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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Avant de demander à nos invités de se présenter, il
y a quelques ajustements à faire du côté de notre
commission. Je vais demander au secrétaire de nous donner lecture des
membres de la commission et des remplacements, s'il y a lieu.
Le Secrétaire: Sont membres de cette commission M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Léger
(Lafontaine), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest
(Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière), M. Vaugeois
(Trois-Rivières), M. Johnson (Anjou).
M. Mathieu (Beauce-Sud) remplace M. Gérard D. Levesque
(Bonaventure) et M. Leduc (Saint-Laurent) remplace M. Mailloux
(Charlevoix).
Le Président (M. Vaugeois): Vous êtes le bienvenu.
Vous n'avez pas à remplacer.
M. Rivest: Avec tous les droits et privilèges.
Le Président (M. Vaugeois): Messieurs et mesdames de la
Chambre des notaires du Québec, nous allons vous inviter
également à vous présenter: vous pouvez présenter
les membres de votre groupe, ou chacun peut se présenter lui-même;
c'est à votre discrétion.
M. Kimmel (Earl): Je vais présenter ceux qui sont ici en
avant. Me Louise Thisdale, présidente du sous-comité de
législation sur le Code civil et professeur à l'Université
de Montréal; Me Jacques Auger, notaire et professeur à
l'Université de Sherbrooke, notre porte-parole qui va présenter
notre mémoire et qui répondra aux questions, sauf à celles
sur la copropriété. À ma droite, Me Denyse Fortin, du
service de la recherche et de l'information à la Chambre des notaires du
Québec, qui a agi comme secrétaire de notre comité. Il y a
aussi avec nous Me Claude Robitaille, qui répondra aux questions sur la
copropriété et, finalement, moi-même, Me Earl Kimmel,
président du comité de législation et membre du bureau et
du comité législatif de la Chambre des notaires du
Québec.
Le Président (M. Vaugeois): M. Kimmel, je constate qu'il y
a également plusieurs représentants de votre groupe professionnel
de la chambre des notaires. Je pense que vous pourriez vous permettre de
présenter ceux qui vous accompagnent également.
M. Kimmel: II y a également avec nous Me Yves Demers,
notaire à Québec et membre du sous-comité de
législation, Me Robert Lessard, notaire à Saint-Georges-de-Beauce
et également membre du sous-comité de législation, Me
Claude Robitaille, dont j'ai parlé tout à l'heure, Me
Gérard Ducharme, notaire de Montréal et membre du
sous-comité sur la copropriété, Me Pierre Desrosiers,
notaire à Hull et membre du sous-comité sur la
copropriété et M. Raymond Chouinard, notre communicateur.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le
Président.
Je vous souhaite la bienvenue, ce matin. Vous êtes dans une
nouvelle salle, une salle que nous ne reconnaissons pas. Vous allez
l'inaugurer. Espérons que ce sera de bon augure, de la même
façon que vous nous permettez de faire une première
expérience de la nouvelle loi et du nouveau règlement de
l'Assemblée nationale. Nous sommes même un peu en transition
puisque certains éléments qui vont régir le début
de nos travaux ont été décidés avant que le nouveau
règlement ne soit approuvé sur une base expérimentale.
Mais nous avons réussi, je pense, à faire les ajustements de
telle façon que, par exemple, le ministre de la Justice est membre de
plein droit de cette commission, étant donné que nous
étudions un projet de loi. Autrement, vous pourriez vous retrouver
devant une commission parlementaire composée uniquement de
parlementaires non membres de l'exécutif. Mais comme il s'agit d'un
projet de loi, j'insiste, le ministre est donc un membre de plein droit.
À cet égard, vous retrouverez certains éléments des
anciennes commissions mais, par ailleurs, vous avez devant vous un
président et un vice-président qui ne sont pas des
présidents de séance, mais qui sont définis comme des
animateurs de la commission, donc qui ont un droit de parole différent
de celui qu'ont pu exercer précédemment les anciens
présidents de séance.
À certains moments de nos travaux, nous pourrions demander
à un président de
séance d'intervenir pour permettre au président de jouer
un autre rôle plus actif. La même chose pourrait arriver pour le
vice-président.
Je pourrais expliciter un peu comme cela notre mode de fonctionnement.
Disons que je vais me contenter de nous souhaiter bonne chance
réciproquement parce que nous allons nous-mêmes apprendre
beaucoup. À cet égard, nous sollicitons déjà votre
indulgence. Mais, par ailleurs, vous y trouverez un certain nombre d'avantages
tout de suite: moins de formalisme, peut-être une plus grande souplesse
dans le fonctionnement. Nous avons également cherché à
inviter chacun des groupes qui avaient demandé à être
entendu au moment où ils souhaitaient le faire. Nous avons
cherché à respecter le moment préféré. Nous
avons également tenu compte du temps souhaité. Dans votre cas,
vous aviez souhaité un peu moins de trois heures. Au total, nous
devrions pouvoir disposer de près de trois heures aujourd'hui.
De notre côté, si nous n'avons pas un minimum de
discipline, le temps pourrait fuir sans qu'on en fasse bon usage. Alors, nous
allons ensemble convenir de la façon de nous partager le temps dont nous
disposons. À cet égard, je vous demanderais si vous avez un
souhait à formuler pour le temps de présentation de votre
mémoire.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, la nouvelle commission et les
règles ont un peu changé. J'aimerais demander si le ministre et
moi aurons quelques minutes pour faire un exposé
général.
Le Président (M. Vaugeois): Avant la présentation
du mémoire?
M. Marx: Avant la présentation des mémoires.
C'était toujours fait comme cela avant, et j'aimerais avoir cinq minutes
pour faire un très bref exposé.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous me le permettez, je
mets la question en suspens, et je demande à nos invités de nous
indiquer leurs besoins ou leurs préférences.
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député,
avant que vous parliez, je dois prévenir tout le monde que nous avons
encore des problèmes d'aménagement dans cette salle; en
particulier, le mobilier n'est pas encore arrivé. Nous nous excusons
d'ailleurs à votre endroit que tous les invités ne puissent
être à la table en avant. On comprend qu'il y a une équipe
de relève derrière vous. Quant à nous, c'est un peu
inconfortable, surtout quant à la climatisation. On s'excuse vraiment,
parce que le système n'est pas en fonctionnement ce matin. Il va s'agir
d'être à cet égard raisonnable et ne pas trop fumer.
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, vous avez
soulevé la question dont je voulais parler brièvement à la
commission. Comme vous le savez, que la commission relève de la nouvelle
ou de l'ancienne formule elle est une émanation de l'Assemblée
nationale. Or, nous savons tous que, dans la salle de l'Assemblée
nationale et dans ses galeries, il est interdit de fumer.
M. le Président, vu l'importance de cette question du point de
vue de notre santé, je propose qu'il soit également interdit de
fumer dans les salles des commissions.
Une voix: Bravo!
Une voix: Adopté, M. le Président.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, il semble qu'il n'y ait
pas d'objection. Que souhaitez-vous?
M. Auger (Jacques): M. le Président, je crois que nous
pourrions présenter les grandes lignes de notre mémoire dans une
période approximative de 45 minutes, ce qui laisserait le temps pour des
questions qui pourraient être posées par les membres de cette
commission. Donc, 45 minutes, c'est approximatif, mais nous croyons pouvoir le
faire dans ce laps de temps.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Ce que je vais
proposer, sous réserve d'autres remarques, c'est que nous pourrions
demander au ministre un mot d'introduction de son côté. Nous
pourrions inviter un porte-parole de l'Opposition à faire de même.
Après quoi, vous auriez à peu près 45 minutes à
votre disposition. Ensuite, nous pourrions revenir pour un certain nombre de
questions que pourrait tout de suite vouloir soulever quelqu'un de la
majorité, en l'occurrence probablement le ministre, quelqu'un de
l'Opposition, et nous pourrions essayer de partager le temps pour que les
membres de cette commission, profitent à peu près du même
laps de temps dont ont profité les porte-parole. De cette façon,
je crois qu'on va entrer dans nos deux heures et demie, deux heures et trois
quarts de temps.
Une autre chose que je propose également aux membres de la
commission: comme nous sommes là pour étudier et non pour nous
confronter - d'ailleurs, la matière s'y prête bien - des
députés m'ont suggéré de permettre qu'une question
soit amenée immédiatement si elle porte sur le même sujet
et si le but n'est pas de soulever une
controverse. Si, par exemple, dans ses questions, le ministre aborde une
question que voudrait approfondir rapidement un membre de cette commission, il
pourrait immédiatement demander la parole et nous pourrions aller plus
loin dans la question pour ne pas y revenir une demi-heure plus tard, alors
qu'on a un peu perdu le fil du point, l'esprit n'étant pas
d'empêcher l'autre d'aller au bout de sa pensée ou de le
contredire au départ, mais d'aller plus loin dans l'étude d'une
question.
Si on est d'accord là-dessus, j'invite d'abord le ministre
à nous dire quelques mots. Il sera suivi d'un porte-parole de
l'Opposition et nous vous inviterons ensuite à nous présenter
votre mémoire. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Pierre-Marc
Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je vous remercie. Je
vous souhaite ainsi qu'au vice-président et aux membres de la commission
tout le succès dans ce qui constitue une première, je crois, pour
la commission des institutions, qui fonctionne selon le nouveau mode
prévu dans notre règlement dans le cadre de cette première
étape de la réforme parlementaire.
Dans ce contexte, nous abordons cependant un sujet extrêmement
vaste, une substance à la fois considérable et
diversifiée. On sait que la réforme du Code civil est une
entreprise je dirais presque gigantesque. Elle remonte - on s'en souvient, de
façon substantielle - à l'époque de la codification des
lois du Bas-Canada en 1866. Cette étape constitue la plus importante
réforme depuis la codification de 1866.
Je rappelle un certain nombre de choses à propos du projet de loi
que nous étudions aujourd'hui. Le projet de loi 58, au sujet duquel nous
entendrons les commentaires venant de la Chambre des notaires du Québec
et d'autres groupes, n'est qu'un des trois aspects en ce moment à
l'étude devant le Parlement.
Un projet de loi, on le sait, a été déposé
en matière de succession et un autre en matière des personnes. Je
voudrais donc rappeler que les quelque treize cents articles qui touchent ces
projets de loi connaissent et doivent connaître une certaine
cohérence. Pour nous aider à y arriver, il faut bien voir que
nous ne sommes pas seuls et que nous n'aurons pas été seuls dans
ce processus qui dure, on s'en souvient, depuis la formation de la Commission
de révision du droit qui a été présidée par
Me Paul-André Crépeau pendant de nombreuses années. La
Commission de révision du droit à laquelle, sans doute, les plus
beaux cerveaux juridiques du Québec ont participé à un
titre ou à un autre, à titre de consultant, à titre de
personne entendue, à titre de rédacteur de rapports, cette
commission a entrepris cette revue de l'ensemble de ce droit fondamental que
constitue le Code civil au Québec, il y a de nombreuses années.
Elle a soumis un rapport important qui a fait l'objet d'un certain nombre de
consultations auprès d'organismes impliqués, notamment les
orgnismes professionnels oeuvrant dans le secteur du droit. Finalement cela a
donné lieu à ces projets de loi qui sont devant nous.
Ces projets, il faut bien le dire, et nous sommes ici en audition des
intéressés sur le projet de loi 58, ne constituent pas la
position définitive ou finale du gouvernement sur le plan de ce qu'il
lui reste d'initiatives législatives et parlementaires, M. le
Président, mais ils constituent pour l'essentiel, je pense, une
façon d'aborder la réforme du droit à partir non seulement
d'un approfondissement de ce que la doctrine et la jurisprudence ont fait du
droit civil québécois, mais également à partir d'un
ajustement à des réalités sociologiques de fonctionnement
de l'économie, puisque nous sommes dans le chapitre des biens et que
nous parlons beaucoup des dimensions du commerce, de l'économie et des
liens de droit qui existent entre les personnes dans le cadre des transactions
ou des biens, de la responsabilité des administrateurs, de la
transmission de la propriété, de la division ou de l'indivision
de la propriété. Nous touchons donc à une série de
choses qui sont aussi très contemporaines, c'est-à-dire le mode
de fonctionnement des échanges de biens et des liens de droit qui
existent à l'égard de ces biens entre les personnes qui
transigent sur le plan économique.
C'est donc un sujet très vaste et très complexe pour
lequel, encore une fois, je voudrais souligner l'apport considérable
qu'y ont mis un nombre de personnes extrêmement imposant et qui
représentaient à elles seules une somme de connaissances, de
responsabilités et de volonté de voir nos lois refléter le
mieux possible l'état de la société dans laquelle nous
vivons.
Je me contenterai donc, M. le Président, dans ces remarques
préliminaires, de remercier la chambre des notaires du mémoire
dont nous avons eu l'occasion de prendre connaissance depuis qu'il a
été déposé à la commission, du travail
extrêmement systématique, de toute évidence, qui a
été fait par son sous-comité de législation ou son
comité de législation -je ne suis pas sûr. Je veux lui dire
que nous aurons l'occasion, après avoir entendus ses porte-parole, de
peut-être poser un certain nombre de questions mais sûrement de
continuer de fouiller de façon extrêmement précise
l'ensemble des choses qui nous ont été soumises.
Le Président (M. Vaugeois): M. Marx, pour
l'Opposition.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais souhaiter la
bienvenue aux représentants de la chambre des notaires. Je suis
sûr qu'ils vont apporter un apport précieux au travail de la
commission.
Le projet de loi 58 portant réforme du droit des biens constitue
la quatrième étape du processus de révision du Code civil.
Le Code civil représente le fondement de notre système juridique.
Il englobe le droit qui régit les rapports juridiques entre les
Québécois et les Québécoises. C'est donc dire qu'il
s'agit là de la démarche législative la plus importante
des dernières années.
Dès 1977, l'Office de révision du Code civil
déposait son rapport, qui constitue une excellente base de
révision de notre droit civil. Le but de cette révision est de
donner à la société québécoise un code
moderne, clair et précis. Pourtant, depuis sept ans, peu de
réformes contenues dans le rapport ont été traduites en
loi. En effet, seule la loi 89 sur le droit de la famille a été
adoptée en 1981, en période préélectorale, pour
répondre aux demandes de certains groupes de pression.
Encore, faut-il ajouter que certaines des réformes alors
jugées essentielles par le ministre de la Justice de l'époque -
peut-être pas par le ministre actuel - concernant le droit de la famille
ne sont pas en vigueur. C'est le cas des articles relatifs au divorce, ce qui
s'explique par la compétence exclusive du fédéral en cette
matière. Or, depuis l'adoption de la loi 89, que je sache, le ministre
n'a amorcé aucune discussion avec le gouvernement du Canada pour
opérer le transfert de juridiction.
Il y a aussi d'autres articles qui ne sont pas encore entrés en
vigueur. Ainsi l'article 115 du Code civil du Bas-Canada, qui date de 1866,
prévoit que l'homme âgé de quatorze ans et la femme
âgée de douze ans peuvent contracter mariage. Le nouveau Code
civil a modifié l'âge respectif des conjoints à 18 et 16
ans mais, malheureusement, ces articles, sans raison d'ailleurs, n'ont jamais
été en vigueur. À l'heure actuelle, ce sont les
règles de l'ancien code qui s'appliquent et l'âge de mariage pour
un homme est toujours de quatorze ans et celui d'une femme de douze ans. Ma
fille de treize ans était très surprise d'apprendre cet
état du droit.
En décembre 1982, les projets de loi 106 sur les droits des
personnes et 107 sur les droits de succession étaient
déposés. Les auditions publiques ont été tenues en
avril 1983. À la suite de voeux exprimés par plusieurs
organismes, le ministre d'alors affirmait que ces projets ne seraient pas
adoptés avant que ne soient étudiées une loi sur les biens
et une loi d'application générale pour ces trois lois. Si cette
décision semblait rassurante, elle ne l'est que partiellement et
qu'à court terme. Je crois d'abord que le délai nécessaire
qui devrait être accordé pour l'étude des lois
précitées en reporte l'adoption à tout près d'un
an.
Quand donc pourrons-nous voir déposés les projets sur les
obligations, les sûretés, la prescription et le droit
international privé? Le rythme m'apparaît bien lent et la
démarche chaotique. Nous ne connaissons pas encore
l'échéancier précis qu'entend suivre le nouveau ministre.
Nous n'avons pas encore droit à des notes explicatives, comme ce fut le
cas lors de la première codification. Nous devons toujours
étudier des dispositions sans en connaître l'étendue
exacte, étant donné que des dispositions interreliées
d'autres livres de code et que les mesures transitoires ne sont pas encore
rendues publiques.
J'aimerais souligner au ministre que le ministre fédéral
de la Justice, qui a déposé des amendements au Code criminel, a
aussi déposé des amendements avec des notes explicatives. Je ne
comprends pas pourquoi, dans notre révision du Code civil, on ne trouve
pas de notes explicatives. Si le ministre a un livre de notes explicatives
préparé par son ministère, j'espère qu'il va nous
en donner une copie. Ce n'est pas seulement l'Opposition qui demande des notes
explicatives. C'est tout le monde qui vient -ou presque tout le monde - devant
la commission. Je crois donc que l'ampleur des travaux justifierait la
nomination d'un adjoint parlementaire qui aurait la responsabilité de la
révision sous l'autorité, bien entendu, du ministre.
Le dossier du Code civil mérite une attention particulière
et on ne saurait le traiter comme on le fait pour toute autre loi sectorielle.
Une personne responsable à temps plein de cette réforme,
conjuguée à la plus grande souplesse des règles
régissant les commissions parlementaires, nous permettrait d'aller de
l'avant plus rapidement et d'accorder toute l'attention nécessaire
à ce processus de caractère primordial. Nous n'aurions plus
l'impression d'être placés devant une montagne quasi
infranchissable. C'est dans cette optique que j'aborderai l'étude du
projet de loi 58.
J'aimerais faire remarquer que les délais accordés pour la
production des mémoires et le temps très court dont nous, de
l'Opposition, jouissons pour en prendre connaissance ne favorisent pas une
étude sérieuse et approfondie du projet de loi. Si, en
général, je peux dire que ma formation politique reconnaît
l'effort considérable qui a été fait dans la
rédaction de ce projet de loi, j'aurais, comme mes collègues,
quand même préféré avoir le loisir d'étudier
plus en profondeur les observations qui ont été
faites. J'exclus de ces remarques la chambre des notaires, parce que
nous avons eu son mémoire il y a au moins une semaine ou dix jours. Quoi
qu'il en soit, nous sommes heureux de pouvoir bénéficier
aujourd'hui et demain des commentaires de personnes ayant une expertise dans ce
domaine technique et parfois complexe. Nous espérons que cette
commission permettra de cerner le plus possible les difficultés
d'application pratiques et d'y apporter les correctifs appropriés. Nous
souhaitons aussi que les problèmes relatifs entre autres au choix des
termes utilisés lors de la rédaction à la distinction des
biens, aux nouvelles règles sur la copropriété et à
l'étendue de l'application de titres sur l'administration du bien
d'autrui sauront être aplanis.
En conclusion, j'aimerais souligner qu'il existe aujourd'hui au
Québec deux codes civils, celui de 1866 - officiellement le Code civil
du Bas-Canada - et le Code civil du Québec, qui a été
institué par la loi 89 sur le droit de la famille. Des articles qui
portent le même numéro se trouvent dans les deux codes quoiqu'ils
visent des matières différentes. Par exemple, l'article 407
traite de mariage dans un code et de la propriété dans l'autre.
S'il est vrai que de telles difficultés dérangent les avocats et
les notaires dans leurs recherches, qu'en est-il alors pour le simple citoyen
soucieux de connaître un tant soit peu son Code civil? En effet,
aujourd'hui, notre droit civil est une jungle d'articles et de dispositions. Le
ministre de la Justice du Bas-Canada de 1866, qu'on appelait à
l'époque Procureur général du Bas-Canada, a
été plus sage que le ministre de la Justice d'aujourd'hui ou
plutôt que son prédécesseur - parce que M. Johnson vient
d'arriver en poste - c'est-à-dire que le ministre de la Justice du
Bas-Canada, en 1866, a adopté d'un seul trait le Code civil, tandis que
le ministre actuel ou son prédécesseur ne refait le Code civil
que d'une manière parcellaire. En procédant à une telle
réforme à la pièce, on s'expose à commettre des
erreurs, des contradictions et des lacunes. Qui en souffre? Poser la question,
c'est y répondre.
J'aimerais terminer ce court exposé en assurant tous les
participants à la commission de notre entière collaboration.
J'aimerais signaler aux membres de la commission que, de ce
côté-ci de la table, nous avons vraiment des experts en droit
civil. Je m'exclus comme expert, mais il y a le député de
Saint-Laurent, qui est notaire et qui est vraiment expert dans ces
matières. De même, le député de Beauce-Sud est aussi
notaire et il connaît bien cette matière. Également, le
député de Chapleau est avocat et il est aussi expert en droit
civil. Nous aurons d'autres députés experts de notre formation
qui vont venir nous assister dans ces travaux. Merci, M. le
Président.
M. de Bellefeuille: Heureusement qu'il y a Mme la
députée de Jonquière pour équilibrer tout cela.
M. Marx: II y a Mme la députée de Jonquière
et moi-même, qui ne sommes pas des experts en droit civil, mais nous
allons faire de notre mieux lors des travaux de cette commission.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
D'Arcy McGee, jusqu'à la fin, j'étais assez d'accord avec vos
remarques. Mais, finalement, je commence à me demander si vous ne nous
dites pas que vous êtes en conflit d'intérêts pour plusieurs
d'entre vous. En tout cas, nous avons, de ce côté du moins de
l'Assemblée, le gros bon sens en partage. C'est assez utile
également pour étudier un projet de loi, y compris la
réforme du Code civil.
Je comprendrais que le ministre puisse avoir envie de réagir aux
propos parce qu'on a débordé un petit peu. D'un autre
côté, M. le député, vous nous avez rendu service.
Vous vous êtes fait le porte-parole des parlementaires en
général face à l'Exécutif pour une bonne partie de
votre intervention. On vous en remercie. Pour le reste, je pense bien que le
ministre aura l'occasion tout à l'heure, en réagissant au
mémoire, peut-être d'ajuster certaines petites choses. Je ne
voudrais pas qu'on attende davantage pour donner la parole à Me Auger
afin qu'il nous présente le mémoire de la chambre des notaires.
(10 h 45)
Auditions Chambre des notaires du
Québec
M. Kimmel: M. le Président, MM. et Mmes les membres de la
commission parlementaire, avec votre permission, avant que Me Jacques Auger ne
commence, j'aimerais souligner également la présence de Me Simon
Morency, président de la Chambre des notaires du Québec.
Le Président (M. Vaugeois): Me Morency, soyez le
bienvenu.
M. Morency (Simon): M. le Président, mesdames et
messieurs, mes respects.
M. Auger: M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les
membres de la commission, la chambre des notaires est heureuse de participer
aux travaux de cette commission sur le projet de loi 58.
Avant d'aborder notre mémoire proprement dit, nous aimerions
faire quelques commentaires généraux sur le projet de loi
58. Comme il a été dit tantôt, le projet de loi 58
est une pièce maîtresse et très importante du prochain Code
civil. Le droit des biens est un peu le coeur du Code civil, coeur autour
duquel tourne toute une série d'autres règles. Il est
indéniable qu'il s'agit là d'une pièce législative
d'une extrême importance. On peut le constater notamment à
l'ampleur des dispositions qu'on y consacre. Le projet de loi 58 contient plus
de 450 articles et, en matière de droit civil, c'est tout dire.
Il nous paraît très important de souligner le fait que ce
projet de loi 58 est très bien structuré. À cet
égard, il nous faut offrir nos félicitations aux auteurs du
projet et à tous ceux qui, comme l'a souligné le ministre
tantôt, ont permis d'aboutir à ce projet de loi. Le projet, on
peut le constater facilement en consultant la table des matières, est
très bien divisé en sept titres regroupant, de façon
logique et cohérente, des règles, ce qui permet et facilite
énormément l'approche d'une telle loi.
Le projet de loi 58 innove également à plusieurs
égards et adapte à beaucoup d'autres, aux réalités
modernes, le droit des biens. On peut souligner, sans toutefois restreindre ce
qui vient d'être dit, certains points. On y retrouve maintenant des
règles qui nous permettent de mieux comprendre ce
phénomène assez répandu qu'est l'indivision, ce qui
n'existe pas dans le Code civil actuel. On réglemente également
le droit de superficie auquel le Code civil actuel ne fait qu'une allusion
très discrète. On reprend complètement tout ce qui
concerne les fiducies et la fondation en adaptant ces secteurs à des
réalités d'aujourd'hui.
On a également rassemblé dans un titre toutes les
règles concernant l'administration du bien d'autrui, ce qui va
constituer un énorme avantage sur le plan législatif. On a
également revu et corrigé les règles concernant
l'emphythéose, la substitution, la copropriété divise;
bref, un projet qui s'inscrit vraiment dans une perspective de
révision.
Il faut également souligner, comme on l'a dit tantôt, que
le projet de loi est bien rédigé, son langage est facile à
comprendre. Bien sûr, il y a des choses qu'il est encore possible
d'améliorer mais, en général, le projet de loi est bien
rédigé. On a évité, dans un esprit et un respect de
ce qu'est le droit civil, ces longues enumerations, ces cas trop particuliers
pour s'en tenir d'une façon assez générale à des
règles de principe. Or, à cet égard, il faut
également féliciter les auteurs du projet.
Si on a quelques reproches à adresser, c'est qu'on peut
déplorer, comme on l'a également souligné tantôt,
l'absence de commentaires accompagnant le projet de loi. Même s'il n'est
pas coutumier qu'un projet de loi soit systématiquement
accompagné de commentaires, le Code civil et les projets de loi qui
visent à le réviser sont, à cet égard, dans une
classe particulière. Le premier Code civil a
bénéficié de commentaires importants de la part des
codificateurs. Cette technique avait été suivie par l'Office de
révision. Il aurait été fort souhaitable qu'on puisse
bénéficier de ce même type de commentaires qui permettent
beaucoup plus facilement d'étudier le projet de loi et d'en comprendre
la portée, les objectifs et les principales réformes.
Nous aurions également, bien sûr, aimé
bénéficier d'un peu plus de temps entre le dépôt du
projet et la commission parlementaire pour en examiner de façon encore
plus systématique toutes les dispositions qui sont complexes, techniques
et, à cet égard, difficiles à étudier.
Nous nous joignons aussi à ceux qui demandent une
accélération du processus de révision du Code civil. Ce
processus, étape par étape, est de nature, comme on l'a
souligné tantôt, à engendrer des problèmes, à
ne pas permettre de voir l'intégralité des problèmes qui
peuvent se présenter et risque aussi d'engendrer des problèmes de
droit transitoire très complexes.
À la suite de ces commentaires généraux, nous
aimerions maintenant présenter notre mémoire de façon plus
précise en vous soulignant que ce document que vous avez entre les mains
est divisé en deux parties. La première constitue une
espèce d'avant-propos dans lequel nous avons voulu attirer l'attention
des membres de cette commission sur des sujets qui, sans être
nécessairement les plus importants, nous ont paru dignes de faire
l'objet de commentaires préliminaires, ce qui ne signifie pas que ces
mêmes sujets ne sont pas repris dans le corps du mémoire.
Par ailleurs, la principale partie de notre mémoire est
composée d'une étude article par article du projet de loi,
accompagnée, chaque fois que nous avons cru utile de proposer des
modifications, d'une reformulation du texte de loi et des commentaires qui
expliquent cette modification.
Il est certain que nous ne pourrons pas faire état ce matin de
chacune de nos propositions, de nos recommandations, le temps ne nous le
permettrait pas et, si je comprends bien l'idée de ces commissions, il
ne s'agit pas encore d'étudier article par article le projet de loi,
mais plutôt de discuter des grands principes qu'il véhicule et des
principaux problèmes qu'il est susceptible d'engendrer.
Aussi, nous allons simplement nous contenter d'aborder certains points,
ce qui, encore une fois, ne signifie pas que le reste de notre mémoire
n'est pas important et qu'on ne pourrait pas y trouver des informations utiles
dans le but d'améliorer
encore davantage ce projet de loi.
Nous voulons enfin vous dire que la chambre des notaires n'a
travaillé que dans un seul but, face à ce projet de loi 58:
permettre, dans la mesure de nos moyens et de nos connaissances, que le projet
de loi 58 soit le meilleur possible pour l'ensemble des citoyens du
Québec.
La première question qu'on voudrait aborder concerne, à
tout seigneur tout honneur, le droit de propriété lui-même
qui, il faut bien l'admettre, est la partie la plus importante du droit des
biens, même si elle n'épuise pas complètement le sujet.
Dans ce titre du projet de loi 58 consacré au droit de
propriété, il y a un chapitre troisième qui est
intitulé: Des règles particulières à la
propriété immobilière. Nous voudrions attirer l'attention
de cette commission sur trois questions qui se trouvent dans ce chapitre
troisième. Ces trois questions sont les suivantes: les
inconvénients qui résultent du voisinage; les vues que l'on peut
avoir sur la propriété du voisin et, finalement, la
propriété des sources. Je traiterai successivement de chacun de
ces trois points.
Pour permettre aux membres de la commission d'avoir peut-être une
meilleure compréhension de mes propos, j'indiquerai aussi à
l'avance quels sont les articles du projet de loi qui sont principalement
concernés par notre intervention.
En ce qui concerne le premier point, les inconvénients du
voisinage, cela nous amène aux articles 1033 particulièrement et
1031 du projet de loi. Il est assez facile de comprendre et d'imaginer les
multiples problèmes qui peuvent se poser entre voisins. Je pense qu'on
peut se passer d'illustrations et de démonstrations pour affirmer ce
point-là. Le droit n'a donc pas été insensible à
toutes ces questions qui résultent du voisinage. Cependant, le code
actuel ne contient aucune règle spécifique visant à
régler les problèmes entre voisins. Bien au contraire, il
définit, à son article 406, le droit de propriété
comme étant le droit de jouir des choses de la façon la plus
absolue. Vu sous cet angle, il apparaît qu'on pourrait tout faire
lorsqu'on est propriétaire, mais tel n'est pas le cas. La jurisprudence
et la doctrine ont toujours restreint cet absolutisme apparent du droit de
propriété pour le replacer dans un contexte social où le
droit doit tenir compte du droit des autres.
Le projet, à cet égard, à son article 1033,
introduit une règle qui nous apparaît très importante.
Cette règle, lorsqu'on en prend connaissance, signifie, le croyons-nous,
ceci: les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du
voisinage, dit l'article; ceux qui n'excèdent pas la tolérance
que se doivent les voisins suivant la nature des lieux. Si on prend l'article a
contrario, cela signifie que les voisins ne sont pas tenus d'accepter les
risques anormaux qui dépassent les limites de la tolérance. Le
grand avantage de cet article 1033 qui nous apparaît codifier la
jurisprudence actuelle, c'est qu'il n'est pas du tout fondé sur une
notion de faute, c'est-à-dire que, quand des troubles de voisinage
excéderont les limites de la tolérance, celui qui en sera victime
ne sera pas obligé de démontrer, soit pour faire cesser le
préjudice ou pour être indemnisé, que le trouble provient
d'une faute, parce qu'à ce moment-là, cette obligation de
démontrer une faute est souvent extrêmement complexe en la
matière.
Je peux citer un exemple. Une usine dans mon voisinage produit des
émanations de fumée très importantes ou des odeurs
vraiment nauséabondes. Si je suis obligé de prouver, pour faire
cesser ce préjudice ou être indemnisé, que les techniques
industrielles de pointe n'ont pas été utilisées, vous
imaginez le fardeau que j'ai sur les épaules. Ici, la règle de
l'article 1033 introduit cette théorie du trouble de voisinage que la
jurisprudence a graduellement introduite dans notre droit et qui permet de
trancher le litige sur la base de la simple mesure des inconvénients
subis en l'absence de toute faute. Nous sommes totalement d'accord avec
l'article 1033.
Cependant, si nous insistons sur ce point, c'est que nous trouvons
curieux que l'article 1031, qui concerne également une catégorie
importante de troubles de voisinage, mette de côté cette
règle générale pour revenir à la notion de faute,
du moins telle que nous l'avons interprétée. L'article 1031 vise
tous ces cas où un propriétaire fait des constructions sur son
fonds, constructions qui finissent par ébranler ou endommager la
solidité des édifices du fonds voisin. Si on prend bien
connaissance de l'article, on voit qu'il crée comme obligation au
propriétaire qui fait des constructions de veiller à ne rien
ébranler. Dans le langage juridique, il s'agit d'une obligation de
moyens, c'est-à-dire que l'obligation qu'il a, c'est de prendre les
moyens pour ne pas ébranler, si bien que si un préjudice est
subi, la victime devra démontrer que les moyens n'ont pas
été pris pour ne pas causer ces dommages. Or, le fardeau de la
preuve repose sur les épaules de la victime. Elle est obligée de
démontrer une faute. Qu'est-ce qui risque de se produire très
souvent? C'est que, premièrement, on ne démontre pas de faute,
donc aucune indemnisation, ou, deuxièmement, on démontre une
faute, mais il s'avère qu'elle est imputable à une autre personne
que le propriétaire, par exemple, l'entrepreneur général
qu'il a engagé et dont il ne répond pas parce qu'il n'y a pas de
lien de subordination entre les deux. Si cette personne est malheureusement
insolvable, la
victime se retrouve sans aucun dédommagement possible et la
jurisprudence a illustré, de façon assez claire, ces
situations.
Bref, ce que nous recommandons, si notre interprétation de
l'article 1031 est exacte, c'est qu'on regarde à nouveau cette
catégorie particulière des troubles de voisinage pour la
soumettre à la même règle que celle de l'article 1033,
c'est-à-dire une responsabilité découlant beaucoup plus de
la seule mesure des inconvénients que basée sur une notion de
faute avec tout ce que cela comporte comme preuve.
Le deuxième point, toujours dans ce chapitre troisième des
règles particulières à la propriété
immobilière, concerne les vues que l'on peut avoir sur la
propriété du voisin. Il s'agit particulièrement de
l'article 1034. À cet égard, le projet reprend substantiellement
le droit actuel en transposant dans le système métrique les
règles du Code civil actuelles et, à cet égard, nous
n'avons aucun commentaire particulier à faire si ce n'est sur le
troisième paragraphe de l'article 1034. (11 heures)
L'article 1034, pour bien situer le problème, est cet article qui
permet à quelqu'un d'ouvrir des vues sur la propriété
voisine, mais à la condition qu'il respecte une certaine distance, un
mètre quatre-vingt-dix. On comprend très bien l'idée
sous-jacente à l'article: on veut préserver une certaine
intimité entre les propriétés voisines ce qui est un
principe fort louable que le Code civil actuel reconnaît et que le projet
de loi maintient.
Mais l'article 1034, dans son troisième paragraphe, nous
apparaît faire un accroc très sérieux à cette
règle, parce que ces trois paragraphes apportent des exceptions. Nous
sommes d'accord avec les deux premières. La troisième nous
apparaît critiquable pour les raisons suivantes: cet article dit qu'on
pourra ouvrir des vues sans que cela soit illégal aussi longtemps que
l'ouverture en question ne donne sur aucun mur en raison de la hauteur
où elle est pratiquée. On pense tout de suite à l'exemple
du voisin dont la propriété comporte vingt étages à
côté d'une propriété résidentielle
unifamiliale. Or, c'est certain que la fenêtre du vingtième
étage ne dérange pas beaucoup le propriétaire voisin.
Cette situation, on peut toujours la tolérer.
Mais, tel que l'article est rédigé, si le
propriétaire voisin est un propriétaire qui n'a pas encore
construit sur son terrain, cela ne l'empêche pas de pouvoir utiliser ce
terrain, soit simplement pour son repos dominical, pour y faire du jardinage ou
quelques autres activités. Pourquoi ne pourrait-il pas
bénéficier de cette même intimité? Or, l'article
permettrait d'ouvrir des vues en deçà de la distance permise
parce que la vue ne donnera sur aucun mur, par définition, du terrain
voisin vacant.
On pourrait aussi imaginer des situations où un édifice se
prolonge vers l'arrière du terrain à une distance plusprofonde que celle du voisin. Encore là, l'article permettrait de
maintenir des vues qui donneraient une vue trèsrapprochée. Nous demandons que cet article soit
reconsidéré de façon que cette règle - de l'article
1034 - de principe ne subisse pas d'accroc trop sérieux en ce qui la
concerne.
Un troisième point, toujours dans le même chapitre,
concerne la propriété des sources. Cela nous amène
à l'article 1020 du projet. Pour comprendre notre commentaire, il faut
peut-être commencer par expliquer ce qu'est le droit actuel sur les
sources. Le Code civil, à son article 502, pose une règle
très claire et je vous la lis: "Celui qui a une source dans son fonds
peut en user et en disposer à sa volonté". C'est l'expression,
bien sûr, d'un droit de propriété. Je suis
propriétaire du fonds, je suis propriétaire de la source qui
émerge sur mon fonds, je peux en disposer à ma
volonté.
Si vous comparez ce texte du Code civil actuel à l'article 1020,
vous allez y voir un changement important. L'article 1020 semble, encore une
fois si nous l'avons bien analysé, enlever le droit de
propriété de la source pour ne conférer au
propriétaire du fonds, sur laquelle elle se trouve, qu'un droit d'usage
limité à ses seuls besoins.
Or, on s'est d'abord demandé pourquoi un tel changement de
politique. Est-ce qu'il y a eu de tels abus dans l'utilisation des sources
qu'il faille maintenant en priver le propriétaire du fonds de la
propriété? Nous n'avons pas trouvé de tels abus du moins
tels qu'illustrés par la jurisprudence et la doctrine. Nous croyons
même que cet article est à ce point limitatif qu'il pourrait
même créer des difficultés là où il ne
devrait pas y en avoir. Le fait d'avoir une source sur mon fonds m'a toujours
permis, dans le droit actuel, de pouvoir en faire bénéficier les
voisins qui peuvent en avoir grand besoin. Est-ce que l'article actuel
permettrait encore une telle chose vu qu'on limite ce droit d'usage à
mes seuls besoins? Que signifie également cette expression qui
clôt l'article: respecter les conditions d'utilisation de l'eau?
Bref, sur ce point, nous croyons qu'il serait préférable
de maintenir le droit actuel. Et même si l'article 502
apparaît comme très absolu, il faut comprendre que le droit de
propriété a toujours été restreint par ces
règles issues de la jurisprudence et qui ont consacré les
théories de l'abus de droit, d'une part, et du trouble de voisinage, de
l'autre. Alors, si j'utilise ma source pour inonder le voisin, le droit
permettra de mettre fin à de tels abus. Si j'utilise ma source de
façon contraire à ce que normalement doit être le droit de
propriété,
la théorie de l'abus de droit viendra empêcher ce fait.
Mais faut-il priver le propriétaire de la propriété de la
source? Nous ne le croyons pas.
Une deuxième catégorie de sujets sur lesquels nous
voudrions faire des commentaires concerne la distinction des biens. C'est
là un sujet énorme, vaste, il faut l'avouer aussi,
compliqué et très technique, mais quand même très
important et c'est la raison pour laquelle nous voulons faire certains
commentaires la concernant. Nous touchons ici plus particulièrement aux
articles 945 et suivants du projet, donc les tous premiers articles du projet,
et de façon toute particulière l'article 948. Pour que mes propos
soient bien compris sur cette question, il est peut-être utile de faire
certaines remarques préliminaires.
Le Code civil actuel a toujours divisé les biens en deux grandes
catégories, les meubles et les immeubles, et on comprend facilement que
c'est tout simplement à partir des caractéristiques physiques des
objets corporels que cette grande distinction est faite. Un immeuble est
quelque chose qui ne se déplace pas alors qu'un meuble est quelque chose
qui se déplace. Tous les biens ont été classifiés
en meubles ou immeubles. C'est une distinction traditionnelle que le projet
reprend, qui est peut-être critiquable à certains égards,
parce que appliquée à des choses incorporelles, cela devient
parfaitement arbitraire de dire qu'une créance est un meuble. C'est
vraiment arbitraire, on le conçoit. Mais il semble assez difficile de ne
pas classifier les biens.
À cet égard, je pense qu'il faut accepter de reprendre
cette grande division des liens entre les biens immeubles et les meubles. Entre
ces deux catégories d'immeubles que sont les fonds de terre et les
bâtiments qui s'y trouvent et les meubles qui se déplacent, soit
seuls soit avec une force étrangère, le droit a introduit des
catégories intermédiaires et c'est là peut-être que
la chose se complique un peu, mais elle n'en est pas moins importante. Le droit
actuel connaît ce qu'on appelle des immeubles par destination.
Très rapidement, on pourrait les expliquer ou les définir comme
ceci: ce sont des biens meubles qui conservent toutes leurs
caractéristiques de biens meubles, c'est-à-dire qu'ils ne sont
pas confondus dans un immeuble, ils ne perdent pas leur individualité.
Ils sont réputés immeubles - c'est donc une fiction que la loi
crée - pour deux raisons: soit parce qu'on les a matériellement
attachés à un immeuble -pensons à des volets fixés
à l'extérieur d'une résidence, des tapis mur à mur
- ou parce qu'ils ont été placés sur un immeuble pour
l'exploitation de cet immeuble, et le meilleur exemple que l'on en puisse
donner, ce sont les outillages ou la machinerie dans une usine.
L'avantage de cette catégorie de biens, c'est que, même si
le bien au point nature, au point de vue physique, demeure meuble, il est
réputé immeuble et suit donc le sort de l'immeuble,
c'est-à-dire que toutes les règles du code qui vont s'appliquer
aux immeubles vont être également applicables à ces
immeubles par destination. Or, il est facile, en consultant la jurisprudence,
les traités de droit, de constater à quel point il a
été difficile d'en arriver à cerner cette notion complexe
d'immeuble par destination. Il ne serait pas exagéré de dire que
la jurisprudence, en y incluant les tribunaux de toutes les juridictions, y
compris la Cour suprême, ont mis 30 bonnes années à
clarifier cette question. Or, notre inquiétude sur ce point, quant au
projet de loi, provient de l'article 948 qui, sans se démarquer
totalement du droit actuel, semble vouloir effectuer un certain recul et cela
peut se comprendre.
Beaucoup de gens ont dit: Cette catégorie des immeubles par
destination est en train d'envahir à tel point le droit que tantôt
il n'existera plus de meubles. L'Office de révision, à cet
égard, avait pris une position catégorique. Il éliminait
complètement les immeubles par destination avec un simple lien
intellectuel, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus cette catégorie
d'immeubles par destination sans attache fixe. Le projet de loi, si nous
l'avons bien compris, ne va pas aussi loin, mais il pose une condition
supplémentaire pour qu'un bien soit considéré comme
immeuble par destination dans le cas des biens à vocation
économique. Il faudra, à l'avenir, que la destination du bien
soit déclarée dans un acte. Or, nous pensons qu'il s'agit d'un
remède peut-être de nature à être pire que le mal
auquel on veut remédier.
Pourquoi? Parce que d'abord le projet de loi n'élabore aucunement
sur ce que pourrait être cette déclaration. Qui pourrait la faire?
Dans quel type d'acte pourrait-on la retrouver? Comment pourrait-elle
être révoquée une fois qu'elle est faite? Devra-t-elle
être enregistrée pour être opposable aux tiers? Toutes ces
questions et bien d'autres ne trouvent pas réponse dans le projet de
loi. Ce qui nous apparaît peut-être encore plus critiquable, c'est
qu'il faut vraiment se demander s'il est plausible que le caractère
meuble ou immeuble d'un bien dépende en grande partie d'une
déclaration dans un acte. Essentiellement, les immeubles par
destination, actuellement, on les découvre et on les identifie à
partir de critères objectifs extérieurs, parce qu'il s'agit
là d'une question qui ne concerne que les tiers. Or, y ajouter un
élément nouveau tel que cette déclaration dans un acte
nous apparaît de nature à engendrer une autre période
d'incertitude sur cette question qui a été trop longtemps
controversée et difficile à
comprendre. Nous souhaitons donc que cette question soit revue
très attentivement, parce qu'elle touche énormément de
biens et qu'elle a une importance considérable, notamment en
matière de garanties d'hypothèques et de toutes ces certitudes
qui peuvent être données sur des biens à vocation
économique.
Nous voulons aussi, concernant cet article 948, attirer l'attention de
la commission sur le fait que le premier paragraphe de l'article - qui semble
constituer en soi une règle complète, à laquelle le
deuxième alinéa fait une certaine exception ou apporte une
certaine précision -ce premier paragraphe, si on le lit, permettrait de
considérer comme immeuble par destination des membres meublants qui se
trouvent dans une résidence familiale. On se demande d'abord si une
telle chose est souhaitable et on s'interroge surtout sur les
conséquences qui pourraient en résulter. Est-ce cela qui est
voulu? C'est difficile pour nous de le savoir; il n'y a pas de commentaires qui
accompagnent cet article. Mais si telle était l'intention du
législateur, il faudrait peut-être y aller prudemment sur cette
question, parce que, encore une fois, lorsqu'un bien est réputé
immeuble par destination, il suit le sort de l'immeuble, si bien qu'un
créancier hypothécaire qui reprendrait un immeuble le reprendrait
meublé. C'est peut-être un avantage pour lui, mais cela peut
être un inconvénient majeur pour le propriétaire. La vente
d'un immeuble entraînerait la vente de son contenu, etc. Or, nous pensons
que l'article 948, relativement à ces deux questions, devrait être
revu.
Un troisième point qui concerne également la distinction
des biens concerne l'article 954 du projet qui apporte une seconde distinction
quant aux biens en les divisant en capitaux ou en fruits et revenus. Nous ne
voyons pas d'inconvénient à une telle distinction, si ce n'est
à l'égard d'une question. L'article 954 déclare que les
dividendes en actions sont du capital. Il n'y a peut-être pas objection
en soi à ce qu'un article général qui vise à faire
une distinction de principe déclare qu'un dividende en actions est du
capital. Pourquoi? Parce que si j'ai un stock d'actions, il m'est assez
difficile de distinguer celles que j'ai acquises en investissant et celles que
m'ont procurées le dividende en actions résultant de ces actions.
Le tout est du capital et cela se conçoit assez bien. Mais il faut voir
les conséquences de cette règle et, à notre avis, elle a
des conséquences peut-être à certains égards
néfastes sur les droits de certaines personnes.
Je ne m'en tiendrai qu'à un exemple. On connaît cette
institution du Code civil qu'est l'usufruit. L'usufruitier qui en
bénéficie est cette personne qui peut recevoir tous les fruits et
tous les revenus que produisent des biens, sans être propriétaire
du capital ou de la propriété qui appartient à une autre
personne. Or, pensons à ce cas de l'usufruitier qui a le droit de
recevoir tous les fruits et revenus d'un bien face à la règle de
l'article 954. Cet usufruitier aurait avantage souvent, pour des raisons
fiscales, par exemple, à demander que le dividende des actions dont il
est usufruitier lui soit émis en actions, simplement pour des raisons
fiscales; on ne peut pas lui reprocher. S'il faisait une telle option,
l'article 954 ferait que le dividende est du capital et, automatiquement, il
perdrait. Donc, ce n'est pas tout à fait normal. On pourrait reprendre
le même exemple avec le bénéficiaire des revenus d'une
fiducie. Nous croyons que si on veut maintenir cette règle de l'article
954, notamment à l'égard du dividende en actions, il faudrait
peut-être en mesurer les conséquences sur certaines personnes qui
ne jouissent que des fruits des biens, de façon à ne pas les
priver davantage du droit qu'ont les autres individus et de façon qu'ils
puissent vraiment percevoir les fruits des biens dont ils sont les
bénéficiaires; car, fondamentalement, un dividende, qu'il soit
émis en argent ou en action, cela demeure le revenu que produit une
action comme l'intérêt est le revenu que produit une somme
capitale. (11 h 15)
Un autre point sur lequel nous voudrions faire des commentaires est la
question qu'aborde l'article 961, deuxième alinéa, du projet, et
qui concerne la prescription des biens de l'État. Ce sont en fait
plutôt des questions que nous avons ici que des commentaires
précis. Lorsqu'on prend connaissance du deuxième paragraphe ou de
l'alinéa second de l'article 961, on en arrive à la conclusion
que les biens de l'État qui sont affectés à des fins
publiques ne peuvent pas être acquis par prescription, cela va de soi; je
ne peux pas prescrire ici, même si j'y reste pendant trente ans,
l'édifice du Parlement. Je pense qu'on comprend bien cela. Mais ce
même article laisserait donc entendre que les biens de l'État qui
ne sont pas affectés à des fins publiques pourraient être
prescrits. Or, il s'agit là d'une modification importante par rapport au
droit actuel qui, je vous le rappelle, est en ce sens: "Tous les biens de
l'État, qu'il s'agisse de l'État fédéral ou de
l'État provincial, sont imprescriptibles, qu'ils soient utilisés
par l'État à des fins publiques ou qu'ils soient utilisés
par l'État à des fins privées". La seule exception
à cette théorie de l'unité domaniale, si vous voulez, des
biens de l'État existe au niveau des corporations municipales. La raison
pour laquelle il y a exception, c'est que le Code civil actuel, à
ses articles 2220 et 2221, introduit la dualité ou la
théorie de la dualité domaniale à ce niveau. Si bien qu'on
peut prescrire les biens d'une municipalité qui ne sont pas
utilisés par celle-ci à des fins publiques ou qui ne servent pas
à l'usage général. Or, la règle de l'article 961,
deuxième alinéa, semble donc vouloir appliquer à
l'État lui-même, aux corporations publiques et probablement aussi
aux municipalités, ce qui est actuellement une exception. Est-ce bien
cela qui est voulu? Si oui, nous n'avons peut-être pas d'objection
à ce qu'il en soit ainsi, mais il faudrait sans doute penser qu'une
telle règle n'affectera certainement pas les biens de l'État
fédéral qui continueront, quelle que soit leur utilité,
d'être imprescriptibles, du moins si mes souvenirs en droit
constitutionnel sont exacts. Je doute beaucoup que le Code civil, à cet
égard, puisse avoir un impact sur la propriété des biens
appartenant à l'État fédéral. Si bien qu'on se
retrouverait, encore une fois, avec une règle
d'imprescriptibilité totale des biens de l'État quand il
s'agirait de l'État fédéral, et une règle de
prescriptibilité des biens de l'État provincial quand il
s'agirait de biens affectés à des fins non publiques.
On s'est finalement demandé si l'article ne se limitait pas quant
à cette question de prescription aux seules personnes morales de droit
public, mais, telle que rédigée, nous croyons que cette
dernière partie de la phrase s'applique tant aux biens de l'État
qu'aux biens des corporations publiques.
Un autre point sur lequel nous aimerions faire certains commentaires
concerne la copropriété divise, ce que l'on appelle
communément les condominiums. À cet égard, la chambre des
notaires est favorable à ces nouvelles règles qui pourront
régir la copropriété divise. Nous pouvons souligner plus
spécifiquement certaines d'entre elles qui nous apparaissent fort
souhaitables. D'abord, la règle de l'article 1071, qui attribue la
personnalité juridique à la collectivité des
propriétaires. Or, dorénavant, l'ensemble des
propriétaires formera une personne morale qui permettra, nous le
croyons, une structure beaucoup plus stable de la copropriété
divise, tout en facilitant et en assurant une meilleure compréhension
des règles d'administration d'une telle copropriété.
Une autre règle qui nous apparaît fort souhaitable, c'est
l'article 1129, qui offre la possibilité pour les propriétaires
de parties exclusives contiguës de modifier les limites de leur
unité sans avoir à obtenir le consentement des autres
propriétaires non concernés. C'est une règle qui est de
nature à introduire beaucoup plus de souplesse au niveau de la
copropriété divise et qui nous apparaît aussi fort
souhaitable. L'article 1128 également, qui abolit la règle de
l'unanimité quand il s'agit de changer la destination de l'immeuble,
pour la remplacer par une règle de double majorité, mais
n'exigeant pas l'unanimité: nous croyons qu'il s'agit là
également d'une souplesse qui a été introduite dans le
projet de loi et qui est de nature à rendre encore plus attrayante cette
forme de copropriété.
L'article 1099 également nous apparaît souhaitable. C'est
cette règle qui permet à un copropriétaire qui s'estime
lésé dans la répartition des charges afférentes
à sa section de demander qu'il y ait révision. Le seul point sur
lequel nous souhaiterions voir des corrections apportées concernant
l'article 1099, c'est que le critère retenu par l'article est
très vague, on y parle d'injustice. Nous proposons en remplacement de ce
critère susceptible d'engendrer inutilement des discussions une formule
mathématique inspirée de la loi française concernant la
même question et qui nous apparaît de nature à éviter
des débats longs et parfois peu utiles sur la question.
Enfin, un dernier commentaire concernant les articles 1121, 1122 et 1123
du projet de loi. La Chambre des notaires du Québec est d'accord et
approuve l'idée de base sous-jacente à ces dispositions et qui
vise à réduire l'importance du pouvoir de contrôle du
promoteur au sein du syndicat. Cette idée-là, nous y sommes
favorables et nous y souscrivons; cependant, nous sommes en désaccord
avec ses modalités. Nous croyons que les formules adoptées pour
graduellement faire perdre le contrôle à un promoteur sont trop
draconiennes et qu'il y aurait moyen de trouver un juste milieu qui
respecterait à la fois les droits des autres copropriétaires et
ceux du promoteur. À cet égard, la chambre propose une double
modification. D'abord, c'est d'étendre la règle à tout
propriétaire ou copropriétaire, qu'il soit promoteur ou pas, et
dans le cas où un tel copropriétaire détient plus de la
moitié de l'ensemble des voix, de réduire ces voix à
l'ensemble des voix des autres copropriétaires. On est fort conscient
qu'on aboutit parfois à des situations où il y aura
égalité de voix, mais cela nous semble quand même une
mesure moins draconienne à cet égard, et si jamais des conflits
ne pouvaient pas se régler sur une base volontaire, évidemment,
les tribunaux sont là pour les trancher.
Une autre question sur laquelle nous voudrions également faire
des commentaires, c'est le droit de préemption dont on retrouve les
principales règles aux articles 1238 et suivants du projet de loi. Il
s'agit cette fois de quelque chose qui est nouveau en ce que le code actuel ne
comporte rien sur cette question. Cela ne signifie pas qu'il n'existait pas sur
des bases purement conventionnelles de tels droits, mais le Code civil ne
réglementait aucunement cette question. Qu'est-ce qu'un droit de
préemption? Je
pense que la meilleure façon de le comprendre, c'est encore de
lire l'article 1238, qui est relativement clair. L'article nous dit que le
droit de préemption est celui qui permet à son titulaire
d'acquérir un bien par préférence à toute autre
personne, ou qui résulte de l'obligation qu'a le propriétaire de
lui offrir le bien en vente, s'il décide de le céder. Or, c'est
donc un droit qu'une personne a de se voir offrir en premier le bien que son
propriétaire décide de vendre.
L'idée d'introduire un tel droit est en soi bonne. Je pense qu'il
est difficile de s'opposer comme tel à l'idée d'un droit de
préemption. Ce n'est donc pas à ce sujet-là que nous avons
des remarques, mais bien quant aux modalités et aux conséquences
de ce droit. D'abord il faut voir que le droit de préemption, tel que le
projet de loi nous le présente, peut provenir de deux sources. Il pourra
résulter de la loi seule, c'est-à-dire que la loi pourra
décréter que ce droit existera sans qu'il ne soit
nécessaire de le stipuler dans une convention. On en a un très
bon exemple dans le même projet de loi 58, à l'article 1055, qui
décrète que toute personne qui se retrouvera dans l'indivision
bénéficiera d'un droit de préemption sur la part des
coindivisaires et réciproquement.
On peut déjà imaginer l'ampleur que risque de prendre le
droit de préemption parce que l'indivision peut résulter de
plusieurs causes: succession, convention, etc. Donc, il y a plusieurs personnes
qui vont déjà être "aux prises" avec le droit de
préemption. Il pourra aussi résulter de la convention,
c'est-à-dire que des personnes pourront conférer, par convention,
un tel droit à d'autres personnes.
Encore une fois, l'idée ne nous apparaît pas mauvaise. Loin
de là. Elle est de nature, dans certains cas, notamment au niveau des
indivisaires, à régler des problèmes qui se posaient assez
souvent. Ce sur quoi nous voulons cependant attirer l'attention de la
commission c'est, d'une part, sur les modalités d'application de ce
droit de préemption et sur ses conséquences.
Lorsqu'on prend connaissance des articles 1238 et suivants, on constate
que le droit de préemption est enfermé dans un schéma
assez strict. Évidemment, pour le mettre en oeuvre, il faudra qu'il y
ait des avis, des délais à la suite de l'avis, de nouveaux
délais si, entre-temps, les modalités changent, etc. Nous croyons
qu'il s'agit là de choses indispensables à la mise en oeuvre d'un
tel droit mais qui, dans les faits, vont entraîner des délais
parfois considérables avant qu'une transaction puisse finalement avoir
lieu.
Pour concrétiser davantage cette question, je donne un exemple.
J'ai donné un droit de préemption à mon voisin quant
à l'achat de ma propriété. Le jour où je mets ma
propriété en vente, je suis donc obligé d'abord de l'en
aviser, de lui dévoiler les modalités du prix et de la
transaction. Il a un mois pour y penser et me dire: J'accepte ou je refuse.
S'il accepte, tant mieux! La transaction se fait et tout est
réglé. S'il n'accepte pas, il n'est pas certain que je pourrai
vendre aux prix et modalités dévoilés. Dieu sait qu'entre
un acheteur et un vendeur les modalités d'une transaction, notamment le
prix, varient parfois rapidement et souvent. Cela signifie-t-il que chaque fois
on devra notifier à nouveau ce bénéficiaire du droit de
préemption? Si oui, un nouveau délai d'un mois, une nouvelle
attente. Bref, cela nous apparaît de nature à compliquer
énormément certaines transactions.
Toutefois, si ce n'était que de cet aspect des modalités,
je pense qu'on pourrait toujours trouver des façons peut-être plus
souples d'y arriver, mais la sanction accrochée à tout cela nous
paraît aussi de nature à engendrer certaines
complexités.
L'article 1244 du projet de loi décrète que si toutes ces
modalités d'exercice du droit n'ont pas été
respectées le titulaire du droit de préemption, dans
l'année où il aura connaissance de ces fautes, pourra demander la
nullité de la transaction.
Imaginons toujours que mon immeuble que j'avais offert en premier lieu
à mon voisin a finalement été vendu à un tiers
parce que le voisin ne s'est pas prévalu du droit qu'il avait. Au bureau
d'enregistrement, dans les titres de propriété, on va pouvoir
constater deux choses: L'existence d'un droit de préemption puisqu'il
doit être enregistré -l'article 1242 est précis à
cet égard. On va aussi constater que le bien a été vendu
à une autre personne que le titulaire du droit de préemption.
Or, comment pourra-t-on s'assurer, en faisant un examen des titres de
cette propriété, que les avis ont été
donnés, que les délais ont été respectés,
que les modalités de dénonciation de la transaction ont
été clairement indiquées? Il s'agit là d'une chose
impossible. À ce moment, celui qui examinera le titre de la
propriété va devoir dire: C'est toujours assujetti à ce
que, possiblement, ce bénéficiaire du droit de préemption
découvre des irrégularités qu'il pourra invoquer. À
moins que, systématiquement, on fasse intervenir dans ces actes de vente
le bénéficiaire du droit en question, ce qui parfois peut
être difficile, ne serait-ce que parce qu'on ne le trouve plus ou qu'il
est décédé. (11 h 30)
À cet égard, une autre question que soulèvent les
articles 1038 et suivants est: S'agit-il d'un droit qui va se transmettre aux
héritiers du bénéficiaire du droit? Si oui, on peut se
retrouver avec douze personnes, chacune titulaire d'une fraction d'un droit de
préemption. Qu'arrive-t-il s'ils ne s'entendent
pas pour l'exercer?
Ce sont toutes des questions qui nous inquiètent, non pas, comme
vous pouvez le constater, quant au principe même du droit de
préemption qui, en soi, est difficilement contestable; mais celui-ci va
amener, dans sa mise en application, des délais, des formalités
forcément complexes pour que cela puisse fonctionner et aussi des
incertitudes au niveau des titres de propriété.
À l'égard de la sanction, on pourrait penser à ne
pas retenir la nullité de la transaction comme sanction mais simplement,
comme le droit actuel le prévoit quand de tels droits sont
créés par la convention, des dommages-intérêts au
cas de contravention, ce qui tout au moins laisse les titres de
propriété libres et clairs de cette catégorie de
problèmes.
Enfin, un avant-dernier point sur lequel nous voudrions aussi faire des
commentaires concerne ce titre septième du projet de loi concernant les
règles sur l'administration du bien d'autrui. À cet égard,
nous sommes en grande partie d'accord avec les règles, parce qu'il y a
longtemps qu'une telle chose aurait dû être faite,
c'est-à-dire regrouper dans un seul titre du Code civil l'ensemble des
règles qui s'appliquent à toutes les personnes qui administrent
le bien d'autrui, qu'il s'agisse d'un tuteur, d'un liquidateur de succession,
d'un curateur, d'un mandataire, etc. Il est anormal qu'il faille courir d'un
couvert à l'autre du Code civil pour retrouver des règles qui
peuvent facilement être regroupées. À cet égard, le
projet de loi constitue certainement un pas en avant. Il est également
très intéressant de pouvoir clairement distinguer les
différents types d'administration, comme la simple garde, la simple
administration et la pleine administration. Toutes ces règles nous
apparaissent fort souhaitables. Mais nous n'avons jamais cessé d'avoir
des hésitations, et elles datent du projet de loi sur les personnes, qui
annonçait déjà que les administrateurs de compagnies
seraient assujettis à ces règles. Déjà, nous avions
certaines réserves à cet égard. Même après
avoir pris connaissance du projet de loi, ces réserves nous les avons
encore. Pourquoi? Parce que l'on pense d'abord que l'administrateur d'une
compagnie est quand même dans une classe à part de tous ces autres
administrateurs du bien d'autrui que vise le titre septième. Il y a des
différences énormes entre un tuteur, un curateur, un liquidateur,
un fiduciaire et un administrateur de compagnie. Il y a aussi, il ne faut pas
l'oublier, déjà un droit très complet qui concerne les
corporations et leurs administrateurs. Et même si nous reconnaissons que
les règles de ce titre septième ne sont que de droit
supplétif, qu'elles ne s'appliqueront qu'à défaut d'autres
dispositions, il reste qu'elles sont susceptibles de s'appliquer dans les cas
où il n'y aura pas de telles autres dispositions. Il y a donc des
dangers de conflits entre les dispositions spécifiques des lois
régissant le droit corporatif et le Code civil et il y a aussi des
problèmes qui risquent de se poser dans le cas où le droit va
purement et simplement s'appliquer parce qu'on n'y aura pas
dérogé.
On peut souligner un exemple tiré des règles du titre
septième. Si l'on prend l'article 1373, qui clôt la section
parlant des placements que peut faire un administrateur. Il nous semble qu'il
s'agit d'une règle générale, 1373 s'appliquant à
tout administrateur. Or, cette règle dit: Les placements
effectués au cours de l'administration doivent l'être au nom de
l'administrateur agissant en sa qualité.
Si une telle règle est souhaitable pour un tuteur, un curateur ou
un liquidateur de successions, on voit mal comment cela peut s'appliquer
à un administrateur de corporation. Il ne fera pas les placements
à son nom ès qualités. En fait, c'est que cet
administrateur est beaucoup plus la personne par laquelle la compagnie agit,
parle ou transige qu'une personne qui est dans la situation ou dans le
rôle d'un tuteur, d'un curateur, etc. Notre recommandation consiste
à demander qu'une attention encore une fois toute particulière
soit accordée à cette question de l'administrateur de corporation
pour bien s'assurer qu'on n'engendrera pas des conflits inutiles qui pourront
amener des conséquences comme on en a déjà connu dans
notre droit, c'est-à-dire un exode de l'incorporation vers d'autres
cieux plus favorables.
Encore une fois, cette question qui nous avait préoccupés
lors du projet de loi 106 sur les personnes nous préoccupe encore
à l'égard particulièrement et notamment de
l'administrateur d'une corporation.
En terminant, nous voudrions souligner que notre mémoire ne
contient aucun commentaire concernant tous les problèmes de droit
transitoire que l'entrée en vigueur de cette loi 58 risque d'engendrer
et va certainement engendrer. Nous sommes parfaitement conscients qu'il y aura
des problèmes. Je pense que vous en êtes également
conscients puisque le dernier article de ce projet de loi laisse entendre
qu'une loi d'application viendra. Or, nous n'avons donc pas cru utile de faire
des commentaires sur les problèmes de droit transitoires,
préférant attendre le projet de loi de mise en application.
À cette époque, nous ferons les commentaires que nous jugerons
utile de faire sur cette question.
Je vous remercie de votre attention et nous voulons aussi vous assurer
de notre plus entière collaboration pour l'avenir concernant la
poursuite de ces projets visant à doter le
Québec d'un Code civil nouveau et, nous l'espérons,
amélioré, dans le meilleur intérêt de l'ensemble des
Québécois. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie beaucoup, M.
Auger. Vous avez dit au début que le projet de loi était
intéressant, je le dis dans mes mots. Votre présentation et vos
commentaires l'étaient également. Même si tout cela est
assez technique et met plus à l'aise des députés qui
s'adonnent - comme par hasard - à être de ce milieu, je dois dire
que vos explications étaient parfaitement recevables par des gens de bon
sens. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir pris ce ton de présentation,
qui permettait de bien saisir vos préoccupations, qui sont finalement
celles des citoyens, des honnêtes gens.
Je vais demander à M. le ministre de peut-être
réagir et d'aborder quelques questions. J'aimerais lui demander, en
commençant, s'il lui est possible de nous préciser certaines
choses quant à la loi d'application. Comment est-ce que cela se
passerait éventuellement? Est-ce qu'il y aurait un projet de loi? Quelle
serait la procédure qui serait envisagée à cet
égard? M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Voilà, M. le Président. Si vous
me le permettez, j'ai eu l'impression d'assister à un excellent cours de
droit donné, de toute évidence, par quelqu'un qui a des talents
pédagogiques. Je ne qualifierai pas ce que j'ai eu en matière de
biens quand j'étais à l'université. Je dirai que j'ai
été très impressionné par la présentation de
Me Auger.
Peut-être que, pour parler de ce que serait la loi d'application,
il faut que je revienne en même temps sur certains des commentaires
généraux et peu généreux du député de
D'Arcy McGee. Il nous faisait tout à l'heure le grand coup d'encensoir
pour les législateurs de 1866, qui ont décidé de
procéder à la réforme du Code civil en bloc. Encore
faut-il dire que, en 1866, il y avait un certain nombre d'années que la
société avait sans doute ses complexités, mais n'avait
peut-être pas les complexités de la société que nous
connaissons aujourd'hui. En 1866 c'était une époque où une
économie rurale, agraire, de tradition, de normes et de moeurs assez
monolithiques, avait permis aux citoyens du Bas-Canada de vivre dans des
institutions qu'ils s'étaient données, d'ailleurs dominées
par des juristes, ce qui n'est plus le cas et qui n'est peut-être pas une
mauvaise chose. Ce qui était bon pour 1866 ne serait pas
nécessairement mauvais aujourd'hui, mais je pense qu'on ne doit pas en
inférer que ce serait idéal aujourd'hui.
Le choix qui a été fait par le gouvernement a
été de procéder par blocs, le bloc des personnes, des
successions et des biens constituant un tout important et considérable
avec presque 1300 articles pour ces trois blocs, constituant un tout dans
lequel on pouvait assurer une certaine cohérence. Si je devais suivre le
propos du député de D'Arcy McGee, je pense qu'il faudrait
renoncer dès maintenant à procéder à la
réforme du Code civil et attendre qu'effectivement tous les projets
soient prêts. Si c'est ce qu'il nous suggère, je veux bien en
tenir compte. J'aurai l'occasion de me faire une tête là-dessus
dans les jours qui viennent et d'en discuter avec mes collègues,
notamment mon prédécesseur, qui y a mis beaucoup d'énergie
et beaucoup de temps. Est-ce qu'il est possible d'envisager que nous allons
revoir le Code civil du Québec, sans pour autant que soit sur la table
l'ensemble de la révision? C'est une question légitime, mais je
pense qu'elle nous condamne à l'inaction pour un certain nombre
d'années, si nous nous décidons dans le sens qu'évoquait
le député de D'Arcy McGee.
La loi d'application a essentiellement comme objet de prévoir la
transition du droit. Nous introduisons dans le chapitre des biens, des
successions et des personnes, d'une part, des modifications substantielles au
droit existant et, deuxièmement, du droit nouveau. Je pense que le droit
de préemption évoqué par Me Auger en est un exemple, la
notion des fondations également et quelques autres données.
Puisque nous modifions de façon substantielle le droit, il s'agit de
s'assurer qu'il y ait une continuité dans l'exercice des droits de ceux
qui se prévalent du droit que leur accorde le code en matière de
succession, de personnes ou de biens à un moment donné
précis, c'est-à-dire au moment où le code actuel est en
vigueur.
Qu'intervient-il de cette période transitoire? Cette
période transitoire est importante pour la succession des droits des
personnes, pour savoir de quel droit se saisira le tribunal au moment d'un
litige et de quelle façon il l'appliquera. Il y a également deux
autres choses un peu plus terre à terre mais néanmoins
fondamentales pour les citoyens, les praticiens du droit: d'abord des
modifications au Code de procédure civile qui peuvent en découler
et, deuxièmement, un temps pour les juristes, les professionnels du
milieu de voir venir les choses, de s'en saisir et de pouvoir permettre
à leurs clients de se prévaloir des nouvelles dispositions des
lois. C'est là l'objet essentiel d'une loi de transition, d'une loi
d'application d'une réforme comme celle que nous voulons adopter.
La raison pour laquelle nous ne l'avons pas déposée est
que nous avons entendu des représentations des personnes qui sont
aujourd'hui comme d'autres sur le chapitre des personnes et des successions.
Nous en entendons sur les biens. Ce qui résultera de
cela pourra être carrément une réimpression des
projets. Dans la mesure où nous considérons qu'il s'agit
là d'un bloc, la réimpression de ces projets serait
accompagnée de la loi d'application, c'est-à-dire de ces
dispositions transitoires. Je pense que tout cela formera un tout d'une
certaine cohérence et d'un certain intérêt, l'alternative
étant de tirer tout cela dans la nature, de s'asseoir ici et de discuter
de lois de transition ou d'application alors que les dispositions de droit
substantif ne sont pas réglées. Les dispositions de droit
substantif ne sont par réglées, M. le Président. C'est
pour cela que nous, sommes en commission et que nous entendons les
exposés de gens qui ont passé une bonne partie de leur vie, une
bonne partie des derniers mois surtout, à analyser ce projet de loi.
Cela me permet d'entrer dans la discussion de certaines des choses qui ont fait
l'objet des commentaires de la part de la chambre des notaires. Cela va?
Je ne prendrai pas l'ensemble des remarques. Je laisserai, par exemple,
cette question de la copropriété. Je ne sais pas si je dois dire
qu'untel est un spécialiste de ces questions; les notaires comme les
avocats disent qu'il n'y a pas de spécialité. Je laisserai
à mes collègues - je sais qu'un certain nombre d'entre eux
s'intéressent beaucoup aux questions de copropriété
indivise et divise - le soin d'intervenir. Nous avons pris bonne note de vos
propos et de vos remarques. Je me contenterai sur un certain nombre de choses
qui m'apparaissent, a priori, plus susceptibles de faire l'objet de
commentaires à ce stade-ci.
D'abord, les préoccupations que vous avez autour des articles
1033 et 1031 sur l'équivalent d'un régime de
responsabilité sans faute. Je pense que vos commentaires sont
sûrement très pertinents et que nous pourrons en tenir compte. Je
pense que vous attirez l'attention sur un fardeau de démonstration de la
victime qui peut être extrêmement onéreux. Nous en prenons
bonne note. (11 h 45)
Sur les vues, ce que vise le projet de loi est de favoriser la
lumière et de permettre aux propriétaires de faire des ouvertures
dans ces ouvrages pour que pénètre la lumière. Cependant,
compte tenu des règles qui s'appliquent, ce droit ne serait pas
assujetti à l'acquisition d'un droit de caractère permanent s'il
devait s'ériger à côté de lui des ouvrages qui sont
à 1 mètre 80 et qui, s'ils avaient été
érigés au début, auraient empêché le
propriétaire de faire de telles ouvertures. C'est clair qu'il y a...
Fondamentalement, c'est une question d'équilibre des
inconvénients. Veut-on favoriser de façon temporaire l'ouverture
ou la pratique des ouvertures dans les ouvrages en se disant que le jour
où il y a une érection de bâtiment à
côté et que cela tombe dans la norme de 1 mètre 80, on est
obligé de le bloquer. L'alternative, c'est de maintenir les conditions
actuelles qui ne favoriseraient pas ce type d'approche, mais j'avoue que c'est
évident que, dans les deux cas, il y a des inconvénients.
Sur la question de la propriété des sources, un
débat important et fondamental, je crois, le comité
d'étude sur le régime juridique des eaux - c'est bien
l'appellation exacte? - a saisi le gouvernement et les citoyens d'un
phénomène relativement nouveau. L'eau devient un bien qui, sur le
plan collectif, à cause de sa rareté reliée au
phénomène de la pollution... Contrairement à ce qu'on a
toujours vécu sur notre territoire où on a abondamment d'eau, ce
n'est pas le type de question qu'on s'est posée dans le passé. Il
y a un certain nombre d'années, à cause du
phénomène de la pollution et à cause d'une très
grande sensibilisation des citoyens à l'égard des questions qui
touchent l'environnement, on en vint en Amérique du Nord à
considérer que l'eau est un bien de nature publique qui, à cause
de la pollution, peut devenir rare. Des raretés peuvent être
créées par l'homme ou à cause de l'homme. Qu'on pense, par
exemple, au résultat des pluies acides. Qu'on pense à la
pollution résultant de l'exploitation industrielle. Le principe
qu'établissent ces nouvelles dispositions du Code civil, c'est de
reconnaître qu'il s'agit là d'un bien public. Donc, les
modalités qui s'ensuivent découlent de ce type de choix qui est
fait. Vous avez raison en posant la question.
Encore y a-t-il, je pense, une analyse et une réflexion à
faire à partir des considérations que vous avez
évoquées et celles que d'autres évoqueront - je le sais
-sur la notion du droit d'usage, de voir jusqu'où va ce droit d'usage et
quelles sont les limites que le législateur va y mettre, parce
qu'à toutes fins utiles, on part d'un état du droit où il
n'y a pas de limites, sinon des limites générales au droit de
propriété qu'on retrouve ailleurs dans le code. On a
décidé qu'à l'égard de ce bien particulier, il y
aurait des limites à l'utilisation que peuvent en faire les individus,
limites qui vont même jusqu'à dire qu'il n'en est plus
propriétaire autrement que pour des fins d'usage. C'est un choix. C'est
un choix politique, au sens où c'est un choix de vision de ce qui doit
être fait et comment notre législation doit s'adapter à
cette réalité, à savoir que l'eau est en train de devenir
une ressource qui connaît une certaine rareté dans notre
société ou qui risque d'en connaître une avec le temps. Les
conséquences de cela sont très précises. Au-delà
des modifications fondamentales à l'égard de l'exercice du droit
de propriété sur les sources, elle implique même dans le
droit d'utilisation des contraintes. Vous
donniez l'exemple suivant: Est-ce que son usage, c'est son usage
personnel? Mettons l'individu dans une situation où il ne peut pas faire
profiter la source qui est située sur son fonds à son voisin.
Cela pourrait aller jusque là selon l'interprétation qu'on donne,
et encore faudrait-il que le législateur soit sans doute plus
précis? Est-ce que le fait que vous soyez assis sur un fonds de terre
où il y a une source qui est la seule source prenant environnement avec
trois ou quatre propriétés, un certain nombre d'habitants, vous
empêcherait ex gratia ou autrement, de faire profiter de cette source vos
voisins? Ou est-ce que cet acte-là devrait être soumis à un
contrôle étatique d'une façon ou d'une autre, à une
autorisation de l'État? On voit tout de suite ce que cela implique.
Effectivement, cela peut nous mener jusque là, de décider que
l'eau est quelque chose de rare. Il y a des risques à cela.
Ce n'est donc pas, comme vous l'évoquiez, je pense, dans vos
propos, qu'on ait raison de croire qu'il y a eu des abus dans l'exercice du
droit de propriété des sources de la part des
propriétaires, mais que le fait que l'eau devienne quelque chose de plus
rare va nous exposer à des conflits d'intérêts collectifs
et individuels à l'égard d'une ressource considérée
comme risquant d'être de plus en plus rare, qu'il faut donc se munir des
instruments juridiques pour bien qualifier la nature de cette ressource.
Sur les immeubles par destination, je retiens vos nombreux et
éprouvants commentaires sur un certain nombre de choses, notamment, sur
le plan de la rédaction, d'être bien certain que les meubles
meublants ne deviennent pas des immeubles par destination. Il faudrait changer
plusieurs lois, je pense, si on en était arrivé à cela. Je
pense que l'ensemble de vos commentaires sur les immeubles par destination sont
intéressants et nous ébranlent sur au moins deux des trois
aspects que vous avez soulevés.
Quant à la prescription, l'imprescripti-bilité des biens
de l'État, je prends bonne note des excellentes connaissances en droit
constitutionnel, entre autres. Il est bien évident, enfin, a priori,
cela m'étonnerait que le Code civil d'après 1867 - donc, celui
qu'on étudie - puisse venir régir des règles
d'imprescriptibilité des biens de l'Etat fédéral. Je ne
discute pas le fait que cela serait souhaitable, mais plutôt la
capacité juridique d'y arriver. Notre but n'est pas de créer deux
classes de biens et de permettre qu'on insère aussi trois
catégories d'États: L'État fédéral,
l'État québécois et les personnes morales publiques.
Effectivement, on prend bonne note de vos suggestions.
Quant au droit de préemption, vous avez soulevé deux types
de problèmes; un de nature technique, pas facile à
résoudre, mais possible; un autre plus fondamental sur la notion de
sanction. La notion des avis, quelle forme cela doit-elle prendre? Qui
appréciera comment cela a été fait, etc., dans quelle
mesure est-ce que cela peut modifier quelque chose ou encore est-ce que cela
peut intervenir dans une transaction ou dans une aliénation à
l'égard d'un tiers? Vous dites qu'avec cela, il y aura peut-être
moyen de "moyenner". Le problème est effectivement la sanction. Je pense
que vos commentaires vont nous amener à considérer le fait de le
refaire d'une façon assez importante. Cependant, il me paraîtrait
important, notaire, si vous pouviez, au nom de vos collègues de la
chambre, nous dire si vous croyez qu'il faut codifier la préemption.
Vous l'avez évoqué vous-même, il y a des règles de
jurisprudence quant à la préemption ou certaines doctrines qui
ont évolué autour de cela mais surtout la jurisprudence sur
l'opportunité de codifier certaines règles qui se veulent encore
une fois non pas des règles d'application obligatoire et
générale mais des règles minimales et de droit
substitutif. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Auger: C'est, bien sûr, une question...
Le Président (M. Rivest): Si vous me permettez, Me Auger,
simplement pour qu'on puisse... D'abord, je voudrais excuser le
président de la commission, qui a dû s'absenter.
Deuxièmement, M. le ministre, je pense que vous pourriez, avec Me Auger,
éclaircir un peu l'ensemble des interrogations que vous lui avez
formulées. À moins qu'au nom de la chambre, M. Auger ait des
commentaires à faire sur les commentaires du ministre. Ensuite,
étant donné qu'on doit tout de même suspendre à 13
heures, il faudrait permettre à d'autres membres de la commission
d'interroger les membres de la chambre des notaires. Me Auger, dans votre
mémoire, vous avez retenu trois ou quatre ou cinq grands sujets
d'intérêt, mais il y a peut-être des commentaires que vous
voudriez ajouter sur le bilan de votre mémoire, si vous aimez
procéder à l'analyse article par article. Ou si vous vouliez,
avant de terminer votre exposé, attirer l'attention de la commission sur
certains points majeurs, je pense que les membres de la commission
consentiraient à vous accorder tout le temps qu'il vous faudra.
M. Auger: Oui. Pour répondre à la question qui m'a
été posée concernant le droit de préemption, bien
sûr, c'est une question qu'on s'est posée: Faut-il codifier ce
droit? La réponse découle directement de la question
préalable du droit de préemption légale. Si on introduit
un droit de préemption légale, il faut forcément codifier;
si on laisse le droit de préemption à l'état de
convention, c'est-à-dire ne résultant que
d'une convention consentie entre particuliers, la codification est
beaucoup moins nécessaire. Elle peut être utile à titre de
droit supplétif, mais elle est beaucoup moins nécessaire.
Je pense que la question de base est celle-ci: Faut-il introduire un
droit de préemption légale? Dans le projet actuel, ce droit est
introduit au niveau de toute personne qui se retrouve dans l'indivision. On en
retrouve aussi un semblable entre les co-usufruitiers et les
"conus-propriétaires"; cela semble être une espèce de droit
de préemption aussi et il n'est pas impossible que d'autres lois en
ajoutent. C'est là, je pense, la question.
En ce qui concerne les indiviseurs, est-il souhaitable qu'il y ait
préemption légale? La réponse ne peut pas être
carrément oui ou carrément non, il y a avantage à un tel
droit et aussi des inconvénients. Il y a des indiviseurs qui pourraient
parfaitement bien s'en passer et d'autres pour qui ce sera utile, alors, ce
n'est pas tout blanc ni tout noir. Dans la réflexion que cette
commission et le gouvernement feront sur la question, la question
préalable est celle-ci: il y a un besoin de codification si on maintient
la préemption légale.
Pour faire suite aux propos du vice-président de la commission,
il pourrait être très long, si on entreprenait de le faire, de
souligner toutes les questions qui font l'objet de commentaires dans notre
mémoire. Nous avons voulu attirer l'attention sur des points qui nous
ont paru peut-être plus importants que d'autres. Cela n'épuise
pas, loin de là, tous les commentaires que l'on a faits, mais,
étant donné l'ampleur du projet, il me serait difficile de
sérier ici et là deux ou trois points pour y ajouter des
commentaires. À moins que les membres de cette commission aient des
précisions à demander, je n'ajouterai pas de commentaire
additionnel sans que cela nous amène à déborder le temps
qui nous est alloué.
Le Président (M. Rivest): D'accord. M. le ministre,
oui.
M. Johnson (Anjou): Brièvement, sur la question des
immeubles par destination, beaucoup de notaires transigent beaucoup en
matière commerciale; peut-être que vous pourriez nous faire part
un peu du fruit de l'expérience des membres de la corporation.
Est-ce que, comme orientation, permettre aux meubles utilisés
pour des fins d'exploitation économique de devenir des immeubles par
destination vous paraît quelque chose de souhaitable comme orientation
générale?
M. Auger: Je pense que c'est souhaitable et même
nécessaire. Maintenant, la façon d'y arriver ne passe pas
nécessairement par les immeubles par destination et les immeubles par
destination avec avis ou pas. Je pense que, sur le plan économique et
simplement en constatant la réalité des choses, prenons le cas
d'une industrie, le bâtiment sans la machinerie n'est plus utile et a
moins de valeur; la machinerie sans le bâtiment également. C'est
pour cela que cette théorie a été inventée, pour
que des biens qui sont intimement reliés notamment dans le cadre de
certaines activités économiques, agricoles ou commerciales,
puissent bénéficier d'un seul statut juridique. S'il fallait,
pour réaliser des garanties données sur une entreprise, passer
par une saisie mobilière parce qu'on est en présence d'outillage,
aller à la saisie immobilière quant au tréfonds et aux
bâtisses, etc., cela complique énormément les choses. (12
heures)
Le fait qu'il y ait entité juridique de biens qui sont
économiquement interreliés, c'est une bonne chose. On ne serait
pas pour l'abolition pure et simple de cette catégorie de biens.
Maintenant faut-il viser à freiner l'expansion, parce que je pense que
c'est là le problème qui a été envisagé par
le projet de loi 58? C'est vrai que si on regarde la jurisprudence depuis dix
ou quinze ans, on peut prendre peur et se demander s'il y aura encore demain
matin des meubles, tellement la théorie a pris de l'expansion. C'est
vrai, mais cela semble être stabilisé, cela semble surtout
être compréhensible à l'heure actuelle, après de
longs débats. C'est pour cela que, sans vouloir prôner
l'immobilisme juridique, nous disons: Faisons attention quand on touche
à cette question. L'élaboration du droit sur ce point a
été très difficile et y ajouter des conditions
supplémentaires, telle, par exemple, une déclaration dans un
acte, à moins qu'on en précise très clairement les
modalités, risque d'engendrer une autre période d'incertitude
dont personne, finalement, ne bénéficiera.
Il faut surtout savoir que l'importance de cette question des immeubles
par destination est essentiellement quelque chose qui concerne les tiers. Cela
ne dérange pas le propriétaire de l'usine que ses outils et sa
machinerie soient meubles ou immeubles. Cela lui est indifférent, parce
que c'est à lui. C'est essentiellement vis-à-vis des tiers que
cette question a de l'importance: les tiers créanciers, tiers
créanciers hypothécaires, tiers acheteurs. C'est donc à
lui que la chose doit être relativement claire. C'est pour cela qu'on
peut se demander ce que cette déclaration dans un acte vient faire, dans
le fond, dans la mesure où le projet de loi n'en précise pas
davantage les modalités. Suffira-t-il que j'écrive dans un
document que j'affecte mes biens à l'exploitation économique de
mon industrie pour que, automatiquement, ce soit
là un avis suffisant face aux tiers? Il faut répondre non
à la question. Or, notre préoccupation à cet égard
c'est qu'on voit difficilement comment on peut se passer de la théorie
des immeubles par destination ou de son équivalent si on ne veut pas
l'appeler ainsi, mais que, si on veut la transformer, compte tenu du temps
qu'on a dû mettre pour y aboutir et finir par la comprendre, il nous
faudrait être très prudents.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Saint-Laurent.
Vous avez terminé, M. le ministre?
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais saluer mes confrères
les notaires et remercier Me Auger pour son excellent exposé.
Je m'adresserais peut-être au président. Je me demande si,
à l'occasion de la réforme parlementaire, on ne devrait pas
changer les règles quand il s'agit de recevoir les membres de certaines
corporations. Je me demande si c'est la bonne formule pour les auditions,
surtout quand on touche au Code civil. Je pense qu'on ne peut pas parler de
principe général quand on étudie un chapitre aussi
important que celui des biens. Ce qu'on fait, je pense que c'est du
"picochage". On a touché à trois ou quatre articles
peut-être importants, je n'ai rien contre les sources, mais ce n'est pas
une préoccupation majeure pour l'ensemble des
Québécois.
Sur chaque article, il y a certainement un principe. On parle du Code
civil, qui régit quotidiennement les Québécois. Je pense
que chaque article a un principe et pourrait faire l'objet d'une étude
très détaillée. On touche à trois ou quatre points
parce que le temps est limité. Remarquez que ce n'est pas un reproche
que je vous fais. Le barreau va faire exactement la même chose. On va
peut-être vous accorder une demi-heure ou une heure de plus qu'à
l'Association des constructeurs d'habitations du Québec. Je n'ai rien
contre cette association, mais je ne pense pas qu'elle ait le même
intérêt. Elle est peut-être préoccupée par
quelques articles, alors que les membres de la chambre des notaires et le
barreau vivent ces choses quotidiennement. Je ne pense pas qu'on puisse
étudier 450 articles dans l'espace d'une heure ou d'une heure et demie
ou enfin trois heures qu'on est censé avoir.
Je ne dirais pas que c'est un exercice futile, mais je ne pense pas que
ce soit la bonne façon. Je pense qu'on pourrait peut-être profiter
de cette occasion qu'est la réforme parlementaire pour adopter une
nouvelle formule. Il faudrait peut-être qu'on étudie cela sur une
période beaucoup plus longue. J'ai des questions, je ne le cache pas,
sur tous les articles.
Le Président (M. Rivest): M. le député, si
vous me le permettez, à la suite de vos commentaires, la première
chose, c'est que ce projet de loi a effectivement été
référé à notre commission antérieurement
à la réforme parlementaire. Je comprends très bien et je
pense que tous les membres de la commission comprennent aussi votre souci. Je
dois vous rappeler, par contre, comme en témoigne d'ailleurs le document
préparé par la chambre des notaires, que toute la deuxième
partie du mémoire comporte une analyse article par article et que, dans
une étape ultérieure à l'adoption du projet de loi, d'une
part, le mémoire qui a été présenté par la
chambre des notaires et porté à la connaissance des membres de la
commission sera pour vous, M. le député, et pour les
collègues, un instrument de travail drôlement précieux
lorsque viendra l'étude article par article. De plus, ce sera pour le
ministre et le ministère de la Justice également l'occasion de
savoir quelle est la préoccupation, pour tel ou tel article, de la
chambre des notaires, des arpenteurs, du barreau.
Effectivement, vous avez raison dans un certain sens de souligner qu'il
peut être injuste pour nos invités de devoir choisir entre mille
et une questions d'importance dans un tel projet de loi, compte tenu du temps
qui leur est imparti, et de souligner quatre ou cinq points qui leur
apparaissent d'intérêt plus large. Je pense que c'est le sens des
travaux de la commission dont on a hérité, comme je l'ai dit
antérieurement. Compte tenu de l'importance du projet de loi, le temps
que nous consacrerons à chacun des groupes et les deux jours que nous
consacrerons au tout, c'est sans aucune espèce de commune mesure avec
l'importance des projets de loi. Dans ce sens-là, je pourrais en parler
avec le président et même le président de
l'Assemblée nationale. C'est sûr qu'il pourrait y avoir une
façon d'ajuster le tout. Mais disons qu'on est dans une période
transitoire.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'apprécie vos remarques, M. le
Président. Il est évident qu'on ne peut pas traiter une
réforme du Code civil comme un projet de loi sectoriel. Je pense que
c'est là toute la différence. Bien sûr, lors de
l'étude article par article en commission, on pourra apporter des
corrections, des amendements, mais je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on
devrait enlever un chapitre ou qu'on devrait enlever tout le chapitre de la
question de la préemption. M. le ministre, tantôt, a
soulevé cette question. Ici, j'ai des réserves. Je pense
qu'à ce moment-là, on devrait simplement se limiter à
l'étude article par article sans chambarder complètement le
projet de loi.
Si on aborde maintenant le principe du
projet de loi, je dois vous dire que j'ai beaucoup de restrictions en ce
qui concerne le droit de propriété. Je suis bien d'accord qu'on
ne vit plus dans une société agraire, mais je pense qu'on assiste
à l'érosion du droit de propriété et qu'on va
définitivement trop loin dans cette érosion.
Aujourd'hui, si on regarde le projet de loi, les majorités ne
sont plus des majorités. On ne respecte plus la majorité. Si on
ne respectait pas la majorité, je dois vous dire qu'on ne serait pas ici
ni de l'autre côté de la table non plus. Je pense que ce sont des
principes très importants quand on touche au droit de
propriété. À mon sens, on devrait respecter la
majorité.
Au chapitre sur la copropriété, on dit que maintenant,
après un an, un promoteur ne pourra détenir plus de 60% des voix;
après deux ans, 40%; après trois ans, 25%. Pourquoi? Si la
personne a investi des biens, si elle a investi beaucoup d'argent, je ne vois
pas pourquoi on limiterait son droit de propriété. Je dois vous
dire que j'ai fait énormément de dossiers de
copropriété. Au départ, je me suis demandé quels
étaient les droits de la minorité? J'avais peut-être
tendance à être d'accord avec l'article du code français
qui dit que si on a plus de la moitié, si le promoteur ou, enfin, le
propriétaire détient plus de la moitié, son pourcentage
doit être considéré comme étant la moitié.
Mais, à la pratique, j'ai réalisé que le droit de
propriété, c'était très important et que la
majorité - je pense que cela va avec le droit de propriété
- ou le droit majoritaire, on devrait le respecter. On ne peut substituer
aucune règle à ce principe. Je serais pour que, dans le chapitre
de la copropriété, on enlève toutes ces règles de
supposée majorité ou de ces mécanismes qui donnent
à la minorité la majorité ou qui enlèvent la
majorité aux majoritaires. Je pense que ce sont des règles
absolument arbitraires et qui n'ont aucune raison d'être là. En
fait, on règle un mal et je pense que la piqûre est trop forte,
cela n'améliorera absolument pas - on va avoir des problèmes - le
fonctionnement de la copropriété.
D'ailleurs, si on regarde la copropriété indivise, le
principe n'est pas le même. Dans la copropriété indivise,
on applique le principe de la majorité, même pas, c'est celui du
consentement unamime. Je ne vois pas pourquoi, à ce moment, les
règles sont différentes dans la copropriété divise.
Je pense que ce sont des choses qu'on doit regarder de très près.
Également, pour ce qui est de la question de principe, on recourt
constamment au tribunal. Je ne vois pas la nécessité de recourir
constamment au tribunal, de vouloir faire régler tous les
problèmes par le tribunal.
Si on regarde le projet de loi, je pense que c'est quelque chose qu'on a
également constaté dans la réforme sur les personnes, sur
les successions, on recourt constamment au tribunal.
Une voix: Dans votre cas, cela existe.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'est donc que le tribunal? C'est qui?
Je ne pense pas que ce soit une autorité suprême où,
définitivement, le jugement doit être rendu. Il est
assurément de bon jugement, d'autant plus que ce sont d'anciens avocats
qui deviennent des juges; si, au moins, il y avait des notaires.
Personnellement, j'ai de fortes réserves pour ce qui est de
toujours recourir au tribunal. Dans un article, on dit: À tout tribunal,
on ne spécifie même pas lequel. On suppose qu'il y a plusieurs
tribunaux. Je pense qu'on devrait, autant que possible, limiter le recours au
tribunal. Dans l'ancien code, je crois que c'était un principe qui
était établi, on essayait d'établir autant de
règles que possible. Je comprends que l'on dit: On enlève les
énumérations. Je veux bien qu'on les enlève, mais si c'est
strictement pour avoir un projet de loi qui va être un câble, mais
un câble qui ne sera pas tellement solide, moi je ne suis pas
d'accord.
Et, si on regarde le projet de loi, je dirais qu'il y a plusieurs
articles qui établissent le principe de l'expropriation: expropriation
du droit de propriété, expropriation des recours, expropriation
des moyens. Si on regarde simplement, les articles 1031, 1032, 1045, les
semelles chez le voisin, je ne vois pas pourquoi, en vertu de quoi on aurait le
droit d'établir des semelles chez le voisin. Si on empiète de
cinq ou dix pieds pour mettre une grosse semelle et que le voisin veut
bâtir, veut descendre plus bas, veut y mettre lui-même ses
semelles, comment va-t-il fonctionner? Dites-moi donc cela? À mon sens,
c'est un article qui est absolument inacceptable, c'est une expropriation chez
le voisin. Â l'article 1066, d'autres expropriations, aux articles 1101,
1011, 1124, 1198, j'en passe, il y en a d'autres, toujours des expropriations.
Je vous le dis, on est en train d'éroder le droit de
propriété. C'est une chose qu'il faudrait regarder de très
près.
J'ai peut-être d'autres questions précises, je voudrais
toucher également la question des vues. Dans ma pratique, les vues
illégales, cela a été le cauchemar. J'ai pratiqué
pendant 20 ans dans un milieu urbain, Montréal, et cela a constamment
été un cauchemar. Était-on heureux quand on pouvait
obtenir une servitude pour légaliser tout celai J'en serais pratiquement
rendu au point où on devrait faire disparaître les vues
illégales, complètement. (12 h 15)
Cela ne devrait pas créer tellement de problèmes.
D'ailleurs, si on regarde l'article
1034, on permet la vue dans certains cas, dans le cas où, disons,
le terrain n'est pas construit. C'est ce que j'ai compris. C'est ce que j'ai pu
déduire, ce que j'ai cru comprendre de l'article. C'est ce que cela dit,
et là également où la vue est cachée par un mur.
Est-ce que cela va être le cas si vous avez un mur mitoyen plein, sans
fenêtre, ou un mur non mitoyen, bâti immédiatement dans la
ligne? Est-ce que le principe va être le même?
Je pense qu'on devrait envisager la possibilité de faire
disparaître complètement les vues illégales. On ne
brimerait pas tellement le droit de propriété et on
réglerait des problèmes. À ce moment, on s'en remettrait
strictement aux règlements municipaux qui établissent la marge
latérale qu'on doit laisser lors d'une construction. Je les ferais
peut-être disparaître complètement, parce que ce qu'on fait
constamment, c'est d'établir des servitudes pour les légaliser.
Pourquoi alors ne pas les faire disparaître? Partout où vous avez
des vues illégales, est-ce qu'on les légalise? Est-ce que
vraiment la question des vues illégales empêche
l'établissement de vues? Est-ce que vraiment on se préoccupe,
lors de la construction, de dire: On ne mettra pas de fenêtres, on
n'établira pas de vues, parce que cela va peut-être créer
des problèmes? On va régler au moyen d'une servitude. Je
réglerais au moins la question des escaliers. Le code, l'article ne
mentionne même pas la question des escaliers. Il faudrait au moins
régler ce problème des escaliers. C'est un peu une vue
d'ensemble. Maintenant, en ce qui concerne les questions, comme je le dis, j'en
aurais sur chaque article. Si vous permettez, peut-être que je pourrais
passer la parole à quelqu'un d'autre pour revenir ensuite avec des
questions ponctuelles sur chaque article.
Le Président (M. Rivest): M. le député, il
nous reste effectivement à peu près 45 minutes. J'ai des demandes
d'intervention de la part du député de Deux-Montagnes, du
député de Chapleau, du député de Beauce-Sud et du
député de Châteauguay.
M. Dussault: C'est strictement sur une question de
procédure...
Le Président (M. Rivest): Oui.
M. Dussault: Nous avons été très
tolérants à l'égard de notre collègue de
l'Opposition, nous voyons que son nom apparaît sur la liste des personnes
qui représentent la Chambre des notaires du Québec. Il
m'intéresse de savoir si M. le député de Saint-Laurent
parlait au nom de la Chambre, mais assis ailleurs qu'à la barre des
témoins, si on peut dire. Simplement, j'étais d'accord avec le
député de Saint-
Laurent, tout à l'heure, qu'il y avait...
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dussault: J'étais d'accord, M. le Président,
qu'il y avait lieu tout à l'heure de se demander si la réforme
parlementaire était bien servie par la méthode que nous
utilisons. Je me pose encore la question, sauf que je pense qu'il y a encore un
objectif aujourd'hui qui est vrai à cette commission, c'est que nos
invités sont là pour être entendus, pour s'exprimer, pour
nous donner leur point de vue. Il faudrait qu'on fasse le plus grand effort
possible, M. le Président, pour que nos interventions comme telles
soient moins longues...
Le Président (M. Rivest): Dans cet esprit-là, M. le
député, est-ce que je peux vous inviter à conclure?
M. Dussault: C'est ici que je m'arrête, M. le
Président, pour qu'enfin l'objectif soit atteint.
Le Président (M. Rivest): Merci. M. le
député de Châteauguay. Oui, M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais obtenir des
réactions à mes propos de la part de la chambre des notaires,
soit de Me Auger, Me Thisdale, ou Me Robitaille.
Le Président (M. Rivest): Oui. Je pense, en termes
pratiques, que si les porte-parole pouvaient répondre aux remarques du
député de Saint-Laurent, ensuite M. le député de
Deux-Montagnes, vous finirez bien un jour par avoir la parole et MM. les
députés de Chapleau et de Beauce-Sud aussi. Je pense que tout le
monde peut convenir, sauf vous -cela nous fera plaisir de vous entendre - au
moins de ce côté-ci de la table, d'être assez concis. Merci.
M. Auger.
M. Auger: Pour faire suite aux propos du député de
Saint-Laurent, nous avons, bien sûr, constaté que le projet de loi
n'était pas aussi libéral à l'égard du droit de
propriété qu'on l'a été en 1866. L'absolutisme de
ce droit est temporisé par des besoins sociaux et nous n'avons pas
été effrayés outre mesure par certaines restrictions qui
ont été introduites, sous réserve de ce que souligne notre
mémoire et, à cet égard, nous avons fait certains
commentaires. Donc, nous ne sommes pas vraiment, comme je le disais,
effrayés par la dégradation qu'est en train de subir le droit de
propriété.
Concernant la question des vues, nous n'avons pas cru utile d'adopter la
position que défendait le député. Nous pensons qu'il est
encore utile que le Code civil, en tant
que principale loi régissant les rapports entre les individus,
garantisse une certaine intimité entre les propriétés
voisines. C'est vrai, comme le soulignait le député, que,
souvent, la pratique notariale répare les pots cassés. Faut-il
pour autant faire disparaître la règle? Nous ne l'avons pas cru.
Au contraire, nous avons cru utile de la préserver, c'est-à-dire
que nous sommes d'accord avec le maintien de la règle qui permet et qui
défend d'ouvrir des vues à une certaine distance. C'est la raison
pour laquelle nous avons fait des commentaires sur le troisième
paragraphe de l'article 1034, parce que nous y voyons des accrocs assez
sérieux à cette règle. Maintenant, nous convenons fort
bien qu'il puisse en être décidé autrement, ou qu'on puisse
avoir sur cette question des opinions différentes.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je suis
heureux de constater que le point de vue qu'a exprimé le
député de Saint-Laurent n'est pas nécessairement celui de
la chambre des notaires, dont le porte-parole a apporté là-dessus
des éclaircissements très utiles.
Je voudrais tout simplement poser une question à Me Auger au
sujet de l'article 1020. Votre position, Me Auger, si je comprends bien, c'est
de maintenir les dispositions actuelles du code plutôt que d'introduire
les éléments nouveaux prévus par cet article. Or, de mon
point de vue de simple profane, j'ai l'impression que le législateur
serait bien fondé d'introduire l'article 1020, qui pourrait être
modifié quant au libellé, mais maintenu quant à son
intention. Je songe à des situations concrètes où, par
exemple, quelqu'un qui a une source sur sa propriété fait le
commerce de l'eau et décide, par exemple, tout à coup, parce que
les conditions de rentabilité de ce commerce ont été
modifiées, de tout laisser tomber et de renoncer. J'ai l'impression que
l'article 1020 est conçu pour donner un recours aux gens qui se
prévalaient de ce service commercial d'eau. Par ailleurs, on peut songer
à une autre situation où quelqu'un fait le commerce de l'eau et
maintient ce commerce de l'eau. Il est bien entendu qu'il ne faut pas que
l'article 1020 permette à des gens dans son libellé de
l'empêcher de continuer ce commerce, si cela ne nuit aucunement à
des tiers. C'est là un équilibre qu'il faut maintenir. Je pense
que l'article 1020 effectivement maintient cet équilibre.
M. Auger: Si vous me permettez, sur cette question, nous pensons
que l'article 1020, dans l'exemple que vous nous donnez, ne permettrait pas de
faire le commerce de l'eau et que ce problème n'existerait plus.
L'article limite le droit d'usage à la source au besoin de l'usager. Or,
les besoins de l'usager ne comprennent certainement pas la commercialisation de
l'eau pour des fins de vente à d'autres individus. En fait, encore une
fois, sur cette question - je comprends très bien le sens des propos du
ministre tantôt - c'est une question importante. C'est la raison pour
laquelle nous avons jugé utile d'attirer l'attention de la commission
sur ce point. Nous voyons difficilement quelles sont ces limites qu'introduit
la nouvelle règle. Je voudrais ajouter d'autres exemples à ceux
que j'ai donnés tantôt. Une source qui jaillit sur un fonds peut
jaillir à des endroits qui dérangent. Pourra-t-on la
détourner? Pourra-t-on la tarir même, si c'est important qu'on le
fasse pour la solidité des constructions qui sont sur le fonds? Tant et
aussi longtemps qu'on en est propriétaire, ce problème ne se pose
pas, encore une fois, ce qui ne permet pas d'en abuser, et ce qui ne permet pas
de faire n'importe quoi avec les règles générales du
droit. Les règles qui restreignent l'usage abusif anormal du droit de
propriété interviendraient pour prohiber cette chose. Encore une
fois, nous nous interrogeons sur le sens véritable de la disposition.
Quand il passe de la propriété à l'usage, de quel type
d'usage s'agit-il? À quel type d'acte est-ce limité? Est-ce que
cela va prohiber totalement que l'on puisse faire profiter d'autres personnes
que soi-même de la source? Quelles sont ces conditions d'utilisation de
l'eau auxquelles le texte se réfère? Bref, c'est toute une
série de questions auxquelles on ne trouve pas facilement de
réponse dans l'article 1020, bien que l'on comprenne la
préoccupation dont le ministre nous faisait part tantôt, que l'eau
devient un bien de plus en plus rare et que l'État doit veiller à
sa protection. On ne peut évidemment pas être défavorable
à cette approche de la question, mais nous continuons à penser
qu'il y a des choses qui vont devoir être davantage
précisées sur cette question si on veut passer radicalement d'un
système de propriété à un système
très limité d'usage.
Nous devons peut-être ajouter comme précision
supplémentaire que, pour nous, la propriété de la source
ne va quand même pas jusqu'à la propriété des lacs
souterrains, aux rivières où s'alimente cette source. Il y a
quand même une distinction à faire. Quand on parle de source, on
parle de quelque chose plus immédiatement près de la surface du
sol que de rivières souterraines éloignées qui alimentent
la source. Cela ne va pas jusque-là, bien sûr. Dans notre esprit,
c'est quand même limité à ce que l'on entend
généralement dans le langage courant par une source. Cela peut
être un puits creusé, cela peut être une source naturelle,
donc ce genre d'ouvrage que l'on rencontre.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: M. le Président, la réforme du Code
civil, comme tout le monde l'a mentionné jusqu'à maintenant,
c'est vaste, complexe et difficile à comprendre. Les explications qu'on
a eues ce matin de la chambre des notaires m'ont énormément
aidé à comprendre un peu l'envergure de la réforme, mais
j'abonde un peu dans le sens de mon confrère de Saint-Laurent lorsqu'il
a parlé de la réforme parlementaire. Je déplore le fait
que c'est seulement très récemment qu'on a eu le mémoire
de la chambre des notaires, ou celui du barreau, ou ceux des autres organismes
qui vont comparaître devant nous et qui nous donnent un point de vue
différent dans certains cas. Il y a certainement une approche
différente, que ce soit la chambre des notaires, les avocats ou les
autres intervenants qui viendront devant notre commission en temps et lieu. Je
suggère qu'à l'avenir, quand il s'agira d'un amendement ou d'une
réforme aussi complexe que celle du Code civil, ou d'une loi
fondamentale où il y a des technicités, on ait le mémoire
au moins suffisamment longtemps d'avance pour qu'on puisse comprendre où
on s'en va avec les interventions des différents intervenants qui
viennent devant nous. Afin de mieux comprendre où on s'en va
après l'étude dans les prochains jours et d'entendre les
différents intervenants, j'adresse ma question au ministre:
Prévoit-il que le projet de loi sera déposé,
étudié et adopté d'ici le mois de juin? Est-ce une
priorité pour vous que ce soit adopté dans un
échéancier assez restreint ou est-ce une affaire qui va
traîner en longueur?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai bien
évoqué tout à l'heure que nous considérions comme
un bloc les successions, les biens et les personnes, que nous étions
dans le troisième bloc, qu'après audition des parties nous
procéderions à deux choses: d'une part, à la
réécriture de ces trois projets, le cas échéant et,
deuxièmement, au dépôt d'un projet de loi qui en est un
d'application où, notamment, des règles transitoires sur les
droits acquis, par exemple, en matière d'eau seraient confirmées,
etc. Je pense que la perspective, soyons réalistes, est plutôt...
D'abord, c'est clair qu'on n'aura pas adopté ces trois projets de loi
pour le mois de juin. Pour que ce soit bien clair, est-ce que nous
déposerons les trois projets de loi d'ici le mois de juin? On verra
selon l'état de nos travaux.
M. Marx: Est-ce que le ministre peut nous fixer un
échéancier, est-ce qu'on va adopter ce bloc et la loi transitoire
avant 1985 ou s'il ne peut nous dire cela avant 1986? Après, il ne sera
pas ici, mais disons... Je serai ici peut-être en tant que ministre,
mais...
M. Johnson (Anjou): II me semble que j'ai déjà
entendu notre collègue dire cela quelque part en 1980. Cela fait cinq
ans.
Le Président (M. Rivest): S'il vous plaît, je vous
inviterais de part et d'autre à revenir malgré la tentation que
j'éprouve.
M. Marx: Mais le ministre peut-il nous dire si ce sera
adopté avant 1985?
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous
plaît: M. le député de... Oui? M. le ministre, est-ce que
vous voulez répondre à la question?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'avoue que je suis
un peu inquiet. J'ai entendu les propos du député de
Saint-Laurent tout à l'heure et on n'est pas sorti du bois avec 1300
articles et une approche comme celle-là. On va être chanceux si
c'est adopté avant 1989. Si on considère que l'état de
préparation de la société québécoise face
à la réforme du droit civil va mettre le Parlement dans une
situation où, sur 1300 articles, il va recommencer l'éternel
débat sur le droit de propriété, on n'est pas sorti du
bois, c'est bien évident. (12 h 30)
Je dirai que la réponse n'est pas entre mes mains. Elle est
essentiellement entre les mains des membres de cette commission et de
l'Opposition très largement, comme on le sait. Quant à nous, nous
ferons ce que nous avons à faire pour colliger l'ensemble des remarques,
réécrire les projets de loi, les déposer et les
accompagner d'un projet de loi d'application qui s'occupe de la dimension
transitoire, des droits acquis et du reste, et des modifications comme des
procédures civiles et que la perspective à envisager pourrait
être - je le souhaiterais - un dépôt de l'ensemble des blocs
d'ici juin; mais je ne peux m'engager à le faire. Sinon, une perspective
serait à l'automne. Est-ce qu'à l'automne on pourra envisager
qu'on peut procéder à l'adoption avant Noël? Je ne le sais
pas. Vraiment, 1300 articles, si c'est pour faire huit semaines de commission
parlementaire, il va falloir y penser.
M. Marx: C'est pourquoi j'ai proposé que vous ayez un
adjoint parlementaire pour faire le travail, parce qu'on sait que vous
êtes trop occupé à d'autres dossiers. C'est cela.
Le Président (M. Rivest): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député, la parole est au
député de Chapleau.
M. Kehoe: M. le ministre, je comprends très bien votre
réponse concernant les difficultés, l'importance de votre travail
et tout le temps qui s'écoulera avant que le projet de loi soit
préparé et adopté, mais y a-t-il une raison pour laquelle
on n'a pu obtenir les mémoires avant ce matin ou avant la semaine
dernière?
Le Président (M. Rivest): M. le député, si
vous me le permettez, ce n'est pas la responsabilité du ministre. On
m'informe qu'effectivement, en ce qui vous concerne et peut-être aussi le
député de Beauce-Sud, le mémoire de la Chambre des
notaires du Québec a été distribué depuis un
certain temps aux membres de la commission mais, en raison de
l'intérêt particulier que vous portez au domaine et comme vous
avez été ajoutés, je pense, à la liste des membres
de la commission dite des institutions, même si vous faites depuis
longtemps partie de l'ancienne commission dite de la justice, il est bien
possible que les mémoires qui ont été produits ne vous
aient pas été transmis ou communiqués. C'est
inévitable. Les membres des commissions ont changé à la
suite de la réforme parlementaire. M. le député, est-ce
que vous avez d'autres questions à soulever? La parole est au
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je voudrais, à
mon tour, saluer mes collègues de la Chambre des notaires du
Québec qui sont ici ce matin et les féliciter du beau travail
qu'ils nous ont présenté. Je voudrais faire quelques
brèves remarques - le temps est précieux - pour signaler
l'importance d'un organisme comme la Chambre des notaires du Québec et
également l'importance du notariat ici au Québec comme
institution. Les notaires se retrouvent dans toutes les régions du
Québec. C'est la profession qui est la mieux répartie, elle rend
de très grands services à la population. On connaît
également l'importance de l'acte juridique, de l'acte authentique qui
est de plus en plus érodé lui aussi, mais je pense qu'il faut se
remémorer ces choses en certaines occasions. Je ne peux pas aller plus
en profondeur ce matin dans ces remarques.
Ce qui me frappe d'abord, c'est ceci: d'abord, notre Code civil, c'est
le fondement juridique qui régit les relations entre les citoyens. C'est
pratiquement un monument que l'on doit garder monolithique pour que les gens
s'y retrouvent lorsqu'on travaille avec des choses aussi importantes que le
droit de propriété, le droit des hypothèques, le fait de
garantir aux créanciers une bonne hypothèque et tout ce qui a pu
en découler. Ce qui me désole, c'est de voir que ce monument
qu'est notre Code civil souffre de plus en plus d'érosion avec
l'avènement dans plusieurs lois statutaires d'atteintes
répétées à notre Code civil, qui doit être et
rester un monument monolithique.
Par exemple, nous avons toutes les règles qui concernent les
hypothèques au Code civil. On arrive à des lois statutaires comme
la Loi sur la protection du consommateur où on dit: On détermine
des règles spéciales en cas de deuxième hypothèque
contractée par un consommateur et on sait les effets qui en
résultent. Donc, on n'a plus dans un seul texte législatif
l'ensemble de l'économie en ce qui concerne le droit des
hypothèques.
Ce matin, on regarde le droit des biens, le droit de
propriété. Nous parlons de l'indivision, des servitudes et de
tout ce qui en découle. M. le Président, si nous avions affaire
qu'à un seul texte, comme les justiciables seraient bien servis et comme
la population et les officiers de justice seraient bien servis! Nous avons
encore des lois parallèles. Vous nous établissez dans le projet
de loi 58 des principes, des procédures en ce qui concerne par exemple
l'indivision, les servitudes. Vous arrivez avec une loi statutaire, la Loi sur
la protection du territoire agricole, donc un régime tout à fait
parallèle et contradictoire. Lorsque vous arrivez pour faire une
étude sur les titres de propriété, vous allez au bureau
d'enregistrement. Ce n'est pas indiqué à l'index aux immeubles
où on doit vérifier si l'immeuble est sujet à la Loi sur
la protection du territoire agricole ou pas. Il devient alors de plus en plus
difficile de travailler dans des conditions semblables.
Lorsque nous avons, par exemple, affaire à l'indivision, il nous
faut suivre les règles du Code civil. Si notre immeuble est
affecté par la Loi sur la protection du territoire agricole il faut
également suivre les règles prévues à cette loi. Je
ne comprends pas la pensée qui guide cette érosion de notre Code
civil. Il me semble qu'on devrait profiter de la révision pour codifier
tout cela sous un même toit de manière qu'on puisse s'y
retrouver.
M. le Président, je voudrais poser quelques questions. Comme mon
collègue de Saint-Laurent, je regrette que nous ayons si peu de temps
pour approfondir tout cela. Nous ne faisons que butiner ici et là dans
les articles. Je vous le dis en toute déférence, peut-être
y aurait-il lieu de confier à une sous-commission de votre commission
une étude plus en profondeur? Il me semble que ce n'est pas honorer
l'institution suprême qu'est notre Code civil...
Le Président (M. Rivest): Je m'excuse, M. le
député, si vous le permettez. Je répète que
l'institution sera peut-être davantage honorée lorsque
effectivement on
arrivera à l'étude article par article. Je retiens votre
suggestion en ce sens que, peut-être au niveau de la commission, on
pourra créer une sous-commission. Mais, à ce moment, tous les
gens auront amplement l'occasion d'étudier tous et chacun des articles.
Malheureusement, on n'est pas encore à cette étape.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Tout à l'heure,
nous avons parlé des sources d'eau. Je voudrais vous faire montre un peu
des préoccupations venant des régions rurales. Nous savons que
les sources sont des choses fréquentes en campagne, l'article 1020 vient
en quelque sorte exproprier les sources. On dit: "Le propriétaire du
fonds duquel jaillit naturellement une source peut user de cette source pour
ses besoins, mais il doit respecter les conditions d'utilisation de l'eau." Par
ailleurs, à l'article 959, nous disons: "Les eaux, courantes ou non,
ainsi que l'air sont des choses affectées à l'usage commun;
cependant, ils peuvent être considérés comme objet de
propriété..." Écoutez, on se dirige vers un nouveau
régime et, si je comprends bien maintenant, lorsque viendra le temps en
région rurale d'appliquer ces articles, il faudra tenir compte de la
Commission de la protection du territoire agricole, qui doit maintenant donner
son autorisation pour valider les servitudes. Je voudrais parler de l'article
1044 concernant les clôtures. Vous savez qu'en campagne c'est un point
important. Cela a apporté des causes très productives devant les
tribunaux. On dit: "Tout propriétaire peut clore son terrain à
ses frais, l'entourer de murs, de fossés, de haies ou de toute autre
clôture. "Il peut, également, obliger son voisin à
ériger pour moitié ou à frais communs un ouvrage de
clôture servant à séparer leur fonds ou acquérir la
mitoyenneté d'un mur privatif, etc."
Autrefois, dans le Code civil actuel qui nous régit, on parle
selon la destination des lieux. Maintenant, ici, on l'enlève. On dit
à l'article suivant 1044: "Toute clôture qui se trouve sur la
ligne separative est présumée mitoyenne..." Qu'est-ce qui se
passe dans les régions rurales entre deux fermes qui sont
séparées l'une de l'autre par une clôture? Dans le moment
présent, on sait que les clôtures sont partagées,
moitié à un propriétaire et moitié à
l'autre, selon l'équilibre des avantages et des inconvénients.
Là, il y a des ajustements possibles. Je poserais la question à
notre représentant. A-t-on réfléchi là-dessus?
M. Auger: Nous ne nous sommes pas particulièrement
arrêtés longtemps sur les clôtures, mais l'article 1044
établit une présomption. Je pense que la règle a comme
principe que si une clôture se trouve sur la ligne séparative,
elle est présumée mitoyenne, ce qui ne signifie pas qu'elle l'est
nécessairement et qu'elle pourrait, à la suite d'accords
intervenus ou d'autres modalités de partage d'établissement de la
clôture, ne pas être mitoyenne.
M. Mathieu: C'est parce que... Ah, excusez-moi.
M. Auger: Oui, oui.
M. Mathieu: II découle de là une
responsabilité. Si une clôture est défectueuse, des animaux
passent, vont causer un accident ou des dommages considérables. Qui va
encourir la responsabilité? Il y a des points très importants.
Peut-être qu'il serait bon de préciser ce point. Je le porte
à l'attention du ministre.
M. le Président, je voudrais dire un mot, avec votre permission,
en concluant. Un autre point que l'on trouve souvent dans une pratique en
région rurale; ce sont les servitudes. C'est à la section I du
chapitre troisième, à l'article 1205. Dois-je comprendre,
à la lecture de l'article 1209, qu'il n'y a plus de servitude
personnelle? On dit à l'article 1209: "La servitude n'est pas
affectée par les mutations de propriété des fonds servants
ou dominants. "Elle suit ces immeubles en quelques mains qu'ils passent, sous
réserve des dispositions relatives à l'enregistrement des droits
réels." Là, on parle d'une servitude continue, discontinue,
apparente et non apparente, mais il y a une distinction dans notre droit actuel
qui nous parle de servitude réelle et personnelle; dois-je conclure que
c'est abandonné?
M. Auger: À moins de me tromper, je pense que le Code
civil actuel ne parle pas des servitudes personnelles comme telles. Cela ne
signifie pas qu'on n'a pas reconnu qu'il en existait, mais quand le
législateur réglemente ce qu'on appelle les servitudes
réelles, au chapitre des servitudes réelles, actuellement, dans
le code, il s'agit véritablement d'un droit conféré sur un
fonds au bénéfice d'un autre fonds, ce que reprennent les
articles 1205 et suivants. Donc à cet égard, il ne
m'apparaît pas y avoir de modification. Par servitude personnelle, on
entend actuellement dans le droit les droits comme l'usufruit, l'usage
d'habitations qui sont assimilées à des formes de servitude
personnelle, étant un droit sur un bien, donc un droit réel, en
faveur d'une personne. Mais, pour être encore plus précis dans la
réponse à la question que vous posez: Est-ce qu'on fait
disparaître la possibilité d'avoir une servitude personnelle
contre un immeuble, c'est-à-dire un droit réel sur un immeuble,
mais en faveur d'une personne, et qui pourrait être de la nature d'un
droit de passage ou autre sans être une véritable
servitude réelle, c'est-à-dire d'un pont à
l'autre.
Notre interprétation du projet de loi, c'est qu'on pourrait le
faire. Sur cette question, nous nous fondons sur l'article 1148 qui est
l'article introductif de toutes ces règles concernant les
démembrements du droit de propriété. L'article se lit
comme suit: "Les principaux démembrements de la propriété
sont l'usufruit, l'usage, la servitude et l'emphytéose. "Les parties
peuvent constituer tout autre démembrement en partageant entre elles les
attributs de la propriété."
C'est un article qui est nouveau dans le droit, mais qui nous
apparaît clarifier au moins une chose, c'est que le Code civil
énumère et régit ou réglemente
spécifiquement quatre démembrements: l'usufruit, l'usage, la
servitude et l'emphytéose, mais il n'empêche pas les parties de
créer d'autres démembrements du droit de propriété.
À cet égard, il nous est apparu - parce qu'on s'est posé
exactement la même question - que les parties pourraient donc, sur la
base de l'article 1148, créer des servitudes réelles en faveur
d'une personne, c'est-à-dire un droit qui affecte un fonds mais au
bénéfice d'une personne et non pas au bénéfice d'un
autre fonds.
Je ne sais pas si ma réponse est suffisamment claire?
M. Mathieu: En concluant, j'aurais seulement un dernier
commentaire. J'aimerais vous entendre sur ma réflexion à savoir
que nous avons maintenant dans ce projet de loi 58 tout un régime
prévu pour le démembrement, l'accession de la
propriété, les servitudes, etc. Par ailleurs, dans des lois
statutaires comme la Loi sur la protection du territoire agricole, nous avons
un régime parallèle. On ne peut pas sortir de l'indivision sans
faire telle procédure, donner une servitude sans une autorisation de la
commission. Est-ce que vous avez un commentaire à faire
là-dessus?
M. Auger: Je parlais peut-être plus en mon nom qu'au nom de
la chambre, parce qu'on n'a pas pris de position sur ce point. Il est certain
que, pour les Québécois, il serait beaucoup plus simple de
retrouver toutes les règles qui concernent, par exemple, la
propriété des biens au Code civil comme c'était le cas il
y a peut-être 30 ou 40 ans.
Il faut cependant se demander si le Code civil serait encore un Code
civil, si on y intégrait toutes ces lois que l'on juge nécessaire
d'introduire. Vous citez le cas de la Loi sur la protection du territoire
agricole. Je comprends que les opinions peuvent être partagées
sur... (12 h 45)
M. Mathieu: Pas seulement celle-là...
M. Auger: Oui.
M. Mathieu: ...il y en a d'autres.
M. Auger: Je pense qu'il est inévitable que, dans une
société complexe, il faille des lois particulières pour
régler des problèmes spécifiques et particuliers. Est-ce
que le Code civil en serait encore un si on y introduisait
systématiquement toutes ces lois? Personnellement, je pense que ce ne le
serait plus. Cela serait plutôt de la nature des statuts refondus.
Je pense que le Code civil doit demeurer une loi générale,
une loi-cadre qui pose les règles générales
régissant les rapports entre individus dans notre société.
Mais il est inévitable, je crois, que des lois statutaires viennent y
apporter, à certains égards, des exceptions, des restrictions.
Quand vous parlez de régime parallèle, ce sont plutôt des
exceptions qu'on apporte qu'un véritable régime parallèle.
On ne peut pas prétendre que la Loi sur la protection du territoire
agricole régit en totalité les propriétés agricoles
dans tous les aspects que le droit se charge normalement de réglementer.
Il y a encore des secteurs du Code civil qui vont s'appliquer. Je pense
à la prescription et je pourrais en nommer beaucoup d'autres. Or, pour
moi il est inévitable qu'une telle chose se produise. Quand on peut
l'éviter, c'est souhaitable. Évidemment, parce que cela facilite
énormément pour celui à qui la loi est destinée la
compréhension de la loi.
Je pense qu'il faut peut-être éviter, tenter dans la mesure
du possible de retourner vers le Code civil ce qui devrait s'y trouver mais il
y aura toujours - je pense - des exceptions. À cet égard,
j'aurais peut-être un dernier commentaire. On peut remarquer, quand on
fait l'examen de la législation qui a entouré le Code civil et
notamment les lois qui ont été introduites depuis la
codification. Il n'y en a pas eu beaucoup, je vous le concède, mais il
en a eu.
On peut constater une chose et je ne sais pas si cela faisait partie
d'une philosophie arrêtée mais il semble qu'on ait recouru au
procédé suivant à plusieurs occasions. On adaptait une loi
statutaire visant un cas particulier et quand elle avait fait ses preuves,
qu'on l'avait corrigée, quand elle était plus parfaite, qu'on la
jugeait vraiment une oeuvre législative intéressante, on
l'intégrait dans le Code civil. On la laissait donc faire son petit
bonhomme de chemin et manifester les problèmes qui pouvaient en
résulter et quand on sentait qu'elle était adéquate on
l'intégrait dans le Code civil. Ce sont des choses qui vont certainement
se reproduire à l'avenir. Je pense et je termine sur cela en vous
donnant un exemple au droit des sûretés. S'il y a un
droit à l'heure actuelle qui est en train de s'éparpiller
partout. Le Code civil connaît une érosion fantastique dans le
domaine du droit des sûretés. Cette situation est anormale et il
serait relativement simple que le code rapatrie ce qui lui revient puisqu'il
n'y a pas de raison majeure d'avoir cinq ou six lois qui régissent les
sûretés, car ces sûretés visent quand même
à régler des situations complètes. Ce ne sont pas des lois
d'exception mais qui s'appliquent à tout le monde. Quand une loi
s'applique à une catégorie de personnes, ne vise qu'un type
particulier de problème il ne m'apparaît pas utile de
l'intégrer dans le Code civil sans que celui-ci devienne - comme je le
disais tantôt - plus de la nature des statuts refondus que d'un
véritable code civil.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: En concluant, je donnais l'exemple de la Loi sur la
protection du territoire agricole, mais pas pour la contester dans sa
nécessité. Il y a d'autres lois comme la loi 125 sur
l'aménagement du territoire. Ce qui me fait un peu craindre, lorsqu'on
touche au Code civil, c'est que, quand on prend une disposition et qu'on la
passe dans une loi statutaire, elle est diluée. Par exemple, dans la Loi
sur la protection du territoire agricole, on ne reconnaît pas la valeur
de l'acte authentique comme cela existe au Code civil, de sorte qu'on dit: Pour
obtenir un droit acquis au sens de la loi 90, il faut que le titre de
propriété soit enregistré avant le décret du zonage
agricole, alors qu'un acte notarié authentique doit suffire pour
indiquer la date de l'existence du droit acquis. C'est cette dilution qui vient
à la pièce érode le monument qu'est le Code civil et en
réalité le monument de nos droits. Merci.
Le Président (M. Rivest): Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui veulent prendre la parole? M. le député
de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Me Auger, comment pouvez-vous concilier
le deuxième paragraphe de l'article 1060, qui fait état que, dans
la copropriété indivise pour changer la destination du bien,
aliéner le bien, le partager ou le grever, il faut l'unanimité
alors qu'aux articles 1127 et 1128 la règle n'est pas la même du
tout en ce qui concerne la copropriété indivise?
M. Auger: D'abord, l'article 1060 commence par poser la
règle que les décisions relatives à l'administration d'un
bien indivis sont prises à la majorité en valeur des
indivisaires. Cette première partie de l'article vise les actes
d'administration.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je parle du deuxième
paragraphe.
M. Auger: D'accord. Le deuxième paragraphe exige la
règle de l'unanimité en matière d'aliénation du
bien indivis. On voit mal comment il pourrait en être autrement puisqu'on
est en matière d'indivision ici, c'est-à-dire qu'on est en
présence d'un droit qui n'est partagé que par des quotes-parts
abstraites et non pas concrètement dans l'objet du droit de
propriété. Or, on ne peut jamais disposer de plus de droits qu'on
en a, c'est un grand principe du droit qui est tout simplement appliqué
ici, dans le deuxième alinéa de l'article 1060.
Vous me citiez l'article 1127...
M. Leduc (Saint-Laurent): Changer la destination...
M. Auger: C'est que là, je pense qu'on change
complètement de situation. On est en présence d'une
copropriété divise, c'est-à-dire d'un immeuble qui - vous
le savez fort bien - appartient, quant à certaines de ses parties
divises, exclusivement à des individus et, quant à ses parties
communes, à l'ensemble des copropriétaires. Or, on prévoit
ici des règles qui concernent non pas la disposition de la partie
divise, mais qui concernent l'ensemble de la bâtisse, et il est, je
pense, fort acceptable qu'on puisse y retrouver ce genre de disposition. Je ne
sais pas si mon collègue aurait des commentaires à ajouter sur
cette question, mais, entre l'indivision ordinaire ou celle qu'on a toujours
qualifiée d'ordinaire et la copropriété divise, il y a de
nettes différences qui peuvent justifier un traitement législatif
différent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais si vous permettez, je ne vois ce
qui pourrait justifier que, dans le cas de la copropriété divise,
on puisse changer la destination sans avoir l'unanimité, alors qu'on
peut le faire dans la copropriété indivise. Je ne vois aucun
argument, vous n'avez pas répondu à cette question. Je comprends,
bien sûr, qu'il y a une différence entre les deux
copropriétés, mais, en ce qui concerne la destination, je pense
que l'article 1128 est inacceptable. On change les règles du jeu en
cours de route. Je pense que - d'ailleurs, l'ancien code ne le permettait pas -
l'article 1128 est inacceptable.
M. Auger: On peut évidemment avoir des opinions
différentes sur l'article 1128. La règle qui est introduite est
une règle de double majorité: d'abord majorité des
copropriétaires et majorité de 90%, ce qui commence à
être une majorité quand même assez grande. Je pense que
l'idée sous-jacente à l'article 1128, c'est quand même
d'éviter qu'un changement de destination
souhaité par la presque totalité des gens soit rendu
impossible par le refus d'une très petite minorité, ce que la
règle de l'unanimité permettait de faire. Je pense que c'est ce
qui est sous-jacent à l'article 1128. À cet égard, dans le
commentaire introductif qu'on faisait ce matin, on disait: C'est une
règle qui nous apparaît de nature à introduire un peu plus
de souplesse là où il faut qu'il y en ait, si on veut que cette
forme de propriété soit acceptable pour les gens qui ont à
y vivre. Si un individu paralyse totalement un changement de destination
souhaité par la très grande majorité, cela peut
créer des problèmes qui seront difficiles à vivre dans le
cadre de ce type de propriété.
Quant à l'indivision ordinaire, encore une fois, c'est vraiment
une situation totalement différente. Si on ne peut pas vendre un bien
indivis autrement que par l'ensemble des indivisaires, c'est tout simplement
parce qu'on ne peut jamais vendre plus de droits qu'on n'en a et que
l'aliénation totale du bien présuppose forcément le
concours de tous les indivisaires pour que le bien soit totalement
tranféré quant à sa propriété.
Le Président (M. Rivest): Oui, M. le
député.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais maintenant poser une
question à Me Robitaille. Avant de lui demander ce qu'il pense des
nouvelles règles pour établir la majorité, je voudrais lui
poser une question en ce qui concerne le deuxième paragraphe de
l'article 1121. On dit: "Toutefois, un copropriétaire ne peut, à
l'assemblée, disposer de plus de dix pour cent de l'ensemble des voix
des copropriétaires, en outre des voix rattachées à la
fraction qui lui sert de résidence." Je voudrais savoir s'il comprend ce
paragraphe de la même façon que je le comprends. Supposons une
copropriété de trois appartements, de trois unités
où l'un des copropriétaires n'habite pas et qu'il possède
deux appartements, deux unités. Cela veut donc dire, à ce
moment-là, qu'il serait minoritaire. C'est cela?
Une voix: Oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous comprenez l'article exactement
comme moi.
M. Robitaille (Claude): À ce moment-là, oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous pensez que c'est acceptable?
M. Robitaille: Je m'excuse, j'ai manqué le début de
votre intervention, je cherchais l'article.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le deuxième paragraphe de
l'article dit: "Toutefois, un copropriétaire ne peut, à
l'assemblée, disposer de plus de dix pour cent de l'ensemble des voix
des copropriétaires, en outre des voix rattachées à la
fraction qui lui sert de résidence." Supposons qu'il n'habite pas
là et qu'il ait deux unités sur trois.
M. Robitaille: À ce moment-là, il serait
considéré comme un propriétaire ayant plus... selon la
suggestion que nous avons faite à la commission...
M. Leduc (Saint-Laurent): ...et, si vous le permettez, que le
troisième y demeure.
M. Robitaille: Oui, mais, à ce moment, les voix du
copropriétaire seront réduites aux voix de l'autre. Il pourra y
avoir une impasse qui pourrait être réglée soit par un
arbitrage en déclaration ou, encore, s'il y a un litige, il devra
être soumis au tribunal. S'il n'habite pas là, suivant la
modification proposée, le total de ses voix est réduit à
celui des voix de l'autre, ils seront à égalité.
M. Leduc (Saint-Laurent): À l'article 1121, le
deuxième paragraphe ne s'appliquerait pas dans ce cas.
M. Robitaille: C'est cela.
M. Auger: En fait, la proposition de la chambre consiste à
remplacer les articles 1121, 1122 et 1123 par une règle qui, dans le cas
où un copropriétaire, qu'il soit promoteur ou non, dispose de
plus de la majorité des voix, vise à réduire le nombre de
ses voix à l'ensemble des voix détenues par les autres
copropriétaires.
M. Robitaille: C'est cela.
M. Auger: Cela remplacerait les articles 1121, 1122 et 1123.
M. Robitaille: On a voulu ramener cela non pas seulement au
promoteur, mais à tout copropriétaire - l'exemple que vous donnez
l'illustre bien - dans le but de garder un équilibre entre les
copropriétaires. (13 heures)
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes d'accord avec cette
règle, la règle française, si nous disons...
M. Robitaille: On s'est penché sur cela et on a
pensé que, d'après justement la grande expérience de la
copropriété en France devrait nous influencer.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous êtes au courant
si c'est le seul endroit où cette règle existe? Existe-t-elle
en
Ontario? Existe-t-elle aux États-Unis? Existe-t-elle
ailleurs?
M. Robitaille: Je crois que cette règle existe aux
États-Unis dans certaines lois.
M. Leduc (Saint-Laurent): Existe-t-elle en Ontario?
M. Robitaille: Je ne me souviens pas si elle existe en
Ontario.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je me demande si on ne
découragera pas les promoteurs, les constructeurs d'ériger des
copropriétés avec cette règle. D'après vous, est-ce
que l'application de cette nouvelle règle ne pourrait pas nuire au
développement des copropriétés qui, en fait, rend
minoritaire celui qui investit, le promoteur ou le constructeur?
M. Robitaille: Justement, la suggestion qu'on fait de modifier
ces articles, c'est pour ne pas insister seulement sur le fait que le promoteur
ou le constructeur soit le seul à subir un contrôle de ses voix.
En soumettant notre modification, on a voulu rendre les autres
copropriétaires qui détiendraient plus de la moitié de
voix assujettis à cela. On n'a pas pensé que cela pouvait
empêcher de quelque façon la construction de grosses
copropriétés.
M. Auger: Si je peux me permettre d'ajouter un commentaire, c'est
typique de bien des situations juridiques. C'est sûr qu'adopter des
règles semblables pourra peut-être rendre moins intéressant
pour certaines personnes l'investissement dans de tels projets. Par ailleurs,
si les règles sont trop favorables à l'une des deux parties en
présence, cela peut aussi rendre difficile et peu intéressant
l'accession à ce type de propriété par des gens qui,
à vie, vont être des minoritaires. Il y a un équilibre qui
est toujours souhaitable, je pense, comme règle de départ et qui
n'est pas toujours facile à atteindre sans qu'on fasse ce qu'on peut
considérer comme certains accrocs à des principes autrefois
indiscutables et sans brèche.
La solution que propose la chambre en est une d'équilibre. Ce
n'est peut-être pas la meilleure, c'est celle qu'on propose. Maintenant,
il est peut-être possible d'en trouver qui sont encore meilleures tout en
conciliant les intérêts des deux parties en présence, parce
qu'il faut bien comprendre qu'il n'y a pas que les promoteurs dans un projet de
copropriété divise, il y a aussi tous les
copropriétaires.
Le Président (M. Rivest): Alors, s'il n'y a pas d'autres
questions, je voudrais, au nom de la commission, remercier les membres de la
Chambre des notaires du Québec et informer les membres de la commission
que les travaux reprendront après les affaires courantes, soit vers
quinze heures et nous aurons comme invitée l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec Inc.
(Suspension de la séance à 13 h 3)
(Reprise de la séance à 16 h 2)
Le Président (M. Vauqeois): À l'ordre!
Je vous souhaite la bienvenue. Avant de vous demander de vous
présenter, je vous prie de nous excuser, car la séance de
l'après-midi ne peut jamais commencer à l'heure prévue
étant donné que nous sommes soumis à la période des
questions, qui est d'une longueur variable, et à certaines motions qui
sont inévitables à la suite de cette période. Cela ne
changera pas le temps que nous avions prévu pour votre mémoire.
Pour les fins du journal des Débats, je signale que nous allons entendre
d'abord l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du
Québec Inc.; par la suite, nous entendrons M. Armand Elbaz.
La réforme parlementaire est en cours et loin d'être
terminée, il faut donc faire lecture du mandat de notre commission:
entendre les représentations des personnes et des groupes
intéressés par le projet de loi 58, Loi portant réforme au
Code civil du Québec du droit des biens. Est-ce que vous voulez vous
présenter et nous présenter les gens qui vous accompagnent?
Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec Inc.
M. Rousseau (Omer-B.): M. le Président, distingués
membres de cette commission parlementaire, M. le ministre responsable du projet
de loi, à ma droite, pour représenter l'organisation, il y a M.
Léo Petitclerc, qui est vice-président de l'APCHQ, un
constructeur de Cap-Rouge sous le nom de Léo Petitclerc Inc.; à
ma gauche, M. Serge Crochetière, conseiller juridique à
l'organisation, assisté en cela par Me Gilles Doyon et par Me Monique
Beaudoin.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie. Qui
présentera le mémoire de votre association?
M. Rousseau: Mon nom est Omer-B. Rousseau; je suis directeur
général de l'APCHQ. La lecture du document sera faite par M.
Serge Crochetière, qui sera en mesure de le commenter.
Le Président (M. Vaugeois): Quel temps souhaitez-vous
prendre pour présenter votre
mémoire?
M. Crochetière (Serge): Une vingtaine de minutes pour en
faire la lecture et environ quarante-cinq minutes ou une heure pour le
commenter. Je crois qu'on pourra se conformer aux délais que vous nous
aviez fixés.
Le Président (M. Vaugeois): Une vingtaine de minutes et,
après, vous acceptez que nous puissions vous questionner.
M. Crochetière: On l'espère.
Le Président (M. Vaugeois): II faudra peut-être
s'ajuster par rapport à ce matin. On m'a fait valoir certains articles
du règlement. Ce qui me paraît important, de toute façon,
c'est qu'on puisse s'assurer qu'outre le ministre et le porte-parole de
l'Opposition, les députés membres de cette commission puissent
également être assurés d'avoir accès aux
délais qu'on s'est fixés.
Normalement, les interventions ne devraient pas dépasser dix
minutes, à l'exception de votre présentation. Mais ce qui me
paraît plus important, c'est que, comme cette fois-ci il nous restera
à peu près une heure, le porte-parole de la majorité et le
porte-parole de l'Opposition ne prennent pas plus d'un quart d'heure ou de
vingt minutes, de telle sorte qu'on puisse dégager de façon
sûre vingt minutes à une demi-heure pour les députés
qui voudraient intervenir, chacun étant conscient que l'article 164
limite les interventions à dix minutes.
Il serait normalement souhaitable que le porte-parole de la
majorité et le porte-parole de l'Opposition respectent également
l'article 164, mais, à la limite, j'aimerais mieux qu'ils parlent quinze
minutes et terminent leur exposé plutôt que d'intervenir une
deuxième fois pendant dix minutes.
En tout cas, si on ne respectait pas l'article 164, il faudrait
être conscients, à ce moment-là, qu'on applique l'article
151 et que c'est d'un commun accord que nous sommes tolérants concernant
les dix minutes. On m'a demandé d'attirer l'attention des membres de la
commission sur cet aspect de notre règlement.
M. Rousseau et vos collègues, vous êtes les bienvenus. Nous
attendons avec beaucoup d'intérêt le point de vue réaliste
de votre association.
M. Rousseau: Merci, M. le Président. Je vais y aller de
façon très brève et très sommaire quant à la
présentation ou à la représentation de l'APCHQ. L'APCHQ
est un organisme sans but lucratif fondé en 1962. Elle représente
actuellement plus de 4200 entreprises dans l'industrie de la construction. Ces
entreprises oeuvrent particulièrement dans le secteur de
l'habitation.
Notre vocation principale est vraiment orientée vers le secteur
de l'habitation. Elle a quand même deux volets, d'une part, de
représenter les intérêts de l'industrie de la construction
et, d'autre part, de protéger le consommateur par le moyen de
l'accréditation des entreprises de construction au point de vue de la
solvabilité, de la technique et au point de vue administratif. De cette
façon, on s'assure que le consommateur qui transige avec un constructeur
est en droit d'avoir un produit conforme à la transaction intervenue.
À défaut par l'entrepreneur de pouvoir faire honneur à ses
obligations, l'APCHQ assume ses responsabilités.
Outre ces deux aspects ou ces deux volets que je viens d'avancer,
l'APCHQ est directement impliquée aussi dans le domaine de la recherche.
Pour ceux qui ne le savent pas, nous avons construit, au cours de
l'année 1983, par l'entremise de certains constructeurs, des maisons
superénergie. À ce chapitre, nous en avons construit cinquante au
cours de l'année 1983, ce qui était une deuxième phase. Au
niveau de la troisième phase, nous anticipons en construire 300, dans le
but, évidemment, d'apporter un allégement à la facture du
consommateur.
C'est, je pense, une présentation très brève de
l'organisation. Je vais laisser le temps à M. Serge Crochetière
de vous présenter le mémoire et de recevoir vos questions.
Merci.
M. Crochetière: M. le Président. Je vais
procéder à la lecture et je ferai quelques commentaires hors
texte au fur et à mesure qu'on étudiera chacun des articles. Par
la suite, s'il y a des questions, je me ferai un plaisir d'y
répondre.
Les commentaires. Le premier article qui retient spécifiquement
l'attention de l'association est le futur article 1027 du Code civil du
Québec, lequel s'exprime comme suit: "Un propriétaire doit,
après avoir reçu un avis au préalable, permettre à
son voisin l'accès à son fonds si cela est nécessaire pour
construire, réparer ou entretenir une construction, un ouvrage ou une
plantation fait sur le fonds voisin."
C'est un élément heureux pour nous. L'association, en tant
que représentante des constructeurs d'habitations, est d'accord avec le
contenu de cet article, lequel propose une solution au problème de ce
que l'on appelle "les constructions à ligne latérale
zéro", entre autres en permettant au propriétaire ou au
constructeur qui veut construire un édifice près de la ligne
séparative des lots d'avoir accès au fonds voisin si la chose est
nécessaire. Cela va sûrement apporter une solution à un
problème de servitudes qui devaient être créées sur
plusieurs projets,
notamment ces projets à ligne latérale zéro.
L'article 1034 se lit comme suit: "On ne peut avoir sur le fonds voisin
de vues droites, de balcons ou d'autres saillies à moins d'un
mètre quatre-vingt de la ligne séparative. "Cette règle ne
s'applique pas: "1° Lorsqu'il s'agit de vues sur la voie publique, de
perrons pour l'entrée ou la sortie d'un bâtiment ou de portes
à panneau plein ou à verre translucide; "2° Aussi longtemps
que le propriétaire qui a pratiqué l'ouverture est
empêché de voir du fait de la présence d'un mur ou d'une
clôture séparant les fonds voisins; "3° Aussi longtemps que
l'ouverture ne donne sur aucun mur en raison de la hauteur où elle est
pratiquée."
Cet article constitue, à plusieurs égards, une
amélioration de la situation actuelle dans le domaine des servitudes de
vues. D'une part, il réduit la distance requise pour avoir vue sur le
fonds voisin et, d'autre part, cet article élimine la question des vues
obliques, simplifiant d'autant la loi dans ce domaine. Enfin, cet article
permet la vue sur la voie publique. Ces dispositions correspondront davantage
aux besoins de densification que connaît actuellement
l'aménagement du territoire.
Les articles 1054 et 1064, quant à nous, doivent être lus
ensemble pour bien mesurer la portée de nos commentaires. L'article 1054
concerne les codes de copropriété indivise. "Les quotes-parts des
indivisaires sont présumées égales. "Chacun des
indivisaires a, relativement à sa quote-part, les droits et les
obligations d'un propriétaire exclusif. "Il peut ainsi aliéner,
hypothéquer ou autrement consentir une sûreté sur sa
quote-part et ses créanciers peuvent la saisir." Donc, on
reconnaît un statut à la copropriété indivise et aux
indivisaires.
Maintenant, l'article 1064 le précise: "Nul n'est tenu de
demeurer dans l'indivision. Le partage peut toujours être
provoqué, à moins qu'il n'ait été reporté
par une convention expresse, par une disposition testamentaire, par un jugement
ou par l'effet de la loi ou qu'il ne soit impossible en raison de l'affectation
du bien à un but durable.
Le second paragraphe précise: "Malgré une convention
contraire, la majorité en valeur des indivisaires peut néanmoins
demander le partage d'un immeuble dans le but d'établir une
copropriété divise."
Ainsi donc, le deuxième alinéa de l'article 1064 permettra
à la majorité en valeur des indivisaires de demander le partage
d'un immeuble, s'ils ont l'intention d'établir une
copropriété divise. La mise en vigueur de cet article aurait-elle
pour effet de lever de façon instantanée le moratoire existant
toujours actuellement, par le biais des dispositions de la Loi sur la
Régie du logement? C'est un moratoire de fait puisque la
réglementation permettant la transformation des immmeubles n'a pas
encore été édictée.
Dans l'affirmative, ceci pourrait produire des conséquences tant
sur le plan social que dans le secteur de la construction neuve. En ce qui
concerne les effets sur le plan social, ceux-ci n'ont pas à être
démontrés, l'existence de la Loi sur la Régie du logement
et de son moratoire parlant d'évidence.
On se réfère ici au principe qui avait prévalu
à la venue du moratoire, à savoir que de laisser de but en blanc
les transformations sans aucune réglementation, cela pouvait amener,
surtout dans certains quartiers en milieu urbain, des promoteurs à vider
les lieux par rapport aux gens déjà en place et à vendre
des unités à de nouveaux arrivants avec une surexploitation des
superficies et autres choses du genre. Par ailleurs, en ce qui a trait au
secteur de la construction neuve, la levée instantanée du
moratoire existant actuellement pourrait causer de graves difficultés
à ce secteur particulier. En conséquence, nous préconisons
une mise en vigueur progressive de cet article, de façon à tenir
compte de la réalité sociale et économique.
Qu'on nous comprenne bien, notre but n'est pas d'empêcher les
transformations ni même d'empêcher la création de
copropriétés divises dans le stock de logements neufs. On veut
cependant que le législateur soit conséquent avec les positions
qu'il a déjà adoptées notamment en matière de
moratoire et aussi avec, actuellement, les programmes qui ont été
mis de l'avant pour favoriser la construction de petites unités neuves
en milieu urbain, notamment dans les structures de bois et brique. Cela
pourrait venir perturber le marché et on ignore encore quelles seront
les conséquences de la fin du programme Corvée-habitation et dans
quelle mesure une telle disposition, qui permettrait la création de
copropriétés divises immédiatement, affecterait le
marché du neuf après Corvée-habitation. C'est cela que
l'on veut souligner.
Passons à l'article 1067. "Les créanciers qui auraient pu
agir sur le bien avant l'indivision ou ceux dont la créance
résulte de l'administration du bien indivis sont payés par
prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre
poursuivre la saisie et la vente du bien indivis. "Les créanciers,
même hypothécaires ou privilégiés, d'un indivisaire
ne peuvent demander le partage si ce n'est par action oblique dans le cas
où l'indivisaire pourrait lui-même le demander. Ils peuvent,
toutefois, poursuivre la saisie et la vente de la quote-part de leur
débiteur."
Quant aux droits des créanciers
hypothécaires, je leur laisse le soin de vous faire les remarques
qu'ils auront sûrement à vous faire là-dessus. (16 h
15)
Pour nous, d'autre part, on se dit que, pour être
conséquents avec les droits de préemption qui ont
été donnés aux indivisaires, il n'y a aucun droit de
subrogation légale d'accordé dans ces cas-là. Autrement
dit, si un créancier hypothécaire voulait se prévaloir
soit de la clause de dation en paiement, soit d'une action hypothécaire,
rien ne permettrait aux autres indivisaires de le forcer à leur
céder sa créance pour empêcher, justement, les
conséquences de la reprise par un tiers, un étranger, surtout
dans les petites structures.
Et nous ajoutons que cette façon de procéder
opérerait une concordance entre ces deux articles, c'est-à-dire
avec l'article 1055.
L'article 1070 dit: La copropriété divise d'un immeuble
est établie par l'enregistrement à l'index des immeubles d'une
déclaration en vertu de laquelle la propriété de
l'immeuble est répartie entre ses propriétaires par fractions.
"Une personne, même seule, peut diviser un immeuble et établir une
copropriété."
Cela reproduit substantiellement les termes actuels du projet de loi,
sauf qu'on a ajouté "l'enregistrement à l'index des immeubles";
pour nous, c'est superflu puisque l'enregistrement doit se faire à
l'index.
L'article 1087 dit: "L'état descriptif contient, soit la
désignation cadastrale de l'immeuble, des parties exclusives et des
parties communes, soit un plan de l'immeuble qui indique l'ensemble du terrain
et des bâtiments, la forme et les dimensions de toutes les parties
exclusives et communes et leur localisation dans l'immeuble. "Il contient aussi
une description des droits réels grevant l'immeuble ou existant en sa
faveur, sauf les hypothèques et les privilèges. "Les plans
doivent porter le certificat d'un arpenteur-géomètre attestant,
le cas échéant, de la conformité du plan et des
bâtiments construits."
Cet article soulève plusieurs problèmes et crée des
ambiguïtés, tant chez les constructeurs que chez les prêteurs
hypothécaires. Puisque cet article prévoit que l'état
descriptif des fractions peut contenir, au choix, un plan de l'immeuble, il
conviendrait, selon nous, d'insérer le mot "cadastral" - pour bien
indiquer qu'il s'agit du plan de subdivision et non pas du plan d'architecture
de cet immeuble - après le mot "plan" ou encore de spécifier que
ce plan doit identifier chacun des lots par son numéro. Ceci aurait
probablement pour effet d'éviter des problèmes
d'interprétation sur cet aspect de l'article.
Par ailleurs, bien que nous soyons d'accord avec le contenu de l'article
1087, nous aimerions souligner à l'attention de la commission les
problèmes importants causés par l'écart marqué
entre le temps requis pour la construction d'un immeuble en
copropriété divise et celui nécessaire pour le service du
cadastre pour mener à bien toutes les opérations cadastrales
requises sur un projet en copropriété. Ces délais
administratifs trop lourds causent un préjudice considérable
à tous les intervenants dans le domaine de la copropriété,
que ce soit le consommateur, le constructeur, le prêteur, l'assureur, le
notaire ou l'arpenteur-géomètre.
À ce sujet, nous vous joignons en annexe les recommandations
formulées par un groupe de travail mis sur pied par notre association
pour examiner les divers aspects de ce problème. En conséquence,
toute amélioration du processus administratif effectuée au niveau
de la loi serait la bienvenue.
Si vous le permettez, juste pour illustrer la portée de notre
propos, c'est que, principalement dans les petites structures, les
entrepreneurs et les arpenteurs-géomètres ont terminé le
bâtiment avant que le service du cadastre ait créé ou
donné la nouvelle subdivision cadastrale, ce qui fait que les
entrepreneurs ne peuvent pas transférer de titres à leurs
consommateurs; il y a des formules de préoccupation qui sont
signées entre les constructeurs et les consommateurs où ces
gens-là n'ont pas de titres réels. En contrepartie, les
constructeurs ne peuvent pas toucher les déboursés
hypothécaires auxquels ils auraient droit ou les avances des
consommateurs. Cela crée des situations ambiguës, tout cela parce
que le service de numérotation du cadastre et la création de
nouvelles subdivisions ne suivent pas la réalité du
marché.
En contrepartie, le texte, tel qu'il est présenté
actuellement, n'a pas son pendant; on n'a pas encore vu comment se feraient les
nouvelles subdivisions cadastrales. Cela risque de créer encore plus
d'ambiguïté. Est-ce que, de la façon dont il est
formulé actuellement, le simple dépôt d'un plan va donner
naissance à une nouvelle subdivision cadastrale? Si tel était le
cas, il serait impossible de trouver un financement hypothécaire
adéquat parce qu'il n'y a pas un prêteur qui va aller fractionner
une hypothèque sur un édifice qui n'est pas encore
substantiellement terminé et qui ne lui donnera pas une garantie
suffisante. Dans sa rédaction actuelle, le projet qui nous est
présenté, vu l'absence de dispositions concernant le cadastre,
nous paraît susceptible de créer plus de problèmes que ceux
qu'on vit déjà. Les problèmes sont réels
actuellement et ils ne participent pas de la responsabilité des
entrepreneurs; il s'agit de délais administratifs qui font en sorte
qu'ils
sont incapables de transférer des titres clairs à des
consommateurs qui, par ailleurs, y auraient droit.
L'article 1091 dit: "II doit être fait état à la
déclaration de copropriété et, le cas
échéant, au prospectus du fait que des parties de l'immeuble ou
des services sont destinés à être communs à
plusieurs immeubles détenus en copropriété dont la
construction s'échelonne sur plusieurs années. Une description du
plan général de développement de la
copropriété doit être jointe à la
déclaration."
Nous sommes d'avis que le contenu de l'article 1091 va à
l'encontre de l'article 1073, lequel prévoit que la valeur relative de
chacune des fractions de la copropriété divise est établie
par rapport à la valeur de l'ensemble des fractions, ainsi qu'en
fonction de la nature de la partie exclusive de chaque fraction, de sa
superficie ou de son volume et de sa situation. Là, on les obligerait
à déterminer certains espaces communs qui feraient quand
même partie de la déclaration de copropriété, alors
qu'elle n'aurait peut-être pas encore été constituée
ou qu'elle n'aurait pas encore été rattachée à
d'autres bâtiments.
Autant la formulation de l'article 1073 nous apparaissait claire, autant
le contenu de l'article 1091 nous conduit à l'imprécision et
à l'incertitude.
En effet, tant et aussi longtemps que toutes les phases d'un projet ne
sont pas complétées, la valeur de l'ensemble des fractions
demeure indéterminée et, en conséquence, rendra
indéterminable la valeur relative de chacune des fractions de la
copropriété divise en ce qu'il ne sera pas possible
d'établir la quote-part d'un copropriétaire dans les parties de
l'immeuble ou des services destinés à être communs à
plusieurs immeubles détenus en copropriété. En effet, un
projet de copropriété par phases pourrait ne jamais être
complété pour une raison ou pour une autre qui pourrait
être tout à fait indépendante soit des changements de
zonage ou de quoi que ce soit.
En conséquence, nous recommandons de supprimer l'article 1091
dans sa forme actuelle. D'autres solutions devraient être mises en place
pour régir la construction par phases et réglementer
l'utilisation de parties de l'immeuble ou de services destinés à
être communs à plusieurs immeubles détenus en
copropriété. À l'instar de la loi française, l'une
de ces solutions pourrait être la formation, une fois parachevée
la construction de tous les édifices du projet, d'une association ou
d'un syndicat secondaire de copropriétés, lequel aurait mandat
d'administrer les services ou les parties d'un immeuble destinés
à être communs à plusieurs immeubles détenus en
copropriété. Il y aurait donc deux degrés de syndicats, le
syndicat relié à chaque copropriété distincte et le
tout serait chapeauté par un syndicat, qu'on appellerait secondaire ou
primaire, qui serait chargé de superviser ces intérêts
liés.
L'article 1099 dit: "Un copropriétaire peut, dans les trois ans
du jour de l'enregistrement de la déclaration de
copropriété ou dans les deux ans d'une première mutation
à titre onéreux de sa fraction, demander la révision de la
répartition des charges communes ou de la valeur relative des fractions,
si cette répartition est injuste et non conforme aux critères
d'établissement de la valeur relative des fractions."
L'article 1099, relatif au recours d'un copropriétaire en
révision judiciaire de la répartition des charges communes
afférentes à sa fraction, pourrait être à l'origine
de plusieurs litiges si l'on s'en remet uniquement à sa formulation
actuelle.
À ce sujet, le comité ad hoc mis sur pied par
l'association pour faire l'examen du projet de loi 58 avait
suggéré que le critère de répartition injuste soit
remplacé par une norme mathématique plus facile d'application.
Dans cette optique, nous suggérons que l'article 1099 devrait accorder
à un copropriétaire le droit de demander la révision
judiciaire de la répartition des charges communes ou de la valeur
relative des fractions, si la part afférente à sa fraction est
supérieure de plus d'un dizième ou si la part afférente
à celle d'un autre copropriétaire est inférieure de plus
d'un dizième à celle qui résulterait d'une
répartition faite conformément aux critères
d'établissement de la valeur relative des fractions
énoncée par l'article 1073. Pour cette recommandation, nous nous
sommes inspirés de la législation française, d'une part,
et aussi des remarques que la Chambre des notaires avait formulées sur
cet article.
Par ailleurs, advenant que l'action soit maintenue par le tribunal, il
faudrait assurément que la nouvelle répartition des charges
prenne effet à compter de l'introduction du recours et non pas qu'il
n'ait pas d'effet rétroactif: ceci afin d'éviter de créer
une situation encore plus injuste pour certains copropriétaires que
celle que l'on aurait voulu corriger.
L'article 1111 dit: "Le syndicat a une hypothèque légale
sur la fraction d'un copropriétaire qui fait défaut, pendant plus
de soixante jours, de payer sa quote-part des charges communes ou sa
contribution au fonds de prévoyance. "L'enregistrement d'un avis de
l'hypothèque conserve la préférence pour les charges et
créances de l'année en cours et pour celles de deux années
subséquentes."
Les dispositions de l'article 1111 ne posent pas de difficulté
particulière, sauf que nous croyons que le délai de 60 jours
prévu devrait être ramené à 30 jours pour
permettre au syndicat d'intervenir avec célérité et
non pas laisser accumuler les charges trop lourdes.
En effet, nous estimons qu'un délai trop long à ce
chapitre aurait pour effet d'induire, du moins d'encourager un
copropriétaire à profiter de ce délai avant de payer sa
quote-part des charges communes ou sa contribution au fonds de
prévoyance, entraînant ainsi des difficultés
administratives pour les administrateurs du syndicat. Une remarque, ici, qui
n'apparaît pas, mais, dans certains districts judiciaires, les
délais étant de surcroît très longs avant
l'audition, il serait possible théoriquement que les trois ans garantis
ne soient pas suffisants dans certains cas.
Prenons maintenant en considération le futur article 1112: "Le
syndicat peut intenter toute action fondée sur les vices cachés
affectant les parties communes ou les parties exclusives, mais dans ce dernier
cas, avec l'autorisation des copropriétaires. "L'absence de diligence
raisonnable que peut opposer le défendeur à une telle action
s'apprécie à l'égard du syndicat ou d'un
copropriétaire à compter du jour de l'élection d'un
nouveau conseil d'administration, après le transfert du contrôle
du syndicat par le promoteur."
Nous sommes d'opinion qu'en accordant au syndicat le droit d'intenter
une action fondée sur les vices cachés tant pour les parties
exclusives que pour les parties communes, cet article favorisera et encouragera
les poursuites abusives et exorbitantes contre le constructeur ou le promoteur
selon le cas. Le syndicat n'ayant pas d'intérêt dans les parties
exclusives, nous croyons que le copropriétaire devrait intenter
lui-même toute poursuite relative à des vices cachés
affectant sa partie privative. Actuellement, ce que l'on crée comme
cela, c'est un recours collectif. D'autre part, juste pour illustrer le type de
problème que cela peut créer, par expérience, chaque fois
qu'il y a une copropriété de créée, il y a aussi
une association de copropriétaires, dans les faits, qui se
crée.
En matière de vices cachés, il y a une notion qui est
essentielle dans toute l'économie de notre droit, c'est l'acceptation du
vice par le consommateur. Si on applique intégralement cet article, ce
fait va disparaître. Les consommateurs réunis ne tiendront plus
compte d'une acceptation tacite ou expresse qu'ils avaient déjà
émise face à un vice caché dans leur unité
exclusive et ils vont joindre le groupe. On multiplierait ainsi indûment
les réclamations.
En regard de ce qui précède, la deuxième partie du
premier alinéa de l'article 1112 devrait être biffée - on
revient à l'alinéa premier, suivant notre recommandation - ledit
alinéa se lisant comme suit: "Le syndicat peut intenter toute action
fondée sur les vices cachés affectant les parties communes."
L'article 1133 dit: "Dans les trois mois du jour où le promoteur
d'une copropriété ne détient plus la majorité des
voix à l'assemblée des copropriétaires, l'administrateur
doit convoquer une assemblée extraordinaire des copropriétaires
pour qu'il soit procédé à l'élection d'un nouveau
conseil d'administration. "Si l'assemblée n'est pas convoquée
dans les trois mois, tout copropriétaire peut le faire."
Ici, nous aimerions simplement souligner à l'attention de la
commission que le mécanisme de prise de contrôle de la
copropriété par le syndicat, tel que prévu à
l'article 1133, ne tient pas compte de la réalité actuelle, et
plus particulièrement des exigences tant des prêteurs que des
assureurs hypothécaires, lesquels exigent que le promoteur de la
copropriété en demeure l'administrateur pour une période
minimale d'un an, sinon deux ans. Souvent, ces dispositions sont inscrites dans
la convention avec le promoteur; donc, il ne peut pas y déroger. C'est
aussi inscrit dans la déclaration de copropriété. Et s'ils
l'ont fait, nous, du moins, on le perçoit comme étant une mesure
pour protéger leurs intérêts, mais aussi celui des
consommateurs, tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas une portion
suffisante ou une période de rodage suffisante pour que les gens
impliqués puissent prendre le contrôle, surtout dans les grosses
structures.
L'article 1134 dit: "Le promoteur, lors de cette assemblée, rend
compte de son administration. "Il produit des états financiers qui
doivent être préparés par un comptable et être
accompagnés de commentaires, le cas échéant, sur la
situation financière du syndicat. "Le comptable doit, dans son rapport
aux copropriétaires, indiquer toute irrégularité qu'il
constate." (16 h 30)
Au regard de cet article, mentionnons simplement que l'exigence
d'états financiers préparés par un comptable et
accompagnés de commentaires sur la situation financière du
syndicat apparaît exorbitante et peu réaliste dans le cas des
copropriétés de moindre importance. Cet article peut avoir une
portée dans le cas d'immeubles à logements ou à
unités multiples. Mais, dans le cas de deux ou trois unités, si
je puis me permettre de vous rapporter le commentaire d'un promoteur, il a dit:
Mon budget, pour la première année, c'est 1500 $, pour une petite
structure; là, je vais être obligé de le fixer à
2500 $ parce que cela va me coûter 1000 $ pour payer un comptable
agréé pour obtenir les états financiers dont ils ont
besoin et ce sont les consommateurs qui vont
en faire les frais, tout à fait inutilement. Qu'est-ce qu'il y a?
Un peu de déneigement, une assurance commune; ce sont à peu
près les seuls frais communs que vous avez là-dedans comme
budget, dans les petites structures, duplex, triplex, quadruplex. Vous ajoutez
des coûts inutilement.
Dans le cas de petites copropriétés, la faculté
d'exiger ou non des états financiers préparés par un
comptable devrait donc être laissée à la discrétion
des administrateurs.
En terminant et à titre de conclusion, nous désirons
exprimer toute notre appréciation et nos remerciements aux
autorités gouvernementales pour nous avoir permis de soumettre nos
commentaires et nos recommandations sur ce projet de loi qui intéresse
spécifiquement tous les intervenants du secteur résidentiel de
l'industrie de la construction au Québec, plus particulièrement
en ce qui concerne les modalités de la copropriété,
notamment la copropriété divise et indivise.
Ces commentaires et recommandations ont été faits à
partir de l'expérience pratique vécue par les entrepreneurs et
autres intervenants du secteur de l'habitation, et nous sommes persuadés
à l'avance qu'ils seront pris en considération pour
l'élaboration finale du projet de loi 58.
Le tout respectueusement soumis. Je vous remercie.
Le Président (M. Vaugeois): Merci bien, M.
Crochetière. Avant d'inviter les membres de la commission à
réagir et à vous poser quelques questions, je vais me
prévaloir de l'autonomie et de la liberté qui sont
accordées au nouveau président de la commission pour
réagir le premier et bien sûr, pour vous féliciter de votre
mémoire et de l'aspect pratique que vous apportez. Je trouve bien
important qu'on ait le point de vue que vous exprimez. Là-dessus, il n'y
a que des félicitations. Maintenant, je réagis sur le
début de votre présentation.
Je suis un de ceux, comme député, qui regrettent un peu
les délais mis à sortir les règlements correspondant
à la Loi sur la Régie du logement que vous avez
évoquée. Je suis parmi ceux-là. Chacun est libre dans ce
Parlement d'avoir ses attentes quant à ce projet de règlement,
mais moi, je trouve que déjà on avait provoqué un
moratoire et les délais à produire les règlements y
ajoutent encore. On nous a indiqué qu'il serait souhaitable que les
règlements soient précisés le jour où cette partie
du Code civil deviendrait en vigueur, ce qui suppose encore des délais
assez importants. Nous l'avons compris ce matin, il y a encore du temps devant
nous avant qu'on vive sous cette nouvelle partie du Code civil.
Vous suggérez au départ qu'on y aille progressivement,
éventuellement. Vous dites qu'il faudrait y aller de façon
progressive.
Vous évoquez pour cela, d'abord, les effets sur le plan social
pour les logements existants, les effets économiques, si je comprends
bien, pour ceux qui se sont lancés dans des programmes de constructions
nouvelles. Cela m'a étonné d'autant plus que,
antérieurement, vous vous étiez réjouis de certaines
dispositions possibles comme sur les droits de vue, etc., parce que cela
pouvait aider à consolider le tissu urbain et à augmenter la
densification urbaine. Je ne veux pas faire de grands discours
là-dessus, mais, pour moi, je vous signale que je serai parmi les
parlementaires qui souhaiteraient même qu'on n'attende pas qu'on ait
terminé cette étude de cette partie du Code civil. À
partir du moment où les intentions du législateur se sont
précisées, ce qui est le cas maintenant, et que les groupes,
pendant deux jours, vont avoir eu l'occasion de s'exprimer, je souhaiterais que
la préparation des règlements soit
accélérée. Il me semble que les deux ou trois ans qui
viennent de s'écouler, les attentes des gens à cet égard,
l'impact économique et l'impact social, également, d'une
libéralisation de ce côté, contrebalancent les
inconvénients que vous avez évoqués. On voit venir cela.
Cela correspondrait à une consolidation du tissu urbain, cela
correspondrait, si vous voulez, à la densification, ce que vous avez
souhaité par ailleurs.
Nous ne sommes pas là pour étudier cet aspect, mais nous
constatons aussi que le Code civil, au fond, à certains moments,
déborde sur des questions aussi concrètes que l'urbanisme, que
l'aménagement.
Je voulais vous le signaler. Vous pouvez réagir à ce
moment-ci par un commentaire. Allez-y!
M. Crochetière: J'ai un commentaire, une explication ou un
éclaircissement à formuler. Ce que l'on dit, dans notre
mémoire, c'est que actuellement, on ne veut pas qu'il y ait une
ouverture complète sans que cette réglementation dont vous parlez
soit adoptée. Sinon, c'est une attitude qui nous paraît
très paradoxale. Vous allez, d'une part, l'empêcher par une
législation et d'autre part, vous allez créer un trou dans cette
propre législation par le biais d'une autre loi. Permettez-nous,
à notre tour, de trouver cette attitude-là un peu curieuse. Si
vous jugez qu'il est actuellement opportun d'ouvrir grandes les vannes, laissez
alors tomber les dispositions de la Loi sur la Régie du logement. Sinon,
adoptez votre réglementation pour que cela se fasse de façon
cohérente et concertée.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie de ces
explications. Je vous signale, je pense bien que vous le savez, que, si nous
avons fait des efforts au niveau de Corvée-habitation, etc., il n'en
reste pas moins qu'il
y a une obligation sociale et économique qui nous est
imposée, c'est de tenir compte des lots viabilisés, ce que nous
n'avons pas encore réussi à faire. Je serais en train de
détourner le débat. Je vais inviter le ministre qui va le ramener
à sa juste dimension; le ministre va d'abord réagir à
votre mémoire et peut-être vous poser quelques questions.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais d'abord
remercier l'APCHQ, qui s'est toujours distinguée d'ailleurs de beaucoup
d'autres groupes comme collaborant toujours de façon très
précise et articulée, et l'expression anglaise c'est "to the
point", devant les projets de loi. Je la remercie de la teneur de son
mémoire, qui va nous permettre de travailler très
précisément sur un certain nombre de choses, non seulement
aujourd'hui, mais dans les jours qui suivront, dans l'analyse que nous ferons
des mémoires détaillés au ministère et à la
commission, je présume.
Je pense que vous avez couvert une partie des questions qui touchent le
moratoire. Je rappellerai cependant qu'actuellement, sur les immeubles de moins
de cinq logements, le moratoire n'a pas d'effet, puisque l'on peut
acquérir en indivision un immeuble de moins de cinq logements et ensuite
le convertir subséquemment.
M. Crochetière: C'est moins de cinq, c'est jusqu'à
quatre.
M. Johnson (Anjou): En effet. Pour les immeubles de plus de cinq
logements, on ne peut les acquérir en indivision pour des fins de
copropriété. Quant au problème de cohérence et aux
préoccupations urbanistiques du président de la commission, qui a
deux dadas particuliers, la réforme parlementaire et l'urbanisme, je
pense que c'était pour lui une occasion de délectation.
Revenons à une partie de votre mémoire, sur l'article
1067, la subrogation légale. Quant à l'article 1241, le droit de
préemption s'appliquant, il permettra à l'indivisaire qui a
enregistré un avis d'adresse d'être notifié de l'intention
des créanciers. Est-ce que vous trouvez que cela ne répond pas
suffisamment à vos préoccupations? C'est donc de payer la
créance, c'est donc d'être subrogé.
M. Crochetière: Si vous permettez, le droit de
préemption s'exerce dans les cas où l'on veut céder
à un tiers, dans un cas de cession à un tiers. Mais, dans un cas
d'action hypothécaire, si vous nous dites que c'est à cela que
cela équivaut, pour nous, ce n'est pas clair; parce que, dans le cas
d'une action hypothécaire, vous ne cédez pas à un tiers.
Le créancier hypothécaire fait vendre en justice son droit dans
la quote-part. Alors, on dit que, pour clarifier cela, si vous voulez, cela ne
change rien pour nous, mais on croit bon pour clarifier la situation des
indivisaires, de préciser qu'il y aurait un droit de subrogation, qu'ils
pourraient exercer une subrogation légale, comme cela existe
déjà dans les cas d'un créancier de rang
postérieur. D'accord? En plus du droit de préemption, si on y
indiquait le droit de subrogation, pour nous, cela bouclerait la boucle.
M. Johnson (Anjou): Merci de votre suggestion. Sur cela, je
m'excuse...
Le Président (M. Vaugeois): Ah bon! On laisse continuer le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que je peux continuer?
Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui, bien sûr.
M. Johnson (Anjou): Je tiens pour acquis que mes collègues
vont possiblement enfourcher sur différents sujets. L'article 1099, dans
votre mémoire, c'est sur le critère de la répartition
injuste. Je comprends l'effort que vous faites pour chercher une solution. Vous
dites: Avec le droit que vous donnez à l'article 1099, on assistera
peut-être à une poursuite ou à une avalanche de poursuites.
Il y a une façon de régler cela: c'est de mettre un
critère mathématique. Je reconnais là le rôle
prédominant des ingénieurs à l'APCHQ. Le problème,
cependant, ce critère mathématique que vous évoquez ne
deviendrait-il pas une règle pour tout ce qui est en deçà
du dixième?
Si on dit: le critère mathématique, si vos charges sont
d'un dixième supérieures aux autres, selon la formule que vous
évoquez, ou si celles d'un autre copropriétaire sont d'un
dixième inférieures, cela permettra que ce soit toujours
0,9%.
M. Crochetière: Mais, en contrepartie, est-ce qu'on
assistera, dans ce cas, à des règlements de comptes dès
qu'il y aura des écarts de valeurs de fractions, surtout si la vente du
même projet se fait à des prix différents, parce que
répartie sur une période plus longue que prévue au
départ? Celui qui va avoir payé plus cher va-t-il se sentir
frustré? Ou celui qui aura payé plus cher pour avoir une fraction
ou pour avoir à assumer les mêmes charges va-t-il s'en sentir
frustré? On ne le sait pas. Je vous dis juste que, d'un
côté comme de l'autre, cela crée des problèmes.
La norme objective faisait en sorte que cela contraignait effectivement
les gens à se maintenir en deçà de cette norme
mathématique. Mais, nous croyons aussi que tel était
l'effet recherché, qu'on ait toujours une juste proportion maintenue
dans tous les projets.
M. Johnson (Anjou): Êtes-vous allé chez les
jésuites?
M. Crochetière: Chez les eudistesl Des voix: Ah! Ah!
Ah!
Le Président (M. Vaugeois): C'était avant la loi
40!
M. Johnson (Anjou): Oui. Ah! Ah! Ah! La copropriété
par phase, article 1091. Je ne sais pas si on se comprend bien. L'objet de
l'article 1091 est simplement de dire que, lorsqu'il y a un projet de
copropriété impliquant quatre ou cinq immeubles autour d'un grand
parc ou d'un grand terrain, il faut aviser les éventuels
copropriétaires du fait qu'un matin ils ouvriront leur balcon et qu'ils
n'auront pas devant eux un grand terrain, mais un plus petit terrain avec trois
bâtisses dessus. C'est ce dont on parle, dans le fond.
Je ne pense pas que l'article 1091, en ce sens, génère du
droit au sens où vous l'interprétez. On fait une obligation de
mettre les gens au courant de quoi? C'est ce à quoi ils vont
éventuellement participer. Il me semble que votre réflexion en
fait mener plus large à l'article 1091 que ce n'est le cas.
Peut-être pourrais-je vous entendre? Peut-être ai-je mal compris le
sens de votre intervention? (16 h 45)
M. Crochetière: Le problème provient de la mise en
corrélation de l'article 1073 avec l'article 1091 ou du fait que
l'article 1073 crée l'obligation de donner une valeur avec des
critères déjà préétablis. D'accord? On dit
que cela va sûrement compliquer la tâche de celui qui
rédigera la déclaration de copropriété dans le
contexte où c'est un projet d'aménagement qui est projeté
sur plusieurs années avec certains espaces en commun. Je crois que ce
que vous voulez éviter pourrait se faire par le biais d'un prospectus
où on aviserait les gens de ce à quoi ils doivent s'attendre:
qu'on va leur créer une marina, douze piscines ou huit courts de tennis
et qu'il n'y ait pas une huitième tour qui se construise
là-dessus. Je suis d'accord avec cela. Si vous parlez de valeur relative
à l'avance sur des espaces communs qui n'ont même pas
été créés et dont vous ignorez le coût de
réalisation, on dit qu'en termes de rédaction cela risque de
créer de sérieux problèmes au notaire qui sera pris pour
le faire.
M. Johnson (Anjou): Je ne les ai pas vus hocher du bonnet! Oui,
je les vois hocher du bonnet!
M. Crochetière: Ils sont d'accord avec nous
là-dessus.
M. Johnson (Anjou): Pour terminer, je voudrais vous entendre sur
deux choses: premièrement, sur les recours pour vices cachés.
Votre objectif étant d'essayer d'étaler de façon
raisonnable les délais, si on suivait la proposition de l'office de
révision relative aux poursuites, on donnerait les mêmes
responsabilités au vendeur et au constructeur et les mêmes
délais de poursuite. Vous trouvez que cela serait une bonne
idée?
M. Crochetière: Cela pourrait se défendre dans le
contexte des propositions de l'Office de révision du Code civil,
où on ramenait cela à un délai maximal de trois ans. On
parle de responsabilité trentenaire en matière de vices
cachés et décennale en matière de défauts de
structure. Dans quelle mesure un défaut de structure affecte-t-il une
unité et le droit exclusif du copropriétaire? Si on modifie les
règles du jeu et qu'on établit une prescription triennale, je
pense qu'on pourrait étudier et regarder cela de façon
très intéressée. Dans le contexte actuel, ce ne sont pas
les règles du jeu. Qu'on vienne introduire ici de nouvelles dispositions
par rapport à des modifications hypothétiques - il y a eu des
recommandations de l'Office de la protection du consommateur pour prolonger
à dix ans toute garantie avec même une couverture des
défauts apparents etc., dans le contexte actuel, je ne crois pas qu'on
puisse dire qu'il s'agit essentiellement d'une question de délai. Il
s'agit d'une question de vécu.
Les entrepreneurs, actuellement, sont plus régulièrement
poursuivis; c'est normal et ils ne s'en plaignent pas, du moins ce n'est pas
l'objet de nos représentations. Mais là, ce qu'on est en train de
créer, ce sont des recours collectifs sans la lettre et c'est à
cela qu'on s'oppose parce que c'est normal et c'est humain: si vous prenez une
assemblée de 100 personnes et s'il y en a une qui se plaint que son bain
est croche, l'autre à côté l'avait accepté et elle
est déjà dedans depuis six mois, mais si les délais
invoqués ici ne sont pas encore arrivés pour la passation des
pouvoirs, elle dira: Le mien aussi, mets-le dans la poursuite. Où s'en
va-t-on? Vers du défoulement collectif. C'est à cela qu'on peut
arriver.
M. Johnson (Anjou): Je pense que vous avez bien mis le doigt sur
la conséquence centrale d'une partie de l'article 1112, soit le
caractère collectif des poursuites qui suivent le vice caché. Je
trouve que vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère quand vous
décrivez ce qui arrivera. Je m'attendais que vous lisiez l'acte
d'émeute de ce qui se passait à l'assemblée, à
cause du bain
croche, mais je retiens ce que vous dites, enfin pour étude.
M. Crochetière: Je vous en sais gré.
M. Johnson (Anjou): Dernière chose. Je voudrais que vous
éclairiez les membres de la commission sur l'avant-dernier aspect que
vous avez soulevé, soit les 1500 $ et les 2500 $.
M. Crochetière: C'est une remarque.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais c'était à titre
d'exemple et je voudrais que vous reveniez là-dessus.
M. Crochetière: Oui, c'est un entrepreneur qui nous a dit:
Mes frais de "condo" - il les gère pendant un an, ce sont des triplex
à Montréal - c'est à peu près 1200 $ par
unité dans mon budget. Si je suis obligé d'engager un CA à
ce sujet et, en plus, de lui faire faire une expertise et une analyse, je
risque que mes frais soient de 2000 $ ou 2500 $ pour rien, strictement rien,
parce que tu n'as pas besoin d'un CA pour analyser un budget de 1200 $ pour une
petite structure de trois unités à ossature de bois.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Crochetière: Ici, il n'y pas de distinction.
M. Johnson (Anjou): Que pourrait-on faire avec cela? Que
suggérez-vous pour en tenir compte?
M. Crochetière: On suggère que cela reste
facultatif. Dans le cas des petites propriétés, la faculté
d'exiger ou non des états financiers préparés par un
comptable devrait être laissée à la discrétion des
administrateurs. On me suggère même que le syndicat pourrait
participer à cette négociation. C'est eux qui vont ultimement en
payer les frais. Us ne seront probablement pas intéressés
à le faire dans la majorité des cas. Il ne faut pas se leurrer,
les 1500 $ ou les 2000 $ au lieu des 1000 $ ou des 1200 $, c'est le
consommateur qui va les payer; cela fera partie des frais. La
répartition du coût d'un "condo", c'est le copropriétaire
qui l'assume dans ses mensualités. Si vous leur imposez des frais tout
à fait inutiles ou qui risquent dans plusieurs cas d'être
inutiles, laissez-les au moins décider s'ils en ont besoin.
M. Johnson (Anjou): Merci, Me Crochetière.
M. Crochetière: Merci.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Brièvement, M. le Président. Je ne veux
pas reprendre toute la discussion. Elle fut intéressante. Je voudrais,
à mon tour, féliciter les représentants de l'Association
provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, au nom de notre
groupe. Leur mémoire est réaliste et fait preuve de
préoccupations concrètes. On voit qu'ils sont bien dans le bain.
Je voudrais seulement vous poser une couple de questions. Lorsque vous parlez,
à l'article...
M. Johnson (Anjou): Quel bain? Celui qui est croche ou celui qui
est droit?
M. Mathieu: Pardon?
M. Johnson (Anjou): Quel bain? Celui qui est croche ou...
M. Mathieu: À l'article 1087, vous êtes
préoccupés, semble-t-il, à bon droit, par les longs
délais administratifs en ce qui concerne la subdivision cadastrale
lorsqu'il faut, par exemple, obtenir un nouveau plan cadastral. Pourriez-vous
nous donner un exemple de délai? Parle-t-on d'un mois, de deux mois, de
trois mois?
M. Crochetière: On parle de trois ou quatre mois souvent
après que les... Un tableau vous a été remis en annexe de
vos mémoires.
M. Mathieu: Ah bon!
M. Crochetière: D'accord? Il indique les délais en
termes de semaines - d'accord? - à la dernière page, condominium,
les étapes d'arpentage, préparé par une firme
d'arpenteurs-géomètres, Gendron, Lefebvre & Associés,
basé sur leur expérience. Il y a les délais entre la
construction, la préparation des plans, la rencontre avec le notaire des
clients et le moment où effectivement les titres sont clairs. Il y a des
périodes d'attente de trois ou quatre mois, alors que les consommateurs
sont déjà entrés dans l'unité.
Ce que nous suggérons dans notre mémoire, pour hâter
les choses, c'est que la naissance de la nouvelle subdivision - cela rejoint en
grande partie les dispositions de l'article 1087 - se fasse au moment où
le plan de l'arpenteur, ainsi qu'un certificat de parachèvement des
travaux pourront être déposés. Cela rejoindrait aussi ou
cela satisferait davantage les préoccupations des prêteurs. En ce
qui concerne la propriété, on serait certain qu'on ne vendrait
pas n'importe quoi, parce que la bâtisse serait là avant
d'être enregistrée. Par ailleurs, physiquement ou
concrètement, l'immeuble
serait là. Le consommateur pourrait le voir, le prêteur
serait assuré qu'il a une valeur et, quand on permettrait au
consommateur d'entrer dans sa maison, il aurait un titre clair, quitte à
parachever, par la suite, la formalité d'un plan définitif entre
l'arpenteur et le bureau et ce serait la responsabilité de l'arpenteur
professionnel. Nous avons préparé ce document-là en
collaboration avec un représentant de l'Ordre des
arpenteurs-géomètres et ils seraient, eux aussi, d'accord dans
cette démarche.
M. Mathieu: II y a un point que je voudrais préciser. Vgus
dites: Lors du dépôt du plan; à quel endroit, au bureau
d'enregistrement ou au service du cadastre?
M. Crochetière: Au service du cadastre.
M. Mathieu: Encore là, lorsque votre dépôt de
plan est fait au service du cadastre, le bureau d'enregistrement n'en est pas
encore informé. N'y aurait-il pas lieu d'avoir une procédure
intérimaire pour que le même dépôt soit fait aux deux
endroits?
M. Crochetière: Nous avons suggéré, dans
notre mémoire que ce que nous avons appelé, nous, une subdivision
numérique préalable soit établie auprès du bureau
du cadastre - d'accord? - de sorte que l'arpenteur-géomètre
sache, à l'avance, sur son plan - donc, sur son plan d'arpenteur -quelle
va être la subdivision affectée à telle partie de
l'édifice. Toutefois, cette nouvelle subdivision ou ce projet de
subdivision ne prendrait naissance que par le dépôt, tant
auprès du registre qu'auprès du bureau du cadastre, d'un
certificat de parachèvement de l'unité qui atteste de la
conformité au plan subdivisé qui aurait déjà
été numéroté en collaboration avec le service du
cadastre.
M. Mathieu: Si je comprends bien votre raisonnement, cela ne
donnerait pas au chercheur de titres, au bureau d'enregistrement, son document
soumis à l'index des immeubles, au livre des renvois, où que ce
soit. Ce serait une procédure intermédiaire pour hâter les
choses, pour enlever des délais tout simplement. Les dépôts
seraient faits au service du cadastre?
M. Crochetière: Avec le dépôt, d'accord, il y
aurait naissance de la nouvelle subdivision cadastrale.
M. Mathieu: Mais les tiers en seraient informés quand cela
serait redéposé.
M. Crochetière: II peut y avoir un délai.
J'espère que l'informatisation va permettre de raccourcir les
délais. Je vous avoue que, pour le mécanisme pour s'assurer que,
dès le dépôt, on ait l'information requise au bureau
d'enregistrement, déjà, actuellement, je soupçonne un
écart entre le moment où le bureau du cadastre l'approuve et le
moment où le bureau d'enregistrement le consigne. Il faut vivre
déjà avec cela actuellement.
M. Mathieu: J'en suis conscient. Je trouve cela
intéressant comme moyen. Maintenant, une courte question
également à la page 4. L'article 1034 dit: "On ne peut avoir sur
le fonds voisin de vues droites, de balcons ou d'autres saillies à moins
d'un mètre quatre-vingt de la ligne séparative."
Si je comprends bien, si mes calculs sont bons, cela veut dire six pieds
et vingt-trois centièmes.
M. Crochetière: 5,90 pieds je crois. Sur une machine qui
fait le transfert automatique, cela m'a donné près de six pieds.
Cela ne correspondrait pas exactement à ce qui était autrefois
les six pieds français.
M. Mathieu: La mienne donnait 6,23. Peut-être qu'il y
aurait lieu d'accorder nos violons entre nous?
M. Crochetière: II y a une de nos deux machines qui a un
problème.
M. Mathieu: Y aurait-il quelqu'un au service du ministre qui
pourrait nous dire si c'est la même distance que dans l'ancienne loi, qui
était de six pieds français? Dans l'ancienne loi, c'est six pieds
français, si je comprends bien.
M. Crochetière: C'était six pieds
français.
M. Johnson (Anjou): Le mètre quatre-vingt, croyez-le ou
non, est plus court que six pieds français et même que six pieds
anglais.
M. Crochetière: C'est 5,90.
M. Johnson (Anjou): C'est 5,90, d'après nos calculs.
M. Mathieu: Ah boni C'est un mètre quatre-vingt. C'est
cinq pieds et quatre-vingt-dix centièmes. (17 heures)
M. Marx: J'espère que ce ne sera pas
rétroactif.
M. Johnson (Anjou): Assez pour entrer dans la police. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'il y a d'autres
députés qui veulent intervenir? Auriez-vous quelque chose
à ajouter?
M. Crochetière: La seule chose que je voudrais ajouter est
liée à votre première intervention.
Le Président (M. Vaugeois): Ne me provoquez pas
là-dessus!
M. Crochetière: On le faisait remarquer tantôt, la
question de la transformation en coproppriété, à notre
avis, doit s'inclure ou doit être incluse dans la politique d'habitation
qui, elle, voit aussi à s'assurer qu'il y a une nouvelle
pénétration en milieu urbain, mais que, conjointement à
cela, il doit y avoir des constructions neuves et que cela doit être fait
de façon parallèle. C'est la seule remarque que j'avais à
ajouter, M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Le sens de ma remarque, c'est
que, si les constructions neuves se faisaient sur lots viabilisés, je
pense qu'à ce moment-là les arguments tombent. Mais, on n'a rien
fait, de part et d'autre, pour forcer la construction à ces endroits.
Donc, le coût social que vous évoquez, on pourrait le
transférer sur le coût que la collectivité supporte pour
suivre le phénomène de l'étalement urbain des
dernières années. À ce moment-là, c'est
évident que les pressions vont être énormes pour
accélérer le processus du passage en propriété
indivise et même de propriété indivise en
propriété divise. D'ailleurs, les journalistes, récemment,
l'évoquaient. C'est Laurier Cloutier, dans la Presse, qui faisait des
calculs rapides. Dans le temps de le dire, on est dans les milliards de
dollars.
Je crois que, de toute façon, quel que soit le temps que nous
allons mettre à ajuster le Code civil ou à sortir les
règlements, la tendance est là et pour plusieurs années
à venir. Le phénomène de la construction qu'on a
vécu, qu'on a connu et qui, d'après ce que je comprends de votre
mémoire, fonde l'activité d'un certain nombre d'entreprises
encore, devra s'ajuster. Il me semble qu'on voit venir les choses,
actuellement. Déjà, il y a des règlements en attente. Il y
a maintenant un projet de loi sur la table. On peut toujours souhaiter que cela
se fasse de façon progressive, mais on voit venir les choses à ce
moment-ci.
Je m'excuse, je ne voulais pas revenir là-dessus. Comme l'a dit
le ministre, j'ai des dada dangereux. On vous remercie de votre participation
et nous invitons M. Elbaz à venir nous présenter son
mémoire.
M. Johnson (Anjou): Merci, messieurs, merci beaucoup.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, la commission va
maintenant entendre M. Elbaz, qui présente un mémoire à
titre personnel. Donc, il n'y aura pas de chicane pour le temps que vous allez
prendre avec vos collègues. De notre côté, je pense que
nous allons répéter les règles que nous nous étions
données pour le mémoire précédent. Alors, nous vous
écoutons.
M. J.-Armand Elbaz
M. Elbaz (J.-Armand): Merci, M. le Président, j'aimerais
juste, comme avant-propos de ma présentation, dire qu'un des avantages
du mémoire que je présente est qu'il ne fera aucunement
référence au projet de loi qui est présenté. Comme
je le dis à l'article 4 de mon mémoire, cela vise un aspect
totalement absent de la loi tant celle envisagée que celle qui existe
présentement. Je suppose que vous avez devant vous le mémoire,
mais, au fur et à mesure de ma lecture, je ferai quelques
commentaires.
Le domaine que nous aimerions présenter et discuter traite du
droit du locataire commercial en ce qui concerne le bail qui le lie à
son propriétaire. Cela entrerait plus dans le cadre du louage que du
droit des biens, mais je pense que le projet de loi offre une occasion de
présenter cet aspect.
Les situations réelles et pratiques du droit du locataire
commercial sont nombreuses et connues et donnent parfois lieu à un
entrefilet dans les journaux. On a remarqué dans la Presse, il y a
quelque temps, les achats de locaux commerciaux qui avaient été
faits par certains investisseurs dans l'est, particulièrement la rue
Masson. À la suite de ces achats d'investisseurs, on remarquait un
départ des locataires commerciaux qui ne pouvaient subir les
augmentations qui avaient été demandées par ces
investisseurs. Les conséquences, qui sont tragiques pour la
communauté et pour la société entière, sont soit un
accroissement des chômeurs, soit la disparition d'un
élément de la chaîne commerciale, soit un accroissement des
coûts qui sont transmis aux consommateurs; finalement, tout le monde y
perd.
Les observations générales commenceront par le fait que,
lorsqu'un locataire commercial acquiert un local, acquiert un bail, un des
éléments qu'il acquiert avec ou qui se développe avec son
travail, c'est l'achalandage, c'est cette valeur commerciale. Or,
malheureusement, les baux commerciaux, tels qu'ils existent présentement
et tels qu'ils sont généralement présentés aux
avocats, après deux, trois ou cinq ans, sont présentés de
façon tellement critique que même nous ne pouvons pas aider ces
clients. Cela n'affecte pas seulement le petit commerçant; cela affecte
même des gros. Il n'y a pas longtemps, on parlait de l'affaire Mappins,
en plein centre de la ville de Montréal, qui avait donné lieu
à des problèmes parce que l'absence de législation
ne permettait pas aux gens concernés d'assurer leurs droits.
Nous soumettons donc que le législateur devrait rétablir
un équilibre en introduisant une loi à deux points de vue:
premièrement, un droit au renouvellement du bail et,
deuxièmement, un droit à une indemnité d'éviction.
Plusieurs législations étrangères -française,
suisse et marocaine; on me dit aussi que cette même législation
existe en Saskatchewan - permettent ces deux éléments, donnent
droit aux locataires à ces deux choses, c'est-à-dire au
renouvellement automatique du bail, et, deuxièmement, à une
indemnité lors de l'éviction.
À la page 4, je me suis permis de citer un extrait d'un
arrêt de Suisse, dans lequel il serait intéressant de relire ce
que le juge dit: "Lorsque la chose louée sert aux besoins d'un commerce,
le rapport contractuel entre bailleur et preneur prend un aspect particulier.
Toute activité commerciale est génératrice d'une valeur de
clientèle. (Ce que nous appellerions achalandage). Cette valeur est
afférente en première ligne à la personne du
commerçant ou à sa raison de commerce. Mais, le cas
échéant, la valeur est aussi en partie inhérente aux
locaux dans lesquels s'exploite l'entreprise. Il en est notamment ainsi pour
les magasins. Et la part de la valeur de clientèle attachée aux
locaux du commerce est d'autant plus grande que l'emplacement du magasin joue
un rôle plus ou moins important pour l'exploitation d'une certaine
entreprise, que l'emplacement est plus favorable et qu'un commerce y a
été exploité plus longtemps. En revanche, cette fraction
diminue dans la mesure où les qualités personnelles du
commerçant sont décisives pour la bonne marche de l'entreprise.
S'agissant d'un commerce exploité dans les locaux pris à bail, la
valeur liée à la chose louée, tout en dépendant de
l'activité du commerçant, n'adhère pas à sa
personne et ne le suit pas lorsqu'il quitte les lieux loués. Elle
appartient au bailleur. Dans la mesure où elle existe, le bailleur
apparaît lui-même comme le commerçant qui fait exploiter
l'entreprise par le locataire. Le bailleur a, en ce cas, un
intérêt personnel, différent de celui du preneur, au
maintien de la valeur provenant de la clientèle." Donc, finalement, la
protection que je demande qu'on attribue au locataire n'est pas une protection
qui va enrichir le locataire aux dépens du propriétaire; au
contraire, les deux en tireraient avantage.
Cette notion de valeur de clientèle existe durant un bail. En
effet, lorsque le locataire vend un commerce avec un bail, il vend une partie
qui s'appelle l'achalandage et une autre partie qui s'appelle l'inventaire.
Pourquoi est-ce que, trois ans après, lorsque le bail se termine, cet
achalandage disparaît tout d'un coup? Cet aspect-là, en principe,
devrait aider le commerçant locataire à négocier un
renouvellement de son bail. Or, en fait, c'est ce même aspect qui le
force à négocier dans des situations qui sont très
onéreuses.
Il y a un deuxième aspect, qui est plus objectif à ce
point de vue, en plus de la partie achalandage qui est développée
par le bail, c'est l'aspect dit des améliorations locatives qui sont
apportées par le locataire alors qu'il est dans les locaux. Il y a tout
avantage à améliorer, s'il sait qu'il va rester. Or, le contraire
se produit s'il sait que, dans deux ou trois ans, il va repartir. À ce
propos-là, j'aimerais juste lire deux lignes d'un exposé des
motifs. Dans la loi française de 1953, on disait: "II a
été constaté également que le commerçant ne
consacrait pas le même soin à l'exploitation et à
l'aménagement de son fonds s'il risque, à l'expiration de chaque
période triennale, de s'en voir déposséder." Je pense que
c'est un élément à retenir.
En donnant ce droit à un renouvellement automatique du bail
commercial, je pense qu'il y aurait des droits ou une partie pratique à
suivre. S'il y a un droit automatique, pour l'exécuter, pour l'exercer,
il faudrait probablement se présenter en cour. Les lois
étrangères donnent certains aspects pratiques
intéressants, par exemple une demande d'experts qui serait faite
à la Cour supérieure, etc.
Le droit à l'indemnité d'éviction. Malgré
tout, malgré le droit au renouvellement, il se pourrait que le
propriétaire refuse au locataire de rester. En conséquence,
certaines lois prévoient une indemnité d'éviction,
indemnité qui est calculée ou qui est proportionnelle au
préjudice causé au locataire. Dans certains cas, elle est
calculée selon les améliorations qui sont apportées aux
locaux; pour d'autres cas, elle dépend, tout simplement, du
préjudice qui a été causé et est constituée,
par exemple, par le montant qui serait nécessaire pour le
dédommagement, les frais de réinstallation et autres frais
inhérents. Les avantages d'une telle loi seraient, premièrement,
une stabilité commerciale, deuxièmement, un accroissement du
"pool" de locaux commerciaux qui seraient utilisés. Si on pense à
une région commerciale à l'intérieur d'un centre-ville,
par exemple, en quinze ans ou en seize ans, il augmente très peu du fait
qu'il y a un remplacement des commerçants plutôt qu'un
développement, sauf s'il y a des constructions, par exemple, de centres
commerciaux à l'extérieur de la ville, mais, à
l'intérieur de la ville, il y a rarement de développements; donc,
finalement, tout le monde y perd. Voilà, M. le Président, je suis
prêt à répondre à vos questions.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous
remercie beaucoup. Je trouve bien intéressant le point de vue que
vous soulevez, d'autant plus qu'au Québec, après un certain
temps, un certain délai, on en vient à se préoccuper
beaucoup d'aménagement urbain, on connaît l'expérience
ailleurs des rues piétonnières, des locataires qui ont
été à la merci des nouveaux propriétaires, vous
l'avez souligné même pour Montréal, le
phénomène de la rénovation des artères commerciales
pose le problème des baux commerciaux. Nous avions déjà le
problème des centres commerciaux qui placent les petits locataires, ceux
qui ne sont pas des magasins à succursales multiples à la merci
complète du propriétaire.
Je poserais ma question au ministre, en guise d'introduction à
son intervention et à ses questions. Est-ce qu'effectivement on peut
dire que, dans nos lois, en général, il n'y a rien qui pourrait
protéger un locataire commercial dans une grande surface ou quelque
chose comme cela? Est-ce qu'il n'y a vraiment aucun droit pour lui?
M. Johnson (Anjou): Dans nos lois en général, ce
que nous avons, c'est le contrat qui lie le locataire et le locateur. En ce
sens-là, on ne retrouve pas de mode de protection, par exemple, du petit
commerçant ou de l'exploitant d'un petit commerce face au
propriétaire d'une grande superficie. On n'a rien dans nos lois qui est
spécifique à ce domaine-là. Je pense que c'est ce que
soulève Me Elbaz, en disant: Beaucoup de ces gens sont dans des
situations où le rapport économique, finalement, entre
l'exploitant commercial et le propriétaire du centre commercial met
l'exploitant commercial dans une situation absolument vulnérable et dont
des propriétaires de centres commerciaux ou d'édifices
commerciaux ne se gênent pas pour abuser dans bien des cas. J'ai
l'impression que, pour l'ensemble de l'Amérique du Nord - et l'on fera
faire des recherches à partir du mémoire de M. Elbaz, même
si ces préoccupations devraient s'inscrire plutôt dans un autre
titre du Code civil, qui est celui de la location - que le choix qui a
été fait a été de laisser cela à la
concurrence, y compris la concurrence brutale et sauvage. (17 h 15)
On nous cite l'exemple de la Suisse, bien que je n'aie pas vu les
dispositions législatives qu'il y existe, ou celui du Maroc, au sujet
duquel Me Elbaz est beaucoup plus précis. Je pense que, historiquement,
la législation qui touche les commerçants est très
différente de la nôtre. Ce que représente un petit
commerçant dans la société marocaine ne s'identifie
peut-être pas tellement à ce que l'on retrouve aux Galeries
d'Anjou, pour toutes sortes de raisons. La règle, je crois, en
Amérique du
Nord, c'est qu'il n'y a pas de mesures de protection des petits
commerçants dans ces questions.
Ceci dit, je pense que le mérite du mémoire de M. Elbaz,
même si cela ne touche pas directement le projet de loi et il a eu la
gentillesse de nous le dire au début de son exposé, est de faire
en sorte qu'on se préoccupe un peu de faire, au moins, un recensement de
la législation dans ce domaine. Je sais, d'ailleurs, que c'est une
préoccupation de beaucoup de députés qui ont eu l'occasion
de vivre des situations vraiment de très grande fragilité, de
vulnérabilité chez un tas de petits commerçants, que ce
soit dans des situations de rénovation, dans des situations de centres
commerciaux ou dans d'autres lieux où les gens, finalement, sont dans un
marché captif.
J'en ai visité dans certaines banlieues de Montréal; il
est évident que les exploitants des petits commerces sont absolument
à la totale - comment dirais-je, non pas disposition - merci du
propriétaire. Sauf qu'on vit dans une société où,
sur le plan du commerce, on a décidé que c'étaient des
règles capitalistes qui s'appliquaient à ce niveau. On ne peut
pas invoquer le caractère de consommateur du petit commerçant; il
est un commerçant. On protège le consommateur; on protège
celui qui, socio-économiquement, est dans une situation
vulnérable; on protège l'enfant, mais on a décidé
qu'on ne faisait pas d'arbitrage entre les capitalistes dans notre
société depuis plusieurs années.
Ce que cela met en cause fondamentalement, comme préoccupation,
c'est jusqu'où l'État doit aller pour faire des arbitrages entre
les intérêts capitalistes dans le secteur du commerce, dans un
secteur comme celui-là, où ce n'est pas l'intérêt du
consommateur qui justifierait son intervention. C'est l'intérêt
d'un groupe commerçant par opposition à un autre groupe
commerçant. Je dois dire qu'on n'avait pas de projet de ce
côté-là. L'intérêt du mémoire de M.
Elbaz, c'est une réflexion et une certaine recherche dans la
législation qui existe.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. Je
pense que vos dernières interventions, M. le ministre, appelleront
peut-être un petit caucus ministériel, parce que, effectivement,
plusieurs députés sont préoccupés par cela. Il
n'est pas certain que cela n'ait pas d'effet pour le consommateur. Il n'est pas
certain qu'il n'y ait pas d'effet là pour la valeur foncière.
Mais nous découvrons une chose: la réalité du commerce de
détail est différente au Québec de celle du reste de
l'Amérique du Nord.
Nous avons reçu des chiffres, la semaine dernière, du
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui sont
étonnants à cet égard. Cela a une
répercussion sur la production manufacturière et sur la
consommation. Mais ce seront des discussions internes, si vous le permettez.
Les nouvelles commissions tolèrent encore les caucus sectoriels.
M. Rivest: Ne nous mêlez pas à cela, s'il vous
plaît!
Le Président (M. Vaugeois): Messieurs de l'Opposition.
M. Marx: Je crois que, parmi les députés
ministériels, les ministres sont plus forts que les simples
députés, parce qu'ils n'ont pas demandé à tous les
membres du caucus leur point de vue sur ce sujet.
Le Président (M. Vaugeois): Voulez-vous recommencer? Ce
que vous avez dit n'est pas clair.
M. Marx: J'aimerais remercier Me Elbaz pour son mémoire.
C'est une idée intéressante, quoique la différence entre
le Québec, le Maroc et la Suisse, c'est qu'au Maroc et en Suisse les
petits commerçants ont un lobby beaucoup plus fort qu'au Québec.
Cela vient de cela. Ici, comme le ministre l'a dit, nous sommes dans un
système de libre entreprise. Notre formation prétend toujours
qu'on a une réglementation trop grande de l'entreprise privée au
Québec. Ce que vous proposez, en fait, c'est une autre
réglementation, une autre forme de réglementation, quoiqu'on
l'inclurera dans le Code civil.
Je vais jouer le rôle d'avocat de l'Opposition, ce que je trouve
fort intéressant à faire de temps à autre. Où
est-ce que cela va arrêter? On va protéger le commerçant
contre son locateur. Pourquoi ne pas le protéger contre son fournisseur?
Quelle est la différence? Supposons qu'il ait un fournisseur qui lui
fournit les meubles de la marque X; un jour, il décide de ne plus faire
affaires avec ce commerçant, mais avec son concurrent, qui a un magasin
à côté. Est-ce qu'il faut le protéger contre son
fournisseur également? Je ne vois pas, sur le plan conceptuel, vraiment
la différence entre le locateur du petit commerçant et son
fournisseur.
M. Elbaz: Vous ne la voyez peut-être pas, mais certains
juges la voient. Il y a un courant jurisprudentiel que vous avez certainement
remarqué qui fait que les juges commencent à se trouver un peu
trop étriqués par l'application stricte des contrats et, de plus
en plus, ils essaient de trouver des échappatoires à cela. On a
protégé le commerçant contre son fournisseur, cela se
trouve dans le Code civil. Il a des droits; s'il n'est pas satisfait de la
marchandise qui a été vendue, il a le droit de se plaindre, etc.
Or, il y a un aspect particulier qui constitue une valeur réelle dans
son actif, qui n'est absolument pas dans la loi et qui lui coûte
très cher s'il doit quitter. Il n'a probablement pas les mêmes
fonds pour aller s'installer en face. Je vais citer encore la rue
Sainte-Catherine. Vous remarquerez qu'il y a une sorte de déplacement en
zigzag des commerçants qui vont à droite, à gauche et tout
le monde y perd parce que, là où il y avait un magasin de
disques, on trouve maintenant une arcade, là où il y avait un
magasin de livres, cela devient une pharmacie. Enfin, il y a une notion
même commerciale d'enrichissement collectif qui n'existe plus.
M. Marx: Je ne vois pas la différence entre les contrats
parce qu'un bail, c'est un contrat comme il peut en avoir un avec son
fournisseur. Peut-être qu'on a des arcades à la place des
bijouteries et ainsi de suite, parce que les gens veulent avoir plus d'arcades
et moins de bijouteries. C'est cela la libre entreprise et le libre choix. Je
ne suis pas contre l'idée a priori, mais si on commence à
réglementer les baux des commerçants, où est-ce que
ça va s'arrêter? Quel est vraiment l'intérêt du
législateur d'intervenir dans ce domaine? C'est pour protéger le
petit commerçant. Pourquoi protéger le petit commerçant
seulement dans ce domaine? Il y a d'autres domaines aussi. On peut le
protéger au point que, même s'il est incompétent, il ne
perdra pas d'argent. S'il loue un magasin, il peut se protéger dans son
bail ou il peut chercher à se protéger dans son bail. Il peut
prendre un bail de dix ans, quinze ans, un bail renouvelable, etc.
M. Elbaz: Et après les quinze ans?
M. Marx: Pardon? Ce sera après les quinze ans. Il n'y a
rien qui soit pour toujours. C'est l'aspect de la réglementation dans
tout cela qui...
M. Elbaz: Oui, mais plus loin que l'aspect de la
réglementation, il y a l'aspect des droits de la personne, des droits du
commerçant qui veut survivre. Or là, vous le mettez dans une
boîte en disant: S'il n'a pas su prévoir, il y a quinze ans, qu'il
devait partir, il devrait payer un bail augmenté de 500%, tant pis pour
lui. Je pense que c'est un peu dur, quand même.
M. Marx: Oui. Mais, comment dirais-je, c'est ça le jeu de
la libre entreprise. C'est "dog-est-dog". Si on changeait cela pour
protéger tout le monde partout, ce ne serait pas le même
système que l'on a aujourd'hui, quoiqu'on puisse faire des ajustements
ici et là. Comme le ministre vient de le dire, il va demander aux
experts de son ministère, pour
ne pas dire les fonctionnaires de son ministère - parce qu'ils
sont vraiment des experts - de faire une étude sur cette question, parce
que je pense que, si on fait des modifications, ce sera au chapitre des
obligations. La question va revenir sur le tapis et, si elle ne revient pas,
par la volonté du ministre, je vous promets de soulever cette question
en temps et lieu dans le cadre de l'étude des obligations.
M. Johnson (Anjou): C'est sur la table présentement.
M. Marx: Oui.
Une voix: Oui, mais c'est l'Opposition qui l'a mise sur la
table.
M. Marx: Non, mais je veux dire que...
Le Président (M. Vaugeois): L'Opposition est, dans ce cas,
plus faible que...
M. Marx: Non, mais j'espère au temps... La journée
où nous allons étudier les obligations, c'est certain que nous
serons de l'autre côté de la table.
Le Président (M. Vaugeois): Bien, M. de Bellefeuille a
aussi des questions.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
signaler au député de D'Arcy McGee que cette absence
d'intervention de l'État par voie législative,
réglementaire ou administrative pour aider les petits commerçants
n'existe peut-être pas ou n'est peut-être pas aussi totale qu'il le
dit parce que, si on examine l'ensemble de nos lois, de nos règlements
et de nos dispositions administratives, je pense qu'on va découvrir un
certain nombre de choses qui sont là précisément pour
chercher à protéger le petit commerçant. Ce n'est
peut-être pas toujours dit aussi clairement que cela, mais l'intention
est là. Donc, je pense qu'on pourrait trouver des
précédents, s'il fallait en trouver, pour justifier de nouvelles
interventions.
Je voulais surtout chercher à tirer une chose au clair quant aux
intentions de M. Elbaz. Est-ce que vous avez à l'idée, M. Elbaz,
des ajouts au Code civil ou si vous avez plutôt à l'idée
des interventions législatives en dehors du Code civil?
M. Elbaz: Non, cela devrait, à mon avis, se faire à
l'intérieur du Code civil, dans le cadre du droit sur le louage de
choses, des baux commerciaux, aux articles 1600 et suivants, et non pas
strictement par règlement parce que l'on connaît les
problèmes que cela peut causer.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, on vous remercie, M.
Elbaz. Pour rassurer tout le monde, non pas vous, je vous dirai que le
problème que vous soulevez est peut-être réglé un
peu au Maroc, mais il y a plusieurs pays européens qui le vivent. Je
terminerai sur une anecdote. C'est dans mes privilèges de
président, je pense. En France...
M. de Bellefeuille: On est en train de l'expérimenter.
M. Marx: Le président s'arroge pas mal de
privilèges.
Le Président (M. Vaugeois): En France...
M. de Bellefeuille: II en profite pour créer des
précédents.
Le Président (M. Vaugeois): Absolument.
M. de Bellefeuille: Je vous en prie, M. le Président.
M. Johnson (Anjou): II y a une interdiction de fumer alors qu'il
y a des cendriers.
Une voix: C'est à corriger.
Le Président (M. Vaugeois): Les commerçants
français craignaient l'arrivée des rues piétonnes. Dans
certains cas, ils s'opposaient à ce que la municipalité
décide d'aménager une rue piétonne. Finalement, la
municipalité avait raison et installait sa rue piétonne et
là le commerce devenait florissant. En l'espace de deux ou trois ans,
les propriétaires de la rue changeaient. Vous savez à peu
près ce qui arrivait, c'est que, deux ou trois ans après, les
commerçants avaient changé aussi, parce que le succès
était tel que les propriétaires avaient pu avoir des exigences
qui chassaient ceux qui avaient craint la transformation de la rue. Cela
démontre au moins que nous ne sommes pas en retard sur tout le monde
quant à ce problème. Mais, je considère que, petit
commerçant peut-être par atavisme, vous n'avez pas soulevé
un faux problème et qu'il restera à y réfléchir. Le
ministre a pris note de vos observations. On vous remercie beaucoup.
M. Elbaz: Merci, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): La séance est suspendue
jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 28) (Reprise de la
séance à 20 h 11)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre!
Je vais demander au secrétaire de mettre de l'ordre dans tout
cela.
Le Secrétaire: Voici l'ordre du jour: à 20 heures
l'Association québécoise de planification fiscale et
successorale; à 21 heures, la Confédération des caisses
populaires et d'économie Desjardins du Québec Inc.; à 22
heures, l'Association des banquiers canadiens comité du
Québec.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que je peux vous
demander combien de temps vous souhaitez avoir pour présenter votre
mémoire?
M. Rainville (François): Nous avons prévu 45
minutes partagées en 4 périodes d'environ 10 minutes.
Le Président (M. Vaugeois): Parce que vous parlez chacun
à votre tour.
M. Rainville: C'est cela, étant donné
l'étendue du projet.
Le Président (M. Vaugeois): On vous laisse
procéder. Au total vous nous dites que vous pensez prendre 45
minutes.
M. Rainville: Approximativement.
Le Président (M. Vaugeois): Nous aurons à nous
discipliner chacun de notre côté et on va vous écouter.
Association québécoise de planification
fiscale et successorale
M. Rainville: Vous me permettrez tout d'abord de présenter
mes collègues de l'Association québécoise de planification
fiscale et successorale. À mon extrême droite, Me Maurice Roy;
à ma droite immédiate, Me Luc Martel; à mon extrême
gauche, Me Viateur Chénard et Me Denis Lacroix à ma gauche
immédiate. Je suis François Rainville, notaire, président
du conseil d'administration.
Le Président (M. Vaugeois): Originaire de la Mauricie.
M. Rainville: Exactement. On exporte les bons produits.
M. le Président, vous me permettrez peut-être avant
d'amorcer la discussion un court rappel de notre historique, si court soit-il.
Notre association est unique en son genre, en ce sens qu'elle regroupe avocats,
notaires, comptables, assureurs-vie dans un but de planification fiscale et
successorale. Aujourd'hui, notre association compte 1700 membres. Le
comité de législation, qui a pondu le rapport qui vous sera
soumis, existe depuis environ deux ans et tout cela est basé sur du
bénévolat le plus absolu. Je pense qu'il était de notre
devoir, considérant le sujet, de venir vous présenter nos propres
considérations.
Je demanderais, sans d'autre préambule, à Me Viateur
Chénard de nous présenter la première partie qui traitera
de la distribution des biens et de leur appropriation de même que des
modalités de la propriété.
M. Chénard (Viateur): Le premier point est la terminologie
employée dans le nouveau code. Il existe une confusion dans les termes
entre les choses qui sont l'objet des droits et les droits eux-mêmes. Par
exemple, on peut être propriétaire, locataire, usufruitier d'une
résidence; on peut avoir une servitude, on peut avoir différentes
sortes de droits. Alors, ce qui est dans notre patrimoine comme individu
ce n'est donc pas les choses physiques elles-mêmes, mais uniquement des
droits sur celles-ci. Dans le projet de code, la confusion apparaît un
peu partout. Cela peut avoir des conséquences malheureuses, lorsque, par
exemple, on veut faire des transactions complexes, il est utile d'avoir une
précision et une constance dans les termes employés dans le code,
mais également sur le plan fiscal, sur l'usufruit qui porterait sur un
immeuble, les autorités fiscales nous disent que ce n'est pas un bien
amortisseur parce que ce n'est pas un immeuble. Mais dans le fond, il n'y a pas
vraiment de différence entre un usufruit sur un immeuble et le droit de
propriété sur un immeuble; c'est tous les deux un droit
réel qui porte sur une chose physique qui est un immeuble. Alors, dans
le moment, il n'y a personne qui peut prendre l'amortissement parce qu'il n'y a
plus de véritable propriétaire, il y a quelqu'un qui
détient l'usufruit, et puis quelqu'un qu'on appelle le
propriétaire qui détient le reste. Dans le fond, c'est juste une
distinction, c'est une confusion qu'il y a dans les termes. Un usufruit, c'est
un immeuble autant que le droit de propriété qui porte sur un
immeuble. Dans le projet de loi, un peu partout, la confusion revient à
multiples reprises, on parle de biens corporels, alors qu'en fait les seuls
biens qu'on détient ce sont les droits. Donc, c'est
nécessairement incorporel, cela peut être un droit sur une
personne de recevoir de l'argent, cela peut être un droit de
propriété, cela peut être les différents
démembrements du droit de propriété, mais
fondamentalement, on a uniquement des droits, on a jamais des choses dans le
patrimoine. Sur le plan théorique, l'exemple de l'usufruit nous montre
que cela peut amener des difficultés d'interprétation. Le rapport
du Barreau, demain, dans ses commentaires, apportera les corrections
appropriées dans tous les articles, là où il y avait la
confusion entre un bien et une
chose.
Le deuxième point, c'est l'article 948 qui parle des immeubles
par destination. Le premier alinéa correspond grosso modo au droit
actuel à savoir que, comme dans un hôtel, les ustensiles, les
biens meubles qui sont placés sur l'immeuble pour servir à son
exploitation économique sont les immeubles par destination. Maintenant,
dans le projet, il y a un deuxième alinéa qui nous dit que la
seule affectation des meubles à exploitation économique ne fait
pas présumer du caractère immobilier, qu'il faut avoir un acte
qui déclare cette destination. Le problème est que nous ne savons
pas quel acte, qui peut faire cet acte; est-ce qu'il va être
enregistrable? Qui peut le modifier? Qui peut le radier? Je pense que cela
introduit... En tout cas, il faudrait peut-être préciser ce que
l'on veut dire, mais tel que c'est rédigé, cela met plus de
confusion qu'autre chose. Cela limite singulièrement les droits des
créanciers hypothécaires qui ont les sûretés
réelles.
Le troisième point porte les articles 953 et 956 qui distinguent
ce qui est du capital et ce qui est du revenu. Il y a peut-être deux
secteurs qui n'ont pas été couverts. Ce sont les droits de
propriété intellectuelle et industrielle et les redevances. Comme
vous le voyez à la page 6 de notre rapport, peut-être qu'on
pourrait s'inspirer de l'article 90 du Code civil du Québec qui est le
nouveau code en matière matrimoniale qui nous dit que les droits de
propriété intellectuelle et industrielle constituent du capital
et les sommes qui en proviennent sont du revenu en autant que cela ne provient
pas d'une aliénation du droit fondamental, comme le droit d'auteur ou le
droit sur un brevet, quelque chose comme cela.
Enfin, il y a des redevances qui sont payables sur l'usage d'un bien
qu'il puise comme une mine, etc. La section en question ne se prononce pas
là-dessus. Ce serait utile que le législateur le fasse dans un
sens ou dans un autre.
Un peu plus loin, on parle également des dividendes en actions.
On présume que ceux-ci sont du capital. En fait, normalement, un
dividende, c'est un revenu. Parfois, cela peut être également du
capital comme un dividende de liquidation. Je ne pense pas qu'il soit utile ou
souhaitable que le législateur impose une règle fixe. On peut
peut-être laisser l'évaluation de la nature capital ou revenu
à l'interprétation selon les faits. Est-ce une distribution des
actifs de la compagnie ou si c'est une distribution de revenus?
Ensuite, un peu plus loin, sur la partie de l'indivision - l'article
1053 - d'une part, c'est certainement une bonne chose que l'on permette le
report du partage, donc, qu'on permette l'indivision pour une période de
30 ans dans un immeuble et cinq ans sur les meubles. Seulement, ce n'est pas
clair. Après cela, on mentionne que c'est possible de le faire en autant
qu'une convention d'indivision est enregistrée sur l'immeuble et on se
demande quelles sont les dispositions de la convention qui seront imposables
aux autres. On aura seulement cette convention. Si c'est une
propriété importante, par exemple, il n'y aura pas de droit de
préemption avec les délais qui sont stipulés dans le code
où on parle d'un mois. C'est impossible de trouver un acquéreur
ou un financement dans un délai d'un mois.
L'administration d'une propriété.
Généralement, les gens vont mettre dans leur convention
différentes dispositions. Ils vont peut-être créer un
comité de gérance. Ils vont parler d'un droit de premier refus.
Ils vont parler de clause d'achat et de vente obligatoire, etc. Il serait
peut-être préférable simplement que le code dise qu'une
convention en indivision, pour autant qu'elle concerne les modalités de
détention et d'administration de l'immeuble, est opposable au tiers et
aux parties pour autant qu'elle soit enregistrée. En somme, que
l'opposabilité de cette convention ne se limite pas uniquement à
la période d'indivision.
Un autre point sur le même sujet. On confirme à l'article
1054 qu'un indivisaire peut hypothéquer son droit de
propriété qui ne porte que sur une fraction indivise. Pour le
créancier qui va aller prêter de l'argent sur cette garantie, cela
lui prend des certitudes de stabilité. Si la convention d'indivision et
si toutes ses modalités, qui vont traiter de la gérance, de la
vente du pouvoir d'hypothéquer, etc., sont opposables, il va savoir
très exactement quelles sont les règles du jeu. C'est
peut-être une raison additionnelle pour que toutes les dispositions de la
convention d'indivision soient opposables. Ainsi, si je veux financer une part
indivise d'un immeuble, le créancier va savoir à quoi s'attendre.
Qu'est-ce qu'il finance? Qu'arrivera-t-il si je fais défaut de payer le
prêt?
En ce qui concerne le droit de préemption, cela devrait
être de droit supplétif et non pas obligatoire. Parce que, selon
la nature du bien et selon la nature de l'immeuble, les gens vont mettre dans
leur contrat ce qui paraît opportun. Le délai, en particulier, est
vraiment soit trop court ou trop long, selon le genre d'immeuble dont on
parle.
Encore une fois, si les dispositions de la convention d'indivision
étaient opposables à tous, tout le monde pourrait savoir ce qu'il
en est. Si on le mentionne dans la convention, cela se passera de telle et
telle façon. Personne n'est lésé. On connaît les
règles du jeu. Si les gens ont décidé de ne pas
l'inscrire, cela pourrait être les règles supplétives qui
apparaissent dans votre
projet.
Même chose, lorsqu'un indivisaire veut mettre fin à
l'indivision, en vertu de l'article 1066. Il peut y avoir une attribution soit
en nature, soit en argent numéraire de la part de l'indivisaire
dissident. Encore une fois, si la convention d'indivision devenait opposable
à tous, cela pourrait régler le problème selon la
façon que les gens ont jugée la plus pratique. À ce
moment-là, on appliquerait d'abord ce qu'il y a dans la convention
d'indivision pour se débarrasser de quelqu'un qui veut s'en aller. S'il
n'y a rien, on pourrait recourir aux dispositions du code.
Dans la section des condominiums, il y a, à l'article 1073, une
disposition qui interdit d'évaluer la quote-part des charges communes en
fonction de la destination de l'utilisation qui est faite d'une fraction. Il y
a des immeubles dans lesquels il y a des établissements commerciaux, des
unités qui sont réservées à l'usage commercial,
d'autres à l'usage résidentiel. Les coûts
entraînés ne sont pas les mêmes: frais de garde,
surveillance, usage des espaces communs, chauffage, sécurité,
assurances, etc. Il n'est donc peut-être pas normal qu'il y ait un
même traitement pour la personne qui détient une unité
résidentielle et celle qui détient une unité à
vocation commerciale. Il y a des établissements qui ont une circulation
beaucoup plus élevée, donc, il y a plus de frais. Peut-être
que le code pourrait reconnaître que, selon la destination ou la vocation
de l'unité, il peut y avoir une évaluation différente.
Le Président (M. Vaugeois): À quel article vous
êtes-vous référé?
M. Chénard: L'article 1073. Si vous regardez un peu plus
loin, à l'article 1099, on donne le droit au propriétaire d'une
unité de faire réviser sa quote-part s'il apparaît que cela
n'a pas été fait selon l'article 1073.
Ensuite, je passerai à la copropriété en temps
partagé, aux articles 1090 et 1128. On semble permettre, sans donner
beaucoup de détails, ce qu'on appelle en anglais le "time sharing". Le
problème que cela pose, c'est que dans notre droit civil, ça peut
être bien des choses, mais ce n'est pas clair. Le consommateur qui va
aller acheter une unité temporaire, lui, va faire confiance aux gens, va
signer sans trop savoir ce qu'il achète. Mais est-ce qu'il aura un
simple droit personnel? Est-ce qu'il aura un usufruit temporaire? Cela ne
répond pas vraiment.
Plutôt que d'ouvrir la porte, ou vous l'interdisez, pour
éviter les abus, ou encore vous créez un cadre clair dans lequel
les droits des gens sont bien établis et on permet de le faire. Dans le
moment, on ouvre la porte à quelque chose qui peut entraîner des
tas d'abus, vraiment, et celui qui va payer, c'est le type ordinaire qui va
investir son argent là-dedans. Sur le plan fiscal également,
étant donné que ce ne sera pas clair sur le plan civil, ce sera
un paquet de problèmes à interpréter aussi.
Un autre point de détail. Lorsque le promoteur fait une reddition
de compte, à l'article 1134, on mentionne qu'un comptable va
préparer les états financiers, mais on ne précise pas la
nature de son mandat. Forcément, le rapport préparé par le
comptable sera utilisé, la crédibilité du comptable sera
utilisée pour dire: Bon, ce sont bien les chiffres. Mais si celui-ci n'a
pas le mandat de faire des états financiers vérifiés, il
ne peut pas vraiment se permettre d'aller voir toutes et chacune des
pièces pour donner une opinion complète. Peut-être que ce
serait utile de préciser.
Peut-être un point final sur la question des condominiums. Quant
à la protection de l'acheteur, on laisse sous-entendre à un
moment donné la possibilité qu'il y ait un prospectus. Il serait
peut-être utile d'aller plus loin de ce côté. Il y a des
problèmes comme la protection du dépôt de l'acheteur. On
achète sur plan, on met 5000 $, 10 000 $ et parfois j'ai vu 100 000 $
comptant sur une unité qui n'est pas construite, et je n'ai aucun droit
de propriété. C'est déposé entre les mains du
notaire ou, directement, du promoteur. Pour une raison quelconque, la
propriété n'est pas terminée, il y a des
privilèges, etc. Le prêteur dit: Je ne suis pas payé, donc
je reprends l'immeuble. Il perd son dépôt et il ne peut pas faire
grand-chose. Il y a différentes situations comme cela. Peut-être
que cela doit aller dans une autre loi, je ne le sais pas, mais on ne donne pas
vraiment de protection à l'acheteur. On mentionne un prospectus sans
dire vraiment ce qu'il en est. Ma partie est complétée, je vous
remercie.
M. Rainville: Me Luc Martel.
M. Martel (Luc): J'aurais simplement sept remarques à
faire sur la partie de l'usufruit. Ma première remarque parlerait de
l'article 1151. Dans cet article, on semble apporter une nouvelle notion, un
usufruit successif. Si on relie le premier alinéa de l'article au second
alinéa qui dit que les bénéficiaires doivent exister lors
de l'ouverture de l'usufruit en leur faveur, on craint que le nouvel article
1151 puisse être interprété comme créant un nouvel
animal civil qui serait un mélange de substitution et d'usufruit. Plus
particulièrement, si on peut interpréter le second alinéa
de l'article 1151 comme voulant dire que l'usufruit s'ouvre en faveur d'un
bénéficiaire subséquent au moment de l'extinction de
l'usufruit du bénéficiaire précédent, on tombe
vraiment dans ce qui était plutôt de nature de la substitution. Il
se pourrait que quelqu'un qui pensait créer un usufruit tout à
coup en
prévoyant une succession d'usufruitiers, arrive à
créer quelque chose qui se rapprocherait plutôt de la
substitution. Cela peut créer des conséquences importantes au
niveau de droits successoraux - ce n'est pas du tout le même traitement -
et au niveau de l'impôt sur le revenu également. Il y aurait
peut-être lieu de préciser si ces articles pourraient permettre
effectivement de créer une espèce d'usufruit successif. Plusieurs
usufruitiers qui se suivraient. De la même façon, si plusieurs
usufruitiers peuvent se suivre, il y aurait peut-être aussi plusieurs
nus-propriétaires qui pourraient se suivre parce que la durée de
l'usufruit pourrait être assez longue. Il y aurait peut-être lieu
de préciser, dans la rédaction de l'article 1151, qu'il n'y ait
pas de double interprétation au niveau de la création d'une
nouvelle institution.
Ma seconde remarque est relative à l'article 1163 où l'on
parle encore de la nue-propriété indivise. L'article 1163 traite
des droits respectifs du nu-propriétaire et de l'usufruitier d'un bien
indivis quant à l'acquisition d'une quote-part de l'usufruit ou d'une
quote-part de la nue-propriété. C'est comme une espèce de
droit de premier refus qu'on accorde entre les nus-propriétaires pour
une quote-part de nue-propriété et la même chose pour un
usufruit entre tous les usufruitiers. L'article utilise les mots "acquisition"
et "acquérir". On ne semble pas faire la distinction entre une
acquisition entre vifs ou à cause de mort, une acquisition à
titre gratuit ou à titre onéreux. Est-ce que cela voudrait dire,
s'il s'agissait d'une acquisition à titre gratuit, que quelqu'un ne
pourrait pas donner son usufruit à un nu-propriétaire sans que ce
soit d'abord offert aux autres usufruitiers? Alors, on s'interroge s'il ne
s'agirait pas là d'une contrainte à la liberté de tester
ou à la liberté de donner qui existait jusqu'à preuve du
contraire. De la même façon, pour ce qui serait d'une acquisition
à titre onéreux, il n'est pas évident que la solution
qu'on propose soit préférable à celle qui serait obtenue
si l'article n'existait pas. A ce moment-là, on suggérerait
l'abolition pure et simple de l'article 1163. Si, toutefois, on devait le
maintenir, peut-être qu'il devrait être indiqué que cela
s'appliquerait uniquement aux acquisitions faites à titre onéreux
et de façon supplétive seulement. (20 h 30)
Une autre remarque, c'est au sujet de l'article 1170 où l'on
permet au constituant de l'usufruit de dispenser l'usufruitier de faire
inventaire. Par contre, il ne pourrait pas en être de même s'il
s'agissait d'un usufruit successif. On se demande pourquoi le constituant ne
pourrait pas faire en sorte que, même dans un usufruit successif, il
puisse dispenser l'usufruitier de l'inventaire. Est-ce que ce n'est pas le
constituant qui est la personne la plus indiquée pour déterminer
si un inventaire devrait ou non être dressé? On suggérerait
d'éliminer le deuxième alinéa de l'article 1170.
L'article 1174 dit que l'usufruitier est privé des revenus
pendant la période où l'inventaire des biens n'a pas
été dressé lorsqu'il a l'obligation de dresser
l'inventaire. On se demande si ce n'est pas un article un peu excessif par
rapport au droit actuel. Ce qui se produit, c'est qu'à défaut de
faire inventaire, les revenus sont tout simplement mis sous séquestre en
attendant que l'usufruitier remplisse son obligation. Également, on
pourrait se demander si ce n'est pas l'usufruitier qui a droit à ces
revenus, c'est qui? Est-ce que cela va être le nu-propriétaire?
Est-ce que ce serait, par exemple, un autre usufruitier s'il y avait un
usufruit successif? Cela ouvre la porte à des questions. On pourrait
peut-être tout simplement s'en tenir au droit actuel et mentionner que
tant et aussi longtemps que l'usufruitier ne respecte pas son obligation, les
revenus seront sous séquestre. Il pourra les toucher lorsqu'il aura
respecté son obligation de faire inventaire.
Une remarque au sujet de la section de la répartition des dettes
et charges qui touche les articles 1182 à 1189. Dans cette disposition,
on ne trouve rien qui parle de la répartition des dépenses, des
articles, par exemple, semblables à 1375 et 1376 qu'on va voir plus loin
dans l'administration du bien d'autrui. Pour fins d'uniformisation du Code
civil, il paraissait préférable que des règles de
répartition, s'il pouvait y en avoir quelque part, on fasse en sorte
qu'elles s'appliquent à toutes les situations où un
bénéficiaire de fruit et revenu est une personne distincte d'un
bénéficiaire de capital pour ne pas que dans chaque section il y
ait des règles différentes de répartition des
dépenses. D'ailleurs, en usufruit, c'est quand même utile qu'on
précise quelque part, cela a toujours été un grand
débat au niveau des droits successoraux qui de l'usufruitier et du
nu-propriétaire est responsable des droits successoraux. Le débat
est toujours ouvert. Une remarque relative à l'article 1198 qui stipule
que l'usufruitier peut exiger la conversion de son droit en rentes
viagères s'il éprouve des difficultés à remplir ses
obligations. On se demande pourquoi ce serait une rente viagère, par
exemple, dans le cas où c'est un usufruit de cinq ans. On devrait
plutôt avoir, en fait, une rente qui pourrait correspondre à la
durée de l'usufruit. C'est la suggestion qu'on mentionnait dans notre
rapport.
Une dernière remarque relativement au droit d'usage à
l'article 1199 où on stipule que l'usage, c'est le droit de se servir
temporairement du bien d'autrui, d'en percevoir les fruits et revenus. On
semble avoir éliminé la notion de droit d'habitation qui existait
avant dans le chapitre de l'usage
et de l'habitation. Évidemment, c'est un peu une redondance parce
que déjà l'usage se trouvait être l'usage d'un bien
immobilier qui était déjà inclus, mais le terme droit
d'habitation, c'est une expression qui était un peu idéale pour
exprimer, justement, la volonté d'accorder un usage sur un immeuble
d'habitation. C'est également un terme imagé que tous les gens
comprennent, surtout tous les testateurs qui viennent nous voir, le droit
d'habitation, tout de suite, ça sonne une cloche. Un droit d'usage,
là il faut apporter des précisions. C'est l'usage de quoi? On
suggérerait peut-être de remettre le terme droit d'habitation dans
le chapitre droit d'usage. Cela conclut mes remarques sur l'usufruit.
Une voix: Me Denis Lacroix.
M. Lacroix (Denis): Concernant l'em-phytéose, le premier
commentaire qu'on désire faire concerne l'utilisation du mot "redevance"
dans les dispositions. On sait qu'en vertu du droit antérieur, il
fallait absolument qu'une redevance emphytéotique soit payable au
bailleur. Le projet de loi ne reprend pas cette exigence, mais il maintient
quand même la possibilité et régit, en quelque sorte, la
possibilité qu'une redevance puisse être payée au bailleur
emphytéotique. À cet égard, on a un commentaire à
faire à savoir que, selon la doctrine en vertu du droit actuel, il est
clair que tous les montants qui sont payés à un bailleur
emphytéotique le sont à titre de prix de cession du droit qui est
cédé au preneur emphytéotique. C'est le droit de
propriété complet qui est cédé au preneur
emphytéotique, de sorte qu'on ne peut pas parler dans ces cas de
montants qui sont payés à titre de revenus au bailleur
emphytéotique. Il s'agit plutôt d'un prix de cession, d'une somme
de capital qui est payée au bailleur emphytéotique. À ce
moment-là, on trouve que l'utilisation du mot "redevance" pourrait
prêter à confusion et on voit immédiatement les
conséquences que cela pourrait avoir au niveau fiscal étant
donné que l'institution d'emphytéose, au départ, peut
constituer certains problèmes fiscaux. Pour sécuriser l'aspect
capital des paiements qui pourraient être faits au bailleur
emphytéotique, on propose que le mot "redevance" soit modifié par
les mots "prix de cession".
Le deuxième commentaire à propos de l'emphytéose
concerne la règle de l'article 1235 à savoir qu'à la fin
de l'emphytéose, le propriétaire reprend l'immeuble libre de tout
droit et charge à la fin du contrat. C'est la règle
générale. Il y a une exception et elle est importante: lorsque la
fin de l'emphytéose résulte de la résiliation du contrat,
le bailleur emphytéotique peut demander la résiliation du contrat
si la redevance n'a pas été payée pour une période
de trois ans. C'est une exception qui est de taille parce que si la redevance
n'est pas payée au bailleur emphytéotique, celui-ci n'a qu'un
seul recours, c'est de demander la résiliation du contrat. S'il demande
la résiliation du contrat, il va retrouver un immeuble susceptible
d'être grevé d'hypothèques, de privilèges ouvriers,
ou de construction en général, et de toutes charges qu'aura pu
consentir le preneur emphytéotique. Ces charges vont demeurer aussi
longtemps que l'emphytéose ne prendra pas fin selon le terme initial de
l'emphytéose. Donc, à toutes fins utiles, on vient annuler le
recours ou enlever tout effet pratique que pourrait avoir le recours du
bailleur emphytéotique dans ces circonstances, parce qu'il va reprendre
un immeuble qui n'a à peu près aucune équité. On
pense que c'est particulièrement pénible pour le bailleur
emphytéotique comme situation et on propose que l'exception relative
à la mise à terme de l'emphytéose, en raison de la
résiliation, soit simplement enlevée et que la règle
générale soit applicable dans tous les cas.
Concernant le chapitre relatif à la restriction à la libre
disposition de certains biens plus particulièrement, au départ,
on a fait dans le rapport certaines remarques générales
concernant la substitution. Actuellement, on sait que la substitution est une
institution qui est dans notre droit depuis fort longtemps. On constate que,
depuis un certain nombre d'années, la substitution n'est presque pas
utilisée. Lorsqu'on retrouve la substitution, c'est très rarement
parce que les justiciables ou parce que des planificateurs ont
désiré utiliser la substitution. On retrouve plutôt cette
institution en tant qu'erreur commise par des planificateurs qui n'avaient
peut-être pas nécessairement l'intention de créer une
substitution. Ils avaient peut-être l'intention de créer
plutôt un usufruit, ou un autre mécanisme juridique.
Par ailleurs, on se rend compte que la fiducie est un mécanisme
qui est de plus en plus utilisé. Les gens connaissent davantage les
règles applicables à la fiducie qui est un mécanisme qui
demeure quand même plus souple que peut l'être la substitution.
À cet égard, on se demandait à l'AQPFS, si seulement les
objectifs visés par des justiciables sont pris en considération
s'il n'avait pas été possible, dans une certaine mesure, de
regrouper au sein du droit des fiducies, les règles relatives aux
substitutions, dans le sens qu'il y aurait techniquement disparition des
substitutions mais que la situation visée à cet égard
serait prise en charge par le droit des fiducies. À ce moment-là,
il y a un grand nombre des dispositions applications aux fiducies qui
pourraient très bien s'appliquer
aux situations qui sont visées en matière de substitution,
c'est-à-dire aux intentions visées, aux objectifs visés
par les justiciables qui emploient ces mécanismes.
Notre commentaire est à cet effet. C'est un commentaire qui est
presque formulé sous forme de question. Est-ce qu'il ne serait pas
possible d'intégrer le droit des substitutions ou les objectifs
visés par la substitution au sein du droit applicable aux fiducies,
quitte à faire quelques amendements mineurs afin de prévoir les
situations qui ne seraient peut-être visées par les dispositions
applicables aux fiducies.
Le prochain commentaire concerne l'article 1256 qui prévoit que:
"Avant l'ouverture, - de la substitution - le grevé est
propriétaire des biens substitués; ces biens forment, au sein de
son patrimoine personnel, un patrimoine distinct destiné à
l'appelé."
Il nous semble qu'il existe une certaine contradiction. On a
constaté une certaine incompréhension à l'AQPFS face
à ces dispositions. D'une part, on dit que le grevé est
propriétaire des biens substitués. S'il en est
propriétaire, c'est donc que ça fait partie de son patrimoine
propre. D'autre part, on ajoute que ces biens forment, au sein de son
patrimoine personnel, un patrimoine distinct. On a énormément de
difficulté à percevoir qu'il puisse y avoir un patrimoine
distinct au sein du patrimoine personnel. On voit mal l'effet de cette
règle et comment elle doit être comprise en tant que telle. On
suggère donc que cet article soit reformulé de façon
à faire disparaître cette contradiction.
Concernant l'article 1262 qui prévoit que dans tous les cas, les
droits de l'acquéreur, du créancier ou du locataire ne sont pas
affectés par les droits de l'appelé à l'ouverture de la
substitution, mon commentaire, à cet égard, se limite à
dire que, dans la mesure où la substitution doit être
conservée dans notre droit, c'est une mesure qui est vraiment de nature
à moderniser le droit relatif à la substitution sur la
question.
Concernant la fiducie, dans le chapitre concernant certains patrimoines
d'affectation, mon premier commentaire porte sur la distinction entre les
espèces de fiducie. Il y a désormais trois types de fiducie qui
sont créés. On ne doute pas de la nécessité d'avoir
à créer différents types de fiducie. On pense que c'est
nécessaire, parce que les fiducies sont utilisées à
diverses fins qui parfois n'ont rien à voir les unes avec les autres.
Donc il est important qu'on pense avoir des règles spécifiques
applicables à certains types de fiducie en particulier. Là
où on a certaines appréhensions, c'est qu'il va peut-être
devenir extrêmement difficile de déterminer à quel type de
fiducie on peut avoir affaire dans certains cas particuliers.
Si on se replace dans un contexte pratique où une fiducie a
déjà été créée - par exemple, on a
à régler une succession, il y a une fiducie qui est crée
par un testament, on a à déterminer de quel type de fiducie il
s'agit - en vertu des règles qui existent actuellement, il nous semble
qu'il pourrait être extrêmement difficile de déterminer s'il
s'agit d'une fiducie d'utilité privée ou d'une fiducie
personnelle. Il me semble que les règles ne sont pas faciles, ne nous
aident pas tellement à trancher de quel genre de fiducie il s'agit dans
ces cas-là.
En conséquence, on recommanderait que soient
précisés les éléments permettant de distinguer la
fiducie personnelle et la fiducie d'utilité privée. Par exemple,
est-ce que le mode de constitution de la fiducie doit être
déterminant? Certaines fiducies peuvent être créées
à titre gratuit seulement; d'autres fiducies peuvent être
créées à titre onéreux. Donc, est-ce que le mode de
création sera déterminant ou, à l'inverse, est-ce que les
tribunaux vont pouvoir venir dire qu'une fiducie n'est pas valablement
créée parce qu'on détermine que c'est une fiducie
personnelle et qu'elle n'a pas été créée à
titre gratuit? C'est le problème qu'on désirait soulever à
cet égard. (20 h 45)
Ensuite, concernant le premier alinéa de l'article 1298, qui
exige que la fiducie personnelle soit constituée à titre gratuit,
actuellement, la grande majorité des fiducies qui sont
créées le sont, probablement, comme mécanisme
utilisé dans les planifications fiscales. C'est un mécanisme
souple qui est largement utilisé.
Le droit actuel nous oblige à recourir à des
procédés qui pourraient, sans doute, être jugés
inutiles, en ce sens que le droit actuel exige, pour pouvoir créer une
fiducie, qu'elle le soit par testament ou par donation. Lorsque l'on parle de
fiducie entre vifs, évidemment, on réfère à des
donations. Par contre, simplement pour créer une fiducie, en pratique,
le justiciable va simplement faire un don d'une somme nominale de 100 $, par
exemple, simplement pour que, légalement, la fiducie soit
créée. Si ce n'était pas de cette règle qui existe
dans le Code civil, il est clair que le justiciable n'aurait pas, dans ces cas,
fait un don de 100 $, qui est inutile en tant que tel; il sert simplement
à créer la fiducie parce que le Code civil l'exige,
actuellement.
Or, le projet de loi reprend cette règle à l'égard
des fiducies personnelles, en précisant que ces fiducies ne peuvent
être créées que par donation ou par testament. On pense
que, pour se conformer à la pratique actuelle du droit, cette exigence
est peut-être superflue, ne correspond pas à la pratique, en
fait.
Concernant la détermination du bénéficiaire de la
fiducie personnelle, c'est-
à-dire la règle énoncée au deuxième
alinéa de l'article 1298, en ce sens qu'il est suffisant, pour que la
fiducie soit valable, que les bénéficiaires soient
déterminables en raison de son appartenance à un groupe de
personnes liées entre elles par la parenté ou l'alliance, ce que
l'on pense, c'est qu'il serait suffisant, pour la sécurité
juridique des parties en cause, que le bénéficiaire soit
déterminable au moment opportun et qu'il ne serait pas
nécessaire, en fait, qu'il soit déterminable en raison de son
appartenance à un groupe de personnes liées entre elles par la
parenté ou l'alliance. Il nous semble que, à partir du moment
où la personne est déterminable, que le
bénéficiaire est déterminable, n'est pas nécessaire
de recourir à des liens de parenté ou d'alliance qui ne font que
restreindre inutilement l'utilisation de la fiducie.
Finalement, concernant les contrats qui peuvent intervenir entre la
fiducie et le constituant fiduciaire, donc le cas où une personne
constitue une fiducie et se nomme fiduciaire en vertu de l'acte de fiducie,
cela concerne deux dispositions: Les articles 1306 et 1347 du projet de
loi.
L'article 1306, qui permet au constituant d'être fiduciaire, pour
autant qu'il agit conjointement avec un fiduciaire qui n'est ni
bénéficiaire, ni constituant. La deuxième règle
concerne l'article 1347, la restriction relative au fiduciaire qui est
constituant, à savoir qu'il ne peut contracter pour son compte à
l'égard des biens administrés, à moins d'être
autorisé par le bénéficiaire ou le tribunal. On pense
encore une fois que, vu la pratique actuelle et l'utilisation actuelle des
fiducies, cela viendrait restreindre, en fait, le droit actuel relatif aux
fiducies. Cela empêcherait un constituant d'être seul
bénéficiaire d'une fiducie, qui est un mécanisme largement
utilisé actuellement dans des contextes fiscaux. La raison de nos
commentaires à cet égard n'est pas fiscale. Quand même,
dans plusieurs cas, on aimerait - c'est le cas, présentement, en
pratique - que le constituant puisse être le seul
bénéficiaire d'une fiducie. En termes pratiques, c'est ce qui
conviendrait aux parties en cause, s'il pouvait être seul fiduciaire
d'une fiducie.
Le même commentaire peut être fait à l'égard
de la restriction concernant les contrats qui peuvent exister entre un
fiduciaire et lui pris personnellement. Encore une fois, en pratique,
actuellement, il est fréquent que des contrats interviennent entre le
fiduciaire pris en tant que fiduciaire et le fiduciaire pour son propre compte.
Alors, cela viendrait restreindre l'utilisation des fiducies sans que ce soit
nécessaire, finalement, pour la sécurité juridique des
parties.
Finalement, l'article 1323 concerne la responsabilité du
fiduciaire: "Le fiduciaire qui participe avec le constituant ou le
bénéficiaire à des actes qui ont pour effet de frauder les
créanciers du constituant ou du patrimoine fiduciaire en est
solidairement responsable avec eux."
Cette règle nous semble peut-être de responsabilité
un peu trop stricte. On suggère de faire référence
à une intention du fiduciaire de frauder avec le constituant ou,
à tout le moins, que le fiduciaire ait eu connaissance du fait qu'une
fraude était commise à l'égard des créanciers.
Cela complète le commentaire que j'avais à exprimer.
M. Rainville: Me Maurice Roy.
M. Roy (Maurice): Quelques commentaires sur la partie du projet
de loi 58 qui traite de l'administration du bien d'autrui. Avant tout, si on
revient un peu en arrière, lors de la présentation du projet de
loi 106, on stipulait que l'administrateur de la personne morale avait la
pleine administration et on devait s'en référer aux règles
de l'administration du bien d'autrui.
Il est à se demander quelle est la pertinence de faire appliquer
toutes ces règles à l'administrateur de la personne morale
étant donné que l'ensemble des règles du chapitre
septième risque de ne pas s'appliquer adéquatement à
l'administrateur de la personne morale.
Citons quelques exemples. L'article 1340 stipule que la pleine
administration oblige l'administrateur à conserver et à faire
fructifier le capital, alors que l'administrateur de la personne morale n'a, en
quelque sorte, que l'administration comme telle du
bénéficiaire.
L'article 1347. L'administrateur ne peut être partie à un
contrat avec la société. Que penser alors de l'administrateur
seul et unique de sa compagnie qui transige avec sa compagnie par prêt,
par exemple?
L'article 1350. L'administrateur ne peut faire que des donations
modiques. On pourrait facilement voir le cas où un administrateur de la
personne morale qui, pour promouvoir une activité quelconque, une
activité qui risque d'augmenter ses affaires, est obligé de faire
une certaine donation et risque de se voir bloqué par l'article
1350.
L'article 1358, le fait de faire inventaire. Ne serait-il pas un peu
illogique que la simple demande d'un actionnaire, par exemple, oblige
l'administrateur à faire l'inventaire de ses affaires?
L'article 1363, la question de la responsabilité solidaire entre
les administrateurs. L'administrateur, par conséquent, encourrait une
responsabilité a l'égard des actes des autres
administrateurs.
L'article 1380. L'administrateur doit rendre compte de sa gestion et
tous les membres peuvent y avoir un droit de regard,
alors que dans le fond seul le bilan peut être
dévoilé aux actionnaires. Que penser alors de l'actionnaire qui
demanderait à dévoiler les comptes de l'administrateur?
En somme, il s'agit d'une série d'articles qui risquent de rendre
l'administration d'une personne morale beaucoup plus lourde qu'elle ne l'est
actuellement. Il est à se demander si ces règles ne seraient pas
plus applicables, à titre supplétif, si le droit corporatif
actuel devrait supplanter ces règles que l'on propose au titre de
l'administration du bien d'autrui.
Autre commentaire. L'article 1353 stipule que le
bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire répond envers les
tiers du préjudice causé par la faute de l'administrateur. Il est
à se demander si le bénéficiaire doit assumer
personnellement et en totalité les fautes de l'administrateur. L'AQPFS
se demande si le bénéficiaire ne devrait pas être
limité dans sa responsabilité envers l'administrateur, d'autant
plus que selon la doctrine actuelle, on peut facilement comparer le
bénéficiaire d'une fiducie à l'actionnaire d'une
compagnie, alors que l'actionnaire d'une compagnie n'est pas responsable
personnellement.
Autre commentaire. L'article 1358 exige que l'administrateur dresse un
inventaire des meubles et un état des immeubles, souscrive une assurance
couvrant sa responsabilité ou fournisse une autre garantie, si le
tribunal l'ordonne.
Nous nous demandons si l'article en question ne devrait pas être
supplétif, en ce sens que la liberté du testateur ne pourrait pas
libérer l'inventaire et fournir une caution.
Troisième commentaire. L'article 1368 donne une série de
placements présumés sûrs. Nous nous demandons si le premier
alinéa, concernant les immeubles corporels situés au
Québec, ne devrait pas être joint aux cinquième et
septième. D'une part, le premier alinéa nous dit que les
immeubles corporels situés au Québec sont des placements
sûrs. D'autre part, aux cinquième et septième
alinéas, on stipule, entre autres, que les obligations ou autres titres
d'emprunt émis par une personne morale constituée au Canada,
s'ils sont garantis par un immeuble corporel, sont présumés
sûrs. Il s'agit alors du cas de leur compagnie qui est constituée
en dehors du Québec mais qui donne en garantie certaines
hypothèques.
Sept. Les créances garanties par les immeubles corporels
situés au Canada. Il s'agit de se demander s'il ne serait pas
préférable de parler des immeubles corporels situés au
Canada au premier alinéa.
Autre commentaire. L'article 1370 stipule que l'administrateur peut
déposer des sommes d'argent dont il est saisi dans une banque, une
caisse d'épargne, une société de fiducie si le
dépôt est remboursable à vue ou sur un avis d'au plus 30
jours. On semble exclure tous les placements ou tous les certificats des
dépôts garantis qui, eux, peuvent être aussi sûrs que
les genres de placements ici décrits.
Nous nous demandons si les placements qui sont garantis par
l'assurance-dépôts du Québec ou du Canada ne pourraient pas
rentrer dans l'article 1370 même si le terme est d'au plus de 30
jours.
Quelques commentaires sur la répartition des
bénéfices et des dépenses. Article 1374 et suivants. Il
s'agit d'une série de règlements qu'on a condifiés et qui,
à notre point de vue, semblent un peu alourdir le principe que,
actuellement, l'équité prédomine en matière de
répartition des bénéfices et des dépenses entre les
bénéficiaires, la rémunération, les impôts,
les frais acquittés, pour protéger les droits des
bénéficiaires. Il est à se demander s'il est utile de
détailler à ce point tous ces points de vue, alors qu'en
pratique, l'équité et les principes comptables
généralement reconnus font déjà une bonne
répartition entre les bénéficiaires de ces mêmes
dépenses que j'ai mentionnées tantôt. Il peut même y
avoir certaines contradictions. Par exemple, si on parle de la
rémunération, l'article 1375.1 stipule que "la moitié de
la rémunération de l'administrateur et des dépenses
raisonnables qu'il a faites dans l'administration conjointes du capital et des
fruits et revenus;". On y dit: la moitié de la
rémunération, alors qu'en pratique, dans le cas des
sociétés de fiducie, une partie de la rémunération
est prélevée à même le capital, et l'autre partie
est prélevée sur les revenus de la fiducie. À ce
moment-là, il pourrait y avoir une distorsion entre la règle que
l'on suggère ici et le compte que l'administrateur successoral ou le
fiduciaire pourrait présenter à la fiducie. (21 heures)
Au deuxième alinéa: "les impôts payables sur les
biens administrés;". Si on parle des taxes foncières ici, il y
aurait peut-être lieu de le préciser. Encore là, dans
certains cas, si c'est de principe de porter les taxes foncières contre
le revenu, il peut arriver parfois de les passer contre le capital, par
exemple, le cas d'un bien qui ne rapporte pas de revenus, un terrain vacant. Il
est à se demander si l'équité n'exigerait pas plutôt
que les taxes foncières soient portées contre le capital. Tout
cela pour dire une chose, c'est que la précision de ces règles-ci
peut apporter une certaine complication dans l'administration fiduciaire alors
que le principe de l'équité, les principes généraux
et les principes comptables généralement reconnus suffisent
déjà amplement pour bien répartir ces dépenses.
Enfin, une dernière remarque, la première partie de
l'article 1384 stipule que l'administrateur qui fait faillite entraîne
automatiquement la fin de la fiducie. La
deuxième partie stipule que les fonctions d'administrateur
prennent aussi fin par la faillite du bénéficiaire ou l'ouverture
à son égard d'un régime de protection. Il faut croire que
la faillite de l'un seul entraîne la cessation de la fonction
d'administrateur pour tous les bénéficiaires. Il est à se
demander si les autres bénéficiaires ne pourraient pas en subir
un préjudice. Même si l'article prend une certaine forme, est-ce
que le fait de faire cesser automatiquement les fonctions de l'administrateur
est louable en soi lorsqu'un bénéficiaire fait faillite, alors
que les biens peuvent continuer à être gérés par le
fiduciaire ou l'administrateur pour le bénéfice des
créanciers?
Cela résume les quelques points relatifs à
l'administration du bien d'autrui. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. Rainville et vos collègues,
d'abord, je dois vous dire combien nous sommes impressionnés par la
qualité de votre mémoire qui met en évidence la
qualité de l'expertise dont vous disposez sur une base
bénévole dans votre association. C'est d'autant plus
méritoire. Compte tenu du temps dont nous disposons, je vous dirai que
votre mémoire a déjà commencé à faire
l'objet d'une analyse très détaillée par nos
équipes au ministère. Déjà, je peux vous dire
d'emblée qu'on va retenir certains de vos commentaires qui touchent
certaines décisions qui, même si ce n'est pas encore
parachevé, seront intégrées au moment de la
rédaction du projet de loi.
Je ne veux pas reprendre l'ensemble parce qu'il faudrait encore 45
minutes. J'aimerais vous entendre commenter un peu plus sur le chapitre des
administrateurs qui fait l'objet d'un certain nombre de préoccupations
au Barreau, également, à la Chambre des notaires et ailleurs.
Nous le voyons comme des dispositions de droit supplétif. Est-ce que je
dois comprendre que, pour vous, il n'est pas évident que cela soit
supplétif et que cela vous inquiète? Même si on vous dit
que cela est supplétif, cela vous ennuie quand même.
M. Roy: C'est qu'il y a déjà amplement de doctrines
et de positions prises en vertu du droit corporatif que, maintenant, on veut
dans un Code civil essayer de codifier des notions commerciales. Il est
à se demander si l'idée de codifier des notions commerciales dans
un Code civil est louable. Je crois comprendre qu'en France, on a un Code
commercial, différent du Code civil. Cherche-t-on ici, au Québec,
à faire, dans un seul code, deux codes qu'on peut retrouver en France?
Je veux bien croire que la comparaison n'est peut-être pas
adéquate mais... Le point de vue qu'on entend soumettre est que,
même si cela est supplétif, il faudrait que ce soit
réellement supplétif et que certaines dispositions... Que ce soit
bien compris que le droit commercial devrait avoir préséance sur
les notions du Code civil.
M. Johnson (Anjou): Voici quelque chose qui relève un peu
de la même nature dans l'exposé que vous avez fait, M. Roy,
notamment sur la répartition des bénéfices et des
dépenses, articles 1374 et suivants. Si l'article 1375 et suivants
disaient: "Sont débités aux revenus les primes d'assurances,
etc.". Il y a une petite histoire législative derrière d'ailleurs
ce projet de loi qui serait sûrement intéressante
éventuellement pour les exégètes, mais si la notion de
généralement était retenue, est-ce que cela vous
satisferait?
M. Roy: Écoutez. En pratique, c'est l'équité
qui fonctionne. En pratique, on analyse une dépense, alors quoi, on la
porte contre le revenu ou bien contre le capital. Si un pépin surgit,
c'est-à-dire si une difficulté survient, il s'agit de porter un
jugement, une réflexion quelconque et de décider, une fois pour
toutes, que la dépense en question est imputable contre le revenu ou
contre le capital. Si vous dites que certaines dépenses sont
portées généralement contre le revenu, il faut croire
qu'il y aura d'autres sortes de dépenses qui ne seront pas
nécessairement portées contre le revenu. Chose certaine, c'est
qu'en donnant des exemples ici, on ne pourra jamais tout couvrir, on ne pourra
jamais couvrir toutes les situations. Il s'agirait alors peut être de
faire un article assez général, assez large pour établir
un principe voulant que contre le revenu, on devrait passer des dépenses
qui sont de nature revenu et contre le capital des dépenses qui sont de
nature capital. Un point, c'est tout. De sorte, que le moindre fait de donner
un exemple, le problème qu'on peut avoir, c'est que d'autres exemples
vont surgir qui ne seront nécessairement pas ici, ni le problème
que l'on pourrait retrouver. Est-ce que cela éclaire?
M. Johnson (Anjou): Je pensais que j'avais un oui ou un non,
mais..
M. Roy: Actuellement, il n'y a pas de ces règles, et cela
fonctionne bien.
M. Johnson (Anjou): Vous avez une approche plus conservatrice
à l'égard de l'introduction de ces dispositions, mais de toute
évidence, cela semble ébranler aussi d'autres groupes.
M. Roy: Prenez tantôt l'exemple de la
rémunération. Comment expliquer que la moitié de la
rémunération est portée contre
le revenu, alors qu'en pratique, ce n'est pas nécessairement une
moitié qui est portée contre le revenu? Dans certains cas, cela
peut être tout, dans d'autres cas, rien du tout. Si cela est d'ordre
supplétif, encore là, est-ce que cela veut dire que je reprends
mon exemple que j'ai dit tantôt, le bénéficiaire en revenu
de terrain vacant qui ne rapporte pas de revenu, et le
bénéficiaire du capital qui attend l'ouverture de son droit vingt
ans ou dix ans plus tard, peu importe, le compte d'administrateur doit-il
être porté contre le bénéficiaire du revenu qui ne
reçoit aucun revenu pour une moitié, cela peut sembler
illogique?
M. Johnson (Anjou): Me Martel, Me Lacroix, votre plaidoyer pour
l'abolition de la substitution était, si je me souviens, une question
d'examen du Barreau l'année où je l'ai passé. J'ai un
souvenir assez précis sur la substitution. Il y a quand même une
distinction, peut-être me direz-vous qu'elle est théorique, mais
il reste néanmoins que dans le cas de la fiducie, le fiduciaire est
administrateur, il n'est pas propriétaire, alors que le grevé de
substitution est propriétaire, il peut même disposer des biens,
les remettre en état au moment où il doit transmettre, ou encore
faire l'équivalent. Alors que la fiducie est de l'ordre de la gestion et
de l'administration, qu'elle n'est pas nécessairement reliée. Par
exemple, un objectif de conservation partielle d'un patrimoine familial. Quand
je dis "conservation partielle en substitution", on peut avoir des objectifs
pour faire en sorte qu'une ou deux générations conservent et
disposent à leur gré d'un bien considéré comme
valorisé dans la lignée familiale, alors que si on l'envoie en
fiducie, ce n'est pas du tout de même nature. Il me semble qu'il y a
quand même une distinction fondamentale. Je voudrais peut-être vous
entendre en parler un peu plus.
M. Lacroix: Notre commentaire est uniquement basé,
finalement, non pas sur les distinctions inhérentes qui peuvent
être propres à chacun des systèmes, la fiducie ou la
substitution, mais sur les objectifs qui peuvent être visés par un
justiciable quelconque lorsqu'il utilise un système comme
celui-là. Donc, on parle des objectifs qu'il a à atteindre.
Qu'est-ce qu'il a à atteindre? Il veut que telle personne utilise les
biens pendant une certaine période de temps et que ces biens-là
aillent à une autre personne après une certaine période de
temps, soient remis à cette personne, tout cela avec des
modalités qu'il peut vouloir prévoir. Donc, il nous semble que le
droit des fiducies est suffisamment souple pour finalement permettre de faire
tout ce que la substitution tente de faire.
Enfin, il y a une remarque qu'on s'est faite comme cela quand on
discutait du projet de loi. On s'est demandé, peut-être un peu
à la légère: Qu'est-ce que la substitution peut faire que
la fiducie ne peut pas faire au niveau d'atteindre les objectifs précis
pour une personne, pour un justiciable donné? Si on parle de ces
objectifs, dans quelle situation ne pourrait-il pas atteindre ses objectifs
s'il utilise la fiducie et qu'il pourrait atteindre s'il utilisait la
substitution en lieu et place? Donc, c'est en partant des objectifs qu'on en
est arrivé à ce commentaire.
M. Martel (Luc): On est conscient que les deux notions de droit
civil sont différentes, mais justement, la fiducie peut effectivement
répondre à la majorité des objectifs qu'un testateur ou un
donateur voudrait atteindre en substitution et pour les quelques rares cas
où la substitution apporterait un élément qu'on ne
pourrait pas atteindre avec la fiducie, il suffirait peut-être seulement
de quelques petites améliorations à la fiducie pour combler ce
vide. À ce moment-là, on pourrait tout simplement simplifier le
code en ne prévoyant qu'un mode de fiducie. Évidemment, c'est une
notion... C'est un peu peut-être... Comment pourrais-je dire?
M. Lacroix: ...à voir disparaître cette institution.
Même les dinosaures meurent.
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est cela.
M. Martel (Luc): C'est un commentaire plus terre à terre,
basé sur la pratique. La substitution, on la retrouve dans un document
tout imprimé. Personne ne va conseiller la substitution, mais la
personne qui rédige sentimentalement son testament, elle va
tenter...
M. Johnson (Anjou): ...sans le savoir.
M. Martel (Luc): Exactement, d'où les
problèmes.
M. Johnson (Anjou): Oui. C'était cela, la question
à l'examen du Barreau...
M. Rainville: II ne passe rien encore.
M. Martel (Luc): Quand on rencontre la substitution, c'est
toujours parce qu'il y a eu une erreur quelque part.
M. Johnson (Anjou): Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous trouve très
durs aujourd'hui.
M. Johnson (Anjou): Rapidement, je pense que c'est Me
Chénard qui s'inquiétait de la notion d'habitation qui
disparaissait -
ou Me Martel, je ne sais plus - à l'usage.
M. Martel (Luc): Oui, c'est moi qui l'ai mentionné.
M. Johnson (Anjou): Oui?
M. Martel (Luc): Dans l'Office de révision du Code civil,
on maintenait quand même la terminologie "droit d'habitation" et "droit
d'habitation", c'est un terme qu'on retrouve souvent quand on fait des
testatements. Cela dit quelque chose au testateur. Il dit: Je voudrais que mon
épouse puisse rester dans la maison, mais que la maison, finalement,
puisse aller à mes enfants, des choses comme cela. C'est un terme
imagé qui signifie quelque chose tout de suite dans l'esprit du
testateur. On n'a plus besoin d'expliquer plus longuement. Sinon, j'ai bien
l'impression qu'on pourrait quand même l'utiliser dans le testament,
parler de droit d'habitation, mais il faudra expliquer que c'est un droit
d'usage à un immeuble. C'est juste dommage de perdre une terminologie
qui était utilisée couramment et connue.
M. Johnson (Anjou): Ce recours à une espèce de
vocabulaire de gros bon sens, finalement - et je dirais presque d'usage -c'est
probablement le même type de préoccupation qui nous a
amenés à conserver la confusion au sujet des choses et des
droits, si vous nous voyez. (21 h 15)
M. Martel (Luc): Oui. Si vous voulez un autre exemple - je
voulais le mentionner dans le rapport, mais personne d'autre n'a voulu le faire
- on parle de trésor qu'on découvre et on parle de l'inventeur
d'un trésor. Pour tout le monde qui a lu cela, il a fallu fouiller dans
le dictionnaire pour trouver l'inventeur d'un trésor.
Effectivement, le mot "inventeur" signifie quelqu'un qui trouve quelque
chose. Mais, en terminologie courante, il n'y a personne qui va comprendre au
Québec. Cela va prendre une nouvelle éducation. Il va falloir
s'habituer à des nouveaux termes. C'est comme faire disparaître le
terme "compagnie" qui est encore un terme tellement utilisé et qui va
toujours l'être, de toute façon.
M. Johnson (Anjou): Messieurs, je ne veux pas prendre plus de
votre temps et du temps de mes collègues non plus qui ont sûrement
un certain nombre de questions. Je veux simplement vous rassurer quant à
la FAQ, qu'on va faire le tour de la bonne cinquantaine de points que vous avez
soulevés avec précision.
Le Président (M. Vaugeois): Article 1368, M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
Le Président (M. Vaugeois): Article 1368.
M. Johnson (Anjou): Ah oui! Je vous avais fait signe que je
parlerais un peu de l'article 1368. Effectivement, cela peut paraître
étonnant - je n'attendrai pas les qualificatifs de nos amis d'en face -
que l'on considère comme sûrs des placements faits sur des
immeubles corporels situés au Québec et qu'au paragraphe 5, on
évoque les obligations ou les titres d'emprunts émis par une
personne morale constituée au Canada, s'ils sont garantis par un
privilège ou une hypothèque sur les immeubles corporels.
D'abord, c'est l'état actuel du droit que l'on reconduit comme
notion. Deuxièmement, à partir d'une sorte - je ne dirais pas de
présomption - d'appréhension de la réalité qu'il
est plus simple de vérifier la qualité qui permet la
présomption de placements sûrs quand il s'agit d'un immeuble
situé sur le territoire du Québec que situé au Canada, par
exemple, si c'est Moose Jaw ou Kamloops, alors que l'obligation ou le titre
d'emprunt qui serait garanti sur un bien situé à
l'extérieur, c'est une chose matériellement plus facile à
vérifier. C'est un peu la présomption qu'il y a derrière
cette approche de l'article 1368 qui, d'ailleurs, pour l'essentiel, est une
présomption.
M. Roy: Pour répondre à cet argument, que penser
alors des frontaliers? Ceux qui demeurent dans la région de Hull, par
exemple, et qui peuvent...
M. Johnson (Anjou): Oui. Alors, vraiment, voulez-vous qu'on fasse
dans le
Code civil des aires de réglementation comme dans le
règlement de placement dans la construction?
M. Roy: Non, non.
M. Johnson (Anjou): Non, non. Je comprends que, dans le cas des
frontaliers, la question se pose mais c'est toujours la même chose. Quand
on a affaire à un territoire qui a une frontière, une limite ou
une forme de limite territoriale, pour nous, le territoire sur lequel on
légifère avec le Code civil est le Québec. Avec ce qu'on
lui connaît de frontières, tout aléatoires qu'elles soient,
on tient pour acquis qu'une majorité de citoyens ne vit pas dans des
situations de frontières.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, est-ce que je
peux vous demander comment vous réagissez à la page 5 du
mémoire où on fait référence au droit de
propriété intellectuelle et industrielle...
M. Johnson (Anjou): Ah oui!
Le Président (M. Vaugeois): ...en disant que notre projet
de loi ne fait aucune référence à certains paiements de
type particulier, etc. Est-ce que cela vous... Non pas la
propriété intellectuelle car la propriété, c'est
québécois.
M. Johnson (Anjou): Je dois vous rassurer, M. le
Président. Connaissant ce troisième volet de vos
préoccupations...
Le Président (M. Vaugeois): Ah! Ah! Franchement!
M. Johnson (Anjou): ...en plus de l'urbanisme et du régime
parlementaire, nous avons un groupe qui regarde ces questions. Nous les
abordons avec une attitude très favorable de pouvoir introduire des
distinctions précises et un régime, finalement, qui permette de
faire progresser cette notion de la propriété intellectuelle pour
laquelle on doit se fier pour l'essentiel à notre droit, à la
jurisprudence.
Nous espérons pouvoir produire un certain nombre de choses
codifiées.
Le Président (M. Vaugeois): M. Leduc, je crois.
M. Leduc (Saint-Laurent): Messieurs, au nom des
députés de ce côté-ci de la table, je voudrais vous
remercier pour l'excellent travail que vous avez accompli et pour l'excellent
mémoire que vous nous avez présenté.
Si on regarde le chapitre de la copropriété par
indivision, je suis d'accord qu'il fallait moderniser, qu'il fallait apporter
des règles beaucoup plus souples de façon que l'indivision, la
copropriété par indivision puisse effectivement être
adoptée par les Québécois. Il fallait sûrement
apporter des règles plus souples.
D'après vous, était-il nécessaire qu'on introduise
la fameuse règle, la formule de préemption? N'y aurait-il pas eu
lieu plutôt de laisser aller le droit et qu'on utilise les principes
généraux du droit de propriété? Il fallait
peut-être, bien sûr, insérer l'article 1060 à l'effet
qu'il fallait procéder à l'unanimité si on voulait
disposer du bien, mais en ce qui concerne les autres droits, ne pensez-vous pas
qu'il y aurait eu lieu qu'on laisse appliquer les autres règles du Code
civil?
Pourquoi imposer la règle de la préemption qui, en fait,
est une forme d'expropriation ou de droit à une coercition? On doit se
soumettre à la préemption qui est une formule très
complexe, qui peut demander beaucoup de temps et qui ne nous laisse pas libre
de disposer de notre bien comme on peut l'entendre. Il pourrait y avoir des
négociations et cela pourrait être très long. On devrait
peut-être soumettre l'offre et si l'offre n'est pas acceptée, cela
voudrait dire qu'on devrait la soumettre une deuxième fois et
peut-être une troisième fois, enfin, avec tous les délais
que peuvent occasionner les négociations lors d'une vente et qui me
semblent brimer les droits de propriété.
C'est ma question. Si on veut que la copropriété soit
efficace, la copropriété indivise, et souple, est-ce qu'on ne
pourrait pas laisser jouer les principes normaux du droit?
M. Chénard: Certainement, on doit donner
préséance à la volonté des parties. Si les gens ont
précisé dans leur contrat la façon dont ils voulaient que
cela fonctionne, cela devrait primer parce qu'il n'est pas possible
d'établir des règles qui vont chapeauter tous les genres de
propriété, tous les genres de situation. En pratique, la
copropriété par indivision s'est développée dans le
domaine résidentiel parce que, dans le moment, il n'est pas possible de
transformer un immeuble locatif en condominium, parce que cela prend des
règlements de la régie. Alors, les gens ont commencé
à le faire; malheureusement, cela se fait bien souvent sans trop de
préparation.
Il y a des gens qui reçoivent des actes et qui n'ont
peut-être pas fait toute la recherche nécessaire. Les gens
s'embarquent dans l'indivision sans règle et là, la chicane prend
et ils ne savent pas trop où ils vont. Cela est certainement utile
à titre supplétif, si les gens n'ont pas pensé de le dire,
mais il serait préférable, si les gens ont dit qu'ils en
voulaient ou qu'ils n'en voulaient pas ou qu'ils aient pris d'autres
dispositions, que ce soit les dispositions stipulées qui aient
préséance. Pour les gens qui n'ont carrément pas
pensé à cela, au moins, il y aura une règle minimale.
Par ailleurs, il est certain que le droit de préemption, lui,
peut causer des problèmes sur la sécurité des titres.
C'est-à-dire que si quelqu'un veut me vendre une
propriété, je vais vérifier son titre de
propriété, le droit de préemption, etc., et ce sera
difficile de vérifier. Ce n'est peut-être pas une si bonne
idée que cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis d'accord pour dire que comme
droit supplétif, peut-être qu'on pourrait retenir la
préemption. Mais êtes-vous satisfait de la formulation ou du
mécanisme établi par le chapitre de la préemption tel
qu'il est rédigé? Justement, ce matin, je pense que c'est la
Chambre des notaires qui a soulevé le problème de la personne qui
voulait vendre sa propriété et qui devait soumettre d'abord
l'offre... ou enfin, même pas l'offre. Je pense qu'elle devait soumettre
sa demande, la demande du propriétaire, même
pas l'offre de l'aquéreur. Si c'était l'offre du
promettant-acquéreur, peut-être que je verrais cela assez bien,
mais il faudrait que cette personne soumette son offre, qu'elle dise: J'ai
décidé de vendre ma propriété et je demande 100 000
$. La personne qui reçoit l'offre peut dire non au bout de trente jours
et effectivement, le propriétaire ne peut pas obtenir les 100 000 $.
S'il réduit sa demande à 90 000 $, est-ce qu'il sera
obligé de resoumettre sa demande, attendre encore trente jours et, s'il
n'a pas encore trouvé un acheteur à 90 000 $, recommencer le
même manège?
J'ai l'impression que cela ne sera pas praticable du tout. C'est
très important parce que la copropriété indivise, c'est
quelque chose - les notaires le savent -qu'on vit quotidiennement. C'est une
chose qui est appelée à se développer beaucoup. On parle
beaucoup de propriété indivise, mais on parle également
actuellement de copropriété indivise particulièrement dans
certains secteurs de Montréal où cela se pratique
énormément.
Je suis bien d'accord pour qu'on aménage le mode, le
fonctionnement de la copropriété indivise, mais la
préemption, telle qu'elle est établie, ne me satisfait pas du
tout.
M. Chénard: C'est juste que cela alourdit beaucoup le
mécanisme, c'est vrai. Est-ce qu'il est souhaitable de le faire? Est-ce
uniquement des dispositions supplétives lorsque les gens disent: On va
s'accorder mutuellement un droit de préemption. Là, cela pourrait
devenir applicable, mais quand on l'impose, les désavantages sont
certainement là, comme vous le dites. On ne s'est pas prononcé
pour dire non absolument. La seule position sur laquelle on s'est vraiment
entendu, c'est de dire: On doit donner effet à la volonté des
parties d'abord. Si les gens disent: Non, il n'y en aura pas, ou il va y en
avoir selon telle et telle formule et tel délai, on va donner effet
à cela en premier lieu. Après cela, à titre
supplétif ou, comme vous le dites, peut-être simplement que cela
ne joue que lorsque les gens parlent d'un droit de préemption sans
donner de modalités.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr que si on fait une vente
postérieure, si on a examiné les titres postérieurement
à cette vente, c'est bien évident qu'on va exiger... Si c'est le
titulaire qui s'est porté acquéreur, cela ne créera pas de
problème, mais si ce n'est pas lui, je pense bien qu'on va demander sa
signature. Imaginez le problème d'aller chercher la signature, à
savoir est-ce que les formalités ont été remplies, est-ce
que les avis ont été donnés, est-ce que les 30 jours ont
été respectés? À mon sens, c'est une formule qui
n'est pas viable.
Si on regarde... Oui.
M. Johnson (Anjou): Si vous me permettez, sur le droit de
préemption, conformément aux décisions qu'on avait prises
ce matin, sur le mode de fonctionnement. Rapidement, les articles 1238 et
suivants, c'est du droit supplétif. Par ailleurs, le seul endroit qu'on
retrouve dans le chapitre des biens qui implique la création d'un droit
de préemption, c'est l'article 1055 à l'égard des
indivisaires. Il y a cependant deux choses qu'il faut retenir de cela, c'est
que l'article 1055 n'empêche pas que la convention entre indivisaires
à l'égard de la préemption prévoit des
modalités que les parties voudront bien retenir. Deuxièmement, je
le dis sous réserve, si on en était à l'étude
article par article, je serais plus catégorique, l'article 1055 n'est
pas d'ordre public et, n'étant pas d'ordre public, il se peut fort bien
qu'un individu renonce à son droit de préemption ab initio. Donc,
les règles auxquelles veut se référer le
député, de fonctionnement normal, habituel, du commerce, de
liberté des personnes, du droit de propriété non
érodé et, finalement, de la liberté des personnes dans la
société, je pense qu'elles sont là. L'article 1055
n'étant pas d'ordre public, les gens peuvent renoncer à leur
droit de préemption. Deuxièmement, s'ils ne renoncent pas, ils
peuvent prévoir, par convention, comment ils vont l'exercer.
Troisièmement, s'ils ne l'ont pas prévu, le code, à
l'article 1238, prévoit comment cela pourrait s'appliquer.
Je pense que dans ce sens-là, cela forme un tout assez
cohérent et assez clair même si le chapitre de la
préemption est quelque chose de nouveau et constitue essentiellement une
codification de ce à quoi on a assisté dans la jurisprudence
depuis un certain nombre d'années.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je suis parfaitement d'accord, M. le
ministre, qu'on puisse, par contrat, stipuler la préemption. L'article
1238 dit: "Le droit de préemption est établi par contrat." Je
suis parfaitement d'accord. C'est dans le cas où il n'y a pas eu
d'entente ou de prévention au préalable, c'est bien
évident. Dans ce cas-là, je dis que le fonctionnement n'est pas
adéquat.
Il y aurait peut-être moyen d'établir un fonctionnement
possible, peut-être plus souple. Je pense qu'on peut peut-être
retenir le droit de préemption, mais tel qu'il est formulé, je
pense qu'il va être très difficile d'application. La Chambre des
notaires l'a évoqué ce matin et je l'ai évoqué
tantôt également.
Si on regarde l'article 1060...
Le Président (M. Vaugeois): Sur la même question, M.
Leduc, j'aimerais poser une question de profane, est-ce qu'un droit de
préemption
peut se transiger? Je suis en copropriété, et quelqu'un
est intéressé à avoir une préférence si
jamais cela se libère. Est-ce que je peux lui vendre mon droit de
préemption? (21 h 30)
M. Rainville: Je ne crois pas qu'on pourrait transiger sur un
pareil droit. C'est une opinion bien personnelle. Les motifs qui ont
prévalu lorsqu'on a concédé ce droit personnel, en
règle générale, ne sont pas stipulés dans le
contrat. Alors, je vends un immeuble et, peut-être parce que
sentimentalement j'y suis attaché, je ne veux pas que le profit soit'
trop grand, etc. Je ne crois pas que... malgré qu'on pourrait toujours
exercer le droit et revendre, après, la même
propriété.
Le Président (M. Vaugeois): C'est une règle
très répandue dans la copropriété indivise. Comme
les gens ne savent pas où ils s'en vont avec l'indivise et qui attendent
la divise, à peu près tout le monde met cette clause de
préemption et c'est formulé en dix lignes et, parfois, en dix
pages. J'ai vu les extrêmes dans un contrat qui existe actuellement.
J'imagine facilement que quelqu'un pourrait commencer à se porter
acquéreur de droit de préemption, si cela peut se transiger.
M. Chénard: À moins que cela soit stipulé
comme tel, je pense qu'essentiellement on s'accorde un droit de
préemption, parce qu'on veut que ce soit des gens qu'on connaît
qui continuent à habiter ou, en tout cas, à être
copropriétaires. On ne veut pas se ramasser avec Dieu sait qui qui va
mettre le trouble. C'est peut-être, par définition, un droit qui
est accordé à une personne, parce que c'est cette personne.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, c'est toujours cela au
départ, mais, tout à coup, au moment où le droit est
exercé, on se rend compte que c'est un tiers qui l'exerce.
M. Chénard: C'est une question d'interprétation,
c'est certain. Je peux acheter votre part et, après, revendre. Je suis
assujetti à un nouveau droit de préemption.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, puis-je me permettre
de vous dire que votre question est tout à fait pertinente et que j'ai
tout de suite vu nos experts prendre beaucoup de notes en voyant les experts en
face de nous exprimer des opinions personnelles? Je pense que c'est une
question tout à fait pertinente. A priori, on pourrait penser que, comme
bien d'autres droits de cette nature, on pourrait le transiger dans la mesure
où il est relié dans le secteur immobilier à un droit
réel, sauf que la raison qui nous a amenés - on le sait - le
développement des condominiums, puisque c'est de cela qu'on parle sans
jamais le dire dans le code, c'est une réalité qui se
préoccupe du confort et de la volonté des individus dans le
contexte de l'acquisition immobilière. Ils veulent "choisir leurs
voisins" - entre guillemets - et au moment où ils décident
ensemble d'acquérir une propriété, particulièrement
dans les petites unités, sur la base des condominiums, ils veulent avoir
une espèce de choix de l'environnement humain dans lequel ils vont
vivre. On pourrait en déduire que l'objectif initial, c'est d'en faire
un droit personnel. Dans la mesure où c'est un droit personnel, il ne
devrait pas être transigé. C'est une excellente question et je
pense qu'on se sentirait obligé d'y répondre avant d'arriver
à l'étude article par article.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'en étais à l'article
1061, deuxième paragraphe, qui dit que le tribunal peut, à la
demande d'un indivisaire, désigner le gérant lorsque les
indivisaires ne se sont pas entendus sur la personne à nommer. Je me
demande pourquoi on n'a pas prévu que ce gérant pouvait
être nommé à la majorité. Pourquoi pas? Quelle est
votre réaction? Si on relit l'article 1060 qui dit que les
décisions relatives à l'administration du bien sont prises par la
majorité en valeur des indivisaires, pourquoi, puisqu'il s'agit encore
là d'administration par le gérant, les indivisaires ne
pourraient-ils pas nommer à la majorité le gérant sans
avoir nécessairement recours au tribunal?
M. Chénard: C'est une interprétation personnelle.
J'ai l'impression que le recours au tribunal va être utilisé
lorsque, par exemple, on a mis dans notre contrat que cela nous prenait la
majorité des deux tiers ou que cela prenait telle et telle
qualité de la personne. Si, pour une raison ou pour une autre, on ne
peut pas utiliser ce mécanisme, il n'y a qu'un choix: on va recourir au
tribunal. Ou encore, on est 50-50; on est 2, on a chacun un petit morceau. Je
veux que ce soit vous et vous voulez que ce soit moi. Cela nous prend un
arbitre. J'ai l'impression que l'article 1060, c'est une décision
relative à l'administration. Je nomme un gérant, je nomme un
concierge. La décision serait prise à l'unanimité. C'est
une interprétation personnelle.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ne pensez-vous pas que...
M. Johnson (Anjou): Oui, mais à l'article 1060, y a-t-il
quelque chose de plus administratif que de choisir un gérant? Donc,
l'article 1060 prévoit que ce sont des décisions prises par la
majorité.
M. Leduc (Saint-Laurent): Par la majorité, alors que
l'article 1061 dit le contraire.
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire que ce que l'article 1061
vient dire, je pense... Il faut lire l'article 1060: "Les décisions
relatives à l'administration du bien sont prises par la majorité
en valeur des indivisaires." En admettant qu'on arrive dans une situation de
"deadlock", 50-50, il faut bien dénouer l'impasse. Dénouer
l'impasse dans le cas du choix du gérant, c'est l'article 1061.
M. Leduc (Saint-Laurent): On ne dit pas cela. On dit "ne
s'entendent pas". Donc, s'il y en a un qui est dissident, à mon sens, il
n'est pas question de nommer le gérant. C'est très clair.
M. Johnson (Anjou): II faudrait peut-être
préciser.
M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.
M. Johnson (Anjou): Je pense que l'intention est claire.
M. Leduc (Saint-Laurent): À l'article 1066, on dit que les
indivisaires peuvent satisfaire au moyen d'une somme... Est-ce que vous
êtes d'accord avec ce principe? Encore là, c'est une
expropriation. On pourrait vous satisfaire en vous attribuant une somme
numéraire. Est-ce que cela vous semble une règle
équitable?
M. Chénard: Oui, c'est certainement
préférable que les gens prévoient eux-mêmes
d'avance. Mais, s'ils ne le font pas, c'est préférable que celui
qui n'est pas content s'en aille et qu'on lui accorde une part. Moi j'aime
mieux les parts numéraires que les parts en nature surtout que si c'est
un immeuble, c'est bien compliqué de fractionner. Cela peut être
coûteux surtout sur le plan pour faire les cadastres, etc. Le principe,
c'est de trouver une façon pour les gens de se séparer lorsqu'ils
ne s'entendent plus. Il y en a un qui n'est pas content, nous autres on veut
rester en indivision, alors, voilà ta part. En principe, cela
apparaît...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais revenir sur la
substitution. Vous en avez parlé. Évidemment, vous n'êtes
pas des gens tellement favorables à la substitution. Vous dites:
Peut-être qu'un autre régime, la fiducie ou l'usufruit peut
remplir le même rôle. Il y a tout de même une
différence énorme. C'est que quand on parle de substitution, on
sait qui est le propriétaire. En fait, c'est véritablement le
propriétaire. C'est toute la différence au monde. Alors que quand
vous avez l'usufruit, vous avez deux personnes qui vivent
d'intérêts complètement différents. On sait, grand
Dieu, dans la pratique, quels problèmes cela peut soulever. Les deux ont
des intérêts. Bien des fois, cela déclenche des
difficultés. Également, la fiducie, c'est la même chose;
alors qu'à mon sens, la substitution, c'est une formule très
souple surtout si on l'a avec les nouvelles règles, je ne vous cache pas
que cela me satisfait beaucoup. Vous dites que c'est peut-être
contradictoire. Quelqu'un a dit que c'était contradictoire. On dit que
le grevé est propriétaire. Dans l'ancien code, c'était la
même chose, mais avec toute la différence au monde, parce qu'il
fallait un curateur et la substitution était une formule très
complexe et très lourde.
Je suis parfaitement d'accord qu'il fallait moderniser. Je pense qu'avec
les modifications qui ont été apportées, cela me semble
assez satisfaisant. Vous vous occupez de planification successorale. Je pense
que vous connaissez également les problèmes qui sont
soulevés par l'usufruit avec les droits de succession.
Évidemment, il faut peut-être dire que la province de
Québec est la seule où il y a des droits de succession, mais on
doit vivre avec eux. Tant qu'ils sont là, il faut peut-être
préparer des testaments ou des dispositions qui peuvent permettre
à ceux qui décèdent de payer le moins de - ceux qui
héritent surtout - droits de successions possible. Est-ce que la
substitution ne règle pas ce problème?
M. Lacroix: C'est sûr que la substitution peut être
un moyen utilisé en certaines circonstances pour les fins fiscales et,
notamment, aux fins de droits successoraux. Par contre, on observe qu'elle peut
causer des problèmes importants au niveau de l'impôt sur le revenu
comme tel dans certaines circonstances, parce que dans toutes les institutions
qui sont propres au Code civil, il y a certains problèmes
d'interprétation ou d'harmonisation qui surviennent entre le droit civil
québécois et surtout les institutions constituant un
démembrement du droit de propriété et les lois fiscales.
Le commentaire général concernant la substitution, comme je l'ai
indiqué tantôt, se limitait au stade des objectifs qui peuvent
être visés par un justiciable en faisant, dans une certaine
mesure, abstraction des avantages fiscaux qui pourraient être
tirés par l'utilisation de la substitution.
Au niveau des objectifs, le commentaire, comme je le disais, qui valait
presque une question en soi, c'était: est-ce que la fiducie ne pourrait
pas - surtout si elle était corrigée au besoin - remplir le
rôle que remplit parfois, aujourd'hui, la substitution? Je dis bien
"parfois" parce que la substitution ne semble pas énormément
utilisée actuellement.
Une voix: Pour un commentaire.
M. Martel (Luc): Je ne me ferai peut-être pas aimer des
civilistes, mais à titre de fiscaliste, que ce soit l'usufruit ou la
substitution, on essaie d'éviter les deux comme la peste. Ils sont tous
les deux aussi complexes à régler au niveau fiscal, parce qu'il
n'y a pas encore de cohésion entre le régime civil et le
régime fiscal. Il y a des cas très rares où on va utiliser
l'usufruit ou la substitution, mais on les évite lorsqu'il s'agit de
biens immeubles, ou lorsqu'il s'agit de biens en immobilisation, de biens
amortissables, ou toutes sortes de biens de ce genre. On va plutôt
utiliser l'usufruit seulement pour de l'argent, ou à des fins de droits
successoraux, mais seulement avec de l'argent, encore une fois, et non pas avec
des biens d'immobilisation.
M. Leduc (Saint-Laurent): Quand il y a une seule personne
intéressée, un seul intérêt, de le grever,
évidemment quand les biens sont encore entre ses mains, qu'il n'y a pas
eu d'ouverture, ne pensez-vous pas qu'il y a un avantage dans ce cas en ce qui
concerne la substitution? Moi, je prétends que la substitution est un
mode qui, avec les modifications qui ont été apportées,
devrait avoir beaucoup de faveur auprès des juristes,
particulièrement auprès des notaires, quand il va falloir
rédiger des testaments. Je pense qu'aujourd'hui, cela devrait être
assez facile. C'est une formule qui maintenant va être très
souple.
M. Rainville: Les créanciers hypothécaires ne sont
peut-être pas aussi friands de l'institution.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je comprends, mais les règles du
jeu sont là.
Le Président (M. Vaugeois): Cela va, M. Leduc?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, cela va.
Le Président (M. Vaugeois): Cela va. Écoutez, on a
dit tout à l'heure de votre mémoire et de votre
présentation que c'était très intéressant. Le
ministre s'est dit très impressionné. Moi, je suis absolument
fasciné par votre mémoire et votre présentation. Je vous
remercie beaucoup.
M. Rainville: Me permettez-vous juste un commentaire avant de
terminer? Tantôt, M. le ministre a fait un commentaire quand on parlait
d'ordre public et de droit supplétif. Il semble y avoir une
espèce de confusion qui existe toujours - c'est d'ailleurs pour cela que
les juristes sont si nombreux; c'est pour en discuter - pour trouver une
façon de régler le problème de droit supplétif
à savoir si c'est de droit supplétif ou d'ordre public, de
façon qu'on puisse établir la ligne de démarcation. On
vous remercie de nous avoir écoutés.
Le Président (M. Vaugeois): On vous remercie du travail
que vous avez fourni.
Nous invitons maintenant M. Daneault et les gens de la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec Inc. M. Daneault, est-ce que vous vous retrouvez
dans ces lieux? Vous reconnaissez-vous? Vous êtes au parlement du
Québec.
Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec
M. Daneault (Yvon): J'ai un peu de difficulté, M. le
Président, mais je me reconnais.
Le Président (M. Vaugeois): Tout est changé.
M. Daneault: Je vois.
Le Président (M. Vaugeois): Le décor physique, les
procédures et tout. On vous garantit le dépaysement total.
Voulez-vous présenter vos collaborateurs, s'il vous plaît?
M. Daneault: M. le Président, madame, messieurs,
j'aimerais d'abord vous présenter les deux collègues qui
m'accompagnent: Mme Reine Otis, notaire et M. Jean-Guy Larochelle, avocat, tous
deux rattachés au secteur des affaires juridiques de la
confédération. Moi-même, Yvon Daneault, adjoint au
président et secrétaire général de la
confédération.
M. le Président, il me fait plaisir d'être parmi vous ce
soir. Le mouvement Desjardins vous remercie de l'occasion que vous lui donnez
d'exprimer son point de vue sur le projet de loi 58, Loi portant réforme
au Code civil du Québec du droit des biens.
Nous comprenons de l'ensemble de ce projet de loi que le
législateur veuille adapter notre système juridique à la
réalité sociale. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Bien
sûr, pour ce faire, il faut transformer notre droit. Ainsi, certaines
dispositions viennent simplifier et clarifier le régime actuel. Par
contre, nous croyons que d'autres dispositions gagneraient à être
clarifiées et précisées. En effet, certaines
interprétations engendrées par un texte parfois ambigu sont
susceptibles de confondre le citoyen soucieux de bien connaître ses
droits et obligations et ce, aussi bien comme débiteur que comme
créancier.
Par le mémoire qu'il vous présente, le mouvement
Desjardins désire apporter sa
contribution à un climat juridique sain en garantissant aux
citoyens en général une meilleure connaissance de leurs droits et
obligations afin d'éviter que des préjudices, des
iniquités et des injustices leur soient causés. D'autre part,
nous croyons que les professionnels ayant à oeuvrer dans le domaine du
crédit doivent posséder l'outil de référence
précis et sûr que constitue le Code civil. (21 h 45)
Qu'il me soit permis d'attirer votre attention sur les interrogations
que nous soulevons dans notre mémoire concernant le titre
septième traitant de l'administration du bien d'autrui. Non parce que
nous minimisons l'importance des autres points traités, mais parce qu'il
nous semble que la portée du titre septième introduit certaines
règles qui régiraient le fonctionnement même d'une caisse
d'épargne et de crédit.
Devant vous, ce soir, nous reprendrons brièvement le
résumé de nos réflexions. L'ensemble de nos
recommandations étant essentiellement d'ordre juridique, je cède
la parole à Me Jean-Guy Larochelle qui vous exposera notre point de vue.
Merci, M. le Président.
M. Larochelle (Jean-Guy): Comme M. Daneault l'a exprimé,
nous nous en tiendrons aux conclusions du mémoire. Nous ajouterons
quelques commentaires pour votre compréhension.
Bien sûr, le mémoire a porté sur deux points
principaux, c'est-à-dire clarifier certaines dispositions qui
apparaissent dans le projet de loi et également protéger les
droits des créanciers. Vous comprendrez que, comme institution
financière, cela nous apparaissait très important.
Ainsi nous recommandons de clarifier certaines notions, notamment au
niveau de l'incorporation, de l'intégration de biens meubles
particulièrement en ce qui concerne la distinction du bien. On utilise
différentes expressions. On parle d'intégration, on parle
d'incorporation, on mentionne aussi un bien attaché, sans attache. On
ignore comment ces différents termes seront évalués par
les tribunaux. On pose aussi le problème suivant: est-ce que ça
présentera des difficultés afin d'évaluer si nous sommes
en présence d'un bien meuble ou d'un bien immeuble? Vous comprendrez,
par exemple, la situation entre la réalisation d'une hypothèque
et également un nantissement commercial qui porte sur des biens meubles.
Avec ces différents termes utilisés, on craint que les tribunaux
puissent adopter des interprétations différentes.
Également, en ce qui concerne le rapport entre les biens, on dit
que l'ambiguïté, à ce niveau, surgit quand on définit
le capital comme étant le bien dont on tire des fruits, quoique la
qualification des fruits comme étant naturelle, civile, industrielle se
retrouve actuellement dans notre code. La définition du capital, elle,
est nouvelle et peut apporter des problèmes pour le créancier de
l'usufruitier qui a à préciser sur quoi porte sa garantie. Comme
on l'a vu, le capital est défini comme étant le bien qui porte
des fruits. On sait fort bien que le fruit lui-même, dans certains cas,
peut devenir du capital parce que, lui aussi, peut porter des fruits. On
pense que cela peut créer quelques difficultés
d'interprétation encore par rapport à nos garanties qu'on peut
prendre sur des biens meubles ou immeubles.
On suggère de clarifier la notion d'aliénation, notamment
aux articles 1059, 1060, 1069, 1116, 1127 et 1262. Vous savez que,
présentement, le terme "aliénation" inclut le fait
d'hypothéquer, de céder un immeuble et, bien sûr, de
grever, d'un droit réel, l'immeuble. Avec le projet de loi, on semble
attribuer un sens différent qui serait beaucoup plus restrictif.
Qu'est-ce qui en est des contrats qui sont signés déjà
avec l'expression "aliénation" qui, dans notre esprit, à l'heure
actuelle, comprend également le fait de grever un droit réel. On
vous demande donc de clarifier la notion d'aliénation dans cet
esprit.
On vous demande de clarifier la notion de l'administrateur de la
copropriété divise. Aux articles 1119 et 1133, on fait
référence à certaines actions que peut poser
l'administrateur. Ceci porte à confusion par rapport à la
création du syndicat qui sera administré par le conseil
d'administration, qui devra adopter des règles de fonctionnement.
L'administrateur signifie-t-il le conseil d'administration, un administrateur
désigné par le conseil, ou le président, ou le
secrétaire du conseil? On utilise conseil d'administration et
également on dit l'administrateur a certaines obligations notamment au
niveau de la transmission d'avis. Or, de quel administrateur s'agit-il? Pour
nous, cela pose des problèmes d'interprétation.
On vous demande également de clarifier la nature du droit de
préemption, ce droit qui permet à son titulaire d'acquérir
un bien par préférence. Ces dispositions portant sur ce droit
semblent lui assurer le caractère de droit réel. Exemple:
opposabilité envers les tiers, subrogation en cas de dation en paiement.
Ces situations constituent une surcharge pour les créanciers qui
devraient le considérer comme le détenteur d'un droit
réel. A-t-on bien mesuré tous les impacts du droit de
préemption par rapport au droit réel? Comment appliquer le droit
de préemption sur un bien meuble? Comment les tiers peuvent-ils en
prendre connaissance et comment seront traitées les
sûretés? Ce sont les questions qu'on se pose.
Également, on vous demande de mieux
protéger les droits des créanciers - c'est un peu notre
deuxième thème - lorsque la bonne foi du possesseur d'un bien
cesse. N'y aurait-il pas lieu, par une nouvelle disposition du Code civil, de
prévoir un mécanisme de protection pour les créanciers, du
moins sur les impenses qui sont remboursées au véritable
propriétaire, de mieux protéger les droits des créanciers
lorsqu'un immeuble a été délaissé par un
débiteur qui a déjà consenti une garantie sur cet immeuble
à un créancier? Il nous semble que le projet de loi pourrait
accorder des droits précis au créancier, ayant une garantie
hypothécaire sur un immeuble délaissé. À
défaut d'obtenir un mode d'acquisition plus souple, ne devrait-on pas
prévoir la possibilité, pour le créancier, de
protéger l'immeuble affecté par une hypothèque, en lui
permettant d'en prendre possession pour voir à l'entretenir, sans
être soumis aux engagements et aux contraintes de l'administrateur du
bien pour autrui? On rejoint les remarques présentées dans le
mémoire de tout à l'heure. En effet, à l'article 1345, il
est indiqué que l'administrateur ne peut exercer ses pouvoirs dans son
propre intérêt. Alors, vous comprenez que l'institution
financière, advenant que l'immeuble soit délaissé, puisse
vouloir administrer un bien, un immeuble, particulièrement en vue de
protéger sa créance. Par rapport à cela, bien sûr,
on pourra le considérer comme un administrateur pour bien d'autrui, de
la façon dont on a interprété cette définition de
l'administrateur pour autrui. Alors, à ce moment-là, la caisse se
retrouverait en conflit d'intérêts par rapport au bien qu'elle a
à administrer.
Également, on vous demande de mieux protéger les droits
d'un créancier lorsqu'un bien meuble délaissé est
susceptible d'être vendu ou d'être revendiqué par le
propriétaire alors que le créancier détient une
sûreté. Nous croyons que le créancier, ayant des garanties
sur un bien meuble vendu ou délaissé, a complètement
été ignoré. Ne devrait-on pas prévoir une
protection pour ses droits en regard de ces biens?
De plus, en ce qui concerne le coffret de sûreté et les
biens qui y sont délaissés, sans que l'on puisse retrouver le
locataire, nous demandons s'il est de l'intention des codificateurs d'appliquer
l'article 987 à cette situation. Si c'est le cas, l'institution
financière pourrait en disposer après trente jours ou six mois,
selon la valeur du bien concerné. Il sera aussi très difficile de
définir si le bien a une valeur importante ou non, pour évaluer
le délai d'avis requis. On parle de: Dépendant que la valeur du
bien est importante ou non, les délais sont différents. Comment
va-t-on faire pour évaluer cette notion?
Également, on vous demande de mieux protéger les droits du
créancier lorsque le droit de propriété change de
détenteur par suite de l'accession mobilière. Nous soulignons ici
l'existence d'un problème en regard du créancier du premier
propriétaire, qui peut avoir une garantie sur le bien transformé
par un tiers, qui lui donne une plus-value.
Enfin, de mieux protéger les droits du créancier lors d'un
bornage. Le créancier, ayant des garanties sur la
propriété concernée, devrait être en mesure
d'être informé du bornage et de faire valoir ses droits. Rien
n'est prévu à ce chapitre alors que l'on sait que la
jurisprudence a établi cette possibilité.
Egalement, nous vous demandons de mieux protéger les droits des
créanciers lors d'un partage d'un bien indivis déjà
grevé d'un droit réel. L'article 1060 prévoit des
décisions relatives à l'administration du bien et des
décisions relatives à l'aliénation. Est-ce que ces deux
pouvoirs relèvent de l'administration du bien indivis? Si oui, les
créanciers hypothécaires jouiraient de la protection de l'article
1067, qui prévoit pour lui un prélèvement sur l'actif
avant le partage. La rédaction de l'article 1060 gagnerait à
être plus précise sur ce point.
De mieux protéger les droits des créanciers en stipulant
la solidarité entre les indivisaires en ce qui a trait aux pertes, aux
frais d'administration et autres charges se rapportant aux biens indivis;
l'article 1057. Dans le cas où le créancier hypothécaire
d'un bien indivis, en voulant protéger sa créance, paie les
taxes, les assurances et autres, devrait avoir un recours conjoint et solidaire
vis-à-vis de chacun des indivisaires, ce qui nous apparaît
équitable.
Également, de mieux protéger les droits du
créancier en exigeant, dans le cas de révision de la valeur
relative des fractions d'une copropriété indivise, un avis au
créancier et une possibilité pour eux d'intervention; ceci, afin
de mieux connaître la nature de la modification de la valeur de la
fraction sur laquelle porte la garantie.
De mieux protéger les droits des créanciers lors du
versement d'une indemnité d'assurance au fiduciaire à la suite
d'une perte de l'immeuble détenu en copropriété. Pourquoi
avoir exclu expressément l'application de l'article 2586 du Code civil,
qui protège les créanciers? Comment s'assurer que le fiduciaire
protégera les intérêts du créancier
hypothécaire?
Également, de mieux protéger les droits du
créancier lorsqu'un tréfoncier consent un droit superficiaire,
lorsque le droit superficiaire prend fin par l'avènement d'une condition
résolutoire, lorsqu'il y a abandon de l'usufruit ou conversion en rente,
lors de la résiliation du contrat d'emphytéose. Ce sont là
des cas où les droits des créanciers sont ignorés.
L'occasion d'une révision du droit sur les biens serait propice à
régulariser
certaines situations souvent préjudiciables aux
créanciers. Également, nous vous demandons de préciser
l'obligation et la non-obligation du créancier hypothécaire de
vérifier la qualité de la décision des indivisaires
-article 1060 - et l'acte de nomination du gérant. Le projet de loi
prévoit certaines décisions qui doivent être prises
à l'unanimité, d'autres à la majorité.
Quand un créancier traite avec un gérant, comment peut-il
vérifier l'acte de nomination de ce dernier de même que la
régularité de ses décisions? Si cela prend obligatoirement
une procuration qui doit être signée par tous les indivisaires,
quelle est l'utilité du gérant alors?
Également, nous demandons de préciser à l'acte de
copropriété les hypothèques et les privilèges qui
gèrent l'immeuble. Car, il faut se demander alors comment les
créanciers de l'éventuel acheteur pourront identifier les
hypothèques et privilèges rattachés à l'immeuble
concerné avant l'enregistrement de la déclaration de la
copropriété? De préciser que la stipulation,
l'inaliénabilité d'un bien entraîne
l'insaisissabilité du bien qui en est l'objet, à raison de toute
dette contractée par le bénéficiaire du transfert avant ou
pendant la période d'inaliénabilité. On suggère ici
de préciser, à l'article 1248, qu'il s'agit de dette du
bénéficiaire seulement. Il n'y a pas de précision
là-dessus. Or, des cas peuvent exister et on pourrait parler de la dette
de la personne qui a cédé l'immeuble.
De préciser également la portée de l'article
définissant l'administrateur des biens d'autrui en le restreignant,
article 1330. L'article 1330 définit de façon tellement large
l'administrateur du bien d'autrui, qu'on ne peut s'empêcher de conclure
que les caisses d'épargne et de crédit, à titre
d'institution financière, seront soumises à l'application des
dispositions régissant l'administrateur du bien pour autrui.
Sans en faire une énumération exhaustive, soulignons que
les obligations imposées à l'administrateur du bien d'autrui sont
souvent inconciliables avec les opérations d'une institution
financière dans les cas suivants: aux articles 1345 et 1346 où
l'on parle de conflit d'intérêts, à l'article 1347,
réalisation d'un bien, d'une garantie affectant un bien qui a
été administré temporairement par la caisse, à
l'article 1358 en ce qui concerne l'inventaire et l'obligation de souscrire une
assurance. En ce qui concerne l'article 1392, relative à la reddition de
compte, je vous réfère à la page 20 du mémoire qui
cite quelques exemples où les opérations des caisses pourraient
constituer l'administration d'un bien d'autrui selon la définition de
l'article 1330.
En conséquence, nous recommandons que l'article 1330 soit
remanié de façon à exclure de manière
précise les actes d'administration régis par d'autres lois ou
sections du Code civil, notamment le dépôt, le mandat,
l'administrateur sur corporation. Je vous souligne particulièrement que
dans la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit actuelle on
mentionne que l'administrateur a un rôle de mandataire. Par rapport
à cela, nous croyons que l'administrateur d'une caisse d'épargne
et de crédit devrait être réputé comme un
administrateur d'un bien pour autrui avec la définition actuelle.
De plus, nous vous demandons de prévoir - là, il y a eu
une erreur de frappe dans le résumé du texte - l'exclusion de
l'indivision de fait en l'absence de contrat portant sur un bien meuble. Il
devient difficile pour un créancier, lorsqu'il prend un nantissement sur
un bien meuble, d'évaluer s'il y a un, deux ou trois
propriétaires.
De prévoir également la convention tacite
établissant un droit superficiaire. Nous laissons à votre
considération cette dernière suggestion qui vise à couvrir
des situations où il y a eu entente tacite et que c'est à la
suite de circonstances que la jurisprudence a établi l'existence d'un
droit pouvant exister entre les parties.
De prévoir l'enregistrement de la servitude par destination du
propriétaire. Enfin, de réintégrer la notion
d'aliénation telle qu'elle existait dans le passé.
Ces recommandations nous apparaissent fondamentales car, sans elles,
nous considérons que ce projet de loi ne serait pas apte à servir
pleinement les intérêts des citoyens soucieux de bien
connaître leurs droits et obligations et, ce, aussi bien comme
débiteur que comme créancier. Si vous le jugez à propos,
Me Otis et moi, selon les points soulevés, sommes à votre
disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Vaugeois): On vous remercie beaucoup de
cette présentation. M. Daneault, pourriez-vous me dire quel est
actuellement le pourcentage d'une valeur marchande que les caisses populaires
prêteraient en cas de copropriété, aux
copropriétaires, sans garantie de prêt par la SCHL. Quel serait le
pourcentage que vous pratiquez? Ce n'est pas une colle?
M. Daneault: Non, non. Moi-même, spontanément,
j'aurais un peu de difficulté à vous répondre.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce plus, moins ou la
même chose que lorsqu'il s'agit d'un propriétaire unique? (22
heures)
M. Daneault: C'est plus garanti par la SCHL à ce
moment-là.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, mais j'exclus le fait que
ce ne soit pas garanti.
M. Daneault: Lorsque ce n'est pas garanti.
M. Larochelle (Jean-Guy): Pourriez-vous répéter
votre question, par rapport à lorsque ce n'est pas garanti?
Le Président (M. Vaugeois): S'il y a plusieurs
propriétaires en copropriété? Vous insistez beaucoup sur
la garantie des créanciers. Ce qui me fait le plus sursauter, c'est
quand vous questionnez l'article 1057. Pour moi, cela donne un peu le ton de
votre présentation à cet égard. J'essaie de voir au fond,
si vous voyez d'un bon oeil les copropriétaires qui viennent emprunter
ensemble ou si, dans l'état actuel de nos lois, vous n'aimez pas bien
cela. Si vous êtes plus sévère ou si vous vous prêtez
moins dans ces cas, ou si vous cherchez davantage à aller chercher la
garantie de la SCHL.
M. Larochelle: Je ne crois pas qu'on soit plus
sévère dans ces cas-là, pas du tout. On se trouve à
avoir des garanties personnelles, je pense, sur plus d'une personne,
également une garantie...
Le Président (M. Vaugeois): Dans une quote-part, dans la
proportion.
Une voix: Oui, c'est cela.
M. Larochelle: À l'heure actuelle je dois vous dire que ce
n'est pas la majorité de nos prêts qui est consentie à des
copropriétaires indivis. Je ne pourrais pas évaluer
précisément votre question par rapport à cela. Quand on
est intervenu sur l'article 1057, c'est par rapport à des charges que
l'institution financière aurait à supporter temporairement
paiements des taxes, entretien de l'immeuble, paiement de l'assurance, on
verrait d'un bon oeil qu'il y ait une obligation conjointe et solidaire comme
par exemple dans le cas d'une société commerciale sur
l'administration d'une entreprise.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, M. le Président, je
dois comprendre des propos de M. Daneault qu'il jugeait particulièrement
important, il voulait attirer notre attention sur les commentaires de son
groupe sous le titre septième.
M. Daneault: Oui.
M. Johnson (Anjou): Cependant, dans son exposé, M.
Larochelle les a évoqués. Je pense que pour les fins de clarifier
nos travaux, il les a évoqués très brièvement.
Peut-être pourrait-il s'étendre un peu sur le titre
septième?
M. Larochelle: Précisément, pour nous, la
définition actuelle, comme on l'a mentionné tout à
l'heure, comprendrait les opérations qui sont effectuées par une
caisse d'épargne-crédit. On vous en a fait une liste en page 20
quand on dit que le membre d'une caisse, élu administrateur, qui occupe
une charge personnel à l'égard de l'administration, du bien
d'autrui, soit le patrimoine de la caisse. Dans la loi sur les caisses
d'épargne-crédit on précise bien que l'administrateur est
mandataire. On assimile cela à des règles du mandat. Nous, nous
croyons que ce sont les règles du mandat du Code civil qui s'appliquent
dans ce cas. Alors, nous pensons que précisément,
l'administrateur de la caisse sera tenu aux obligations de l'administrateur du
bien pour autrui. Également, dans le cas des obligations
d'épargne que détiennent les caisses à titre de
sûretés sur un prêt quittancé et dont le membre
néglige de venir prendre livraison. Ce sont des situations où la
caisse va avoir la garde d'un bien sans qu'elle l'ait voulu
nécessairement. Bien sûr, dans les relations qui existent entre
institution financière et un membre, il y a une entente tacite pour ses
opérations financières, pour la garde de ses biens advenant
qu'ils sont laissés à la caisse. Nous croyons encore que la
caisse devra rendre des comptes sur la garde des obligations d'épargne.
On parle également d'obligations d'épargne dont les
fédérations et les conférations ont la garde en vue de la
vente au public, l'escompte de coupons, du paiement des obligations. On garde
des obligations pendant un certain temps avant qu'elles soient rendues. Nous
pensons qu'on va être obligé de remplir les obligations d'un
administrateur du bien pour autrui avec toutes les contraintes que cela
prévoit.
La prise en charge d'actif dans le cas de réalisation d'un acte
de fiducie. Advenant la réalisation d'un acte de fiducie, on administre
le bien de notre débiteur pendant un certain temps. On se retrouve en
conflit d'intérêts par rapport que si on regarde les dispositions
de l'administrateur du bien pour autrui, on trouve cela difficilement
conciliable. Également la perception de comptes effectuée par une
caisse pour le compte du bénéficiaire - je pense aux comptes
d'Hydro-Québec - pendant un certain temps, on perçoit des sommes,
on doit les administrer. Il ne s'agit pas là de dépôts. Il
s'agit là de sommes qui nous sont confiées à titre
d'intermédiaire. Encore une fois, si on regarde la définition de
l'administrateur, on serait soumis à des contraintes.
Le service inter-caisses permet à une caisse d'effectuer des
transactions au lieu et place d'une autre caisse. Encore là, on agit
comme intermédiaire, mandataire. On trouverait difficile d'être
obligé de rendre
des comptes, de faire des inventaires. Le contenu d'un coffret de
sûreté que la caisse doit transférer dans ses propres
coffrets de sûreté lorsqu'un membre, malgré les avis
répétés, néglige de renouveler le bail. Dans le
bail concernant les coffrets de sûreté, il est prévu,
advenant qu'on ne trouve pas le locataire et que les paiements de loyer ne
s'effectuent pas, qu'on puisse ouvrir le coffret de sûreté avec
prise d'inventaire avec témoin. À ce moment, s'il y a des sommes
d'argent dans le coffret, on peut faire compensation, mais par rapport aux
autres biens qui vont rester chez nous, on sera tenu aux contraintes de
l'administrateur du bien pour autrui sans le vouloir.
Ce sont là des exemples. J'ai l'impression qu'on en a
oublié beaucoup. Tout cela pour vous dire qu'on croit que ce droit
devrait être supplétif comme cela a été
mentionné tout à l'heure. Cela ne devrait pas viser les
opérations d'institutions financières, les opérations
d'une compagnie, d'une corporation, d'une coopérative, parce que cela va
alourdir les modalités de fonctionnement. Dans certains cas, cela
crée des situations inconciliables; administrer un bien et ne pas
être en mesure par la suite de l'acquérir - je pense à la
dation en paiement - cela ne fonctionne pas. On répète que ces
dispositions touchant l'administrateur des biens pour autrui ne devrait pas
s'appliquer aux institutions financières.
M. Johnson (Anjou): Éloquent plaidoyer, merci.
Le Président (M. Vaugeois): M. Marx.
M. Marx: Nous aimerions vous remercier pour être venu
déposer votre mémoire. En lisant vos recommandations, je vois que
vous demandez qu'on clarifie certaines notions, qu'on protège le droit
des créanciers davantage, qu'on précise certains articles, qu'on
prévoit, qu'on ... le Code civil. Je voulais vous demander de nous
donner des précisions. Comment aimeriez-vous que cela soit
précisé? Si on prend l'article 1330, vous avez toute une
série de suggestions aux pages 19 et 20 qui se tiennent mais, dans
d'autres mémoires comme celui du Barreau, dans le mémoire de la
Chambre des notaires, des articles sont rédigés qui
précisent exactement leurs suggestions et leurs recommandations. Je
pense que dans votre cas il serait bien de faire cela pour certains articles
que vous trouvez très importants. Cela nous permettra d'incorporer, le
cas échéant, d'une façon plus facile, vos recommandations
lors de l'étude article par article de la loi. On aura votre
recommandation sous forme d'article parce que maintenant c'est un peu
éparpillé.
M. Larochelle: J'aimerais souligner que si vous nous garantissiez
que vous prendrez notre texte, on aurait peut-être plus
d'intérêt à vous produire des textes. On a
pensé...
M. Johnson (Anjou): Vous en demandez beaucoup.
M. Marx: L'Opposition peut faire cette promesse parce que lors de
l'étude article par article, on va soulever les points que vous avez
soulevés. On fait toujours cela et le ministre le fera lui-même,
j'en suis sûr.
M. Larochelle: Ce que vous proposez aurait été
idéal mais déjà, pour nous, faire l'étude de ce
projet de loi a été un travail drôlement ardu parce qu'il y
a beaucoup de choses là-dedans. On a voulu s'attacher exclusivement aux
activités des caisses d'épargne et de crédit comme
institutions financières et comme mandataires dans d'autres cas. Il
aurait peut-être été utile de suggérer des textes,
on a voulu d'abord identifier les problèmes d'ambiguïté et
on a laissé aux spécialistes en législation le soin
d'évaluer nos observations afin que toutes les ambiguïtés
soient enlevées.
Vous remarquerez que, souvent dans le mémoire, on vous demande de
clarifier des choses, de prévoir des choses. Quand on soulève une
ambiguïté, on pense que les codificateurs pourront revoir la chose
en fonction des remarques que nous avons faites. Je ne sais pas si Me Otis
à quelque chose à ajouter.
Mme Otis (Reine): L'approche, c'était de dire: On a
constaté à plusieurs reprises qu'on essayait de codifier ou de
cristalliser certaines notions qui étaient véhiculées par
la doctrine ou encore de reprendre une constance qui se développait au
niveau de la jurisprudence. Alors on s'est dit, surtout, dans la partie portant
sur la protection du droit des créanciers qu'à certains endroits,
on avait laissé tomber des courants comme cela, qui sont fortement
établis et qu'on pourrait codifier comme on l'a fait dans d'autres
circonstances.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous semblez préoccupé
beaucoup par les garanties que vous pourriez obtenir des emprunteurs. Je veux
bien que vous obteniez des garanties qui soient adéquates, mais est-ce
qu'avec le nouvel article 1054 vous allez prêter sur une
copropriété indivise?
Une voix: La réponse est oui.
Mme Otis: On fait nettement la distinction entre le bien indivis
comme tel et les quotes-parts sur le bien indivis. Je ne vois pas pourquoi, je
ne sais pas si vous allez partager mon opinion, une institution
financière ne prêterait pas à un
copropriétaire indivis sur sa quote-part comme sur la totalité du
bien, si tous les indivisaires sont là.
Le Président (M. Vaugeois): Vous ne prêtez pas sur
sa quote-part actuellement. Vous prêtez collectivement.
Mme Otis: Bien sûr, il y a sûrement des actes
où un indivisaire vient emprunter dans une caisse et hypothèque
sa demi-indivise. Pourquoi dites-vous que cela ne se fait pas?
M. Leduc (Saint-Laurent): Parce que l'hypothèque est
indivise avec l'ancien code.
Le Président (M. Vaugeois): L'hypothèque est
indivise, mais...
Mme Otis: Si on a deux copropriétaires indivis.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais ce n'est pas ce que demande le
député.
Mme Otis: Ce n'est pas cela votre remarque, votre question?
M. Leduc (Saint-Laurent): Auparavant, on ne pouvait
hypothéquer une demi-indivise, parce que l'on considérait
l'hypothèque indivisible. C'est exactement ce que l'article 1054 veut
corriger. Maintenant, il va être possible de donner une hypothèque
sur une part indivise. Donc, c'est peut-être moins légal que
pratique. M. Daneault pourrait répondre là-dessus; cela ne vous
fait pas peur de prêter sur des parts indivises, une garantie
c'est-à-dire sur des parts indivises.
Le Président (M. Vaugeois): Sans comparer l'article
1057.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne comprends pas tellement votre
demande sur l'article 1057. Cela ne doit pas être d'ordre public,
sûrement pas. Je pense bien que si vous avez plusieurs, si vous mettez un
hypothèque sur l'ensemble de l'immeuble, je ne pense pas que vous allez
demander que l'engagement soit conjoint et solidaire. Je ne pense pas que cela
crée de problèmes, hormis que cela soit d'ordre public.
M. Larochelle: C'est ce que nous ne savons pas
précisément. Je ne dis pas par là que les caisses vont
insister pour prêter sur des parts indivises, pas du tout. Si on pouvait
le faire avec plus de sûreté, cela serait encore mieux.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites 1057, c'était ma
deuxième question. Votre peur, c'est qu'effectivement cela soit d'ordre
public, que les indivisaires ne puissent pas renoncer à cette
présomption. Enfin, je ne sais pas si c'est une présomption ou
à cette règle.
M. Larochelle: Ils sont supportés par chacun des
indivisaires en proportion de sa quote-part. C'est la règle entre les
parties vis-à-vis des tiers, est-ce que c'est une règle d'ordre
public? Je n'ai pas poussé l'étude jusque-là, sauf qu'on
pensait qu'il serait équitable pour les institutions financières
qui auront à supporter... pour le bénéfice de l'ensemble
des propriétaires indivis, l'assurance, les taxes, il serait normal
qu'on puisse s'adresser, pour le tout, à un seul.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pour autant que cela serait
stipulé dans l'acte, que cela ne serait pas d'ordre public.
M. Larochelle: Moi, je suis prêt, personnellement, à
vous concéder qu'il est peut-être possible de prévoir dans
l'acte une disposition pour dire que les obligations sont conjointes et
solidaires, sauf que si l'on fait affaires uniquement avec une seule personne,
avec un propriétaire indivis, cela peut être difficile. (22 h
15)
M. Leduc (Saint-Laurent): Ma deuxième question touche
l'article 1083. On dit: Malgré les articles 1083 et 2017 du Code civil,
une hypothèque ou un privilège existant sur l'ensemble d'un
immeuble détenu en copropriété se divise en chacune des
fractions suivant sa valeur relative. C'est l'ancien article 441j de l'ancien
code. Ma question est la suivante: Est-ce que vous prétendez que c'est
d'ordre public et qu'on ne pourrait pas déroger à cette
règle dans l'acte de copropriété? Ce qui, actuellement,
nous crée beaucoup de problèmes dans la rédaction des
actes, parce que si l'hypothèque a été placée avant
la déclaration de copropriété, automatiquement, elle se
répartit suivant cette règle, suivant la règle de
l'article 1083, qui est d'ordre public. Je ne sais pas, c'est la question que
je pose: Est-ce d'ordre public et est-ce que vous pensez que, de façon
définitive, l'hypothèque est répartie suivant le principe,
suivant la valeur relative?
Mme Otis: Si on regarde spécifiquement l'article 1083 qui
dit qu'une hypothèque existant sur l'ensemble se divise entre chacune
des fractions suivant sa valeur relative ou qu'on le replace dans le contexte
de la déclaration en copropriété, on ne peut pas faire
autrement que de s'en réjouir si on est créancier d'un promoteur,
parce qu'on sait ce qui se produit quand un promoteur décide de
bâtir un condominium sur un terrain; il y a cadastration. Il y a un
cadastre. Il y a une nouvelle annulation des
lots et de nouveaux lots de créés. Le fait que
l'hypothèque qui a déjà été établie
sur le lot originaire se fractionne sur les autres lots, on n'a rien à
dire là-dessus. Au contraire. En tant que créancier du promoteur,
c'est parfait. Où on à réalisé là-dessus,
c'est de dire: Est-ce que, quand on dit à l'article un peu plus loin que
dans l'état descriptif des fractions, on ne voit pas figurer les
privilèges et les hypothèques... Est-ce que les créanciers
de l'éventuel acheteur d'une fraction vont être
éclairés, finalement, sur l'existence de cette hypothèque
originelle? Je ne sais pas. En ce qui nous concerne, en tout cas, ce
n'était pas sur le fait: Est-ce que c'est d'ordre public ou non?
C'était sur le fait que si l'hypothèque peut se fractionner, tant
mieux.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'êtes pas en mesure de me
dire si c'est d'ordre public ou non, mais on pourrait y déroger dans la
déclaration de copropriété. Je pense que...
Mme Otis: Non, je ne suis pas en mesure de dire si c'est d'ordre
public.
M. Larochelle: Moi non plus. D'abord, vous nous prenez par
surprise. D'habitude, on s'arrête un peu pour étudier une question
aussi importante. Je vous avoue que présentement, je ne suis pas en
mesure de répondre à votre question.
M. Leduc (Saint-Laurent): Et est-ce qu'elle se diviserait si on
la plaçait après, si on la plaçait sur l'ensemble des
unités, après la déclaration de copropriété?
Est-ce que, d'après vous, elle se diviserait suivant la valeur
relative?
Mme Otis: Je pense que c'est une question purement
théorique, d'après moi. Excusez-moi, mais...
M. Leduc (Saint-Laurent): Pas du tout. Si vous
hypothéquez...
Mme Otis: ...vous dites...
M. Leduc (Saint-Laurent): ...par exemple, dix unités dans
un seul axe, est-ce que je peux déroger et la limiter sur chacune des
unités suivant ma volonté ou si je dois m'en remettre à la
valeur relative établie dans la déclaration de
copropriété? Ce n'est pas... Je ne pense pas... C'est très
réel.
Mme Otis: D'accord. Je comprends.
M. Larochelle: Seulement par le fait que vous posez la question
et qu'on hésite à y répondre, j'ai l'impression qu'il y a
une ambiguïté. On devrait peut-être la solutionner par une
modification.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne vous cache pas que cette
règle-là, il va falloir qu'elle soit clarifiée. Cela
crée constamment des problèmes dans les
copropriétés. On place une hypothèque, par exemple, sur
l'ensemble de la construction. On peut placer une hypothèque de 1 000
000 $ sur l'ensemble de la propriété et lorsqu'on enregistre la
déclaration de copropriété, on semblerait lié par
cette répartition établie suivant la valeur relative, alors qu'en
pratique, ce n'est jamais ce qui se produit. Ce n'est pas suivant ces
valeurs-là du tout. L'institution, la caisse populaire ou la banque va
dire: J'ai décidé que l'unité 103, par exemple, devrait
avoir une hypothèque de 42 000 $, alors que si on applique le ratio
établi par la déclaration de copropriété, cela peut
être 32 000 $ ou 48 000 $. Or, chaque fois, on est pris avec cette
règle et, ensuite, on doit établir par une lettre concomitante
où on dit: Voici, nonobstant ce que la déclaration de
copropriété peut établir, nous disons que nous
prêtons plutôt 42 000 $ que 48 000 $. Je ne vous cache qu'on est
pris. C'est constamment un dilemme. À mon sens, il faudrait absolument
clarifier cela et dire que ce n'est pas d'ordre public et qu'on pourrait y
déroger. Dans la déclaration de copropriété, on
pourrait dire, si l'hypothèque existe: Nonobstant l'article 1083, il est
établi que cette hypothèque ne sera pas répartie suivant
la valeur relative établie à la présente
déclaration de copropriété. Sans cela...
Mme Otis: II est clair que cela pose certainement le
problème de la radiation, par exemple, de l'hypothèque qui existe
déjà quand un nouveau créancier peut consentir à un
éventuel acheteur, comme je vous le disais tantôt, une
hypothèque sur sa fraction.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce qui est beaucoup plus ambigu. Si
l'hypothèque est placée par la suite, on peut se demander si
l'institution prêteuse prête sur dix unités, si elle
pourrait vouloir l'avoir en bloc, pas divisée du tout ou divisée
suivant un autre ratio que celui établi dans la déclaration de
copropriété. On peut être obligé de dire à
l'emprunteur qu'on ne peut pas procéder au prêt parce qu'on est
pris avec l'article 1083.
Le Président (M. Vaugeois): Cela va, M. Leduc?
M. Marx: Je voudrais simplement rajouter un petit point, M. le
Président.
Le Président (M. Vaugeois): Bien sûr.
M. Marx: Par ses questions, le député de
Saint-Laurent a démontré l'utilité d'avoir
des notes explicatives parce que, comme cela, on saurait au moins ce que
le ministre a voulu faire ou avait l'intention de faire. Cela serait un guide
pour les gens qui lisent le code et aussi pour les juges qui vont
l'interpréter un jour. Je pense qu'il faut peut-être revoir cela
et qu'on nous donne des idées maîtresses, le cas
échéant.
Je pense qu'on ne sait pas si c'est d'ordre public et qu'il y a des
ambiguïtés. Cela peut aider tout le monde d'avoir ces idées
maîtresses pour savoir quelle était, en fait, l'intention du
ministre. Cela se fait pour d'autres lois au niveau fédéral. Cela
se faisait quand on a adopté le Code civil, en 1866. Nous avons
posé cette question, ce matin. On n'a pas de réponse. Pourquoi
n'a-t-on pas de notes explicatives?
Le Président (M. Vaugeois): Le ministre a
déjà répondu à cela, M. Marx.
M. Marx: Oui, il y a répondu.
Le Président (M. Vaugeois): Oui. Il a dit qu'à la
prochaine version, il va y avoir...
M. Marx: Elle va l'avoir pour ce projet de loi ou pour les autres
aussi. Les personnes et les biens ou les personnes et les successions et les
biens ou seulement pour les biens.
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez sollicité
vous-même une petite pause de cinq minutes et si c'est terminé
avec le groupe, nous pourrions faire cela pendant la pause.
M. Marx: Mais ce n'est pas enregistré pendant la
pause.
Le Président (M. Vaugeois): On le résumera en
revenant. Je pense qu'il n'y a pas d'autres questions. On vous remercie
beaucoup. On sait qu'on vous a pris un peu par surprise. En tout cas, on a
réussi à ajuster la présentation avec nos dates et tout.
On vous remercie de l'effort que vous avez fait et d'avoir été
avec nous jusqu'à cette heure-ci. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous pourriez, M. le
Président, rassurer nos interlocuteurs du Mouvement Desjardins que nous
prendrons connaissance dans le détail de toute et chacune des lignes de
leur mémoire? Nous tenterons d'en tenir compte malgré le fait
qu'ils ne nous ont pas donné de formulation sur les
possibilités.
M. Daneault: Nous vous remercions également. En ce
concerne la formulation et les suggestions d'écrire les lois ou d'en
faire des suggestions, nous avons, au Mouvement Desjardins, différentes
expériences à cet égard.
Dans certains ministères, on déplore le fait qu'on leur
fasse des suggestions. Ici, je suis très heureux de voir qu'on nous
propose d'en faire. Il s'agira peut-être, s'il y a lieu, de vous faire
des suggestions encore plus concrètes.
Le Président (M. Vaugeois): Je ne veux pas provoquer le
député de D'Arcy McGee, mais je trouve que l'important est que
vous indiquiez vos préoccupations et que, éventuellement, vous
laissiez à d'autres le soin de rédiger la forme que cela doit
prendre. Chacun son métier.
M. Marx: Seulement un mot, M. le Président. J'aimerais
souligner que dans le mémoire de la chambre des notaires et dans le
mémoire du Barreau, on fait des recommandations assez précises
dans la rédaction des articles et à l'étude article par
article, nous tenons compte de ces recommandations, autant le ministre que les
députés de l'Opposition.
Le Président (M. Vaugeois): Oui. Vous avez le dernier mot,
M. Marx. On vous remercie beaucoup.
Des voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Vaugeois): Au revoir. Alors, si vous
permettez, nous prenons quelques minutes et nous invitons le groupe suivant. Je
signale que si nous poursuivons au-delà de 22 heures, c'est que nous
avons eu un consentement à cet égard.
(Suspension de la séance à 22 h 25)
(Reprise de la séance à 22 h 33)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre!
Nous reprenons nos travaux. J'invite les porte-parole de l'Association
des banquiers canadiens à se présenter. Allez-y.
Association des banquiers canadiens
M. Morin (Benoît): M. le Président, MM. les membres
de la commission, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir
accepté d'accueillir à cette heure tardive les
représentants de l'Association des banquiers canadiens. Je m'appelle
Benoît Morin, je suis vice-président de la Banque Nationale. Je
suis accompagné, à ma gauche, de Me Charles Boivin, premier
conseiller juridique à la Banque Royale, et, à ma droite, de M.
Yvon Julien, responsable des prêts hypothécaires à la
Banque Nationale et, de Me Jacques Beauregard, conseiller juridique
auprès de l'Association des banquiers canadiens.
En tout premier lieu, je voudrais vous
présenter nos excuses pour certaines coquilles et même,
à cause sans doute de la bureautique, de certains manques de bouts de
phrase que vous avez dû noter dans le projet de mémoire qui vous a
été remis. Des corrections ont été faites et Me
Beauregard vous apporte un texte qui est maintenant un peu plus complet et qui
rendra peut-être compréhensible certains bouts de ce
mémoire qui ne l'étaient pas jusqu'à présent.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord, on va annuler
celui-ci.
M. Morin: À moins que vous n'insistiez, je crois qu'il
serait préférable à cette heure-ci d'éviter de
faire une lecture exhaustive des 31 pages de notre mémoire. Je vais
plutôt tenter de parler brièvement sur ce qui me paraît
être les points les plus importants du mémoire qui vous a
été présenté.
Évidemment, je dois vous dire que nos commentaires sont faits
surtout et d'abord à partir de l'oeil d'un prêteur qui se
préoccupe des problèmes de financement. Nous avons quand
même tenté de déborder un peu à l'occasion de cette
vision restreinte, mais d'autres organismes - notamment, le Barreau du
Québec, qui doit présenter son mémoire demain - ont
traité d'une façon assez exhaustive des divers chapitres de ce
projet. Je pense qu'il n'est pas nécessaire que nous fassions des
commentaires sur toutes les parties du projet.
En ce qui concerne la copropriété, il faut dire d'abord
que les institutions financières, ou en tout cas les banques, ne sont
certainement pas des prêteurs enthousiastes lorsqu'on parle de
copropriété indivise. Je ne crois pas que le projet de loi change
énormément cette situation. En fait, un prêteur n'est pas
tellement intéressé à prêter strictement sur la
garantie d'une quote-part indivise d'un immeuble à cause des
problèmes pratiques que cela peut entraîner par la suite. Pensons,
par exemple, à un cas où le prêteur aurait à exercer
ces garanties. Il se retrouverait avec une quote-part indivise dans un immeuble
où l'indivision, selon la loi, est prévue pour une durée
déterminée et, évidemment, le prêteur qui n'a pas du
tout l'intention d'occuper l'immeuble se trouverait dans une situation
plutôt désagréable et sans doute pas dans une très
bonne position pour disposer de cette quote-part indivise qu'il aurait dans un
immeuble faisant l'objet d'une propriété par indivision. Je me
contenterai simplement de ce commentaire, à savoir que, pour les
banques, à première vue, la copropriété indivise
est un concept qui présente assez peu d'attraits.
J'aborde maintenant le chapitre de la copropriété
immobilière divise. Il nous apparaît que le projet de loi a
été rédigé d'abord en fonction des grands
ensembles, mais un problème qui nous apparaît assez crucial au
point de vue pratique, c'est qu'on ne fait pas de distinction entre
l'établissement de la copropriété pour un immeuble
déjà construit et la copropriété divise pour un
immeuble à l'état de projet. Nous croyons que l'absence de cette
distinction pourrait nuire effectivement au financement d'un projet en
construction. Il nous serait paru préférable, plutôt que de
suivre le modèle qui a été suivi dans le projet, de suivre
certains modèles, soit américains ou d'autres provinces
canadiennes, où, finalement, la copropriété divise ne peut
être établie qu'après l'achèvement substantiel d'une
construction afin d'éviter certains problèmes pratiques qui
pourraient être soulevés si la construction n'était pas
achevée. On n'a qu'à penser au problème du
créancier qui a à prendre des procédures en fonction d'un
nombre X de fractions alors qu'il n'a eu affaires qu'à une seule
personne, un promoteur qui n'a pas respecté ses engagements. Il nous
semble qu'on éviterait beaucoup de problèmes si on ne permettait
la cadastration de l'édifice comme copropriété divise que
sujette, d'abord, au consentement du créancier et simplement lorsqu'une
déclaration d'achèvement serait complétée à
la fois à la satisfaction du créancier et des éventuels
copropriétaires.
Par ailleurs, on constate, suivant les articles 1103 à 1105,
qu'en cas de sinistre, les assurances, le produit des assurances est remis au
syndicat. Actuellement, dans la pratique, les actes de prêt
hypothécaire comportent habituellement des clauses: les clauses en cas
d'incendie et en cas de destruction de la propriété qui assurent
le prêteur qu'il pourra obtenir, effectivement, le produit de l'assurance
en cas de sinistre de façon à avoir l'assurance claire, nette et
précise soit qu'il sera remboursé de son prêt si,
effectivement, on se trouve dans des circonstances ou une reconstruction
n'apparaîtrait pas opportune, soit que les sommes versées en vertu
de la police soient effectivement consacrées aux réparations ou
à la reconstruction. Il ne nous semble pas opportun, comme il nous est
suggéré dans le projet de loi, qu'une seule loi soit
créée et soit la remise du produit de la police d'assurance au
syndicat.
En ce qui concerne le syndicat, j'aimerais simplement mentionner qu'un
certain flottement nous est apparu dans le projet de loi quant au sens que l'on
doit donner à ce mot. Strictement suivant la définition qu'on en
donne dans le projet, le syndicat couvre l'assemblée des
copropriétaires. Toutefois, on constate, dans certains articles, que ces
mots semblent plutôt viser le conseil d'administration que
l'assemblée des copropriétaires. Il nous paraîtrait
opportun de clarifier cette question en s'assurant bien du sens que l'on
veut donner à ces mots. Si on veut vraiment parler de
l'assemblée des copropriétaires, cela devrait être clair.
Si par ailleurs, on veut viser le conseil d'administration du syndicat, il nous
semble que ce point devrait être clarifié. Par ailleurs, à
l'article 1107 du projet, il nous est apparu un peu curieux en ce sens qu'il
semble changer les règles qui s'appliquent dans le cas de dommages dus
à des vices de construction ou défaut d'entretien. On se demande
comment cet article devrait se lire, par exemple, face à l'article 1688
du Code civil. Est-ce que ce serait un échappatoire, par exemple, pour
les personnes à qui incombe la responsabilité en vertu de
l'article 1688 qui pourrait alors se reporter dans le cas de la
copropriété vers les copropriétaires parce que lorsqu'on
parle de syndicats, il faut bien se rappeler quand même la
définition que j'ai mentionnée tout à l'heure? On parle de
l'assemblée des copropriétaires et il me semble que c'est faire
retomber sur les mauvaises personnes les problèmes de vice de
construction.
Un autre article qui paraît pouvoir causer certains
problèmes, c'est l'article 1099 concernant la question des
répartitions injustes. En permettant, effectivement, pendant une
période de trois ans à tout copropriétaire de faire
réviser finalement la répartition des charges entre
copropriétaires, il nous semble qu'on crée un certain
désordre. Il faut bien remarquer qu'un copropriétaire peut
demander de faire réviser les charges parce qu'il se croit injustement
lésé. Évidemment, il y en a d'autres qui devront payer le
coût, et ces autres copropriétaires finalement seront
pénalisés pour des gestes dont ils ne sont pas responsables. Si
vous achetez un appartement avec l'idée que vous devrez payer, par
exemple, 10% des frais et qu'à la suite d'une révision à
la demande d'un autre copropriétaire, vous vous retrouvez à en
payer 15% ou 20%, je pense que cela peut être un problème. En
tentant de remédier à une injustice à l'endroit d'une
personne, on peut en créer à d'autres. Je n'ai malheureusement
pas ici de suggestions précises à faire, mais il me semble que si
on veut protéger les droits de certains copropriétaires qui
pourraient s'estimer éventuellement lésés, on devrait
tenter de trouver d'autres moyens, ne serait-ce que le moyen de prospectus qui
permettent à tous et chacun, dès le départ, de voir quelle
est la répartition entre chacun des copropriétaires. Cela
pourrait être un mode de publicité qui éviterait dès
le départ le genre de problèmes qu'on semble devoir
éviter, a posteriori plutôt qu'a priori.
En ce qui concerne, par ailleurs, la multipropriété, ou la
copropriété partagée, nous devons avouer que l'existence
d'un seul article nous semble un peu mince. Si on veut aborder ce sujet, il
nous semble qu'on devrait avoir des règles un peu plus précises
à ce sujet. Si on veut tout simplement mentionner la possibilité
de la copropriété, il nous semble qu'on n'a pas vraiment
réalisé quelque chose de valable et on serait peut-être
aussi bien, tout simplement, d'écarter l'article 1090 qui traite de
cette question.
En ce qui concerne la propriété superficiaire et le bail
à construction, nous y voyons un problème en ce sens que... En
tout cas, il ne transparaît pas des articles qui portent sur cette
question qu'il s'agit là vraiment d'un droit réel immobilier. Si
l'on pense en termes de financement, on voit difficilement comment des
personnes pourraient donner ces droits en garantie. Il nous semble qu'on
devrait clarifier la nature de droit réel immobilier du droit de
superficie et du bail de construction qui fait partie du même
chapitre.
Passons maintenant à la stipulation d'inhabilité. Nous
devons avouer que nous sommes un peu surpris de l'introduction de cette
disposition dans le Code civil à ce moment-ci. Il faut bien penser que
ces clauses sont des clauses qui compliqueront, notamment, le travail de
recherche de titres clairs et il nous apparaît que cela ne facilitera pas
le financement en obligeant des recherches à la fois plus
compliquées et aussi plus coûteuses.
M. Johnson (Anjou): Vous parlez de façon
générale ou en vertu de l'article 1247 en matière
immobilière?
M. Morin: On parle de la clause d'aliénabilité
qu'on retrouve à l'article 1245. En fait, notre préoccupation
vise surtout les immeubles, parce que c'est à cela qu'on pense quand on
parle des problèmes de recherche de titres. C'est en matière
d'immeubles qu'on y voit des problèmes assez sérieux.
Passons maintenant à la question de l'administration du bien
d'autrui. Notre commentaire général rejoindra, finalement, un peu
les commentaires qui vous ont été faits par les
représentants de la Confédération des caisses populaires
Desjardins. Il nous semble que les dispositions sur l'administration du bien
d'autrui devraient, au moins, faire une distinction entre ce qu'on appellerait,
le domaine civil et le domaine commercial. Les dispositions de l'administration
du bien d'autrui, tel que nous les lisons, s'appliqueraient aux
sociétés commerciales ce qui nous semble, en tout cas,
entraîner des changements assez radicaux par rapport aux règles
que nous connaissons actuellement relatives aux sociétés
commerciales. Il nous paraîtrait opportun, ici, que les dispositions
à l'administration du bien d'autrui soient rédigées de
façon à se limiter effectivement à ce qu'on appellerait
des sociétés civiles
par opposition aux sociétés commerciales de manière
à ne pas venir créer un certain chaos dans le domaine du droit
corporatif et commercial. On vous indiquait d'ailleurs, dans notre
mémoire, un certain nombre d'exemples qui nous paraissaient un peu
curieux si on appliquait effectivement ces règles dans le domaine du
droit commercial.
Par ailleurs, en ce qui concerne la question de la prescription
acquisitive, notre seule remarque porte sur l'article 971. On y dit que
l'appropriation, la détention d'un bien de manière
illégale ne permettra jamais d'invoquer les effets de la possession
à l'égard de ce bien. Nous sommes portés à croire
que ce texte va peut-être un peu trop loin. Si on se rapporte aux
dispositions actuelles du code, on pense plutôt aux gens qui
s'approprient des biens d'une manière frauduleuse. On pense aux voleurs
notamment. Ici, on parle d'une appropriation d'une manière
illégale, ce qui voudrait dire d'une manière qui contreviendrait,
de quelque façon, aux lois mais sans nécessairement qu'on pense,
ici, si je comprends bien, à un voleur ou à une personne qui
s'est appropriée des biens par fraude ou violence. Nous sommes
portés à croire que ça va peut-être un peu trop loin
et qu'il y aurait sans doute lieu de tenter de restreindre la portée de
cet article à la portée que nous trouvons actuellement, suivant
les dispositions du Code civil.
Quant à l'acte de fiducie, nous tenons tout simplement à
faire une remarque qui vise l'article 1319. L'article 1319 nous semble imposer
des obligations dans les cas de constitution d'une fiducie d'utilité
privée ou sociale qui peuvent difficilement s'appliquer lorsque l'on
pense en termes d'acte de fiducie qui comporterait des charges flottantes
à l'égard de biens futurs. Car on y oblige le fiduciaire à
faire un état détaillé des biens formant le patrimoine
fiduciaire et à renouveler, annuellement, cet état en indiquant
toutes les modifications qui auraient pu être effectuées depuis le
rapport initial. Cela nous semble difficilement applicable dans le cas des
actes de fiducie comportant des charges flottantes qui seraient pris en vertu
de la Loi sur les pouvoirs spéciaux des corporations.
On me faisait remarquer que je pouvais sauter, semble-t-il...
M. Beauregard (Jacques): II y avait le titre à
l'égard de l'emphytéose. Nous avons constaté que, à
l'égard de l'emphytéose, autant que dans le bail à
construction, par une modification du vocabulaire actuel, par certaines phrases
qui ne reviennent pas dans les articles que l'on a développés, on
arrive à une conséquence où nous ne sommes pas convaincus
qu'on ait donné à l'emphytéose à nouveau le droit
réel immobilier, avec comme conséquence que nous finirions avec
un simple bail ordinaire, qui n'aurait plus la réalité proprement
de créer un démembrement de propriété
immobilière, de telle sorte qu'il puisse donner lieu à une
inscription au bureau d'enregistrement et à ce qu'il puisse y avoir une
hypothèque, éventuellement, en matière
d'emphytéose.
M. Morin: Alors, M. le Président, cela clôt notre
mémoire. Si celui-ci suscite des questions ou des interrogations, nous
sommes à votre disposition pour tenter d'y répondre.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Merci messieurs. Merci de la seconde version
de votre mémoire, je pense que cela va simplifier un certain nombre de
choses.
D'abord, un commentaire général sur le fait que le milieu
bancaire est plutôt froid à l'égard de la
propriété indivise. Je pense que c'est le moins que l'on puisse
dire, sans trop caricaturer vos propos. Cela demeure un fait, cependant, qui,
socialement, est là. Et c'est pour cela que l'exécutif et,
à un moment donné, le législateur interviendra, parce que,
de toute façon, il sera obligé d'encadrer cela.
Deuxièmement, il est clair qu'il ne peut pas être tout à
fait neutre à l'égard de cette question. Vous avez sans doute
entendu les propos de mon collègue, le président de la
commission. C'est presque, dans certains cas, de la nature d'une
idéologie, l'intérêt que présente ce type de
développement qui est une manifestation sociale et non seulement
économique. Il s'agit d'y trouver les moyens d'encadrement
adéquats, en même temps qu'en tentant de préserver un
fonctionnement sur un plan économique qui soit acceptable y compris pour
les institutions.
Je reprendrai brièvement une demi-douzaine des choses que vous
avez soulevées. D'abord, à l'égard du
parachèvement, l'article 1070 prévoit quand même un
certificat et l'article 1093 prévoit qu'au moment du dépôt
au bureau d'enregistrement les créanciers sont partie à la
déclaration d'indivisibilité.
M. Beauregard: S'agit-il de copropriété divise ou
de copropriété indivise?
M. Johnson (Anjou): Pardon? On parle de la
copropriété divise. Vos propos étaient à
l'égard de la copropriété indivise, si je comprends
bien.
M. Beauregard: Non. C'est-à-dire que, de la façon
dont cela se déroulait, je n'étais pas certain si vous
étiez encore à l'intérieur de l'indivise.
M. Johnson (Anjou): Mais non, je
m'excuse. J'étais dans la copropriété divise
à l'article 1093, où l'on prévoit que, sous peine de leur
être inopposable, l'acte de copropriété doit, lors de
l'enregistrement, être signé par tous les propriétaires de
l'immeuble et accompagné du consentement écrit de toutes les
personnes qui détiennent sur l'immeuble des privilèges et des
hypothèques enregistrées.
Il me semble qu'il y ait un mécanisme de protection qui, dans le
cas de la déclaration de copropriété, assure de
l'intervention et du consentement du créancier hypothécaire.
Oui?
M. Julien (Yvon): Je voudrais faire un commentaire. Je pense
qu'il y a lieu de distinguer entre une copropriété divise
à être construite d'une propriété construite. Il y a
toute la dynamique du financement qui va permettra la réalisation d'un
projet à être construit. À tout moment, entre la date
à laquelle le projet démarre, à partir de ce
moment-là et même antérieurement, parce qu'on ne dit pas
que cela ne pourrait pas faire l'objet d'une cadastration ou d'un
dépôt avant que la construction débute, ce qui va rendre
pratiquement impossible le financement par les sources normales de financement
hypothécaire, vous vous ramassez avec 100, 125 ou 150
copropriétaires qui sont propriétaires d'une poche d'air. Votre
recours ne peut pas être plus grand que celui qui vous l'a donné.
Au niveau pratique, ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a
intérêt autant pour les petits propriétaires qui veulent
voir le projet financé... leur intérêt est
multidimensionnel, en ce sens que si un prêt, à titre d'exemple,
est financé à l'origine, consenti aux constructeurs plutôt
qu'aux petits propriétaires, il y a des lois, telle la loi nationale de
l'habitation, qui vont les protéger contre les possibilités
d'enregistrement de privilèges pour que la propriété ne
leur coûte pas plus cher à la fin que ce qu'ils auraient convenu
de payer dans l'acte de vente... Il m'apparaît qu'on doive tenter de
protéger le petit consommateur. Si, par ricochet, on protège les
créanciers, je ne pense pas qu'on fasse le bien pour éviter le
mal. Il faut qu'on fasse le mal en voulant éviter le bien. C'est vice
versa, selon le côté où l'on se place. Alors, au niveau des
constructions, par la suite ou dans l'éventualité où on
suivrait votre disposition de dire: 70 propriétés à
construire, chaque fois que nous ferions un déboursé, nous
devrions faire le déboursé au nom des 150 propriétaires.
Je ne pense pas qu'on soit en mesure de faire le "processing" des
chèques avec 150 noms dessus. On n'a pas encore trouvé de moyens
informatiques d'avoir 150 noms sur un chèque. À moins que cela
soit du microchèque et avec des microchèques on va se ramasser
avec des micropaiements. Alors, au niveau pratique, cela nous prend le
consentement de chacun des copropriétaires pour être capables de
faire un déboursé sur la fondation. (23 heures)
M. Morin: II y a une précision à apporter ici. Je
pense que lorsqu'on lit l'article 1093, on a à l'idée
déjà qu'on a plusieurs copropriétaires.
M. Julien: C'est cela.
M. Morin: Cependant, il ne faut pas oublier qu'en pratique, il
peut fort bien arriver qu'on n'en ait qu'un seul qui soit le promoteur. C'est
lui qui va vous faire enregistrer. Lorsque vos copropriétaires vont
arriver par la suite et qu'ils vont acheter leur part, l'enregistrement aurait
déjà eu lieu. Il arrive souvent en pratique que le promoteur,
c'est lui-même qui est le seul et unique copropriétaire.
Une voix: ...propriétaire au moment de la
déclaration.
M. Boivin (Charles): Enfin, l'article 1093 permet que l'acte soit
déposé et enregistré contre un immeuble où il n'y
aurait aucune construction et aucune hypothèque. L'acte de
copropriété sera enregistré et le créancier
hypothécaire entrerait en jeu par la suite. S'il y a un ajustement
à faire, cela serait peut-être à l'article 1087,
troisième aliéna, où il est dit: "Les plans doivent porter
le certificat d'un arpenteur-géomètre attestant, le cas
échéant, de la conformité du plan et des bâtiments
construits." En fait, les mots "le cas échéant" laissent entendre
qu'on peut enregistrer le projet d'acte de copropriété avant que
la construction ait été accomplie. Il faudrait prévoir que
cela ne peut se faire que lorsque la construction est presque totalement
achevée au moins.
M. Johnson (Anjou): Dans le cas des assurances, à
l'article 1105, votre préoccupation de voir flamber le produit des
assurances, comme ce qui a fait l'objet du feu, cet article dit bien que:
"L'indemnité due au syndicat à la suite d'une perte est,
malgré l'article 2586 du Code civil du Bas-Canada, versée
à un fiduciaire nommé à l'acte de
copropriété ou, à défaut, désigné par
l'assemblée des copropriétaires." Le fiduciaire étant un
administrateur du bien d'autrui, je présume qu'il va dans l'essence
même de ses fonctions de protéger les droits des créanciers
à l'égard de la disposition de cette somme.
Si je comprends bien, vous trouvez que ce n'est pas assez.
M. Julien: Au cours de la construction qui viendra, par la suite,
on a un rang de
créancier hypothécaire, mais dans
l'éventualité où il manquerait de fonds pour
compléter les travaux, qu'il y ait des privilèges
d'enregistrés pour des travaux faits par les sous-traitants et les
traitants, quelle est notre position comme créancier
hypothécaire? En d'autres termes, il faut qu'on s'assure qu'en tout
temps, on a une hypothèque qui n'est pas attaquable, qui est en bonne et
due forme et que personne ne peut la primer. On pense, à la suite des
expériences passées, que la seule façon de s'en assurer,
ce qu'on a fait dans le passé, ce qu'on continuera à faire
à l'avenir. Je crois qu'on n'a jamais, comme institution
financière, refusé à un propriétaire de
reconstruire son immeuble détruit par l'incendie lorsqu'il nous a
prouvé qu'avec le montant qu'il lui revenait de la prime d'assurance
était suffisant pour assurer les coûts de reconstruction. Il faut
se placer dans ce contexte lorsqu'on parle de notre position. Alors, cela a
autant l'intention de protéger le consommateur à l'occasion
contre lui-même que de protéger notre créance.
M. Beauregard: J'ajouterais un élément additionnel.
Il ne faut pas oubllier qu'advenant une destruction, on ne parle pas de
l'existence d'un seul créancier hypothécaire pour un
édifice, mais fort probablement d'un ensemble assez bigarré qui,
dans certains cas, pourrait peut-être représenter une vingtaine de
créanciers hypothécaires différents qui possèdent
des droits sur des poches qui n'existent plus. Alors, à ce moment, c'est
quoi une sûreté hypothécaire s'il n'y a plus rien? La
sûreté devient le montant d'argent entre les mains du fiduciaire,
parce qu'il sert à une nouvelle construction qui n'est pas la
construction antérieure sur laquelle le prêteur a
prêté donc, sa considération. Il se voit engagé dans
une considération qui n'était pas la sienne, qui n'était
pas celle sur laquelle il s'était engagé. En plus, il se retrouve
un parmi plusieurs et il peut se faire damer la priorité par rapport
à d'autres, ceux qui vont apporter les sommes au niveau de la
construction. On crée un mélange assez complexe, contraire aux
règles actuelles qui consistent tout simplement à rembourser le
prêteur, et qui ferait que les gens qui avaient une participation dans ce
qu'il reste maintenant du sol, qui est la seule partie commune qui reste,
peuvent à nouveau recommencer la construction et en refont le
financement de façon unique. Au niveau de la nouvelle construction, on
repart avec un seul financement, tandis que là on part avec quelque
chose qui n'est pas manoeuvrable. Essayez de vous imaginer qui va faire les
paiements. Comment les créanciers hypothécaires vont faire la
surveillance pour s'assurer que cela se rendra au 20e étage et au 2305
par rapport au 2108, alors qu'on parle de faire des fondations. Il y a un
problème conceptuel majeur. Ensuite, vous allez avoir tous les
problèmes du privilège de construction, de la date de la fin des
travaux unité par unité. Essayez de vous imaginer le
problème du sous-entrepreneur qui, lui, a livré des armoires de
cuisine pour l'ensemble du projet et qui se fait repousser par l'entrepreneur
le paiement jusqu'au dernier étage, au dernier appartement et qui
là se fait dire: Je ne te paie pas. Il va vouloir redescendre à
l'appartement d'en bas, mais l'appartement d'en bas est peut-être
déjà occupé depuis six mois. Est-ce qu'il a encore le
droit? Le propriétaire en bas va dire: J'ai tout payé. En plus de
la fin des travaux à l'égard de mon appartement, c'était
il y a six mois. Par conséquent, conformément aux règles
du privilège, mon cher, tu n'as aucun droit contre moi. Cela va devenir
une situation inconfortable.
M. Johnson (Anjou): Intenable.
M. Beauregard: Conceptuellement, cela peut sembler fonctionner,
mais cela ne marche pas dans l'industrie.
M. Johnson (Anjou): Stipulation d'inaliénabilité
aux 1245, 1247, vous soulignez votre appréhension à
l'égard des recherches que cela impliquerait, etc. Il me semble que la
règle est claire en matière immobilière. On dit: "La
stipulation d'inaliénabilité qui affecte un immeuble n'est
opposable aux tiers que si elle est enregistrée; celle qui affecte un
meuble n'est opposable aux tiers que s'ils en connaissaient ou devaient en
connaître l'existence". En matière immobilière, on
prévoit la stipulation d'inaliénabilité opposable aux
tiers y compris un créancier qui pourrait l'être ou qui arrive
dans le décor que dans la mesure où c'est enregistré. Je
comprends mal votre appréhension devant...
M. Beauregard: C'est une réaction passablement
viscérale, compte tenu du développement du droit depuis
déjà un certain temps dans ce domaine. Il y a de la jurisprudence
qui est constante au Québec et même jusqu'en Cour suprême
pour s'opposer à la stipulation d'inaliénabilité sur la
base du code actuel. La stipulation d'inaliénabilité constitue un
problème à l'égard des titres. On peut dire qu'au niveau
de l'immeuble, pour autant que cela n'apparaîtra pas, cela serait simple,
mais ne nous limitons pas à l'immeuble regardons aussi le bien meuble.
Tant l'un que l'autre, l'inaliénabilité constitue un
élément additionnel d'absence de clarté, un danger pour
tout acheteur. Un danger contre lequel la première codification
française de 1802 s'est opposé et l'a supprimé. On l'a
repris dans le droit québécois. C'est un élément
qui complique
sérieusement les règles normales du marché. Il
faudrait vraiment déterminer l'avantage considérable. Il faut
tenir compte que l'inaliénabilité peut aussi être
utilisée pour bloquer des titres sur des périodes de
génération. Sur une longue période, nous pourrions nous
retrouver dans une situation où des grandes parties d'un territoire ne
pourraient plus vraiment faire l'objet de quelque contrat, parce qu'on
déborderait les générations, alors que dans l'ensemble du
code, dans le droit des biens, on a fixé une longévité
maximale aux actes à 100 ans; par l'inaliénabilité, on
peut se rendre aux millénaires aisément. Je n'exagère pas.
Vous n'avez qu'à regarder, il y a une expérience. Cela a conduit
à une des grandes modifications qui est prévue dans le droit des
biens dans le Code Napoléon, qui a été reprise en droit
québécois. Nous avons vécu dessus. Il y a de la
jurisprudence récente. Le juge François Chevalier, dans une cause
l'année dernière, s'est prononcé clairement pour une
clause qui semblait être tout au plus un droit de préemption et il
l'a interprétée comme étant une stipulation
d'inaliénabilité. Il a cassé la clause au contrat en
disant que c'est contraire à l'ordre public.
M. Morin: II faut faire remarquer de toute manière qu'on
ne proposait pas l'interdiction pure et simple, mais on demandait au moins d'en
limiter les dangers en mettant une limite dans le temps. On suggérait
ici cinq ans mais...
M. Beauregard: Par exemple, pour un immeuble on peut comprendre
le danger quand, dans un même contrat, il peut y avoir 25 clauses
différentes. Quand on va l'inscrire à l'index aux immeubles; on
va écrire, par exemple, "hypothèque", "vente". C'est tellement
outrancier comme titre de clause. Il faut que, pour toute personne qui consulte
l'index aux immeubles, cela lui saute réellement aux yeux. Il faudrait
donc que ce soit un acte propre, complètement indépendant et pour
une période de temps limitée, pour ne pas qu'on se retrouve dans
une situation où on va contourner l'ensemble des lois, ou qu'on puisse
l'avoir par tacite reconduction ou par simple reconduction contractuelle qui
ferait qu'à un moment donné on ne pourra plus suivre les
titres.
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il y a plusieurs ordres de
préoccupation dans ce que vous évoquez. Il y a d'abord ce que
vous traduisez comme étant fondamentalement une réaction
viscérale, dans le but de protéger la souplesse de notre
patrimoine collectif pour les millénaires à venir. Je ne tourne
pas en dérision, mais je me permets peut-être d'exagérer un
peu votre propos pour les fins de la discussion.
Deuxièmement, il y a la valeur essen- tielle et quintessencielle
de l'enregistrement qu'on retrouve à l'article 1247 auquel vous dites
cependant deux choses: 1°: II faudrait que ce soit un acte propre, de telle
sorte que cela saute en plein visage au moment où on fait une recherche
de titre. 2°: Vous suggérez qu'il y ait une période de temps.
Je pense que vous laissez entendre cinq ans dans votre mémoire. C'est
cela. En matière immobilière, on a plutôt tendance à
penser à 30 ans ou 99 ans qui sont les chiffres qu'on retrouve
habituellement autour des transactions immobilières.
M. Beauregard: C'est-à-dire que c'est une clause un peu
spéciale qui bloque effectivement la revente de la
propriété.
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Beauregard: On empêche la vente de la
propriété selon les règles normales du marché. Si
on la bloque pour 30 ans, effectivement, on fait un passage d'au-delà
d'une génération, la génération étant
d'environ 20 ans, n'est-ce pas?
Or, si on veut bloquer pour une période limitée, allons-y
pour une période très limitée de sorte que rapidement les
titres se clarifient. Vous savez, cela nous impose des vérifications
qu'il faut faire faire.
M. Johnson (Anjou): Oui. Mais je ne suis pas sûr que je
vous suis dans votre raisonnement quand vous dites: "De telle sorte que
l'étude se clarifie".
M. Beauregard: Oui.
M. Johnson (Anjou): Dans la mesure où il y a une
stipulation d'inaliénabilité, qu'elle est claire et
enregistrée et disons qu'elle est un acte propre, que le titre est
clair, sauf qu'il impose que cette propriété ne peut changer de
main.
M. Beauregard: Mais si vous avez une longue période de
temps vous aurez l'intervention des successions. Supposons que vous avez une
substitution. Précisément, plus tôt, M. Leduc indiquait
combien superbe était la législation en matière de
substitution, mais ce qu'on oublie, c'est qu'il peut y avoir une situation
où personne ne pourra libérer un bien qui serait tombé
dans le cadre d'une substitution. Cela peut même être bloqué
aisément jusqu'à 30 ans ou 40 ans, si on parle d'une famille qui
a plusieurs enfants où il est dit que les propriétaires
éventuels, dans le cadre de la substitutionn, ne sont pas encore
nés. On aura un problème.
Si c'est pour une période très claire, très
limitée, au-delà de laquelle il n'y a même pas besoin
d'avoir de radiation, à ce moment, elle meurt sans plus et on
continue
la chaîne normale de titre.
M. Johnson (Anjou): Pour vous, le caveat qu'on retrouve à
l'article 1246 sur la notion de l'intérêt qui a justifié la
stipulation d'inaliénabilité n'est pas suffisant?
M. Beauregard: Pas assez clair. (23 h 15)
M. Johnson (Anjou): Pas assez.
M. Beauregard: Pas assez. Surtout pour une clause, une
stipulation aussi dure qu'est l'inaliénabilité quant à son
impact sur la place du marché. Des gens pourraient effectivement se
retrouver avec des propriétés qu'ils ne pourraient pas vendre
envers personne et qui se retrouveraient dans une situation où ce serait
bloqué surtout si on installe de longues périodes de temps. Les
successions finissent toujours par intervenir.
M. Johnson (Anjou): J'en prends bonne note.
M. Beauregard: De la même façon à
l'égard du droit de préemption, on n'a pas prévu - comme
vous le disaient ce matin les notaires à 1239 - les problèmes
d'un contrat. Quand on négocie un contrat de vente, il peut y avoir des
modifications des clauses et on ne prévoit pas non plus l'enregistrement
de la notification, ni de règles très claires en matière
de notification, ce qui veut dire que, là encore, la cause de
préemption se révélerait un droit qui pourrait commencer
et on ne voit pas comment il se terminerait. Cela causerait de sérieux
problèmes pour un prêteur qui se ferait approcher par un
propriétaire d'immeuble et lui dirait qu'il veut avoir une
hypothèque, qu'on découvrirait un droit de préemption au
titre, il se peut fort bien qu'il ne puisse pas se faire de prêt
hypothécaire c'est-à-dire qu'on ne puisse pas considérer
qu'il y aura un droit de premier rang conféré au prêteur
hypothécaire, à moins de trouver le détenteur du droit de
préemption pour qu'il contresigne.
M. Johnson (Anjou): L'article 971: "Celui qui s'approprie ou qui
détient un bien de manière illégale ne peut jamais
invoquer les effets de la possession à l'égard de ce bien." Je
prends bonne note de votre remarque à l'égard de l'interdiction
de l'acquisition par prescription dans le cas des voleurs. On trouvait que la
notion de voleur était un peu limitée, peut-être qu'avec le
mot "de manière illégale" a-t-on ouvert cela à l'ensemble
du droit statutaire. Je prends bonne note de votre remarque.
M. Beauregard: II n'y a plus de prescription par possession de
bonne foi qui permet de corriger les titres dans les derniers 30 ans.
M. Johnson (Anjou): Merci bien.
Le Président (M. Vaugeois): M. Leduc.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous vous êtes donc posé
des questions sur l'article 1105. Je suis bien d'accord avec votre position,
nous disant que s'il y avait une perte totale ou quasi totale, je ne pense pas
que pourrait tellement fonctionner la réparation ou la reconstruction
d'immeuble. Je serais tenté de vous poser la question à savoir
quelle serait votre solution, parce qu'évidemment on doit vivre cela.
C'est sûr que cette question se pose ou va se poser. Quelle serait votre
solution ou votre proposition?
M. Julien: Notre solution au point de vue pratique est qu'une
institution prêteuse a très bien pu consentir un prêt sur
une bâtisse dans une milieu où la valeur était bonne au
moment où le prêt a été consenti. Pour une raison ou
pour une autre, le quartier se détériore, la valeur de la
propriété avait diminué de beaucoup pour un ensemble de
raisons et cela deviendrait même un mauvais investissement que de
réparer la fameuse bâtisse. Ce que l'on fait en
général, du moins chez les banques, lorsqu'il y a une
réparation mineure, un feu mineur soit de 1000 $, 1500 $ ou 2000 $, si
le client paie bien il n'y a pas de problème. Il vient chez nous et pour
1500 $ on regarde l'équité dans sa bâtisse. La plupart du
temps on endosse le chèque et on lui dit: Répare ta maison et on
ne veut rien savoir puisque c'est un paquet de trouble.
Si le montant est supérieur on va lui dire ceci: Va chercher des
soumissions de réparation pour savoir le prix que cela va coûter
et si tu as assez d'argent pour le faire. C'est ce qui est important pour le
consommateur. Si les soumissions entrent à l'intérieur du montant
de l'indemnité reçue, on lui dit: Fais les travaux et quand le
tout sera terminé apporte les factures et on va payer les factures en
ton nom et tu vas faire le travail. Si à la suite de sa propre
démarche, il se rend compte qu'il va lui manquer 5000 $ ou 10 000$ il
faut qu'il les trouve quelque part, puisqu'il ne les a pas. On peut même
s'asseoir avec lui et renégocier les termes de son hypothèque
pourvu que la valeur de la propriété sera là une fois la
reconstruction faite.
Je comprends que vous regardez peut-être les grands ensembles
où il y a plusieurs copropriétaires. Dans les grands ensembles,
le problème prend une dimension pratiquement irréelle; vous
pouvez vous retrouver avec 100 unités, 99 prêteurs, dans 10 ans,
dans 15 ans, on ne le sait pas, cela évolue, un type change, il paie son
hypothèque, il la remplace par une autre, etc.
De quelle façon cela sera-t-il organisé?
Quelle est l'étendue des dégâts. Je ne sais pas
exactement. Je pense que vous voulez protéger quand même les
débiteurs ou les propriétaires qui sont débiteurs, mais
notre intérêt n'est pas non plus de faire mourir ces gens. On vit
des clients qu'on dessert. Alors, si l'on avait des cas bien patents, on
pourrait me dire que les créanciers, les banques en particulier, ont
abusé de leurs droits à la question des indemnités
d'assurance. J'aimerais bien qu'on nous le dise. Peut-être qu'on pourrait
s'ajuster. Mais dans ma vie, à la banque, depuis déjà
douze ans, puis dans le domaine depuis trente ans, je ne me souviens pas. Je
suis peut-être un peu comme les animaux malades de la peste, je suis
peut-être le seul qui ne sent pas mauvais, mais je ne me souviens pas de
ne pas avoir été très condescendant vis-à-vis d'un
emprunteur qui avait eu à passer à travers un incendie.
Là, on nous place dans une situation comme si les institutions
financières, au départ, étaient un peu en opposition
vis-à-vis de notre client. On est en relation d'affaires, ce n'est pas
une opposition. Alors quand vous nous demandez ce qu'on devrait
suggérer, bien mon Dieul si lorsque, comme prêteur, je suis
entré dans un acte de prêt par lequel le client me dit: Voici, je
te transporte un bien immobilier qui est dans une condition telle que tu
m'avances tel montant d'argent, il m'apparaîtra raisonnable que si le
bien disparaît en tout ou en partie qu'il me rembourse... Ce n'est pas un
droit abusif que de dire: Le bien que tu m'avais transporté en garantie
est disparu en totalité ou en partie, il est normal que l'argent ou la
dépréciation de la bâtisse, compte tenu de la moins-value
qu'elle a prise à la suite d'un incendie, que mon risque soit
diminué d'autant et qu'on s'assoie ensemble pour discuter si oui ou non
il y a lieu de négocier une nouvelle convention.
M. Morin: Pour répondre à la question, en fait, ce
qu'on suggère finalement, c'est que l'article soit plus ouvert.
Là, il n'indique qu'une seule loi dans le cas du versement d'une
indemnité d'assurance. On dit qu'on devrait prévoir la
possibilité effectivement que l'indemnité puisse être
versée au prêteur si, contractuellement, cela a été
admis par les parties.
Il faut bien penser que - on a mentionné je pense un
problème pratique - le prêteur va s'assurer, notamment si la
reconstruction ou la réparation a lieu, que des privilèges ne
seront pas enregistrés, c'est-à-dire qu'il va s'assurer que les
gens qui feront les réparations seront payés, qu'il n'y aura pas
de privilèges qui viendront se greffer sur l'immeuble qui passeraient
avant sa dette.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne suis pas d'accord avec votre
position. Vous êtes peut-être conciliants, mais peut-être que
d'autres institutions le sont moins. Je ne peux pas être d'accord avec
cela.
Je pensais que vous étiez pour suggérer qu'on devrait
indiquer dans l'acte un certain pourcentage et dire: Si la destruction ou les
dommages sont équivalents - je ne sais pas -à 80% ou
au-delà de 80%, on pourrait exiger le remboursement de notre
créance. Mais s'il fallait qu'à la suite d'un incendie ou
à des dommages qui ne sont pas importants, qui pourraient
représenter peut-être 10%, je ne vois pas du tout pourquoi vous
pourriez exiger votre créance... À ce moment, c'est dans les
mains du fiduciaire. Il devrait y avoir un mécanisme dans la
déclaration de copropriété prévoyant les
réparations ou la reconstruction.
Je suis bien d'accord avec vous pour dire que s'il y a une destruction,
quand on dit qu'elle est utilisée pour la réparation ou la
reconstruction de l'immeuble, on peut quasi déduire qu'advenant une
perte totale, il devrait y avoir reconstruction. Dans ce cas, je serais
d'accord. Mais, à mon sens, on devrait fixer un pourcentage. Cela
devrait être la mesure. Mais que cela va relever de votre
discrétion, je ne peux pas être d'accord.
M. Julien: M. Leduc, le droit que l'emprunteur nous a consenti,
le lien que nous avons établi avec lui au regard d'une somme d'argent
avancée contre un bien, c'est en fonction d'un bien réel qui
était là au moment où on a avancé nos fonds. On n'a
pas avancé 0,80 $ dans 1,00 $, ni 0,85 $ dans 1,00 $, ni 0,98 $ dans
1,00 $, mais on a avancé 100 cents par 1000 $. Si nos dollars ne sont
pas bons, qu'on nous le dise, on en donnera de bons. Maintenant, au niveau de
la garantie, c'est cela qui s'est produit. Contre une somme d'argent, on
transporte un bien et pour m'assurer qu'en cas d'incendie il y ait une perte de
valeur plus ou moins importante dont le produit devra me servir, soit à
rebâtir ou à me rembourser, j'ai le droit d'exiger, comme
prêteur, la protection de mes déposants. Ensuite, cela va plus
loin que cela. Si j'ai des prêts assurés en vertu de lois autres
que québécoises, je suis obligé d'agir en fonction des
législations en vertu desquelles j'opère. Si je consens des
prêts à des citoyens du Québec, en vertu de la loi
nationale de l'habitation, je ne commets pas une hérésie, je
rends service à des gens. En vertu de quel critère on va me
forcer à renoncer à une protection qui m'est exigée par la
Loi sur les banques si j'excède 75% de la valeur d'avoir une assurance
avec une compagnie en vertu de la voie nationale, une compagnie d'assurance
habilitée. Où est-ce que je serai là-dedans et eux, ils
exigent que j'aie les polices d'assurance payables à mon nom,
comme créancier hypothécaire.
Je pense qu'on essaie de déranger énormément des
règles établies mais qui viennent aussi... Quand il y a une
transaction, il y a des droits des deux côtés, des obligations
contractuelles des deux côtés. Maintenant, si l'individu n'est pas
satisfait du traitement qu'un prêteur peut lui faire, il n'a qu'à
se retourner de côté, aller emprunter ailleurs et dire: Avec
l'argent que telle banque a reçu, elle n'a pas voulu m'aider, est-ce que
vous voulez me donner une autre hypothèque pour que je puisse la
rembourser et faire affaires avec vous? Il y a peut-être 1200 succurcales
de banque au Québec, 1500 succursales de caisse populaire et de
compagnie d'assurance, il devrait être capable de se trouver un
prêt si son risque est si bon que cela. Je ne sais pas ce qu'on
recherche.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela dépend, si vous avez une
copropriété de 150 unités, vous voyez le problème.
Si vous avez consenti une hypothèque à 10%, c'est bien
réel, et que le taux est maintenant à 15%, c'est tout un
problème qui va survenir. Cela pourrait être tentant; je ne dis
pas que vous allez le faire, apparemment vous êtes très
conciliants, mais il y a peut-être d'autres institutions qui seraient
tentées de le faire. Vous voudriez en fait que dès qu'il y a une
perte, non seulement vous exigez le montant dont l'indemnité
payée par la compagnie, vous dites: On veut avoir un remboursement
intégral de notre...
M. Julien: Je m'excuse, ce n'est pas ce que j'ai dit. On
prête des intentions aux mots que je dis qui ne sont pas réels, je
m'excuse humblement. Tantôt je vous ai dit: Ce qu'on exige, c'est d'avoir
l'administration du produit de l'assurance afin de nous assurer de certaines
données, c'est cela qu'on dit. En tant que créancier...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez être fiduciaire,
est-ce cela?
M. Julien: Bien oui.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez être fiduciaire vous
voulez que l'institution...
M. Julien: C'est cela. Je pense qu'on a le droit d'agir autant
pour notre propre bien que celui de notre débiteur, bon Dieu! Si la
maison est détruite à 50%, qu'est-ce que cela veut dire au niveau
des coûts de reconstruction? Il y a des fois, c'est détruit
à 50%, vous êtes mieux de la mettre à terre
complètement que de rénover.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je vous donnerais peut-être le
droit de choisir un fiduciaire, parce que le fiduciaire sera assurément
une société de fiducie.
M. Julien: Encore là, on ajoute... excusez, je n'ai rien
contre les sociétés de fiducie, elles sont en mesure de
défendre leurs droits maintenant...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je vous donnerai le droit de
nommer...
M. Julien: Je pense qu'à ce moment, on ajoute au
coût. Il n'y a personne qui travaille pour rien. Est-ce que le bien qu'on
veut rechercher est plus grand que les coûts globaux qu'on va engendrer
chez l'ensemble des consommateurs? C'est un point de vue que je ne partage pas.
On doit tenter de laisser les parties contractantes s'entendre et, si elles ne
s'entendent pas, bien mon Dieu, il y a des tribunaux qui existent, il y a
d'autres institutions prêteuses qui existent. Il m'apparaît qu'on
est en train d'essayer de tuer un oiseau avec un bulldozer, quelque chose du
genre, je ne sais pas, mais...
M. Morin: En pratique, par ailleurs, lorsque vous parliez du
8020, effectivement, si l'indemnité d'assurance qui est payée et
qui vaut pratiquement le montant avancé par le prêteur, il y a des
possibilités qu'à ce moment, la destruction soit tellement grande
en pratique - on ne peut voir cela que par cas - qu'il soit jugé assez
peu opportun de reconstruire ou de réparer. Par contre, c'est
évident que si on revient avec une indemnité de 1500 $ alors que
les montants avancés sont de 100 000 $, il n'est évidemment pas
question pour le prêteur d'insister pour que ce soit lui qui administre
la somme en question. (23 h30)
M. Leduc (Saint-Laurent): La question serait d'ailleurs
également pertinente pour les faux propriétaires, non simplement
pour le prêteur. On peut se poser la question: Est-ce que certains de la
majorité seraient intéressés à reconstruire s'il y
avait une perte quasiment totale?
M. Morin: II faut dire que dans le mémoire...
M. Leduc (Saint-Laurent): La question est très pertinente
également pour les copropriétaires.
M. Morin: Je pense que, dans le mémoire, si je me souviens
bien, il y a un membre dissident qui a soulevé ce problème au nom
des copropriétaires. Je crois que c'était au nom des
copropriétaires qu'il réclamait le droit que l'indemnité
ne soit pas versée au syndicat, mais plutôt aux
copropriétaires.
M. Beauregard: M. Leduc, je voudrais
seulement ajouter qu'un des grands problèmes reliés
à cela, c'est le fait qu'on remet au syndicat l'intérêt
assurable, ce qui veut dire que conformément aux prêts, sous la
loi nationale de l'habitation, tous ces prêts ne pourraient avoir la
clause par laquelle l'emprunteur va offrir une assurance puisque
l'intérêt assurable ayant été
transféré au syndicat, il ne l'a plus personnellement. Il ne peut
y avoir qu'un intérêt assurable.
Par conséquent, on est dans une situation un peu fausse ici. Sans
compter qu'il ne faut jamais oublier qu'au moment de la construction, il n'y a
qu'un seul prêteur et qu'au moment de la destruction, il faut
prévoir qu'il y en a une série. C'est ce qu'il faut garder en
tête et cela devient inapplicable.
M. Morin: Ce sera ma dernière question. On a parlé
d'emphytéose tantôt. Vous êtes au courant du problème
qui est survenu à l'Ile des Soeurs, je pense.
Une voix: Oui. On en a entendu parler.
M. Morin: Est-ce que vous avez l'impression que la loi va boucher
le trou, que cela va solutionner le problème?
M. Beauregard: La question, tout d'abord du point de vue des
avocats, le bail de l'Ile des Soeurs, la pratique usuelle à
Montréal depuis le début de l'île des Soeurs a
été de considérer le bail comme étant à tout
le moins douteux, de sorte que toutes les parties qui avaient quelque droit
réel immobilier dans cette propriété sont toutes
intervenues dans tous les actes de sorte que le jugement n'a d'impact,
semble-t-il, que sur les taxes. Parce que tout le monde s'était
protégé, parce que les opinions juridiques à
Montréal étaient à l'effet que ce bail était
douteux depuis l'origine.
On s'était donc couvert depuis le début. Je peux vous dire
cela non pas d'un point de vue de banque mais d'un point de vue d'avocat qui a
fait du droit immobilier avant de travailler pour les banques. C'était
de réputation à Montréal dans le milieu des avocats que le
bail de l'île des Soeurs était douteux avant même que la
cause soit inscrite en cour.
Le problème qu'on a créé, c'est qu'on a, entre
autres, enlevé cette notion que l'emphytéose emporte
l'aliénation. Ensuite, on a fait qu'à l'article 1226 on peut
même renoncer au droit de propriété, à tout droit de
propriétaire. Dans les articles sur l'emphytéose, là
encore, dans le milieu du droit immobilier, ces articles ne convainquent pas
qu'il y a un droit réel immobilier. On a joué dans le vocabulaire
au-delà de la rente. D'ailleurs, le mot "rente" en voulant en enlever le
caractère très sobre de paiements réguliers à
montant strict... il ne s'agit pas pour moi de défendre un point ou
l'autre. D'abord, le mot "emphytéose" se rapporte à la rente.
Alors, il n'y a plus nécessairement de rente. Donc, c'est maintenant un
peu comme la hache de Joseph dont on disait qu'on a changé cinq fois le
manche et quatre fois la tête. On peut se demander ce qu'il reste.
Encore, le mot "emphytéose", il n'y a plus rien de
l'emphytéose comme telle. Quand on prend tous les
éléments, il n'y en a plus. Ce n'est pas suffisant pour dire
qu'à la fin on est en présence d'un droit réel immobilier
dans sa rédaction actuelle, telle qu'elle est dans le projet.
N'étant pas satisfait de cela, est-ce que cela pourrait
même faire l'objet d'un enregistrement au titre?
M. Julien: Simplement un commentaire. Je me demande quelle sorte
de salami va faire une propriété en copropriété de
150 unités sur un terrain par bail emphytéotique ou par
emphytéose si le droit réel n'était pas là et que
les gens seraient rendus dans leur bâtisse? Je trouve qu'on est en train
de se créer des problèmes en voulant en régler.
Ce n'est qu'un commentaire d'un homme instruit, n'étant pas
avocat. Je vous dis cela sans autre cérémonie que celle d'un
praticien. Je pense qu'avant d'apprendre à courir, je vais apprendre
à marcher. Il y a des choses qu'il va falloir qu'on fasse d'une
façon bien pratique, toujours pour ramener le consommateur
vis-à-vis de ses droits à lui. Quels sont-ils? Puis, pour qu'il
puisse avoir le droit de devenir propriétaire, à moins qu'il ne
soit riche, il faut qu'il ait le moyen d'emprunter. Quelles sont les exigences
normales d'un prêteur - je n'appelle pas cela prudent, bon père de
famille - c'est x, y, z. Il y a moyen de faire des législations dans ce
sens et on y tient. On va toujours épaulé ces choses. On l'a
prouvé dans Corvée-habitation qu'on était là pour
épauler plusieurs d'entre nous.
Le Président (M. Vaugeois): Est-qu'il y a d'autres
questions? Cela va.
Je retiens une chose de tout cela, c'est que vous nous mettez en garde
sur des points importants mais par ailleurs, à plusieurs reprises, en
vous entendant, je me disais qu'il y a des banques dans d'autres pays du monde
qui ont fait face à des situations qui semblent vous troubler
profondément ici. Ne dites pas non. Il y a bien des pays qui se sont
développés ainsi. Il y a des banques qui ont survécu
à cela, mais je comprends une chose, c'est que vous nous alertez et vous
avez l'expérience du milieu financier. Nous devons en tenir compte. Par
ailleurs, cela m'intrigue beaucoup. Je me dis que vous avez, pour la plupart
d'entre vous, un caractère international, vous voyez faire les affaires
tout le tour. Je pensais
seulement à la formule de temps partagé que pratiquent les
Américains sur une très haute échelle. Quand vous avez 150
logements vendus à la semaine, vous en êtes à 7500 actes de
propriété. Allez-vous me dire que ce sont toujours les
propriétaires qui financent? Il doit bien avoir des banques quelque part
dans le portrait. Cela réussit et se multiplie actuellement aux
État-Unis et dans plusieurs pays du monde occidental. Il y a des pays
comme la France où on était étonné de cela les
premières fois qu'on le découvrait, mais cela fonctionne encore
ces pays où l'on est propriétaire d'un appartement et il y a des
communs qui sont importants pourtant. On a été beaucoup plus
sévère ici que dans la plupart des pays qu'on a
visités.
Je crois bien qu'il y a des phénomènes de civilisation. Le
ministre parlait plus tôt d'idéologie, mais il y a aussi un
phénomène de civilisation. Vous mentionniez, M. Julien, la
dégradation des quartiers. Je pense qu'un quartier ouvrier où il
y a un propriétaire principal spéculateur qui veut tirer le
maximum de son stock immobilier en exploitant les locataires, là vous
pouvez assister à une dégradation du stock immobilier, parce que
les locataires trouvent toujours qu'ils payent trop cher alors que le
propriétaire veut tirer le maximum sur une période relativement
courte. Mais, si vous transformez le tout en copropriété, les
locataires qui sont devenus des propriétaires ou qui ont
été remplacés par des propriétaires, à mon
avis, assurent une santé du stock immobilier différente.
C'est tout un discours où je ne veux pas conclure, même si
je parle le dernier, mais je veux seulement suggérer que l'étude
de cette partie du Code civil arrive à un moment où nos
mentalités évoluent rapidement. On aura des ajustements à
faire au niveau des lois et je pense qu'on aura à s'ajuster pas mal
entre nous à cette réalité nouvelle qui comporte des
éléments positifs et aussi des difficultés. Sur ce point,
vous nous avez éclairés ce soir.
Moi je suis comme vous, M. Julien, un profane. J'apprends beaucoup. Je
vais en faire mon profit mais pour l'instant les porte-parole de l'Opposition,
le ministre et ses conseillers, je pense, vous ont écoutés bien
religieusement malgré l'heure avancée. Vous avez su nous
intéresser.
Auriez-vous quelque chose à ajouter?
M. Morin: M. le Président, je désire remercier tous
les membres de la commission de l'accueil qu'ils nous ont réservé
ce soir.
Il y a peut-être simplement une remarque à ce que vous
venez de dire. Si nous avions le projet de loi concernant les
sûretés, peut-être que certaines des craintes que nous avons
exprimées ce soir auraient été apaisées,
éteintes ou peut-être plutôt exacerbées. Je ne sais
pas, mais il est évident qu'il faut quand même tenir compte aussi
de ce facteur.
Le Président (M. Vaugeois): Cela, vous le dites dans votre
mémoire. Est-ce que le ministre peut donner de l'information à ce
sujet?
M. Johnson (Anjou): II faut calculer un bon douze mois.
Le Président (M. Vaugeois): C'est raisonnable?
M. Julien: Cela prend seulement neuf mois pour faire un bel
enfant.
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas fait de promesses. Il faut
calculer douze mois.
Le Président (M. Vaugeois): Avant de terminer... M. Marx
va bientôt nous dire qu'il va se préparer lui-même,
quoi.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Toujours aussi modeste.
M. Beauregard: M. le Président, avant de vous quitter,
j'aimerais vous rappeler qu'au niveau de la copropriété ou des
conversions en copropriétés des immeubles à logements que
nous avons à l'heure actuelle au Québec, il faut bien tenir
compte que dans notre mémoire nous ne nous opposons pas à cela,
sauf qu'il s'agirait de mettre au point une formule qui créerait
réellement quelque chose qui s'opérerait confortablement. Ce qui
s'est développé depuis 1975 s'opère très
difficilement et nous ne sommes pas convaincus, à la lecture de ce qu'il
y a là, qu'on est arrivé à une solution.
Le Président (M. Vaugeois): On s'entend sur ce point, M.
Beauregard.
M. Beauregard: Merci.
Le Président (M. Vaugeois): Nous ajournons à demain
matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 40)