fiscales. C'est un mécanisme souple qui est largement utilisé.

Le droit actuel nous oblige à recourir à des procédés qui pourraient, sans doute, être jugés inutiles, en ce sens que le droit actuel exige, pour pouvoir créer une fiducie, qu'elle le soit par testament ou par donation. Lorsque l'on parle de fiducie entre vifs, évidemment, on réfère à des donations. Par contre, simplement pour créer une fiducie, en pratique, le justiciable va simplement faire un don d'une somme nominale de 100 $, par exemple, simplement pour que, légalement, la fiducie soit créée. Si ce n'était pas de cette règle qui existe dans le Code civil, il est clair que le justiciable n'aurait pas, dans ces cas, fait un don de 100 $, qui est inutile en tant que tel; il sert simplement à créer la fiducie parce que le Code civil l'exige, actuellement.

Or, le projet de loi reprend cette règle à l'égard des fiducies personnelles, en précisant que ces fiducies ne peuvent être créées que par donation ou par testament. On pense que, pour se conformer à la pratique actuelle du droit, cette exigence est peut-être superflue, ne correspond pas à la pratique, en fait.

Concernant la détermination du bénéficiaire de la fiducie personnelle, c'est-

à-dire la règle énoncée au deuxième alinéa de l'article 1298, en ce sens qu'il est suffisant, pour que la fiducie soit valable, que les bénéficiaires soient déterminables en raison de son appartenance à un groupe de personnes liées entre elles par la parenté ou l'alliance, ce que l'on pense, c'est qu'il serait suffisant, pour la sécurité juridique des parties en cause, que le bénéficiaire soit déterminable au moment opportun et qu'il ne serait pas nécessaire, en fait, qu'il soit déterminable en raison de son appartenance à un groupe de personnes liées entre elles par la parenté ou l'alliance. Il nous semble que, à partir du moment où la personne est déterminable, que le bénéficiaire est déterminable, n'est pas nécessaire de recourir à des liens de parenté ou d'alliance qui ne font que restreindre inutilement l'utilisation de la fiducie.

Finalement, concernant les contrats qui peuvent intervenir entre la fiducie et le constituant fiduciaire, donc le cas où une personne constitue une fiducie et se nomme fiduciaire en vertu de l'acte de fiducie, cela concerne deux dispositions: Les articles 1306 et 1347 du projet de loi.

L'article 1306, qui permet au constituant d'être fiduciaire, pour autant qu'il agit conjointement avec un fiduciaire qui n'est ni bénéficiaire, ni constituant. La deuxième règle concerne l'article 1347, la restriction relative au fiduciaire qui est constituant, à savoir qu'il ne peut contracter pour son compte à l'égard des biens administrés, à moins d'être autorisé par le bénéficiaire ou le tribunal. On pense encore une fois que, vu la pratique actuelle et l'utilisation actuelle des fiducies, cela viendrait restreindre, en fait, le droit actuel relatif aux fiducies. Cela empêcherait un constituant d'être seul bénéficiaire d'une fiducie, qui est un mécanisme largement utilisé actuellement dans des contextes fiscaux. La raison de nos commentaires à cet égard n'est pas fiscale. Quand même, dans plusieurs cas, on aimerait - c'est le cas, présentement, en pratique - que le constituant puisse être le seul bénéficiaire d'une fiducie. En termes pratiques, c'est ce qui conviendrait aux parties en cause, s'il pouvait être seul fiduciaire d'une fiducie.

Le même commentaire peut être fait à l'égard de la restriction concernant les contrats qui peuvent exister entre un fiduciaire et lui pris personnellement. Encore une fois, en pratique, actuellement, il est fréquent que des contrats interviennent entre le fiduciaire pris en tant que fiduciaire et le fiduciaire pour son propre compte. Alors, cela viendrait restreindre l'utilisation des fiducies sans que ce soit nécessaire, finalement, pour la sécurité juridique des parties.

Finalement, l'article 1323 concerne la responsabilité du fiduciaire: "Le fiduciaire qui participe avec le constituant ou le bénéficiaire à des actes qui ont pour effet de frauder les créanciers du constituant ou du patrimoine fiduciaire en est solidairement responsable avec eux."

Cette règle nous semble peut-être de responsabilité un peu trop stricte. On suggère de faire référence à une intention du fiduciaire de frauder avec le constituant ou, à tout le moins, que le fiduciaire ait eu connaissance du fait qu'une fraude était commise à l'égard des créanciers.

Cela complète le commentaire que j'avais à exprimer.

M. Rainville: Me Maurice Roy.

M. Roy (Maurice): Quelques commentaires sur la partie du projet de loi 58 qui traite de l'administration du bien d'autrui. Avant tout, si on revient un peu en arrière, lors de la présentation du projet de loi 106, on stipulait que l'administrateur de la personne morale avait la pleine administration et on devait s'en référer aux règles de l'administration du bien d'autrui.

Il est à se demander quelle est la pertinence de faire appliquer toutes ces règles à l'administrateur de la personne morale étant donné que l'ensemble des règles du chapitre septième risque de ne pas s'appliquer adéquatement à l'administrateur de la personne morale.

Citons quelques exemples. L'article 1340 stipule que la pleine administration oblige l'administrateur à conserver et à faire fructifier le capital, alors que l'administrateur de la personne morale n'a, en quelque sorte, que l'administration comme telle du bénéficiaire.

L'article 1347. L'administrateur ne peut être partie à un contrat avec la société. Que penser alors de l'administrateur seul et unique de sa compagnie qui transige avec sa compagnie par prêt, par exemple?

L'article 1350. L'administrateur ne peut faire que des donations modiques. On pourrait facilement voir le cas où un administrateur de la personne morale qui, pour promouvoir une activité quelconque, une activité qui risque d'augmenter ses affaires, est obligé de faire une certaine donation et risque de se voir bloqué par l'article 1350.

L'article 1358, le fait de faire inventaire. Ne serait-il pas un peu illogique que la simple demande d'un actionnaire, par exemple, oblige l'administrateur à faire l'inventaire de ses affaires?

L'article 1363, la question de la responsabilité solidaire entre les administrateurs. L'administrateur, par conséquent, encourrait une responsabilité a l'égard des actes des autres administrateurs.

L'article 1380. L'administrateur doit rendre compte de sa gestion et tous les membres peuvent y avoir un droit de regard,

alors que dans le fond seul le bilan peut être dévoilé aux actionnaires. Que penser alors de l'actionnaire qui demanderait à dévoiler les comptes de l'administrateur?

En somme, il s'agit d'une série d'articles qui risquent de rendre l'administration d'une personne morale beaucoup plus lourde qu'elle ne l'est actuellement. Il est à se demander si ces règles ne seraient pas plus applicables, à titre supplétif, si le droit corporatif actuel devrait supplanter ces règles que l'on propose au titre de l'administration du bien d'autrui.

Autre commentaire. L'article 1353 stipule que le bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire répond envers les tiers du préjudice causé par la faute de l'administrateur. Il est à se demander si le bénéficiaire doit assumer personnellement et en totalité les fautes de l'administrateur. L'AQPFS se demande si le bénéficiaire ne devrait pas être limité dans sa responsabilité envers l'administrateur, d'autant plus que selon la doctrine actuelle, on peut facilement comparer le bénéficiaire d'une fiducie à l'actionnaire d'une compagnie, alors que l'actionnaire d'une compagnie n'est pas responsable personnellement.

Autre commentaire. L'article 1358 exige que l'administrateur dresse un inventaire des meubles et un état des immeubles, souscrive une assurance couvrant sa responsabilité ou fournisse une autre garantie, si le tribunal l'ordonne.

Nous nous demandons si l'article en question ne devrait pas être supplétif, en ce sens que la liberté du testateur ne pourrait pas libérer l'inventaire et fournir une caution.

Troisième commentaire. L'article 1368 donne une série de placements présumés sûrs. Nous nous demandons si le premier alinéa, concernant les immeubles corporels situés au Québec, ne devrait pas être joint aux cinquième et septième. D'une part, le premier alinéa nous dit que les immeubles corporels situés au Québec sont des placements sûrs. D'autre part, aux cinquième et septième alinéas, on stipule, entre autres, que les obligations ou autres titres d'emprunt émis par une personne morale constituée au Canada, s'ils sont garantis par un immeuble corporel, sont présumés sûrs. Il s'agit alors du cas de leur compagnie qui est constituée en dehors du Québec mais qui donne en garantie certaines hypothèques.

Sept. Les créances garanties par les immeubles corporels situés au Canada. Il s'agit de se demander s'il ne serait pas préférable de parler des immeubles corporels situés au Canada au premier alinéa.

Autre commentaire. L'article 1370 stipule que l'administrateur peut déposer des sommes d'argent dont il est saisi dans une banque, une caisse d'épargne, une société de fiducie si le dépôt est remboursable à vue ou sur un avis d'au plus 30 jours. On semble exclure tous les placements ou tous les certificats des dépôts garantis qui, eux, peuvent être aussi sûrs que les genres de placements ici décrits.

Nous nous demandons si les placements qui sont garantis par l'assurance-dépôts du Québec ou du Canada ne pourraient pas rentrer dans l'article 1370 même si le terme est d'au plus de 30 jours.

Quelques commentaires sur la répartition des bénéfices et des dépenses. Article 1374 et suivants. Il s'agit d'une série de règlements qu'on a condifiés et qui, à notre point de vue, semblent un peu alourdir le principe que, actuellement, l'équité prédomine en matière de répartition des bénéfices et des dépenses entre les bénéficiaires, la rémunération, les impôts, les frais acquittés, pour protéger les droits des bénéficiaires. Il est à se demander s'il est utile de détailler à ce point tous ces points de vue, alors qu'en pratique, l'équité et les principes comptables généralement reconnus font déjà une bonne répartition entre les bénéficiaires de ces mêmes dépenses que j'ai mentionnées tantôt. Il peut même y avoir certaines contradictions. Par exemple, si on parle de la rémunération, l'article 1375.1 stipule que "la moitié de la rémunération de l'administrateur et des dépenses raisonnables qu'il a faites dans l'administration conjointes du capital et des fruits et revenus;". On y dit: la moitié de la rémunération, alors qu'en pratique, dans le cas des sociétés de fiducie, une partie de la rémunération est prélevée à même le capital, et l'autre partie est prélevée sur les revenus de la fiducie. À ce moment-là, il pourrait y avoir une distorsion entre la règle que l'on suggère ici et le compte que l'administrateur successoral ou le fiduciaire pourrait présenter à la fiducie. (21 heures)

Au deuxième alinéa: "les impôts payables sur les biens administrés;". Si on parle des taxes foncières ici, il y aurait peut-être lieu de le préciser. Encore là, dans certains cas, si c'est de principe de porter les taxes foncières contre le revenu, il peut arriver parfois de les passer contre le capital, par exemple, le cas d'un bien qui ne rapporte pas de revenus, un terrain vacant. Il est à se demander si l'équité n'exigerait pas plutôt que les taxes foncières soient portées contre le capital. Tout cela pour dire une chose, c'est que la précision de ces règles-ci peut apporter une certaine complication dans l'administration fiduciaire alors que le principe de l'équité, les principes généraux et les principes comptables généralement reconnus suffisent déjà amplement pour bien répartir ces dépenses.

Enfin, une dernière remarque, la première partie de l'article 1384 stipule que l'administrateur qui fait faillite entraîne automatiquement la fin de la fiducie. La

deuxième partie stipule que les fonctions d'administrateur prennent aussi fin par la faillite du bénéficiaire ou l'ouverture à son égard d'un régime de protection. Il faut croire que la faillite de l'un seul entraîne la cessation de la fonction d'administrateur pour tous les bénéficiaires. Il est à se demander si les autres bénéficiaires ne pourraient pas en subir un préjudice. Même si l'article prend une certaine forme, est-ce que le fait de faire cesser automatiquement les fonctions de l'administrateur est louable en soi lorsqu'un bénéficiaire fait faillite, alors que les biens peuvent continuer à être gérés par le fiduciaire ou l'administrateur pour le bénéfice des créanciers?

Cela résume les quelques points relatifs à l'administration du bien d'autrui. Merci.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. Rainville et vos collègues, d'abord, je dois vous dire combien nous sommes impressionnés par la qualité de votre mémoire qui met en évidence la qualité de l'expertise dont vous disposez sur une base bénévole dans votre association. C'est d'autant plus méritoire. Compte tenu du temps dont nous disposons, je vous dirai que votre mémoire a déjà commencé à faire l'objet d'une analyse très détaillée par nos équipes au ministère. Déjà, je peux vous dire d'emblée qu'on va retenir certains de vos commentaires qui touchent certaines décisions qui, même si ce n'est pas encore parachevé, seront intégrées au moment de la rédaction du projet de loi.

Je ne veux pas reprendre l'ensemble parce qu'il faudrait encore 45 minutes. J'aimerais vous entendre commenter un peu plus sur le chapitre des administrateurs qui fait l'objet d'un certain nombre de préoccupations au Barreau, également, à la Chambre des notaires et ailleurs. Nous le voyons comme des dispositions de droit supplétif. Est-ce que je dois comprendre que, pour vous, il n'est pas évident que cela soit supplétif et que cela vous inquiète? Même si on vous dit que cela est supplétif, cela vous ennuie quand même.

M. Roy: C'est qu'il y a déjà amplement de doctrines et de positions prises en vertu du droit corporatif que, maintenant, on veut dans un Code civil essayer de codifier des notions commerciales. Il est à se demander si l'idée de codifier des notions commerciales dans un Code civil est louable. Je crois comprendre qu'en France, on a un Code commercial, différent du Code civil. Cherche-t-on ici, au Québec, à faire, dans un seul code, deux codes qu'on peut retrouver en France? Je veux bien croire que la comparaison n'est peut-être pas adéquate mais... Le point de vue qu'on entend soumettre est que, même si cela est supplétif, il faudrait que ce soit réellement supplétif et que certaines dispositions... Que ce soit bien compris que le droit commercial devrait avoir préséance sur les notions du Code civil.

M. Johnson (Anjou): Voici quelque chose qui relève un peu de la même nature dans l'exposé que vous avez fait, M. Roy, notamment sur la répartition des bénéfices et des dépenses, articles 1374 et suivants. Si l'article 1375 et suivants disaient: "Sont débités aux revenus les primes d'assurances, etc.". Il y a une petite histoire législative derrière d'ailleurs ce projet de loi qui serait sûrement intéressante éventuellement pour les exégètes, mais si la notion de généralement était retenue, est-ce que cela vous satisferait?

M. Roy: Écoutez. En pratique, c'est l'équité qui fonctionne. En pratique, on analyse une dépense, alors quoi, on la porte contre le revenu ou bien contre le capital. Si un pépin surgit, c'est-à-dire si une difficulté survient, il s'agit de porter un jugement, une réflexion quelconque et de décider, une fois pour toutes, que la dépense en question est imputable contre le revenu ou contre le capital. Si vous dites que certaines dépenses sont portées généralement contre le revenu, il faut croire qu'il y aura d'autres sortes de dépenses qui ne seront pas nécessairement portées contre le revenu. Chose certaine, c'est qu'en donnant des exemples ici, on ne pourra jamais tout couvrir, on ne pourra jamais couvrir toutes les situations. Il s'agirait alors peut être de faire un article assez général, assez large pour établir un principe voulant que contre le revenu, on devrait passer des dépenses qui sont de nature revenu et contre le capital des dépenses qui sont de nature capital. Un point, c'est tout. De sorte, que le moindre fait de donner un exemple, le problème qu'on peut avoir, c'est que d'autres exemples vont surgir qui ne seront nécessairement pas ici, ni le problème que l'on pourrait retrouver. Est-ce que cela éclaire?

M. Johnson (Anjou): Je pensais que j'avais un oui ou un non, mais..

M. Roy: Actuellement, il n'y a pas de ces règles, et cela fonctionne bien.

M. Johnson (Anjou): Vous avez une approche plus conservatrice à l'égard de l'introduction de ces dispositions, mais de toute évidence, cela semble ébranler aussi d'autres groupes.

M. Roy: Prenez tantôt l'exemple de la rémunération. Comment expliquer que la moitié de la rémunération est portée contre

le revenu, alors qu'en pratique, ce n'est pas nécessairement une moitié qui est portée contre le revenu? Dans certains cas, cela peut être tout, dans d'autres cas, rien du tout. Si cela est d'ordre supplétif, encore là, est-ce que cela veut dire que je reprends mon exemple que j'ai dit tantôt, le bénéficiaire en revenu de terrain vacant qui ne rapporte pas de revenu, et le bénéficiaire du capital qui attend l'ouverture de son droit vingt ans ou dix ans plus tard, peu importe, le compte d'administrateur doit-il être porté contre le bénéficiaire du revenu qui ne reçoit aucun revenu pour une moitié, cela peut sembler illogique?

M. Johnson (Anjou): Me Martel, Me Lacroix, votre plaidoyer pour l'abolition de la substitution était, si je me souviens, une question d'examen du Barreau l'année où je l'ai passé. J'ai un souvenir assez précis sur la substitution. Il y a quand même une distinction, peut-être me direz-vous qu'elle est théorique, mais il reste néanmoins que dans le cas de la fiducie, le fiduciaire est administrateur, il n'est pas propriétaire, alors que le grevé de substitution est propriétaire, il peut même disposer des biens, les remettre en état au moment où il doit transmettre, ou encore faire l'équivalent. Alors que la fiducie est de l'ordre de la gestion et de l'administration, qu'elle n'est pas nécessairement reliée. Par exemple, un objectif de conservation partielle d'un patrimoine familial. Quand je dis "conservation partielle en substitution", on peut avoir des objectifs pour faire en sorte qu'une ou deux générations conservent et disposent à leur gré d'un bien considéré comme valorisé dans la lignée familiale, alors que si on l'envoie en fiducie, ce n'est pas du tout de même nature. Il me semble qu'il y a quand même une distinction fondamentale. Je voudrais peut-être vous entendre en parler un peu plus.

M. Lacroix: Notre commentaire est uniquement basé, finalement, non pas sur les distinctions inhérentes qui peuvent être propres à chacun des systèmes, la fiducie ou la substitution, mais sur les objectifs qui peuvent être visés par un justiciable quelconque lorsqu'il utilise un système comme celui-là. Donc, on parle des objectifs qu'il a à atteindre. Qu'est-ce qu'il a à atteindre? Il veut que telle personne utilise les biens pendant une certaine période de temps et que ces biens-là aillent à une autre personne après une certaine période de temps, soient remis à cette personne, tout cela avec des modalités qu'il peut vouloir prévoir. Donc, il nous semble que le droit des fiducies est suffisamment souple pour finalement permettre de faire tout ce que la substitution tente de faire.

Enfin, il y a une remarque qu'on s'est faite comme cela quand on discutait du projet de loi. On s'est demandé, peut-être un peu à la légère: Qu'est-ce que la substitution peut faire que la fiducie ne peut pas faire au niveau d'atteindre les objectifs précis pour une personne, pour un justiciable donné? Si on parle de ces objectifs, dans quelle situation ne pourrait-il pas atteindre ses objectifs s'il utilise la fiducie et qu'il pourrait atteindre s'il utilisait la substitution en lieu et place? Donc, c'est en partant des objectifs qu'on en est arrivé à ce commentaire.

M. Martel (Luc): On est conscient que les deux notions de droit civil sont différentes, mais justement, la fiducie peut effectivement répondre à la majorité des objectifs qu'un testateur ou un donateur voudrait atteindre en substitution et pour les quelques rares cas où la substitution apporterait un élément qu'on ne pourrait pas atteindre avec la fiducie, il suffirait peut-être seulement de quelques petites améliorations à la fiducie pour combler ce vide. À ce moment-là, on pourrait tout simplement simplifier le code en ne prévoyant qu'un mode de fiducie. Évidemment, c'est une notion... C'est un peu peut-être... Comment pourrais-je dire?

M. Lacroix: ...à voir disparaître cette institution. Même les dinosaures meurent.

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.

M. Martel (Luc): C'est un commentaire plus terre à terre, basé sur la pratique. La substitution, on la retrouve dans un document tout imprimé. Personne ne va conseiller la substitution, mais la personne qui rédige sentimentalement son testament, elle va tenter...

M. Johnson (Anjou): ...sans le savoir.

M. Martel (Luc): Exactement, d'où les problèmes.

M. Johnson (Anjou): Oui. C'était cela, la question à l'examen du Barreau...

M. Rainville: II ne passe rien encore.

M. Martel (Luc): Quand on rencontre la substitution, c'est toujours parce qu'il y a eu une erreur quelque part.

M. Johnson (Anjou): Oui.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous trouve très durs aujourd'hui.

M. Johnson (Anjou): Rapidement, je pense que c'est Me Chénard qui s'inquiétait de la notion d'habitation qui disparaissait -

ou Me Martel, je ne sais plus - à l'usage.

M. Martel (Luc): Oui, c'est moi qui l'ai mentionné.

M. Johnson (Anjou): Oui?

M. Martel (Luc): Dans l'Office de révision du Code civil, on maintenait quand même la terminologie "droit d'habitation" et "droit d'habitation", c'est un terme qu'on retrouve souvent quand on fait des testatements. Cela dit quelque chose au testateur. Il dit: Je voudrais que mon épouse puisse rester dans la maison, mais que la maison, finalement, puisse aller à mes enfants, des choses comme cela. C'est un terme imagé qui signifie quelque chose tout de suite dans l'esprit du testateur. On n'a plus besoin d'expliquer plus longuement. Sinon, j'ai bien l'impression qu'on pourrait quand même l'utiliser dans le testament, parler de droit d'habitation, mais il faudra expliquer que c'est un droit d'usage à un immeuble. C'est juste dommage de perdre une terminologie qui était utilisée couramment et connue.

M. Johnson (Anjou): Ce recours à une espèce de vocabulaire de gros bon sens, finalement - et je dirais presque d'usage -c'est probablement le même type de préoccupation qui nous a amenés à conserver la confusion au sujet des choses et des droits, si vous nous voyez. (21 h 15)

M. Martel (Luc): Oui. Si vous voulez un autre exemple - je voulais le mentionner dans le rapport, mais personne d'autre n'a voulu le faire - on parle de trésor qu'on découvre et on parle de l'inventeur d'un trésor. Pour tout le monde qui a lu cela, il a fallu fouiller dans le dictionnaire pour trouver l'inventeur d'un trésor.

Effectivement, le mot "inventeur" signifie quelqu'un qui trouve quelque chose. Mais, en terminologie courante, il n'y a personne qui va comprendre au Québec. Cela va prendre une nouvelle éducation. Il va falloir s'habituer à des nouveaux termes. C'est comme faire disparaître le terme "compagnie" qui est encore un terme tellement utilisé et qui va toujours l'être, de toute façon.

M. Johnson (Anjou): Messieurs, je ne veux pas prendre plus de votre temps et du temps de mes collègues non plus qui ont sûrement un certain nombre de questions. Je veux simplement vous rassurer quant à la FAQ, qu'on va faire le tour de la bonne cinquantaine de points que vous avez soulevés avec précision.

Le Président (M. Vaugeois): Article 1368, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Pardon?

Le Président (M. Vaugeois): Article 1368.

M. Johnson (Anjou): Ah oui! Je vous avais fait signe que je parlerais un peu de l'article 1368. Effectivement, cela peut paraître étonnant - je n'attendrai pas les qualificatifs de nos amis d'en face - que l'on considère comme sûrs des placements faits sur des immeubles corporels situés au Québec et qu'au paragraphe 5, on évoque les obligations ou les titres d'emprunts émis par une personne morale constituée au Canada, s'ils sont garantis par un privilège ou une hypothèque sur les immeubles corporels.

D'abord, c'est l'état actuel du droit que l'on reconduit comme notion. Deuxièmement, à partir d'une sorte - je ne dirais pas de présomption - d'appréhension de la réalité qu'il est plus simple de vérifier la qualité qui permet la présomption de placements sûrs quand il s'agit d'un immeuble situé sur le territoire du Québec que situé au Canada, par exemple, si c'est Moose Jaw ou Kamloops, alors que l'obligation ou le titre d'emprunt qui serait garanti sur un bien situé à l'extérieur, c'est une chose matériellement plus facile à vérifier. C'est un peu la présomption qu'il y a derrière cette approche de l'article 1368 qui, d'ailleurs, pour l'essentiel, est une présomption.

M. Roy: Pour répondre à cet argument, que penser alors des frontaliers? Ceux qui demeurent dans la région de Hull, par exemple, et qui peuvent...

M. Johnson (Anjou): Oui. Alors, vraiment, voulez-vous qu'on fasse dans le

Code civil des aires de réglementation comme dans le règlement de placement dans la construction?

M. Roy: Non, non.

M. Johnson (Anjou): Non, non. Je comprends que, dans le cas des frontaliers, la question se pose mais c'est toujours la même chose. Quand on a affaire à un territoire qui a une frontière, une limite ou une forme de limite territoriale, pour nous, le territoire sur lequel on légifère avec le Code civil est le Québec. Avec ce qu'on lui connaît de frontières, tout aléatoires qu'elles soient, on tient pour acquis qu'une majorité de citoyens ne vit pas dans des situations de frontières.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, est-ce que je peux vous demander comment vous réagissez à la page 5 du mémoire où on fait référence au droit de propriété intellectuelle et industrielle...

M. Johnson (Anjou): Ah oui!

Le Président (M. Vaugeois): ...en disant que notre projet de loi ne fait aucune référence à certains paiements de type particulier, etc. Est-ce que cela vous... Non pas la propriété intellectuelle car la propriété, c'est québécois.

M. Johnson (Anjou): Je dois vous rassurer, M. le Président. Connaissant ce troisième volet de vos préoccupations...

Le Président (M. Vaugeois): Ah! Ah! Franchement!

M. Johnson (Anjou): ...en plus de l'urbanisme et du régime parlementaire, nous avons un groupe qui regarde ces questions. Nous les abordons avec une attitude très favorable de pouvoir introduire des distinctions précises et un régime, finalement, qui permette de faire progresser cette notion de la propriété intellectuelle pour laquelle on doit se fier pour l'essentiel à notre droit, à la jurisprudence.

Nous espérons pouvoir produire un certain nombre de choses codifiées.

Le Président (M. Vaugeois): M. Leduc, je crois.

M. Leduc (Saint-Laurent): Messieurs, au nom des députés de ce côté-ci de la table, je voudrais vous remercier pour l'excellent travail que vous avez accompli et pour l'excellent mémoire que vous nous avez présenté.

Si on regarde le chapitre de la copropriété par indivision, je suis d'accord qu'il fallait moderniser, qu'il fallait apporter des règles beaucoup plus souples de façon que l'indivision, la copropriété par indivision puisse effectivement être adoptée par les Québécois. Il fallait sûrement apporter des règles plus souples.

D'après vous, était-il nécessaire qu'on introduise la fameuse règle, la formule de préemption? N'y aurait-il pas eu lieu plutôt de laisser aller le droit et qu'on utilise les principes généraux du droit de propriété? Il fallait peut-être, bien sûr, insérer l'article 1060 à l'effet qu'il fallait procéder à l'unanimité si on voulait disposer du bien, mais en ce qui concerne les autres droits, ne pensez-vous pas qu'il y aurait eu lieu qu'on laisse appliquer les autres règles du Code civil?

Pourquoi imposer la règle de la préemption qui, en fait, est une forme d'expropriation ou de droit à une coercition? On doit se soumettre à la préemption qui est une formule très complexe, qui peut demander beaucoup de temps et qui ne nous laisse pas libre de disposer de notre bien comme on peut l'entendre. Il pourrait y avoir des négociations et cela pourrait être très long. On devrait peut-être soumettre l'offre et si l'offre n'est pas acceptée, cela voudrait dire qu'on devrait la soumettre une deuxième fois et peut-être une troisième fois, enfin, avec tous les délais que peuvent occasionner les négociations lors d'une vente et qui me semblent brimer les droits de propriété.

C'est ma question. Si on veut que la copropriété soit efficace, la copropriété indivise, et souple, est-ce qu'on ne pourrait pas laisser jouer les principes normaux du droit?

M. Chénard: Certainement, on doit donner préséance à la volonté des parties. Si les gens ont précisé dans leur contrat la façon dont ils voulaient que cela fonctionne, cela devrait primer parce qu'il n'est pas possible d'établir des règles qui vont chapeauter tous les genres de propriété, tous les genres de situation. En pratique, la copropriété par indivision s'est développée dans le domaine résidentiel parce que, dans le moment, il n'est pas possible de transformer un immeuble locatif en condominium, parce que cela prend des règlements de la régie. Alors, les gens ont commencé à le faire; malheureusement, cela se fait bien souvent sans trop de préparation.

Il y a des gens qui reçoivent des actes et qui n'ont peut-être pas fait toute la recherche nécessaire. Les gens s'embarquent dans l'indivision sans règle et là, la chicane prend et ils ne savent pas trop où ils vont. Cela est certainement utile à titre supplétif, si les gens n'ont pas pensé de le dire, mais il serait préférable, si les gens ont dit qu'ils en voulaient ou qu'ils n'en voulaient pas ou qu'ils aient pris d'autres dispositions, que ce soit les dispositions stipulées qui aient préséance. Pour les gens qui n'ont carrément pas pensé à cela, au moins, il y aura une règle minimale.

Par ailleurs, il est certain que le droit de préemption, lui, peut causer des problèmes sur la sécurité des titres. C'est-à-dire que si quelqu'un veut me vendre une propriété, je vais vérifier son titre de propriété, le droit de préemption, etc., et ce sera difficile de vérifier. Ce n'est peut-être pas une si bonne idée que cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis d'accord pour dire que comme droit supplétif, peut-être qu'on pourrait retenir la préemption. Mais êtes-vous satisfait de la formulation ou du mécanisme établi par le chapitre de la préemption tel qu'il est rédigé? Justement, ce matin, je pense que c'est la Chambre des notaires qui a soulevé le problème de la personne qui voulait vendre sa propriété et qui devait soumettre d'abord l'offre... ou enfin, même pas l'offre. Je pense qu'elle devait soumettre sa demande, la demande du propriétaire, même

pas l'offre de l'aquéreur. Si c'était l'offre du promettant-acquéreur, peut-être que je verrais cela assez bien, mais il faudrait que cette personne soumette son offre, qu'elle dise: J'ai décidé de vendre ma propriété et je demande 100 000 $. La personne qui reçoit l'offre peut dire non au bout de trente jours et effectivement, le propriétaire ne peut pas obtenir les 100 000 $. S'il réduit sa demande à 90 000 $, est-ce qu'il sera obligé de resoumettre sa demande, attendre encore trente jours et, s'il n'a pas encore trouvé un acheteur à 90 000 $, recommencer le même manège?

J'ai l'impression que cela ne sera pas praticable du tout. C'est très important parce que la copropriété indivise, c'est quelque chose - les notaires le savent -qu'on vit quotidiennement. C'est une chose qui est appelée à se développer beaucoup. On parle beaucoup de propriété indivise, mais on parle également actuellement de copropriété indivise particulièrement dans certains secteurs de Montréal où cela se pratique énormément.

Je suis bien d'accord pour qu'on aménage le mode, le fonctionnement de la copropriété indivise, mais la préemption, telle qu'elle est établie, ne me satisfait pas du tout.

M. Chénard: C'est juste que cela alourdit beaucoup le mécanisme, c'est vrai. Est-ce qu'il est souhaitable de le faire? Est-ce uniquement des dispositions supplétives lorsque les gens disent: On va s'accorder mutuellement un droit de préemption. Là, cela pourrait devenir applicable, mais quand on l'impose, les désavantages sont certainement là, comme vous le dites. On ne s'est pas prononcé pour dire non absolument. La seule position sur laquelle on s'est vraiment entendu, c'est de dire: On doit donner effet à la volonté des parties d'abord. Si les gens disent: Non, il n'y en aura pas, ou il va y en avoir selon telle et telle formule et tel délai, on va donner effet à cela en premier lieu. Après cela, à titre supplétif ou, comme vous le dites, peut-être simplement que cela ne joue que lorsque les gens parlent d'un droit de préemption sans donner de modalités.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr que si on fait une vente postérieure, si on a examiné les titres postérieurement à cette vente, c'est bien évident qu'on va exiger... Si c'est le titulaire qui s'est porté acquéreur, cela ne créera pas de problème, mais si ce n'est pas lui, je pense bien qu'on va demander sa signature. Imaginez le problème d'aller chercher la signature, à savoir est-ce que les formalités ont été remplies, est-ce que les avis ont été donnés, est-ce que les 30 jours ont été respectés? À mon sens, c'est une formule qui n'est pas viable.

Si on regarde... Oui.

M. Johnson (Anjou): Si vous me permettez, sur le droit de préemption, conformément aux décisions qu'on avait prises ce matin, sur le mode de fonctionnement. Rapidement, les articles 1238 et suivants, c'est du droit supplétif. Par ailleurs, le seul endroit qu'on retrouve dans le chapitre des biens qui implique la création d'un droit de préemption, c'est l'article 1055 à l'égard des indivisaires. Il y a cependant deux choses qu'il faut retenir de cela, c'est que l'article 1055 n'empêche pas que la convention entre indivisaires à l'égard de la préemption prévoit des modalités que les parties voudront bien retenir. Deuxièmement, je le dis sous réserve, si on en était à l'étude article par article, je serais plus catégorique, l'article 1055 n'est pas d'ordre public et, n'étant pas d'ordre public, il se peut fort bien qu'un individu renonce à son droit de préemption ab initio. Donc, les règles auxquelles veut se référer le député, de fonctionnement normal, habituel, du commerce, de liberté des personnes, du droit de propriété non érodé et, finalement, de la liberté des personnes dans la société, je pense qu'elles sont là. L'article 1055 n'étant pas d'ordre public, les gens peuvent renoncer à leur droit de préemption. Deuxièmement, s'ils ne renoncent pas, ils peuvent prévoir, par convention, comment ils vont l'exercer. Troisièmement, s'ils ne l'ont pas prévu, le code, à l'article 1238, prévoit comment cela pourrait s'appliquer.

Je pense que dans ce sens-là, cela forme un tout assez cohérent et assez clair même si le chapitre de la préemption est quelque chose de nouveau et constitue essentiellement une codification de ce à quoi on a assisté dans la jurisprudence depuis un certain nombre d'années.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis parfaitement d'accord, M. le ministre, qu'on puisse, par contrat, stipuler la préemption. L'article 1238 dit: "Le droit de préemption est établi par contrat." Je suis parfaitement d'accord. C'est dans le cas où il n'y a pas eu d'entente ou de prévention au préalable, c'est bien évident. Dans ce cas-là, je dis que le fonctionnement n'est pas adéquat.

Il y aurait peut-être moyen d'établir un fonctionnement possible, peut-être plus souple. Je pense qu'on peut peut-être retenir le droit de préemption, mais tel qu'il est formulé, je pense qu'il va être très difficile d'application. La Chambre des notaires l'a évoqué ce matin et je l'ai évoqué tantôt également.

Si on regarde l'article 1060...

Le Président (M. Vaugeois): Sur la même question, M. Leduc, j'aimerais poser une question de profane, est-ce qu'un droit de préemption

peut se transiger? Je suis en copropriété, et quelqu'un est intéressé à avoir une préférence si jamais cela se libère. Est-ce que je peux lui vendre mon droit de préemption? (21 h 30)

M. Rainville: Je ne crois pas qu'on pourrait transiger sur un pareil droit. C'est une opinion bien personnelle. Les motifs qui ont prévalu lorsqu'on a concédé ce droit personnel, en règle générale, ne sont pas stipulés dans le contrat. Alors, je vends un immeuble et, peut-être parce que sentimentalement j'y suis attaché, je ne veux pas que le profit soit' trop grand, etc. Je ne crois pas que... malgré qu'on pourrait toujours exercer le droit et revendre, après, la même propriété.

Le Président (M. Vaugeois): C'est une règle très répandue dans la copropriété indivise. Comme les gens ne savent pas où ils s'en vont avec l'indivise et qui attendent la divise, à peu près tout le monde met cette clause de préemption et c'est formulé en dix lignes et, parfois, en dix pages. J'ai vu les extrêmes dans un contrat qui existe actuellement. J'imagine facilement que quelqu'un pourrait commencer à se porter acquéreur de droit de préemption, si cela peut se transiger.

M. Chénard: À moins que cela soit stipulé comme tel, je pense qu'essentiellement on s'accorde un droit de préemption, parce qu'on veut que ce soit des gens qu'on connaît qui continuent à habiter ou, en tout cas, à être copropriétaires. On ne veut pas se ramasser avec Dieu sait qui qui va mettre le trouble. C'est peut-être, par définition, un droit qui est accordé à une personne, parce que c'est cette personne.

Le Président (M. Vaugeois): Oui, c'est toujours cela au départ, mais, tout à coup, au moment où le droit est exercé, on se rend compte que c'est un tiers qui l'exerce.

M. Chénard: C'est une question d'interprétation, c'est certain. Je peux acheter votre part et, après, revendre. Je suis assujetti à un nouveau droit de préemption.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, puis-je me permettre de vous dire que votre question est tout à fait pertinente et que j'ai tout de suite vu nos experts prendre beaucoup de notes en voyant les experts en face de nous exprimer des opinions personnelles? Je pense que c'est une question tout à fait pertinente. A priori, on pourrait penser que, comme bien d'autres droits de cette nature, on pourrait le transiger dans la mesure où il est relié dans le secteur immobilier à un droit réel, sauf que la raison qui nous a amenés - on le sait - le développement des condominiums, puisque c'est de cela qu'on parle sans jamais le dire dans le code, c'est une réalité qui se préoccupe du confort et de la volonté des individus dans le contexte de l'acquisition immobilière. Ils veulent "choisir leurs voisins" - entre guillemets - et au moment où ils décident ensemble d'acquérir une propriété, particulièrement dans les petites unités, sur la base des condominiums, ils veulent avoir une espèce de choix de l'environnement humain dans lequel ils vont vivre. On pourrait en déduire que l'objectif initial, c'est d'en faire un droit personnel. Dans la mesure où c'est un droit personnel, il ne devrait pas être transigé. C'est une excellente question et je pense qu'on se sentirait obligé d'y répondre avant d'arriver à l'étude article par article.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'en étais à l'article 1061, deuxième paragraphe, qui dit que le tribunal peut, à la demande d'un indivisaire, désigner le gérant lorsque les indivisaires ne se sont pas entendus sur la personne à nommer. Je me demande pourquoi on n'a pas prévu que ce gérant pouvait être nommé à la majorité. Pourquoi pas? Quelle est votre réaction? Si on relit l'article 1060 qui dit que les décisions relatives à l'administration du bien sont prises par la majorité en valeur des indivisaires, pourquoi, puisqu'il s'agit encore là d'administration par le gérant, les indivisaires ne pourraient-ils pas nommer à la majorité le gérant sans avoir nécessairement recours au tribunal?

M. Chénard: C'est une interprétation personnelle. J'ai l'impression que le recours au tribunal va être utilisé lorsque, par exemple, on a mis dans notre contrat que cela nous prenait la majorité des deux tiers ou que cela prenait telle et telle qualité de la personne. Si, pour une raison ou pour une autre, on ne peut pas utiliser ce mécanisme, il n'y a qu'un choix: on va recourir au tribunal. Ou encore, on est 50-50; on est 2, on a chacun un petit morceau. Je veux que ce soit vous et vous voulez que ce soit moi. Cela nous prend un arbitre. J'ai l'impression que l'article 1060, c'est une décision relative à l'administration. Je nomme un gérant, je nomme un concierge. La décision serait prise à l'unanimité. C'est une interprétation personnelle.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ne pensez-vous pas que...

M. Johnson (Anjou): Oui, mais à l'article 1060, y a-t-il quelque chose de plus administratif que de choisir un gérant? Donc, l'article 1060 prévoit que ce sont des décisions prises par la majorité.

M. Leduc (Saint-Laurent): Par la majorité, alors que l'article 1061 dit le contraire.

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire que ce que l'article 1061 vient dire, je pense... Il faut lire l'article 1060: "Les décisions relatives à l'administration du bien sont prises par la majorité en valeur des indivisaires." En admettant qu'on arrive dans une situation de "deadlock", 50-50, il faut bien dénouer l'impasse. Dénouer l'impasse dans le cas du choix du gérant, c'est l'article 1061.

M. Leduc (Saint-Laurent): On ne dit pas cela. On dit "ne s'entendent pas". Donc, s'il y en a un qui est dissident, à mon sens, il n'est pas question de nommer le gérant. C'est très clair.

M. Johnson (Anjou): II faudrait peut-être préciser.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.

M. Johnson (Anjou): Je pense que l'intention est claire.

M. Leduc (Saint-Laurent): À l'article 1066, on dit que les indivisaires peuvent satisfaire au moyen d'une somme... Est-ce que vous êtes d'accord avec ce principe? Encore là, c'est une expropriation. On pourrait vous satisfaire en vous attribuant une somme numéraire. Est-ce que cela vous semble une règle équitable?

M. Chénard: Oui, c'est certainement préférable que les gens prévoient eux-mêmes d'avance. Mais, s'ils ne le font pas, c'est préférable que celui qui n'est pas content s'en aille et qu'on lui accorde une part. Moi j'aime mieux les parts numéraires que les parts en nature surtout que si c'est un immeuble, c'est bien compliqué de fractionner. Cela peut être coûteux surtout sur le plan pour faire les cadastres, etc. Le principe, c'est de trouver une façon pour les gens de se séparer lorsqu'ils ne s'entendent plus. Il y en a un qui n'est pas content, nous autres on veut rester en indivision, alors, voilà ta part. En principe, cela apparaît...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais revenir sur la substitution. Vous en avez parlé. Évidemment, vous n'êtes pas des gens tellement favorables à la substitution. Vous dites: Peut-être qu'un autre régime, la fiducie ou l'usufruit peut remplir le même rôle. Il y a tout de même une différence énorme. C'est que quand on parle de substitution, on sait qui est le propriétaire. En fait, c'est véritablement le propriétaire. C'est toute la différence au monde. Alors que quand vous avez l'usufruit, vous avez deux personnes qui vivent d'intérêts complètement différents. On sait, grand Dieu, dans la pratique, quels problèmes cela peut soulever. Les deux ont des intérêts. Bien des fois, cela déclenche des difficultés. Également, la fiducie, c'est la même chose; alors qu'à mon sens, la substitution, c'est une formule très souple surtout si on l'a avec les nouvelles règles, je ne vous cache pas que cela me satisfait beaucoup. Vous dites que c'est peut-être contradictoire. Quelqu'un a dit que c'était contradictoire. On dit que le grevé est propriétaire. Dans l'ancien code, c'était la même chose, mais avec toute la différence au monde, parce qu'il fallait un curateur et la substitution était une formule très complexe et très lourde.

Je suis parfaitement d'accord qu'il fallait moderniser. Je pense qu'avec les modifications qui ont été apportées, cela me semble assez satisfaisant. Vous vous occupez de planification successorale. Je pense que vous connaissez également les problèmes qui sont soulevés par l'usufruit avec les droits de succession. Évidemment, il faut peut-être dire que la province de Québec est la seule où il y a des droits de succession, mais on doit vivre avec eux. Tant qu'ils sont là, il faut peut-être préparer des testaments ou des dispositions qui peuvent permettre à ceux qui décèdent de payer le moins de - ceux qui héritent surtout - droits de successions possible. Est-ce que la substitution ne règle pas ce problème?

M. Lacroix: C'est sûr que la substitution peut être un moyen utilisé en certaines circonstances pour les fins fiscales et, notamment, aux fins de droits successoraux. Par contre, on observe qu'elle peut causer des problèmes importants au niveau de l'impôt sur le revenu comme tel dans certaines circonstances, parce que dans toutes les institutions qui sont propres au Code civil, il y a certains problèmes d'interprétation ou d'harmonisation qui surviennent entre le droit civil québécois et surtout les institutions constituant un démembrement du droit de propriété et les lois fiscales. Le commentaire général concernant la substitution, comme je l'ai indiqué tantôt, se limitait au stade des objectifs qui peuvent être visés par un justiciable en faisant, dans une certaine mesure, abstraction des avantages fiscaux qui pourraient être tirés par l'utilisation de la substitution.

Au niveau des objectifs, le commentaire, comme je le disais, qui valait presque une question en soi, c'était: est-ce que la fiducie ne pourrait pas - surtout si elle était corrigée au besoin - remplir le rôle que remplit parfois, aujourd'hui, la substitution? Je dis bien "parfois" parce que la substitution ne semble pas énormément

utilisée actuellement.

Une voix: Pour un commentaire.

M. Martel (Luc): Je ne me ferai peut-être pas aimer des civilistes, mais à titre de fiscaliste, que ce soit l'usufruit ou la substitution, on essaie d'éviter les deux comme la peste. Ils sont tous les deux aussi complexes à régler au niveau fiscal, parce qu'il n'y a pas encore de cohésion entre le régime civil et le régime fiscal. Il y a des cas très rares où on va utiliser l'usufruit ou la substitution, mais on les évite lorsqu'il s'agit de biens immeubles, ou lorsqu'il s'agit de biens en immobilisation, de biens amortissables, ou toutes sortes de biens de ce genre. On va plutôt utiliser l'usufruit seulement pour de l'argent, ou à des fins de droits successoraux, mais seulement avec de l'argent, encore une fois, et non pas avec des biens d'immobilisation.

M. Leduc (Saint-Laurent): Quand il y a une seule personne intéressée, un seul intérêt, de le grever, évidemment quand les biens sont encore entre ses mains, qu'il n'y a pas eu d'ouverture, ne pensez-vous pas qu'il y a un avantage dans ce cas en ce qui concerne la substitution? Moi, je prétends que la substitution est un mode qui, avec les modifications qui ont été apportées, devrait avoir beaucoup de faveur auprès des juristes, particulièrement auprès des notaires, quand il va falloir rédiger des testaments. Je pense qu'aujourd'hui, cela devrait être assez facile. C'est une formule qui maintenant va être très souple.

M. Rainville: Les créanciers hypothécaires ne sont peut-être pas aussi friands de l'institution.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je comprends, mais les règles du jeu sont là.

Le Président (M. Vaugeois): Cela va, M. Leduc?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, cela va.

Le Président (M. Vaugeois): Cela va. Écoutez, on a dit tout à l'heure de votre mémoire et de votre présentation que c'était très intéressant. Le ministre s'est dit très impressionné. Moi, je suis absolument fasciné par votre mémoire et votre présentation. Je vous remercie beaucoup.

M. Rainville: Me permettez-vous juste un commentaire avant de terminer? Tantôt, M. le ministre a fait un commentaire quand on parlait d'ordre public et de droit supplétif. Il semble y avoir une espèce de confusion qui existe toujours - c'est d'ailleurs pour cela que les juristes sont si nombreux; c'est pour en discuter - pour trouver une façon de régler le problème de droit supplétif à savoir si c'est de droit supplétif ou d'ordre public, de façon qu'on puisse établir la ligne de démarcation. On vous remercie de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Vaugeois): On vous remercie du travail que vous avez fourni.

Nous invitons maintenant M. Daneault et les gens de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec Inc. M. Daneault, est-ce que vous vous retrouvez dans ces lieux? Vous reconnaissez-vous? Vous êtes au parlement du Québec.

Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

M. Daneault (Yvon): J'ai un peu de difficulté, M. le Président, mais je me reconnais.

Le Président (M. Vaugeois): Tout est changé.

M. Daneault: Je vois.

Le Président (M. Vaugeois): Le décor physique, les procédures et tout. On vous garantit le dépaysement total. Voulez-vous présenter vos collaborateurs, s'il vous plaît?

M. Daneault: M. le Président, madame, messieurs, j'aimerais d'abord vous présenter les deux collègues qui m'accompagnent: Mme Reine Otis, notaire et M. Jean-Guy Larochelle, avocat, tous deux rattachés au secteur des affaires juridiques de la confédération. Moi-même, Yvon Daneault, adjoint au président et secrétaire général de la confédération.

M. le Président, il me fait plaisir d'être parmi vous ce soir. Le mouvement Desjardins vous remercie de l'occasion que vous lui donnez d'exprimer son point de vue sur le projet de loi 58, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des biens.

Nous comprenons de l'ensemble de ce projet de loi que le législateur veuille adapter notre système juridique à la réalité sociale. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Bien sûr, pour ce faire, il faut transformer notre droit. Ainsi, certaines dispositions viennent simplifier et clarifier le régime actuel. Par contre, nous croyons que d'autres dispositions gagneraient à être clarifiées et précisées. En effet, certaines interprétations engendrées par un texte parfois ambigu sont susceptibles de confondre le citoyen soucieux de bien connaître ses droits et obligations et ce, aussi bien comme débiteur que comme créancier.

Par le mémoire qu'il vous présente, le mouvement Desjardins désire apporter sa

contribution à un climat juridique sain en garantissant aux citoyens en général une meilleure connaissance de leurs droits et obligations afin d'éviter que des préjudices, des iniquités et des injustices leur soient causés. D'autre part, nous croyons que les professionnels ayant à oeuvrer dans le domaine du crédit doivent posséder l'outil de référence précis et sûr que constitue le Code civil. (21 h 45)

Qu'il me soit permis d'attirer votre attention sur les interrogations que nous soulevons dans notre mémoire concernant le titre septième traitant de l'administration du bien d'autrui. Non parce que nous minimisons l'importance des autres points traités, mais parce qu'il nous semble que la portée du titre septième introduit certaines règles qui régiraient le fonctionnement même d'une caisse d'épargne et de crédit.

Devant vous, ce soir, nous reprendrons brièvement le résumé de nos réflexions. L'ensemble de nos recommandations étant essentiellement d'ordre juridique, je cède la parole à Me Jean-Guy Larochelle qui vous exposera notre point de vue. Merci, M. le Président.

M. Larochelle (Jean-Guy): Comme M. Daneault l'a exprimé, nous nous en tiendrons aux conclusions du mémoire. Nous ajouterons quelques commentaires pour votre compréhension.

Bien sûr, le mémoire a porté sur deux points principaux, c'est-à-dire clarifier certaines dispositions qui apparaissent dans le projet de loi et également protéger les droits des créanciers. Vous comprendrez que, comme institution financière, cela nous apparaissait très important.

Ainsi nous recommandons de clarifier certaines notions, notamment au niveau de l'incorporation, de l'intégration de biens meubles particulièrement en ce qui concerne la distinction du bien. On utilise différentes expressions. On parle d'intégration, on parle d'incorporation, on mentionne aussi un bien attaché, sans attache. On ignore comment ces différents termes seront évalués par les tribunaux. On pose aussi le problème suivant: est-ce que ça présentera des difficultés afin d'évaluer si nous sommes en présence d'un bien meuble ou d'un bien immeuble? Vous comprendrez, par exemple, la situation entre la réalisation d'une hypothèque et également un nantissement commercial qui porte sur des biens meubles. Avec ces différents termes utilisés, on craint que les tribunaux puissent adopter des interprétations différentes.

Également, en ce qui concerne le rapport entre les biens, on dit que l'ambiguïté, à ce niveau, surgit quand on définit le capital comme étant le bien dont on tire des fruits, quoique la qualification des fruits comme étant naturelle, civile, industrielle se retrouve actuellement dans notre code. La définition du capital, elle, est nouvelle et peut apporter des problèmes pour le créancier de l'usufruitier qui a à préciser sur quoi porte sa garantie. Comme on l'a vu, le capital est défini comme étant le bien qui porte des fruits. On sait fort bien que le fruit lui-même, dans certains cas, peut devenir du capital parce que, lui aussi, peut porter des fruits. On pense que cela peut créer quelques difficultés d'interprétation encore par rapport à nos garanties qu'on peut prendre sur des biens meubles ou immeubles.

On suggère de clarifier la notion d'aliénation, notamment aux articles 1059, 1060, 1069, 1116, 1127 et 1262. Vous savez que, présentement, le terme "aliénation" inclut le fait d'hypothéquer, de céder un immeuble et, bien sûr, de grever, d'un droit réel, l'immeuble. Avec le projet de loi, on semble attribuer un sens différent qui serait beaucoup plus restrictif. Qu'est-ce qui en est des contrats qui sont signés déjà avec l'expression "aliénation" qui, dans notre esprit, à l'heure actuelle, comprend également le fait de grever un droit réel. On vous demande donc de clarifier la notion d'aliénation dans cet esprit.

On vous demande de clarifier la notion de l'administrateur de la copropriété divise. Aux articles 1119 et 1133, on fait référence à certaines actions que peut poser l'administrateur. Ceci porte à confusion par rapport à la création du syndicat qui sera administré par le conseil d'administration, qui devra adopter des règles de fonctionnement. L'administrateur signifie-t-il le conseil d'administration, un administrateur désigné par le conseil, ou le président, ou le secrétaire du conseil? On utilise conseil d'administration et également on dit l'administrateur a certaines obligations notamment au niveau de la transmission d'avis. Or, de quel administrateur s'agit-il? Pour nous, cela pose des problèmes d'interprétation.

On vous demande également de clarifier la nature du droit de préemption, ce droit qui permet à son titulaire d'acquérir un bien par préférence. Ces dispositions portant sur ce droit semblent lui assurer le caractère de droit réel. Exemple: opposabilité envers les tiers, subrogation en cas de dation en paiement. Ces situations constituent une surcharge pour les créanciers qui devraient le considérer comme le détenteur d'un droit réel. A-t-on bien mesuré tous les impacts du droit de préemption par rapport au droit réel? Comment appliquer le droit de préemption sur un bien meuble? Comment les tiers peuvent-ils en prendre connaissance et comment seront traitées les sûretés? Ce sont les questions qu'on se pose.

Également, on vous demande de mieux

protéger les droits des créanciers - c'est un peu notre deuxième thème - lorsque la bonne foi du possesseur d'un bien cesse. N'y aurait-il pas lieu, par une nouvelle disposition du Code civil, de prévoir un mécanisme de protection pour les créanciers, du moins sur les impenses qui sont remboursées au véritable propriétaire, de mieux protéger les droits des créanciers lorsqu'un immeuble a été délaissé par un débiteur qui a déjà consenti une garantie sur cet immeuble à un créancier? Il nous semble que le projet de loi pourrait accorder des droits précis au créancier, ayant une garantie hypothécaire sur un immeuble délaissé. À défaut d'obtenir un mode d'acquisition plus souple, ne devrait-on pas prévoir la possibilité, pour le créancier, de protéger l'immeuble affecté par une hypothèque, en lui permettant d'en prendre possession pour voir à l'entretenir, sans être soumis aux engagements et aux contraintes de l'administrateur du bien pour autrui? On rejoint les remarques présentées dans le mémoire de tout à l'heure. En effet, à l'article 1345, il est indiqué que l'administrateur ne peut exercer ses pouvoirs dans son propre intérêt. Alors, vous comprenez que l'institution financière, advenant que l'immeuble soit délaissé, puisse vouloir administrer un bien, un immeuble, particulièrement en vue de protéger sa créance. Par rapport à cela, bien sûr, on pourra le considérer comme un administrateur pour bien d'autrui, de la façon dont on a interprété cette définition de l'administrateur pour autrui. Alors, à ce moment-là, la caisse se retrouverait en conflit d'intérêts par rapport au bien qu'elle a à administrer.

Également, on vous demande de mieux protéger les droits d'un créancier lorsqu'un bien meuble délaissé est susceptible d'être vendu ou d'être revendiqué par le propriétaire alors que le créancier détient une sûreté. Nous croyons que le créancier, ayant des garanties sur un bien meuble vendu ou délaissé, a complètement été ignoré. Ne devrait-on pas prévoir une protection pour ses droits en regard de ces biens?

De plus, en ce qui concerne le coffret de sûreté et les biens qui y sont délaissés, sans que l'on puisse retrouver le locataire, nous demandons s'il est de l'intention des codificateurs d'appliquer l'article 987 à cette situation. Si c'est le cas, l'institution financière pourrait en disposer après trente jours ou six mois, selon la valeur du bien concerné. Il sera aussi très difficile de définir si le bien a une valeur importante ou non, pour évaluer le délai d'avis requis. On parle de: Dépendant que la valeur du bien est importante ou non, les délais sont différents. Comment va-t-on faire pour évaluer cette notion?

Également, on vous demande de mieux protéger les droits du créancier lorsque le droit de propriété change de détenteur par suite de l'accession mobilière. Nous soulignons ici l'existence d'un problème en regard du créancier du premier propriétaire, qui peut avoir une garantie sur le bien transformé par un tiers, qui lui donne une plus-value.

Enfin, de mieux protéger les droits du créancier lors d'un bornage. Le créancier, ayant des garanties sur la propriété concernée, devrait être en mesure d'être informé du bornage et de faire valoir ses droits. Rien n'est prévu à ce chapitre alors que l'on sait que la jurisprudence a établi cette possibilité.

Egalement, nous vous demandons de mieux protéger les droits des créanciers lors d'un partage d'un bien indivis déjà grevé d'un droit réel. L'article 1060 prévoit des décisions relatives à l'administration du bien et des décisions relatives à l'aliénation. Est-ce que ces deux pouvoirs relèvent de l'administration du bien indivis? Si oui, les créanciers hypothécaires jouiraient de la protection de l'article 1067, qui prévoit pour lui un prélèvement sur l'actif avant le partage. La rédaction de l'article 1060 gagnerait à être plus précise sur ce point.

De mieux protéger les droits des créanciers en stipulant la solidarité entre les indivisaires en ce qui a trait aux pertes, aux frais d'administration et autres charges se rapportant aux biens indivis; l'article 1057. Dans le cas où le créancier hypothécaire d'un bien indivis, en voulant protéger sa créance, paie les taxes, les assurances et autres, devrait avoir un recours conjoint et solidaire vis-à-vis de chacun des indivisaires, ce qui nous apparaît équitable.

Également, de mieux protéger les droits du créancier en exigeant, dans le cas de révision de la valeur relative des fractions d'une copropriété indivise, un avis au créancier et une possibilité pour eux d'intervention; ceci, afin de mieux connaître la nature de la modification de la valeur de la fraction sur laquelle porte la garantie.

De mieux protéger les droits des créanciers lors du versement d'une indemnité d'assurance au fiduciaire à la suite d'une perte de l'immeuble détenu en copropriété. Pourquoi avoir exclu expressément l'application de l'article 2586 du Code civil, qui protège les créanciers? Comment s'assurer que le fiduciaire protégera les intérêts du créancier hypothécaire?

Également, de mieux protéger les droits du créancier lorsqu'un tréfoncier consent un droit superficiaire, lorsque le droit superficiaire prend fin par l'avènement d'une condition résolutoire, lorsqu'il y a abandon de l'usufruit ou conversion en rente, lors de la résiliation du contrat d'emphytéose. Ce sont là des cas où les droits des créanciers sont ignorés. L'occasion d'une révision du droit sur les biens serait propice à régulariser

certaines situations souvent préjudiciables aux créanciers. Également, nous vous demandons de préciser l'obligation et la non-obligation du créancier hypothécaire de vérifier la qualité de la décision des indivisaires -article 1060 - et l'acte de nomination du gérant. Le projet de loi prévoit certaines décisions qui doivent être prises à l'unanimité, d'autres à la majorité.

Quand un créancier traite avec un gérant, comment peut-il vérifier l'acte de nomination de ce dernier de même que la régularité de ses décisions? Si cela prend obligatoirement une procuration qui doit être signée par tous les indivisaires, quelle est l'utilité du gérant alors?

Également, nous demandons de préciser à l'acte de copropriété les hypothèques et les privilèges qui gèrent l'immeuble. Car, il faut se demander alors comment les créanciers de l'éventuel acheteur pourront identifier les hypothèques et privilèges rattachés à l'immeuble concerné avant l'enregistrement de la déclaration de la copropriété? De préciser que la stipulation, l'inaliénabilité d'un bien entraîne l'insaisissabilité du bien qui en est l'objet, à raison de toute dette contractée par le bénéficiaire du transfert avant ou pendant la période d'inaliénabilité. On suggère ici de préciser, à l'article 1248, qu'il s'agit de dette du bénéficiaire seulement. Il n'y a pas de précision là-dessus. Or, des cas peuvent exister et on pourrait parler de la dette de la personne qui a cédé l'immeuble.

De préciser également la portée de l'article définissant l'administrateur des biens d'autrui en le restreignant, article 1330. L'article 1330 définit de façon tellement large l'administrateur du bien d'autrui, qu'on ne peut s'empêcher de conclure que les caisses d'épargne et de crédit, à titre d'institution financière, seront soumises à l'application des dispositions régissant l'administrateur du bien pour autrui.

Sans en faire une énumération exhaustive, soulignons que les obligations imposées à l'administrateur du bien d'autrui sont souvent inconciliables avec les opérations d'une institution financière dans les cas suivants: aux articles 1345 et 1346 où l'on parle de conflit d'intérêts, à l'article 1347, réalisation d'un bien, d'une garantie affectant un bien qui a été administré temporairement par la caisse, à l'article 1358 en ce qui concerne l'inventaire et l'obligation de souscrire une assurance. En ce qui concerne l'article 1392, relative à la reddition de compte, je vous réfère à la page 20 du mémoire qui cite quelques exemples où les opérations des caisses pourraient constituer l'administration d'un bien d'autrui selon la définition de l'article 1330.

En conséquence, nous recommandons que l'article 1330 soit remanié de façon à exclure de manière précise les actes d'administration régis par d'autres lois ou sections du Code civil, notamment le dépôt, le mandat, l'administrateur sur corporation. Je vous souligne particulièrement que dans la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit actuelle on mentionne que l'administrateur a un rôle de mandataire. Par rapport à cela, nous croyons que l'administrateur d'une caisse d'épargne et de crédit devrait être réputé comme un administrateur d'un bien pour autrui avec la définition actuelle.

De plus, nous vous demandons de prévoir - là, il y a eu une erreur de frappe dans le résumé du texte - l'exclusion de l'indivision de fait en l'absence de contrat portant sur un bien meuble. Il devient difficile pour un créancier, lorsqu'il prend un nantissement sur un bien meuble, d'évaluer s'il y a un, deux ou trois propriétaires.

De prévoir également la convention tacite établissant un droit superficiaire. Nous laissons à votre considération cette dernière suggestion qui vise à couvrir des situations où il y a eu entente tacite et que c'est à la suite de circonstances que la jurisprudence a établi l'existence d'un droit pouvant exister entre les parties.

De prévoir l'enregistrement de la servitude par destination du propriétaire. Enfin, de réintégrer la notion d'aliénation telle qu'elle existait dans le passé.

Ces recommandations nous apparaissent fondamentales car, sans elles, nous considérons que ce projet de loi ne serait pas apte à servir pleinement les intérêts des citoyens soucieux de bien connaître leurs droits et obligations et, ce, aussi bien comme débiteur que comme créancier. Si vous le jugez à propos, Me Otis et moi, selon les points soulevés, sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Vaugeois): On vous remercie beaucoup de cette présentation. M. Daneault, pourriez-vous me dire quel est actuellement le pourcentage d'une valeur marchande que les caisses populaires prêteraient en cas de copropriété, aux copropriétaires, sans garantie de prêt par la SCHL. Quel serait le pourcentage que vous pratiquez? Ce n'est pas une colle?

M. Daneault: Non, non. Moi-même, spontanément, j'aurais un peu de difficulté à vous répondre.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce plus, moins ou la même chose que lorsqu'il s'agit d'un propriétaire unique? (22 heures)

M. Daneault: C'est plus garanti par la SCHL à ce moment-là.

Le Président (M. Vaugeois): Oui, mais j'exclus le fait que ce ne soit pas garanti.

M. Daneault: Lorsque ce n'est pas garanti.

M. Larochelle (Jean-Guy): Pourriez-vous répéter votre question, par rapport à lorsque ce n'est pas garanti?

Le Président (M. Vaugeois): S'il y a plusieurs propriétaires en copropriété? Vous insistez beaucoup sur la garantie des créanciers. Ce qui me fait le plus sursauter, c'est quand vous questionnez l'article 1057. Pour moi, cela donne un peu le ton de votre présentation à cet égard. J'essaie de voir au fond, si vous voyez d'un bon oeil les copropriétaires qui viennent emprunter ensemble ou si, dans l'état actuel de nos lois, vous n'aimez pas bien cela. Si vous êtes plus sévère ou si vous vous prêtez moins dans ces cas, ou si vous cherchez davantage à aller chercher la garantie de la SCHL.

M. Larochelle: Je ne crois pas qu'on soit plus sévère dans ces cas-là, pas du tout. On se trouve à avoir des garanties personnelles, je pense, sur plus d'une personne, également une garantie...

Le Président (M. Vaugeois): Dans une quote-part, dans la proportion.

Une voix: Oui, c'est cela.

M. Larochelle: À l'heure actuelle je dois vous dire que ce n'est pas la majorité de nos prêts qui est consentie à des copropriétaires indivis. Je ne pourrais pas évaluer précisément votre question par rapport à cela. Quand on est intervenu sur l'article 1057, c'est par rapport à des charges que l'institution financière aurait à supporter temporairement paiements des taxes, entretien de l'immeuble, paiement de l'assurance, on verrait d'un bon oeil qu'il y ait une obligation conjointe et solidaire comme par exemple dans le cas d'une société commerciale sur l'administration d'une entreprise.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, M. le Président, je dois comprendre des propos de M. Daneault qu'il jugeait particulièrement important, il voulait attirer notre attention sur les commentaires de son groupe sous le titre septième.

M. Daneault: Oui.

M. Johnson (Anjou): Cependant, dans son exposé, M. Larochelle les a évoqués. Je pense que pour les fins de clarifier nos travaux, il les a évoqués très brièvement. Peut-être pourrait-il s'étendre un peu sur le titre septième?

M. Larochelle: Précisément, pour nous, la définition actuelle, comme on l'a mentionné tout à l'heure, comprendrait les opérations qui sont effectuées par une caisse d'épargne-crédit. On vous en a fait une liste en page 20 quand on dit que le membre d'une caisse, élu administrateur, qui occupe une charge personnel à l'égard de l'administration, du bien d'autrui, soit le patrimoine de la caisse. Dans la loi sur les caisses d'épargne-crédit on précise bien que l'administrateur est mandataire. On assimile cela à des règles du mandat. Nous, nous croyons que ce sont les règles du mandat du Code civil qui s'appliquent dans ce cas. Alors, nous pensons que précisément, l'administrateur de la caisse sera tenu aux obligations de l'administrateur du bien pour autrui. Également, dans le cas des obligations d'épargne que détiennent les caisses à titre de sûretés sur un prêt quittancé et dont le membre néglige de venir prendre livraison. Ce sont des situations où la caisse va avoir la garde d'un bien sans qu'elle l'ait voulu nécessairement. Bien sûr, dans les relations qui existent entre institution financière et un membre, il y a une entente tacite pour ses opérations financières, pour la garde de ses biens advenant qu'ils sont laissés à la caisse. Nous croyons encore que la caisse devra rendre des comptes sur la garde des obligations d'épargne. On parle également d'obligations d'épargne dont les fédérations et les conférations ont la garde en vue de la vente au public, l'escompte de coupons, du paiement des obligations. On garde des obligations pendant un certain temps avant qu'elles soient rendues. Nous pensons qu'on va être obligé de remplir les obligations d'un administrateur du bien pour autrui avec toutes les contraintes que cela prévoit.

La prise en charge d'actif dans le cas de réalisation d'un acte de fiducie. Advenant la réalisation d'un acte de fiducie, on administre le bien de notre débiteur pendant un certain temps. On se retrouve en conflit d'intérêts par rapport que si on regarde les dispositions de l'administrateur du bien pour autrui, on trouve cela difficilement conciliable. Également la perception de comptes effectuée par une caisse pour le compte du bénéficiaire - je pense aux comptes d'Hydro-Québec - pendant un certain temps, on perçoit des sommes, on doit les administrer. Il ne s'agit pas là de dépôts. Il s'agit là de sommes qui nous sont confiées à titre d'intermédiaire. Encore une fois, si on regarde la définition de l'administrateur, on serait soumis à des contraintes.

Le service inter-caisses permet à une caisse d'effectuer des transactions au lieu et place d'une autre caisse. Encore là, on agit comme intermédiaire, mandataire. On trouverait difficile d'être obligé de rendre

des comptes, de faire des inventaires. Le contenu d'un coffret de sûreté que la caisse doit transférer dans ses propres coffrets de sûreté lorsqu'un membre, malgré les avis répétés, néglige de renouveler le bail. Dans le bail concernant les coffrets de sûreté, il est prévu, advenant qu'on ne trouve pas le locataire et que les paiements de loyer ne s'effectuent pas, qu'on puisse ouvrir le coffret de sûreté avec prise d'inventaire avec témoin. À ce moment, s'il y a des sommes d'argent dans le coffret, on peut faire compensation, mais par rapport aux autres biens qui vont rester chez nous, on sera tenu aux contraintes de l'administrateur du bien pour autrui sans le vouloir.

Ce sont là des exemples. J'ai l'impression qu'on en a oublié beaucoup. Tout cela pour vous dire qu'on croit que ce droit devrait être supplétif comme cela a été mentionné tout à l'heure. Cela ne devrait pas viser les opérations d'institutions financières, les opérations d'une compagnie, d'une corporation, d'une coopérative, parce que cela va alourdir les modalités de fonctionnement. Dans certains cas, cela crée des situations inconciliables; administrer un bien et ne pas être en mesure par la suite de l'acquérir - je pense à la dation en paiement - cela ne fonctionne pas. On répète que ces dispositions touchant l'administrateur des biens pour autrui ne devrait pas s'appliquer aux institutions financières.

M. Johnson (Anjou): Éloquent plaidoyer, merci.

Le Président (M. Vaugeois): M. Marx.

M. Marx: Nous aimerions vous remercier pour être venu déposer votre mémoire. En lisant vos recommandations, je vois que vous demandez qu'on clarifie certaines notions, qu'on protège le droit des créanciers davantage, qu'on précise certains articles, qu'on prévoit, qu'on ... le Code civil. Je voulais vous demander de nous donner des précisions. Comment aimeriez-vous que cela soit précisé? Si on prend l'article 1330, vous avez toute une série de suggestions aux pages 19 et 20 qui se tiennent mais, dans d'autres mémoires comme celui du Barreau, dans le mémoire de la Chambre des notaires, des articles sont rédigés qui précisent exactement leurs suggestions et leurs recommandations. Je pense que dans votre cas il serait bien de faire cela pour certains articles que vous trouvez très importants. Cela nous permettra d'incorporer, le cas échéant, d'une façon plus facile, vos recommandations lors de l'étude article par article de la loi. On aura votre recommandation sous forme d'article parce que maintenant c'est un peu éparpillé.

M. Larochelle: J'aimerais souligner que si vous nous garantissiez que vous prendrez notre texte, on aurait peut-être plus d'intérêt à vous produire des textes. On a pensé...

M. Johnson (Anjou): Vous en demandez beaucoup.

M. Marx: L'Opposition peut faire cette promesse parce que lors de l'étude article par article, on va soulever les points que vous avez soulevés. On fait toujours cela et le ministre le fera lui-même, j'en suis sûr.

M. Larochelle: Ce que vous proposez aurait été idéal mais déjà, pour nous, faire l'étude de ce projet de loi a été un travail drôlement ardu parce qu'il y a beaucoup de choses là-dedans. On a voulu s'attacher exclusivement aux activités des caisses d'épargne et de crédit comme institutions financières et comme mandataires dans d'autres cas. Il aurait peut-être été utile de suggérer des textes, on a voulu d'abord identifier les problèmes d'ambiguïté et on a laissé aux spécialistes en législation le soin d'évaluer nos observations afin que toutes les ambiguïtés soient enlevées.

Vous remarquerez que, souvent dans le mémoire, on vous demande de clarifier des choses, de prévoir des choses. Quand on soulève une ambiguïté, on pense que les codificateurs pourront revoir la chose en fonction des remarques que nous avons faites. Je ne sais pas si Me Otis à quelque chose à ajouter.

Mme Otis (Reine): L'approche, c'était de dire: On a constaté à plusieurs reprises qu'on essayait de codifier ou de cristalliser certaines notions qui étaient véhiculées par la doctrine ou encore de reprendre une constance qui se développait au niveau de la jurisprudence. Alors on s'est dit, surtout, dans la partie portant sur la protection du droit des créanciers qu'à certains endroits, on avait laissé tomber des courants comme cela, qui sont fortement établis et qu'on pourrait codifier comme on l'a fait dans d'autres circonstances.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous semblez préoccupé beaucoup par les garanties que vous pourriez obtenir des emprunteurs. Je veux bien que vous obteniez des garanties qui soient adéquates, mais est-ce qu'avec le nouvel article 1054 vous allez prêter sur une copropriété indivise?

Une voix: La réponse est oui.

Mme Otis: On fait nettement la distinction entre le bien indivis comme tel et les quotes-parts sur le bien indivis. Je ne vois pas pourquoi, je ne sais pas si vous allez partager mon opinion, une institution

financière ne prêterait pas à un copropriétaire indivis sur sa quote-part comme sur la totalité du bien, si tous les indivisaires sont là.

Le Président (M. Vaugeois): Vous ne prêtez pas sur sa quote-part actuellement. Vous prêtez collectivement.

Mme Otis: Bien sûr, il y a sûrement des actes où un indivisaire vient emprunter dans une caisse et hypothèque sa demi-indivise. Pourquoi dites-vous que cela ne se fait pas?

M. Leduc (Saint-Laurent): Parce que l'hypothèque est indivise avec l'ancien code.

Le Président (M. Vaugeois): L'hypothèque est indivise, mais...

Mme Otis: Si on a deux copropriétaires indivis.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais ce n'est pas ce que demande le député.

Mme Otis: Ce n'est pas cela votre remarque, votre question?

M. Leduc (Saint-Laurent): Auparavant, on ne pouvait hypothéquer une demi-indivise, parce que l'on considérait l'hypothèque indivisible. C'est exactement ce que l'article 1054 veut corriger. Maintenant, il va être possible de donner une hypothèque sur une part indivise. Donc, c'est peut-être moins légal que pratique. M. Daneault pourrait répondre là-dessus; cela ne vous fait pas peur de prêter sur des parts indivises, une garantie c'est-à-dire sur des parts indivises.

Le Président (M. Vaugeois): Sans comparer l'article 1057.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne comprends pas tellement votre demande sur l'article 1057. Cela ne doit pas être d'ordre public, sûrement pas. Je pense bien que si vous avez plusieurs, si vous mettez un hypothèque sur l'ensemble de l'immeuble, je ne pense pas que vous allez demander que l'engagement soit conjoint et solidaire. Je ne pense pas que cela crée de problèmes, hormis que cela soit d'ordre public.

M. Larochelle: C'est ce que nous ne savons pas précisément. Je ne dis pas par là que les caisses vont insister pour prêter sur des parts indivises, pas du tout. Si on pouvait le faire avec plus de sûreté, cela serait encore mieux.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites 1057, c'était ma deuxième question. Votre peur, c'est qu'effectivement cela soit d'ordre public, que les indivisaires ne puissent pas renoncer à cette présomption. Enfin, je ne sais pas si c'est une présomption ou à cette règle.

M. Larochelle: Ils sont supportés par chacun des indivisaires en proportion de sa quote-part. C'est la règle entre les parties vis-à-vis des tiers, est-ce que c'est une règle d'ordre public? Je n'ai pas poussé l'étude jusque-là, sauf qu'on pensait qu'il serait équitable pour les institutions financières qui auront à supporter... pour le bénéfice de l'ensemble des propriétaires indivis, l'assurance, les taxes, il serait normal qu'on puisse s'adresser, pour le tout, à un seul.

M. Leduc (Saint-Laurent): Pour autant que cela serait stipulé dans l'acte, que cela ne serait pas d'ordre public.

M. Larochelle: Moi, je suis prêt, personnellement, à vous concéder qu'il est peut-être possible de prévoir dans l'acte une disposition pour dire que les obligations sont conjointes et solidaires, sauf que si l'on fait affaires uniquement avec une seule personne, avec un propriétaire indivis, cela peut être difficile. (22 h 15)

M. Leduc (Saint-Laurent): Ma deuxième question touche l'article 1083. On dit: Malgré les articles 1083 et 2017 du Code civil, une hypothèque ou un privilège existant sur l'ensemble d'un immeuble détenu en copropriété se divise en chacune des fractions suivant sa valeur relative. C'est l'ancien article 441j de l'ancien code. Ma question est la suivante: Est-ce que vous prétendez que c'est d'ordre public et qu'on ne pourrait pas déroger à cette règle dans l'acte de copropriété? Ce qui, actuellement, nous crée beaucoup de problèmes dans la rédaction des actes, parce que si l'hypothèque a été placée avant la déclaration de copropriété, automatiquement, elle se répartit suivant cette règle, suivant la règle de l'article 1083, qui est d'ordre public. Je ne sais pas, c'est la question que je pose: Est-ce d'ordre public et est-ce que vous pensez que, de façon définitive, l'hypothèque est répartie suivant le principe, suivant la valeur relative?

Mme Otis: Si on regarde spécifiquement l'article 1083 qui dit qu'une hypothèque existant sur l'ensemble se divise entre chacune des fractions suivant sa valeur relative ou qu'on le replace dans le contexte de la déclaration en copropriété, on ne peut pas faire autrement que de s'en réjouir si on est créancier d'un promoteur, parce qu'on sait ce qui se produit quand un promoteur décide de bâtir un condominium sur un terrain; il y a cadastration. Il y a un cadastre. Il y a une nouvelle annulation des

lots et de nouveaux lots de créés. Le fait que l'hypothèque qui a déjà été établie sur le lot originaire se fractionne sur les autres lots, on n'a rien à dire là-dessus. Au contraire. En tant que créancier du promoteur, c'est parfait. Où on à réalisé là-dessus, c'est de dire: Est-ce que, quand on dit à l'article un peu plus loin que dans l'état descriptif des fractions, on ne voit pas figurer les privilèges et les hypothèques... Est-ce que les créanciers de l'éventuel acheteur d'une fraction vont être éclairés, finalement, sur l'existence de cette hypothèque originelle? Je ne sais pas. En ce qui nous concerne, en tout cas, ce n'était pas sur le fait: Est-ce que c'est d'ordre public ou non? C'était sur le fait que si l'hypothèque peut se fractionner, tant mieux.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'êtes pas en mesure de me dire si c'est d'ordre public ou non, mais on pourrait y déroger dans la déclaration de copropriété. Je pense que...

Mme Otis: Non, je ne suis pas en mesure de dire si c'est d'ordre public.

M. Larochelle: Moi non plus. D'abord, vous nous prenez par surprise. D'habitude, on s'arrête un peu pour étudier une question aussi importante. Je vous avoue que présentement, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question.

M. Leduc (Saint-Laurent): Et est-ce qu'elle se diviserait si on la plaçait après, si on la plaçait sur l'ensemble des unités, après la déclaration de copropriété? Est-ce que, d'après vous, elle se diviserait suivant la valeur relative?

Mme Otis: Je pense que c'est une question purement théorique, d'après moi. Excusez-moi, mais...

M. Leduc (Saint-Laurent): Pas du tout. Si vous hypothéquez...

Mme Otis: ...vous dites...

M. Leduc (Saint-Laurent): ...par exemple, dix unités dans un seul axe, est-ce que je peux déroger et la limiter sur chacune des unités suivant ma volonté ou si je dois m'en remettre à la valeur relative établie dans la déclaration de copropriété? Ce n'est pas... Je ne pense pas... C'est très réel.

Mme Otis: D'accord. Je comprends.

M. Larochelle: Seulement par le fait que vous posez la question et qu'on hésite à y répondre, j'ai l'impression qu'il y a une ambiguïté. On devrait peut-être la solutionner par une modification.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne vous cache pas que cette règle-là, il va falloir qu'elle soit clarifiée. Cela crée constamment des problèmes dans les copropriétés. On place une hypothèque, par exemple, sur l'ensemble de la construction. On peut placer une hypothèque de 1 000 000 $ sur l'ensemble de la propriété et lorsqu'on enregistre la déclaration de copropriété, on semblerait lié par cette répartition établie suivant la valeur relative, alors qu'en pratique, ce n'est jamais ce qui se produit. Ce n'est pas suivant ces valeurs-là du tout. L'institution, la caisse populaire ou la banque va dire: J'ai décidé que l'unité 103, par exemple, devrait avoir une hypothèque de 42 000 $, alors que si on applique le ratio établi par la déclaration de copropriété, cela peut être 32 000 $ ou 48 000 $. Or, chaque fois, on est pris avec cette règle et, ensuite, on doit établir par une lettre concomitante où on dit: Voici, nonobstant ce que la déclaration de copropriété peut établir, nous disons que nous prêtons plutôt 42 000 $ que 48 000 $. Je ne vous cache qu'on est pris. C'est constamment un dilemme. À mon sens, il faudrait absolument clarifier cela et dire que ce n'est pas d'ordre public et qu'on pourrait y déroger. Dans la déclaration de copropriété, on pourrait dire, si l'hypothèque existe: Nonobstant l'article 1083, il est établi que cette hypothèque ne sera pas répartie suivant la valeur relative établie à la présente déclaration de copropriété. Sans cela...

Mme Otis: II est clair que cela pose certainement le problème de la radiation, par exemple, de l'hypothèque qui existe déjà quand un nouveau créancier peut consentir à un éventuel acheteur, comme je vous le disais tantôt, une hypothèque sur sa fraction.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce qui est beaucoup plus ambigu. Si l'hypothèque est placée par la suite, on peut se demander si l'institution prêteuse prête sur dix unités, si elle pourrait vouloir l'avoir en bloc, pas divisée du tout ou divisée suivant un autre ratio que celui établi dans la déclaration de copropriété. On peut être obligé de dire à l'emprunteur qu'on ne peut pas procéder au prêt parce qu'on est pris avec l'article 1083.

Le Président (M. Vaugeois): Cela va, M. Leduc?

M. Marx: Je voudrais simplement rajouter un petit point, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Bien sûr.

M. Marx: Par ses questions, le député de Saint-Laurent a démontré l'utilité d'avoir

des notes explicatives parce que, comme cela, on saurait au moins ce que le ministre a voulu faire ou avait l'intention de faire. Cela serait un guide pour les gens qui lisent le code et aussi pour les juges qui vont l'interpréter un jour. Je pense qu'il faut peut-être revoir cela et qu'on nous donne des idées maîtresses, le cas échéant.

Je pense qu'on ne sait pas si c'est d'ordre public et qu'il y a des ambiguïtés. Cela peut aider tout le monde d'avoir ces idées maîtresses pour savoir quelle était, en fait, l'intention du ministre. Cela se fait pour d'autres lois au niveau fédéral. Cela se faisait quand on a adopté le Code civil, en 1866. Nous avons posé cette question, ce matin. On n'a pas de réponse. Pourquoi n'a-t-on pas de notes explicatives?

Le Président (M. Vaugeois): Le ministre a déjà répondu à cela, M. Marx.

M. Marx: Oui, il y a répondu.

Le Président (M. Vaugeois): Oui. Il a dit qu'à la prochaine version, il va y avoir...

M. Marx: Elle va l'avoir pour ce projet de loi ou pour les autres aussi. Les personnes et les biens ou les personnes et les successions et les biens ou seulement pour les biens.

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez sollicité vous-même une petite pause de cinq minutes et si c'est terminé avec le groupe, nous pourrions faire cela pendant la pause.

M. Marx: Mais ce n'est pas enregistré pendant la pause.

Le Président (M. Vaugeois): On le résumera en revenant. Je pense qu'il n'y a pas d'autres questions. On vous remercie beaucoup. On sait qu'on vous a pris un peu par surprise. En tout cas, on a réussi à ajuster la présentation avec nos dates et tout. On vous remercie de l'effort que vous avez fait et d'avoir été avec nous jusqu'à cette heure-ci. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous pourriez, M. le Président, rassurer nos interlocuteurs du Mouvement Desjardins que nous prendrons connaissance dans le détail de toute et chacune des lignes de leur mémoire? Nous tenterons d'en tenir compte malgré le fait qu'ils ne nous ont pas donné de formulation sur les possibilités.

M. Daneault: Nous vous remercions également. En ce concerne la formulation et les suggestions d'écrire les lois ou d'en faire des suggestions, nous avons, au Mouvement Desjardins, différentes expériences à cet égard.

Dans certains ministères, on déplore le fait qu'on leur fasse des suggestions. Ici, je suis très heureux de voir qu'on nous propose d'en faire. Il s'agira peut-être, s'il y a lieu, de vous faire des suggestions encore plus concrètes.

Le Président (M. Vaugeois): Je ne veux pas provoquer le député de D'Arcy McGee, mais je trouve que l'important est que vous indiquiez vos préoccupations et que, éventuellement, vous laissiez à d'autres le soin de rédiger la forme que cela doit prendre. Chacun son métier.

M. Marx: Seulement un mot, M. le Président. J'aimerais souligner que dans le mémoire de la chambre des notaires et dans le mémoire du Barreau, on fait des recommandations assez précises dans la rédaction des articles et à l'étude article par article, nous tenons compte de ces recommandations, autant le ministre que les députés de l'Opposition.

Le Président (M. Vaugeois): Oui. Vous avez le dernier mot, M. Marx. On vous remercie beaucoup.

Des voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Vaugeois): Au revoir. Alors, si vous permettez, nous prenons quelques minutes et nous invitons le groupe suivant. Je signale que si nous poursuivons au-delà de 22 heures, c'est que nous avons eu un consentement à cet égard.

(Suspension de la séance à 22 h 25)

(Reprise de la séance à 22 h 33)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre!

Nous reprenons nos travaux. J'invite les porte-parole de l'Association des banquiers canadiens à se présenter. Allez-y.

Association des banquiers canadiens

M. Morin (Benoît): M. le Président, MM. les membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir accepté d'accueillir à cette heure tardive les représentants de l'Association des banquiers canadiens. Je m'appelle Benoît Morin, je suis vice-président de la Banque Nationale. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Charles Boivin, premier conseiller juridique à la Banque Royale, et, à ma droite, de M. Yvon Julien, responsable des prêts hypothécaires à la Banque Nationale et, de Me Jacques Beauregard, conseiller juridique auprès de l'Association des banquiers canadiens.

En tout premier lieu, je voudrais vous

présenter nos excuses pour certaines coquilles et même, à cause sans doute de la bureautique, de certains manques de bouts de phrase que vous avez dû noter dans le projet de mémoire qui vous a été remis. Des corrections ont été faites et Me Beauregard vous apporte un texte qui est maintenant un peu plus complet et qui rendra peut-être compréhensible certains bouts de ce mémoire qui ne l'étaient pas jusqu'à présent.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord, on va annuler celui-ci.

M. Morin: À moins que vous n'insistiez, je crois qu'il serait préférable à cette heure-ci d'éviter de faire une lecture exhaustive des 31 pages de notre mémoire. Je vais plutôt tenter de parler brièvement sur ce qui me paraît être les points les plus importants du mémoire qui vous a été présenté.

Évidemment, je dois vous dire que nos commentaires sont faits surtout et d'abord à partir de l'oeil d'un prêteur qui se préoccupe des problèmes de financement. Nous avons quand même tenté de déborder un peu à l'occasion de cette vision restreinte, mais d'autres organismes - notamment, le Barreau du Québec, qui doit présenter son mémoire demain - ont traité d'une façon assez exhaustive des divers chapitres de ce projet. Je pense qu'il n'est pas nécessaire que nous fassions des commentaires sur toutes les parties du projet.

En ce qui concerne la copropriété, il faut dire d'abord que les institutions financières, ou en tout cas les banques, ne sont certainement pas des prêteurs enthousiastes lorsqu'on parle de copropriété indivise. Je ne crois pas que le projet de loi change énormément cette situation. En fait, un prêteur n'est pas tellement intéressé à prêter strictement sur la garantie d'une quote-part indivise d'un immeuble à cause des problèmes pratiques que cela peut entraîner par la suite. Pensons, par exemple, à un cas où le prêteur aurait à exercer ces garanties. Il se retrouverait avec une quote-part indivise dans un immeuble où l'indivision, selon la loi, est prévue pour une durée déterminée et, évidemment, le prêteur qui n'a pas du tout l'intention d'occuper l'immeuble se trouverait dans une situation plutôt désagréable et sans doute pas dans une très bonne position pour disposer de cette quote-part indivise qu'il aurait dans un immeuble faisant l'objet d'une propriété par indivision. Je me contenterai simplement de ce commentaire, à savoir que, pour les banques, à première vue, la copropriété indivise est un concept qui présente assez peu d'attraits.

J'aborde maintenant le chapitre de la copropriété immobilière divise. Il nous apparaît que le projet de loi a été rédigé d'abord en fonction des grands ensembles, mais un problème qui nous apparaît assez crucial au point de vue pratique, c'est qu'on ne fait pas de distinction entre l'établissement de la copropriété pour un immeuble déjà construit et la copropriété divise pour un immeuble à l'état de projet. Nous croyons que l'absence de cette distinction pourrait nuire effectivement au financement d'un projet en construction. Il nous serait paru préférable, plutôt que de suivre le modèle qui a été suivi dans le projet, de suivre certains modèles, soit américains ou d'autres provinces canadiennes, où, finalement, la copropriété divise ne peut être établie qu'après l'achèvement substantiel d'une construction afin d'éviter certains problèmes pratiques qui pourraient être soulevés si la construction n'était pas achevée. On n'a qu'à penser au problème du créancier qui a à prendre des procédures en fonction d'un nombre X de fractions alors qu'il n'a eu affaires qu'à une seule personne, un promoteur qui n'a pas respecté ses engagements. Il nous semble qu'on éviterait beaucoup de problèmes si on ne permettait la cadastration de l'édifice comme copropriété divise que sujette, d'abord, au consentement du créancier et simplement lorsqu'une déclaration d'achèvement serait complétée à la fois à la satisfaction du créancier et des éventuels copropriétaires.

Par ailleurs, on constate, suivant les articles 1103 à 1105, qu'en cas de sinistre, les assurances, le produit des assurances est remis au syndicat. Actuellement, dans la pratique, les actes de prêt hypothécaire comportent habituellement des clauses: les clauses en cas d'incendie et en cas de destruction de la propriété qui assurent le prêteur qu'il pourra obtenir, effectivement, le produit de l'assurance en cas de sinistre de façon à avoir l'assurance claire, nette et précise soit qu'il sera remboursé de son prêt si, effectivement, on se trouve dans des circonstances ou une reconstruction n'apparaîtrait pas opportune, soit que les sommes versées en vertu de la police soient effectivement consacrées aux réparations ou à la reconstruction. Il ne nous semble pas opportun, comme il nous est suggéré dans le projet de loi, qu'une seule loi soit créée et soit la remise du produit de la police d'assurance au syndicat.

En ce qui concerne le syndicat, j'aimerais simplement mentionner qu'un certain flottement nous est apparu dans le projet de loi quant au sens que l'on doit donner à ce mot. Strictement suivant la définition qu'on en donne dans le projet, le syndicat couvre l'assemblée des copropriétaires. Toutefois, on constate, dans certains articles, que ces mots semblent plutôt viser le conseil d'administration que l'assemblée des copropriétaires. Il nous paraîtrait opportun de clarifier cette question en s'assurant bien du sens que l'on

veut donner à ces mots. Si on veut vraiment parler de l'assemblée des copropriétaires, cela devrait être clair. Si par ailleurs, on veut viser le conseil d'administration du syndicat, il nous semble que ce point devrait être clarifié. Par ailleurs, à l'article 1107 du projet, il nous est apparu un peu curieux en ce sens qu'il semble changer les règles qui s'appliquent dans le cas de dommages dus à des vices de construction ou défaut d'entretien. On se demande comment cet article devrait se lire, par exemple, face à l'article 1688 du Code civil. Est-ce que ce serait un échappatoire, par exemple, pour les personnes à qui incombe la responsabilité en vertu de l'article 1688 qui pourrait alors se reporter dans le cas de la copropriété vers les copropriétaires parce que lorsqu'on parle de syndicats, il faut bien se rappeler quand même la définition que j'ai mentionnée tout à l'heure? On parle de l'assemblée des copropriétaires et il me semble que c'est faire retomber sur les mauvaises personnes les problèmes de vice de construction.

Un autre article qui paraît pouvoir causer certains problèmes, c'est l'article 1099 concernant la question des répartitions injustes. En permettant, effectivement, pendant une période de trois ans à tout copropriétaire de faire réviser finalement la répartition des charges entre copropriétaires, il nous semble qu'on crée un certain désordre. Il faut bien remarquer qu'un copropriétaire peut demander de faire réviser les charges parce qu'il se croit injustement lésé. Évidemment, il y en a d'autres qui devront payer le coût, et ces autres copropriétaires finalement seront pénalisés pour des gestes dont ils ne sont pas responsables. Si vous achetez un appartement avec l'idée que vous devrez payer, par exemple, 10% des frais et qu'à la suite d'une révision à la demande d'un autre copropriétaire, vous vous retrouvez à en payer 15% ou 20%, je pense que cela peut être un problème. En tentant de remédier à une injustice à l'endroit d'une personne, on peut en créer à d'autres. Je n'ai malheureusement pas ici de suggestions précises à faire, mais il me semble que si on veut protéger les droits de certains copropriétaires qui pourraient s'estimer éventuellement lésés, on devrait tenter de trouver d'autres moyens, ne serait-ce que le moyen de prospectus qui permettent à tous et chacun, dès le départ, de voir quelle est la répartition entre chacun des copropriétaires. Cela pourrait être un mode de publicité qui éviterait dès le départ le genre de problèmes qu'on semble devoir éviter, a posteriori plutôt qu'a priori.

En ce qui concerne, par ailleurs, la multipropriété, ou la copropriété partagée, nous devons avouer que l'existence d'un seul article nous semble un peu mince. Si on veut aborder ce sujet, il nous semble qu'on devrait avoir des règles un peu plus précises à ce sujet. Si on veut tout simplement mentionner la possibilité de la copropriété, il nous semble qu'on n'a pas vraiment réalisé quelque chose de valable et on serait peut-être aussi bien, tout simplement, d'écarter l'article 1090 qui traite de cette question.

En ce qui concerne la propriété superficiaire et le bail à construction, nous y voyons un problème en ce sens que... En tout cas, il ne transparaît pas des articles qui portent sur cette question qu'il s'agit là vraiment d'un droit réel immobilier. Si l'on pense en termes de financement, on voit difficilement comment des personnes pourraient donner ces droits en garantie. Il nous semble qu'on devrait clarifier la nature de droit réel immobilier du droit de superficie et du bail de construction qui fait partie du même chapitre.

Passons maintenant à la stipulation d'inhabilité. Nous devons avouer que nous sommes un peu surpris de l'introduction de cette disposition dans le Code civil à ce moment-ci. Il faut bien penser que ces clauses sont des clauses qui compliqueront, notamment, le travail de recherche de titres clairs et il nous apparaît que cela ne facilitera pas le financement en obligeant des recherches à la fois plus compliquées et aussi plus coûteuses.

M. Johnson (Anjou): Vous parlez de façon générale ou en vertu de l'article 1247 en matière immobilière?

M. Morin: On parle de la clause d'aliénabilité qu'on retrouve à l'article 1245. En fait, notre préoccupation vise surtout les immeubles, parce que c'est à cela qu'on pense quand on parle des problèmes de recherche de titres. C'est en matière d'immeubles qu'on y voit des problèmes assez sérieux.

Passons maintenant à la question de l'administration du bien d'autrui. Notre commentaire général rejoindra, finalement, un peu les commentaires qui vous ont été faits par les représentants de la Confédération des caisses populaires Desjardins. Il nous semble que les dispositions sur l'administration du bien d'autrui devraient, au moins, faire une distinction entre ce qu'on appellerait, le domaine civil et le domaine commercial. Les dispositions de l'administration du bien d'autrui, tel que nous les lisons, s'appliqueraient aux sociétés commerciales ce qui nous semble, en tout cas, entraîner des changements assez radicaux par rapport aux règles que nous connaissons actuellement relatives aux sociétés commerciales. Il nous paraîtrait opportun, ici, que les dispositions à l'administration du bien d'autrui soient rédigées de façon à se limiter effectivement à ce qu'on appellerait des sociétés civiles

par opposition aux sociétés commerciales de manière à ne pas venir créer un certain chaos dans le domaine du droit corporatif et commercial. On vous indiquait d'ailleurs, dans notre mémoire, un certain nombre d'exemples qui nous paraissaient un peu curieux si on appliquait effectivement ces règles dans le domaine du droit commercial.

Par ailleurs, en ce qui concerne la question de la prescription acquisitive, notre seule remarque porte sur l'article 971. On y dit que l'appropriation, la détention d'un bien de manière illégale ne permettra jamais d'invoquer les effets de la possession à l'égard de ce bien. Nous sommes portés à croire que ce texte va peut-être un peu trop loin. Si on se rapporte aux dispositions actuelles du code, on pense plutôt aux gens qui s'approprient des biens d'une manière frauduleuse. On pense aux voleurs notamment. Ici, on parle d'une appropriation d'une manière illégale, ce qui voudrait dire d'une manière qui contreviendrait, de quelque façon, aux lois mais sans nécessairement qu'on pense, ici, si je comprends bien, à un voleur ou à une personne qui s'est appropriée des biens par fraude ou violence. Nous sommes portés à croire que ça va peut-être un peu trop loin et qu'il y aurait sans doute lieu de tenter de restreindre la portée de cet article à la portée que nous trouvons actuellement, suivant les dispositions du Code civil.

Quant à l'acte de fiducie, nous tenons tout simplement à faire une remarque qui vise l'article 1319. L'article 1319 nous semble imposer des obligations dans les cas de constitution d'une fiducie d'utilité privée ou sociale qui peuvent difficilement s'appliquer lorsque l'on pense en termes d'acte de fiducie qui comporterait des charges flottantes à l'égard de biens futurs. Car on y oblige le fiduciaire à faire un état détaillé des biens formant le patrimoine fiduciaire et à renouveler, annuellement, cet état en indiquant toutes les modifications qui auraient pu être effectuées depuis le rapport initial. Cela nous semble difficilement applicable dans le cas des actes de fiducie comportant des charges flottantes qui seraient pris en vertu de la Loi sur les pouvoirs spéciaux des corporations.

On me faisait remarquer que je pouvais sauter, semble-t-il...

M. Beauregard (Jacques): II y avait le titre à l'égard de l'emphytéose. Nous avons constaté que, à l'égard de l'emphytéose, autant que dans le bail à construction, par une modification du vocabulaire actuel, par certaines phrases qui ne reviennent pas dans les articles que l'on a développés, on arrive à une conséquence où nous ne sommes pas convaincus qu'on ait donné à l'emphytéose à nouveau le droit réel immobilier, avec comme conséquence que nous finirions avec un simple bail ordinaire, qui n'aurait plus la réalité proprement de créer un démembrement de propriété immobilière, de telle sorte qu'il puisse donner lieu à une inscription au bureau d'enregistrement et à ce qu'il puisse y avoir une hypothèque, éventuellement, en matière d'emphytéose.

M. Morin: Alors, M. le Président, cela clôt notre mémoire. Si celui-ci suscite des questions ou des interrogations, nous sommes à votre disposition pour tenter d'y répondre.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Merci messieurs. Merci de la seconde version de votre mémoire, je pense que cela va simplifier un certain nombre de choses.

D'abord, un commentaire général sur le fait que le milieu bancaire est plutôt froid à l'égard de la propriété indivise. Je pense que c'est le moins que l'on puisse dire, sans trop caricaturer vos propos. Cela demeure un fait, cependant, qui, socialement, est là. Et c'est pour cela que l'exécutif et, à un moment donné, le législateur interviendra, parce que, de toute façon, il sera obligé d'encadrer cela. Deuxièmement, il est clair qu'il ne peut pas être tout à fait neutre à l'égard de cette question. Vous avez sans doute entendu les propos de mon collègue, le président de la commission. C'est presque, dans certains cas, de la nature d'une idéologie, l'intérêt que présente ce type de développement qui est une manifestation sociale et non seulement économique. Il s'agit d'y trouver les moyens d'encadrement adéquats, en même temps qu'en tentant de préserver un fonctionnement sur un plan économique qui soit acceptable y compris pour les institutions.

Je reprendrai brièvement une demi-douzaine des choses que vous avez soulevées. D'abord, à l'égard du parachèvement, l'article 1070 prévoit quand même un certificat et l'article 1093 prévoit qu'au moment du dépôt au bureau d'enregistrement les créanciers sont partie à la déclaration d'indivisibilité.

M. Beauregard: S'agit-il de copropriété divise ou de copropriété indivise?

M. Johnson (Anjou): Pardon? On parle de la copropriété divise. Vos propos étaient à l'égard de la copropriété indivise, si je comprends bien.

M. Beauregard: Non. C'est-à-dire que, de la façon dont cela se déroulait, je n'étais pas certain si vous étiez encore à l'intérieur de l'indivise.

M. Johnson (Anjou): Mais non, je

m'excuse. J'étais dans la copropriété divise à l'article 1093, où l'on prévoit que, sous peine de leur être inopposable, l'acte de copropriété doit, lors de l'enregistrement, être signé par tous les propriétaires de l'immeuble et accompagné du consentement écrit de toutes les personnes qui détiennent sur l'immeuble des privilèges et des hypothèques enregistrées.

Il me semble qu'il y ait un mécanisme de protection qui, dans le cas de la déclaration de copropriété, assure de l'intervention et du consentement du créancier hypothécaire. Oui?

M. Julien (Yvon): Je voudrais faire un commentaire. Je pense qu'il y a lieu de distinguer entre une copropriété divise à être construite d'une propriété construite. Il y a toute la dynamique du financement qui va permettra la réalisation d'un projet à être construit. À tout moment, entre la date à laquelle le projet démarre, à partir de ce moment-là et même antérieurement, parce qu'on ne dit pas que cela ne pourrait pas faire l'objet d'une cadastration ou d'un dépôt avant que la construction débute, ce qui va rendre pratiquement impossible le financement par les sources normales de financement hypothécaire, vous vous ramassez avec 100, 125 ou 150 copropriétaires qui sont propriétaires d'une poche d'air. Votre recours ne peut pas être plus grand que celui qui vous l'a donné. Au niveau pratique, ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a intérêt autant pour les petits propriétaires qui veulent voir le projet financé... leur intérêt est multidimensionnel, en ce sens que si un prêt, à titre d'exemple, est financé à l'origine, consenti aux constructeurs plutôt qu'aux petits propriétaires, il y a des lois, telle la loi nationale de l'habitation, qui vont les protéger contre les possibilités d'enregistrement de privilèges pour que la propriété ne leur coûte pas plus cher à la fin que ce qu'ils auraient convenu de payer dans l'acte de vente... Il m'apparaît qu'on doive tenter de protéger le petit consommateur. Si, par ricochet, on protège les créanciers, je ne pense pas qu'on fasse le bien pour éviter le mal. Il faut qu'on fasse le mal en voulant éviter le bien. C'est vice versa, selon le côté où l'on se place. Alors, au niveau des constructions, par la suite ou dans l'éventualité où on suivrait votre disposition de dire: 70 propriétés à construire, chaque fois que nous ferions un déboursé, nous devrions faire le déboursé au nom des 150 propriétaires. Je ne pense pas qu'on soit en mesure de faire le "processing" des chèques avec 150 noms dessus. On n'a pas encore trouvé de moyens informatiques d'avoir 150 noms sur un chèque. À moins que cela soit du microchèque et avec des microchèques on va se ramasser avec des micropaiements. Alors, au niveau pratique, cela nous prend le consentement de chacun des copropriétaires pour être capables de faire un déboursé sur la fondation. (23 heures)

M. Morin: II y a une précision à apporter ici. Je pense que lorsqu'on lit l'article 1093, on a à l'idée déjà qu'on a plusieurs copropriétaires.

M. Julien: C'est cela.

M. Morin: Cependant, il ne faut pas oublier qu'en pratique, il peut fort bien arriver qu'on n'en ait qu'un seul qui soit le promoteur. C'est lui qui va vous faire enregistrer. Lorsque vos copropriétaires vont arriver par la suite et qu'ils vont acheter leur part, l'enregistrement aurait déjà eu lieu. Il arrive souvent en pratique que le promoteur, c'est lui-même qui est le seul et unique copropriétaire.

Une voix: ...propriétaire au moment de la déclaration.

M. Boivin (Charles): Enfin, l'article 1093 permet que l'acte soit déposé et enregistré contre un immeuble où il n'y aurait aucune construction et aucune hypothèque. L'acte de copropriété sera enregistré et le créancier hypothécaire entrerait en jeu par la suite. S'il y a un ajustement à faire, cela serait peut-être à l'article 1087, troisième aliéna, où il est dit: "Les plans doivent porter le certificat d'un arpenteur-géomètre attestant, le cas échéant, de la conformité du plan et des bâtiments construits." En fait, les mots "le cas échéant" laissent entendre qu'on peut enregistrer le projet d'acte de copropriété avant que la construction ait été accomplie. Il faudrait prévoir que cela ne peut se faire que lorsque la construction est presque totalement achevée au moins.

M. Johnson (Anjou): Dans le cas des assurances, à l'article 1105, votre préoccupation de voir flamber le produit des assurances, comme ce qui a fait l'objet du feu, cet article dit bien que: "L'indemnité due au syndicat à la suite d'une perte est, malgré l'article 2586 du Code civil du Bas-Canada, versée à un fiduciaire nommé à l'acte de copropriété ou, à défaut, désigné par l'assemblée des copropriétaires." Le fiduciaire étant un administrateur du bien d'autrui, je présume qu'il va dans l'essence même de ses fonctions de protéger les droits des créanciers à l'égard de la disposition de cette somme.

Si je comprends bien, vous trouvez que ce n'est pas assez.

M. Julien: Au cours de la construction qui viendra, par la suite, on a un rang de

créancier hypothécaire, mais dans l'éventualité où il manquerait de fonds pour compléter les travaux, qu'il y ait des privilèges d'enregistrés pour des travaux faits par les sous-traitants et les traitants, quelle est notre position comme créancier hypothécaire? En d'autres termes, il faut qu'on s'assure qu'en tout temps, on a une hypothèque qui n'est pas attaquable, qui est en bonne et due forme et que personne ne peut la primer. On pense, à la suite des expériences passées, que la seule façon de s'en assurer, ce qu'on a fait dans le passé, ce qu'on continuera à faire à l'avenir. Je crois qu'on n'a jamais, comme institution financière, refusé à un propriétaire de reconstruire son immeuble détruit par l'incendie lorsqu'il nous a prouvé qu'avec le montant qu'il lui revenait de la prime d'assurance était suffisant pour assurer les coûts de reconstruction. Il faut se placer dans ce contexte lorsqu'on parle de notre position. Alors, cela a autant l'intention de protéger le consommateur à l'occasion contre lui-même que de protéger notre créance.

M. Beauregard: J'ajouterais un élément additionnel. Il ne faut pas oubllier qu'advenant une destruction, on ne parle pas de l'existence d'un seul créancier hypothécaire pour un édifice, mais fort probablement d'un ensemble assez bigarré qui, dans certains cas, pourrait peut-être représenter une vingtaine de créanciers hypothécaires différents qui possèdent des droits sur des poches qui n'existent plus. Alors, à ce moment, c'est quoi une sûreté hypothécaire s'il n'y a plus rien? La sûreté devient le montant d'argent entre les mains du fiduciaire, parce qu'il sert à une nouvelle construction qui n'est pas la construction antérieure sur laquelle le prêteur a prêté donc, sa considération. Il se voit engagé dans une considération qui n'était pas la sienne, qui n'était pas celle sur laquelle il s'était engagé. En plus, il se retrouve un parmi plusieurs et il peut se faire damer la priorité par rapport à d'autres, ceux qui vont apporter les sommes au niveau de la construction. On crée un mélange assez complexe, contraire aux règles actuelles qui consistent tout simplement à rembourser le prêteur, et qui ferait que les gens qui avaient une participation dans ce qu'il reste maintenant du sol, qui est la seule partie commune qui reste, peuvent à nouveau recommencer la construction et en refont le financement de façon unique. Au niveau de la nouvelle construction, on repart avec un seul financement, tandis que là on part avec quelque chose qui n'est pas manoeuvrable. Essayez de vous imaginer qui va faire les paiements. Comment les créanciers hypothécaires vont faire la surveillance pour s'assurer que cela se rendra au 20e étage et au 2305 par rapport au 2108, alors qu'on parle de faire des fondations. Il y a un problème conceptuel majeur. Ensuite, vous allez avoir tous les problèmes du privilège de construction, de la date de la fin des travaux unité par unité. Essayez de vous imaginer le problème du sous-entrepreneur qui, lui, a livré des armoires de cuisine pour l'ensemble du projet et qui se fait repousser par l'entrepreneur le paiement jusqu'au dernier étage, au dernier appartement et qui là se fait dire: Je ne te paie pas. Il va vouloir redescendre à l'appartement d'en bas, mais l'appartement d'en bas est peut-être déjà occupé depuis six mois. Est-ce qu'il a encore le droit? Le propriétaire en bas va dire: J'ai tout payé. En plus de la fin des travaux à l'égard de mon appartement, c'était il y a six mois. Par conséquent, conformément aux règles du privilège, mon cher, tu n'as aucun droit contre moi. Cela va devenir une situation inconfortable.

M. Johnson (Anjou): Intenable.

M. Beauregard: Conceptuellement, cela peut sembler fonctionner, mais cela ne marche pas dans l'industrie.

M. Johnson (Anjou): Stipulation d'inaliénabilité aux 1245, 1247, vous soulignez votre appréhension à l'égard des recherches que cela impliquerait, etc. Il me semble que la règle est claire en matière immobilière. On dit: "La stipulation d'inaliénabilité qui affecte un immeuble n'est opposable aux tiers que si elle est enregistrée; celle qui affecte un meuble n'est opposable aux tiers que s'ils en connaissaient ou devaient en connaître l'existence". En matière immobilière, on prévoit la stipulation d'inaliénabilité opposable aux tiers y compris un créancier qui pourrait l'être ou qui arrive dans le décor que dans la mesure où c'est enregistré. Je comprends mal votre appréhension devant...

M. Beauregard: C'est une réaction passablement viscérale, compte tenu du développement du droit depuis déjà un certain temps dans ce domaine. Il y a de la jurisprudence qui est constante au Québec et même jusqu'en Cour suprême pour s'opposer à la stipulation d'inaliénabilité sur la base du code actuel. La stipulation d'inaliénabilité constitue un problème à l'égard des titres. On peut dire qu'au niveau de l'immeuble, pour autant que cela n'apparaîtra pas, cela serait simple, mais ne nous limitons pas à l'immeuble regardons aussi le bien meuble. Tant l'un que l'autre, l'inaliénabilité constitue un élément additionnel d'absence de clarté, un danger pour tout acheteur. Un danger contre lequel la première codification française de 1802 s'est opposé et l'a supprimé. On l'a repris dans le droit québécois. C'est un élément qui complique

sérieusement les règles normales du marché. Il faudrait vraiment déterminer l'avantage considérable. Il faut tenir compte que l'inaliénabilité peut aussi être utilisée pour bloquer des titres sur des périodes de génération. Sur une longue période, nous pourrions nous retrouver dans une situation où des grandes parties d'un territoire ne pourraient plus vraiment faire l'objet de quelque contrat, parce qu'on déborderait les générations, alors que dans l'ensemble du code, dans le droit des biens, on a fixé une longévité maximale aux actes à 100 ans; par l'inaliénabilité, on peut se rendre aux millénaires aisément. Je n'exagère pas. Vous n'avez qu'à regarder, il y a une expérience. Cela a conduit à une des grandes modifications qui est prévue dans le droit des biens dans le Code Napoléon, qui a été reprise en droit québécois. Nous avons vécu dessus. Il y a de la jurisprudence récente. Le juge François Chevalier, dans une cause l'année dernière, s'est prononcé clairement pour une clause qui semblait être tout au plus un droit de préemption et il l'a interprétée comme étant une stipulation d'inaliénabilité. Il a cassé la clause au contrat en disant que c'est contraire à l'ordre public.

M. Morin: II faut faire remarquer de toute manière qu'on ne proposait pas l'interdiction pure et simple, mais on demandait au moins d'en limiter les dangers en mettant une limite dans le temps. On suggérait ici cinq ans mais...

M. Beauregard: Par exemple, pour un immeuble on peut comprendre le danger quand, dans un même contrat, il peut y avoir 25 clauses différentes. Quand on va l'inscrire à l'index aux immeubles; on va écrire, par exemple, "hypothèque", "vente". C'est tellement outrancier comme titre de clause. Il faut que, pour toute personne qui consulte l'index aux immeubles, cela lui saute réellement aux yeux. Il faudrait donc que ce soit un acte propre, complètement indépendant et pour une période de temps limitée, pour ne pas qu'on se retrouve dans une situation où on va contourner l'ensemble des lois, ou qu'on puisse l'avoir par tacite reconduction ou par simple reconduction contractuelle qui ferait qu'à un moment donné on ne pourra plus suivre les titres.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il y a plusieurs ordres de préoccupation dans ce que vous évoquez. Il y a d'abord ce que vous traduisez comme étant fondamentalement une réaction viscérale, dans le but de protéger la souplesse de notre patrimoine collectif pour les millénaires à venir. Je ne tourne pas en dérision, mais je me permets peut-être d'exagérer un peu votre propos pour les fins de la discussion.

Deuxièmement, il y a la valeur essen- tielle et quintessencielle de l'enregistrement qu'on retrouve à l'article 1247 auquel vous dites cependant deux choses: 1°: II faudrait que ce soit un acte propre, de telle sorte que cela saute en plein visage au moment où on fait une recherche de titre. 2°: Vous suggérez qu'il y ait une période de temps. Je pense que vous laissez entendre cinq ans dans votre mémoire. C'est cela. En matière immobilière, on a plutôt tendance à penser à 30 ans ou 99 ans qui sont les chiffres qu'on retrouve habituellement autour des transactions immobilières.

M. Beauregard: C'est-à-dire que c'est une clause un peu spéciale qui bloque effectivement la revente de la propriété.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Beauregard: On empêche la vente de la propriété selon les règles normales du marché. Si on la bloque pour 30 ans, effectivement, on fait un passage d'au-delà d'une génération, la génération étant d'environ 20 ans, n'est-ce pas?

Or, si on veut bloquer pour une période limitée, allons-y pour une période très limitée de sorte que rapidement les titres se clarifient. Vous savez, cela nous impose des vérifications qu'il faut faire faire.

M. Johnson (Anjou): Oui. Mais je ne suis pas sûr que je vous suis dans votre raisonnement quand vous dites: "De telle sorte que l'étude se clarifie".

M. Beauregard: Oui.

M. Johnson (Anjou): Dans la mesure où il y a une stipulation d'inaliénabilité, qu'elle est claire et enregistrée et disons qu'elle est un acte propre, que le titre est clair, sauf qu'il impose que cette propriété ne peut changer de main.

M. Beauregard: Mais si vous avez une longue période de temps vous aurez l'intervention des successions. Supposons que vous avez une substitution. Précisément, plus tôt, M. Leduc indiquait combien superbe était la législation en matière de substitution, mais ce qu'on oublie, c'est qu'il peut y avoir une situation où personne ne pourra libérer un bien qui serait tombé dans le cadre d'une substitution. Cela peut même être bloqué aisément jusqu'à 30 ans ou 40 ans, si on parle d'une famille qui a plusieurs enfants où il est dit que les propriétaires éventuels, dans le cadre de la substitutionn, ne sont pas encore nés. On aura un problème.

Si c'est pour une période très claire, très limitée, au-delà de laquelle il n'y a même pas besoin d'avoir de radiation, à ce moment, elle meurt sans plus et on continue

la chaîne normale de titre.

M. Johnson (Anjou): Pour vous, le caveat qu'on retrouve à l'article 1246 sur la notion de l'intérêt qui a justifié la stipulation d'inaliénabilité n'est pas suffisant?

M. Beauregard: Pas assez clair. (23 h 15)

M. Johnson (Anjou): Pas assez.

M. Beauregard: Pas assez. Surtout pour une clause, une stipulation aussi dure qu'est l'inaliénabilité quant à son impact sur la place du marché. Des gens pourraient effectivement se retrouver avec des propriétés qu'ils ne pourraient pas vendre envers personne et qui se retrouveraient dans une situation où ce serait bloqué surtout si on installe de longues périodes de temps. Les successions finissent toujours par intervenir.

M. Johnson (Anjou): J'en prends bonne note.

M. Beauregard: De la même façon à l'égard du droit de préemption, on n'a pas prévu - comme vous le disaient ce matin les notaires à 1239 - les problèmes d'un contrat. Quand on négocie un contrat de vente, il peut y avoir des modifications des clauses et on ne prévoit pas non plus l'enregistrement de la notification, ni de règles très claires en matière de notification, ce qui veut dire que, là encore, la cause de préemption se révélerait un droit qui pourrait commencer et on ne voit pas comment il se terminerait. Cela causerait de sérieux problèmes pour un prêteur qui se ferait approcher par un propriétaire d'immeuble et lui dirait qu'il veut avoir une hypothèque, qu'on découvrirait un droit de préemption au titre, il se peut fort bien qu'il ne puisse pas se faire de prêt hypothécaire c'est-à-dire qu'on ne puisse pas considérer qu'il y aura un droit de premier rang conféré au prêteur hypothécaire, à moins de trouver le détenteur du droit de préemption pour qu'il contresigne.

M. Johnson (Anjou): L'article 971: "Celui qui s'approprie ou qui détient un bien de manière illégale ne peut jamais invoquer les effets de la possession à l'égard de ce bien." Je prends bonne note de votre remarque à l'égard de l'interdiction de l'acquisition par prescription dans le cas des voleurs. On trouvait que la notion de voleur était un peu limitée, peut-être qu'avec le mot "de manière illégale" a-t-on ouvert cela à l'ensemble du droit statutaire. Je prends bonne note de votre remarque.

M. Beauregard: II n'y a plus de prescription par possession de bonne foi qui permet de corriger les titres dans les derniers 30 ans.

M. Johnson (Anjou): Merci bien.

Le Président (M. Vaugeois): M. Leduc.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous vous êtes donc posé des questions sur l'article 1105. Je suis bien d'accord avec votre position, nous disant que s'il y avait une perte totale ou quasi totale, je ne pense pas que pourrait tellement fonctionner la réparation ou la reconstruction d'immeuble. Je serais tenté de vous poser la question à savoir quelle serait votre solution, parce qu'évidemment on doit vivre cela. C'est sûr que cette question se pose ou va se poser. Quelle serait votre solution ou votre proposition?

M. Julien: Notre solution au point de vue pratique est qu'une institution prêteuse a très bien pu consentir un prêt sur une bâtisse dans une milieu où la valeur était bonne au moment où le prêt a été consenti. Pour une raison ou pour une autre, le quartier se détériore, la valeur de la propriété avait diminué de beaucoup pour un ensemble de raisons et cela deviendrait même un mauvais investissement que de réparer la fameuse bâtisse. Ce que l'on fait en général, du moins chez les banques, lorsqu'il y a une réparation mineure, un feu mineur soit de 1000 $, 1500 $ ou 2000 $, si le client paie bien il n'y a pas de problème. Il vient chez nous et pour 1500 $ on regarde l'équité dans sa bâtisse. La plupart du temps on endosse le chèque et on lui dit: Répare ta maison et on ne veut rien savoir puisque c'est un paquet de trouble.

Si le montant est supérieur on va lui dire ceci: Va chercher des soumissions de réparation pour savoir le prix que cela va coûter et si tu as assez d'argent pour le faire. C'est ce qui est important pour le consommateur. Si les soumissions entrent à l'intérieur du montant de l'indemnité reçue, on lui dit: Fais les travaux et quand le tout sera terminé apporte les factures et on va payer les factures en ton nom et tu vas faire le travail. Si à la suite de sa propre démarche, il se rend compte qu'il va lui manquer 5000 $ ou 10 000$ il faut qu'il les trouve quelque part, puisqu'il ne les a pas. On peut même s'asseoir avec lui et renégocier les termes de son hypothèque pourvu que la valeur de la propriété sera là une fois la reconstruction faite.

Je comprends que vous regardez peut-être les grands ensembles où il y a plusieurs copropriétaires. Dans les grands ensembles, le problème prend une dimension pratiquement irréelle; vous pouvez vous retrouver avec 100 unités, 99 prêteurs, dans 10 ans, dans 15 ans, on ne le sait pas, cela évolue, un type change, il paie son hypothèque, il la remplace par une autre, etc.

De quelle façon cela sera-t-il organisé?

Quelle est l'étendue des dégâts. Je ne sais pas exactement. Je pense que vous voulez protéger quand même les débiteurs ou les propriétaires qui sont débiteurs, mais notre intérêt n'est pas non plus de faire mourir ces gens. On vit des clients qu'on dessert. Alors, si l'on avait des cas bien patents, on pourrait me dire que les créanciers, les banques en particulier, ont abusé de leurs droits à la question des indemnités d'assurance. J'aimerais bien qu'on nous le dise. Peut-être qu'on pourrait s'ajuster. Mais dans ma vie, à la banque, depuis déjà douze ans, puis dans le domaine depuis trente ans, je ne me souviens pas. Je suis peut-être un peu comme les animaux malades de la peste, je suis peut-être le seul qui ne sent pas mauvais, mais je ne me souviens pas de ne pas avoir été très condescendant vis-à-vis d'un emprunteur qui avait eu à passer à travers un incendie.

Là, on nous place dans une situation comme si les institutions financières, au départ, étaient un peu en opposition vis-à-vis de notre client. On est en relation d'affaires, ce n'est pas une opposition. Alors quand vous nous demandez ce qu'on devrait suggérer, bien mon Dieul si lorsque, comme prêteur, je suis entré dans un acte de prêt par lequel le client me dit: Voici, je te transporte un bien immobilier qui est dans une condition telle que tu m'avances tel montant d'argent, il m'apparaîtra raisonnable que si le bien disparaît en tout ou en partie qu'il me rembourse... Ce n'est pas un droit abusif que de dire: Le bien que tu m'avais transporté en garantie est disparu en totalité ou en partie, il est normal que l'argent ou la dépréciation de la bâtisse, compte tenu de la moins-value qu'elle a prise à la suite d'un incendie, que mon risque soit diminué d'autant et qu'on s'assoie ensemble pour discuter si oui ou non il y a lieu de négocier une nouvelle convention.

M. Morin: Pour répondre à la question, en fait, ce qu'on suggère finalement, c'est que l'article soit plus ouvert. Là, il n'indique qu'une seule loi dans le cas du versement d'une indemnité d'assurance. On dit qu'on devrait prévoir la possibilité effectivement que l'indemnité puisse être versée au prêteur si, contractuellement, cela a été admis par les parties.

Il faut bien penser que - on a mentionné je pense un problème pratique - le prêteur va s'assurer, notamment si la reconstruction ou la réparation a lieu, que des privilèges ne seront pas enregistrés, c'est-à-dire qu'il va s'assurer que les gens qui feront les réparations seront payés, qu'il n'y aura pas de privilèges qui viendront se greffer sur l'immeuble qui passeraient avant sa dette.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne suis pas d'accord avec votre position. Vous êtes peut-être conciliants, mais peut-être que d'autres institutions le sont moins. Je ne peux pas être d'accord avec cela.

Je pensais que vous étiez pour suggérer qu'on devrait indiquer dans l'acte un certain pourcentage et dire: Si la destruction ou les dommages sont équivalents - je ne sais pas -à 80% ou au-delà de 80%, on pourrait exiger le remboursement de notre créance. Mais s'il fallait qu'à la suite d'un incendie ou à des dommages qui ne sont pas importants, qui pourraient représenter peut-être 10%, je ne vois pas du tout pourquoi vous pourriez exiger votre créance... À ce moment, c'est dans les mains du fiduciaire. Il devrait y avoir un mécanisme dans la déclaration de copropriété prévoyant les réparations ou la reconstruction.

Je suis bien d'accord avec vous pour dire que s'il y a une destruction, quand on dit qu'elle est utilisée pour la réparation ou la reconstruction de l'immeuble, on peut quasi déduire qu'advenant une perte totale, il devrait y avoir reconstruction. Dans ce cas, je serais d'accord. Mais, à mon sens, on devrait fixer un pourcentage. Cela devrait être la mesure. Mais que cela va relever de votre discrétion, je ne peux pas être d'accord.

M. Julien: M. Leduc, le droit que l'emprunteur nous a consenti, le lien que nous avons établi avec lui au regard d'une somme d'argent avancée contre un bien, c'est en fonction d'un bien réel qui était là au moment où on a avancé nos fonds. On n'a pas avancé 0,80 $ dans 1,00 $, ni 0,85 $ dans 1,00 $, ni 0,98 $ dans 1,00 $, mais on a avancé 100 cents par 1000 $. Si nos dollars ne sont pas bons, qu'on nous le dise, on en donnera de bons. Maintenant, au niveau de la garantie, c'est cela qui s'est produit. Contre une somme d'argent, on transporte un bien et pour m'assurer qu'en cas d'incendie il y ait une perte de valeur plus ou moins importante dont le produit devra me servir, soit à rebâtir ou à me rembourser, j'ai le droit d'exiger, comme prêteur, la protection de mes déposants. Ensuite, cela va plus loin que cela. Si j'ai des prêts assurés en vertu de lois autres que québécoises, je suis obligé d'agir en fonction des législations en vertu desquelles j'opère. Si je consens des prêts à des citoyens du Québec, en vertu de la loi nationale de l'habitation, je ne commets pas une hérésie, je rends service à des gens. En vertu de quel critère on va me forcer à renoncer à une protection qui m'est exigée par la Loi sur les banques si j'excède 75% de la valeur d'avoir une assurance avec une compagnie en vertu de la voie nationale, une compagnie d'assurance habilitée. Où est-ce que je serai là-dedans et eux, ils exigent que j'aie les polices d'assurance payables à mon nom,

comme créancier hypothécaire.

Je pense qu'on essaie de déranger énormément des règles établies mais qui viennent aussi... Quand il y a une transaction, il y a des droits des deux côtés, des obligations contractuelles des deux côtés. Maintenant, si l'individu n'est pas satisfait du traitement qu'un prêteur peut lui faire, il n'a qu'à se retourner de côté, aller emprunter ailleurs et dire: Avec l'argent que telle banque a reçu, elle n'a pas voulu m'aider, est-ce que vous voulez me donner une autre hypothèque pour que je puisse la rembourser et faire affaires avec vous? Il y a peut-être 1200 succurcales de banque au Québec, 1500 succursales de caisse populaire et de compagnie d'assurance, il devrait être capable de se trouver un prêt si son risque est si bon que cela. Je ne sais pas ce qu'on recherche.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela dépend, si vous avez une copropriété de 150 unités, vous voyez le problème. Si vous avez consenti une hypothèque à 10%, c'est bien réel, et que le taux est maintenant à 15%, c'est tout un problème qui va survenir. Cela pourrait être tentant; je ne dis pas que vous allez le faire, apparemment vous êtes très conciliants, mais il y a peut-être d'autres institutions qui seraient tentées de le faire. Vous voudriez en fait que dès qu'il y a une perte, non seulement vous exigez le montant dont l'indemnité payée par la compagnie, vous dites: On veut avoir un remboursement intégral de notre...

M. Julien: Je m'excuse, ce n'est pas ce que j'ai dit. On prête des intentions aux mots que je dis qui ne sont pas réels, je m'excuse humblement. Tantôt je vous ai dit: Ce qu'on exige, c'est d'avoir l'administration du produit de l'assurance afin de nous assurer de certaines données, c'est cela qu'on dit. En tant que créancier...

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez être fiduciaire, est-ce cela?

M. Julien: Bien oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez être fiduciaire vous voulez que l'institution...

M. Julien: C'est cela. Je pense qu'on a le droit d'agir autant pour notre propre bien que celui de notre débiteur, bon Dieu! Si la maison est détruite à 50%, qu'est-ce que cela veut dire au niveau des coûts de reconstruction? Il y a des fois, c'est détruit à 50%, vous êtes mieux de la mettre à terre complètement que de rénover.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je vous donnerais peut-être le droit de choisir un fiduciaire, parce que le fiduciaire sera assurément une société de fiducie.

M. Julien: Encore là, on ajoute... excusez, je n'ai rien contre les sociétés de fiducie, elles sont en mesure de défendre leurs droits maintenant...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je vous donnerai le droit de nommer...

M. Julien: Je pense qu'à ce moment, on ajoute au coût. Il n'y a personne qui travaille pour rien. Est-ce que le bien qu'on veut rechercher est plus grand que les coûts globaux qu'on va engendrer chez l'ensemble des consommateurs? C'est un point de vue que je ne partage pas. On doit tenter de laisser les parties contractantes s'entendre et, si elles ne s'entendent pas, bien mon Dieu, il y a des tribunaux qui existent, il y a d'autres institutions prêteuses qui existent. Il m'apparaît qu'on est en train d'essayer de tuer un oiseau avec un bulldozer, quelque chose du genre, je ne sais pas, mais...

M. Morin: En pratique, par ailleurs, lorsque vous parliez du 8020, effectivement, si l'indemnité d'assurance qui est payée et qui vaut pratiquement le montant avancé par le prêteur, il y a des possibilités qu'à ce moment, la destruction soit tellement grande en pratique - on ne peut voir cela que par cas - qu'il soit jugé assez peu opportun de reconstruire ou de réparer. Par contre, c'est évident que si on revient avec une indemnité de 1500 $ alors que les montants avancés sont de 100 000 $, il n'est évidemment pas question pour le prêteur d'insister pour que ce soit lui qui administre la somme en question. (23 h30)

M. Leduc (Saint-Laurent): La question serait d'ailleurs également pertinente pour les faux propriétaires, non simplement pour le prêteur. On peut se poser la question: Est-ce que certains de la majorité seraient intéressés à reconstruire s'il y avait une perte quasiment totale?

M. Morin: II faut dire que dans le mémoire...

M. Leduc (Saint-Laurent): La question est très pertinente également pour les copropriétaires.

M. Morin: Je pense que, dans le mémoire, si je me souviens bien, il y a un membre dissident qui a soulevé ce problème au nom des copropriétaires. Je crois que c'était au nom des copropriétaires qu'il réclamait le droit que l'indemnité ne soit pas versée au syndicat, mais plutôt aux copropriétaires.

M. Beauregard: M. Leduc, je voudrais

seulement ajouter qu'un des grands problèmes reliés à cela, c'est le fait qu'on remet au syndicat l'intérêt assurable, ce qui veut dire que conformément aux prêts, sous la loi nationale de l'habitation, tous ces prêts ne pourraient avoir la clause par laquelle l'emprunteur va offrir une assurance puisque l'intérêt assurable ayant été transféré au syndicat, il ne l'a plus personnellement. Il ne peut y avoir qu'un intérêt assurable.

Par conséquent, on est dans une situation un peu fausse ici. Sans compter qu'il ne faut jamais oublier qu'au moment de la construction, il n'y a qu'un seul prêteur et qu'au moment de la destruction, il faut prévoir qu'il y en a une série. C'est ce qu'il faut garder en tête et cela devient inapplicable.

M. Morin: Ce sera ma dernière question. On a parlé d'emphytéose tantôt. Vous êtes au courant du problème qui est survenu à l'Ile des Soeurs, je pense.

Une voix: Oui. On en a entendu parler.

M. Morin: Est-ce que vous avez l'impression que la loi va boucher le trou, que cela va solutionner le problème?

M. Beauregard: La question, tout d'abord du point de vue des avocats, le bail de l'Ile des Soeurs, la pratique usuelle à Montréal depuis le début de l'île des Soeurs a été de considérer le bail comme étant à tout le moins douteux, de sorte que toutes les parties qui avaient quelque droit réel immobilier dans cette propriété sont toutes intervenues dans tous les actes de sorte que le jugement n'a d'impact, semble-t-il, que sur les taxes. Parce que tout le monde s'était protégé, parce que les opinions juridiques à Montréal étaient à l'effet que ce bail était douteux depuis l'origine.

On s'était donc couvert depuis le début. Je peux vous dire cela non pas d'un point de vue de banque mais d'un point de vue d'avocat qui a fait du droit immobilier avant de travailler pour les banques. C'était de réputation à Montréal dans le milieu des avocats que le bail de l'île des Soeurs était douteux avant même que la cause soit inscrite en cour.

Le problème qu'on a créé, c'est qu'on a, entre autres, enlevé cette notion que l'emphytéose emporte l'aliénation. Ensuite, on a fait qu'à l'article 1226 on peut même renoncer au droit de propriété, à tout droit de propriétaire. Dans les articles sur l'emphytéose, là encore, dans le milieu du droit immobilier, ces articles ne convainquent pas qu'il y a un droit réel immobilier. On a joué dans le vocabulaire au-delà de la rente. D'ailleurs, le mot "rente" en voulant en enlever le caractère très sobre de paiements réguliers à montant strict... il ne s'agit pas pour moi de défendre un point ou l'autre. D'abord, le mot "emphytéose" se rapporte à la rente. Alors, il n'y a plus nécessairement de rente. Donc, c'est maintenant un peu comme la hache de Joseph dont on disait qu'on a changé cinq fois le manche et quatre fois la tête. On peut se demander ce qu'il reste.

Encore, le mot "emphytéose", il n'y a plus rien de l'emphytéose comme telle. Quand on prend tous les éléments, il n'y en a plus. Ce n'est pas suffisant pour dire qu'à la fin on est en présence d'un droit réel immobilier dans sa rédaction actuelle, telle qu'elle est dans le projet.

N'étant pas satisfait de cela, est-ce que cela pourrait même faire l'objet d'un enregistrement au titre?

M. Julien: Simplement un commentaire. Je me demande quelle sorte de salami va faire une propriété en copropriété de 150 unités sur un terrain par bail emphytéotique ou par emphytéose si le droit réel n'était pas là et que les gens seraient rendus dans leur bâtisse? Je trouve qu'on est en train de se créer des problèmes en voulant en régler.

Ce n'est qu'un commentaire d'un homme instruit, n'étant pas avocat. Je vous dis cela sans autre cérémonie que celle d'un praticien. Je pense qu'avant d'apprendre à courir, je vais apprendre à marcher. Il y a des choses qu'il va falloir qu'on fasse d'une façon bien pratique, toujours pour ramener le consommateur vis-à-vis de ses droits à lui. Quels sont-ils? Puis, pour qu'il puisse avoir le droit de devenir propriétaire, à moins qu'il ne soit riche, il faut qu'il ait le moyen d'emprunter. Quelles sont les exigences normales d'un prêteur - je n'appelle pas cela prudent, bon père de famille - c'est x, y, z. Il y a moyen de faire des législations dans ce sens et on y tient. On va toujours épaulé ces choses. On l'a prouvé dans Corvée-habitation qu'on était là pour épauler plusieurs d'entre nous.

Le Président (M. Vaugeois): Est-qu'il y a d'autres questions? Cela va.

Je retiens une chose de tout cela, c'est que vous nous mettez en garde sur des points importants mais par ailleurs, à plusieurs reprises, en vous entendant, je me disais qu'il y a des banques dans d'autres pays du monde qui ont fait face à des situations qui semblent vous troubler profondément ici. Ne dites pas non. Il y a bien des pays qui se sont développés ainsi. Il y a des banques qui ont survécu à cela, mais je comprends une chose, c'est que vous nous alertez et vous avez l'expérience du milieu financier. Nous devons en tenir compte. Par ailleurs, cela m'intrigue beaucoup. Je me dis que vous avez, pour la plupart d'entre vous, un caractère international, vous voyez faire les affaires tout le tour. Je pensais

seulement à la formule de temps partagé que pratiquent les Américains sur une très haute échelle. Quand vous avez 150 logements vendus à la semaine, vous en êtes à 7500 actes de propriété. Allez-vous me dire que ce sont toujours les propriétaires qui financent? Il doit bien avoir des banques quelque part dans le portrait. Cela réussit et se multiplie actuellement aux État-Unis et dans plusieurs pays du monde occidental. Il y a des pays comme la France où on était étonné de cela les premières fois qu'on le découvrait, mais cela fonctionne encore ces pays où l'on est propriétaire d'un appartement et il y a des communs qui sont importants pourtant. On a été beaucoup plus sévère ici que dans la plupart des pays qu'on a visités.

Je crois bien qu'il y a des phénomènes de civilisation. Le ministre parlait plus tôt d'idéologie, mais il y a aussi un phénomène de civilisation. Vous mentionniez, M. Julien, la dégradation des quartiers. Je pense qu'un quartier ouvrier où il y a un propriétaire principal spéculateur qui veut tirer le maximum de son stock immobilier en exploitant les locataires, là vous pouvez assister à une dégradation du stock immobilier, parce que les locataires trouvent toujours qu'ils payent trop cher alors que le propriétaire veut tirer le maximum sur une période relativement courte. Mais, si vous transformez le tout en copropriété, les locataires qui sont devenus des propriétaires ou qui ont été remplacés par des propriétaires, à mon avis, assurent une santé du stock immobilier différente.

C'est tout un discours où je ne veux pas conclure, même si je parle le dernier, mais je veux seulement suggérer que l'étude de cette partie du Code civil arrive à un moment où nos mentalités évoluent rapidement. On aura des ajustements à faire au niveau des lois et je pense qu'on aura à s'ajuster pas mal entre nous à cette réalité nouvelle qui comporte des éléments positifs et aussi des difficultés. Sur ce point, vous nous avez éclairés ce soir.

Moi je suis comme vous, M. Julien, un profane. J'apprends beaucoup. Je vais en faire mon profit mais pour l'instant les porte-parole de l'Opposition, le ministre et ses conseillers, je pense, vous ont écoutés bien religieusement malgré l'heure avancée. Vous avez su nous intéresser.

Auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Morin: M. le Président, je désire remercier tous les membres de la commission de l'accueil qu'ils nous ont réservé ce soir.

Il y a peut-être simplement une remarque à ce que vous venez de dire. Si nous avions le projet de loi concernant les sûretés, peut-être que certaines des craintes que nous avons exprimées ce soir auraient été apaisées, éteintes ou peut-être plutôt exacerbées. Je ne sais pas, mais il est évident qu'il faut quand même tenir compte aussi de ce facteur.

Le Président (M. Vaugeois): Cela, vous le dites dans votre mémoire. Est-ce que le ministre peut donner de l'information à ce sujet?

M. Johnson (Anjou): II faut calculer un bon douze mois.

Le Président (M. Vaugeois): C'est raisonnable?

M. Julien: Cela prend seulement neuf mois pour faire un bel enfant.

M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas fait de promesses. Il faut calculer douze mois.

Le Président (M. Vaugeois): Avant de terminer... M. Marx va bientôt nous dire qu'il va se préparer lui-même, quoi.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Toujours aussi modeste.

M. Beauregard: M. le Président, avant de vous quitter, j'aimerais vous rappeler qu'au niveau de la copropriété ou des conversions en copropriétés des immeubles à logements que nous avons à l'heure actuelle au Québec, il faut bien tenir compte que dans notre mémoire nous ne nous opposons pas à cela, sauf qu'il s'agirait de mettre au point une formule qui créerait réellement quelque chose qui s'opérerait confortablement. Ce qui s'est développé depuis 1975 s'opère très difficilement et nous ne sommes pas convaincus, à la lecture de ce qu'il y a là, qu'on est arrivé à une solution.

Le Président (M. Vaugeois): On s'entend sur ce point, M. Beauregard.

M. Beauregard: Merci.

Le Président (M. Vaugeois): Nous ajournons à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 40)

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