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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la
commission des institutions entreprend maintenant ses travaux. Le mandat de
cette commission est de procéder à l'étude des
crédits budgétaires du ministère de la Justice pour
l'année financière 1985-1986. Je vais demander au
secrétaire de la commission de nous dire quels sont les membres et les
remplaçants, s'il y a lieu, de cette commission parlementaire.
Le Secrétaire: Les membres de cette commission sont M.
Baril (Rouyn-Noranda-Té-miscamingue), M. Blais (Terrebonne), M. Blouin
(Rousseau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault
(Châteauguay), M. Gagnon (Champlain), Mme Lachapelle (Dorion), M. Leduc
(Fabre): M. Levesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx (D'Arcy
McGee), M. Paquette (Rosemont), M. Payne (Vachon), M. Perron (Duplessis), M.
Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière). M. Mailloux
(Charlevoix) est remplacé par M. Pagé (Portneuf).
M. Marx: Seulement une remarque, M. le Président...
Le Président (M. Blouin): M. le député de
D'Arcy McGee, vous avez une remarque?
M. Marx: ...sur la façon dont on va procéder. C'est
évident que ce sera impossible de voir les 17 programmes aujourd'hui. Je
ne vois pas la nécessité pour tous les fonctionnaires de rester;
on sait qu'ils ont beaucoup de travail à faire pour donner suite aux
grandes politiques du ministre. J'aimerais suggérer qu'on étudie
les crédits de la Commission de police et de la Sûreté du
Québec, demain matin, à 10 heures.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le
permettez, je remercie le député de D'Arcy McGee. Je pense que ce
sont nos nouvelles règles qui donnent l'initiative à l'Opposition
au moment de l'étude des crédits. Nous serions d'accord pour
étudier demain le programme touchant la Sûreté du
Québec, ainsi que la Commission de police, auquel, cependant,
j'ajouterais le programme de la Direction générale de la
sécurité publique.
M. Marx: Parfait!
M. Johnson (Anjou): ...étant donné que cela forme
un tout relativement cohérent, en tout cas de notre c6té.
M. Marx: C'est quel programme?
Le Président (M. Blouin): Je vous signale, cependant, pour
nous assurer que nous nous comprenons bien, que la procédure habituelle
prévoit que nous étudiions les programmes un à un. Donc,
s'il y a une initiative, elle doit se faire de consentement.
M. Johnson (Anjou): C'est cela, je n'ai pas d'objection, M. le
Président.
M. Marx: La commission des institutions a toujours
fonctionné de cette façon.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, demain, nous verrions
la Sûreté du Québec, la Commission de police et le
programme 13. Demain matin.
Une voix: La Sûreté du Québec?
M. Johnson (Anjou): La Sûreté du Québec, la
Commission de police et le programme 13, la Direction générale de
la sécurité publique.
M. Marx: Oui, c'est parfait, cela. Remarques
préliminaires
Le Président (M. Blouin): Avant que nous commencions
l'étude des crédits, il est de tradition que le ministre puisse
formuler des remarques préliminaires. M. le ministre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous me permettrez,
d'abord, de simplement faire la nomenclature d'une partie des personnes qui
nous accompagnent, ici, aujourd'hui. D'abord, à ma droite, le
sous-ministre et sous-procureur général du Québec, Me
Daniel Jacoby; M. Beaudoin, directeur général de la
Sûreté du Québec; M. Raymond Benoît, sous-ministre
associé à l'administration et sous-ministre associé par
intérim aux services judiciaires; Me Rémy Bouchard, sous-ministre
associé aux affaires criminelles et pénales; M. Robert
Diamant,
sous-ministre associé à la probation et aux
établissements de détention; M. Clément Ménard,
sous-ministre associé au personnel; Me Roch Rioux, sous-ministre
associé aux affaires législatives et président de la
Commission de refonte des lois et des règlements; Me Christine Tourigny,
sous-ministre associée à la direction générale du
contentieux, et Me Pierre Verdon, sous-ministre associé à la
sécurité publique.
Également sont présents le secrétaire du Conseil de
la magistrature, M. Barrette; le président du Tribunal de
l'expropriation, le juge Guy Dorion; le président du Comité de
protection de la jeunesse qui sera là un peu plus tard avec nous pour le
programme A, M. Jacques Tellier; le président de la Commission des
droits de la personne, Me Jacques Lachapelle; Me Yves Lafontaine,
président de la Commission des services juridiques; Me Ghislain K.
Laflamme, président-directeur général de la Régie
des permis d'alcool; M. Maurice Gauthier, président de la Commission
québécoise des libérations conditionnelles; l'honorable
juge Gosselin, président de la Commission de police du Québec; M.
Michel Lambert, directeur général du Bureau de la protection
civile. Il y a également dans la salle, un certain nombre de nos hauts
fonctionnaires professionnels, du personnel accompagnant les présidents
d'organismes, ainsi que l'oeil vigilant des représentants du Conseil du
trésor.
M. le Président, mes remarques préliminaires. Je crois
comprendre que je dispose d'environ 20 minutes pour ma première
série de remarques. D'abord, pourrais-je me permettre de dire que le
budget du ministère pour l'exercice 1985-1986 s'établit à
716 330 900 $, ce qui est une augmentation de 10 582 800 $ par rapport à
l'année précédente? La croissance du budget du
ministère, pour l'essentiel, est reliée à l'augmentation
des traitements de ce ministère dont les effectifs, comme vous le savez,
sont considérables. D'ailleurs 73 % des crédits du
ministère vont aux traitements du personnel de notre réseau.
Le principal élément qui permet d'expliquer la faible
croissance des crédits par rapport à l'année
dernière réside dans la participation du ministère aux
efforts de rationalisation des dépenses gouvernementales par la
réalisation de compressions de l'ordre de 16 700 000 $, notamment par
l'amélioration de la productivité dans la plupart de nos
programmes. Les effectifs du ministère sont de l'ordre de 13 181
employés, y compris les policiers de la Sûreté du
Québec, avec une variation qui fait que nous avons 84 postes en moins
dans nos effectifs actuels par rapport à l'effectif autorisé.
Au sujet de la gestion des ressources humaines, nous nous sommes
passablement préoccupés de ces questions au ministère au
cours de l'année 1984. Ainsi, une banque d'information a
été mise sur pied afin de permettre une gestion
prévisionnelle des ressources humaines en vue de favoriser un
cheminement de carrière plus intéressant pour les employés
et d'assurer dans la mesure du possible leur motivation. Nous avons
également des programmes et des techniques qui contribuent à
accroître la productivité, qui ont été
élaborés, notamment, par l'usage absolument massif au
ministère de la Justice de la bureautique. Dans la même veine,
nous avons appliqué un programme de prime à l'initiative dont le
but est d'encourager l'apport créatif venant des suggestions de ceux qui
travaillent dans notre réseau.
J'aimerais mentionner que nous avons, entre autres, ouvert deux
garderies pour les enfants des employés du ministère: l'une
à Sainte-Foy, au siège social, et l'autre au palais de justice de
Québec. Celle de Sainte-Foy, en tout cas, est ouverte à la
communauté et les enfants des parents du quartier peuvent utiliser ses
services.
Quant aux équipements, on le sait, le ministère de la
Justice est présent sur l'ensemble du territoire du Québec. Il
faut le rappeler, M. le Président, nous sommes l'un des plus gros
locataires de la Société immobilière du Québec, un
de ses plus gros clients, avec des espaces dans le secteur de la
détention, des palais de justice, des bureaux administratifs.
Nous avons procédé à la modernisation, ce qui a
augmenté nos budgets d'immobilisations au-delà des coûts
d'entretien, qui sont considérables dans ce secteur, notamment par des
réaménagements majeurs à Waterloo et à Baie-Comeau.
Et pour la prochaine année, plusieurs projets importants sont en voie de
commencer à Rimouski, Sherbrooke, Chicoutimi, New-Carlisle; la
construction d'un centre de détention à Trois-Rivières,
qui est un des projets marquants dans le secteur de la détention sur le
plan des immobilisations.
D'ici le milieu de l'année 1987, il y aura quatre nouveaux palais
de justice: l'un à Sherbrooke, dont la fin des travaux est prévue
pour la fin de 1986, l'un à Joliette, un autre à Chicoutimi et un
autre à Longueuil. Nous étudions également des projets
pour Saint-Joseph-de-Beauce, Rivière-du-Loup et Laval. Des
rénovations importantes ont été apportées aux
palais de justice de Drummond, de Rouyn, de Trois-Rivières et de
Rimouski. Certains postes de la Sûreté du Québec -
notamment, Arthabaska, Notre-Dame-du-Lac, Malartic, Sainte-Julie, Portneuf -
ont été réaménagés également.
Du côté de l'informatique - puisqu'il faut parler de ces
choses, M. le Président -au cours des dernières années, le
ministère
s'est informatisé graduellement dans beaucoup de ses secteurs
d'activité. L'informatisation a facilité la rationalisation des
activités et des ressources au cours des dernières années
en permettant d'améliorer la qualité des informations et de la
gestion. L'informatique ouvre énormément de possibilités
pour le ministère, qui est extrêmement intéressé
à l'utiliser, ne serait-ce qu'au niveau de la probation et de la
détention, où les systèmes d'informatisation des dossiers
permettront la consultation immédiate et rapide dans la cueillette de
renseignements qui sont actuellement détenus de façon
éparse et manuellement par différents intermédiaires du
système.
J'aimerais traiter d'une question plus particulière, en ce qui
concerne l'informatique, qui touche, notamment la communauté juridique.
Il s'agit de l'accessibilité aux banques de données du
ministère. L'informatique a facilité la constitution de banques
de données et de fichiers informatisés dont la diffusion peut
être fort utile pour la communauté juridique. Les banques
disponibles sont celles des palais de justice qui contiennent, par exemple,
l'historique de chaque dossier, la liste des noms impliqués dans une
cause, l'ensemble des procédures, etc. Cela existe également dans
les bureaux d'enregistrement qui contiennent l'historique et la description des
transactions immobilières qui concernent chaque lot, le registre des
adresses et des créanciers hypothécaires.
Nous avons également la banque des lois refondues du
Québec qui contient les lois refondues mises à jour au 1er
juillet 1984. Toutes les versions successives d'une même loi depuis 1977,
c'est-à-dire depuis la dernière refonte, sont donc disponibles,
tant dans leur version française qu'anglaise.
En ce qui concerne les règlements, environ 50 % d'entre eux ont
été mis à jour au 1er janvier 1985. Enfin, la diffusion
des banques de la jurisprudence de SOQU1J est prévue sur une base
graduelle au cours du printemps. À l'heure qu'il est, plus de 238
clients, principalement des bureaux d'avocats et de notaires, comprenant
quelque 1400 usagers, ont un accès direct à ces banques de
données par l'intermédiaire de SOQUIJ.
Du côté de la probation et de la détention,
l'amélioration des conditions de vie des détenus, de même
que leur réinsertion sociale sont des préoccupations constantes
au ministère. En 1984, nous avons implanté une politique relative
au plan de séjour de la personne incarcérée, qui permet
une libération progressive de la personne de manière qu'elle soit
le mieux préparée à la réinsertion en
société.
Sur le plan des relations entre le système judiciaire et les
agents de probation, des documents d'orientation et de nouveaux
mécanismes ont été mis en place afin d'améliorer la
liaison avec la cour et pour impliquer davantage la communauté dans
l'application d'un programme correctionnel et non correctionnel. Des ententes
ont aussi été prises avec le ministère de
l'Éducation du Québec et ses organismes pour
l'établissement de programmes de formation des personnes
incarcérées.
Quant aux délais d'audition, depuis plusieurs années, le
ministère de la Justice a consacré des efforts importants
à la réduction des délais d'audition, plus
particulièrement en matière civile et familiale, à la Cour
supérieure du district de Montréal, là où se
trouvent les délais les plus longs.
En 1984, de façon plus particulière, parmi les mesures
prises par le ministère, on peut citer l'augmentation de 800 $ à
1000 $ de la juridiction de la division des petites créances et
l'augmentation de la juridiction de la Cour provinciale de 10 000 $ à 15
000 $; ces dispositions ont pris effet au 1er novembre 1984.
Nous avons également modifié le Code de procédure
civile, en consultation avec le barreau et la magistrature, pour rendre
fonctionnelle la conférence préparatoire à
Montréal. Nous avons également mis sur pied une équipe
d'avocats expérimentés chargés de mettre en état
les causes dont la durée est de trois à neuf jours et de
convoquer des conférences préparatoires, le tout sous la
direction du juge en chef.
Durant l'année 1985, on procédera à la
consolidation de ces mesures mises de l'avant à Montréal. Nous
devons constater une amélioration intéressante. Ainsi, par
exemple, à Montréal, en Cour supérieure en matière
civile les causes urgentes de trois jours ont connu des progrès
considérables. Je me permettrai de dire que j'ai malheureusement
constaté que, dans un document qu'il a rendu public récemment et
dont j'aurai l'occasion d'entretenir cette commission, le député
de D'Arcy McGee évoquait que des délais, dans les causes
de trois à neuf jours seraient passés de 45 mois en 1982 à
88 mois en octobre 1983. (10 h 30)
Alors, M. le Président, voici les données. Je dois d'abord
remarquer qu'à cet égard comme à bien d'autres, comprenant
que les ressources du député de D'Arcy McGee ne sont
évidemment pas celles d'un ministère, ses statistiques datent et
que la coloration donnée à l'évolution du système
judiciaire au Québec par l'utilisation de données qui datent est
malheureuse. À la fin de l'année 1983, les causes ordinaires d'un
jour étaient de 31 mois; elles sont passées à la fin de
l'année 1984 à 15 mois. Les causes ordinaires de deux jours
étaient de 45 mois; elles sont passées à 15 mois. Les
causes de trois à neuf jours étaient de 91 mois; elles sont
passées à 44 mois. Dans le cas de ce
que l'on appelle les causes urgentes, qui sont de trois à neuf
jours, elles étaient de 24 mois; elles sont passées à 16
mois.
Je crois, M. le Président, qu'il est nécessaire de peser
un peu lourd sur ces choses, étant donné que, contrairement aux
affirmations du député de D'Arcy McGee, les délais se sont
améliorés d'une façon extrêmement sensible en Cour
supérieure, alors que nous sommes conscients, comme le juge en chef
l'est, qu'il y a encore des progrès à faire dans ce domaine.
On constate donc que les efforts qui ont été faits par le
ministère et les principaux intervenants depuis les trois ou quatre
dernières années commencent à porter fruit. Nous sommes
conscients qu'il reste encore à faire, mais il faut cependant noter que
l'impact de plusieurs des mesures mises de l'avant ne se fera pas sentir avant
plusieurs mois. Soyez assurés que nous suivons attentivement
l'évolution de la situation et qu'au besoin nous prendrons un certain
nombre de mesures appropriées.
En vue d'améliorer les services judiciaires offerts à la
population de la Baie-James et du Nord québécois, soit les Cris
et les Inuit, nous avons également conféré aux juges de la
Cour provinciale et du Tribunal de la jeunesse une juridiction mixte dans le
district judiciaire de l'Abitibi. Après avoir réorganisé
les structures de la cour itinérante et vu à la formation des
juges impliqués dans l'exercice de ses juridications étendues, le
gouvernement nommait, le 5 mars 1985, un juge coordonnateur afin d'assurer
l'organisation des termes et la répartition des affectations des juges
qui siègent au nord du 50° parallèle. L'avantage de cette
juridiction est de permettre à un juge itinérant de régler
l'ensemble des dossiers qui lui sont présentés, y compris les
dossiers de jeunesse. Les délais qui y sont encourus en raison des
distances en sont écourtés et la fréquence des auditions
est accrue.
Du côté de la violence conjugale, nous sommes à
élaborer une politique à cet égard. J'ai eu l'occasion de
prendre connaissance d'un premier jet des documents de travail. Je dois dire,
cependant, que cette politique sera définitive dans la mesure où
nous l'harmoniserons avec des préoccupations similaires du
ministère des Affaires sociales, ce qui devrait se faire
incessamment.
Du côté des relations avec les citoyens et les citoyennes,
en 1983, nous avions adopté un plan triennal d'humanisation de la
justice. L'année qui se termine a été consacrée
à la poursuite de la mise en oeuvre de ce plan, qui a touché
particulièrement la Direction générale des services
judiciaires en raison de l'étendue de la clientèle et du nombre
des services offerts. Ce qui a fait l'objet d'une attention particulière
cette année est l'accessibilité physique et
téléphonique aux services, des heures d'ouverture plus pratiques
pour les justiciables, la vulgarisation du langage employé dans les
messages du ministère, la qualité de la diffusion de
l'information qui concerne les programmes gouvernementaux. Sur les heures
d'ouverture, on doit signaler que l'accessibilité le midi et, dans
certains endroits, le soir aux services faisant affaires avec les justiciables
est maintenant une chose faite sur l'ensemble du territoire. Citons, à
titre d'exemple, les services de perception de pensions alimentaires et les
bureaux d'enregistrement.
Pour 1985, la mise en oeuvre du plan triennal continuera et, notamment,
le programme d'information aux témoins et aux victimes d'actes
criminels, connu sous le nom d'INFOVAC, lequel est un programme des plus
avant-gardistes dans ce domaine au Canada. Ce programme a pour objet de fournir
aux victimes d'actes criminels une meilleure connaissance du processus
judiciaire et, surtout, un suivi de leur dossier. Il a été
révisé et amélioré de manière à
répondre plus adéquatement aux besoins des victimes et des
témoins.
Sur le plan de l'information aux citoyens, un certain nombre de
réalisations importantes ont été accomplies. Notamment,
depuis janvier 1984, le magazine Justice est maintenant vendu en kiosque et par
abonnement; en mars 1985, le nombre d'exemplaires vendus dépassait 94
000, ce qui est remarquable pour une revue destinée à un domaine
qu'en général on considère comme étant celui
essentiellement des professionnels du droit. Il y a, à toutes fins
utiles, l'équivalent de près de 60 % de la circulation, par
exemple, d'une revue comme celle de l'Office de la protection du consommateur
qui est assuré par le magazine Justice. D'ailleurs, la satisfaction des
personnes touchées, bien au-delà de la communauté
juridique, nous incite à continuer les efforts dans ce domaine.
En collaboration avec la faculté de droit de l'Université
Laval, le ministère poursuit également une expérience
pilote d'éducation juridique au secondaire à la Commission des
écoles catholiques de Québec. Dans le cadre de la décennie
des femmes, qui se termine cette année, le ministère a
préparé une campagne d'information et de sensibilisation portant
sur la loi, l'économique et le couple. Le lancement de cette campagne a
eu lieu le 29 mars dernier.
Parmi les autres activités d'importance sur le plan de
l'information que le ministère a entreprises cette année, on peut
aussi souligner une campagne d'information qui vise la Loi sur les jeunes
contrevenants. Il était essentiel à nos yeux que la population et
les jeunes soient informés non seulement de leurs droits, mais
également de leurs
obligations qui sont prévues dans cette loi.
Également en matière de prévention, des campagnes
d'information ont été faites sur la prévention de la
fraude par les faux chèques et la prévention de l'utilisation
frauduleuse des cartes de crédit. Nous avons également fait une
campagne sur la protection du vol dans les petits commerces, sur
l'identification des biens des entreprises et sur la prévention du vol
de bicyclettes.
Enfin, le ministère a lancé dans toutes les régions
du Québec la semaine de la justice pour permettre à la population
de mieux connaître les services offerts par le ministère et ses
organismes et pour démystifier l'appareil de la justice. À titre
d'exemple, à Montréal, la semaine dernière, plus de 100
000 personnes se sont rendues, en l'espace de cinq jours ouvrables, au palais
de justice alors que nous avions monté 17 kiosques d'information. Les
semaines de la justice ont, par ailleurs, fait l'objet de nombreux commentaires
dans les médias. Je considère que cette opération a
été couronnée de succès et qu'elle a une
très grande utilité auprès du public.
Quant à la criminalité, comme il est de mise chaque fois
que nous discutons de crédits, je tracerai ici brièvement le
portrait de ce qui s'est fait en 1984. D'abord, les infractions au Code
criminel. On remarque une stabilité relative du taux de
criminalité qui passe de 66,34 % à 66,36 % par 1000 habitants, ce
qui signifie une très légère variation à la hausse,
soit de 0,02 % par rapport à 1983. Il y a une légère
augmentation du nombre absolu d'infractions au Code criminel qui est de 1,04 %
par rapport à 1983. Ainsi, les crimes avec violence ont augmenté
en nombre de 4,03 %. C'est surtout au chapitre des voies de fait que
l'augmentation s'est fait sentir. Ce n'est pas nécessaire d'aller aux
parties de hockey pour s'en rendre compte. Nous comptons vérifier par
des analyses si cette augmentation est consécutive au plus grand nombre
de cas de violence en milieu familial maintenant signalés à la
police. Le nombre de vols qualifiés a encore diminué cette
année, il est en baisse de 4,22 %.
Au chapitre des crimes contre la propriété, on peut noter
une baisse de 0,63 %, mais une augmentation des vols de véhicules
automobiles de 7,74 %. Les autres catégories de crimes ont
également augmenté de 4,54 %; c'est attribuable à une
augmentation sensible du nombre de méfaits rapportés, soit de
6,88 %. Par ailleurs, il faut noter que, dans ce genre de crimes dont la
détection demande un travail policier, on enregistre des baisses
sensibles, dans le cas du recel, par exemple, de moins 19 %; dans le cas de la
prostitution, de moins 20 %. Il en est également ainsi du nombre des
infractions aux lois autres que le Code criminel, indépendamment des
lois relatives à la circulation.
Quant au pourcentage des solutions à des infractions au Code
criminel, il est à la baisse, il est passé de 52,89 % à
46,57 %, à la Sûreté du Québec, et de 24,19 %
à 22,78 % dans les corps policiers municipaux. On doit noter, toutefois,
une baisse importante du nombre de jeunes impliqués dans les infractions
au Code criminel solutionnées. Ce nombre est passé de 38 413 en
1983 à 27 592 en 1984. Il sera intéressant de vérifier,
par des analyses ultérieures, si cette diminution sensible est
attribuable à une variation démographique ou si elle pourrait
découler de mesures législatives de prévention visant ces
groupes d'âge.
Du côté de la législation, M. le Président,
le bilan est connu puisque, par définition, cette commission a
été impliquée dans la législation, ne serait-ce
qu'en matière d'enlèvement international, de modifications au
Code de procédure, dont j'ai donné une partie des
résultats en parlant des délais tout à l'heure, ou de ce
projet que nous aborderons bientôt pour son étude article par
article - détaillée, devrais-je dire - dans le cas du Code
civil.
Également, il y a eu, au printemps, une commission parlementaire
- on se le rappellera - sur le Code civil qui donnera lieu, une fois de plus,
à l'étude article par article que nous connaissons et,
possiblement, à l'audition de nos collègues du barreau et de la
Chambre des notaires.
Quant aux perspectives législatives, elles sont modestes, M. le
Président. Peut-être est-ce l'essentiel de ce que je retiens des
propos du député de D'Arcy McGee qui propose qu'on ne
légifère pas trop. Je dois dire cependant que des projets
touchant l'unification des tribunaux, les poursuites sommaires et
l'application, évidemment, à compter du 1er janvier 1986, de la
prédominance de la charte québécoise sont en ce moment
à un stade extrêmement avancé au ministère de la
Justice.
M. le Président, si vous m'y autorisez, je pourrais prendre
encore quelques minutes, du consentement de mes collègues. Est-ce que
cela va?
M. Marx: Oui, pas de problème.
M. Johnson (Anjou): Le député de Deux-Montagnes est
d'accord?
M. Marx: C'est un plaisir de vous écouter, M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais parler de
certaines choses qu'on retrouve dans le document du député de
D'Arcy McGee, qui, je dois le reconnaître, a fait un effort de
synthèse remarquable, compte tenu des ressources que je sais
être
celles d'un député, même s'il peut s'appuyer sur une
partie d'une faculté de droit où il professe encore. Cependant,
M. le Président, ce qui m'intéresse, ce ne sont pas tellement les
nuances que nous pourrions faire sur les choses sur lesquelles nous nous
entendons, mais essentiellement deux domaines: le premier, c'est celui des
faits, n'est-ce pas, domaine important dans le droit, s'il en est un. Le
deuxième, c'est un certain nombre de perceptions, de teintes qu'a pu
donner le député de D'Arcy McGee, critique de la justice pour le
Parti libéral, à ce qui se passe dans notre système de
justice.
D'abord, le député de D'Arcy McGee nous dit dans son
document qu'il y a un demi-million de dispositions législatives qui
s'appliquent au Québec. Pourtant, un document du Parti libéral de
1981 affirme qu'il y en a 183 276. Il nous parle de désuétude des
textes. Il y a, c'est vrai, des projets à venir au ministère de
la Justice, et je crois qu'il le sait. Une étude exhaustive est
entreprise depuis trois ans pour analyser les dispositions qui pourraient
être annulées par une sorte de bill omnibus de
désuétude.
Quant à la réglementation, le député de
D'Arcy McGee nous affirme dans son document que nous avons 1881
règlements, soit deux fois plus qu'en Ontario. Je lui dirai que, sur ces
1881 règlements, il y en a 160 qui constituent les décrets
découlant des lois dans le secteur public et parapublic, 50 qui sont des
décrets de convention collective prévus dans nos lois et 500 qui
touchent les professions, tel que le veut le Code des professions. En Ontario,
M. le Président, ce type de réglementation n'est pas
répertorié. Nous avons donc une différence
considérable avec l'Ontario de 50 règlements de plus que nos
collègues voisins de l'ouest.
Le député affirme également dans son document qu'il
y a entre 800 et 900 nouveaux règlements par année, ce qui fut
vrai en 1980-1981, mais 250 étaient essentiellement des
règlements découlant de l'application de l'arrêt Blaikie
sur la nécessité d'adopter en français et en anglais un
certain nombre de dispositions réglementaires. En 1983, nous adoptions
198 règlements dont 100 découlaient des décrets de
convention collective ou de la fixation des prix de vente et 52
remplaçaient d'autres règlements. Donc, nous avions, en 1983, 46
nouveaux règlements sur 191 pages. Nous sommes loin des 800, M. le
Président. En ce qui concerne la cohérence législative,
j'y reviendrai peut-être si le député de D'Arcy McGee veut
qu'on étudie un peu plus à fond l'aspect factuel de ces
documents. (10 h 45)
Pour ce qui est de l'aide juridique, le député de D'Arcy
McGee ne manque pas de générosité et, dans la mesure
où nous avons des fonds, nous n'avons pas, je crois, à nous
séparer sur la nécessité d'être
généreux dans le système. Mais je lui ferai remarquer que
le taux d'utilisation de l'aide juridique est en moyenne au Canada de 18 par
1000 habitants et qu'il est en moyenne au Québec de 35 par 1000
habitants; 64 % des cas au Québec sont en matière civile alors
qu'en Ontario cela est beaucoup moins. Du côté des coûts, le
per capita au Québec est de 8,64 $, alors qu'il est de 7,90 $ en
Ontario. Du côté des demandes acceptées à l'aide
juridique, nous recensions en Ontario 110 000 demandes acceptées et 227
000 demandes acceptées dans le cas du Québec.
Du côté des frais pour les tribunaux administratifs - je
sais que c'est une des préoccupations du député de D'Arcy
McGee -il nous dit qu'il croit qu'il faudra trouver un système
imaginatif qui permette d'indemniser les citoyens qui iraient devant les
tribunaux administratifs pour une cause, par exemple, le zonage agricole. Je
pense qu'il a utilisé cet exemple qui est extrêmement
intéressant. Il nous réfère, notamment, à la
législation américaine et française dans ces domaines. Je
lui ferai remarquer que, dans le cas de la législation française,
il prête des vertus à l'article 700 du nouveau Code de
procédure français qu'il n'a pas. Est-il besoin de rappeler qu'en
France il y a deux systèmes d'adjudication, l'un de droit administratif
et l'autre de droit civil, que le système administratif n'est pas soumis
à l'article 700 du Code de procédure civile français et
qu'à cet égard on ne peut pas parler de la France comme
étant un endroit où on permettrait aux citoyens d'être
indemnisés pour les frais encourus dans une cause de droit administratif
avec l'État? Quant à l"'Equal Access to Justice" qu'on retrouve
aux États-Unis et qui a été adopté en 1981, c'est
un mécanisme d'une lourdeur incroyable et le secrétariat
responsable du gouvernement américain qui prévoyait, à
cette époque, l'indemnisation d'environ 7200 personnes faisant affaires
avec les tribunaux administratifs a constaté, après deux ans
d'application, qu'il avait pu en indemniser 64 sur 250 000 000 d'habitants.
M. le Président, il y a un certain nombre de faits dans les
propos du député de D'Arcy McGee qui sont, malheureusement,
inexacts. Encore une fois, tout en lui donnant le bénéfice du
doute quant aux ressources dont il pouvait disposer pour faire de telles
affirmations, notamment quant aux délais en Cour supérieure, je
crois malheureusement que cela a teinté un certain nombre de choses.
C'est également vrai dans le cas de la sécurité publique.
Sauf quelques grandes villes, les corps policiers municipaux, nous dit-il,
n'ont pas les ressources suffisantes pour s'occuper des enquêtes
criminelles et des patrouilles de nuit. Il est faux de
généraliser cette affirmation, surtout dans le eas des
patrouilles de nuit. Il y aurait une disparité
sans cesse croissante des conditions de travail des policiers, alors
qu'un des problèmes du monde municipal c'est, au contraire, la
standardisation des conditions de travail des policiers qui ont tendance
à se niveler par le haut plutôt que par le bas.
On fait une critique à l'égard du fait que nous demandons
aux municipalités de plus de 5000 habitants d'avoir leur corps policier.
Je rappellerai que, si cette norme de 5000, c'est vrai, comporte un certain
nombre d'inconvénients, le contraire imposerait des inconvénients
majeurs aussi. D'abord, nous nous sommes inspirés pour le chiffre 5000,
d'un projet de loi déposé par le Parti libéral, en 1976.
Nous n'avons pas pris ce chiffre, 5000, dans un nuage. C'était contenu
dans une disposition législative proposée par le Parti
libéral, à l'époque. Il en coûterait 63 000 000 $
aux contribuables du Québec, répartis sur l'ensemble de notre
population, si nous devions adopter la suggestion de porter cela à 20
000 habitants. Compte tenu de la réforme de la fiscalité
municipale et des avantages certains qu'elle comportait pour le monde
municipal, il nous apparaît, tout au moins, qu'une telle approche
présupposerait une revue du mode de financement et de la participation
des municipalités à ce financement, si nous devions passer
à 20 000.
Le député de D'Arcy McGee souhaite la cessation du cumul
des fonctions de policier et de pompier, alors que, pour beaucoup de
municipalités, moyennes ou petites, il s'agit d'un moyen plus efficace
pour elles dans la gestion des ressources. On nous dit que l'application des
règlements municipaux devrait être réservée à
des personnes autres que les policiers. C'est un fait que beaucoup de
règlements, en ce moment, sont entre les mains d'autres personnes.
Cependant, tout ce qui touche au maintien de la paix et à la
sécurité publique nous apparaît comme devant être
réservé aux services policiers.
À la page 110, le député de D'Arcy McGee nous dit
que seuls les diplômés en techniques policières devraient
être admis à l'institut, alors que le passage à l'institut
est obligatoire pour l'obtention du DEC. Il ne nous apparaît pas inutile
de conserver cette porte ouverte pour ne pas nous priver d'un certain nombre de
ressources qui ne seraient pas en techniques policières.
Le député de D'Arcy McGee nous dit, à la page 138
de son document, que l'IVAC est le seul programme gouvernemental qui s'adresse
vraiment aux victimes, alors que le programme INFOVAC, lui, vise, à
quatre étapes différentes du processus judiciaire, à
fournir à la victime l'information adéquate et pertinente sur ce
qui lui arrive et que ce programme québécois est cité en
exemple dans tout le Canada comme étant ce qui se fait de mieux à
l'égard des victimes en matière d'information. Il néglige
le protocole médico-légal et la trousse pour les victimes
d'agression sexuelle là aussi où notre programme est de loin le
plus développé au Canada. Il néglige également de
faire appel à la notion du développement absolument
phénoménal des maisons d'hébergement pour les femmes
violentées qui s'est fait en collaboration avec le ministère des
Affaires sociales depuis quelques années.
M. le Président, somme toute, malheureusement, le
député de D'Arcy McGee est sans doute bien motivé, puisque
c'est un homme, je le sais, qui s'intéresse aux questions de justice,
mais son approche est tellement teintée de pessimisme et de
défaitisme qu'elle présente les choses comme elles ne sont pas.
Tout en voulant offrir un certain nombre de perspectives, elle pèche
dans ce qui est, quant à moi, un aspect fondamental qui est celui des
faits et de l'appréciation des faits, notamment en matière de
détention où les plus récentes statistiques nous
démontrent que le nombre de personnes détenues a diminué
de 27 % par rapport à 1983, passant de 24 000 à 18 203, et que le
nombre de personnes prévenues a également diminué passant
de 16 900 à 15 700. J'enlève le 26 et le 29 qui viennent à
côté du 900 et du 700. Cette importante diminution
représente un résultat concret des nouveaux programmes, des
nouvelles mesures mises de l'avant par la Direction de la probation et de la
détention que le député, malheureusement, persiste
à ignorer.
J'indique également que le développement des programmes de
travaux compensatoires a contribué à diminuer de 39 % le nombre
de personnes incarcérées pour défaut de paiement d'amendes
et que le nombre des personnes incarcérées pour infraction aux
règlements municipaux a chuté de 19 % à 3,8 %. On verra ce
qu'en dit le député de D'Arcy McGee dans son document où
les pourcentages qu'il montre sont absolument faramineux.
D'autre part, nous nous réjouissons d'un certain nombre
d'initiatives qui ont été prises; notamment, 54,7 % de notre
population carcérale qui a entre 20 et 29 ans doit faire l'objet des
efforts de prévention, mais surtout de réinsertion sociale que
nous faisons. Le plan de séjour qui évalue les besoins de
l'incarcéré et les moyens dont il peut disposer pour se
réinsérer socialement nous apparaît dans ce contexte
extrêmement important. Permettez-moi de mentionner aussi que dans les
ressources communautaires le nombre de jours séjour est passé de
38 000 à 119 639, soit une augmentation de 318 % et qu'en 1983 2265
détenus ont bénéficié des programmes d'absence
temporaire. En ce sens, encore une fois, les propos du député de
D'Arcy McGee sont malheureusement teintés d'une attitude
défaitiste à partir des faits, de ce qui se
passe au ministère de la Justice. Si ce n'était que des
questions d'opinion, de philosophie et d'orientation, il y aurait
matière à de longs débats, mais, quand les faits sont
inexacts, quand ils sont partiels, pour ne pas dire partiaux, ce que je
n'oserais pas dire à l'égard du député...
M. Marx: Sûrement pas.
M. Johnson (Anjou): II teinte malheureusement la perception que
nos concitoyens peuvent avoir de l'efficacité relative d'un appareil qui
est exigeant, qui est lourd, qui a ses contraintes, qui a, c'est vrai, ses
délais, mais qui, pour l'essentiel, a été au service des
Québécois depuis un certain nombre d'années. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais, en premier
lieu, saluer la présence des fonctionnaires du ministère et des
différents organismes, et les remercier, à l'avance, de la
collaboration précieuse qu'ils apporteront aux membres de la commission,
comme ils l'ont toujours fait. Peut-être le ministère de la
Justice est-il le plus beau ministère; je pense que c'est le plus vieux.
Curieusement, j'ai eu l'occasion, récemment, de lire les débats
sur la confédération de 1865 et j'ai remarqué qu'à
l'époque il y avait un Procureur général pour le
Bas-Canada et un Solliciteur général pour le Bas-Canada. Il y a
des gens qui proposent maintenant qu'on retourne aux sources et qu'on divise
même le ministère en deux. Tout cela pour dire que, vraiment, le
ministère de la Justice est peut-être le ministère le mieux
rodé de tous nos ministères.
L'étude des crédits du ministère est devenue, au
cours des dernières années, une répétition de ce
que nous avons entendu l'année précédente. Lorsque le
ministre fait le bilan de ses réalisations et nous fait part de ses
projets, on a l'impression d'assister à une reprise. En écoutant
le ministre aujourd'hui, je me suis dit: Peut-être dois-je
répéter mon discours de l'an dernier, parce que, franchement, il
n'a pas changé tellement son discours. Alors j'ai pensé que je
pourrais répéter ce que j'ai dit l'an dernier.
Il y a des choses qui se font au ministère de la Justice et il
est impossible d'avoir un ministère de 15 000 personnes où on ne
fait rien durant toute l'année. Je pense qu'il y a certaines choses qui
se font, mais pas de grandes choses, si je peux m'exprimer de cette
façon. Le ministre a parlé de la semaine juridique. J'imagine que
cela a été un succès. Au moins, j'ai vu qu'on avait
envoyé des dizaines de telbecs. On a dépensé beaucoup
d'argent, mais je n'ai pas eu l'occasion, vraiment, d'étudier ce
programme ou d'étudier l'impact que ce programme a eu. Aussi, je ne veux
pas être sévère pour le ministre, je ne veux pas être
trop critique envers le ministre. Il a d'autres dossiers; il est le ministre
responsable des Affaires canadiennes et, comme je l'ai souvent souligné,
il est Procureur général du Québec, Solliciteur
général et ainsi de suite.
Si on prend l'Ontario, par exemple, cela m'a beaucoup frappé
qu'en Ontario il y ait quatre ministres qui s'occupent de la justice. On a un
Procureur général, un Solliciteur général, un
Secrétariat à la justice et un ministre responsable des services
correctionnels. Je dirais, à mon avis, qu'en Ontario on en a trop. En
Alberta, on a deux ministres; au niveau fédéral, on a deux
ministres: un Solliciteur général et un Procureur
général.
Voilà, nous avons un ministre qui est tout seul. Même son
prédécesseur était seul et il avait un autre dossier en
tant que ministre délégué à la Réforme
électorale. Je pense que le ministre de la Justice est un des seuls
ministres qui n'ait pas d'adjoint parlementaire. Est-ce exact? Il n'a pas
encore d'adjoint parlementaire. Cela démontre l'importance que le
premier ministre attache aux matières de la justice.
M. Johnson (Anjou): C'est peut-être, M. le
Président, si le député me le permet, qu'il . n'y a plus
d'avocats dans la députation. Ils sont tous au Conseil des
ministres.
M. Marx: Oui, mais ce n'est pas nécessaire d'avoir un
avocat comme adjoint parlementaire, parce que M. Godin, le député
de Mercier, qui n'est pas avocat, a déjà piloté un projet
de loi du ministère de la Justice. Je pense que, en ce qui concerne la
structure du ministère, il y a au moins des changements à
étudier et peut-être des changements à effectuer. (11
heures)
Le ministre a fait certaines critiques de mon document, mais je suis le
premier à accepter les critiques. Il a parlé, par exemple, des
délais. Je suis convaincu qu'on a fait des améliorations, parce
que l'Opposition était d'accord avec le projet de loi et sur la
procédure qui a été adoptée, mais il ne faut pas
oublier que c'est en janvier 1984 que l'Opposition a fait une intervention sur
cette question. C'est en 1984 ou en 1983? Je pense que c'est en 1983 que nous
avons fait une intervention, nous avons fait beaucoup de publicité
autour de ce sujet. Je pense que ça poussait un peu le ministère
et le ministre de l'époque à prendre des mesures correctives.
Le ministre a touché un point important quand il a dit que
l'Opposition et surtout le critique en matière de justice n'ont pas
tellement de ressources. C'est difficile pour le critique d'avoir de
l'information. Disons que, si je téléphone, demain, au palais de
justice de Montréal pour avoir des statistiques, on ne me les donnera
pas. Le ministre cite des statistiques, je comprends, mais quand j'ai
préparé mon document, ces statistiques n'étaient pas
publiques.
Je ne peux pas, par exemple, avoir une interview avec le chef de police
de la ville de Montréal. J'ai demandé à M. de Luca pour
avoir une interview juste pour comprendre comment le service de police de la
Communauté urbaine de Montréal voit l'application de certaines
lois, pas pour faire de la politique; on peut faire de la politique sur
beaucoup d'autres questions.
M. Johnson (Anjou): Surtout en matière de police, on a vu
ça récemment.
M. Marx: Oui, on a toujours d'autres dossiers si on veut faire de
la politique partisane. Je voulais m'informer. C'est difficile pour
l'Opposition de s'informer auprès du ministère. Il y a certaines
statistiques qui sont disponibles en matière correctionnelle, j'en
prends connaissance chaque année, mais je ne peux pas demander - j'ai
essayé - au responsable au ministère de me fournir d'autres
statistiques ou de reformuler ces statistiques parce que j'ai besoin d'autre
chose. Le ministère de la Justice n'est pas au service de l'Opposition,
si je peux dire cela de cette façon, et je ne blâme pas le
ministre. J'imagine que c'était ainsi sous le gouvernement
libéral et que ce sera la même chose sous un futur gouvernement
libéral, péquiste, de l'Union Nationale ou conversateur,
c'est-à-dire que c'est très difficile pour l'Opposition d'obtenir
certaines informations, d'avoir des faits.
Quand le ministre m'a critiqué en ce qui concerne les chiffres
que j'ai avancés relativement à l'adoption des règlements,
la plupart de chiffres que j'ai cités dans mon document, L'Avenir de la
justice au Québec, viennent du livre de M. Barbe. Donc, la critique ne
vise pas le député de D'Arcy McGee. Je pense que, d'une certaine
façon, ça vise le livre de M. Barbe. Peut-être qu'il y a
d'autres règlements, peut-être qu'il y a une erreur dans mes
chiffres, c'est bien possible, peut-être que je n'ai pas expliqué
que certains décrets ont été adoptés en vertu de
telle et telle loi, et ainsi de suite. Si j'ai fait une erreur de cette nature,
je m'excuse, mais je pense que ce serait faux de prendre une petite erreur de
chiffre et d'essayer de dénigrer le document parce qu'il y a une
virgule, une note de renvoi ou un chiffre qui manquent. Je pense que tout le
monde échouerait dans son travail s'il était soumis à une
telle critique.
Par exemple, quand j'ai fait un peu de droit comparé avec le
droit français et le droit américain en ce qui concerne le
remboursement des frais de cour pour les gens qui gagnent leur cause devant les
tribunaux administratifs, j'ai donné cela à titre d'exemple. Pour
le droit français, je sais que c'est dans le Code de procédure
civile et que ça ne vaut pas pour le droit administratif. Mais
c'était un autre exemple. Si vous lisez cela attentivement,
peut-être faut-il voir cela dans le cadre de notre Code de
procédure civile. J'ai pris cela comme un exemple et c'est
évident que je n'ai pas fait une étude de tous les effets, mais
je voulais évoquer une certaine politique possible.
En ce qui concerne les statistiques correctionnelles, je sais qu'il y a
de nouvelles statistiques. Mais les statistiques que le ministre a
citées aujourd'hui ne sont pas encore publiées, à ma
connaissance. Peut-être qu'elles l'ont été
récemment, mais quand j'ai travaillé à mon document
à la fin de 1984, ces statistiques n'étaient pas disponibles.
En ce qui concerne le dossier des policiers, les patrouilles de nuit ont
été enlevées.. Il y a eu des débats à
l'Assemblée nationale où on a dit clairement que la plupart des
corps de police n'ont pas de ressources suffisantes pour vraiment veiller
à tout ce qu'ils ont à faire. De toute façon,
j'apprécie beaucoup que le ministre ait pris connaissance de mon
document et je l'en remercie.
Il a dit que j'avais une attitude défaitiste. Eh bien, si j'ai
une telle attitude, ce n'est pas l'impression que j'ai voulu donner. Je ne veux
pas critiquer juste pour critiquer; je veux critiquer où je peux d'une
certaine façon aider à pousser le gouvernement à faire
quelque chose. Souvent c'est bon pour le gouvernement. Cela aide nos
gouvernements et cela aide peut-être le ministre à dire: Je suis
poussé par l'Opposition, par les femmes, par les victimes et ainsi de
suite. Cela peut aider le gouvernement à adopter une certaine loi ou une
certaine politique.
Je m'excuse si j'ai une attitude défaitiste; ce n'est pas voulu,
mais je pense que le ministre a souvent une attitude que l'on retrouve chez
Pangloss dans le livre Candide de Voltaire où il dit que c'est le
meilleur de tous les mondes possibles, que, quoi qu'il arrive, c'est le
meilleur monde possible. Je pense que c'est un peu l'attitude des membres du
gouvernement actuel: tout cela, c'est le meilleur monde possible.
Peut-être que c'est normal que le gouvernement ait cette attitude, dans
tous ses dossiers, qu'on ne peut pas faire mieux, que c'est le meilleur des
mondes possibles. C'est compréhensible aussi.
II faut souligner que le dossier de la justice a été un
peu négligé, â mon avis, depuis huit ans. Cette
négligence est évidente dans certains dossiers. Par exemple, dans
le Code civil, je sais qu'il y a beaucoup d'excuses et que le gouvernement a
l'intention de faire des choses. Je sais que ce n'est pas un dossier politique.
Franchement, depuis que le gouvernement est au pouvoir, on a adopté une
loi: la loi 89! II y a la loi 20 qui est devant l'Assemblée nationale.
Peut-être qu'elle sera adoptée d'ici quelques mois, mais elle ne
sera pas en vigueur avant janvier 1986, parce qu'on attend une autre loi, la
loi d'application et tout. Mais je ne veux pas préjuger de ce que le
gouvernement pourrait faire dans ce dossier.
Si on prend la Loi sur les coroners, je pense que le gouvernement a
été un peu poussé par l'Opposition à déposer
et à adopter cette loi, mais la loi a été adoptée
il y a un an et demi, en décembre 1983, je pense, et elle n'est pas
encore en vigueur. On a travaillé jour et nuit; c'était urgent et
important, c'était une amélioration souhaitable. Tout le monde
était pour cela, mais la loi n'est pas encore en vigueur. Malgré
la Charte des droits et libertés de la personne et malgré la
Charte canadienne des droits et libertés, il y a des abus en fonction de
la Loi sur les coroners actuelle chaque semaine à la
télévision. On voit le "procès", entre guillemets, de
quelqu'un à la télévision à 18 heures. Le coroner
va dire à la fin: Je vous tiens criminellement responsable pour tel et
tel acte. Qui va faire la distinction? Quel auditeur fera la distinction en
disant: Oui, mais il n'est pas coupable en droit, il est tenu criminellement
responsable, un jour il aura son procès et ainsi de suite?
On a voulu éviter un tel abus par la nouvelle loi. Or, l'article
qui prévoit que ce sera impossible pour la télévision de
filmer lors d'une enquête du coroner ou pour les photographes de prendre
des photos n'est pas en vigueur. Je pense que c'est la source d'un certain
nombre d'abus. Je ne sais pas comment vraiment régler ce problème
cette semaine; peut-être qu'on peut mettre en vigueur seulement cet
article. Je demande aux légistes du ministère si, dans le projet
de loi omnibus qui sera, j'imagine, déposé bientôt, on ne
pourrait pas ajouter un article pour prévoir que cet article de la Loi
sur les coroners soit tout de suite mis en vigueur. De toute façon, il
faut trouver un moyen d'éviter que ces abus, ne se
répètent aux bulletins de nouvelles, neuf fois par semaine.
Il est tout à fait inacceptable que, depuis des années,
les mêmes problèmes reviennent continuellement sur la table. Voici
un exemple parmi beaucoup d'autres: dans le livre blanc du gouvernement
Bourassa, La justice contemporaine de 1975, on parle de l'unification des
tribunaux. Savez-vous combien de fois le ministre de la Justice a fait les
manchettes avec cette proposition? J'aimerais vous lire cela. J'aimerais
souligner que ce n'est pas le ministre actuel qui a fait la manchette.
Voilà! Le Devoir, le jeudi 9 septembre 1982: "Bédard vise
à intégrer les cours sous un seul juge dès que possible".
Le Soleil le vendredi 11 mars 1983: "Une seule cour de justice, Québec
veut unifier ses tribunaux". Une autre fois, M. Bédardi Le Devoir, le
jeudi 21 avril 1983: "Bédard veut regrouper les tribunaux
québécois". Le Devoir, le mercredi 8 juin 1983: "Bédard
regroupe trois tribunaux en une seule cour de Québec". Le 10 septembre
1983: "Vers une cour de Québec unique". Et ainsi de suite! Vous voyez...
Peut-être que les "speech writers" du ministre Bédard sont ici
dans cette salle, peut-être qu'ils peuvent nous dire si M. Bédard
a fait d'autres discours semblables. Si on fait des discours depuis 1982, que
rien ne se passe, que la loi n'est pas déposée, je pense qu'il y
a quelque chose qui tourne en rond, pour dire le moins.
J'aimerais bien souligner que l'actuel ministre de la Justice n'a pas
fait les manchettes avec cette proposition. Peut-être que le
ministère a pris un virage, maintenant. On va proposer d'autres choses.
Peut-être qu'on a déjà laissé tomber l'unification
des cours de justice. Peut-être que le ministre va nous répondre.
Vous voyez qu'on revient continuellement sur les mêmes problèmes,
sans faire vraiment beaucoup de progrès.
De toute façon, nous sommes en 1985. Il y a le livre blanc de
1975 et on n'a pas vraiment donné suite aux propositions qu'on y
retrouve. On n'a pas vraiment proposé autre chose, non plus. On a
l'impression que les ministres, successivement, ont considéré
l'ampleur du ministère de la Justice comme une montagne infranchissable
et qu'ils ont renoncé à trouver des solutions. Les
décisions prises et les actions entreprises par le ministère de
la Justice sont parmi celles qui, au sein d'un gouvernement, ont le plus
d'incidences directes sur la population. Dans une large mesure, elles
traduisent la conception qu'un gouvernement a de la société.
C'est au ministère de la Justice qu'on décide, entre autres,
quelle protection sera offerte aux citoyens, quelles possibilités leur
seront offertes de faire connaître leurs droits ou encore jusqu'où
on veut aller dans la protection de leurs droits et libertés. La base
même des rapports entre les citoyens et de leurs rapports
économiques est du ressort du ministère de la Justice. (11 h
15)
Comment peut-on expliquer que le gouvernement actuel ait
décidé de faire de ce ministère un ministère de
second plan? Le gouvernement parle depuis des années d'humaniser la
justice, mais la perception qu'il en a produit les effets contraires; par
exemple, les longs délais devant certains organismes et j'admets
tout de suite qu'on a fait des améliorations au palais de justice de
Montréal. Le fouillis législatif et réglementaire ou
encore l'accès plus restreint à l'aide juridique contribuent
à creuser encore plus le fossé avec les contribuables. Quoi qu'en
dise le ministre, la justice est de plus en plus perçue par plusieurs
comme l'affaire des spécialistes. Même si on a une semaine
juridique, ni la population, ni les spécialistes n'y trouvent leur
compte.
Si la situation a empiré plutôt que de s'améliorer
au cours des huit dernières années, cela est directement
attribuable à l'actuel gouvernement. Il a décidé de jouer
à l'autruche au lieu d'exercer les pouvoirs qui lui sont
dévolus.
Pourtant, la justice a déjà été
considérée comme un secteur majeur au Québec. Le
Québec a même déjà été à
l'avant-garde de la justice au Canada, c'était sous le gouvernement de
M. Bourassa. Le Québec à cette époque a vraiment pris les
devants. Je peux vous donner trois exemples: l'instauration de notre
régime d'aide juridique au début des années soixante-dix,
la création de la Cour des petites créances durant la même
époque et l'adoption de la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec en 1975, et j'en passe.
Pour que la justice reprenne la place qui lui revient, il faudrait que
le gouvernement ait la volonté politique de lui redonner cette place. Il
faudrait aussi qu'il ait une vision globale qui lui manque. Malheureusement,
les propos du ministre démontrent clairement qui ni l'une ni l'autre de
ces conditions n'est remplie et je ne peux pas blâmer le ministre actuel
étant donné qu'il est en fonction depuis seulement environ 13
mois.
La meilleure preuve à cet effet réside dans le fait que
des réformes sont reconnues comme nécessaires tardivement ou que,
une fois effectuées, on tarde à les mettre en vigueur. L'un et
l'autre de ces cas peut être illustré par la réforme du
Code civil et la réforme de la Loi sur le coroners. Je ne veux pas
insister sur ces deux points parce que j'ai déjà fait des
remarques sur ceux-ci.
De plus, depuis 1975, année de la parution de La justice
contemporaine au Québec du gouvernement de M. Bourassa, aucun effort
sérieux n'a été fait pour trouver des solutions
s'inscrivant dans un contexte global. Sur ce dernier point, on m'a
déjà répondu que le gouvernement préférait
l'action aux grands livres ou aux grandes théories. Le ministre actuel a
parlé des grandes théories, je pense que c'était l'an
dernier.
Le résultat de tout cela, c'est qu'aujourd'hui nous ne nous
trouvons ni devant des grands livres, ni devant des actions concrètes
valables. Ce qu'on nous présente est, dans la plupart des cas, trop peu
et trop tard. Je comprends les deux ministres de la Justice qui se sont
succédé d'avoir considéré l'énoncé de
politique présenté par le gouvernement de M. Bourassa comme
extrêmement valable. Je comprends aussi qu'ils aient décidé
d'en suivre les principales recommandations. Ce que je comprends moins, c'est
qu'ils n'aient pas saisi que des actions à court terme s'imposaient,
qu'ils n'aient pas compris, non plus, que la société a
évolué. Certains problèmes auxquels les citoyens sont
confrontés au niveau de la justice sont facilement identifiables pour
qui veut bien s'en donner la peine. J'aimerais en citer quelques-uns au
ministre.
L'inflation législative et réglementaire. Il est devenu
quasi impossible pour un simple citoyen de connaître ses lois et
obligations. De plus, il résulte de cette situation qu'un poids
financier de plus en plus lourd repose sur le justiciable et sur son
entreprise. On parle depuis combien d'années de déposer une
loi-cadre sur les règlements? Combien d'années? Franchement, cela
ne prendrait pas beaucoup de temps à adopter une telle loi.
Peut-être que le ministre a déjà un avant-projet de loi
quelque part dans son ministère. Peut-être qu'un avant-projet de
projet de loi circule ici et là. Ce sont des années, quand
même. Il y a une telle loi au fédéral. Il y a une telle loi
en Ontario. Il y a une telle loi dans d'autres juridictions. Je ne sais pas
pourquoi il faut que le Québec soit en arrière dans ce
domaine.
Prenons la loi sur la sécurité routière. C'est
incroyable. Ce n'est peut-être pas la faute du ministre de la Justice.
Cette loi n'est peut-être pas passée par son ministère. Je
n'en sais rien. On a une loi sur la sécurité routière qui
a été adoptée il y a deux ans; il y a quelques mois, on y
a fait 200 modifications, 200 amendements. C'est incroyable! Demandez à
n'importe quel juriste au Québec ce qu'il pense de cette façon de
légiférer. C'est incroyable!
Regardez dans les recueils de lois des autres provinces. J'ai fait une
comparaison de deux ans avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas la
même chose. Il n'y a pas de modifications comme on en a ici. Ce n'est pas
sérieux ici. J'ai l'impression qu'on dépose un projet de loi en
se disant: S'il y a 53 erreurs, on va les corriger au printemps ou à
l'automne. Ce n'est pas nécessairement - et je le répète -
la faute du ministre de la Justice ou du ministère de la Justice et je
comprends que toutes les lois ne passent pas par le ministère de la
Justice, mais le problème est là au sein du gouvernement. Il y a
une erreur qu'on m'a signalée aujourd'hui; j'ai reçu une lettre
ce matin et je la cite: "M. le député, je tiens à vous
souligner que lors de la rédaction des articles créant le
ministère des Relations
internationales (Lois du Québec 1984, chapitre 47, aux articles
70 à 101) et le Secrétariat aux affaires intergouvernementales
canadiennes (1984, chapitre 47, aux articles 109 à 111), les
légistes n'ont prévu aucun article de concordance, aucun article
de modification globale et aucun article de renvoi permettant d'effectuer les
modifications requises dans diverses lois où l'on réfère
au ministre ou au ministère des Affaires intergouvernementales
maintenant aboli. Une telle erreur de légistique me semble
grossière." Je n'ai pas vérifié la véracité
de ce que je viens de vous lire, mais cela m'a été envoyé
par un juriste.
Il y a des gens qui nous surveillent. Il y a des gens qui font
l'étude de nos lois. Il y a des gens sérieux qui font des
études et, quand on les consulte, ils sont très
déçus de ce qu'on fait ici à l'Assemblée nationale
en ce qui concerne nos lois.
Aussi, il y a la prolifération des organismes administratifs. Les
quelque 200 organismes existant actuellement rendent la machine gouvernementale
trop envahissante. Il en résulte un accroissement considérable de
la demande de services juridiques et de recours aux organismes administratifs
et judiciaires. Le justiciable doit souvent ici encore faire face à des
problèmes d'ordre financier. Le ministre a déjà
soulevé une suggestion de l'Opposition en ce qui concerne le
remboursement des frais judiciaires aux contribuables qui vont contester la
décision d'un organisme administratif et qui gagnent leur cause. Je
pense que c'est quelque chose a ne pas rejeter du revers de la main, qu'il faut
étudier cette question davantage. Il y a un certain mérite. Il
faut envisager le remboursement d'une façon autre que celle que j'ai
suggérée dans mon document. Il y a quelque chose à faire,
je crois, dans ce domaine, et ce n'est pas seulement la question du
remboursement, c'est de mettre un frein aux poursuites injustes de certains
tribunaux administratifs, de mettre un frein à certaines interventions
de certaines commissions, de certaines régies, etc. C'est une question
à revoir. Il y a une certaine faiblesse de l'organisation
policière, il y a une certaine inefficacité des services
policiers municipaux. J'aimerais souligner que la commission des institutions
s'est donné le mandat d'étudier cette question bientôt. On
va avoir l'occasion d'étudier toute cette question à fond.
Malgré des effectifs totaux de plus de 13 000 policiers et des
coûts de plus de 700 000 000 $ - ce sont les coûts non seulement du
ministère de la Justice, mais les coûts totaux pour les services
de police - les citoyens ne peuvent être assurés de recevoir des
services adéquats. Cela s'explique, entre autres, par les tâches
trop diversifiées qui incombent aux policiers, par l'obligation faite
à des municipalités relativement petites d'assurer des services
et par un manque de coordination et de contrôle administratif. Comme je
viens de le dire, on reviendra sur ce problème. Le ministre a
souligné qu'on a pris le chiffre de 5000, qui était dans les lois
municipales; maintenant, le chiffre est de 20 000 de plus en plus au lieu de
5000. Il faut réévaluer et réétudier ces services
de police. Il me semble que le gouvernement n'a pas de politique en cette
matière.
Pour les services correctionnels, il n'y a aucune politique globale du
gouvernement, à ma connaissance. Après maintes démarches
lors de l'étude des crédits - cela m'a pris peut-être
trois, quatre ou cinq ans; j'ai tellement critiqué le ministre de
l'époque que je crois qu'il a été un peu gêné
-finalement, on a produit deux documents qui sont censés encadrer la
politique du gouvernement en ce qui concerne les services correctionnels. Ce
n'étaient pas des documents très forts, je crois. Si je devais
faire un résumé de ces documents, je dirais qu'on a
répété et qu'on a vulgarisé les lois et les
règlements en ce qui concerne les services correctionnels et qu'on a mis
cela sous forme de documents. Il y a beaucoup de choses à faire dans ce
domaine. Je ne veux pas revenir sur les promesses de l'ancien ministre de la
Justice qui a dit en 1977: On va fermer Parthenais. Je ne veux pas revenir sur
certaines améliorations que le gouvernement a promises et qu'il n'a
jamais réalisées. Même aujourd'hui, je ne veux pas revenir
sur mes chiffres parce que les derniers chiffres que j'ai sont que 80 % des
détenus sont dans nos prisons pour des sentences de 90 jours et moins.
Peut-être que les chiffres ont changé depuis quelques mois parce
que j'ai entendu dire qu'il y a d'autres chiffres. Les chiffres que j'ai sont
que 50 % des gens en prison sont là pour des infractions
routières. Il faut peut-être revoir ces chiffres; je n'ai pas les
chiffres d'aujourd'hui, je m'excuse. Il faut qu'on se pose la question
suivante: Faut-il emprisonner pour des petites infractions? Qu'est-ce que cela
donne? Je crois que cela ne donne absolument rien. Le cas
échéant, ne faudrait-il pas mettre de la pression sur le
gouvernement fédéral pour qu'il fasse des modifications au Code
criminel afin qu'on n'emprisonne pas pour des petites infractions? Il y a toute
une politique à élaborer dans ce domaine. (11 h 30)
Je peux parler des victimes d'actes criminels, puisque le ministre l'a
déjà mentionné. Moi, je trouve qu'on ne fait pas
grand-chose au Québec. Quand j'ai besoin de données, quand j'ai
besoin d'idées, ce n'est pas dans les documents produits par le
gouvernement du Québec que je vais puiser, c'est plutôt dans les
documents du Solliciteur général du Canada, dans les documents du
Solliciteur général ou du Procureur général
de l'Ontario. Quatre ministres ont fait une consultation auprès
des victimes d'actes criminels en Ontario. Ils ont produit un excellent
rapport, et même nos criminologues de l'Université de
Montréal ont participé à ce travail. Quand on parle des
droits des victimes, pensons aux femmes battues, pensons aux politiques qu'on a
instaurées au Manitoba, par exemple, et un peu en Ontario. Je ne crois
pas qu'on soit en avant de ces provinces. Je pense que le Procureur
général du Manitoba, M. Penner, a fait beaucoup plus de choses en
ce domaine que l'ancien ministre de la Justice au Québec.
Le Président (M. Gagnon): Vous devez conclure.
M. Marx: Oui, mais j'ai donné quelques minutes de plus au
ministre.
Le Président (M. Gagnon): C'est ça. J'ai pris en
considération les minutes que vous avez données de plus au
ministre et vous êtes rendu exactement à 35 minutes. Ça
va!
M. Marx: Dans quelques minutes j'aurai terminé. À
Chicoutimi, on avait un projet d'aide aux femmes victimes de violence. M.
Bédard s'est toujours vanté de ce programme qui était
dirigé par Mme Marthe Vaillancourt. Or, le programme n'a pas
été renouvelé. Est-ce que le ministre peut nous expliquer
pourquoi cela n'a pas été renouvelé? Je ne veux pas faire
un procès d'intention, je ne fais que soulever la question.
L'accès à l'égalité des femmes et des
membres des minorités ethniques et linguistiques demeure aujourd'hui,
comment dirais-je... On n'a pas donné suite à cela, il n'y a pas
de règlement. J'insiste sur cela. Depuis 1982, le ministre n'a pas
déposé de règlement en ce qui concerne les programmes
d'accès à l'égalité ou en ce qui concerne la
non-discrimination envers des femmes pour ce qui est des avantages sociaux. En
Ontario et dans d'autres provinces, les femmes vont contester cette
discrimination en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés,
article 15. Je crois que ce sera impossible au Québec.
Ces quelques exemples démontrent qu'à peu près tous
les secteurs méritent d'être reconsidérés:
législation, réglementation, administration des tribunaux,
services policiers, services correctionnels, reconnaissance des droits des
victimes d'actes criminels, accès à l'égalité des
femmes et des groupes minoritaires, etc.
Je pense que je vais m'arrêter ici car cela deviendrait un peu
long. Ce serait difficile pour le ministre de digérer tout cela et je ne
veux pas qu'il ait une indigestion. En concluant, je dirais qu'il est clair que
le gouvernement a négligé la justice, au détriment des
citoyens. Le gouvernement, par son inaction, en laissant la situation se
détériorer, a provoqué une diminution de
l'accessibilité des citoyens a la justice. Il est un peu tard pour que
ce gouvernement puisse corriger son tir, mais je me permets quand même,
en terminant, de suggérer au ministre de prendre en considération
toutes les recommandations qui lui ont été faites par
l'Opposition et par d'autres groupes, par exemple, par le Barreau du
Québec. Je me permets aussi de rappeler au ministre que des solutions
existent, qu'elles sont à notre portée dans la mesure où
on a une volonté politique d'agir. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le ministre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): Oui, très brièvement, M. le
Président - je pense qu'on pourrait recommencer, de vingt minutes en
vingt minutes, chacun - je vais prendre cinq minutes pour relever certaines
choses.
Le député de D'Arcy McGee tout à l'heure m'a
remercié d'avoir évoqué le fait qu'il n'avait
peut-être pas les ressources de tout un ministère pour faire son
document et il a dit que, ma foi, on ne devrait pas lui en vouloir s'il y avait
quelques erreurs de virgule. M. le Président, ce n'est pas de cela qu'on
parle. Il nous dit qu'il y a 1800 règlements au Québec, ce qui
constitue 100 % de plus qu'en Ontario, alors que les chiffres indiquent 5 % de
plus qu'en Ontario; ce n'est pas exactement là une virgule ou une
nuance. 11 nous dit que les délais ont doublé en Cour
supérieure, alors qu'ils ont diminué de moitié, M. le
Président. Cela n'est pas tout à fait une virgule, ça.
M. Marx: Les chiffres n'étaient pas disponibles quand j'ai
produit le rapport. Vous ne pouvez pas me critiquer pour quelque chose...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le
député, la parole est maintenant au ministre.
M. Johnson (Anjou): II se réfère, M. le
Président, à de la législation française et
américaine dont l'application n'a pas du tout l'effet qu'il
décrit dans son document, mais pas du tout! Je prends encore cet exemple
du "Equal Access to Justice Act" de 1981 aux États-Unis. 64 personnes
sur 250 000 000 d'Américains ont été indemnisées en
vertu du "Equal Access", et il nous présente cela comme une
panacée.
Il nous dit aujourd'hui: Ecoutez, c'est une idée. On n'administre
pas un ministère et on ne fait pas évoluer la justice juste
avec une idée; il faut avoir des projets. La différence
entre une idée et un projet, c'est d'être capable de le
quantifier, d'être capable de trouver les instruments et de le mettre en
branle, M. le Président.
Quand, dans son document, il nous parle du problème de la
cohérence législative au gouvernement, il se trompe dans les
exemples qu'il donne. Il se trompe, notamment, au sujet d'une certaine
modification. Comme exemple d'incohérence législative, il cite la
modification apportée à l'article 110 de la Loi sur la
qualité de l'environnement par l'article 35 de la Loi modifiant diverses
dispositions législatives, l'omnibus de 1981, au chapitre 23. Il
prétend que la loi omnibus de l'automne 1981 a modifié l'article
110 de la Loi sur la qualité de l'environnement pour y ajouter un
deuxième alinéa qui existait déjà dans cette loi.
Il se trompe, M. le Président.
La modification proposée dans la loi omnibus n'avait pour but que
de modifier la version française de l'article 110 de la Loi sur la
qualité de l'environnement pour y insérer un alinéa qui
avait été omis dans la version française, alors qu'il
avait été fidèlement reproduit dans la version anglaise de
la loi refondue. Il s'agissait essentiellement de corriger une erreur technique
et informatique, en vertu du mandat de la commission de révision et en
vertu même de ce qu'est un projet omnibus.
M. le Président, quand je vois le député de D'Arcy
McGee qui nous propose sa maîtrise de l'avenir pour le système de
justice, pour reprendre la thématique de son chef, qu'il nous a
abondamment citée, je me dis que, si c'est comme cela qu'ils veulent
gérer le Québec et la justice, M. le Président, cela
m'inquiète. Cela manque de rigueur, cela manque de faits, cela manque de
discipline. Cela manque aussi d'appréciation des contraintes que le
Québec vit. On veut encore nous faire un univers à la "Alice in
Wonderland". C'est fini, cette période au Québec, M. le
Président. C'est fini dans l'éducation, c'est fini dans les
affaires sociales et c'est fini dans la justice.
Ce n'est plus vrai qu'on va trouver des solutions pour les citoyens du
Québec en prenant, juste dans une phrase, 63 000 000 $ de plus pour les
contribuables. Il faut rationaliser les services; il faut préciser les
objectifs; il faut amener les intervenants qui sont dans le milieu à
faire des réallocations de ressources; il faut prioriser les actions.
C'est cela qu'on fait, M. le Président, au ministère de la
Justice.
Quand on parle d'humanisation de la justice, on ne parle par
d'écrire 250 pages basées sur des faits tronqués,
essentiellement, qui ont comme effet aussi de donner aux députés
des pages 5 dans le Devoir, mais basées sur quoi, sur quel genre
d'études sérieuses? On parle, nous, très
concrètement d'un palais de justice, de s'organiser pour impliquer le
personnel, d'abord, pour s'assurer qu'il y a une communication entre les
services; deuxièmement, pour qu'il y ait une communication entre tous
les services et les citoyens, services dans lesquels les citoyens
reçoivent une satisfaction.
Pourquoi, M. le Président? Parce que je postule une chose: je
postule que l'appareil du ministère de la Justice, au Québec, a
fait de grandes choses dans cette société depuis quinze ans,
qu'il doit maintenir ces progrès du Québec et que son
problème, en ce moment, comme pour l'ensemble de l'activité
étatique, c'est de maintenir les acquis que le Québec s'est
donnés, alors qu'il vit dans un contexte de ressources
différent.
Deuxièmement, il vit surtout une époque, M. le
Président, où ce n'est pas vrai que les réponses aux
problèmes de la société québécoise ne vont
venir que des ministres et des sous-ministres à Québec. Il y a
plein de gens dans cette société qui ont des idées et qui
sont capables de régler les problèmes et de faire des
suggestions.
C'est en ce sens que, notamment, l'ensemble des tables de concertation
qu'on a mises sur pied en matière de prévention de la
criminalité dans les régions du Québec depuis trois ans
fonctionnent. Cela a donné des résultats, M. le Président,
en matière de protection de la jeunesse. Ce ne sont pas juste des
discours, pas juste des documents publiés sur la base de faits
invérifiables ou invérifiés. Je pense que c'est comme
ça qu'il faut gérer le Québec. Le Québec n'a pas
besoin d'être géré seulement par de vagues idées, il
a besoin d'être géré par des projets. Des projets,
ça présuppose qu'on tient compte des contraintes et de la mise en
oeuvre des politiques.
En ce sens, M. le Président, quand je disais que l'attitude du
député de D'Arcy McGee était défaitiste, je me
référais aussi à autre chose: une espèce de
postulat dans son attitude, notamment à l'égard de la Charte des
droits et libertés de la personne du Québec. J'ai eu l'occasion
de mentionner un certain nombre de ces choses grâce à
l'intervention remarquable du député de Fabre lorsque, en
l'absence d'une intervention cohérente de la part de l'Opposition en
matière de justice, le député de Fabre me demandait
à l'Assemblée nationale, récemment, ce que nous avions
à dire et comment nous voyions l'application de la Charte des droits et
libertés de la personne au Québec.
Je me rends compte que la Charte des droits et libertés du
Québec, premièrement, est plus large que le Canada Bill dans son
contenu. Deuxièmement, elle est plus accessible pour les citoyens en
termes de mécanismes qui y sont prévus.
Troisièmement, du fait qu'elle soit plus large
dans les motifs de discrimination qu'on peut invoquer, comme dans le
mode d'accessibilité aux moyens mis en branle pour son application pour
la protection des droits des citoyens, elle est donc une charte qui est
à la fois plus généreuse et plus près des
citoyens.
J'admets avec le député de D'Arcy McGee que deux
philosophies s'affrontent quant au rôle du pouvoir judiciaire dans
l'interprétation des droits dans notre société. Il a fait
un choix: celui de faire en sorte que l'Assemblée nationale du
Québec, les élus de la population, qui peuvent changer tous les
quatre ans, en partie ou en totalité, prennent un certain nombre de
décisions, exercent la souveraineté du Parlement
québécois. Le député de D'Arcy McGee, comme
d'autres de la farine libérale, inspiré par Trudeau et quelques
autres, a choisi cette voie de l'interprétation judiciaire de la
réalité.
Il y aura toujours une intervention du pouvoir judiciaire en
matière de droits et libertés. Nous vivons en démocratie,
on n'est, quand même, pas un peuple de primitifs. Quand je vais à
l'étranger, quand je vais en Europe ou à New York et que je me
fais dire pas des gens aux Nations Unies: Qu'est-ce que cela veut dire qu'au
Québec, vous n'ayez pas de droits et libertés, alors qu'il n'y en
a qu'au Canada, je sais d'où ça vient. Cela vient de cette
attitude défaitiste où on défend un système qui
veut que ce soient d'abord et avant tout les tribunaux qui interprètent
ces notions de progrès social, alors que nous, nous avons choisi une
voie différente. Cela ne veut pas dire que nous sommes des primitifs.
Mais à force de dénoncer le cheminement que le Québec a
lui-même choisi depuis une douzaine d'années dans ce domaine, et
même sous un gouvernement libéral, on a créé
un effet absolument dévastateur quant à l'image qui est
projetée à l'extérieur du Québec, notamment au
Canada anglais et aussi sur la scène internationale. Je trouve que c'est
une attitude défaitiste et je trouve qu'elle rejaillit sur le
Québec tout entier.
On peut avoir un point de vue différent sur l'importance qu'il
faut accorder à la constitutionnalisation des droits. J'aimerais que ce
débat se fasse bientôt au Québec et qu'il se fasse à
l'égard de la constitutionnalisation d'un certain nombre de droits et
libertés dans la constitution québécoise, pas dans le
"Canada Bill", parce que c'est là qu'il y a une préhension de
cette société sur ce qu'elle voit comme étant
l'évolution et le progrès des droits des personnes comme des
exigences d'une collectivité qui a décidé de se donner un
certain nombre d'instruments pour lesquels le Québec a été
innovateur au Canada pendant des années, ce qu'il doit continuer
d'être.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Marx: Je voudrais juste poser une petite question.
M. de Bellefeuille: Regardez l'heure! M. Marx: On a
jusqu'à 13 heures.
Le Président (M. Gagnon): Un instant, juste une
question?
M. Marx: Juste une question.
M. de Bellefeuille: M. le Président, le
député de D'Arcy McGee a pris déjà plus que son
temps. (11 h 45)
Le Président (M. Gagnon): La parole est au
député...
M. Marx: C'est une question de technique.
M. de Bellefeuille: Oui, mais le ministre va répondre par
un autre discours. Merci, M. le Président.
M. Marx: D'accord. Je vais poser ma question après le
député de Deux-Montagnes.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! La parole avait été demandée par le
député de Deux-Montagnes. Vous aurez sûrement l'occasion de
revenir.
M. Marx: Après son discours, d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Peut-être. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Blouin: II y a de la discorde au sein de l'Opposition.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Non, ce n'est
pas une discorde au sein de l'Opposition, comme le prétend le leader
adjoint du gouvernement, mais c'est que je suis coincé entre deux
ministres de la Justice, un en exercice et l'autre putatif. Ce n'est pas une
situation facile pour un non-juriste. Cela ne m'empêchera pas de
chercher, quand même, à obtenir certaines informations du
ministre, que je veux féliciter de la performance qu'il nous a
donnée ce matin. Le ministre manie avec une habileté
consommée un emportement mesuré qui est extrêmement
efficace. Je veux l'en féliciter. Mais, quant au fond des questions, je
ne suis peut-être pas convaincu entièrement du bien-fondé
du point de vue que le ministre exprime. Par exemple, lorsque, à la fin
de sa dernière intervention, il
a rappelé la réponse qu'il a faite à une question
posée en Chambre par le député de Fabre, il a
illustré la difficulté pour ce gouvernement de vivre son virage
et de rendre cohérent son double langage, qui est le summum de
l'incohérence.
C'est au cours d'une de ses phases séparatisantes que ce
gouvernement a décidé de soustraire systématiquement les
lois québécoises à l'application de la charte
fédérale. À ce moment, le gouvernement traversait donc une
phase séparatisante. Il a plutôt maintenant abordé une
nouvelle phase néofédéraliste, grâce au virage que
vous connaissez. Je ne sais pas comment le ministre va s'en tirer parce que
maintenant le discours du gouvernement contient toutes sortes de professions de
bonne foi. C'est l'époque du beau risque. C'est l'époque
où, avec un premier ministre souriant au 24 de la rue Sussex, à
Ottawa, tout est possible, alors que l'horizon était bouché jadis
seulement parce que l'ancien occupant du 24 de la rue Sussex était vu
comme étant bougon et difficile de caractère. M. le
Président, on peut se demander si le fait que le premier ministre
fédéral soit souriant est un événement politique
aussi considérable que le gouvernement veut nous le faire croire.
J'aimerais bien que le ministre nous explique comment il se fait qu'avec
le beau risque du néofédéralisme de l'actuel gouvernement
du Québec on n'ait pas réussi à aller au bout de la
cohérence de ce virage, s'il y en a une, de façon que le
Québec puisse respecter tout au moins la charte fédérale
des droits et cesser de soustraire à son application les lois
québécoises. Ce n'est absolument pas cohérent alors de
dire: Tout est possible avec le nouveau gouvernement qui est à Ottawa,
nous allons prendre le beau risque de la collaboration avec ce gouvernement. En
filigrane, il est très clair qu'on a renoncé à la
souveraineté du Québec et que maintenant on croit au
fédéralisme. Quand je dis en filigrane, je suis très
généreux, parce que, en réalité, ce n'est pas rien
qu'en filigrane; il y a plusieurs déclarations de plusieurs ministres
que je pourrais citer pour montrer que ce gouvernement est devenu, à
toutes fins utiles, un gouvernement fédéraliste qui croit au
régime fédéral.
Alors, quand on croit au régime fédéral, comment se
fait-il qu'on n'admette pas aussi l'existence, à côté de la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne,
d'une charte fédérale et qu'on ne respecte pas cette charte? On
est en régime fédéral ou pas. Il était
cohérent de soustraire les lois québécoises à
l'application de cette charte aussi longtemps qu'on était souverainiste
ou séparatiste, mais quand on cesse d'être souverainiste, cela
devient nettement incohérent.
Je voudrais, M. le Président, dire en passant que - dans un autre
domaine - je ne sais pas combien de temps je vais siéger dans ce
Parlement comme député indépendant, mais si jamais
j'obtenais quelque chose comme un renouvellement de mandat, j'entreprendrais
très sérieusement de réformer certaines de nos moeurs
parlementaires, par exemple, la méthode par laquelle on prépare
le document intitulé "Demande de renseignements, commission
parlementaire des institutions", etc. Je sais que le ministre peut me dire que
c'est la demande de l'Opposition officielle et que c'est en réponse
à cette demande que le document est préparé. Par
conséquent, si la méthode est fautive, il faut s'en prendre
à l'Opposition officielle. Alors, je m'en prends à tout le monde,
aussi bien à l'Opposition officielle qu'au gouvernement - je pense que
c'est le rôle des indépendants - pour dire que la méthode
est fautive. On apprend, par exemple, à la page 16 de ce document,
qu'à une certaine date le ministère de la Justice a payé
6,90 $ à l'Office national du film du Canada pour des photographies ou
illustrations pour le magazine Justice. Je pense que c'est un renseignement
dont nous pourrions nous passer.
D'autre part, il y a des renseignements qui manquent. Par exemple,
à la page 61 de ce même document, c'est intitulé "Copies
des recommandations, commentaires et opinions formulés par la Commission
des droits de la personne depuis le 1er janvier 1984". Or, contrairement au
titre, ce ne sont pas des copies, mais tout simplement la liste des titres.
Enfin, ces documents sont tous intéressants, mais il y en a qui ont un
intérêt très particulier. Par exemple, le dernier qui est
sur la liste, en date du 12 décembre 1984, "Commentaires de la
Commission des droits de la personne du Québec sur le projet de loi 3,
Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public", en ce qui a trait
à la confessionnalité scolaire. On m'informe que ce document a
été déposé, il est public, il n'y a pas de
problème. Si on fait un cahier répondant à des
interrogations normales de parlementaires, on ne va pas dire à ces
derniers que le ministère de la Justice a versé 6,90 $ à
l'Office national du film pour des photos! On va plutôt mettre des copies
dans ce qui est intitulé "Copies des recommandations, commentaires ou
opinions". On y reviendra aux crédits suivants, l'an prochain, si c'est
nécessaire.
Le ministre a reconnu qu'il y a encore des progrès à faire
dans le domaine des retards judiciaires. C'est un euphémisme. Il y a,
effectivement, des progrès à faire. Les progrès
déjà réalisés sont, d'après les
données fournies par le ministre, incontestables et même assez
impressionnants. Cependant, il y a encore des retards, d'après les
propos du ministre, de
l'ordre de 15, 16 et 44 mois. Le ministre et tous ses collaborateurs
connaissent cet adage anglais: "justice delayed is justice denied". Je suis
sûr qu'ils sont tous convaincus que c'est un adage qui est
profondément vrai et qu'ils sont tous conscients de la justesse de
l'observation du ministre à savoir qu'il reste beaucoup de
progrès à faire. C'est bien beau de faire l'étalage des
progrès qui sont faits, mais j'espère que le ministre pourra,
l'an prochain, faire de nouveau étalage de progrès substantiels,
de sorte que des délais de 15, 16 ou 44 mois - et d'autres que le
ministre a mentionnés - ne pénalisent plus les justiciables.
Je voudrais demander au ministre de nous dire où, dans ses
crédits, se trouvent les crédits pour le tribunal d'appel pour
les causes relatives aux maladies professionnelles. C'est un tribunal qui sera
créé en vertu du projet de loi 42 qui est devant
l'Assemblée, projet de loi qui a franchi brillamment, si on peut dire
difficilement mais brillamment - l'étape de l'étude
détaillée et qui va bientôt revenir devant la Chambre pour
la présentation du rapport et l'approbation finale, ce qu'on appelait
autrefois la troisième lecture.
Le ministre du Travail qui pilote ce projet de loi 42 a beaucoup
insisté sur le fait que le gouvernement avait décidé de
garantir l'indépendance, l'autonomie, et la réputation
d'autonomie et d'indépendance de ce tribunal d'appel pour les causes
relatives aux maladies professionnelles à être créé
par ce projet de loi en le faisant relever du ministère de la Justice.
Ce tribunal doit donc être mis sur pied rapidement parce que là
aussi il y a un cas de retards judiciaires ou parajudiciaires extrêmement
graves. D'ailleurs, je pense que tout le monde est au courant que, pour
certaines causes relatives aux maladies professionnelles qui sont devant le
tribunal qui, à l'heure actuelle, entend les appels en ces
matières, c'est-à-dire la Commission des affaires sociales, les
retards sont de deux ou trois ans, ce qui fait que, là encore "justice
delayed is justice denied", et il y a beaucoup de justiciables qui sont
gravement pénalisés par ces retards. Alors, il y a urgence
à mettre sur pied ce nouveau tribunal qui doit entendre ce genre de
causes. Je voudrais que le ministre nous dise où, dans ses
crédits, se trouvent les crédits qui lui permettront de mettre
sur pied ce tribunal.
Je voudrais demander au ministre - j'ai l'impression qu'il n'y a pas
fait allusion dans ses remarques préliminaires - si son ministère
poursuit des travaux de façon intensive quant à la recherche
d'alternatives à l'incarcération. À moins d'avoir eu un
moment de distraction, j'ai l'impressiGn que le ministre n'en a pas
parlé. Je crois que c'est une question d'une très grande
importance. Je pense que l'importance de cette question s'impose à
l'évidence à tous les points de vue, aussi bien à un point
de vue humaniste qu'à un point de vue administratif, pour diminuer le
coût de l'appareil de la justice. Alors, j'aimerais que le ministre nous
mette au courant de l'état de cette question-là. Je ne
m'étendrai pas, pas plus que le député de D'Arcy McGee,
sur la situation à Parthenais. Nous avons eu depuis 1976 de nombreuses
professions de bonne foi, de la part des deux ministres de la Justice qui se
sont succédé, à propos de Parthenais. Le ministre
voudra-t-il bien nous dire où en est cette question?
Je voudrais aussi demander au ministre quelle est sa politique - la
politique du gouvernement, la politique de son ministère ou sa politique
à lui - à propos du droit des prévenus de demander que le
jury soit de langue française. Il y a une situation récente qui
implique l'agent Robert Brown. Par coïncidence, c'est un agent de mon
comté, mais j'espère que vous comprendrez que ce n'est pas un cas
de comté que je suis en train de soulever ici, mais une question de
portée générale. L'agent Robert Brown de Deux-Montagnes,
accusé du meurtre de son épouse, s'est vu refuser un jury de
langue française par Mme la juge Claire Barrette-Joncas. L'accusé
a réclamé explicitement et à plusieurs reprises un jury de
langue française et Mme la juge a jugé que, vu qu'il avait
été élevé dans un milieu anglophone, il fallait lui
imposer un jury de langue anglaise. Cela me paraît étonnant, M. le
ministre. Et comme vous appartenez au gouvernement qui a promulgué la
Charte de la langue française, je me demande quelle est votre politique.
N'y a-t-il pas une sorte d'abus de pouvoir? Lorsqu'un ou une juge refuse
à un accusé qui fait sa demande en français, dans un
français que les journalistes ont jugé excellent, d'avoir un jury
de langue française, comment se fait-il que le magistrat ou la
magistrate peut refuser cette demande d'après son seul jugement et sans
apporter d'autres raisons que son jugement à elle? (12 heures)
Je crois, M. le Président, que c'est la liste complète, ou
presque complète, des remarques que je voulais faire. Le ministre a
reproché au député de D'Arcy McGee de manquer de rigueur
dans certains des documents qu'il publie. Je voudrais que le ministre manifeste
la rigueur à laquelle il fait lui-même appel en répondant
à ces quelques observations. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Avant de laisser la parole au ministre
pour la réplique, je voudrais vous mentionner que les copies dont vous
parlez, "Copies des recommandations, commentaires et opinions formulés
par la Commission des droits de la personne," ont
été reçues par le secrétariat de la
commission. Si certains membres de la commission veulent de ces copies; il y en
a une de chaque recommandation actuellement au secrétariat de la
commission.
M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je peux
vous demander comment il se fait que des documents aussi importants et aussi
intéressants n'aient pas été distribués et remis
aux membres de la commission?
Le Président (M. Gagnon): On a reçu une copie de
chacun des documents, mais on peut vous dire...
M. de Bellefeuille: M. le Président, dois-je vous
apprendre qu'au parlement il y a des photocopieuses?
Le Président (M. Gagnon): Effectivement. C'est pour
ça que je vous dis qu'on pourra vous en faire parvenir. Il y a aussi
d'autres documents qu'on pourra vous faire parvenir sur demande.
M. de Bellefeuille: Je regrette que ça n'ait pas
déjà été fait. Il me semble que ça devrait
être fait...
Le Président (M. Gagnon): Je le regrette aussi, je vous
dis qu'on le fera. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau.
M. Blouin: M. le Président, je suis un peu d'accord avec
le député de Deux-Montagnes. À tout le moins pourrait-on
nous informer que ces documents existent sans pour autant les distribuer
automatiquement, parce que ce sont des liasses assez importantes.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. On vous informera
des documents que nous avons reçus et vous pourrez en faire la demande.
M. le ministre.
M. Pierre-Marc Johnson (réplique)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je vais d'abord
passer rapidement sur les tendances qu'a le député de
Deux-Montagnes à qualifier des comportements. J'ai passé
là-dessus.
D'abord, à l'égard de ce qui touche la charte
fédérale, est-il besoin de rappeler que le "Canada Bill" a
été imposé à l'Assemblée nationale du
Québec? S'imaginer qu'une telle imposition au Québec par la
majorité canadienne, donc hors du territoire du Québec,
canadienne anglaise, pour l'essentiel, c'était un geste qui touchait un
parti politique, un mouvement, un ancien mouvement ou un éventuel
mouvement, ou un actuel mouvement et un éventuel parti politique, c'est
se tromper. C'est la souveraineté du Parlement du Québec qui a
été mise en cause, pas ce que pensait le PQ! C'est
peut-être ça qu'il faut avoir à l'esprit quand on doit non
pas se satisfaire soi-même de ses convictions dans le confort de la
cohérence de la solitude, mais voir comment on va manier,
interpréter, gérer le présent dans un contexte de
souveraineté des institutions québécoises où le
Parlement, élu démocratiquement, est limité par le fait
qu'on lui a imposé unilatéralement un certain nombre de
choses.
En ce qui concerne les délais, je remercie le
député de noter qu'il y a eu une amélioration sensible,
notamment à la Cour supérieure. Je dois le dire, c'est largement
dû à deux facteurs, le premier étant les instruments
législatifs qu'on a donnés à la Cour supérieure au
mois de juin dernier, le deuxième étant, évidemment, la
vigueur avec laquelle le nouveau juge en chef, le juge Allan B. Gold, a
décidé, finalement, d'appliquer ces dispositions avec ses
collègues de la Cour supérieure.
Je ferai remarquer que, oui, il y, a des délais, des causes qui
peuvent attendre 15, 18, 20 mois en matière civile; je parle ici des
matières civiles, qu'on se comprenne bien. En matière criminelle,
vous savez que dans le cas de la Cour des sessions de la paix, où
transite une forte proportion du volume en matière criminelle, les
délais entre la comparution et le procès sont
généralement de quelques semaines, sauf, évidemment, quand
on arrive à la fin du printemps, avant que le terme d'automne reprenne,
alors qu'en Ontario l'équivalent de notre Cour des sessions
connaît des délais qui peuvent varier n'importe où de 12
à 18 mois en matière criminelle, où on parle de gens, dans
bien des cas, qui doivent être détenus.
En ce sens, je crois que le travail remarquable fait par l'équipe
de la Cour des sessions depuis quelques années doit être
souligné. Donc, oui , nous allons continuer à faire des efforts
en matière de délais. Je crois cependant que je n'ai pas raison
d'être trop optimiste quant à la capacité de les
réduire de façon très sensible au point d'arriver à
des délais plus ou moins équivalents à ce qu'on retrouve
en matière criminelle ou en matière civile. La complexité
des causes, la difficulté que représentent souvent les expertises
dans ce domaine, le volume qui en soi est absolument gigantesque, je crois,
imposent une limite au système. Je ne pense pas qu'on l'ait atteint
encore, mais je pense qu'il ne faut quand même pas rêver en
couleur.
À l'égard du tribunal d'appel en
matière de maladies professionnelles, ce sera tiré du
fonds de suppléance étant donné que, d'une part, la loi
n'est pas encore adoptée et qu'au moment où nous fermions le
livre des crédits pour les fins de son dépôt à
l'Assemblée nationale au mois de mars - je pense qu'on a
déposé cela autour de la dernière semaine de mars, si je
ne me trompe pas - l'ensemble des décisions n'étaient pas prises,
y compris, je pense, certaines choses qui ont été
décidées en commission parlementaire. Ce qui va s'appliquer,
c'est la mécanique habituelle, fonds de suppléance ou fonds
consolidé, selon le cas. Nous nous sommes donné, cependant, un
échéancier très serré. J'ai eu l'occasion
d'ailleurs d'en discuter hier avec mes hauts fonctionnaires, notre objectif
étant de faire en sorte que cela soit opérationnel dès
l'automne, dans la mesure évidemment où la loi est
adoptée. En principe, on n'est pas censé le présumer, mais
disons qu'on se fera un plan de contingence au cas où ce serait
adopté.
En ce qui concerne les alternatives à l'incarcération, il
y a d'abord eu une augmentation de 60 % en l'espace d'un an de l'utilisation
des alternatives à l'incarcération, suivant des ordonnances
judiciaires. On parle ici des travaux communautaires: 1200 personnes en 1983,
une augmentation de 60 % par rapport à l'année
précédente, c'est intéressant, et cela vient, encore une
fois, confirmer qu'il y a une espèce - comment j'appellerais cela? - de
culture du système, ou une culture organisationnelle, pour reprendre le
langage bureaucratique, qui fait que, de plus en plus, on y aura recours. Il
faut dire, cependant, qu'en pratique les ressources communautaires, dans
l'état où elles sont actuellement, ne suffiraient pas, à
toutes fins utiles, à absorber tout le volume de ce qu'a priori on
jugerait comme devant aller de ce côté-là, à partir
d'un jugement qui est plus de nature socio-économique, sociologique ou
d'orientation qu'évidemment un jugement judiciaire, parce que la loi
prévoit que c'est le juge qui décide, c'est une ordonnance. Donc,
c'est un secteur qui est en développement sur le plan communautaire.
Encore une fois, de 1980 à 1983, on est passé de 38 000 à
119 000 jours-séjour de personnes dans ce type de ressources. C'est donc
une augmentation considérable, c'est vraiment un secteur qui se
développe.
Également, dans le cas de la prévention, il y a
l'ouverture d'une maison alternative à la détention en milieu
carcéral. Pour les gens avant procès qui n'ont pas, par exemple,
de cautionnement pour une raison ou pour une autre, nous avons appuyé
une ressource communautaire extrêmement intéressante dans le
centre-nord, près de Montréal, qui accueille des prévenus,
donc des gens qui normalement seraient à
Parthenais. C'est réservé aux hommes dans ce cas, la
plupart d'entre eux étant relativement jeunes, et c'est une ressource
qui se développe. Cela commence et je pense que ce sont des ressources
qui sont appelées à se développer, car j'ai eu le plaisir
d'aller inaugurer officiellement cette ressource il y a quelques mois. J'ai
été frappé de voir que, lors de cette modeste
cérémonie d'inauguration de locaux, qui sont tout aussi modestes,
il y avait là des procureurs de la couronne, des juges des sessions, des
coordonnateurs policiers, des gens du réseau de détention et de
prévention, en plus évidemment des gens de la ressource
communautaire proprement dite. Il y a donc là, en termes de
développement, un lieu qui présuppose une très bonne
communication de l'ensemble de ces interventants, mais, de ce
côté, disons que cela commence en matière de
prévention.
L'autre question touchait Parthenais, l'éternel problème,
et je ne répéterai pas ici ce qui a été dit par
tous les ministres de la Justice depuis qu'ils l'ont inauguré en 1967 ou
en 1968 et où les gens se sont rendu compte qu'on avait mis un centre de
prévention au 14e étage ou au 25e étage; c'est haut,
Parthenais, c'est pas mal loin. Il n'y a pas un endroit - il faut aller une
fois à Parthenais pour s'en rendre compte - à Parthenais
où vous pouvez voir le ciel ouvert, même sur le toit, dans la
mesure où il y a une espèce de faux toit par-dessus, ce qui sert
de patinoire à toutes fins utiles; c'est un truc qui est encadré
par des bandes de hockey. Il n'y a pas un endroit où vous pouvez vous
installer pour voir le ciel et juste le ciel. Vous avez des barreaux devant
vous ou des morceaux d'édifices devant vous. Je n'ai jamais
demandé le nom de l'architecte et du concepteur de cela, mais je dois
vous dire qu'il ne devrait pas gagner un grand prix d'originalité pour
avoir bâti cela dans les années soixante. Cependant, il faut dire
que c'était aussi l'époque où on était convaincu
que les gens qui séjourneraient à Parthenais n'y
séjourneraient jamais plus de sept jours, ce qui en soi serait un
endroit fort raisonnable, dans le fond, pour de très courts
séjours. Ce qui n'a pas de bon sens, c'est que les gens y
séjournent des mois, notamment tous ceux qui sont en prévention
sans cautionnement et pour toutes sortes de raisons. Il y a plusieurs
accusations au criminel pour lesquelles ils peuvent se ramasser là
pendant des mois et des mois. J'ai même vu un cas d'un an et demi, si je
me souviens bien.
Le problème de la fermeture de Parthenais est de deux ordres:
c'est-à-dire où va-t-on installer l'équivalent d'une
ressource de prévention et aussi comment cela va-t-il coûter.
C'est rien que cela. Où est-ce qu'on peut installer cela? Les
hypothèses, c'est une annexe à Bordeaux, transformer les
édifices
qui appartenaient anciennement à l'armée, je crois, ou
à la marine ou je ne sais quoi, à LaSalle, ou Waterloo - il y a
des variantes dans chacun des projets, je ne pense pas qu'il en manque - ou
encore trouver un nouveau terrain. Quelqu'un suggérait l'île
Sainte-Hélène, comme s'il y avait peut-être là une
symbolique particulière, en tout cas pour ceux qui ont suivi les guerres
napoléoniennes.
M. Marx: Durant la Deuxième Guerre mondiale,
c'était une prison.
M. de Bellefeuille: Le ministre pensait à Bonaparte.
M. Johnson (Anjou): Oui, je pensais surtout à
Bonaparte.
M. Marx: À Bonaparte. C'était...
M. Johnson (Anjou): Non pas Sainte-Hélène-de-Bagot,
mais celle qui est un peu plus bas de l'Équateur.
M. Marx: Mais, à Sainte-Hélène, durant la
Deuxième Guerre mondiale, il y avait une prison pour des prisonniers de
guerre.
M. Johnson (Anjou): Des prisonniers de guerre. Cela était
à Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix.
M. Marx: Non, non, c'était sur l'île
Sainte-Hélène, à Montréal.
M. Johnson (Anjou): II y en avait une aussi à
Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix. Alors, on a visité les mêmes
édifices, mais peut-être pour des raisons différentes.
Donc, c'est cela, les sites et les hypothèses. Quand on regarde
les chiffres, on parle de choses qui coûtent entre 30 000 000 $ et 40 000
000 $, sur le plan des immobilisations, selon les hypothèses. Des frais
de fonctionnement entre 22 000 000 $, 25 000 000 $ ou 26 000 000 $, c'est
énorme. Évidemment, dans ces frais de fonctionnement, on tient
compte du transfert d'effectifs qui aurait lieu de Parthenais à
l'endroit où cela serait fixé. Je vais vous le dire bien
candidement, la problématique est la suivante: Waterloo
présenterait des avantages certains. En termes de temps et en termes de
coûts, cependant, cela représente un certain nombre
d'inconvénients. L'autre inconvénient qui est
présenté - je suis sûr que le député de
D'Arcy McGee aura l'occasion d'en parler puisqu'il doit séjourner
bientôt à Waterloo pour aller expliquer aux gens qu'ils devraient
avoir le centre de prévention, il faut voir aussi qu'en pratique ce que
cela peut représenter pour les familles et les avocats que d'avoir des
clients qui sont situés à combien de milles de Montréal,
je ne sais pas, à peu près à 45 minutes d'automobile en
respectant les règlements de la circulation, M. le directeur de la
Sûreté du Québec, le tout selon les époques de
l'année. C'est à peu près une heure. Quand on pense aux
familles en particulier et quand on pense aux clientèles qu'on retrouve
en matière de prévention, compte tenu des couches sociales qui
sont sont atteintes par des taux de criminalité plus
élevés que d'autres - je pense évidemment è des
familles à plus bas revenus - il faut tenir compte de cette dimension.
(12 h 15)
Le problème de la ville de LaSalle, c'est que vous avez 10 000
citoyens - 8754 citoyens, je ne sais plus - qui signent des pétitions
disant qu'ils ne veulent pas voir de prison à côté de leur
bungalow. Disons les choses comme elles sont, on entend des arguments
inspirés d'un humanisme absolument remarquable disant: Moi, je ne veux
pas voir ma propriété foncière dévaluée. Ce
sont des motifs légitimes pour tout citoyen, mais disons que ce n'est
pas renversant d'humanité comme approche. Cela pose problème. Je
crois connaître aussi des tensions sérieuses, à
l'intérieur du caucus libéral, à ce sujet, compte tenu de
la présence d'un député libéral à LaSalle,
dans le comté de...
M. Marx: Marguerite-Bourgeoys.
M. Johnson (Anjou): ...Marguerite-Bourgeoys. C'est le
comté de l'ancien Solliciteur général. Tiens, tiens! Dans
le cas de Bordeaux, il y a deux ou trois hypothèses de
réaménagement et d'addition. On est en train d'évaluer la
question des coûts aussi. On aura à trancher dans ces
choses-là, dans une hypothèse ou dans l'autre. On parle d'un
transfert des prévenus qui prendra au moins trois ans et demi entre le
moment de la décision et le moment où on peut commencer à
transférer au moins une partie des clientèles. L'hypothèse
d'une construction tout à fait neuve, sans réaménagement,
à Bordeaux... Disons que le maire Drapeau nous donne un terrain, sans
que ce soit sur le toit du stade...
M. Marx: À Outremont.
M. Johnson (Anjou): ...et que ce soit un terrain satisfaisant qui
ne coûte pas cher. Oui, 42 000 000 $ d'immobilisations, c'est beaucoup
d'argent, quand j'entends le discours - et il faut en tenir compte, on n'a pas
le droit de ne pas tenir compte de cela - qui est tenu, avec une certaine
pertinence dans bien des cas, sur l'absence de ressources dans le réseau
des Affaires sociales. Si vous dites aux citoyens: Est-ce qu'on construit une
prison de 42 000 000 $
ou bien si on augmente les ressources dans les salles d'urgence? C'est
un beau problème a trancher et il faut tenir compte de ces facteurs.
Néanmoins, il est vrai que notre préoccupation à
l'égard de Parthenais doit demeurer et je suis personnellement
préoccupé par cette question depuis de nombreux mois; je pensais
qu'on avait une solution à LaSalle. Elle n'est de toute évidence
pas acceptée par la communauté et je ne peux pas ne pas tenir
compte de cela. J'aurai, à toutes fins utiles, à trancher entre
ces trois sites à partir de certaines des contraintes que je viens
d'évoquer. Je souhaite, avant de quitter le ministère de la
Justice, quelle que soit l'époque où souhaiterait me voir le
quitter le député de Deux-Montagnes, ou que voudraient me voir le
quitter mes électeurs...
M. de Bellefeuille: Il n'est pas facile, M. le Président,
de distinguer entre le gouvernement et le ministre, puisqu'il en fait partie.
Je donnerais de beaucoup le bénéfice du doute au ministre
lui-même, mais c'est le gouvernement qui est en cause.
M. Johnson (Anjou): Je souhaiterais, M. le Président,
qu'une décision qui enclenche le processus d'une façon que je
souhaiterais irréversible puisse être prise avant que celui qui
vous parle n'assume plus les fonctions de ministre de la Justice. Si je devais
les assumer pour quatre ou cinq autres années, il faudrait bien que cela
se décide très vite dans la première année du
mandat suivant.
À l'égard de la question qu'il serait convenu d'appeler
l'affaire Brown, je réserve mes commentaires, je préfère
plutôt prendre connaissance de l'ensemble du dossier. Je ne veux
même pas évoquer ce que serait une politique
générale dans ce cas-là. Il faut que je voie les faits de
la cause et que je me renseigne auprès de la Direction des affaires
criminelles, chez nous. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Juste un instant. Tantôt,
je donnais des informations au sujet des documents que nous avons reçus
à la commission. Ce qu'on peut fournir aux membres de la commission,
c'est la liste de ces documents. Vous ferez la demande de ceux que vous voudrez
avoir. On me mentionne qu'il y a certains documents qui contiennent 300, 400,
500 et 600 pages. On ne demandera pas à la commission de faire des
photocopies de tout cela pour l'ensemble des membres sans qu'on en ait la
demande. M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je constate que nous
reculons pour ce qui est de Parthenais. Il me semble que, comme parlementaires,
nous avons déjà entendu des réponses du ministre de la
Justice, le titulaire actuel ou son prédécesseur, qui
étaient plus mordantes, qui annonçaient une solution plus proche.
Là, le ministre vient de nous dire qu'il souhaite pouvoir lui-même
régler ce problème avant de cesser d'être titulaire du
ministère de la Justice et il précise quatre ou cinq ans, alors,
il suppose un autre mandat.
Moi, j'aurais aimé entendre le ministre...
M. Johnson (Anjou): Peut-être dans la première
année du nouveau mandat, donc, quelque part d'ici quelques mois.
M. de Bellefeuille: J'aurais aimé entendre le ministre
dire qu'il va s'efforcer de régler le problème avant de cesser
d'être le titulaire de la Justice, point, donc, d'ici quelques semaines
ou quelques mois. Deuxièmement, au sujet de ce que le ministre a
appelé l'affaire Brown, est-ce que je pourrais lui demander de
m'informer du résultat de l'étude qu'il fera de la question,
puisqu'il vient de dire qu'il va étudier la question? Est-ce que je peux
demander au ministre de m'informer, en temps utile, du résultat de cette
étude?
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire, pour qu'on se comprenne
bien, que je ne ferai pas un comité d'études. Tout simplement, on
va aller...
M. de Bellefeuille: Non, vous allez prendre connaissance...
M. Johnson (Anjou): ...aux renseignements de façon
précise...
M. de Bellefeuille: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): ...et cela me fera plaisir de renseigner le
député, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee, une question?
M. Marx: Oui, en réponse à mes remarques
d'ouverture, le ministre a donné une réponse sur une question que
je n'ai pas posée - c'était sur les droits et libertés -
et je n'ai pas saisi exactement ce qu'il voulait dire sur la protection des
droits et des libertés au Québec.
Est-ce que le ministre est pour l'enchâssement de ces droits et
libertés, d'une façon ou d'une autre, ou est-ce qu'il tient la
position de l'ancien premier ministre du Manitoba, M. Lyon, qui n'a même
pas voulu avoir une charte des droits au Manitoba, au Canada, parce qu'il a
voulu qu'on ait le même système qu'au Royaume-Uni, et ainsi de
suite? Je n'ai pas compris le
ministre, parce que je me souviens que l'ancien ministre, M.
Jacques-Yvan Morin, a déjà écrit un article dans le McGill
Law Journal où il a proposé une charte des droits et
libertés enchâssée pour le Canada. Je me souviens aussi du
programme du Parti québécois, où on a voulu une charte
constitutionnelle enchâssée.
J'ai eu un débat avec l'ancien ministre, M. Jacques-Yvan Morin,
à l'Université de Montréal, où il a dit clairement
que le Parti québécois et le gouvernement péquiste
n'étaient pas contre l'enchâssement des lois fondamentales dans la
charte canadienne, mais qu'ils étaient contre le fait qu'on ait
touché les droits linguistiques. Mais, moi, j'ai bien compris que le
ministre Morin j'imagine qu'il a parlé au nom du gouvernement -
était d'accord avec l'enchâssement, bien sûr avec le
consentement du Québec, des droits fondamentaux dans la constitution du
pays.
Maintenant, si je comprends le ministre, il épouse la
théorie de l'ancien premier ministre du Manitoba, M. Lyon, qui
était contre l'enchâssement d'une charte. Le ministre me signale
que je n'ai pas raison. J'espère que je n'ai pas raison. Mais, si je
n'ai pas raison, est-ce que le ministre serait prêt à
enchâsser la charte québécoise par le biais de la
procédure? Cela veut dire: Est-ce que le ministre est prêt
à prévoir qu'on ne peut pas modifier la charte
québécoise ou y déroger sans avoir le consentement des
deux tiers des députés à l'Assemblée nationale? Il
y a la possibilité de prévoir dans la charte
québécoise que, pour modifier cette charte ou y déroger,
cela prendrait deux tiers des députés à l'Assemblée
nationale. Est-ce que le ministre est prêt à accepter une telle
proposition en ce qui concerne l'enchâssement dans les lois de notre
charte? Le contrôle en restera toujours à l'Assemblée
nationale; on aurait une certaine garantie que ce ne serait pas fait
légèrement, parce que, jusqu'à maintenant, on a
déjà dérogé à la charte
québécoise onze fois. C'est une mauvaise habitude, mais c'est une
habitude. Je ne blâme pas ce gouvernement. L'ancien gouvernement a
déjà dérogé une fois, j'ai trouvé cela
complètement inutile. Pourquoi l'a-t-on fait avec la Loi sur les
jurés? C'est maintenant une habitude. Cela ne soulève même
pas de débat au Québec quand on déroge à la charte
québécoise, c'est accepté. Un politicien va faire un
discours et expliquer qu'on fait cela pour le public québécois
qu'on fait cela pour je ne sais quelle raison. La question que je pose au
ministre est celle-ci: Est-il prêt à accepter l'enchâssement
dans les lois du Québec de la charte québécoise pour
prévoir que toute modification ou dérogation prendra un vote aux
deux tiers des membres de l'Assemblée nationale?
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il y a un certain
nombre d'aspects que j'appellerais d'orientation ou de principe qui se posent
à l'égard de toute cette approche de l'enchâssement des
droits. D'abord, quels droits et, deuxièmement, quel type
d'enchâssement et dans quelle Législature? Les faits, parce que
c'est par là qu'il faut commencer, sont que la Charte canadienne des
droits et libertés du "Canada Bill", qui contient un certain nombre de
droits et libertés, contient, entre autres, des droits
démocratiques. Là-dessus la position du gouvernement du
Québec est que nous n'avons pas d'objection au maintien dans la
constitution canadienne...
M. Marx: Ils sont déjà enchâssés dans
la charte canadienne.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Nous avons dit, M. le Président, que
nous n'avions pas d'objection à l'enchâssement dans la
constitution canadienne, dans le "Canada Bill" de la notion des droits
démocratiques. Ce contre quoi nous en avions, c'était
essentiellement trois choses. La première est que l'ensemble du "Canada
Bill", y compris l'ensemble de ses dispositions où l'on touche à
ce qui est perçu ou évoqué comme des droits et
libertés, a été enchâssé dans un contexte
où la souveraineté du Parlement québécois a
été mise de côté totalement. Mais totalement; C'est
inacceptable; Deuxièmement, le "Canada Bill" prévoyait et
prévoit un certain nombre de dispositions en matière
linguistique. L'approche de ce gouvernement est que nous considérons
que, compte tenu du fait que nous sommes minoritaires au Canada, minoritaires
sur ce continent, comme société, la notion de droit collectif -
qu'on retrouve chez un certain nombre d'auteurs comme Rivarol ou Capoterti ou
d'autres, qui ont réfléchi beaucoup sur les droits collectifs -
est une notion qu'il faut appliquer au territoire québécois.
C'est-à-dire que nous ne devons pas, à l'égard de notre
droit interne, considérer que nous ne sommes qu'une majorité qui
doit reconnaître, par exemple, un certain nombre de droits collectifs
à sa propre minorité. Ce que nous voulons faire, ce que nous
pourrions faire avec un certain nombre d'instruments, mais ce que nous devons
aussi faire, dans la mesure où nous formons une minorité dans
l'entité canadienne - et nous formons aussi une minorité
sociologique, démographique sur ce continent, où les pressions de
nivellement culturel sont considérables - c'est nous doter
d'un certain nombre d'instruments collectifs, notamment en
matière linguistique. Cela est également une notion
écartée et ignorée dans le "Canada Bill", où on a
homogénéisé la notion linguistique pancanadienne dans ce
qui était la vision évoquée par Trudeau dans Cité
libre en 1954 - vous pouvez lui dire qu'il n'a jamais changé
d'idée - et où on a voulu substituer au caractère
territorial de la présence et de la concentration françaises sur
le territoire canadien une espèce de vision de bilinguisme qui pourrait
mener à une sorte de société hybride où on n'est ni
l'un ni l'autre et qui s'appellerait être Canadien tout court. Ce qui,
quant à moi, ne passe pas le test de la réalité. Etre
francophone dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon ou en Colombie
britannique, cela n'existera même pas le jour où le Québec
ne sera pas une entité, qui est le tronc commun, à toutes fins
utiles, du fait français en Amérique du Nord. (12 h 30)
Ce territoire qu'est le Québec doit pouvoir préserver un
certain nombre d'instruments à l'égard non seulement de sa survie
mais de son développement. Dans la mesure où la Charte canadienne
des droits et libertés est intervenue dans la législation
linguistique, notamment à l'égard de l'accès è
l'école anglaise et d'un certain nombre d'autres dispositions, cela a
donné ouverture, à notre avis, à une vision qui ne
correspond pas à ce qu'est Québec, fût-il dans le Canada.
Si on a choisi de faire autre chose que de se regarder dans le miroir et de se
dire que peut-être on n'y sera pas un jour, etc., donc on fait comme si
cela n'existait pas... Mais cela existe, c'est là dans le moment; il
faut le regarder et il faut faire quelque chose.
Troisièmement, le "Canada Bill", à toutes fins utiles,
dans sa formulation à l'égard des droits et libertés,
au-delà des questions linguistiques mais aussi à l'égard
des autres aspects des droits et libertés, finalement, procède de
cette vision que j'appellerais à dominante de judiciarisation. Les
droits et libertés doivent passer par l'interprétation des
tribunaux. Ils passeront toujours ultimement par les tribunaux, sauf que, le
jour où vous constitutionnalisez de tels droits et libertés, le
Parlement, fait des gens élus au scrutin démocratique dans une
société démocratique, se départit à toutes
fins utiles de son pouvoir de modifier, à cause d'un environnement
changeant, ce qui pourrait être interprété, par des
personnes qui ont une fonction judiciaire dans notre système et qui n'y
ont pas les mêmes responsabilités et la même
imputabilité è l'égard de la population...
M. Marx: Position de Lyon.
M. Johnson (Anjou): Si vous permettez,
M. le Président...
M. Marx: Position de Lyon.
Le Président (M. Gagnon): M. le député, M.
le ministre a la parole.
M. Marx: C'est la position de Lyon.
M. Johnson (Anjou): Donc, ce que j'appellerais cette vision
à prédominance d'interprétation judiciaire -
l'interprétation judiciaire venant figer pour des années, dans
bien des cas, l'évolution du droit et du changement dans la
société - est une vision qui, à notre avis, est
très différente de celle qu'on retrouve dans le chemin qu'a
choisi le Québec jusqu'à maintenant en matière de droits
et libertés, qui était d'avoir une charte qui serait
prédominante sur l'ensemble de la législation, mais permettant
à la société, par son instrument démocratique
qu'est l'Assemblée élue, de venir moduler, à la suite de
l'interprétation judiciaire, l'environnement juridique dans lequel nous
vivons et dans lequel, démocratiquement, visiblement et avec
imputabilité devant la population, la société choisit de
s'adapter d'une façon ou d'une autre.
À l'égard donc de ces trois principes ou de ces trois
visions du développement des droits et libertés, il nous
apparaît que la position québécoise est, oui, très
différente de la position du Canada anglais la-dessus, de ce qui est
partagé de façon générale, devrais-je dire, au
Canada anglais.
M. Marx: C'est la même position que celle de l'ancien
premier ministre Lyon et de Lougheed.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, vous avez la parole.
M. Marx: Une position régressive.
M. Johnson (Anjou): Dans ce contexte, je crois que les avenues de
solution pour le Québec sont les suivantes, dans la mesure où
lui-même pourrait disposer de l'ensemble des droits et libertés
qui ne sont pas ce qu'on appelle les droits démocratiques et que nous
reconnaissons comme pouvant faire partie de la charte canadienne. D'abord,
possiblement, une approche du genre qui est évoqué, qui resserre
dans le fond la capacité du Parlement de venir modifier les
conséquences des interprétations judiciaires sur le droit au
moment où on légifère ou des réactions
anticipées du système judiciaire quant à
l'interprétation des droits par, par exemple, l'introduction d'une
règle des deux tiers, qu'on connaît dans notre système pour
certaines choses. Mais je ferais remarquer que déjà il y a la
notion de majorité,
l'ouverture du Parlement et l'imputabilité qui sont là. Je
ne fais pas un veau d'or de la règle des deux tiers, mais c'est vrai
qu'elle a son importance et c'est une voie qui ne manque pas
d'intérêt.
Il y a, deuxièmement, la possibilité de
constitutionnaliser dans la constitution interne du Québec, avec les
rigidités, mais, en même temps, les avantages que
représente la constitutionnalisation en termes de permanence des droits;
à notre avis, c'est aussi une possibilité à explorer.
J'aurais bien aimé qu'on puisse l'explorer au moment où mes
collègues de la commission des institutions demandaient à leurs
collègues libéraux au mois de juin dernier d'accepter un mandat
d'initiative visant à recenser les textes constitutionnels
québécois pour qu'on en arrive, peut-être une fois pour
toutes, à se donner assez clairement ce qu'est le cadre de la
constitution interne québécoise. Mais, malheureusement, cela a
été refusé par l'Opposition. Mais c'est une des voies de
solution qui est possible. Dans ce contexte, la revendication
québécoise à l'égard de cette inévitable
réouverture du dossier constitutionnel tiendra compte de l'ensemble de
ces aspects.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Oui, M. le Président, je me
réjouis comme vous que le ministre soit avec nous aujourd'hui, mais je
m'étonne de sa présence devant la commission parce que je viens
de me rappeler que, d'après divers renseignements, y compris une
déclaration du premier ministre hier à la Chambre, avait lieu ce
matin la réunion qui était peut-être la dernière
réunion du groupe spécial qui est en train de mettre au point, de
peaufiner la position du Québec par rapport à ses demandes
constitutionnelles. Alors, je crois que le ministre est ici. S'il est ici,
comme dirait M. de La Palice, c'est parce qu'il n'est pas là et, s'il
n'est pas là, le comité est en train de terminer son travail sans
le ministre chargé du dossier. Alors, je me demande si le ministre est
toujours dans le dossier.
Deuxième question, M. le Président. Le ministre a
parlé de tronc commun. Il était très éloquent. Je
suis très convaincu, moi aussi, du rôle du Québec par
rapport aux collectivités françaises hors Québec. Ce sont
des rameaux, ces collectivités françaises hors Québec, des
rameaux du tronc commun dont le ministre a parlé. Cela me rappelle que
le commissaire fédéral aux langues officielles, M. D'Iberville
Fortier, a pressé le gouvernement du Québec d'inclure la
protection des minorités françaises dans les autres provinces
parmi ses demandes constitutionnelles. Je veux demander au ministre s'il a
l'intention de le faire et, plus particulièrement à cet
égard, si le gouvernement du Québec a l'intention de
réclamer, dans le cadre de ses demandes constitutionnelles, que
l'Ontario soit bilingue au même titre que le Québec en vertu de
l'article 133 de la constitution canadienne.
M. Johnson (Anjou): Alors, M. le Président, le
député de Deux-Montagnes, avec encore une fois ce talent qu'on
lui connaît de qualifier les comportements ou les caricaturer, se demande
si je suis là. Je peux lui dire que je suis tout ici, par exemple.
M. de Bellefeuille: Donc, vous n'êtes pas là!
M. Johnson (Anjou): Je suis tout ici.
M. de Bellefeuille: Vous êtes ici, vous n'êtes pas
là.
M. Marx: L'adjoint pour ce dossier, il a la...
M. Johnson (Anjou): Sur le déroulement du processus du
Conseil exécutif, je dirai que je suis sûr que le
député reconnaîtra que ma présence à cette
commission de l'Assemblée nationale aujourd'hui démontre le
respect que j'ai de la prédominance du législateur sur
l'exécutif...
M. de Bellefeuille: Ah! Que c'est beau! Ah! Que c'est beau! Ah!
Bravo! C'est formidable!
M. Johnson (Anjou): ...et que de déplacer...
M. de Bellefeuille: II va falloir découper cela et
encadrer cela.
M. Johnson (Anjou): ...n'est-ce pas... J'ai toujours
considéré, M. le Président, que si une commission devait
entendre un membre de l'exécutif, c'est-à-dire un élu de
la population, le Parlement, l'institution centrale pour le Québec,
c'est à moi d'ajuster mon horaire en fonction de cela et non pas le
contraire.
Par ailleurs, il y a un certain nombre de réunions qui se
tiennent. Évidemment, si le député faisait partie du
Conseil des ministres, il saurait comment cela fonctionne, mais cela n'est pas
le cas.
M. de Bellefeuille: Non, la vie est assez compliquée comme
cela.
M. Johnson (Anjou): Quant à la situation des
minorités hors Québec, je dirais d'abord que régler le
problème des minorités hors Québec, les minorités
francophones, ce n'est pas régler le problème
québécois. C'est
cela qui est en cause dans la vision que peut en avoir l'État
central ou la majorité dans l'État central en se disant: Dans le
fond, si on donne des droits aux francophones des Territoires du Nord-Ouest, de
la Saskatchewan et d'ailleurs, le Québec, en échange, doit donner
exactement les mêmes droits à sa minorité anglophone. Cela
procède d'une analyse de la réalité sociale,
économique, culturelle qui est faussée. Ce qui a
caractérisé la possibilité pour les francophones en
Amérique du Nord de croître et de se développer, c'est le
fait qu'ils contrôlaient, sur le territoire où ils étaient
majoritaires, un certain nombre d'institutions. Allez demander cela à
n'importe qui en Louisiane! Allez demander cela à à peu
près n'importe quelle minorité hors du Québec, sauf le
Nouveau-Brunswick, où elle ne contrôle pas les institutions, mais
où la force du nombre, la forte proportion de cette minorité lui
a permis de se développer à un rythme, en tant que
communauté, sans perdre son identité, qui n'est pas celle du
Québec, qui est différente! Je ne qualifie pas la situation
économique, notamment celle du Nouveau-Brunswick, qui est très
différente de celle du Québec, et cette réalité des
institutions contrôlées par la minorité canadienne que sont
les francophones, cela s'appelle le Québec.
Il va falloir qu'on se remette cela dans la tête à un
moment donné et ce n'est pas parce qu'il y a eu un échec au
référendum ou des amertumes après le 19 janvier pour
certains qu'il faut oublier l'essentiel. Au-delà des convictions qu'on
peut avoir, l'essentiel, c'est qu'il y a un seul territoire au Canada qui est
contrôlé par les francophones qui ont moulé - je prends le
domaine des droits -qui se sont donné comme société,
depuis 20 ans en particulier, un certain nombre d'institutions. Dans le domaine
des droits, nous avons évolué avec une rapidité encore
plus grande que le reste du Canada. Pourquoi? Parce que nous étions
maîtres des institutions qui nous permettaient de connaître de
telles évolutions. Dire cela ne signifie pas...
M. Marx: II n'y a pas de télévision?
Une voix: Non.
M. Marx: II n'y a pas de télévision.
M. Johnson (Anjou): ...qu'on ne tient pas compte - M. le
Président, peut-être encore une minute - de ce qui peut arriver
aux minorités du Québec...
M. Marx: J'en suis convaincu.
M. Johnson (Anjou): ...et j'aurai l'occasion, dans les semaines
qui viennent...
M. Marx: Je suis bien d'accord avec cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): J'aurai l'occasion, M. le Président,
dans quelques semaines, d'annoncer un certain nombre de choses en ce qui touche
les relations avec le Québec et les minorités hors Québec
où il y a un cheminement intéressant qui s'est fait, je crois,
depuis un an dans ce domaine.
Quant aux questions spécifiques du député de
Deux-Montagnes, je lui répondrai qu'il aura sa réponse en temps
et lieu.
M. de Bellefeuille: J'aurai ma réponse quand?
M. Johnson (Anjou): En temps et lieu.
M. de Bellefeuille: En temps et lieu. C'est poli, mais c'est
quand même un refus de répondre. Cela m'étonne.
M. Marx: M. le Président...
M. Johnson (Anjou): C'est rigoureusement exact, M. le
Président.
M. Marx: ...sur ma question sur la charte, je respecte l'opinion
du ministre. Je comprends qu'il a épousé la thèse de
l'ancien premier ministre du Manitoba, M. Lyon; c'est défendable. Il y a
des gens qui croient vraiment cela. Il y a des juristes ici et là qui
croient qu'il faut que le Parlement ait toujours le dernier mot sur les
libertés publiques. On a vu lors des événements d'octobre
que le Parlement fédéral avait le dernier mot, que la Parlement a
adopté la loi d'urgence sur les mesures temporaires et on a
écarté la déclaration canadienne des droits par une
"clause nonobstant" et c'était voulu, parce qu'on veut que le Parlement
ait le dernier mot. Je peux vous faire la liste des pays où le Parlement
a le dernier mot, en passant par le Nigeria, l'Inde, et toutes sortes de pays.
Mais cela, c'était le Parlement fédéral, pas
l'Assemblée nationale, mais le Parlement fédéral. La
différence, c'est qu'aux États-Unis les gens ont des droits et
les droits sont toujours là. On a vu la différence entre les
Japonais canadiens et les Japonais américains, leur sort durant la
Deuxième Guerre mondiale. Je pense que les Japonais américains
ont bénéficié de plus de droits que les Japonais
canadiens. Au moins, les Japonais américains n'étaient pas
expropriés de leurs droits sans procès, expropriés de leur
propriété. C'est là la différence et, si la
politique du gouvernement est la même que celle de l'ancien premier
ministre du Manitoba, M. Lyon, je comprends.
(12 h 45)
Pour la charte québécoise, le ministre a quand même
dit que c'était une idée intéressante d'enchâsser la
charte québécoise dans les lois du Québec par le biais de
la procédure. Il y a une façon de le faire - pas sur le fond,
mais par la procédure. Il y a une certaine jurisprudence qui nous donne
à croire que ce serait possible.
Maintenant, j'aimerais poser une question sur la charte canadienne.
Est-ce que le ministre sait que le "Canada Bill", en français, c'est la
Loi sur le Canada? Je pense qu'il ne sait peut-être pas qu'il y a un
titre français aussi. Je me demande toujours pourquoi il met des mots
anglais dans ses discours en français.
M. Johnson (Anjou): Disons qu'elle a été
adoptée, cette charte constitutionnelle, comme si le français
n'avait pas existé. Alors, cela reste le "Canada Bill", M. le
Président.
M. Marx: Non, le "Canada Bill" a été adopté
par un Parlement qui a déjà eu comme langue d'usage le
français, c'est le Parlement du Royaume-Uni. Après la
conquête normande, le français était une langue d'usage au
Parlement, etc. Ma question...
M. de Bellefeuille: "Dieu et mon droit."
M. Marx: "Dieu et mon droit", oui, mais on a adopté le
"Canada Bill" en deux langues. Ils n'ont pas de préjugés en
Angleterre. Ils ont adopté le "Canada Bill" en deux langues...
M. Blouin: Le "Canada Bill".
M. Marx: ...le "Canada Bill" et la Loi sur le Canada. Ma question
est la suivante et est très précise. Admettons, étant
donné l'amitié entre le gouvernement Lévesque et le
gouvernement Mulroney, que M. Lévesque va déposer ses
propositions la semaine prochaine et que M. Mulroney va sauter dessus et qu'on
va avoir un "deal", admettons même que le Parti libéral du
Québec soit d'accord...
M. de Bellefeuille: Le Québec ne demandera rien qu'Ottawa
ne pourra pas accorder, n'est-ce pas, selon le ministre?
Le Président (M. Gagnon): Le député de
D'Arcy McGee va compléter sa question. Pendant que j'ai la parole, je
vous ferais remarquer que, depuis déjà un bon moment, je ne pense
pas que nous soyons au ministère de la Justice mais plutôt aux
Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Marx: Je remercie le député de
Deux-Montagnes de sa petite intervention, mais je vais terminer.
M. de Bellefeuille: Oui, mais, sur l'observation du
président sur le règlement, je voudrais vous faire observer, M.
le Président, que c'est le ministre lui-même, en répondant
à des questions sur les deux chartes des droits, qui a parlé du
rôle du Québec dans l'ensemble canadien, du tronc commun, etc.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, M. le
député de Deux-Montagnes. Je ne visais personne en particulier;
je voulais seulement qu'on le constate. M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: J'essaie de formuler ma question. C'est une question
technique. Admettons que tout cela va bien se passer et que le Québec
acceptera la Loi sur le Canada, la loi constitutionnelle de 1982, y inclus la
Charte canadienne des droits et libertés. Si le Québec accepte,
est-ce qu'on mettra encore la clause "nonobstant les articles 2 et 7 à
15" dans toutes nos lois? Première question.
Deuxième question. Supposons qu'on accepte la loi
constitutionnelle de 1982, cela donnerait à sept provinces qui
contiennent 50 % de la population le droit d'enchâsser les droits et
libertés dans la constitution sans le consentement du Québec.
Est-ce qu'on serait prêt à accepter cette possibilité? Une
fois qu'on accepte la loi constitutionnelle de 1982, ce sera possible pour sept
autres provinces, plus 50 % de la population, de l'amender sans le consentement
du Québec, parce qu'on n'aura pas de veto. Je ne pense pas que vous
allez demander le veto, étant donné que vous avez laissé
tomber le veto du Québec. Je ne veux pas faire de débat sur cette
question.
M. Blouin: Si vous ne voulez pas faire de débat, n'en
parlez pas.
M. Marx: Vous comprenez le sens de mes deux questions,
j'espère.
Le Président (M. Gagnon): Voilà, M. le ministre,
vous avez la parole.
M. Johnson (Anjou): D'abord, M. le Président, une remarque
que j'ai entendue revenir avec la quantité de fiel un peu
démagogique chez le député de Deux-Montagnes au sujet d'un
document de travail issu de fonctionnaires du ministère des Affaires
intergouvernementales sur les relations fédérales-provinciales
dans le cadre de la préparation de la conférence des premiers
ministres sur l'économie. J'entends souvent certains membres de
l'opposition circonstancielle généraliser quelque peu leurs
propos. Mais je comprends que cela fasse leur affaire. Ils prouvent que,
même s'ils constituent un mouvement, ils ont les tactiques des
partis!
M. Marx: Ça va!
M. Johnson (Anjou): D'abord, je ne veux pas élaborer plus
longuement que ce qui n'a été fait devant l'Assemblée sur
ces questions et aller plus loin que je ne l'ai fait ce matin. Il est
évident que la question que pose le député de D'Arcy McGee
porte sur le contenu de ce que seront les demandes du Québec ou les
propositions québécoises au gouvernement canadien et,
éventuellement, aux autres provinces du Canada pour rouvrir le dossier
constitutionnel. Tant et aussi longtemps que le Conseil des ministres n'aura
pas statué, tant et aussi longtemps que le premier ministre n'aura pas
rendu ces questions publiques, je n'ai pas l'intention d'en parler ici par
anticipation. Je dirai cependant que, encore une fois, ce qui est en cause
quand on parle de droit, c'est la reconnaissance ou non de la
spécificité territoriale du Québec dans ce contexte.
M. Marx: On sait tout cela!
M. Johnson (Anjou): II faut aussi que cette reconnaissance ait un
prolongement au-delà du discours que j'entends, notamment, venant du
Parti libéral depuis quelques temps; il y a des exigences à cela,
notamment en matière d'application de la Charte des droits et
libertés. Il est évident que certains de ces
éléments se retouveront dans les demandes du Québec.
M. Marx: J'ai posé une question technique. Le ministre
devrait être capable de consulter son sous-ministre, ses autres
fonctionnaires pour savoir ce qu'il pourrait être appelé à
faire d'ici une semaine. Je veux savoir ceci: si, durant cette session, le
gouvernement du Québec s'entend avec le gouvernement
fédéral pour l'acceptation par le Québec de la Loi
constitutionnelle de 1983, est-ce que le gouvernement a l'intention, encore, de
mettre comme dernier ou avant-dernier article dans chacune de ses lois, une
clause de dérogation aux articles 2, et de 7 à 15 de la Charte
canadienne des droits et libertés? Je pense que c'est juste une question
technique. Est-ce que le ministre n'a pas de réponse à une
question aussi simple que celle-là?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas une
question technique, c'est une question de substance. J'ai dit que ces questions
de substance seront réglées par le Conseil des ministres et
transmises, en temps et lieu, par le premier ministre le cas
échéant. Cependant, je me permets de passer un commentaire sur
l'introduction ou les propos préliminaires du député de
D'Arcy McGee, M. le Président, qui laissent entendre que "We promised
you a rose garden". Je comprends que le premier ministre canadien a
sûrement l'envers de la médaille de son
prédécesseur, enfin, je parle de l'avant-dernier
prédécesseur, M. Trudeau, qu'il a démontré dans un
certain nombre de dossiers une absence de préjugés, une absence
de hargne à l'égard du Québec, mais qu'il sera soumis
à des pressions considérables à la fois par l'appareil
fédéral, par une partie de son caucus, par certaines provinces.
Avant de laisser entendre que nous considérons que cela va être
une partie de plaisir et très simple, je vous mets au défi de
retrouver, dans les propos de qui que ce soit au nom du gouvernement, quelque
propos qui pourrait vous permettre de travestir ainsi ce qui est la
constatation d'un fait, c'est que c'est drôle, depuis que Trudeau n'est
plus là, le Québec est capable de régler quelques dossiers
avec le fédéral. C'est fort simple! De là à parler
de lune de miel à ne plus finir du fait que tout va bien aller et que
nous serons dans un paradis avec des petits oiseaux, c'est une autre paire de
manches. Le Québec a connu sept régimes constitutionnels depuis
que les premiers colons français se sont installés le long du
Saint-Laurent et, à chaque fois, il a été obligé de
se battre, que ce soit le serment du Test, que ce soit le moment choisi pour
l'assimilation institutionnelle au moment du Parlement uni du Canada, parce que
cela devenait rentable pour les autres de le faire, que ce soit la
période de la bataille pour le pouvoir exécutif en 1837-1838, que
ce soit même la Confédération, pour la reconnaissance,
imaginez-vous, des écoles catholiques et protestantes, la bataille pour
la reconnaissance du bilinguisme des institutions fédérales au
niveau de la langue de la législation, jamais, comme
société, parce qu'on est une minorité, parce qu'on est 6
000 000 et parce qu'il n'y a personne qui est là pour le plaisir de nous
faire plaisir, jamais on ne réussira quoi que ce soit "without putting a
fight".
M. Marx: Le problème, c'est que...
M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas si c'est clair.
M. Marx: ...mes questions changent, mais le discours du ministre
ne change pas. C'est cela le problème. Je pense que le Parti
libéral du Québec a été un assez bon
défenseur des droits des Québécois.
M. Johnson (Anjou): On a vu cela à Victoria!
M. Marx: Ce n'est pas cela, la
question. Je veux que le ministre réponde à ma question et
qu'il ne fasse pas son discours habituel. J'ai compris...
Le Président (M. Gagnon): M. le
député...
M. Marx: II reste deux minutes.
Le Président (M. Gagnon): C'est que j'ai certaines choses
à dire aussi avant qu'on suspende nos travaux. On pourra se reprendre,
si vous me le permettez, cet après-midi.
M. Marx: Oui, parce que je pense que cela prendrait
peut-être l'heure du lunch pour que le ministre...
Le Président (M. Gagnon): Voilà!
M. Marx: ...puisse changer son discours.
Le Président (M. Gagnon): Je voudrais juste aviser les
membres de cette commission et les invités qui sont ici que, cet
après-midi, après la période des affaires courantes, nous
serons à la salle 81 et non pas au salon rouge. J'ajourne les travaux
sine die, mais nous savons que nous devons revenir après les affaires
courantes, donc après un ordre de l'Assemblée nationale.
M. Johnson (Anjou): J'aurais une question, si vous me le
permettez.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Johnson (Anjou): Est-ce qu'on commence ou non le programme 1
cet après-midi?
Le Président (M. Gagnon): Oui, effectivement, les
préliminaires seront terminées.
M. Johnson (Anjou): Parfait.
M. Marx: Juste une question, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Marx: Je sais que cette commission a neuf heures et demie pour
l'étude des crédits. On a neuf heures et demie pour
l'étude de ces crédits, dont sept heures et demie prévues
pour aujourd'hui et demain et deux heures seront prévues pour un autre
jour.
M. Johnson (Anjou): Un peu plus tard, effectivement.
M. Marx: Un peu plus tard. Je veux savoir cela. Supposons qu'on
est censé avoir sept heures et demie aujourd'hui et demain. Aujourd'hui,
j'ai remarqué qu'on a commencé à 10 h 15 et on risque de
reprendre cet après-midi à 16 h 30 et de terminer à 18
heures. Je veux être sûr qu'on fasse les neuf heures et demie. Je
ne vais pas priver le ministre de...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, les renseignements
que j'ai eus étaient en ce sens que nous étions
prêts à commencer hier. Je crois que le député
D'Arcy McGee n'était pas disponible. J'avais compris que le
réaménagement de l'horaire entraînait uneacceptation par les membres de la commission que nous siégerions
sept heures et demie et non pas neuf heures et demie. Si on parle des deux
autres heures, je dois vous dire que c'est aléatoire pour cette
semaine.
Le Président (M. Gagnon): De toute façon, cela
relève d'ententes je pense, entre les deux leaders.
M. Marx: Il n'y a pas d'entente.
Le Président (M. Gagnon): Oui, s'il vous plaît. Nous
ajournons nos travaux sine die.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 16 h 42)
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
se réunit afin de procéder à l'étude des
crédits budgétaires du ministère de la Justice pour
l'année financière 1985-1986. M. le secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplacements parmi les membres?
Le Secrétaire: II y a un remplacement. M. Mailloux
(Charlevoix) est remplacé par M. Pagé (Portneuf).
Le Président (M. Gagnon): Merci. J'appelle donc le
programme 1. Nous avions terminé les préliminaires cet
avant-midi. Donc, on passe à l'étude du programme 1. M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je ne sais pas
comment mes collègues veulent aborder... Comme vous voyez, nous avons,
au programme 1, la formulation des jugements, le budget de la magistrature, la
déontologie judiciaire et le perfectionnement des juges...
M. Marx: La SOQUIJ, est-ce que c'est le premier programme?
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, je n'entends pas.
M. Marx: La SOQUIJ, est-ce au premier programme?
M. Johnson (Anjou): Affaires législatives,
c'est-à-dire le no 11.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que nous prenons les
crédits élément par élément ou si nous
étudions les deux éléments ensemble?
M. Johnson (Anjou): Les éléments? Le
Président (M. Gagnon): Oui.
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas d'objection, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le
député de D'Arcy McGee, est-ce que vous avez...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me permettez
une remarque, je pense que les membres de la commission ont reçu un
sommaire d'environ trois pages sur chacun des programmes. Peut-être
qu'ils veulent construire les choses à partir de là. Quant
à moi, je suis disposé à répondre aux questions qui
pourraient se poser dans les différents programmes.
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Rousseau.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez, il
y a un problème de son ici. On ne s'entend pas.
Le Président (M. Gagnon): On est en train de faire
l'ajustement.
M. Johnson (Anjou): Est-ce qu'il faut vivre avec cela?
Une voix: Cela a l'air qu'il faut vivre avec cela.
M. Johnson (Anjou): C'est un problème permanent? C'est
bien. Cela devrait être de même en Chambre.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va, si on
approche un peu les micros, peut-être?
M. Johnson (Anjou): Un petit peu mieux.
Une voix: On n'entend rien à travers les micros.
Le Président (M. Gagnon): Vous n'entendez rien à
travers les micros?
M. Johnson (Anjou): Le mien, je pense, donne du son
là-bas. Le vôtre?
Une voix: C'est important pour le Journal des débats.
M. Blouin: Celui-là fonctionne, mais les nôtres ne
fonctionnent pas. Est-ce qu'ils enregistrent?
Le Président (M. Gagnon): Alors, qu'est-ce qu'on fait? On
parle plus fort?
Une voix: On parle fort.
M. Blouin: On va parler plus fort. Juste pour que les membres de
la commission soient bien informés - voilà, cela vient - il a
été convenu que les travaux pourraient se poursuivre
au-delà de 18 heures, probablement jusque vers 19 heures. C'est cela?
Très bien.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous le
permettiez, nous pourrions poursuivre sur les périodes que, dans les
collèges, on appelait de récréation, empiéter
peut-être un peu plus tôt, s'assurer qu'on commence à
l'heure dans la mesure du possible, sauf quand on est retenu en Chambre, et
finir un peu plus tard, de telle sorte qu'on puisse faire le tour et qu'on
puisse avoir à peu près huit heures ou huit heures et demie
plutôt que sept heures et quart ou neuf heures et demie.
M. Blouin: Cela va.
Institutions judiciaires
Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce que vous avez des
questions à poser au programme 1?
Magistrature
M. Marx: Oui. Une des revendications traditionnelles du
Québec, c'est que les juges à la Cour supérieure soient
nommés par le Québec. Lors des prochaines négociations
constitutionnelles, est-ce que le ministre va demander au gouvernement
fédéral que les juges à la Cour supérieure soient
nommés par la province de Québec?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, la question du
député est hypothétique encore pour quelques semaines.
M. Marx: Pour quelques semaines. Si je comprends bien, le
ministre est d'accord que ce soit le Québec qui nomme ces juges, qu'on
modifie l'article 96 de la constitution.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, comme le
député le sait sans doute, il y a un consensus qui a
déjà historiquement été établi au niveau des
provinces quant à l'utilité que représenterait pour
celles-ci que les juges de la Cour supérieure soient nommés par
les juridictions provinciales. C'est une demande qui n'est pas
caractéristique du Québec, d'ailleurs.
M. Marx: Non, mais le ministre est, bien sûr, au courant
que le gouvernement fédéral a déposé un projet de
modification de la constitution en ce qui concerne l'article 96 de la
constitution qui nous donne un certain nombre de problèmes. Est-ce qu'il
était d'accord avec cette proposition du gouvernement
fédéral ou s'il n'était pas d'accord? Comment est-ce qu'il
voit cela?
M. Johnson (Anjou): Je pense que nous aurons l'occasion, dans les
semaines qui viennent, de répondre à ce genre de questions
à partir du dossier constitutionnel.
M. Marx: Le ministre n'est pas au courant de ce dossier,
j'imagine, encore.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je suis au courant,
mais je pense que j'ai bien établi que je ne n'avais pas l'intention de
répondre à cette question dans ce forum, comme m'y autorisent la
Loi sur la Législature et le règlement.
M. Marx: Ah oui! La question n'est pas seulement
constitutionnelle. La question, c'est de droit administratif, c'est la
compétence de nos tribunaux administratifs. Quand même, si le
ministre veut exercer son droit de ne pas parler, il a le droit de le
faire.
En ce qui concerne la Cour des petites créances, est-ce que le
ministre a l'intention de revoir et réétudier la loi
communément appelée la loi sur les petites créances?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, d'abord, quant
à l'évolution récente autour de la Cour des petites
créances, je pense qu'il faut souligner des choses. Je pense que le
micro ne fonctionne pas; cela recommence. La première, c'est
l'augmentation de la juridiction aux petites créances, qui remonte
à l'an dernier. La deuxième, c'est l'introduction de la
contestation en matière d'impôt sur le revenu des particuliers au
niveau de ce tribunal, qui est également une décision toute
récente. La troisième, c'est cette demande
réitérée par le monde des affaires ou une partie du monde
des affaires à savoir qu'on puisse permettre à la Cour des
petites créances d'être un lieu où les petites entreprises
puissent obtenir un jugement en matière de créance. Sur les deux
premiers sujets, je crois que nous évaluerons les impacts et les
conséquences de cette loi probablement d'ici environ un an.
Deuxièmement, en ce qui a trait à la représentation
par procureur ou l'accessibilité des moyennes entreprises à la
Cour des petites créances pour les fins de recouvrement de leurs
créances, c'est un problème auquel je ne vois pas de solution
pratique pour le moment.
M. Marx: Le problème est qu'il y a des gens qui ont des
dettes de 100 $ envers un magasin incorporé, une corporation. Ils savent
donc que, s'ils ne paient pas leurs dettes, ils ne seront pas poursuivis, parce
que la corporation, le magasin, ne pourrait pas, sur le plan pratique,
poursuivre ces personnes étant donné qu'il faut engager un
avocat, intenter une action en Cour provinciale. Tout cela coûte tout de
suite plus de 100 $. Ce ne serait pas payant et il y a donc un certain nombre
de gens qui ne paient pas leurs dettes parce que les créanciers n'ont
pas de moyen efficace de les poursuivre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai
déjà évoqué lors des crédits l'an dernier
l'existence d'une réflexion qui se fait au ministère sur cette
question. Je dirai que cela a été accompagné il y a
quelques semaines ou quelques mois d'une visite d'un certain nombre de
fonctionnaires dans l'Ouest canadien pour voir comment on réglait ces
problèmes dans d'autres Législatures, le problème
étant, comme on le sait, de ne pas transformer non plus la Cour des
petites créances en agence de collection. Alors, comment peut-on faire
pour ne pas que la Cour des petites créances devienne une agence de
collection? Je pense que c'est la vraie question qu'il faut se poser dans ce
dossier et on doit avoir un rapport sur cette question d'ici quelques semaines
au ministère, y compris le rapport de mission dans l'Ouest.
M. Marx: Je me souviens que ce rapport a été
mentionné l'an dernier, vous voyez que cela se répète
d'une année à l'autre. Je pense qu'il y a trois ans on a dit: On
pense à préparer un rapport. L'an dernier, on l'a
commencé. Maintenant, c'est terminé, on a envoyé des
fonctionnaires. Cela traîne depuis déjà trois ou quatre ans
et on n'a rien fait! Aucun document n'a été rendu public. Est-ce
que le ministre peut me donner une copie de ce document? Cela va au moins
m'aider dans mes recherches.
M. Johnson (Anjou): Quand on l'aura. Si je comprends bien
l'introduction de la question de M. le député, M. le
Président, il vient de nous affirmer qu'il a vu un problème, mais
qu'il n'a pas de solution lui non plus!
M. Marx: Je ne dirais pas cela, mais, si le ministre est
prêt à accepter mes solutions, qu'il commence avec le paquet que
je lui ai déjà remis et on va procéder une par une.
M. Johnson (Anjou): Vous ne parlez quand même pas de la
nomenclature de chiffres qu'on a démolie ce matin. Ce n'est pas de
cela...
M. Marx: Pas de dispute inutile aujourd'hui! Est-ce que le
ministre serait prêt à nous donner une copie de cela?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'aurai un rapport de
mission sur ce groupe, et, dans la mesure où je pourrai diffuser de
telles informations, cela me fera évidemment plaisir de les faire
parvenir à la commission.
M. Marx: On va donc les faire venir?
M. Johnson (Anjou): Encore une fois, le problème est de
définir la petite entreprise pour éviter le problème qu'on
évoque.
M. Marx: Vous avez dit que les fonctionnaires sont allés
dans les provinces de l'Ouest...
M. Johnson (Anjou): Essentiellement, parce qu'on nous avait dit
que cela marchait mal là-bas.
M. Marx: Est-ce qu'on a fait des études de la loi dans
certains États américains comme la Californie, qui a
innové dans ce domaine il y a au moins quelques années? Non? Cela
a surtout été dans l'Ouest du Canada?
M. Johnson (Anjou): Non, pas à ma connaissance.
M. Marx: Qu'est-ce qu'ils ont trouvé comme solution, dans
l'Ouest du Canada?
M. Johnson (Anjou): On va avoir le rapport d'ici quelques
semaines. C'est ce que j'ai dit au début.
M. Marx: C'est cela. Mais ont-ils trouvé certaines
solutions?
M. Johnson (Anjou): On nous a dit - et c'est pour cela qu'on a
envoyé une mission -qu'ils pensaient qu'ils avaient trouvé des
solutions et qu'ils ont des problèmes avec cela. On veut aller trouver
quels sont les problèmes pour ne pas être obligés de
réinventer l'allumette! Ou, peut-être, pour venir expliquer au
député de D'Arcy McGee lors des crédits de l'an prochain -
alors que lui et moi occuperons peut-être les mêmes fauteuils! -
que, dans le fond, il n'y a pas de solution.
M. Marx: Cela veut dire qu'il n'y aura pas d'élections
avant le printemps prochain!
M. Johnson (Anjou): Je prends bonne note de la suggestion du
député et je la transmettrai au premier ministre.
M. Marx: S'il veut en avoir une autre: J'ai toujours prévu
qu'au mois d'avril 1986 le premier ministre du Québec va déclarer
qu'il y a une insurrection appréhendée en vertu de la
constitution et prolonger encore le Parlement. On va s'accrocher au
pouvoir.
Le Président (M. Gagnon): Excusez. À l'ordre! M. le
député de D'Arcy McGee, si on revenait à l'étude
des crédits, s'il vous plaît!
M. Marx: Je cherche une autre idée. Est-ce que les
statistiques tombent dans ce programme aussi? Les statistiques des
délais à la Cour supérieure?
M. Johnson (Anjou): Judiciaires, oui.
M. Marx: Est-ce qu'on peut avoir les statistiques les plus
récentes?
M. Johnson (Anjou): Oui, peut-être pas sur le coup. Cela me
fera plaisir de vous les faire parvenir.
M. Marx: Parce que je sais que les statistiques sont
compilées dans chaque palais de justice. Cela devrait être un
secret d'État parce que c'est très difficile de les avoir. Est-ce
que...
M. Johnson (Anjou): ...consolidation au niveau de l'ensemble du
Québec.
M. Marx: Puis-je avoir les statistiques... M. Johnson (Anjou):
Par district? M. Marx: Par district.
M. Johnson (Anjou): Enfin, les plus importants,
sûrement.
M. Marx: Parce que, dans certains districts, il n'y a pas de
problème. Le problème, c'est surtout à
Montréal.
M. Johnson (Anjou): Québec.
M. Marx: En matière civile. Étant donné que
le ministre nous a souligné ce matin qu'on fait des progrès, et
ainsi de suite, peut-être qu'il serait souhaitable qu'on publie un
rapport de temps à autre pour nous donner ces statistiques comme c'est
donné pour d'autres programmes. D'accord? Donc,
le ministre va faire parvenir une copie de ces statistiques.
M. Johnson (Anjou): Oui, dès qu'on aura l'état
consolidé de ce que j'évoque; sûrement, avec plaisir. Cela
m'apparaît un instrument normal de l'évaluation des succès
législatifs ou des insuccès.
Le Président (M. Gagnon): À la commission? C'est
cela que vous soulignez?
M. Marx: II va envoyer cela à la commission. Une autre
question que j'aimerais poser, c'est: Est-ce que le ministère a fait une
étude sur le nombre de juges qu'on a au Québec par rapport
à l'Ontario? Je pense qu'un de ses anciens sous-ministres, le
sous-ministre qui a précédé le sous-ministre en titre
aujourd'hui, a fait un rapport sur cette question et, si je me souviens bien,
la conclusion était que nous avons plus de juges au Québec qu'en
Ontario par tête de pipe et les petites recherches que j'ai faites
moi-même m'ont suggéré qu'il y a dans certaines cours
provinciales des juges qui attendent des causes.
M. Johnson (Anjou): Au Québec?
M. Marx: Oui, en Cour provinciale. Cela veut peut-être dire
qu'il n'y a pas assez de juges en Cour supérieure. Nous avons
modifié la loi pour prévoir la nomination de plus de juges. J'en
conviens. L'Opposition était d'accord. Mais, est-ce qu'il y a trop de
juges à la Cour provinciale? Dans l'ensemble, est-ce que nous avons plus
de juges par tête de pipe que l'Ontario?
M. Johnson (Anjou): Dans le cas de la Cour provinciale, il y a,
à l'occasion, là comme devant d'autres tribunaux, des
problèmes de gestion de rôle. 11 faut le dire dans le cas de la
Cour des sessions en matière criminelle. Ces choses se sont fort bien
améliorées depuis quelques années. Dans le cas de la Cour
provinciale, il y a, semble-t-il, effectivement, à l'occasion, des
problèmes de gestion de rôle et où les délais sont
différents. Par ailleurs, il faut être conscient que les cours
ontariennes et les cours québécoises sont différentes. Les
County Courts en Ontario, qui sont des tribunaux de nomination
fédérale et qui n'existent pas au Québec, prennent une
place considérable dans le système et la comparaison des
effectifs en fonction des juridictions devient passablement complexe. On
pourrait dire qu'une bonne partie de ce qui est fait par les County Courts
ontariens est fait ici par la Cour supérieure.
M. Marx: Oui, mais je pense que, si vous compilez le nombre des
juges des County Courts en Ontario et à la Cour suprême d'Ontario
et que vous allez voir combien de juges nous avons à la Cour
supérieure, les chiffres démontrent qu'il y a peut-être
trop de juges au Québec dans l'ensemble. L'ancien sous-ministre de la
Justice a publié un discours dans le journal Le National du Barreau
canadien, si je me souviens. Je pense que la conclusion était que nous
avons trop de juges. Je pense que ce serait un domaine où il serait
souhaitable qu'on fasse une étude. Il y a peut-être des
améliorations qui s'imposent, le cas échéant. Dans
certaines cours, dans certains palais, c'est sûr qu'il y en a trop, mais,
dans d'autres, il n'y en a pas assez et on attend des causes, si on peut se
fier aux chiffres que nous avons reçus. (17 heures)
Le Président (M. Gagnon): Cela va?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que le programme 1 est
adopté?
M. Marx: Juste une autre question. Est-ce que c'est vrai que
certains juges n'ont pas de secrétaire, c'est-à-dire que des
juges de la Cour supérieure à Montréal, par exemple, ont
une secrétaire, mais que la secrétaire doit descendre en cour
pour agir comme huissier, comme clerc, comme crieur ou je ne sais quoi? Cela
arrive qu'on téléphone au juge et qu'il n'y a pas de
réponse parce qu'il n'y a pas de secrétaire. Cela a causé
un problème à la Cour supérieure de Montréal.
M. Johnson (Anjou): Pour le moment, le juge en chef de la Cour
supérieure m'apparaît, malgré certaines remarques, de
façon générale satisfait du protocole dont nous sommes
convenus qui, pour l'essentiel, dit que les secrétaires de juge, par ce
qu'on appelle l'enrichissement des tâches, participent aux services
judiciaires. Il faut bien comprendre que, quand un juge de la Cour
supérieure est en délibéré pendant une semaine,
cela ne fait pas beaucoup de trafic au bureau. Il y a des questions de gestion
du personnel, d'efficience, d'efficacité et de rendement, compte tenu de
la rémunération, des sommes d'argent qu'on y met et nous avons
l'impression, malgré les tensions occasionnelles que cela a pu
créer - et que cela va continuer de créer - que la participation
des secrétaires à des fonctions, par exemple, qui sont
reliées au travail en cour du juge est une chose d'une certaine
utilité. D'abord, je pense que c'est plus valorisant;
deuxièmement, je pense qu'il y a là un sentiment d'utilité
évident qui doit en découler et, troisièmement, c'est une
utilisation plus rationnelle des ressources.
M. Marx: Est-ce que le ministre est
aussi au... C'est un problème. On téléphone au
juge. Il n'y a pas de réponse parce qu'il n'y a pas de
secrétaire. Peut-être que personne n'a pensé à avoir
un "switchboard". Il y a un deuxième problème. Est-ce que le
ministre est au courant qu'il y a des jugements qui ne sortent pas à
temps parce qu'il n'y a pas de secrétaire pour les taper?
M. Johnson (Anjou): Quand je regarde la quantité de
personnel qu'il y a dans un palais de justice comme à Montréal,
Québec, Sherbrooke ou ailleurs dans les plus grands districts, j'ai
peine à croire qu'il manque du personnel pour taper un jugement à
la machine. Il y a peut-être un problème d'affectation des
ressources, mais il est bien évident que, si on veut reconduire le
modèle traditionnel où chacun, finalement, ne se posait pas de
questions sur les ressources, peut-être que le député peut
me faire cette démonstration.
M. Marx: Est-ce que le ministre a déjà lu
l'étude du juge Deschênes: "Maîtres chez eux"?
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Marx: Oui, il a lu cela. Bon! C'est une façon de
régler les problèmes, de donner le pouvoir - pas le pouvoir,
peut-être que le bon mot, c'est la responsabilité - aux juges de
gérer leur propre palais. Un juge qui gagne, je ne sais pas, 100 000 $
par année ne peut pas demander à qui que ce soit de faire quoi
que ce soit. Je trouve que c'est traiter - je ne veux pas être injuste -
les juges comme des incapables. Vraiment, là, qui, dans notre
société, gagnant 100 000 $ par année, n'a pas la
responsabilité de gérer son personnel? Il y a beaucoup
d'améliorations à apporter dans ce domaine et je trouve - je ne
sais pas quelle est la politique du ministre actuel... Peut-être est-ce
la même politique que celle de l'ancien ministre de la Justice, mais il y
avait toujours une hésitation au ministère à donner plus
de responsabilités aux juges et à enlever cette
responsabilité aux fonctionnaires. Je me suis toujours demandé
pourquoi. Je pense que le fait de donner plus de responsabilité aux
juges amènerait peut-être un système plus efficace;
peut-être peut-on en faire l'essai dans un ou deux palais de justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, notre orientation
nous amène là-dessus. Le député de D'Arcy McGee
n'invente rien; il n'a qu'à se reporter à l'orientation que le
ministère de la Justice, de ce côté, préconise
depuis maintenant près de trois ans. Sauf que, malgré le fait
qu'on ait fait l'offre formelle aux juges d'assumer la responsabilité
des secrétaires, huissiers et recherchistes, ils nous ont répondu
qu'ils voulaient évaluer cela. Je peux les comprendre un peu. Compte
tenu du rôle qui lui est dévolu dans notre société,
en principe et en pratique aussi à bien des égards, d'être
un peu une des colonnes de la société, le troisième
pouvoir, la magistrature ne se voit pas comme devant être
préoccupée par des choses aussi "vernaculaires" que les
problèmes de gestion de personnel.
Cependant, la perspective d'une notion de contrôle à
l'intérieur de la magistrature sur l'affectation des ressources en
fonction des besoins qui sont là est une perspective qui non seulement
nous agrée, mais que nous leur avons déjà proposée.
Je dois recevoir éventuellement une opinion du Conseil de la
magistrature là-dessus qui a été sensibilisé
à cela et à qui j'ai eu l'occasion d'en reparler encore il y a
quelques mois. C'est l'une des premières choses que j'ai faites lors de
mes contacts, en arrivant au ministère de la Justice. Encore une fois,
je peux comprendre un peu les hésitations de la magistrature. Le jour
où on s'engagera dans cette voie, il y aura un caractère vraiment
définitif à cela: Toutes choses étant égales par
ailleurs - et je n'oserais pas comparer la magistrature à la profession
médicale - un peu comme on a dit à la profession médicale
dans les hôpitaux par un débat qui a été très
difficile, on s'en souviendra, lors de l'adoption de la loi 27, dans le fond,
il faudrait peut-être que les directeurs de départements de
médecine clinique puissent avoir un certain mot à dire dans la
gestion des ressources avec lesquelles ils travaillent directement.
Là, cela pose toutes sortes d'autres problèmes. C'est un
peu la même chose avec la magistrature. D'une part, la magistrature nous
reproche d'enquiquiner le fonctionnement quotidien par nos normes et elles ne
sont pas établies en fonction strictement des besoins de la
magistrature, mais des impératifs, des contraintes, des contrôles
et des besoins d'autres groupes, y compris les justiciables. Par ailleurs, je
crois que la magistrature est quelque peu hésitante à accepter ce
type de responsabilité, mais je crois que c'est cela, la perspective
qu'il faut avoir. Évidemment, il y aurait une façon de faire
accepter à la magistrature le contrôle des ressources, c'est de
lui garantir pour les dix prochaines années une évolution des
budgets qui ressemble à celle des années soixante-dix. Mais on
sait qu'on ne peut pas faire cela non plus, c'est évident. Cela ne
s'appelle pas régler un problème, cela s'appelle en créer
une autre sorte. Mais, à partir des ressources humaines que nous avons,
je crois que cette perspective d'une implication et d'une autonomie de la
magistrature sur le personnel qui est directement relié à
celle-ci est une perspective normale.
M. Marx: Le ministre a-t-il proposé aux juges la gestion
de personnel ou l'administration du palais? Par exemple, vont-ils avoir...
M. Johnson (Anjou): Dans un premier temps, ce qui a
été proposé, c'est la gestion du personnel
immédiat: recherchistes, huissiers et secrétaires.
M. Marx: S'ils ont besoin de crayons, de papier et tout cela,
cela passerait par le ministère?
M. Johnson (Anjou): Dans ce contexte-là, qu'on se
comprenne bien, cela devient un détail.
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): Au gouvernement, on l'a réglé
nous-mêmes avec les services centraux d'approvisionnement et tout cela.
Mais le vrai pas à franchir, c'est de savoir si, oui ou non, c'est la
magistrature qui va avoir les responsabilités en matière
d'affectation du personnel à l'intérieur du personnel
immédiat. Je comprends que la magistrature est hésitante à
l'accepter.
M. Marx: Et d'administrer le palais. Je pense que - vous allez me
corriger si j'ai tort - à la Cour suprême du Canada, c'est le juge
en chef qui a la responsabilité de la gestion et de l'administration de
la cour.
M. Johnson (Anjou): Je crois que c'est exact, sauf qu'il faut
voir combien de juges il y a à la Cour suprême et quel est le
volume.
M. Marx: On peut peut-être commencer avec un petit palais
de justice au Québec et voir ce que cela donne. Il faut faire un essai
quelque part. J'ai lu l'étude "Maîtres chez eux". Franchement, il
y a des éléments que j'ai trouvés très
intéressants. Au moins, le ministre a dit aujourd'hui qu'il est
réceptif à cette idée. Il y a quelques années, le
ministre en place était défavorable - il me semblait à
l'époque - à une telle démarche: donner plus de pouvoirs
aux juges en ce qui concerne l'administration des palais.
Passons à l'utilisation des salles. Avez-vous des statistiques
sur l'occupation ou l'utilisation des salles, par exemple, au palais de justice
de Montréal? Est-ce qu'elles sont utilisées tout au long de la
journée? Est-ce qu'il y a beaucoup de salles qui ne sont pas
utilisées ou qui sont utilisées seulement 40 % ou 30 % du
temps?
M. Johnson (Anjou): Je vais tenter de trouver les données
ici dans le cahier, je pense qu'on les a. D'abord une première chose:
l'utilisation des salles est directement reliée à la gestion des
rôles. On ne peut pas déduire, comme une espèce de
quasi-automatisme, que nous avons trop d'espace parce qu'il y a souvent des
salles qui sont vides. Le problème peut venir essentiellement de la
gestion des rôles dans certains cas. Il faut être conscient de cela
quand on aborde cette question.
M. Marx: On peut faire une meilleure utilisation des salles.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Marx: Est-ce qu'il serait possible de faire une meilleure
utilisation des salles? Les statistiques que j'ai déjà eues, et
qui datent un peu, indiquaient que, souvent, les salles n'étaient pas
utilisées, c'est-à-dire qu'il aurait été possible
de faire passer beaucoup plus de procès au palais de justice de
Montréal. Le taux d'inoccupation des salles était assez
élevé.
M. Johnson (Anjou): Je pense que le député de
D'Arcy McGee sait que nous sommes sur un terrain extrêmement
délicat. L'indépendance de la magistrature nous oblige non
seulement à des déférences de forme mais aussi à
des déférences réelles. La magistrature est celle qui,
ultimement, a la responsabilité de la confection des rôles et du
contexte dans lequel ils sont faits.
Deuxièmement, les délibérés des juges,
c'est-à-dire ces périodes qui doivent être utilisées
par ces hommes et ces femmes qui exercent le troisième pouvoir dans
notre société, les périodes de réflexion pour les
fins de rendre jugement, sont encore une chose qui relève d'eux et
d'elles. Je ne nous vois pas nous mettre à "normer" de façon
absolue quatre cours distinctes, d'abord à cause de leur
diversité et ensuite à cause de la dimension de
l'indépendance de la magistrature. Qu'il y ait une situation où,
au moins en apparence, il puisse y avoir certains tribunaux qui ne semblent pas
fonctionner à pleine vapeur comparés à d'autres, c'est
fort possible. Les solutions, malheureusement, n'ont pas la simplicité
de l'exercice qui consisterait à les jeter sur une feuille de papier. On
a affaire à l'indépendance de la magistrature et à ce qui
va avec.
Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Marx:
Oui.
Le Président (M. Gagnon): Le programme 1 est
adopté?
M. Marx: Un instant! Est-ce que les juges ont leurs huissiers
à Montréal? (17 h 15)
M. Johnson (Anjou): Oui. Il n'y en a pas un par juge, mais...
M. Marx: Le ministère a voulu les enlever par un acte
administratif et la Cour d'appel a dit que c'était illégal. Vous
avez voulu modifier cela dans un projet de loi omnibus et cela n'a pas
marché. Donc, ils ont encore leurs huissiers. C'est cela à peu
près?
M. Johnson (Anjou): C'est réglé, ce
problème.
M. Marx: C'est réglé. Je voulais juste savoir
comment cela avait été réglé.
M. Johnson (Anjou): Des dispositions ont été
adoptées.
M. Marx: Oui, mais c'est cela. Si on va donner la gestion du
personnel aux juges, ils vont mettre les gens où sont les besoins. Ce ne
sera pas nécessaire pour le juge de se lever et de dire à tout le
monde de quitter, de faire en sorte que les gens quittent la salle, d'aller
dans le corridor chercher les gens: il va y avoir quelqu'un pour aller chercher
les gens. Je pense que c'est souhaitable.
Est-ce qu'il y a des problèmes encore dans les corridors en ce
qui concerne les procès à huis clos? Le gouvernement a
décidé qu'en matière familiale il va y avoir des
procès à huis clos. Nous avons dit au ministre Bédard,
à l'époque: II va se trouver beaucoup de monde dans les corridors
au palais de justice de Montréal. Ce n'est pas un palais qu'il a
fréquenté beaucoup lors de sa pratique. Est-ce qu'il y a un
problème dans les corridors? On a réglé un
élément de ce problème en permettant aux avocats, je
pense, d'assister aux procès.
M. Johnson (Anjou): C'est cela, et aux stagiaires.
M. Marx: Donc, ce n'est pas nécessaire de faire venir les
avocats, mais il faut faire venir le reste des gens. Est-ce que c'est encore un
problème que les gens soient dans les corridors? Il n'y a pas de
place...
M. Johnson (Anjou): Non, je dois vous dire que, depuis l'adoption
de la loi du mois de juin l'an dernier, je n'ai pas eu un seul écho de
cette difficulté qui, pourtant, était bourdonnante jusqu'à
l'adoption de la loi. Alors, ni le juge en chef, ni des juges individuellement,
ni des avocats en droit familial n'ont évoqué avec moi ces
problèmes, ni des citoyens, d'ailleurs. Je présume que le
problème est largement réglé.
M. Marx: Le problème, avant, c'était quoi
d'après vous?
M. Johnson (Anjou): Le problème de base, c'était ce
dont à la fois les avocats et les juges se plaignaient. Pour les avocats
eux-mêmes comme pour leurs clients, c'était le fait que,
étant donné qu'il y avait le huis clos, étant donné
qu'on ne peut pas anticiper exactement la durée d'une partie d'audition,
il pouvait y avoir des gens qui s'alignaient à la porte. Ils croyaient
qu'ils devaient passer, je ne sais pas, à 11 h 30; il était rendu
12 h 15 et ils partaient, ils allaient à la cafétéria plus
loin. Là, le juge ou l'avocat en question sortait cinq minutes
après et il fallait aller courir les gens dans la place, etc. Alors, en
permettant l'accès à des stagiaires et des membres du barreau,
ces questions de savoir si oui ou non c'est dans cinq minutes, dix minutes ou
dans deux heures, cela permettait aux gens de savoir où on en
était dans les procédures. Je pense que cela a simplifié
la vie de tout le monde.
M. Marx: Je pense qu'il y a eu certaines améliorations,
mais le problème n'est pas disparu complètement.
M. Johnson (Anjou): Si le député a un cas concret
à me soumettre, cela me fera plaisir d'y porter beaucoup
d'attention.
M. Marx: Je suis prêt. J'invite le ministre à
visiter le palais avec moi, et on va voir...
M. Johnson (Anjou): Je vais régulièrement au palais
de justice de Montréal. J'y suis tous les lundis et souvent les
vendredis - le samedi, c'est vous qui y allez - j'y vais le lundi et le
vendredi, enfin au minimum le lundi presque toutes les semaines, et il m'arrive
souvent d'arrêter sur les étages. Je ne fais pas cela comme M.
Chrétien à la Cour suprême, mais il m'arrive de regarder
à travers la fenêtre ou les portes pour voir comment vont les
choses, de me promener dans les couloirs, d'entendre les doléances des
avocats, des citoyens à l'occasion aussi. On essaie de voir ce qui se
passe sur le terrain. On est habitué à faire cela comme cela,
nous autres, c'est pour cela qu'on peut donner des exemples.
M. Marx: C'est rassurant que le ministre aille là deux
fois par semaine.
Le Président (M. Gagnon): Étant rassurés,
est-ce que le programme 1 est adopté?
M. Marx: Oui, s'il n'y a pas d'autre question.
Le Président (M. Gagnon): Programme 1, les
éléments 1 et 2 sont adoptés.
M. Johnson (Anjou): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Programme 2?
M. Marx: Les deux éléments en même temps.
Le Président (M. Gagnon): Voilà!
M. Johnson (Anjou): Si vous permettez: à toutes fins
utiles, M. le Président, l'échange que nous venons d'avoir porte
sur les deux programmes. Enfin, s'il y a des questions additionnelles sur le
programme 2...
Traduction des jugements et formules
judiciaires
M. Marx: Oui, j'ai une question additionnelle, une question qui
me vient à l'esprit. Quelle est la politique du ministère - je
sais que c'est une politique assez large - en ce qui concerne la traduction des
jugements? Il arrive que quelqu'un reçoive un jugement en
français et que c'est un unilingue anglophone, et, à l'inverse
qu'un unilingue francophone reçoive un jugement en anglais. Est-ce qu'il
y a une politique d'arrêtée au ministère sur la
traduction?
M. Johnson (Anjou): Est-ce que c'est la traduction au sens, je
dirais, de permettre au citoyen qui serait de langue anglaise et qui obtient un
jugement de langue française d'en avoir un en anglais? Ou même
parlez-vous des gens qui ne possèdent ni l'anglais ni le
français? Vous parlez en termes d'accessibilité au contenu du
jugement ou...
M. Marx: C'est cela. La personne reçoit un jugement...
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Marx: ...et elle ne peut pas le lire.
M. Johnson (Anjou): Je dois vous dire que, à ma
connaissance, il n'y a pas de politique globale sur ces questions. Surdemande, il nous arrive au ministère de faire procéder
à la traduction.
M. Marx: Sur demande, oui?
M. Johnson (Anjou): Si la demande est faite, cela vient au bureau
du sous-ministre associé. Maintenant, qu'on se comprenne bien, cela ne
doit pas arriver 25 fois par jour. C'est très rare. Évidemment,
si l'on dit que, pour avoir un jugement en souahéli ou dans quelque
autre langue que ce soit, qui n'est ni l'anglais ni le français, il faut
absolument s'adresser au sous-ministre associé de la Justice, je
comprends qu'il n'y ait pas beaucoup de monde qui fasse des demandes. Mais non,
nous n'avons pas de programme systématique de traduction des
jugements.
M. Marx: Disons que...
M. Johnson (Anjou): Ce serait sûrement une bonne
idée, si on découvrait du pétrole sur la rue
Saint-Jacques!
M. Marx: À la Cour des petites créances, par
exemple, quand quelqu'un se présente, qu'il parle l'une des deux langues
officielles du Canada mais qu'il ne comprend pas l'autre, qu'est-ce qui arrive?
Est-ce qu'on a un service de traduction? Est-ce que c'est le juge qui traduit?
Est-ce que...
M. Johnson (Anjou): Si on parle du français et de
l'anglais...
M. Marx: ...le ministère a une politique?
M. Johnson (Anjou): ...à la Cour des petites
créances, on a, d'une part, les juges qui...
M. Marx: Les juges, oui.
M. Johnson (Anjou): ...la plupart du temps adaptent; et, dans
certains cas, nous avons un certain nombre de greffiers qui sont là et
qui ont une bonne maîtrise des deux langues.
M. Marx: Est-ce que le ministre a envoyé son sous-ministre
- ou peut-être que le sous-ministre y est allé de son propre chef
- à une conférence sur le droit criminel? Je pense qu'une
année il y a été question de la "bilinguisation" des
formules de droit criminel.
Je vais vous expliquer, M. le ministre. C'est que j'ai eu des plaintes
de gens - je vais attendre que le ministre termine sa consultation avec ses
fonctionnaires...
Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le
député.
M. Marx: Je veux vous expliquer le cas. J'ai eu des plaintes
d'anglophones et de francophones. Comment dirais-je? Les formules
prévues par le Code criminel sont unilingues. Par exemple, à
Montréal, maintenant les formules sont seulement en français;
donc l'unilingue anglophone qui reçoit une sommation peut bien y lire
son nom et son adresse, mais pour le reste il ne comprend pas pourquoi il a
reçu une sommation. Donc, j'ai eu la bonne idée d'écrire
au ministre de la Justice fédéral, qui a la responsabilité
du Code criminel, et je lui ai suggéré que la langue fait partie
de la procédure criminelle en ce qui concerne le
Code criminel. Je lui ai proposé que cela soit obligatoire, en
vertu du Code criminel, d'imprimer ces formules au Canada dans les deux langues
officielles: sommations, "summons", et ainsi de suite; que tout ce qu'il faut
imprimer soit imprimé sous forme bilingue. Quelqu'un m'a dit que cette
question avait été soulevée lors d'une conférence
à Calgary ou dans un autre-Une voix: Edmonton.
M. Marx: ...Edmonton. Il y avait eu une proposition du
gouvernement fédéral d'adopter une telle politique et d'apporter
l'amendement nécessaire au Code criminel, le cas échéant.
J'aimerais savoir quelle était la position du gouvernement du
Québec dans ce dossier.
M. Johnson (Anjou): D'abord, il y a la position du gouvernement
et, deuxièmement, ce qui s'est passé à Edmonton. La
position du gouvernement est que le Québec, pour des raisons sur
lesquelles j'ai eu l'occasion d'élaborer ici ce matin, comme à
bien d'autres places depuis quatorze ans, constitue un endroit majoritairement
francophone et où les effets de la "bilinguisation" systématique
sont des effets de dilution sur la société
québécoise.
Par ailleurs, il faut reconnaître qu'il faut rendre accessible un
certain nombre de services aux citoyens, très concrètement. Cette
"bilinguisation", en séquence ou simultanée, ne pourrait avoir
lieu que dans la mesure où un certain nombre de choses pouvaient
être réaffirmées; ce qui est le cas, je pense, depuis
l'adoption de la loi 101 ou, enfin, ce qui reste du fromage gruyère dont
on parle.
Nous avons des formules unilingues françaises, mais nous avons
également disponibles des formules unilingues anglaises. Je comprends
que, dans le cas de la sommation simplement par le nom et le prénom,
parfois on ne peut pas déduire si la personne est francophone ou
anglophone. Je comprends que, surtout dans la région de Montréal,
le type de situation que décrit le député peut se
présenter. Mais je vois où il veut en venir. Si je comprends
bien, si j'ai bien compris, il dit que lui a décidé
d'écrire au ministre de la Justice fédéral à
l'époque pour lui dire: Écoutez, comme la langue de la
procédure criminelle est de juridiction fédérale parce que
la procédure criminelle est de juridiction fédérale, dans
le fond pourquoi n'aurait-on pas des formules bilingues à Amqui?
M. Marx: Dans tout le Canada, même à Kamloops.
M. Johnson (Anjou): Oui, oui, c'est cela, et à
Saint-Pâcome, et puis bon...
M. Marx: Cela ne fait pas de mal.
M. Johnson (Anjou): Dans le fond, ce que nous dit le
député - et cela correspond exactement à ce sur quoi lui
et moi on ne s'entend pas, une couple de choses fondamentales - c'est qu'il
considère qu'un Québec bilingue, c'est comme un Yukon bilingue.
Je pense que ce matin j'ai eu l'occasion d'exprimer ma conviction...
M. Marx: Le ministre est un peu simple avec ma façon de
voir les choses.
M. Johnson (Anjou): ...et ma profonde conviction, M. le
Président, que le Yukon bilingue et le Québec bilingue sont deux
choses très différentes. Car cela s'adonne que les gens qui sont
d'expression anglaise retrouvent sur ce continent toutes les influences dont
ils ont besoin pour maintenir et développer leur culture et leurs
caractéristiques linguistiques, alors que le Québec, lui, a
besoin sur son territoire de se donner un certain nombre d'instruments qui
peuvent apparaître coercitifs et contraignants pour certains.
M. Marx: Oui, mais de toute façon le ministre doit
être au courant qu'une telle publication bilingue serait légale en
vertu de la loi 101, car la loi 101 prévoit qu'on peut publier des
dépliants en français et dans une autre langue, ou l'un en
anglais et l'autre en français, ainsi de suite. Je ne veux pas faire le
débat sur la question linguistique aujourd'hui, et je pense que le
ministre a mal résumé ma façon de voir les choses.
M. Johnson (Anjou): Ceci dit, la position du sous-ministre
associé aux affaires criminelles du ministère à Edmonton -
je crois que c'était au mois d'août l'an dernier - était
une position d'abstention devant... Mais, je suis sûr que, si on avait su
que tout cela venait du député de D'Arcy McGee, on y aurait
pensé deux fois avant de nous abstenir. (17 h 30)
M. Marx: J'espère! J'espèrel Mais j'ai voulu
satisfaire ma curiosité et être sûr que ce n'est pas le
Québec qui a bloqué mon idée.
M. Johnson (Anjou): Non, absolument pas!
M. Marx: Il y en avait d'autres. Il y a des Sterling Lyons
partout au Canada pour faire cela.
M. Johnson (Anjou): Je pense d'ailleurs qu'il y a un comté
pour des partielles dans les Territoires du Nord-Ouest bientôt. Je suis
sûr que cela pourrait intéresser le député.
M. Marx: II ne faut pas être méchant! M. Johnson
(Anjou): Fédérales!
M. Marx: II ne faut pas être méchant, M. le
Président. J'ai proposé cela de bonne foi, et cela ne ferait pas
un Québec bilingue. Quand je reçois mes formules d'impôt,
c'est toujours en anglais ou bilingue, là! On peut être certain de
cela! J'ai seulement voulu que les gens qui parlent l'une des deux langues
officielles du Canada reçoivent des documents bilingues, comme c'est le
cas en vertu d'une loi fédérale. Au Québec, on voit "Parcs
Canada Parks". C'est un peu la même chose.
Le ministre s'est donc abstenu et il n'y a pas de résultat. Mais
est-ce que le ministre serait pour ou contre une telle politique? Supposons que
cela soit adopté et qu'on permette que cela soit obligatoire dans tout
le Canada, ou, si on permet aux procureurs généraux des provinces
d'adopter une telle politique, quelle sera la politique du ministre en ce qui
concerne la Communauté urbaine de Montréal? Qu'on le veuille ou
non, il y a beaucoup d'anglophones unilingues dans la Communauté urbaine
de Montréal, comme il y a des francophones unilingues dans le
Nouveau-Brunswick. Je pense qu'il faut que ces gens aient un service
adéquat, surtout en matière criminelle. Je ne demande pas que
tout le monde soit bilingue. Je pense qu'à Montréal les formules
du service de police de la Communauté urbaine de Montréal
étaient bilingues et, du jour au lendemain, ils ont changé pour
une formule unilingue. Je ne sais pas si cela raffermit la position de la
langue française à Montréal, mais cela cause beaucoup de
difficultés aux anglophones qui reçoivent des sommations.
M. Johnson (Anjou): Cela a permis, avec d'autres choses, dans
tous les domaines d'intervention en matière de législation
linguistique, d'affirmer le caractère majoritairement français du
Québec - c'était une chose qui lui manquait - et cela a permis,
d'ailleurs, faut-il le retenir, et je pense que le député s'en
souviendra, cela a permis, dis-je, au Québec, à compter de 1977,
de vivre la paix linguistique qu'il n'avait pas connue dans les quinze
années précédentes.
M. Marx: Est-ce que le ministre convient que le droit criminel
n'est pas la même chose que l'affichage commercial en Abitibi? Le droit
criminel, une sommation ce n'est pas la même chose que de recevoir une
facture d'Hydro-Québec.
M. Johnson (Anjou): Je ne disconviens pas que ce n'est pas la
même chose.
M. Marx: C'est la même chose!
M. Johnson (Anjou): Je ne disconviens pas du fait que ce n'est
pas la même chose. Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas la
même chose. Deux négations, une affirmation. Vous comprenez
pourquoi j'ai de la difficulté à dire pourquoi je suis d'accord
avec vous. La formule ne me vient pas spontanément!
M. Marx: Je retiens de cette discussion que je devrais continuer
de mettre de la pression sur le ministre fédéral de la Justice,
parce que j'ai l'appui du ministre fédéral de la Justice, du
Secrétaire d'État fédéral, du Commissaire aux
langues officielles, ainsi de suite. J'ai voulu m'assurer que j'ai
contacté les bonnes personnes et que cela ne m'aiderait pas de faire
pression sur le ministère de la Justice du Québec.
Peut-être que, si je parle au ministre de la Justice du
Nouveau-Brunswick, j'entendrai un autre son de cloche.
Le Président (M. Gagnon): Je vous ferai remarquer
qu'à ce moment-là cela sortirait du programme qu'on étudie
aujourd'hui. Est-ce que le programme 2, avec ses 3 éléments, est
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Programme 3.
M. Marx: Non, le programme 2.1. On a juste vu le programme 1.
M. Johnson (Anjou): Vous voulez faire le programme 2.2? On va
faire le programme 2.2. Il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Gagnon): Je croyais qu'on discutait des
trois éléments du programme 2 en même temps. Non?
M. Marx: Non, non, on a discuté des trois
éléments du programme 1.
Le Président (M. Gagnon): Attendez un peu. Il y avait
seulement deux éléments au programme 1.
M. Marx: Oui, oui, c'est cela.
Le Président (M. Gagnon): Tout à l'heure, on a dit
que la discussion qui a eu lieu au programme 1 était, en fait, une
discussion pour le programme 2. Vous avez mentionné que vous aviez une
autre question à poser. Je vous demande si le programme 2 dans son
entier, éléments 1, 2 et 3, est adopté.
M. Marx: Non.
Le Président (M. Gagnon): Non. D'accord.
M. Johnson (Anjou): Le Tribunal de l'expropriation?
M. Marx: Tribunal de l'expropriation. Quel est le tribunal qui
s'occupe des révisions des...
M. Johnson (Anjou): En matière foncière?
M. Marx: Oui, en matière foncière. Est-ce que c'est
dans ce programme ou si ce n'est pas sous votre juridiction?
M. Johnson (Anjou): Cela relève du ministère des
Affaires municipales.
M. Marx: Le ministère des Affaires municipales.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Marx: Là, cela fonctionne mal. Malheureusement...
M. Johnson (Anjou): Dans un autre programme dans un autre
ministère.
M. Marx: Oui, oui. Là, cela fonctionne mal, ils sont
quinze ans en retard. Ils ne respectent même pas la loi. Je n'ai pas
d'autres questions.
M. Johnson (Anjou): Pour le programme 2? Merci.
Le Président (M. Gagnon): Le programme 2, les trois
éléments du programme 2?
M. Marx: Oui.
Enquêtes sur les décès et les
incendies
Le Président (M. Gagnon): Programme 3, Enquêtes sur
les décès et les incendies. Est-ce qu'il est adopté?
M. Marx: Pas tout de suite.
Le Président (M. Gagnon): Ah bon!
M. Marx: La Loi sur les coroners, ce n'est pas dans ce programme,
si je comprends bien?
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est dans ce programme.
M. Marx: C'est dans ce programme? M. Johnson (Anjou):
Oui.
Loi sur les coroners
M. Marx: Est-ce que le ministre est au courant qu'il y a un
fonctionnaire dans son ministère qui a travaillé dix ans sur la
Loi sur les coroners et qui était très heureux quand, enfin, nous
avons adopté la loi en 1983? Est-ce que le ministre est au courant que
son prédécesseur se vantait de cette nouvelle Loi sur les
coroners que nous avons adoptée? Il a dit combien elle était
importante, combien elle représentait un besoin. À
l'époque - le sous-ministre était là, je pense - nous
avons dit au ministre qu'il aurait des problèmes sur le plan
administratif avec sa nouvelle loi. Il n'a pas voulu écouter
l'Opposition, il n'a pas voulu écouter certains députés
qui ont beaucoup d'expérience sur le plan pratique dans ce domaine. La
loi a été adoptée telle quelle. Je pense que
c'était une loi qui avait du bon sens, mais le problème, c'est
que la loi n'est pas en vigueur. Est-ce que le ministre peut nous faire une
autre promesse aujourd'hui en ce qui concerne la mise en vigueur de cette
loi?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, la loi, comme on le
sait, sanctionnée le 21 décembre 1983, va bien au-delà des
modifications ponctuelles. Elle crée, à toutes fins utiles, une
nouvelle institution, notamment quant au rôle, à la juridiction,
à l'encadrement, aux objectifs, au statut et à la
sélection des coroners. Un tel changement exigeait que, pour sa mise en
place, on prenne le soin de bien planifier les choses. A l'automne 1984, par le
décret 2578-84 du 21 novembre 1984, un certain nombre d'articles ont
été mis en vigueur: de 5 à 33, de 163 à 169, 183, 4
et 9. La proclamation a donc permis au gouvernement, d'une part, de nommer un
coroner chef et des coroners en chef adjoints; d'autre part, de concevoir,
d'adopter les règlements pertinents. Le -26 novembre dernier, le coroner
chef était nommé par le gouvernement et 29 différents
mandats étaient confiés à celui-ci: le plan
d'organisation, le budget, le règlement de sélection, le code de
déontologie, les tarifs pour les coroners, ainsi que les morgues, le
plan de communication, les formules requises pour l'ensemble de l'application
de la loi, etc.
Depuis le mois de janvier, un certain nombre d'orientations ont pu
être privilégiées par le coroner en chef, qui est Me
Sansfaçon, et le coroner en chef adjoint, le Dr Grenier, qui a
été nommé le 21 février. Le plan d'organisation
accompagné d'un programme budgétaire sera donc incessamment
disponible. J'ai eu l'occasion de revoir ces questions avec les
autorités du ministère, le coroner en chef et le coroner en chef
adjoint récemment. Il sera possible... Pardon?
M. Marx: Un coroner adjoint en chef, un coroner en chef adjoint,
dirais-je...
M. Johnson (Anjou): Oui. M. Marx: ...ou deux?
M. Johnson (Anjou): II y en a un de nommé.
M. Marx: Mais la loi en prévoit deux. M. Johnson
(Anjou): C'est ça.
M. Marx: Est-ce que le ministre... Le coroner en chef, c'est
Me...
M. Johnson (Anjou): Me Sansfaçon... M. Marx: Me
Sansfaçon.
M. Johnson (Anjou): ...qui est ici avec nous, d'ailleurs. Et le
coroner en chef adjoint, le Dr Jean Grenier, qui est également
là. Me Sansfaçon est ici dans la première rangée et
le Dr Grenier est un peu à l'arrière.
M. Marx: Je pose la question. J'espère que cela ne sera
pas embarrassant. Est-ce que le Dr Grenier a une formation juridique aussi?
M. Johnson (Anjou): Non. Le Dr Grenier, cependant, non seulement
a oeuvré comme praticien, mais il a oeuvré dans le réseau
des affaires sociales un certain temps et par la suite il a assumé des
fonctions de direction à la Régie de l'assurance automobile du
Québec.
M. Marx: Pour être coroner au Québec...
M. Johnson (Anjou): II est donc à la fois médecin
et administrateur-gestionnaire, ce qui fait de lui un homme qui a les
qualités nécessaires pour assumer ces fonctions.
M. Marx: Ce n'est pas là le problème mais en
Ontario je pense qu'il faut être médecin pour être coroner;
c'est un autre système. Ici, je pense que dans notre loi, pour
être coroner, il faut avoir une formation juridique. Est-ce que j'ai
raison de dire cela? C'est quoi dans la loi?
M. Johnson (Anjou): Pour les enquêtes publiques, cela prend
un avocat, mais le coroner en chef adjoint n'est pas nécessairement
juriste.
M. Marx: Cela prend une formation juridique, pas être
avocat. Donc, le coroner en chef adjoint peut être coroner en chef
adjoint, mais il ne peut pas...
M. Johnson (Anjou): Tenir les enquêtes publiques.
M. Marx: Tenir une enquête publique. D'accord. Parfait,
ça, oui.
M. Johnson (Anjou): Cette étape achevée, il sera
logique pour le gouvernement, en accord avec le bureau des coroners, de
proclamer l'ensemble des articles de la loi, ce qui devrait se faire dans un
avenir, espérons-le, rapproché.
M. Marx: C'est quoi, rapproché?
M. Johnson (Anjou): Cela dépend d'abord d'un certain
nombre d'amendements que nous voudrons apporter par le bill omnibus à la
loi, à la vérification, compte tenu d'un certain nombre de
contraintes, y compris les contraintes budgétaires dont nous devons
tenir compte, ce qui m'apparaît normal. Il nous apparaît que la
lourdeur de certains des aspects qu'on retrouve dans la Loi sur les coroners
mérite d'être allégée, soulagée...
M. Marx: Amender la loi avant qu'elle n'entre en vigueur.
M. Johnson (Anjou): Bien oui, et c'est quoi le
problème?
M. Marx: Non.
M. Johnson (Anjou): Ce qu'on veut, c'est qu'elle soit efficace.
D'ailleurs, je pense que le député de D'Arcy McGee va se souvenir
que, dans un aéroport, enfin, à l'aéroport de
Montréal, à Dorval, on a eu l'occasion d'échanger
là-dessus et j'avais cru comprendre qu'il ne voyait pas là de
problème.
M. Marx: C'était une conversation officieuse, pas
officielle.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais pas sous le secret
professionnel.
M. Marx: Je n'ai pas compris, lors de cette discussion, qu'on va
revenir sur la Loi sur les coroners qui n'est pas encore en vigueur. On va
déjà faire des modifications. Si cela va aider le ministre...
M. Johnson (Anjou): Je pense que cela va permettre...
M. Marx: La collaboration... (17 h 45)
M. Johnson (Anjou): Les amendements qu'on veut proposer sont
vraiment des amendements pour essayer de soulager une
quantité absolument phénoménale que cela
représente sur le plan des volumes, entre autres. L'objectif de la loi
était sûrement de créer une institution nouvelle, de
répondre en ce sens à beaucoup de préoccupations des
tribunaux, y compris les préoccupations du député de
D'Arcy McGee, qui, si je me souviens bien, avait voté pour la loi. Nous
constatons, à l'analyse de la programmation, qu'il y a un certain nombre
de problèmes qui peuvent être énormes sur le traitement des
volumes.
M. Marx: Les volumes des enquêtes ou quoi? Les volumes
des...
M. Johnson (Anjou): Non, pas des enquêtes.
M. Marx: ...investigations, comme on les appelle dans la loi.
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire ces situations où
serait requise une intervention du coroner, alors que dans bien des cas il
s'agirait simplement... Parlons franchement: le coroner, en pratique, dans
certains cas de décès, est appelé à faire de
l'estampillage, francisation du "rubber stamping"; je ne sais pas si c'est bon.
Alors, est-ce qu'on veut continuer à faire du "rubber stamping" ou non?
Est-ce qu'on veut vraiment - 11 000 cas d'incinération par année
- faire une enquête du coroner chaque fois qu'il y a un cas
d'incinération?
M. Marx: Elles sont souvent signées en blanc.
M. Johnson (Anjou): Bon! On se comprend. Je pense qu'il ne faut
pas se conter de blagues et voir que nous pouvons centrer l'institution du
coroner sur ce pourquoi elle a été créée, ce qui
veut dire que nous proposons un certain nombre d'amendements à la loi
avant son entrée en vigueur, ce qui permettra de ne pas être
obligé de l'amender subséquemment.
M. Marx: Donc, si je comprends bien, dans le projet de loi
omnibus de cette session, il va y avoir des modifications à la Loi sur
les coroners qui a été adoptée en 1983...
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Marx: ...parce qu'à l'époque on n'a pas tenu
compte de toutes les observations de l'Opposition. On se rend compte maintenant
que la loi...
M. Johnson (Anjou): Vous verrez. Peut-être que dans
certains cas c'est parce qu'on retient des suggestions qu'on n'aurait pas
retenues à l'époque et peut-être que dans d'autres ce sont
des choses que vous n'aviez pas vues vous non plus.
M. Marx: C'est-à-dire que la loi telle qu'elle a
été adoptée, ce serait vraiment impossible de l'appliquer
parce que cela coûterait trop cher pour ce qu'on va...
M. Johnson (Anjou): II y a des phénomènes de
délais aussi qui vont jouer.
M. Marx: Oui, mais quand le ministre pense-t-il vraiment que la
loi sera mise en vigueur? Est-ce qu'il peut nous donner une date? Il y a des
gens qui demandent cela. Je ne veux pas vraiment continuer de poser ces
questions, mais le ministre se souvient d'un éditorial récent
dans la Gazette dont le titre était "Johnson's Travesty".
M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas si on va faire un
éditorial sur vos chiffres de ce matin, par exemple. Je pense qu'on n'en
fera pas.
M. Marx: Cela ne fait pas des nouvelles. De toute façon,
on a assez traité de mon document, on va passer au vôtre.
M. Johnson (Anjou): L'omnibus va être déposé
au mois de mai, adopté avant le 21 juin, normalement. On s'était
fixé normalement le 1er juillet ou autour de cela, compte tenu des
amendements, et, en fouillant, on en a trouvé un certain nombre. Ce
n'est pas considérable. On parle d'une demi-douzaine d'amendements ou
quelque chose de cette nature. Ce n'est pas énorme. Ce sont trois ou
quatre amendements, mais c'est énorme sur le plan de ce qu'on peut aller
chercher comme plan d'organisation administrative supérieure, ce qu'on
appelle le POAS au Trésor. La raison pour laquelle je ne veux pas donner
une date qui soit le 15 août ou le 1er septembre au député,
c'est que, tant que je ne serai pas sûr qu'on peut livrer la marchandise,
je ne donnerai pas de date.
M. Marx: D'accord.
M. Johnson (Anjou): Et comme je ne suis pas passé au
Trésor encore...
M. Marx: Je comprends et je conviens que le ministre va essayer
de faire le mieux possible.
M. Johnson (Anjou): Je pense bien que le terme "automne" devrait
permettre aux tribunaux d'opérer, sachant que la nouvelle loi des
coroners s'applique sur le territoire. Cela aura pris deux ans.
M. Marx: Oui, cela aura pris deux ans, mais je trouve qu'il y a
certaines choses qui
se passent aux enquêtes des coroners qui sont vraiment injustes.
Je pense que c'est injuste de permettre aux caméras de filmer, de voir
l'enquête du coroner à 18 heures à la
télévision. Il y a des journaux qui se spécialisent dans
ce domaine. Je pense que souvent le témoin important est condamné
avant de subir son procès en droit criminel. J'aimerais demander au
ministre s'il est possible, par exemple, dans le projet de loi omnibus de faire
en sorte que ces articles qui protègent les témoins devant le
coroner soient mis en vigueur ou s'il y a une autre façon. Le ministre
peut-il par une...
M. Johnson (Anjou): Proclamation? Promulgation?
M. Marx: Est-ce qu'il peut promulguer? Je ne sais pas comment on
fait pour avoir les deux lois ensemble en vigueur. Le ministre peut-il
arrêter ces abus par une directive administrative, par exemple? Y a-t-il
une façon de vraiment mettre fin à ces abus? Je suis sûr et
certain que le ministre est d'accord qu'il faut faire quelque chose dans ce
domaine. Supposons qu'on a des élections, qu'on a un autre gouvernement
et que cela prend encore du temps. Il peut y avoir des délais qui ne
dépendent ni de vous, ni de moi, ni d'autres personnes; ces
délais sont dans le système. Il y a des élections, on
nomme un autre ministre, un autre sous-ministre, le cas échéant,
et ainsi de suite, tout changer.
M. Johnson (Anjou): D'autres dirigeants d'organismes.
M. Marx: Non!
M. Johnson (Anjou): C'est la révolution.
M. Marx: Non, non, pas de révolution!
M. Johnson (Anjou): Vous envoyez une onde de choc dans la
fonction publique.
M. Marx: Non, mais le ministre sait que le sous-ministre en titre
a été nommé par le gouvernement précédent.
Donc, on ne fait pas de partisanerie dans la fonction publique.
M. Johnson (Anjou): On a remarqué cela dans le cas de la
Sûreté du Québec.
M. Marx: Je pense que le ministre devrait faire un...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, oui, techniquement,
il serait possible de promulguer, sauf que nous avons prévu des sessions
de formation pour l'ensemble des coroners, ceux qui font des enquêtes,
etc., durant l'été. Techniquement, oui, on n'est pas
obligé de passer par l'omnibus, on pourrait simplement le faire par
promulgation de l'article, par décret.
M. Marx: Par promulgation, les deux lois sont en vigueur en
même temps. Certains articles de...
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Marx: Si on peut le faire, j'aimerais demander formellement au
ministre de promulguer en vigueur ces deux ou trois articles qui, vraiment,
protègent le témoin important et les autres personnes dans le
sens qu'on ne peut pas filmer à l'intérieur, qu'on ne peut pas
prendre de photos, et ainsi de suite; seulement ces deux ou trois articles. Je
trouve cela...
M. Johnson (Anjou): Je prends très bonne note de la
suggestion du député et...
M. Marx: Je trouve cela invraisemblable.
M. Johnson (Anjou): Si nous l'adoptons, je lui promets de le lui
faire savoir avant le dimanche soir, qui est sa journée habituelle de
conférence de presse au canal 12, pour qu'il puisse le revendiquer.
M. Marx: Si le ministre le fait, je vais le féliciter
publiquement. Je vais essayer de le féliciter le plus possible au canal
12 aussi et même à l'émission Le Point, si c'est possible.
Je pense que le ministre rendra un grand service à la protection des
libertés publiques parce que...
M. Johnson (Anjou): Je dois vous dire que...
M. Marx: ...je trouve que cela n'a pas de bon sens.
M. Johnson (Anjou): Oui, sauf que c'est plus compliqué
qu'on le pense. J'ai reçu récemment de correspondants des
médias de presse un télégramme au sujet de ces questions
et eux aussi voient cela comme une agression au droit du public à
être informé. Maintenant, vous connaissez mon attitude sur ces
questions - on a eu déjà l'occasion d'échanger
publiquement ou autrement là-dessus - je favorise effectivement
l'optique contenue dans la Loi sur les coroners.
M. Marx: Cela veut dire le...
M. Johnson (Anjou): Je pense que cela sert mieux la
présomption d'innocence...
M. Marx: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): ...et le meilleur contexte possible pour le
citoyen d'avoir un procès qui soit vraiment juste et
équitable.
M. Marx: Oui, c'est cela. Mais la population sera informée
parce que des journalistes vont écrire des articles dans les journaux,
le cas échéant. On va regarder cela.
Le Président (M. Gagnon): ...adopter le programme 3,
non?
M. Marx: Non. On veut avoir plus d'information sur cela.
L'administration de la nouvelle loi va-t-elle coûter beaucoup plus que
l'ancienne Loi sur les coroners?
M. Johnson (Anjou): C'est l'un de nos problèmes,
d'ailleurs.
M. Marx: Combien?
M. Johnson (Anjou): On parle de quelque chose de l'ordre de ...
Si je regarde ce qu'était le projet initial, prévu en fonction de
la loi, c'était 6 200 000 $.
M. Marx: 6 200 000 ?
M. Johnson (Anjou): Oui, 6 200 000 $ de plus... Pardon, 6 200 000
$ budgétaires, ce qui représentait une augmentation d'environ 3
fois. C'était presque tripler le budget. Ce que nous essayons de faire
en ce moment, c'est, par divers moyens, tout en respectant l'esprit de la
réforme et ses objectifs fondamentaux, d'arriver à quelque chose
qui soit plus près de l'ordre de 4 500 000 $...
M. Marx: 4 500 000 $?
M. Johnson (Anjou): ...pour administrer la loi, ce qui
représenterait une augmentation deux fois moins grande que celle qui
était initialement prévue.
M. Marx: Mais c'était...
M. Johnson (Anjou): C'est beaucoup d'argent.
M. Marx: Je trouve que c'est beaucoup d'argent;
honnêtement, je trouve que c'est beaucoup d'argent. Combien cela
coOte-t-il pour administrer la loi actuelle?
M. Johnson (Anjou): C'est 2 200 000 $ et on passerait à
quelque chose comme 4 600 000 $, mais les projections initiales étaient
plutôt de l'ordre de 6 000 000 $. Il faut bien voir cependant qu'en vertu
des dispositions de la nouvelle loi on parle d'un traitement de dossier qui est
triplé; au-delà d'être triplé, il est presque
quadruplé. C'est 3,7? Si on prend le projet de loi original, avant
l'omnibus, c'est 3,7 fois plus de cas qui seraient traités.
On voit non seulement le problème budgétaire que cela
pose, mais également le problème du traitement en volume et en
termes d'efficacité et de rendement. Je pense que le
député, maintenant, comprendra pourquoi des considérations
si terre à terre nous ont amenés à réfléchir
beaucoup, à brasser un certain nombre d'hypothèses, à nous
rendre très impopulaires, y compris dans les pages éditoriales de
la Gazette.
M. Marx: Et celles du Devoir.
M. Johnson (Anjou): Ce qui ne nous empêche pas de dormir,
cependant.
M. Marx: Je ne veux pas que le ministre ne dorme pas, mais de
temps en temps je me demande s'il ne dort pas trop. Je me souviens de
l'époque où on a adopté cette loi; nous avions dit au
ministre Bédard que la lourdeur administrative de cette loi était
invraisemblable.
Donc, si je résume, l'administration de la loi actuelle
coûte 2 200 000 $ et cela coûterait 4 600 000 $...
M. Johnson (Anjou): À peu près deux fois plus.
M. Marx: ...deux fois plus, alors que cela aurait
coûté, sans amendement, 6 200 000 $. Est-ce que le ministre, par
hasard, a le coût de l'administration de cette loi ailleurs, en Ontario
ou en Colombie britannique? Par hasard. Non?
M. Johnson (Anjou): Non.
M. Marx: C'est bon de temps en temps de faire des comparaisons
parce que vous savez que beaucoup d'administrations...
M. Johnson (Anjou): Je suis sûr que, quand on va arriver
avec le POAS au Trésor, on va l'avoir. On n'est pas obligé de
dédoubler les efforts et d'investir dans des services de recherche car,
au Trésor, on fait tout cela. On peut même comparer cela avec le
Nigeria, si vous le voulez.
M. Marx: Pas dans ce domaine. Bon! On est prêt à
faire le nécessaire pour que les coûts soient réduits le
plus possible et qu'on réduise aussi la bureaucratie qui sera
établie en vertu de cette loi. Dans la loi, on prévoit un coroner
en chef, deux coroners en chef adjoints, et ainsi de suite. Des coroners a
temps plein ici et là... (18 heures)
M. Johnson (Anjou): Mais il y a une dimension qu'il me
paraît utile de souligner à ce stade-ci, c'est le caractère
des
recommandations que peut faire le coroner au gouvernement. Je pense
notamment à tout le secteur de la sécurité routière
où le coroner, par les constatations qu'il fera cas par cas, mais
également par des constatations de nature statistique, pour ne pas dire
épidémiologique, nous permettra sans doute une percée
très importante quant à la conscience des problèmes qui
entourent l'application des règlements de sécurité
routière et leurs conséquences, à la fois en termes de
perte de vies, de perte de jouissance de la vie et de coûts que cela
représente pour la société.
M. Marx: Sur ce point, je ne pense pas être d'accord avec
le ministre, parce que les gouvernements ont rarement écouté les
coroners. Les coroners ont fait beaucoup de suggestions, beaucoup de
recommandations et très peu de ces recommandations et suggestions ont
été retenues par les gouvernements, pas nécessairement par
votre gouvernement mais par les gouvernements précédents aussi.
Si je me souviens bien, il y a une recommandation à laquelle on a
donné suite, c'est quand un camion recule, il doit avoir un "beeper".
C'était une recommandation du coroner Déry, je pense, qui date
d'un certain nombre d'années. Les coroners ont fait d'autres
suggestions, d'autres recommandations, mais elles n'ont pas été
retenues par les gouvernements. Je ne blâme pas ce gouvernement ni
vous-même, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): II y a eu beaucoup de signalisation
routière installée à la suite de recommandations des
coroners, quand ils ont constaté un décès à
l'occasion d'un accident de la circulation. Deuxièmement, parmi les
qualités qui ont fait que le Dr Grenier a été choisi comme
coroner en chef adjoint, il y a le fait que le Dr Grenier est l'un des experts
de ces questions au Québec, compte tenu de ses fonctions et de
l'intérêt qu'il porte à toutes ces questions depuis
plusieurs années et qui touchent le domaine de la sécurité
routière. Je pense que la crédibilité et
l'expérience, le savoir-faire et les connaissances qu'il pourrait
apporter à de tels dossiers seront susceptibles de faire évoluer
ce qui constitue un dossier très très lent dans l'ensemble des
gouvernements - je ne dirais pas seulement au Canada - sur le continent.
Les gouvernements en Amérique du Nord ont beaucoup de
difficulté à faire face aux problèmes reliés
à la sécurité routière. Il y a une longue
tradition. Je me suis déjà fait dire par des gens que
c'était vivre dans un État communiste que d'obliger les gens
à porter la ceinture de sécurité. Tu pars de loin! La
sensibilisation de la population, des automobilistes et certains
éléments de prévention élémentaires comme
les aspects contraignants de la législation et de la
réglementation du Code de la sécurité routière me
paraissent être des solutions à moyen terme à ces
problèmes qui non seulement créent des drames dans les familles
et engendrent des coûts moraux, intellectuels, sociaux et psychologiques
considérables, mais également créent des coûts
économiques absolument gigantesques pour la société quand
on pense è tout le domaine de la sécurité routière.
Je crois que l'une des contributions que le ministère de la Justice peut
apporter dans ce dossier, en plus du travail normal exécuté par
les services policiers, c'est celui d'être aussi un endroit où on
s'en préoccupe. Je pense que le bureau du coroner peut être un
endroit particulièrement remarquable pour cela.
M. Marx: D'accord. Donc, je passe maintenant au dossier
"Reculez". Quand le ministère des Transports a installé ses
affiches "Reculez" à l'une des sorties du tunnel de l'autoroute
Ville-Marie, à Montréal, cela a causé beaucoup de
problèmes. On a beaucoup rigolé à l'Assemblée
nationale quand on a posé des questions au ministre des Transports, qui
ne savait même pas qu'il y avait de telles affiches. On a mis "Reculez"
au milieu du tunnel, alors qu'il est trop tard pour reculer! Mais je
suis...
M. Johnson (Anjou): II me semble qu'on avait dit à
quelqu'un d'aller arracher la pancarte, mais j'avoue que je n'y suis pas
allé récemment.
M. Marx: Mais, maintenant, ils ont fait...
M. Johnson (Anjou): C'est compliqué et on ne l'a pas
demandé en huit copies et sur des formulaires, etc. On a dit: Est-ce
qu'il y a quelqu'un qui peut prendre son auto, un tournevis et un marteau et
aller arracher la pancarte?
M. Marx: Je veux dire que c'est bien beau d'avoir un
système où il y a des coroners qui connaissent les dossiers et
qui peuvent faire des recommandations mais, s'il n'y a pas de façon
d'encourager ou de faire en sorte qu'un autre ministère accepte la
recommandation, qu'il y donne suite, on reste avec des recommandations qui font
les manchettes des journaux un jour, "Pulse" le lendemain, Le Point le
troisième soir et c'est fini. II faut qu'on donne suite à ces
recommandations. C'est bon d'avoir des experts, mais tout cela est perdu dans
la paperasse.
Le Président (M. Gagnon): Je pensais que vous alliez me
dire que vous étiez prêt à l'adopter.
M. Marx: Je pense qu'il y a une autre loi qui tombe dans ce
programme aussi, la Loi concernant les enquêtes sur les incendies, c'est
cela?
M. Johnson (Anjou): Le commissaire aux incendies.
M. Marx: Le commissaire aux incendies. Est-ce que cela
reste...
M. Johnson (Anjou): On ne touche pas à cela.
M. Marx: ...intouché, on ne touche pas à cela?
M. Johnson (Anjou): Je ne vois pas de projet touchant à
cela.
M. Marx: L'administration de cette loi coûte combien?
M. Johnson (Anjou): Pas cher. C'est tellement pas cher,
voyez-vous, que M. Delage n'est même pas obligé de venir. On a eu
19 enquêtes par le service du commissaire-enquêteur sur les
incendies dans les localités suivantes: en Beauce, à Chicoutimi,
Frontenac, Hull, deux fois, Joliette, Kamouraska, Montmagny, trois fois - il
s'est passé quelque chose là - Québec, huit fois,
Saguenay, une fois. Le coût... Cela va être de renommée
mémoire, cette question, car je pense que c'est la première fois
en 17 ans qu'il y a une question sur la loi sur le commissaire aux
incendies.
M. Marx: J'ai étudié cette loi un peu parce que
c'est relié à la Loi sur les coroners.
Le Président (M. Gagnon): Le temps qu'on cherche la
réponse, M. le député de D'Arcy McGee, est-ce que je
pourrais vous faire une suggestion?
M. Marx: D'adopter ce programme?
Le Président (M. Gagnon): Non, mais d'aller
peut-être un peu plus rapidement parce que notre temps passe et il y a 17
programmes sur lesquels vous voudrez très certainement interroger le
ministre.
M. Marx: Oui...
Le Président (M. Gagnon): Nous sommes rendus au programme
3 seulement.
M. Marx: M. le Président, c'est la cinquième fois
que je fais les crédits. Je peux vous assurer qu'on n'aura pas des
questions sur les 17 programmes. Il va y avoir un ou deux programmes, ou cinq
ou six qu'on ne touchera pas faute de temps, mais si le ministre veut nous
donner plus de temps, les samedis et les dimanches, on est prêt.
M. Johnson (Anjou): Ah oui? M. Marx: Oui, toujours.
M. Johnson (Anjou): On ne vous en demande pas tant. On vous
demande juste le mardi. Écoutez, essentiellement, il y a deux
commissaires aux incendies, à Montréal et à Québec,
payés par les communautés urbaines ou les municipalités.
Deuxièmement, nous avons M. Delage qui, lui, a un statut, un port
d'attache permanent au gouvernement et qui est payé ad hoc sur chacune
des enquêtes pour lesquelles il est dégagé.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Le programme 3 est
adopté.
M. Marx: Adopté, en souhaitant que le ministre donnera
suite à la suggestion en ce qui concerne la mise en application de
certaines dispositions de la Loi sur les coroners aussitôt que
possible.
Protection des droits et libertés de la
personne
Le Président (M. Gagnon): Le programme 4, Protection des
droits et libertés de la personne.
M. Marx: J'aimerais poser juste une question au ministre pour
commencer. Quels sont les problèmes à la Commission des droits de
la personne, ou s'il n'y a pas de problème?
Commission des droits de la personne
M. Johnson (Anjou): Non, je ne prétendrais pas qu'il n'y a
pas de problème. Le problème avec lequel va continuer de vivre la
commission pour un certain nombre d'années, il faut bien le dire, c'est
celui qui vient du fait que son mandat est extrêmement large, comme
c'était souhaité, d'ailleurs, par le législateur. À
compter de 1986, il y aura la mise en vigueur des dispositions qui
prévoient la prédominance de la charte avec une sensibilisation
de plus en plus grande des citoyens à l'existence de la charte. Comme
elle est très large dans son application et passablement
généreuse quand on la compare à d'autres, cela veut dire
des questions de volume considérable et surtout des interventions dans
une multitude de domaines, avec des ressources qui sont celles d'une commission
et qui sont considérables. Je vous ferai remarquer qu'un des seuls
postes budgétaires à avoir connu des
augmentations substantielles à travers toute la récession,
cela a été la Commission des droits de la personne du
Québec. C'est dire l'importance qu'y accordait, je crois, le
gouvernement.
Ceci dit, on peut refaire toute la société. Je regarde le
rapport Fraser qui sortait ce matin sur la question de la prostitution au
Canada. Déjà, la commission est sollicitée pour avoir des
opinions à émettre sur cela, etc. Je sais comment cela
fonctionne, le ministère de la Justice. Il y a 13 000 d'effectif.
Enlevons les policiers pour les fins de la discussion. Cela fait quand
même beaucoup de monde et, parfois, on ne fournit pas. La Commission des
droits de la personne n'a pas 13 000 d'effectif et elle n'en aura pas. Donc,
par définition, je crois que dans le temps cette adaptation continuelle
à traiter une variété de problèmes et un nombre de
problèmes considérable va entrer dans la culture, l'organisation.
Cependant, le gouvernement veut appuyer cette commission. Il l'a fait par ses
crédits et nous aurons à prendre, d'ici à quelques
semaines, une décision notamment pour affecter encore des ressources
additionnelles à la commission pour qu'elle ouvre des bureaux
régionaux dans quatre régions du Québec.
Par ailleurs, les règlements ou les dispositions qui feraient
suite à la promulgation de certains aspects de la charte concernant
l'accès à l'égalité seront sûrement des
éléments très importants. Si on regarde encore une fois la
charte telle qu'elle est formulée, on voit tout de suite l'ampleur des
difficultés que cela poserait si on n'était pas prêt
à regarder cela dans un contexte un peu plus large où, notamment,
nous verrions la commission, en matière d'accès à
l'égalité pour les treize catégories visées
à l'article 10, approuver a priori des plans de redressement de
discrimination collective, ce qui présupposerait notamment des
connaissances quant au bassin de main-d'oeuvre disponible par région,
etc. Ce sont des choses...
M. Marx: On va entrer...
M. Johnson (Anjou): ...absolument gigantesques.
M. Marx: Oui, mais je veux seulement poser la question suivante,
parce que le ministre a dit au début que la commission a un mandat
très large. Peut-être serait-il souhaitable de revoir le mandat de
la commission? Est-ce que le ministre serait d'accord pour qu'on revoie... La
charte a été adoptée en 1975. Bon! Cela fait dix ans.
Peut-être est-il temps de revoir toute l'administration de la charte,
tout le fonctionnement de la commission, et d'apporter les modifications qui
s'imposent, le cas échéant? Peut-être que tout est parfait.
Peut-être a-t-on le meilleur système et qu'il n'y a rien à
changer, mais peut-être y a-t-il des modifications à faire en ce
qui concerne le mandat et le fonctionnement de la commission, la
procédure devant la commission et ainsi de suite?
Il ne faut pas oublier, M. le Président, que la commission est
souvent la cour de dernière instance pour beaucoup de gens. Je peux vous
donner beaucoup d'exemples. J'ai siégé comme commissaire à
la Commission des droits de la personne du Québec pendant quatre ou cinq
ans. Quand on fait une recommandation pour que quelqu'un paie 500 $ à
une autre personne, pour beaucoup de gens, c'est la fin du procès.
Surtout quand on recommande un dédommagement de 500 $, on force la
personne à contester devant la Cour provinciale. Donc, c'est la fin de
l'affaire parce que cela coûterait plus cher de contester. Dans beaucoup
de contestations, la commission est la cour de dernière instance, veut
ou veut pas. Il y a un problème. Il y a des enquêteurs qui sont
des gens qui font de l'arbitrage. Il y a une confusion dans les tâches.
Je me demande si le temps n'est pas venu de revoir vraiment cela à
fond.
M. Johnson (Anjou): Deux commentaires avant de laisser la parole
au président de la commission. Le premier, c'est que le nouveau
président, qui, par sa modestie, ne pourra pas détailler son
curriculum, est un homme qui a une expérience de gestionnaire, une
longue expérience au ministère de la Justice également, et
je crois que cette dimension sera certainement extrêmement importante
dans ce qui, deuxièmement, est l'année du dixième
anniversaire de la charte et de la commission.
Je crois que l'année 1985 sera marquée à la fois
par la continuation, de toute façon inévitable, du
déploiement d'un certain nombre de ressources sur le territoire revenant
à la commission et par une période de bilans et de perspectives
auxquels il faudra associer les intervenants des milieux juridiques et auxquels
le gouvernement et le légisateur devront prêter attention. Mais je
ne pense pas que ce processus puisse se faire avec une approche de type "task
force" en l'espace de trois semaines, etc. On parle d'un bilan de dix ans
d'activités, d'un contexte très particulier, d'une croissance
extrêmement rapide et dans un domaine de notre vie collective qui est
vital et fondamental sur le plan des institutions que nous nous sommes
données. Je crois qu'on peut se dire que l'année 1985
elle-même sera une année de réflexion sur cela en
même temps qu'une année où le déploiement des
ressources devra continuer sur le territoire.
M. le Président, je laisserai la parole à Me
Lachapelle.
Le Président (M. Gagnon): D'abord, je vais suspendre les
travaux pour deux minutes, parce que j'aimerais qu'on se consulte surl'heure de clôture de nos travaux.
Les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à 18 h 17)
(Reprise à 18 h 20)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Selon l'entente, nous terminerions ce soir à 18 h 30 et demain,
au lieu de terminer à 12 h 30, nous nous rendrions à 13 heures
pour reprendre le temps que nous perdons ce soir. Vous aviez laissé la
parole, M. le ministre, au président... Pourriez-vous l'identifier
pour...?
M. Johnson (Anjou): ...de la Commission des droits de la
personne, M. Lachapelle.
Le Président (M. Gagnon): M.
Lachapelle.
M. Lachapelle (Jacques): Je voudrais tout simplement ajouter
qu'effectivement, après ces dix années de la commission, il est
bon de faire un bilan et, également, de regarder les pouvoirs que la
commission a exercés.
Vous avez mentionné tantôt, M. le député, que
vous aviez été commissaire et que vous aviez peut-être
senti de temps à autre certaines tensions dans les différents
rôles exercés par la commission. Quant à nous - et je le
pressens également au cours des discussions que nous avons autour de la
table - je pense que, jusqu'à maintenant, nous avons tout de même
réussi à fonctionner de façon très adéquate.
Il reste qu'on devra probablement aussi préciser certains rôles et
les règles de procédure devant la commission qui n'ont pas encore
été établies.
Là-dessus, je dois vous mentionner qu'actuellement
l'Université du Québec à Montréal entreprend une
recherche assez détaillée sur les règles de
procédure de la commission, sur sa façon de fonctionner et sur la
jurisprudence qui a pu être établie; cela devrait donner
probablement un cadre de réflexion très intéressant. Cela
nous permettra également de faire des comparaisons avec d'autres
commissions des droits de la personne, avec d'autres organismes semblables qui
ont des procédures presque identiques aux nôtres.
Je dois vous dire tout de même que, jusqu'à maintenant, ce
fonctionnement m'est apparu adéquat et que les justiciables qui se sont
présentés devant nous m'apparaissent avoir eu cette satisfaction
puisque, dans presque 70% des cas, nous avons réussi la
médiation. Donc, il ne semblait pas y avoir nécessité
d'aller devant un autre tribunal. Les cas où nous sommes intervenus,
c'est la commission qui a pris fait et cause et qui a intenté des
procédures au nom du plaignant. Cette procédure qui peut
paraître, par ailleurs, un peu ambiguë en ce sens qu'il y a un
rôle d'enquêteur, de médiateur et de recommandation,
finalement, est peut-être estompée justement par le fait que la
médiation est quand même très efficace.
M. Marx: II y a beaucoup de problèmes que je pourrais
soulever: la question de la mutation du personnel, etc. Il reste seulement cinq
minutes et j'aimerais poser une question au ministre. Il m'a beaucoup
frappé dans ses déclarations de ces jours-ci. Quand il dit qu'en
vertu de la charte québécoise c'est la Commission des droits qui
va prendre fait et cause, que ce n'est pas nécessaire d'aller devant les
tribunaux pour plaider la charte, qu'on peut aller à la commission qui
va s'occuper de la plainte de la personne, c'est vrai et ce n'est pas vrai.
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai
dit. Il y a seulement la partie qu'il est vrai que j'ai dit...
M. Marx: Le ministre a son telbec, je l'ai.
M. Johnson (Anjou): Ce que je dis, c'est que la charte
fédérale...
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): ...n'offre pas de commission.
M. Marx: Bien non.
M. Johnson (Anjou): Si tu as un problème de
discrimination, tu vas devant un juge, en Cour supérieure, en Cour
d'appel ou en Cour suprême. Chez nous, on a une charte dont l'application
permet, notamment, que 70% des cas où il y a médiation se
règlent là. Il n'y a pas de ticket modérateur
là-dessus.
M. Marx: Oui, mais le ministre compare des pommes et des oranges.
Sur le plan fédéral, c'est sûr qu'on n'a pas une commission
pour la charte fédérale, mais il y a une commission
fédérale en vertu de la loi fédérale sur les droits
de la personne. En Ontario, il y a une commission. Notre charte est une charte
des droits, mais aussi une loi contre la discrimination. Dans d'autres
provinces, sauf peut-être en Saskatchewan -je ne suis pas sûr de
cela - on a une commission et une loi contre la discrimination. Donc, quand le
ministre a fait
cette déclaration, il est possible qu'il ait induit certaines
personnes en erreur sans le vouloir parce que, vraiment, ce que j'ai
trouvé pas trop, comment dirais-je, pas universitaire, mais...
M. Johnson (Anjou): "Kosher".
M. Marx: Si vous voulez, pas très kascher.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Marx: Pas très kascher, pour le dire en
français. Le ministre a fait une fausse comparaison dans un certain sens
et je pense que ce n'est pas bon de faire cette comparaison. Je ne pense pas
qu'il faille faire la bataille des chartes, à savoir quelle est la
meilleure charte. On va revenir sur cette question à la prochaine
séance parce que j'ai lu le telbec du ministre et j'ai tellement de
questions à lui poser sur ce telbec et sur la déclaration qu'il a
faite et je ne veux pas qu'on coupe ses réponses. On pourrait
peut-être...
Le Président (M. Gagnon): Y revenir demain matin.
M. Marx: ...y revenir demain. Mais on a convenu que, demain,
à 10 heures, on étudiait la sécurité publique, la
Sûreté du Québec et la Commission de police. On va essayer
de faire cela...
M. Johnson (Anjou): Vu qu'on procède demain, me
dites-vous, sur la charte, cela nous permettrait aussi, dans le même
souci que vous aviez de libérer les personnes au fur et à mesure
qu'elles se présentent... Peut-être qu'on pourrait étudier
la charte à 10 heures et entrer dans les histoires de
sécurité publique et de police un peu après.
M. Marx: Peut-être peut-on commencer par la
sécurité publique et la Sûreté du Québec,
parce que je pense qu'il y a d'autres députés qui vont se joindre
à nous et qui aimeraient poser des questions au ministre sur ces
dossiers.
Une voix: ...
M. Marx: Sûrement.
Le Président (M. Gagnon): Demain, on reviendra au
programme 4. Je voudrais simplement vous aviser que les travaux à 10
heures, demain, se poursuivront dans cette salle-ci, la salle 81.
La commission des institutions ajourne donc ses travaux à demain,
10 heures.
(Fin de la séance à 18 h 27)