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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mercredi 24 avril 1985 - Vol. 28 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Blouin): Mesdames, messieurs, la commission des institutions entreprend maintenant ses travaux. Le mandat de cette commission est de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Justice pour l'année financière 1985-1986. Je vais demander au secrétaire de la commission de nous dire quels sont les membres et les remplaçants, s'il y a lieu, de cette commission parlementaire.

Le Secrétaire: Les membres de cette commission sont M. Baril (Rouyn-Noranda-Té-miscamingue), M. Blais (Terrebonne), M. Blouin (Rousseau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Gagnon (Champlain), Mme Lachapelle (Dorion), M. Leduc (Fabre): M. Levesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Paquette (Rosemont), M. Payne (Vachon), M. Perron (Duplessis), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière). M. Mailloux (Charlevoix) est remplacé par M. Pagé (Portneuf).

M. Marx: Seulement une remarque, M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, vous avez une remarque?

M. Marx: ...sur la façon dont on va procéder. C'est évident que ce sera impossible de voir les 17 programmes aujourd'hui. Je ne vois pas la nécessité pour tous les fonctionnaires de rester; on sait qu'ils ont beaucoup de travail à faire pour donner suite aux grandes politiques du ministre. J'aimerais suggérer qu'on étudie les crédits de la Commission de police et de la Sûreté du Québec, demain matin, à 10 heures.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le permettez, je remercie le député de D'Arcy McGee. Je pense que ce sont nos nouvelles règles qui donnent l'initiative à l'Opposition au moment de l'étude des crédits. Nous serions d'accord pour étudier demain le programme touchant la Sûreté du Québec, ainsi que la Commission de police, auquel, cependant, j'ajouterais le programme de la Direction générale de la sécurité publique.

M. Marx: Parfait!

M. Johnson (Anjou): ...étant donné que cela forme un tout relativement cohérent, en tout cas de notre c6té.

M. Marx: C'est quel programme?

Le Président (M. Blouin): Je vous signale, cependant, pour nous assurer que nous nous comprenons bien, que la procédure habituelle prévoit que nous étudiions les programmes un à un. Donc, s'il y a une initiative, elle doit se faire de consentement.

M. Johnson (Anjou): C'est cela, je n'ai pas d'objection, M. le Président.

M. Marx: La commission des institutions a toujours fonctionné de cette façon.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, demain, nous verrions la Sûreté du Québec, la Commission de police et le programme 13. Demain matin.

Une voix: La Sûreté du Québec?

M. Johnson (Anjou): La Sûreté du Québec, la Commission de police et le programme 13, la Direction générale de la sécurité publique.

M. Marx: Oui, c'est parfait, cela. Remarques préliminaires

Le Président (M. Blouin): Avant que nous commencions l'étude des crédits, il est de tradition que le ministre puisse formuler des remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous me permettrez, d'abord, de simplement faire la nomenclature d'une partie des personnes qui nous accompagnent, ici, aujourd'hui. D'abord, à ma droite, le sous-ministre et sous-procureur général du Québec, Me Daniel Jacoby; M. Beaudoin, directeur général de la Sûreté du Québec; M. Raymond Benoît, sous-ministre associé à l'administration et sous-ministre associé par intérim aux services judiciaires; Me Rémy Bouchard, sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales; M. Robert Diamant,

sous-ministre associé à la probation et aux établissements de détention; M. Clément Ménard, sous-ministre associé au personnel; Me Roch Rioux, sous-ministre associé aux affaires législatives et président de la Commission de refonte des lois et des règlements; Me Christine Tourigny, sous-ministre associée à la direction générale du contentieux, et Me Pierre Verdon, sous-ministre associé à la sécurité publique.

Également sont présents le secrétaire du Conseil de la magistrature, M. Barrette; le président du Tribunal de l'expropriation, le juge Guy Dorion; le président du Comité de protection de la jeunesse qui sera là un peu plus tard avec nous pour le programme A, M. Jacques Tellier; le président de la Commission des droits de la personne, Me Jacques Lachapelle; Me Yves Lafontaine, président de la Commission des services juridiques; Me Ghislain K. Laflamme, président-directeur général de la Régie des permis d'alcool; M. Maurice Gauthier, président de la Commission québécoise des libérations conditionnelles; l'honorable juge Gosselin, président de la Commission de police du Québec; M. Michel Lambert, directeur général du Bureau de la protection civile. Il y a également dans la salle, un certain nombre de nos hauts fonctionnaires professionnels, du personnel accompagnant les présidents d'organismes, ainsi que l'oeil vigilant des représentants du Conseil du trésor.

M. le Président, mes remarques préliminaires. Je crois comprendre que je dispose d'environ 20 minutes pour ma première série de remarques. D'abord, pourrais-je me permettre de dire que le budget du ministère pour l'exercice 1985-1986 s'établit à 716 330 900 $, ce qui est une augmentation de 10 582 800 $ par rapport à l'année précédente? La croissance du budget du ministère, pour l'essentiel, est reliée à l'augmentation des traitements de ce ministère dont les effectifs, comme vous le savez, sont considérables. D'ailleurs 73 % des crédits du ministère vont aux traitements du personnel de notre réseau.

Le principal élément qui permet d'expliquer la faible croissance des crédits par rapport à l'année dernière réside dans la participation du ministère aux efforts de rationalisation des dépenses gouvernementales par la réalisation de compressions de l'ordre de 16 700 000 $, notamment par l'amélioration de la productivité dans la plupart de nos programmes. Les effectifs du ministère sont de l'ordre de 13 181 employés, y compris les policiers de la Sûreté du Québec, avec une variation qui fait que nous avons 84 postes en moins dans nos effectifs actuels par rapport à l'effectif autorisé.

Au sujet de la gestion des ressources humaines, nous nous sommes passablement préoccupés de ces questions au ministère au cours de l'année 1984. Ainsi, une banque d'information a été mise sur pied afin de permettre une gestion prévisionnelle des ressources humaines en vue de favoriser un cheminement de carrière plus intéressant pour les employés et d'assurer dans la mesure du possible leur motivation. Nous avons également des programmes et des techniques qui contribuent à accroître la productivité, qui ont été élaborés, notamment, par l'usage absolument massif au ministère de la Justice de la bureautique. Dans la même veine, nous avons appliqué un programme de prime à l'initiative dont le but est d'encourager l'apport créatif venant des suggestions de ceux qui travaillent dans notre réseau.

J'aimerais mentionner que nous avons, entre autres, ouvert deux garderies pour les enfants des employés du ministère: l'une à Sainte-Foy, au siège social, et l'autre au palais de justice de Québec. Celle de Sainte-Foy, en tout cas, est ouverte à la communauté et les enfants des parents du quartier peuvent utiliser ses services.

Quant aux équipements, on le sait, le ministère de la Justice est présent sur l'ensemble du territoire du Québec. Il faut le rappeler, M. le Président, nous sommes l'un des plus gros locataires de la Société immobilière du Québec, un de ses plus gros clients, avec des espaces dans le secteur de la détention, des palais de justice, des bureaux administratifs.

Nous avons procédé à la modernisation, ce qui a augmenté nos budgets d'immobilisations au-delà des coûts d'entretien, qui sont considérables dans ce secteur, notamment par des réaménagements majeurs à Waterloo et à Baie-Comeau. Et pour la prochaine année, plusieurs projets importants sont en voie de commencer à Rimouski, Sherbrooke, Chicoutimi, New-Carlisle; la construction d'un centre de détention à Trois-Rivières, qui est un des projets marquants dans le secteur de la détention sur le plan des immobilisations.

D'ici le milieu de l'année 1987, il y aura quatre nouveaux palais de justice: l'un à Sherbrooke, dont la fin des travaux est prévue pour la fin de 1986, l'un à Joliette, un autre à Chicoutimi et un autre à Longueuil. Nous étudions également des projets pour Saint-Joseph-de-Beauce, Rivière-du-Loup et Laval. Des rénovations importantes ont été apportées aux palais de justice de Drummond, de Rouyn, de Trois-Rivières et de Rimouski. Certains postes de la Sûreté du Québec - notamment, Arthabaska, Notre-Dame-du-Lac, Malartic, Sainte-Julie, Portneuf - ont été réaménagés également.

Du côté de l'informatique - puisqu'il faut parler de ces choses, M. le Président -au cours des dernières années, le ministère

s'est informatisé graduellement dans beaucoup de ses secteurs d'activité. L'informatisation a facilité la rationalisation des activités et des ressources au cours des dernières années en permettant d'améliorer la qualité des informations et de la gestion. L'informatique ouvre énormément de possibilités pour le ministère, qui est extrêmement intéressé à l'utiliser, ne serait-ce qu'au niveau de la probation et de la détention, où les systèmes d'informatisation des dossiers permettront la consultation immédiate et rapide dans la cueillette de renseignements qui sont actuellement détenus de façon éparse et manuellement par différents intermédiaires du système.

J'aimerais traiter d'une question plus particulière, en ce qui concerne l'informatique, qui touche, notamment la communauté juridique. Il s'agit de l'accessibilité aux banques de données du ministère. L'informatique a facilité la constitution de banques de données et de fichiers informatisés dont la diffusion peut être fort utile pour la communauté juridique. Les banques disponibles sont celles des palais de justice qui contiennent, par exemple, l'historique de chaque dossier, la liste des noms impliqués dans une cause, l'ensemble des procédures, etc. Cela existe également dans les bureaux d'enregistrement qui contiennent l'historique et la description des transactions immobilières qui concernent chaque lot, le registre des adresses et des créanciers hypothécaires.

Nous avons également la banque des lois refondues du Québec qui contient les lois refondues mises à jour au 1er juillet 1984. Toutes les versions successives d'une même loi depuis 1977, c'est-à-dire depuis la dernière refonte, sont donc disponibles, tant dans leur version française qu'anglaise.

En ce qui concerne les règlements, environ 50 % d'entre eux ont été mis à jour au 1er janvier 1985. Enfin, la diffusion des banques de la jurisprudence de SOQU1J est prévue sur une base graduelle au cours du printemps. À l'heure qu'il est, plus de 238 clients, principalement des bureaux d'avocats et de notaires, comprenant quelque 1400 usagers, ont un accès direct à ces banques de données par l'intermédiaire de SOQUIJ.

Du côté de la probation et de la détention, l'amélioration des conditions de vie des détenus, de même que leur réinsertion sociale sont des préoccupations constantes au ministère. En 1984, nous avons implanté une politique relative au plan de séjour de la personne incarcérée, qui permet une libération progressive de la personne de manière qu'elle soit le mieux préparée à la réinsertion en société.

Sur le plan des relations entre le système judiciaire et les agents de probation, des documents d'orientation et de nouveaux mécanismes ont été mis en place afin d'améliorer la liaison avec la cour et pour impliquer davantage la communauté dans l'application d'un programme correctionnel et non correctionnel. Des ententes ont aussi été prises avec le ministère de l'Éducation du Québec et ses organismes pour l'établissement de programmes de formation des personnes incarcérées.

Quant aux délais d'audition, depuis plusieurs années, le ministère de la Justice a consacré des efforts importants à la réduction des délais d'audition, plus particulièrement en matière civile et familiale, à la Cour supérieure du district de Montréal, là où se trouvent les délais les plus longs.

En 1984, de façon plus particulière, parmi les mesures prises par le ministère, on peut citer l'augmentation de 800 $ à 1000 $ de la juridiction de la division des petites créances et l'augmentation de la juridiction de la Cour provinciale de 10 000 $ à 15 000 $; ces dispositions ont pris effet au 1er novembre 1984.

Nous avons également modifié le Code de procédure civile, en consultation avec le barreau et la magistrature, pour rendre fonctionnelle la conférence préparatoire à Montréal. Nous avons également mis sur pied une équipe d'avocats expérimentés chargés de mettre en état les causes dont la durée est de trois à neuf jours et de convoquer des conférences préparatoires, le tout sous la direction du juge en chef.

Durant l'année 1985, on procédera à la consolidation de ces mesures mises de l'avant à Montréal. Nous devons constater une amélioration intéressante. Ainsi, par exemple, à Montréal, en Cour supérieure en matière civile les causes urgentes de trois jours ont connu des progrès considérables. Je me permettrai de dire que j'ai malheureusement constaté que, dans un document qu'il a rendu public récemment et dont j'aurai l'occasion d'entretenir cette commission, le député • de D'Arcy McGee évoquait que des délais, dans les causes de trois à neuf jours seraient passés de 45 mois en 1982 à 88 mois en octobre 1983. (10 h 30)

Alors, M. le Président, voici les données. Je dois d'abord remarquer qu'à cet égard comme à bien d'autres, comprenant que les ressources du député de D'Arcy McGee ne sont évidemment pas celles d'un ministère, ses statistiques datent et que la coloration donnée à l'évolution du système judiciaire au Québec par l'utilisation de données qui datent est malheureuse. À la fin de l'année 1983, les causes ordinaires d'un jour étaient de 31 mois; elles sont passées à la fin de l'année 1984 à 15 mois. Les causes ordinaires de deux jours étaient de 45 mois; elles sont passées à 15 mois. Les causes de trois à neuf jours étaient de 91 mois; elles sont passées à 44 mois. Dans le cas de ce

que l'on appelle les causes urgentes, qui sont de trois à neuf jours, elles étaient de 24 mois; elles sont passées à 16 mois.

Je crois, M. le Président, qu'il est nécessaire de peser un peu lourd sur ces choses, étant donné que, contrairement aux affirmations du député de D'Arcy McGee, les délais se sont améliorés d'une façon extrêmement sensible en Cour supérieure, alors que nous sommes conscients, comme le juge en chef l'est, qu'il y a encore des progrès à faire dans ce domaine.

On constate donc que les efforts qui ont été faits par le ministère et les principaux intervenants depuis les trois ou quatre dernières années commencent à porter fruit. Nous sommes conscients qu'il reste encore à faire, mais il faut cependant noter que l'impact de plusieurs des mesures mises de l'avant ne se fera pas sentir avant plusieurs mois. Soyez assurés que nous suivons attentivement l'évolution de la situation et qu'au besoin nous prendrons un certain nombre de mesures appropriées.

En vue d'améliorer les services judiciaires offerts à la population de la Baie-James et du Nord québécois, soit les Cris et les Inuit, nous avons également conféré aux juges de la Cour provinciale et du Tribunal de la jeunesse une juridiction mixte dans le district judiciaire de l'Abitibi. Après avoir réorganisé les structures de la cour itinérante et vu à la formation des juges impliqués dans l'exercice de ses juridications étendues, le gouvernement nommait, le 5 mars 1985, un juge coordonnateur afin d'assurer l'organisation des termes et la répartition des affectations des juges qui siègent au nord du 50° parallèle. L'avantage de cette juridiction est de permettre à un juge itinérant de régler l'ensemble des dossiers qui lui sont présentés, y compris les dossiers de jeunesse. Les délais qui y sont encourus en raison des distances en sont écourtés et la fréquence des auditions est accrue.

Du côté de la violence conjugale, nous sommes à élaborer une politique à cet égard. J'ai eu l'occasion de prendre connaissance d'un premier jet des documents de travail. Je dois dire, cependant, que cette politique sera définitive dans la mesure où nous l'harmoniserons avec des préoccupations similaires du ministère des Affaires sociales, ce qui devrait se faire incessamment.

Du côté des relations avec les citoyens et les citoyennes, en 1983, nous avions adopté un plan triennal d'humanisation de la justice. L'année qui se termine a été consacrée à la poursuite de la mise en oeuvre de ce plan, qui a touché particulièrement la Direction générale des services judiciaires en raison de l'étendue de la clientèle et du nombre des services offerts. Ce qui a fait l'objet d'une attention particulière cette année est l'accessibilité physique et téléphonique aux services, des heures d'ouverture plus pratiques pour les justiciables, la vulgarisation du langage employé dans les messages du ministère, la qualité de la diffusion de l'information qui concerne les programmes gouvernementaux. Sur les heures d'ouverture, on doit signaler que l'accessibilité le midi et, dans certains endroits, le soir aux services faisant affaires avec les justiciables est maintenant une chose faite sur l'ensemble du territoire. Citons, à titre d'exemple, les services de perception de pensions alimentaires et les bureaux d'enregistrement.

Pour 1985, la mise en oeuvre du plan triennal continuera et, notamment, le programme d'information aux témoins et aux victimes d'actes criminels, connu sous le nom d'INFOVAC, lequel est un programme des plus avant-gardistes dans ce domaine au Canada. Ce programme a pour objet de fournir aux victimes d'actes criminels une meilleure connaissance du processus judiciaire et, surtout, un suivi de leur dossier. Il a été révisé et amélioré de manière à répondre plus adéquatement aux besoins des victimes et des témoins.

Sur le plan de l'information aux citoyens, un certain nombre de réalisations importantes ont été accomplies. Notamment, depuis janvier 1984, le magazine Justice est maintenant vendu en kiosque et par abonnement; en mars 1985, le nombre d'exemplaires vendus dépassait 94 000, ce qui est remarquable pour une revue destinée à un domaine qu'en général on considère comme étant celui essentiellement des professionnels du droit. Il y a, à toutes fins utiles, l'équivalent de près de 60 % de la circulation, par exemple, d'une revue comme celle de l'Office de la protection du consommateur qui est assuré par le magazine Justice. D'ailleurs, la satisfaction des personnes touchées, bien au-delà de la communauté juridique, nous incite à continuer les efforts dans ce domaine.

En collaboration avec la faculté de droit de l'Université Laval, le ministère poursuit également une expérience pilote d'éducation juridique au secondaire à la Commission des écoles catholiques de Québec. Dans le cadre de la décennie des femmes, qui se termine cette année, le ministère a préparé une campagne d'information et de sensibilisation portant sur la loi, l'économique et le couple. Le lancement de cette campagne a eu lieu le 29 mars dernier.

Parmi les autres activités d'importance sur le plan de l'information que le ministère a entreprises cette année, on peut aussi souligner une campagne d'information qui vise la Loi sur les jeunes contrevenants. Il était essentiel à nos yeux que la population et les jeunes soient informés non seulement de leurs droits, mais également de leurs

obligations qui sont prévues dans cette loi.

Également en matière de prévention, des campagnes d'information ont été faites sur la prévention de la fraude par les faux chèques et la prévention de l'utilisation frauduleuse des cartes de crédit. Nous avons également fait une campagne sur la protection du vol dans les petits commerces, sur l'identification des biens des entreprises et sur la prévention du vol de bicyclettes.

Enfin, le ministère a lancé dans toutes les régions du Québec la semaine de la justice pour permettre à la population de mieux connaître les services offerts par le ministère et ses organismes et pour démystifier l'appareil de la justice. À titre d'exemple, à Montréal, la semaine dernière, plus de 100 000 personnes se sont rendues, en l'espace de cinq jours ouvrables, au palais de justice alors que nous avions monté 17 kiosques d'information. Les semaines de la justice ont, par ailleurs, fait l'objet de nombreux commentaires dans les médias. Je considère que cette opération a été couronnée de succès et qu'elle a une très grande utilité auprès du public.

Quant à la criminalité, comme il est de mise chaque fois que nous discutons de crédits, je tracerai ici brièvement le portrait de ce qui s'est fait en 1984. D'abord, les infractions au Code criminel. On remarque une stabilité relative du taux de criminalité qui passe de 66,34 % à 66,36 % par 1000 habitants, ce qui signifie une très légère variation à la hausse, soit de 0,02 % par rapport à 1983. Il y a une légère augmentation du nombre absolu d'infractions au Code criminel qui est de 1,04 % par rapport à 1983. Ainsi, les crimes avec violence ont augmenté en nombre de 4,03 %. C'est surtout au chapitre des voies de fait que l'augmentation s'est fait sentir. Ce n'est pas nécessaire d'aller aux parties de hockey pour s'en rendre compte. Nous comptons vérifier par des analyses si cette augmentation est consécutive au plus grand nombre de cas de violence en milieu familial maintenant signalés à la police. Le nombre de vols qualifiés a encore diminué cette année, il est en baisse de 4,22 %.

Au chapitre des crimes contre la propriété, on peut noter une baisse de 0,63 %, mais une augmentation des vols de véhicules automobiles de 7,74 %. Les autres catégories de crimes ont également augmenté de 4,54 %; c'est attribuable à une augmentation sensible du nombre de méfaits rapportés, soit de 6,88 %. Par ailleurs, il faut noter que, dans ce genre de crimes dont la détection demande un travail policier, on enregistre des baisses sensibles, dans le cas du recel, par exemple, de moins 19 %; dans le cas de la prostitution, de moins 20 %. Il en est également ainsi du nombre des infractions aux lois autres que le Code criminel, indépendamment des lois relatives à la circulation.

Quant au pourcentage des solutions à des infractions au Code criminel, il est à la baisse, il est passé de 52,89 % à 46,57 %, à la Sûreté du Québec, et de 24,19 % à 22,78 % dans les corps policiers municipaux. On doit noter, toutefois, une baisse importante du nombre de jeunes impliqués dans les infractions au Code criminel solutionnées. Ce nombre est passé de 38 413 en 1983 à 27 592 en 1984. Il sera intéressant de vérifier, par des analyses ultérieures, si cette diminution sensible est attribuable à une variation démographique ou si elle pourrait découler de mesures législatives de prévention visant ces groupes d'âge.

Du côté de la législation, M. le Président, le bilan est connu puisque, par définition, cette commission a été impliquée dans la législation, ne serait-ce qu'en matière d'enlèvement international, de modifications au Code de procédure, dont j'ai donné une partie des résultats en parlant des délais tout à l'heure, ou de ce projet que nous aborderons bientôt pour son étude article par article - détaillée, devrais-je dire - dans le cas du Code civil.

Également, il y a eu, au printemps, une commission parlementaire - on se le rappellera - sur le Code civil qui donnera lieu, une fois de plus, à l'étude article par article que nous connaissons et, possiblement, à l'audition de nos collègues du barreau et de la Chambre des notaires.

Quant aux perspectives législatives, elles sont modestes, M. le Président. Peut-être est-ce l'essentiel de ce que je retiens des propos du député de D'Arcy McGee qui propose qu'on ne légifère pas trop. Je dois dire cependant que des projets touchant l'unification des tribunaux, les poursuites sommaires et l'application, évidemment, à compter du 1er janvier 1986, de la prédominance de la charte québécoise sont en ce moment à un stade extrêmement avancé au ministère de la Justice.

M. le Président, si vous m'y autorisez, je pourrais prendre encore quelques minutes, du consentement de mes collègues. Est-ce que cela va?

M. Marx: Oui, pas de problème.

M. Johnson (Anjou): Le député de Deux-Montagnes est d'accord?

M. Marx: C'est un plaisir de vous écouter, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais parler de certaines choses qu'on retrouve dans le document du député de D'Arcy McGee, qui, je dois le reconnaître, a fait un effort de synthèse remarquable, compte tenu des ressources que je sais être

celles d'un député, même s'il peut s'appuyer sur une partie d'une faculté de droit où il professe encore. Cependant, M. le Président, ce qui m'intéresse, ce ne sont pas tellement les nuances que nous pourrions faire sur les choses sur lesquelles nous nous entendons, mais essentiellement deux domaines: le premier, c'est celui des faits, n'est-ce pas, domaine important dans le droit, s'il en est un. Le deuxième, c'est un certain nombre de perceptions, de teintes qu'a pu donner le député de D'Arcy McGee, critique de la justice pour le Parti libéral, à ce qui se passe dans notre système de justice.

D'abord, le député de D'Arcy McGee nous dit dans son document qu'il y a un demi-million de dispositions législatives qui s'appliquent au Québec. Pourtant, un document du Parti libéral de 1981 affirme qu'il y en a 183 276. Il nous parle de désuétude des textes. Il y a, c'est vrai, des projets à venir au ministère de la Justice, et je crois qu'il le sait. Une étude exhaustive est entreprise depuis trois ans pour analyser les dispositions qui pourraient être annulées par une sorte de bill omnibus de désuétude.

Quant à la réglementation, le député de D'Arcy McGee nous affirme dans son document que nous avons 1881 règlements, soit deux fois plus qu'en Ontario. Je lui dirai que, sur ces 1881 règlements, il y en a 160 qui constituent les décrets découlant des lois dans le secteur public et parapublic, 50 qui sont des décrets de convention collective prévus dans nos lois et 500 qui touchent les professions, tel que le veut le Code des professions. En Ontario, M. le Président, ce type de réglementation n'est pas répertorié. Nous avons donc une différence considérable avec l'Ontario de 50 règlements de plus que nos collègues voisins de l'ouest.

Le député affirme également dans son document qu'il y a entre 800 et 900 nouveaux règlements par année, ce qui fut vrai en 1980-1981, mais 250 étaient essentiellement des règlements découlant de l'application de l'arrêt Blaikie sur la nécessité d'adopter en français et en anglais un certain nombre de dispositions réglementaires. En 1983, nous adoptions 198 règlements dont 100 découlaient des décrets de convention collective ou de la fixation des prix de vente et 52 remplaçaient d'autres règlements. Donc, nous avions, en 1983, 46 nouveaux règlements sur 191 pages. Nous sommes loin des 800, M. le Président. En ce qui concerne la cohérence législative, j'y reviendrai peut-être si le député de D'Arcy McGee veut qu'on étudie un peu plus à fond l'aspect factuel de ces documents. (10 h 45)

Pour ce qui est de l'aide juridique, le député de D'Arcy McGee ne manque pas de générosité et, dans la mesure où nous avons des fonds, nous n'avons pas, je crois, à nous séparer sur la nécessité d'être généreux dans le système. Mais je lui ferai remarquer que le taux d'utilisation de l'aide juridique est en moyenne au Canada de 18 par 1000 habitants et qu'il est en moyenne au Québec de 35 par 1000 habitants; 64 % des cas au Québec sont en matière civile alors qu'en Ontario cela est beaucoup moins. Du côté des coûts, le per capita au Québec est de 8,64 $, alors qu'il est de 7,90 $ en Ontario. Du côté des demandes acceptées à l'aide juridique, nous recensions en Ontario 110 000 demandes acceptées et 227 000 demandes acceptées dans le cas du Québec.

Du côté des frais pour les tribunaux administratifs - je sais que c'est une des préoccupations du député de D'Arcy McGee -il nous dit qu'il croit qu'il faudra trouver un système imaginatif qui permette d'indemniser les citoyens qui iraient devant les tribunaux administratifs pour une cause, par exemple, le zonage agricole. Je pense qu'il a utilisé cet exemple qui est extrêmement intéressant. Il nous réfère, notamment, à la législation américaine et française dans ces domaines. Je lui ferai remarquer que, dans le cas de la législation française, il prête des vertus à l'article 700 du nouveau Code de procédure français qu'il n'a pas. Est-il besoin de rappeler qu'en France il y a deux systèmes d'adjudication, l'un de droit administratif et l'autre de droit civil, que le système administratif n'est pas soumis à l'article 700 du Code de procédure civile français et qu'à cet égard on ne peut pas parler de la France comme étant un endroit où on permettrait aux citoyens d'être indemnisés pour les frais encourus dans une cause de droit administratif avec l'État? Quant à l"'Equal Access to Justice" qu'on retrouve aux États-Unis et qui a été adopté en 1981, c'est un mécanisme d'une lourdeur incroyable et le secrétariat responsable du gouvernement américain qui prévoyait, à cette époque, l'indemnisation d'environ 7200 personnes faisant affaires avec les tribunaux administratifs a constaté, après deux ans d'application, qu'il avait pu en indemniser 64 sur 250 000 000 d'habitants.

M. le Président, il y a un certain nombre de faits dans les propos du député de D'Arcy McGee qui sont, malheureusement, inexacts. Encore une fois, tout en lui donnant le bénéfice du doute quant aux ressources dont il pouvait disposer pour faire de telles affirmations, notamment quant aux délais en Cour supérieure, je crois malheureusement que cela a teinté un certain nombre de choses. C'est également vrai dans le cas de la sécurité publique. Sauf quelques grandes villes, les corps policiers municipaux, nous dit-il, n'ont pas les ressources suffisantes pour s'occuper des enquêtes criminelles et des patrouilles de nuit. Il est faux de généraliser cette affirmation, surtout dans le eas des patrouilles de nuit. Il y aurait une disparité

sans cesse croissante des conditions de travail des policiers, alors qu'un des problèmes du monde municipal c'est, au contraire, la standardisation des conditions de travail des policiers qui ont tendance à se niveler par le haut plutôt que par le bas.

On fait une critique à l'égard du fait que nous demandons aux municipalités de plus de 5000 habitants d'avoir leur corps policier. Je rappellerai que, si cette norme de 5000, c'est vrai, comporte un certain nombre d'inconvénients, le contraire imposerait des inconvénients majeurs aussi. D'abord, nous nous sommes inspirés pour le chiffre 5000, d'un projet de loi déposé par le Parti libéral, en 1976. Nous n'avons pas pris ce chiffre, 5000, dans un nuage. C'était contenu dans une disposition législative proposée par le Parti libéral, à l'époque. Il en coûterait 63 000 000 $ aux contribuables du Québec, répartis sur l'ensemble de notre population, si nous devions adopter la suggestion de porter cela à 20 000 habitants. Compte tenu de la réforme de la fiscalité municipale et des avantages certains qu'elle comportait pour le monde municipal, il nous apparaît, tout au moins, qu'une telle approche présupposerait une revue du mode de financement et de la participation des municipalités à ce financement, si nous devions passer à 20 000.

Le député de D'Arcy McGee souhaite la cessation du cumul des fonctions de policier et de pompier, alors que, pour beaucoup de municipalités, moyennes ou petites, il s'agit d'un moyen plus efficace pour elles dans la gestion des ressources. On nous dit que l'application des règlements municipaux devrait être réservée à des personnes autres que les policiers. C'est un fait que beaucoup de règlements, en ce moment, sont entre les mains d'autres personnes. Cependant, tout ce qui touche au maintien de la paix et à la sécurité publique nous apparaît comme devant être réservé aux services policiers.

À la page 110, le député de D'Arcy McGee nous dit que seuls les diplômés en techniques policières devraient être admis à l'institut, alors que le passage à l'institut est obligatoire pour l'obtention du DEC. Il ne nous apparaît pas inutile de conserver cette porte ouverte pour ne pas nous priver d'un certain nombre de ressources qui ne seraient pas en techniques policières.

Le député de D'Arcy McGee nous dit, à la page 138 de son document, que l'IVAC est le seul programme gouvernemental qui s'adresse vraiment aux victimes, alors que le programme INFOVAC, lui, vise, à quatre étapes différentes du processus judiciaire, à fournir à la victime l'information adéquate et pertinente sur ce qui lui arrive et que ce programme québécois est cité en exemple dans tout le Canada comme étant ce qui se fait de mieux à l'égard des victimes en matière d'information. Il néglige le protocole médico-légal et la trousse pour les victimes d'agression sexuelle là aussi où notre programme est de loin le plus développé au Canada. Il néglige également de faire appel à la notion du développement absolument phénoménal des maisons d'hébergement pour les femmes violentées qui s'est fait en collaboration avec le ministère des Affaires sociales depuis quelques années.

M. le Président, somme toute, malheureusement, le député de D'Arcy McGee est sans doute bien motivé, puisque c'est un homme, je le sais, qui s'intéresse aux questions de justice, mais son approche est tellement teintée de pessimisme et de défaitisme qu'elle présente les choses comme elles ne sont pas. Tout en voulant offrir un certain nombre de perspectives, elle pèche dans ce qui est, quant à moi, un aspect fondamental qui est celui des faits et de l'appréciation des faits, notamment en matière de détention où les plus récentes statistiques nous démontrent que le nombre de personnes détenues a diminué de 27 % par rapport à 1983, passant de 24 000 à 18 203, et que le nombre de personnes prévenues a également diminué passant de 16 900 à 15 700. J'enlève le 26 et le 29 qui viennent à côté du 900 et du 700. Cette importante diminution représente un résultat concret des nouveaux programmes, des nouvelles mesures mises de l'avant par la Direction de la probation et de la détention que le député, malheureusement, persiste à ignorer.

J'indique également que le développement des programmes de travaux compensatoires a contribué à diminuer de 39 % le nombre de personnes incarcérées pour défaut de paiement d'amendes et que le nombre des personnes incarcérées pour infraction aux règlements municipaux a chuté de 19 % à 3,8 %. On verra ce qu'en dit le député de D'Arcy McGee dans son document où les pourcentages qu'il montre sont absolument faramineux.

D'autre part, nous nous réjouissons d'un certain nombre d'initiatives qui ont été prises; notamment, 54,7 % de notre population carcérale qui a entre 20 et 29 ans doit faire l'objet des efforts de prévention, mais surtout de réinsertion sociale que nous faisons. Le plan de séjour qui évalue les besoins de l'incarcéré et les moyens dont il peut disposer pour se réinsérer socialement nous apparaît dans ce contexte extrêmement important. Permettez-moi de mentionner aussi que dans les ressources communautaires le nombre de jours séjour est passé de 38 000 à 119 639, soit une augmentation de 318 % et qu'en 1983 2265 détenus ont bénéficié des programmes d'absence temporaire. En ce sens, encore une fois, les propos du député de D'Arcy McGee sont malheureusement teintés d'une attitude défaitiste à partir des faits, de ce qui se

passe au ministère de la Justice. Si ce n'était que des questions d'opinion, de philosophie et d'orientation, il y aurait matière à de longs débats, mais, quand les faits sont inexacts, quand ils sont partiels, pour ne pas dire partiaux, ce que je n'oserais pas dire à l'égard du député...

M. Marx: Sûrement pas.

M. Johnson (Anjou): II teinte malheureusement la perception que nos concitoyens peuvent avoir de l'efficacité relative d'un appareil qui est exigeant, qui est lourd, qui a ses contraintes, qui a, c'est vrai, ses délais, mais qui, pour l'essentiel, a été au service des Québécois depuis un certain nombre d'années. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais, en premier lieu, saluer la présence des fonctionnaires du ministère et des différents organismes, et les remercier, à l'avance, de la collaboration précieuse qu'ils apporteront aux membres de la commission, comme ils l'ont toujours fait. Peut-être le ministère de la Justice est-il le plus beau ministère; je pense que c'est le plus vieux. Curieusement, j'ai eu l'occasion, récemment, de lire les débats sur la confédération de 1865 et j'ai remarqué qu'à l'époque il y avait un Procureur général pour le Bas-Canada et un Solliciteur général pour le Bas-Canada. Il y a des gens qui proposent maintenant qu'on retourne aux sources et qu'on divise même le ministère en deux. Tout cela pour dire que, vraiment, le ministère de la Justice est peut-être le ministère le mieux rodé de tous nos ministères.

L'étude des crédits du ministère est devenue, au cours des dernières années, une répétition de ce que nous avons entendu l'année précédente. Lorsque le ministre fait le bilan de ses réalisations et nous fait part de ses projets, on a l'impression d'assister à une reprise. En écoutant le ministre aujourd'hui, je me suis dit: Peut-être dois-je répéter mon discours de l'an dernier, parce que, franchement, il n'a pas changé tellement son discours. Alors j'ai pensé que je pourrais répéter ce que j'ai dit l'an dernier.

Il y a des choses qui se font au ministère de la Justice et il est impossible d'avoir un ministère de 15 000 personnes où on ne fait rien durant toute l'année. Je pense qu'il y a certaines choses qui se font, mais pas de grandes choses, si je peux m'exprimer de cette façon. Le ministre a parlé de la semaine juridique. J'imagine que cela a été un succès. Au moins, j'ai vu qu'on avait envoyé des dizaines de telbecs. On a dépensé beaucoup d'argent, mais je n'ai pas eu l'occasion, vraiment, d'étudier ce programme ou d'étudier l'impact que ce programme a eu. Aussi, je ne veux pas être sévère pour le ministre, je ne veux pas être trop critique envers le ministre. Il a d'autres dossiers; il est le ministre responsable des Affaires canadiennes et, comme je l'ai souvent souligné, il est Procureur général du Québec, Solliciteur général et ainsi de suite.

Si on prend l'Ontario, par exemple, cela m'a beaucoup frappé qu'en Ontario il y ait quatre ministres qui s'occupent de la justice. On a un Procureur général, un Solliciteur général, un Secrétariat à la justice et un ministre responsable des services correctionnels. Je dirais, à mon avis, qu'en Ontario on en a trop. En Alberta, on a deux ministres; au niveau fédéral, on a deux ministres: un Solliciteur général et un Procureur général.

Voilà, nous avons un ministre qui est tout seul. Même son prédécesseur était seul et il avait un autre dossier en tant que ministre délégué à la Réforme électorale. Je pense que le ministre de la Justice est un des seuls ministres qui n'ait pas d'adjoint parlementaire. Est-ce exact? Il n'a pas encore d'adjoint parlementaire. Cela démontre l'importance que le premier ministre attache aux matières de la justice.

M. Johnson (Anjou): C'est peut-être, M. le Président, si le député me le permet, qu'il . n'y a plus d'avocats dans la députation. Ils sont tous au Conseil des ministres.

M. Marx: Oui, mais ce n'est pas nécessaire d'avoir un avocat comme adjoint parlementaire, parce que M. Godin, le député de Mercier, qui n'est pas avocat, a déjà piloté un projet de loi du ministère de la Justice. Je pense que, en ce qui concerne la structure du ministère, il y a au moins des changements à étudier et peut-être des changements à effectuer. (11 heures)

Le ministre a fait certaines critiques de mon document, mais je suis le premier à accepter les critiques. Il a parlé, par exemple, des délais. Je suis convaincu qu'on a fait des améliorations, parce que l'Opposition était d'accord avec le projet de loi et sur la procédure qui a été adoptée, mais il ne faut pas oublier que c'est en janvier 1984 que l'Opposition a fait une intervention sur cette question. C'est en 1984 ou en 1983? Je pense que c'est en 1983 que nous avons fait une intervention, nous avons fait beaucoup de publicité autour de ce sujet. Je pense que ça poussait un peu le ministère et le ministre de l'époque à prendre des mesures correctives.

Le ministre a touché un point important quand il a dit que l'Opposition et surtout le critique en matière de justice n'ont pas tellement de ressources. C'est difficile pour le critique d'avoir de l'information. Disons que, si je téléphone, demain, au palais de justice de Montréal pour avoir des statistiques, on ne me les donnera pas. Le ministre cite des statistiques, je comprends, mais quand j'ai préparé mon document, ces statistiques n'étaient pas publiques.

Je ne peux pas, par exemple, avoir une interview avec le chef de police de la ville de Montréal. J'ai demandé à M. de Luca pour avoir une interview juste pour comprendre comment le service de police de la Communauté urbaine de Montréal voit l'application de certaines lois, pas pour faire de la politique; on peut faire de la politique sur beaucoup d'autres questions.

M. Johnson (Anjou): Surtout en matière de police, on a vu ça récemment.

M. Marx: Oui, on a toujours d'autres dossiers si on veut faire de la politique partisane. Je voulais m'informer. C'est difficile pour l'Opposition de s'informer auprès du ministère. Il y a certaines statistiques qui sont disponibles en matière correctionnelle, j'en prends connaissance chaque année, mais je ne peux pas demander - j'ai essayé - au responsable au ministère de me fournir d'autres statistiques ou de reformuler ces statistiques parce que j'ai besoin d'autre chose. Le ministère de la Justice n'est pas au service de l'Opposition, si je peux dire cela de cette façon, et je ne blâme pas le ministre. J'imagine que c'était ainsi sous le gouvernement libéral et que ce sera la même chose sous un futur gouvernement libéral, péquiste, de l'Union Nationale ou conversateur, c'est-à-dire que c'est très difficile pour l'Opposition d'obtenir certaines informations, d'avoir des faits.

Quand le ministre m'a critiqué en ce qui concerne les chiffres que j'ai avancés relativement à l'adoption des règlements, la plupart de chiffres que j'ai cités dans mon document, L'Avenir de la justice au Québec, viennent du livre de M. Barbe. Donc, la critique ne vise pas le député de D'Arcy McGee. Je pense que, d'une certaine façon, ça vise le livre de M. Barbe. Peut-être qu'il y a d'autres règlements, peut-être qu'il y a une erreur dans mes chiffres, c'est bien possible, peut-être que je n'ai pas expliqué que certains décrets ont été adoptés en vertu de telle et telle loi, et ainsi de suite. Si j'ai fait une erreur de cette nature, je m'excuse, mais je pense que ce serait faux de prendre une petite erreur de chiffre et d'essayer de dénigrer le document parce qu'il y a une virgule, une note de renvoi ou un chiffre qui manquent. Je pense que tout le monde échouerait dans son travail s'il était soumis à une telle critique.

Par exemple, quand j'ai fait un peu de droit comparé avec le droit français et le droit américain en ce qui concerne le remboursement des frais de cour pour les gens qui gagnent leur cause devant les tribunaux administratifs, j'ai donné cela à titre d'exemple. Pour le droit français, je sais que c'est dans le Code de procédure civile et que ça ne vaut pas pour le droit administratif. Mais c'était un autre exemple. Si vous lisez cela attentivement, peut-être faut-il voir cela dans le cadre de notre Code de procédure civile. J'ai pris cela comme un exemple et c'est évident que je n'ai pas fait une étude de tous les effets, mais je voulais évoquer une certaine politique possible.

En ce qui concerne les statistiques correctionnelles, je sais qu'il y a de nouvelles statistiques. Mais les statistiques que le ministre a citées aujourd'hui ne sont pas encore publiées, à ma connaissance. Peut-être qu'elles l'ont été récemment, mais quand j'ai travaillé à mon document à la fin de 1984, ces statistiques n'étaient pas disponibles.

En ce qui concerne le dossier des policiers, les patrouilles de nuit ont été enlevées.. Il y a eu des débats à l'Assemblée nationale où on a dit clairement que la plupart des corps de police n'ont pas de ressources suffisantes pour vraiment veiller à tout ce qu'ils ont à faire. De toute façon, j'apprécie beaucoup que le ministre ait pris connaissance de mon document et je l'en remercie.

Il a dit que j'avais une attitude défaitiste. Eh bien, si j'ai une telle attitude, ce n'est pas l'impression que j'ai voulu donner. Je ne veux pas critiquer juste pour critiquer; je veux critiquer où je peux d'une certaine façon aider à pousser le gouvernement à faire quelque chose. Souvent c'est bon pour le gouvernement. Cela aide nos gouvernements et cela aide peut-être le ministre à dire: Je suis poussé par l'Opposition, par les femmes, par les victimes et ainsi de suite. Cela peut aider le gouvernement à adopter une certaine loi ou une certaine politique.

Je m'excuse si j'ai une attitude défaitiste; ce n'est pas voulu, mais je pense que le ministre a souvent une attitude que l'on retrouve chez Pangloss dans le livre Candide de Voltaire où il dit que c'est le meilleur de tous les mondes possibles, que, quoi qu'il arrive, c'est le meilleur monde possible. Je pense que c'est un peu l'attitude des membres du gouvernement actuel: tout cela, c'est le meilleur monde possible. Peut-être que c'est normal que le gouvernement ait cette attitude, dans tous ses dossiers, qu'on ne peut pas faire mieux, que c'est le meilleur des mondes possibles. C'est compréhensible aussi.

II faut souligner que le dossier de la justice a été un peu négligé, â mon avis, depuis huit ans. Cette négligence est évidente dans certains dossiers. Par exemple, dans le Code civil, je sais qu'il y a beaucoup d'excuses et que le gouvernement a l'intention de faire des choses. Je sais que ce n'est pas un dossier politique. Franchement, depuis que le gouvernement est au pouvoir, on a adopté une loi: la loi 89! II y a la loi 20 qui est devant l'Assemblée nationale. Peut-être qu'elle sera adoptée d'ici quelques mois, mais elle ne sera pas en vigueur avant janvier 1986, parce qu'on attend une autre loi, la loi d'application et tout. Mais je ne veux pas préjuger de ce que le gouvernement pourrait faire dans ce dossier.

Si on prend la Loi sur les coroners, je pense que le gouvernement a été un peu poussé par l'Opposition à déposer et à adopter cette loi, mais la loi a été adoptée il y a un an et demi, en décembre 1983, je pense, et elle n'est pas encore en vigueur. On a travaillé jour et nuit; c'était urgent et important, c'était une amélioration souhaitable. Tout le monde était pour cela, mais la loi n'est pas encore en vigueur. Malgré la Charte des droits et libertés de la personne et malgré la Charte canadienne des droits et libertés, il y a des abus en fonction de la Loi sur les coroners actuelle chaque semaine à la télévision. On voit le "procès", entre guillemets, de quelqu'un à la télévision à 18 heures. Le coroner va dire à la fin: Je vous tiens criminellement responsable pour tel et tel acte. Qui va faire la distinction? Quel auditeur fera la distinction en disant: Oui, mais il n'est pas coupable en droit, il est tenu criminellement responsable, un jour il aura son procès et ainsi de suite?

On a voulu éviter un tel abus par la nouvelle loi. Or, l'article qui prévoit que ce sera impossible pour la télévision de filmer lors d'une enquête du coroner ou pour les photographes de prendre des photos n'est pas en vigueur. Je pense que c'est la source d'un certain nombre d'abus. Je ne sais pas comment vraiment régler ce problème cette semaine; peut-être qu'on peut mettre en vigueur seulement cet article. Je demande aux légistes du ministère si, dans le projet de loi omnibus qui sera, j'imagine, déposé bientôt, on ne pourrait pas ajouter un article pour prévoir que cet article de la Loi sur les coroners soit tout de suite mis en vigueur. De toute façon, il faut trouver un moyen d'éviter que ces abus, ne se répètent aux bulletins de nouvelles, neuf fois par semaine.

Il est tout à fait inacceptable que, depuis des années, les mêmes problèmes reviennent continuellement sur la table. Voici un exemple parmi beaucoup d'autres: dans le livre blanc du gouvernement Bourassa, La justice contemporaine de 1975, on parle de l'unification des tribunaux. Savez-vous combien de fois le ministre de la Justice a fait les manchettes avec cette proposition? J'aimerais vous lire cela. J'aimerais souligner que ce n'est pas le ministre actuel qui a fait la manchette. Voilà! Le Devoir, le jeudi 9 septembre 1982: "Bédard vise à intégrer les cours sous un seul juge dès que possible". Le Soleil le vendredi 11 mars 1983: "Une seule cour de justice, Québec veut unifier ses tribunaux". Une autre fois, M. Bédardi Le Devoir, le jeudi 21 avril 1983: "Bédard veut regrouper les tribunaux québécois". Le Devoir, le mercredi 8 juin 1983: "Bédard regroupe trois tribunaux en une seule cour de Québec". Le 10 septembre 1983: "Vers une cour de Québec unique". Et ainsi de suite! Vous voyez... Peut-être que les "speech writers" du ministre Bédard sont ici dans cette salle, peut-être qu'ils peuvent nous dire si M. Bédard a fait d'autres discours semblables. Si on fait des discours depuis 1982, que rien ne se passe, que la loi n'est pas déposée, je pense qu'il y a quelque chose qui tourne en rond, pour dire le moins.

J'aimerais bien souligner que l'actuel ministre de la Justice n'a pas fait les manchettes avec cette proposition. Peut-être que le ministère a pris un virage, maintenant. On va proposer d'autres choses. Peut-être qu'on a déjà laissé tomber l'unification des cours de justice. Peut-être que le ministre va nous répondre. Vous voyez qu'on revient continuellement sur les mêmes problèmes, sans faire vraiment beaucoup de progrès.

De toute façon, nous sommes en 1985. Il y a le livre blanc de 1975 et on n'a pas vraiment donné suite aux propositions qu'on y retrouve. On n'a pas vraiment proposé autre chose, non plus. On a l'impression que les ministres, successivement, ont considéré l'ampleur du ministère de la Justice comme une montagne infranchissable et qu'ils ont renoncé à trouver des solutions. Les décisions prises et les actions entreprises par le ministère de la Justice sont parmi celles qui, au sein d'un gouvernement, ont le plus d'incidences directes sur la population. Dans une large mesure, elles traduisent la conception qu'un gouvernement a de la société. C'est au ministère de la Justice qu'on décide, entre autres, quelle protection sera offerte aux citoyens, quelles possibilités leur seront offertes de faire connaître leurs droits ou encore jusqu'où on veut aller dans la protection de leurs droits et libertés. La base même des rapports entre les citoyens et de leurs rapports économiques est du ressort du ministère de la Justice. (11 h 15)

Comment peut-on expliquer que le gouvernement actuel ait décidé de faire de ce ministère un ministère de second plan? Le gouvernement parle depuis des années d'humaniser la justice, mais la perception qu'il en a produit les effets contraires; par

exemple, les longs délais devant certains organismes et j'admets tout de suite qu'on a fait des améliorations au palais de justice de Montréal. Le fouillis législatif et réglementaire ou encore l'accès plus restreint à l'aide juridique contribuent à creuser encore plus le fossé avec les contribuables. Quoi qu'en dise le ministre, la justice est de plus en plus perçue par plusieurs comme l'affaire des spécialistes. Même si on a une semaine juridique, ni la population, ni les spécialistes n'y trouvent leur compte.

Si la situation a empiré plutôt que de s'améliorer au cours des huit dernières années, cela est directement attribuable à l'actuel gouvernement. Il a décidé de jouer à l'autruche au lieu d'exercer les pouvoirs qui lui sont dévolus.

Pourtant, la justice a déjà été considérée comme un secteur majeur au Québec. Le Québec a même déjà été à l'avant-garde de la justice au Canada, c'était sous le gouvernement de M. Bourassa. Le Québec à cette époque a vraiment pris les devants. Je peux vous donner trois exemples: l'instauration de notre régime d'aide juridique au début des années soixante-dix, la création de la Cour des petites créances durant la même époque et l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec en 1975, et j'en passe.

Pour que la justice reprenne la place qui lui revient, il faudrait que le gouvernement ait la volonté politique de lui redonner cette place. Il faudrait aussi qu'il ait une vision globale qui lui manque. Malheureusement, les propos du ministre démontrent clairement qui ni l'une ni l'autre de ces conditions n'est remplie et je ne peux pas blâmer le ministre actuel étant donné qu'il est en fonction depuis seulement environ 13 mois.

La meilleure preuve à cet effet réside dans le fait que des réformes sont reconnues comme nécessaires tardivement ou que, une fois effectuées, on tarde à les mettre en vigueur. L'un et l'autre de ces cas peut être illustré par la réforme du Code civil et la réforme de la Loi sur le coroners. Je ne veux pas insister sur ces deux points parce que j'ai déjà fait des remarques sur ceux-ci.

De plus, depuis 1975, année de la parution de La justice contemporaine au Québec du gouvernement de M. Bourassa, aucun effort sérieux n'a été fait pour trouver des solutions s'inscrivant dans un contexte global. Sur ce dernier point, on m'a déjà répondu que le gouvernement préférait l'action aux grands livres ou aux grandes théories. Le ministre actuel a parlé des grandes théories, je pense que c'était l'an dernier.

Le résultat de tout cela, c'est qu'aujourd'hui nous ne nous trouvons ni devant des grands livres, ni devant des actions concrètes valables. Ce qu'on nous présente est, dans la plupart des cas, trop peu et trop tard. Je comprends les deux ministres de la Justice qui se sont succédé d'avoir considéré l'énoncé de politique présenté par le gouvernement de M. Bourassa comme extrêmement valable. Je comprends aussi qu'ils aient décidé d'en suivre les principales recommandations. Ce que je comprends moins, c'est qu'ils n'aient pas saisi que des actions à court terme s'imposaient, qu'ils n'aient pas compris, non plus, que la société a évolué. Certains problèmes auxquels les citoyens sont confrontés au niveau de la justice sont facilement identifiables pour qui veut bien s'en donner la peine. J'aimerais en citer quelques-uns au ministre.

L'inflation législative et réglementaire. Il est devenu quasi impossible pour un simple citoyen de connaître ses lois et obligations. De plus, il résulte de cette situation qu'un poids financier de plus en plus lourd repose sur le justiciable et sur son entreprise. On parle depuis combien d'années de déposer une loi-cadre sur les règlements? Combien d'années? Franchement, cela ne prendrait pas beaucoup de temps à adopter une telle loi. Peut-être que le ministre a déjà un avant-projet de loi quelque part dans son ministère. Peut-être qu'un avant-projet de projet de loi circule ici et là. Ce sont des années, quand même. Il y a une telle loi au fédéral. Il y a une telle loi en Ontario. Il y a une telle loi dans d'autres juridictions. Je ne sais pas pourquoi il faut que le Québec soit en arrière dans ce domaine.

Prenons la loi sur la sécurité routière. C'est incroyable. Ce n'est peut-être pas la faute du ministre de la Justice. Cette loi n'est peut-être pas passée par son ministère. Je n'en sais rien. On a une loi sur la sécurité routière qui a été adoptée il y a deux ans; il y a quelques mois, on y a fait 200 modifications, 200 amendements. C'est incroyable! Demandez à n'importe quel juriste au Québec ce qu'il pense de cette façon de légiférer. C'est incroyable!

Regardez dans les recueils de lois des autres provinces. J'ai fait une comparaison de deux ans avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas la même chose. Il n'y a pas de modifications comme on en a ici. Ce n'est pas sérieux ici. J'ai l'impression qu'on dépose un projet de loi en se disant: S'il y a 53 erreurs, on va les corriger au printemps ou à l'automne. Ce n'est pas nécessairement - et je le répète - la faute du ministre de la Justice ou du ministère de la Justice et je comprends que toutes les lois ne passent pas par le ministère de la Justice, mais le problème est là au sein du gouvernement. Il y a une erreur qu'on m'a signalée aujourd'hui; j'ai reçu une lettre ce matin et je la cite: "M. le député, je tiens à vous souligner que lors de la rédaction des articles créant le ministère des Relations

internationales (Lois du Québec 1984, chapitre 47, aux articles 70 à 101) et le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes (1984, chapitre 47, aux articles 109 à 111), les légistes n'ont prévu aucun article de concordance, aucun article de modification globale et aucun article de renvoi permettant d'effectuer les modifications requises dans diverses lois où l'on réfère au ministre ou au ministère des Affaires intergouvernementales maintenant aboli. Une telle erreur de légistique me semble grossière." Je n'ai pas vérifié la véracité de ce que je viens de vous lire, mais cela m'a été envoyé par un juriste.

Il y a des gens qui nous surveillent. Il y a des gens qui font l'étude de nos lois. Il y a des gens sérieux qui font des études et, quand on les consulte, ils sont très déçus de ce qu'on fait ici à l'Assemblée nationale en ce qui concerne nos lois.

Aussi, il y a la prolifération des organismes administratifs. Les quelque 200 organismes existant actuellement rendent la machine gouvernementale trop envahissante. Il en résulte un accroissement considérable de la demande de services juridiques et de recours aux organismes administratifs et judiciaires. Le justiciable doit souvent ici encore faire face à des problèmes d'ordre financier. Le ministre a déjà soulevé une suggestion de l'Opposition en ce qui concerne le remboursement des frais judiciaires aux contribuables qui vont contester la décision d'un organisme administratif et qui gagnent leur cause. Je pense que c'est quelque chose a ne pas rejeter du revers de la main, qu'il faut étudier cette question davantage. Il y a un certain mérite. Il faut envisager le remboursement d'une façon autre que celle que j'ai suggérée dans mon document. Il y a quelque chose à faire, je crois, dans ce domaine, et ce n'est pas seulement la question du remboursement, c'est de mettre un frein aux poursuites injustes de certains tribunaux administratifs, de mettre un frein à certaines interventions de certaines commissions, de certaines régies, etc. C'est une question à revoir. Il y a une certaine faiblesse de l'organisation policière, il y a une certaine inefficacité des services policiers municipaux. J'aimerais souligner que la commission des institutions s'est donné le mandat d'étudier cette question bientôt. On va avoir l'occasion d'étudier toute cette question à fond. Malgré des effectifs totaux de plus de 13 000 policiers et des coûts de plus de 700 000 000 $ - ce sont les coûts non seulement du ministère de la Justice, mais les coûts totaux pour les services de police - les citoyens ne peuvent être assurés de recevoir des services adéquats. Cela s'explique, entre autres, par les tâches trop diversifiées qui incombent aux policiers, par l'obligation faite à des municipalités relativement petites d'assurer des services et par un manque de coordination et de contrôle administratif. Comme je viens de le dire, on reviendra sur ce problème. Le ministre a souligné qu'on a pris le chiffre de 5000, qui était dans les lois municipales; maintenant, le chiffre est de 20 000 de plus en plus au lieu de 5000. Il faut réévaluer et réétudier ces services de police. Il me semble que le gouvernement n'a pas de politique en cette matière.

Pour les services correctionnels, il n'y a aucune politique globale du gouvernement, à ma connaissance. Après maintes démarches lors de l'étude des crédits - cela m'a pris peut-être trois, quatre ou cinq ans; j'ai tellement critiqué le ministre de l'époque que je crois qu'il a été un peu gêné -finalement, on a produit deux documents qui sont censés encadrer la politique du gouvernement en ce qui concerne les services correctionnels. Ce n'étaient pas des documents très forts, je crois. Si je devais faire un résumé de ces documents, je dirais qu'on a répété et qu'on a vulgarisé les lois et les règlements en ce qui concerne les services correctionnels et qu'on a mis cela sous forme de documents. Il y a beaucoup de choses à faire dans ce domaine. Je ne veux pas revenir sur les promesses de l'ancien ministre de la Justice qui a dit en 1977: On va fermer Parthenais. Je ne veux pas revenir sur certaines améliorations que le gouvernement a promises et qu'il n'a jamais réalisées. Même aujourd'hui, je ne veux pas revenir sur mes chiffres parce que les derniers chiffres que j'ai sont que 80 % des détenus sont dans nos prisons pour des sentences de 90 jours et moins. Peut-être que les chiffres ont changé depuis quelques mois parce que j'ai entendu dire qu'il y a d'autres chiffres. Les chiffres que j'ai sont que 50 % des gens en prison sont là pour des infractions routières. Il faut peut-être revoir ces chiffres; je n'ai pas les chiffres d'aujourd'hui, je m'excuse. Il faut qu'on se pose la question suivante: Faut-il emprisonner pour des petites infractions? Qu'est-ce que cela donne? Je crois que cela ne donne absolument rien. Le cas échéant, ne faudrait-il pas mettre de la pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il fasse des modifications au Code criminel afin qu'on n'emprisonne pas pour des petites infractions? Il y a toute une politique à élaborer dans ce domaine. (11 h 30)

Je peux parler des victimes d'actes criminels, puisque le ministre l'a déjà mentionné. Moi, je trouve qu'on ne fait pas grand-chose au Québec. Quand j'ai besoin de données, quand j'ai besoin d'idées, ce n'est pas dans les documents produits par le gouvernement du Québec que je vais puiser, c'est plutôt dans les documents du Solliciteur général du Canada, dans les documents du Solliciteur général ou du Procureur général

de l'Ontario. Quatre ministres ont fait une consultation auprès des victimes d'actes criminels en Ontario. Ils ont produit un excellent rapport, et même nos criminologues de l'Université de Montréal ont participé à ce travail. Quand on parle des droits des victimes, pensons aux femmes battues, pensons aux politiques qu'on a instaurées au Manitoba, par exemple, et un peu en Ontario. Je ne crois pas qu'on soit en avant de ces provinces. Je pense que le Procureur général du Manitoba, M. Penner, a fait beaucoup plus de choses en ce domaine que l'ancien ministre de la Justice au Québec.

Le Président (M. Gagnon): Vous devez conclure.

M. Marx: Oui, mais j'ai donné quelques minutes de plus au ministre.

Le Président (M. Gagnon): C'est ça. J'ai pris en considération les minutes que vous avez données de plus au ministre et vous êtes rendu exactement à 35 minutes. Ça va!

M. Marx: Dans quelques minutes j'aurai terminé. À Chicoutimi, on avait un projet d'aide aux femmes victimes de violence. M. Bédard s'est toujours vanté de ce programme qui était dirigé par Mme Marthe Vaillancourt. Or, le programme n'a pas été renouvelé. Est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi cela n'a pas été renouvelé? Je ne veux pas faire un procès d'intention, je ne fais que soulever la question.

L'accès à l'égalité des femmes et des membres des minorités ethniques et linguistiques demeure aujourd'hui, comment dirais-je... On n'a pas donné suite à cela, il n'y a pas de règlement. J'insiste sur cela. Depuis 1982, le ministre n'a pas déposé de règlement en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité ou en ce qui concerne la non-discrimination envers des femmes pour ce qui est des avantages sociaux. En Ontario et dans d'autres provinces, les femmes vont contester cette discrimination en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, article 15. Je crois que ce sera impossible au Québec.

Ces quelques exemples démontrent qu'à peu près tous les secteurs méritent d'être reconsidérés: législation, réglementation, administration des tribunaux, services policiers, services correctionnels, reconnaissance des droits des victimes d'actes criminels, accès à l'égalité des femmes et des groupes minoritaires, etc.

Je pense que je vais m'arrêter ici car cela deviendrait un peu long. Ce serait difficile pour le ministre de digérer tout cela et je ne veux pas qu'il ait une indigestion. En concluant, je dirais qu'il est clair que le gouvernement a négligé la justice, au détriment des citoyens. Le gouvernement, par son inaction, en laissant la situation se détériorer, a provoqué une diminution de l'accessibilité des citoyens a la justice. Il est un peu tard pour que ce gouvernement puisse corriger son tir, mais je me permets quand même, en terminant, de suggérer au ministre de prendre en considération toutes les recommandations qui lui ont été faites par l'Opposition et par d'autres groupes, par exemple, par le Barreau du Québec. Je me permets aussi de rappeler au ministre que des solutions existent, qu'elles sont à notre portée dans la mesure où on a une volonté politique d'agir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Oui, très brièvement, M. le Président - je pense qu'on pourrait recommencer, de vingt minutes en vingt minutes, chacun - je vais prendre cinq minutes pour relever certaines choses.

Le député de D'Arcy McGee tout à l'heure m'a remercié d'avoir évoqué le fait qu'il n'avait peut-être pas les ressources de tout un ministère pour faire son document et il a dit que, ma foi, on ne devrait pas lui en vouloir s'il y avait quelques erreurs de virgule. M. le Président, ce n'est pas de cela qu'on parle. Il nous dit qu'il y a 1800 règlements au Québec, ce qui constitue 100 % de plus qu'en Ontario, alors que les chiffres indiquent 5 % de plus qu'en Ontario; ce n'est pas exactement là une virgule ou une nuance. 11 nous dit que les délais ont doublé en Cour supérieure, alors qu'ils ont diminué de moitié, M. le Président. Cela n'est pas tout à fait une virgule, ça.

M. Marx: Les chiffres n'étaient pas disponibles quand j'ai produit le rapport. Vous ne pouvez pas me critiquer pour quelque chose...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! M. le député, la parole est maintenant au ministre.

M. Johnson (Anjou): II se réfère, M. le Président, à de la législation française et américaine dont l'application n'a pas du tout l'effet qu'il décrit dans son document, mais pas du tout! Je prends encore cet exemple du "Equal Access to Justice Act" de 1981 aux États-Unis. 64 personnes sur 250 000 000 d'Américains ont été indemnisées en vertu du "Equal Access", et il nous présente cela comme une panacée.

Il nous dit aujourd'hui: Ecoutez, c'est une idée. On n'administre pas un ministère et on ne fait pas évoluer la justice juste

avec une idée; il faut avoir des projets. La différence entre une idée et un projet, c'est d'être capable de le quantifier, d'être capable de trouver les instruments et de le mettre en branle, M. le Président.

Quand, dans son document, il nous parle du problème de la cohérence législative au gouvernement, il se trompe dans les exemples qu'il donne. Il se trompe, notamment, au sujet d'une certaine modification. Comme exemple d'incohérence législative, il cite la modification apportée à l'article 110 de la Loi sur la qualité de l'environnement par l'article 35 de la Loi modifiant diverses dispositions législatives, l'omnibus de 1981, au chapitre 23. Il prétend que la loi omnibus de l'automne 1981 a modifié l'article 110 de la Loi sur la qualité de l'environnement pour y ajouter un deuxième alinéa qui existait déjà dans cette loi. Il se trompe, M. le Président.

La modification proposée dans la loi omnibus n'avait pour but que de modifier la version française de l'article 110 de la Loi sur la qualité de l'environnement pour y insérer un alinéa qui avait été omis dans la version française, alors qu'il avait été fidèlement reproduit dans la version anglaise de la loi refondue. Il s'agissait essentiellement de corriger une erreur technique et informatique, en vertu du mandat de la commission de révision et en vertu même de ce qu'est un projet omnibus.

M. le Président, quand je vois le député de D'Arcy McGee qui nous propose sa maîtrise de l'avenir pour le système de justice, pour reprendre la thématique de son chef, qu'il nous a abondamment citée, je me dis que, si c'est comme cela qu'ils veulent gérer le Québec et la justice, M. le Président, cela m'inquiète. Cela manque de rigueur, cela manque de faits, cela manque de discipline. Cela manque aussi d'appréciation des contraintes que le Québec vit. On veut encore nous faire un univers à la "Alice in Wonderland". C'est fini, cette période au Québec, M. le Président. C'est fini dans l'éducation, c'est fini dans les affaires sociales et c'est fini dans la justice.

Ce n'est plus vrai qu'on va trouver des solutions pour les citoyens du Québec en prenant, juste dans une phrase, 63 000 000 $ de plus pour les contribuables. Il faut rationaliser les services; il faut préciser les objectifs; il faut amener les intervenants qui sont dans le milieu à faire des réallocations de ressources; il faut prioriser les actions. C'est cela qu'on fait, M. le Président, au ministère de la Justice.

Quand on parle d'humanisation de la justice, on ne parle par d'écrire 250 pages basées sur des faits tronqués, essentiellement, qui ont comme effet aussi de donner aux députés des pages 5 dans le Devoir, mais basées sur quoi, sur quel genre d'études sérieuses? On parle, nous, très concrètement d'un palais de justice, de s'organiser pour impliquer le personnel, d'abord, pour s'assurer qu'il y a une communication entre les services; deuxièmement, pour qu'il y ait une communication entre tous les services et les citoyens, services dans lesquels les citoyens reçoivent une satisfaction.

Pourquoi, M. le Président? Parce que je postule une chose: je postule que l'appareil du ministère de la Justice, au Québec, a fait de grandes choses dans cette société depuis quinze ans, qu'il doit maintenir ces progrès du Québec et que son problème, en ce moment, comme pour l'ensemble de l'activité étatique, c'est de maintenir les acquis que le Québec s'est donnés, alors qu'il vit dans un contexte de ressources différent.

Deuxièmement, il vit surtout une époque, M. le Président, où ce n'est pas vrai que les réponses aux problèmes de la société québécoise ne vont venir que des ministres et des sous-ministres à Québec. Il y a plein de gens dans cette société qui ont des idées et qui sont capables de régler les problèmes et de faire des suggestions.

C'est en ce sens que, notamment, l'ensemble des tables de concertation qu'on a mises sur pied en matière de prévention de la criminalité dans les régions du Québec depuis trois ans fonctionnent. Cela a donné des résultats, M. le Président, en matière de protection de la jeunesse. Ce ne sont pas juste des discours, pas juste des documents publiés sur la base de faits invérifiables ou invérifiés. Je pense que c'est comme ça qu'il faut gérer le Québec. Le Québec n'a pas besoin d'être géré seulement par de vagues idées, il a besoin d'être géré par des projets. Des projets, ça présuppose qu'on tient compte des contraintes et de la mise en oeuvre des politiques.

En ce sens, M. le Président, quand je disais que l'attitude du député de D'Arcy McGee était défaitiste, je me référais aussi à autre chose: une espèce de postulat dans son attitude, notamment à l'égard de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. J'ai eu l'occasion de mentionner un certain nombre de ces choses grâce à l'intervention remarquable du député de Fabre lorsque, en l'absence d'une intervention cohérente de la part de l'Opposition en matière de justice, le député de Fabre me demandait à l'Assemblée nationale, récemment, ce que nous avions à dire et comment nous voyions l'application de la Charte des droits et libertés de la personne au Québec.

Je me rends compte que la Charte des droits et libertés du Québec, premièrement, est plus large que le Canada Bill dans son contenu. Deuxièmement, elle est plus accessible pour les citoyens en termes de mécanismes qui y sont prévus.

Troisièmement, du fait qu'elle soit plus large

dans les motifs de discrimination qu'on peut invoquer, comme dans le mode d'accessibilité aux moyens mis en branle pour son application pour la protection des droits des citoyens, elle est donc une charte qui est à la fois plus généreuse et plus près des citoyens.

J'admets avec le député de D'Arcy McGee que deux philosophies s'affrontent quant au rôle du pouvoir judiciaire dans l'interprétation des droits dans notre société. Il a fait un choix: celui de faire en sorte que l'Assemblée nationale du Québec, les élus de la population, qui peuvent changer tous les quatre ans, en partie ou en totalité, prennent un certain nombre de décisions, exercent la souveraineté du Parlement québécois. Le député de D'Arcy McGee, comme d'autres de la farine libérale, inspiré par Trudeau et quelques autres, a choisi cette voie de l'interprétation judiciaire de la réalité.

Il y aura toujours une intervention du pouvoir judiciaire en matière de droits et libertés. Nous vivons en démocratie, on n'est, quand même, pas un peuple de primitifs. Quand je vais à l'étranger, quand je vais en Europe ou à New York et que je me fais dire pas des gens aux Nations Unies: Qu'est-ce que cela veut dire qu'au Québec, vous n'ayez pas de droits et libertés, alors qu'il n'y en a qu'au Canada, je sais d'où ça vient. Cela vient de cette attitude défaitiste où on défend un système qui veut que ce soient d'abord et avant tout les tribunaux qui interprètent ces notions de progrès social, alors que nous, nous avons choisi une voie différente. Cela ne veut pas dire que nous sommes des primitifs. Mais à force de dénoncer le cheminement que le Québec a lui-même choisi depuis une douzaine d'années dans ce domaine, et même • sous un gouvernement libéral, on a créé un effet absolument dévastateur quant à l'image qui est projetée à l'extérieur du Québec, notamment au Canada anglais et aussi sur la scène internationale. Je trouve que c'est une attitude défaitiste et je trouve qu'elle rejaillit sur le Québec tout entier.

On peut avoir un point de vue différent sur l'importance qu'il faut accorder à la constitutionnalisation des droits. J'aimerais que ce débat se fasse bientôt au Québec et qu'il se fasse à l'égard de la constitutionnalisation d'un certain nombre de droits et libertés dans la constitution québécoise, pas dans le "Canada Bill", parce que c'est là qu'il y a une préhension de cette société sur ce qu'elle voit comme étant l'évolution et le progrès des droits des personnes comme des exigences d'une collectivité qui a décidé de se donner un certain nombre d'instruments pour lesquels le Québec a été innovateur au Canada pendant des années, ce qu'il doit continuer d'être.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Marx: Je voudrais juste poser une petite question.

M. de Bellefeuille: Regardez l'heure! M. Marx: On a jusqu'à 13 heures.

Le Président (M. Gagnon): Un instant, juste une question?

M. Marx: Juste une question.

M. de Bellefeuille: M. le Président, le député de D'Arcy McGee a pris déjà plus que son temps. (11 h 45)

Le Président (M. Gagnon): La parole est au député...

M. Marx: C'est une question de technique.

M. de Bellefeuille: Oui, mais le ministre va répondre par un autre discours. Merci, M. le Président.

M. Marx: D'accord. Je vais poser ma question après le député de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La parole avait été demandée par le député de Deux-Montagnes. Vous aurez sûrement l'occasion de revenir.

M. Marx: Après son discours, d'accord.

Le Président (M. Gagnon): Peut-être. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Blouin: II y a de la discorde au sein de l'Opposition.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Non, ce n'est pas une discorde au sein de l'Opposition, comme le prétend le leader adjoint du gouvernement, mais c'est que je suis coincé entre deux ministres de la Justice, un en exercice et l'autre putatif. Ce n'est pas une situation facile pour un non-juriste. Cela ne m'empêchera pas de chercher, quand même, à obtenir certaines informations du ministre, que je veux féliciter de la performance qu'il nous a donnée ce matin. Le ministre manie avec une habileté consommée un emportement mesuré qui est extrêmement efficace. Je veux l'en féliciter. Mais, quant au fond des questions, je ne suis peut-être pas convaincu entièrement du bien-fondé du point de vue que le ministre exprime. Par exemple, lorsque, à la fin de sa dernière intervention, il

a rappelé la réponse qu'il a faite à une question posée en Chambre par le député de Fabre, il a illustré la difficulté pour ce gouvernement de vivre son virage et de rendre cohérent son double langage, qui est le summum de l'incohérence.

C'est au cours d'une de ses phases séparatisantes que ce gouvernement a décidé de soustraire systématiquement les lois québécoises à l'application de la charte fédérale. À ce moment, le gouvernement traversait donc une phase séparatisante. Il a plutôt maintenant abordé une nouvelle phase néofédéraliste, grâce au virage que vous connaissez. Je ne sais pas comment le ministre va s'en tirer parce que maintenant le discours du gouvernement contient toutes sortes de professions de bonne foi. C'est l'époque du beau risque. C'est l'époque où, avec un premier ministre souriant au 24 de la rue Sussex, à Ottawa, tout est possible, alors que l'horizon était bouché jadis seulement parce que l'ancien occupant du 24 de la rue Sussex était vu comme étant bougon et difficile de caractère. M. le Président, on peut se demander si le fait que le premier ministre fédéral soit souriant est un événement politique aussi considérable que le gouvernement veut nous le faire croire.

J'aimerais bien que le ministre nous explique comment il se fait qu'avec le beau risque du néofédéralisme de l'actuel gouvernement du Québec on n'ait pas réussi à aller au bout de la cohérence de ce virage, s'il y en a une, de façon que le Québec puisse respecter tout au moins la charte fédérale des droits et cesser de soustraire à son application les lois québécoises. Ce n'est absolument pas cohérent alors de dire: Tout est possible avec le nouveau gouvernement qui est à Ottawa, nous allons prendre le beau risque de la collaboration avec ce gouvernement. En filigrane, il est très clair qu'on a renoncé à la souveraineté du Québec et que maintenant on croit au fédéralisme. Quand je dis en filigrane, je suis très généreux, parce que, en réalité, ce n'est pas rien qu'en filigrane; il y a plusieurs déclarations de plusieurs ministres que je pourrais citer pour montrer que ce gouvernement est devenu, à toutes fins utiles, un gouvernement fédéraliste qui croit au régime fédéral.

Alors, quand on croit au régime fédéral, comment se fait-il qu'on n'admette pas aussi l'existence, à côté de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, d'une charte fédérale et qu'on ne respecte pas cette charte? On est en régime fédéral ou pas. Il était cohérent de soustraire les lois québécoises à l'application de cette charte aussi longtemps qu'on était souverainiste ou séparatiste, mais quand on cesse d'être souverainiste, cela devient nettement incohérent.

Je voudrais, M. le Président, dire en passant que - dans un autre domaine - je ne sais pas combien de temps je vais siéger dans ce Parlement comme député indépendant, mais si jamais j'obtenais quelque chose comme un renouvellement de mandat, j'entreprendrais très sérieusement de réformer certaines de nos moeurs parlementaires, par exemple, la méthode par laquelle on prépare le document intitulé "Demande de renseignements, commission parlementaire des institutions", etc. Je sais que le ministre peut me dire que c'est la demande de l'Opposition officielle et que c'est en réponse à cette demande que le document est préparé. Par conséquent, si la méthode est fautive, il faut s'en prendre à l'Opposition officielle. Alors, je m'en prends à tout le monde, aussi bien à l'Opposition officielle qu'au gouvernement - je pense que c'est le rôle des indépendants - pour dire que la méthode est fautive. On apprend, par exemple, à la page 16 de ce document, qu'à une certaine date le ministère de la Justice a payé 6,90 $ à l'Office national du film du Canada pour des photographies ou illustrations pour le magazine Justice. Je pense que c'est un renseignement dont nous pourrions nous passer.

D'autre part, il y a des renseignements qui manquent. Par exemple, à la page 61 de ce même document, c'est intitulé "Copies des recommandations, commentaires et opinions formulés par la Commission des droits de la personne depuis le 1er janvier 1984". Or, contrairement au titre, ce ne sont pas des copies, mais tout simplement la liste des titres. Enfin, ces documents sont tous intéressants, mais il y en a qui ont un intérêt très particulier. Par exemple, le dernier qui est sur la liste, en date du 12 décembre 1984, "Commentaires de la Commission des droits de la personne du Québec sur le projet de loi 3, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public", en ce qui a trait à la confessionnalité scolaire. On m'informe que ce document a été déposé, il est public, il n'y a pas de problème. Si on fait un cahier répondant à des interrogations normales de parlementaires, on ne va pas dire à ces derniers que le ministère de la Justice a versé 6,90 $ à l'Office national du film pour des photos! On va plutôt mettre des copies dans ce qui est intitulé "Copies des recommandations, commentaires ou opinions". On y reviendra aux crédits suivants, l'an prochain, si c'est nécessaire.

Le ministre a reconnu qu'il y a encore des progrès à faire dans le domaine des retards judiciaires. C'est un euphémisme. Il y a, effectivement, des progrès à faire. Les progrès déjà réalisés sont, d'après les données fournies par le ministre, incontestables et même assez impressionnants. Cependant, il y a encore des retards, d'après les propos du ministre, de

l'ordre de 15, 16 et 44 mois. Le ministre et tous ses collaborateurs connaissent cet adage anglais: "justice delayed is justice denied". Je suis sûr qu'ils sont tous convaincus que c'est un adage qui est profondément vrai et qu'ils sont tous conscients de la justesse de l'observation du ministre à savoir qu'il reste beaucoup de progrès à faire. C'est bien beau de faire l'étalage des progrès qui sont faits, mais j'espère que le ministre pourra, l'an prochain, faire de nouveau étalage de progrès substantiels, de sorte que des délais de 15, 16 ou 44 mois - et d'autres que le ministre a mentionnés - ne pénalisent plus les justiciables.

Je voudrais demander au ministre de nous dire où, dans ses crédits, se trouvent les crédits pour le tribunal d'appel pour les causes relatives aux maladies professionnelles. C'est un tribunal qui sera créé en vertu du projet de loi 42 qui est devant l'Assemblée, projet de loi qui a franchi brillamment, si on peut dire difficilement mais brillamment - l'étape de l'étude détaillée et qui va bientôt revenir devant la Chambre pour la présentation du rapport et l'approbation finale, ce qu'on appelait autrefois la troisième lecture.

Le ministre du Travail qui pilote ce projet de loi 42 a beaucoup insisté sur le fait que le gouvernement avait décidé de garantir l'indépendance, l'autonomie, et la réputation d'autonomie et d'indépendance de ce tribunal d'appel pour les causes relatives aux maladies professionnelles à être créé par ce projet de loi en le faisant relever du ministère de la Justice. Ce tribunal doit donc être mis sur pied rapidement parce que là aussi il y a un cas de retards judiciaires ou parajudiciaires extrêmement graves. D'ailleurs, je pense que tout le monde est au courant que, pour certaines causes relatives aux maladies professionnelles qui sont devant le tribunal qui, à l'heure actuelle, entend les appels en ces matières, c'est-à-dire la Commission des affaires sociales, les retards sont de deux ou trois ans, ce qui fait que, là encore "justice delayed is justice denied", et il y a beaucoup de justiciables qui sont gravement pénalisés par ces retards. Alors, il y a urgence à mettre sur pied ce nouveau tribunal qui doit entendre ce genre de causes. Je voudrais que le ministre nous dise où, dans ses crédits, se trouvent les crédits qui lui permettront de mettre sur pied ce tribunal.

Je voudrais demander au ministre - j'ai l'impression qu'il n'y a pas fait allusion dans ses remarques préliminaires - si son ministère poursuit des travaux de façon intensive quant à la recherche d'alternatives à l'incarcération. À moins d'avoir eu un moment de distraction, j'ai l'impressiGn que le ministre n'en a pas parlé. Je crois que c'est une question d'une très grande importance. Je pense que l'importance de cette question s'impose à l'évidence à tous les points de vue, aussi bien à un point de vue humaniste qu'à un point de vue administratif, pour diminuer le coût de l'appareil de la justice. Alors, j'aimerais que le ministre nous mette au courant de l'état de cette question-là. Je ne m'étendrai pas, pas plus que le député de D'Arcy McGee, sur la situation à Parthenais. Nous avons eu depuis 1976 de nombreuses professions de bonne foi, de la part des deux ministres de la Justice qui se sont succédé, à propos de Parthenais. Le ministre voudra-t-il bien nous dire où en est cette question?

Je voudrais aussi demander au ministre quelle est sa politique - la politique du gouvernement, la politique de son ministère ou sa politique à lui - à propos du droit des prévenus de demander que le jury soit de langue française. Il y a une situation récente qui implique l'agent Robert Brown. Par coïncidence, c'est un agent de mon comté, mais j'espère que vous comprendrez que ce n'est pas un cas de comté que je suis en train de soulever ici, mais une question de portée générale. L'agent Robert Brown de Deux-Montagnes, accusé du meurtre de son épouse, s'est vu refuser un jury de langue française par Mme la juge Claire Barrette-Joncas. L'accusé a réclamé explicitement et à plusieurs reprises un jury de langue française et Mme la juge a jugé que, vu qu'il avait été élevé dans un milieu anglophone, il fallait lui imposer un jury de langue anglaise. Cela me paraît étonnant, M. le ministre. Et comme vous appartenez au gouvernement qui a promulgué la Charte de la langue française, je me demande quelle est votre politique. N'y a-t-il pas une sorte d'abus de pouvoir? Lorsqu'un ou une juge refuse à un accusé qui fait sa demande en français, dans un français que les journalistes ont jugé excellent, d'avoir un jury de langue française, comment se fait-il que le magistrat ou la magistrate peut refuser cette demande d'après son seul jugement et sans apporter d'autres raisons que son jugement à elle? (12 heures)

Je crois, M. le Président, que c'est la liste complète, ou presque complète, des remarques que je voulais faire. Le ministre a reproché au député de D'Arcy McGee de manquer de rigueur dans certains des documents qu'il publie. Je voudrais que le ministre manifeste la rigueur à laquelle il fait lui-même appel en répondant à ces quelques observations. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Avant de laisser la parole au ministre pour la réplique, je voudrais vous mentionner que les copies dont vous parlez, "Copies des recommandations, commentaires et opinions formulés par la Commission des droits de la personne," ont

été reçues par le secrétariat de la commission. Si certains membres de la commission veulent de ces copies; il y en a une de chaque recommandation actuellement au secrétariat de la commission.

M. de Bellefeuille: M. le Président, est-ce que je peux vous demander comment il se fait que des documents aussi importants et aussi intéressants n'aient pas été distribués et remis aux membres de la commission?

Le Président (M. Gagnon): On a reçu une copie de chacun des documents, mais on peut vous dire...

M. de Bellefeuille: M. le Président, dois-je vous apprendre qu'au parlement il y a des photocopieuses?

Le Président (M. Gagnon): Effectivement. C'est pour ça que je vous dis qu'on pourra vous en faire parvenir. Il y a aussi d'autres documents qu'on pourra vous faire parvenir sur demande.

M. de Bellefeuille: Je regrette que ça n'ait pas déjà été fait. Il me semble que ça devrait être fait...

Le Président (M. Gagnon): Je le regrette aussi, je vous dis qu'on le fera. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. le Président, je suis un peu d'accord avec le député de Deux-Montagnes. À tout le moins pourrait-on nous informer que ces documents existent sans pour autant les distribuer automatiquement, parce que ce sont des liasses assez importantes.

Le Président (M. Gagnon): Voilà. On vous informera des documents que nous avons reçus et vous pourrez en faire la demande. M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je vais d'abord passer rapidement sur les tendances qu'a le député de Deux-Montagnes à qualifier des comportements. J'ai passé là-dessus.

D'abord, à l'égard de ce qui touche la charte fédérale, est-il besoin de rappeler que le "Canada Bill" a été imposé à l'Assemblée nationale du Québec? S'imaginer qu'une telle imposition au Québec par la majorité canadienne, donc hors du territoire du Québec, canadienne anglaise, pour l'essentiel, c'était un geste qui touchait un parti politique, un mouvement, un ancien mouvement ou un éventuel mouvement, ou un actuel mouvement et un éventuel parti politique, c'est se tromper. C'est la souveraineté du Parlement du Québec qui a été mise en cause, pas ce que pensait le PQ! C'est peut-être ça qu'il faut avoir à l'esprit quand on doit non pas se satisfaire soi-même de ses convictions dans le confort de la cohérence de la solitude, mais voir comment on va manier, interpréter, gérer le présent dans un contexte de souveraineté des institutions québécoises où le Parlement, élu démocratiquement, est limité par le fait qu'on lui a imposé unilatéralement un certain nombre de choses.

En ce qui concerne les délais, je remercie le député de noter qu'il y a eu une amélioration sensible, notamment à la Cour supérieure. Je dois le dire, c'est largement dû à deux facteurs, le premier étant les instruments législatifs qu'on a donnés à la Cour supérieure au mois de juin dernier, le deuxième étant, évidemment, la vigueur avec laquelle le nouveau juge en chef, le juge Allan B. Gold, a décidé, finalement, d'appliquer ces dispositions avec ses collègues de la Cour supérieure.

Je ferai remarquer que, oui, il y, a des délais, des causes qui peuvent attendre 15, 18, 20 mois en matière civile; je parle ici des matières civiles, qu'on se comprenne bien. En matière criminelle, vous savez que dans le cas de la Cour des sessions de la paix, où transite une forte proportion du volume en matière criminelle, les délais entre la comparution et le procès sont généralement de quelques semaines, sauf, évidemment, quand on arrive à la fin du printemps, avant que le terme d'automne reprenne, alors qu'en Ontario l'équivalent de notre Cour des sessions connaît des délais qui peuvent varier n'importe où de 12 à 18 mois en matière criminelle, où on parle de gens, dans bien des cas, qui doivent être détenus.

En ce sens, je crois que le travail remarquable fait par l'équipe de la Cour des sessions depuis quelques années doit être souligné. Donc, oui , nous allons continuer à faire des efforts en matière de délais. Je crois cependant que je n'ai pas raison d'être trop optimiste quant à la capacité de les réduire de façon très sensible au point d'arriver à des délais plus ou moins équivalents à ce qu'on retrouve en matière criminelle ou en matière civile. La complexité des causes, la difficulté que représentent souvent les expertises dans ce domaine, le volume qui en soi est absolument gigantesque, je crois, imposent une limite au système. Je ne pense pas qu'on l'ait atteint encore, mais je pense qu'il ne faut quand même pas rêver en couleur.

À l'égard du tribunal d'appel en

matière de maladies professionnelles, ce sera tiré du fonds de suppléance étant donné que, d'une part, la loi n'est pas encore adoptée et qu'au moment où nous fermions le livre des crédits pour les fins de son dépôt à l'Assemblée nationale au mois de mars - je pense qu'on a déposé cela autour de la dernière semaine de mars, si je ne me trompe pas - l'ensemble des décisions n'étaient pas prises, y compris, je pense, certaines choses qui ont été décidées en commission parlementaire. Ce qui va s'appliquer, c'est la mécanique habituelle, fonds de suppléance ou fonds consolidé, selon le cas. Nous nous sommes donné, cependant, un échéancier très serré. J'ai eu l'occasion d'ailleurs d'en discuter hier avec mes hauts fonctionnaires, notre objectif étant de faire en sorte que cela soit opérationnel dès l'automne, dans la mesure évidemment où la loi est adoptée. En principe, on n'est pas censé le présumer, mais disons qu'on se fera un plan de contingence au cas où ce serait adopté.

En ce qui concerne les alternatives à l'incarcération, il y a d'abord eu une augmentation de 60 % en l'espace d'un an de l'utilisation des alternatives à l'incarcération, suivant des ordonnances judiciaires. On parle ici des travaux communautaires: 1200 personnes en 1983, une augmentation de 60 % par rapport à l'année précédente, c'est intéressant, et cela vient, encore une fois, confirmer qu'il y a une espèce - comment j'appellerais cela? - de culture du système, ou une culture organisationnelle, pour reprendre le langage bureaucratique, qui fait que, de plus en plus, on y aura recours. Il faut dire, cependant, qu'en pratique les ressources communautaires, dans l'état où elles sont actuellement, ne suffiraient pas, à toutes fins utiles, à absorber tout le volume de ce qu'a priori on jugerait comme devant aller de ce côté-là, à partir d'un jugement qui est plus de nature socio-économique, sociologique ou d'orientation qu'évidemment un jugement judiciaire, parce que la loi prévoit que c'est le juge qui décide, c'est une ordonnance. Donc, c'est un secteur qui est en développement sur le plan communautaire. Encore une fois, de 1980 à 1983, on est passé de 38 000 à 119 000 jours-séjour de personnes dans ce type de ressources. C'est donc une augmentation considérable, c'est vraiment un secteur qui se développe.

Également, dans le cas de la prévention, il y a l'ouverture d'une maison alternative à la détention en milieu carcéral. Pour les gens avant procès qui n'ont pas, par exemple, de cautionnement pour une raison ou pour une autre, nous avons appuyé une ressource communautaire extrêmement intéressante dans le centre-nord, près de Montréal, qui accueille des prévenus, donc des gens qui normalement seraient à

Parthenais. C'est réservé aux hommes dans ce cas, la plupart d'entre eux étant relativement jeunes, et c'est une ressource qui se développe. Cela commence et je pense que ce sont des ressources qui sont appelées à se développer, car j'ai eu le plaisir d'aller inaugurer officiellement cette ressource il y a quelques mois. J'ai été frappé de voir que, lors de cette modeste cérémonie d'inauguration de locaux, qui sont tout aussi modestes, il y avait là des procureurs de la couronne, des juges des sessions, des coordonnateurs policiers, des gens du réseau de détention et de prévention, en plus évidemment des gens de la ressource communautaire proprement dite. Il y a donc là, en termes de développement, un lieu qui présuppose une très bonne communication de l'ensemble de ces interventants, mais, de ce côté, disons que cela commence en matière de prévention.

L'autre question touchait Parthenais, l'éternel problème, et je ne répéterai pas ici ce qui a été dit par tous les ministres de la Justice depuis qu'ils l'ont inauguré en 1967 ou en 1968 et où les gens se sont rendu compte qu'on avait mis un centre de prévention au 14e étage ou au 25e étage; c'est haut, Parthenais, c'est pas mal loin. Il n'y a pas un endroit - il faut aller une fois à Parthenais pour s'en rendre compte - à Parthenais où vous pouvez voir le ciel ouvert, même sur le toit, dans la mesure où il y a une espèce de faux toit par-dessus, ce qui sert de patinoire à toutes fins utiles; c'est un truc qui est encadré par des bandes de hockey. Il n'y a pas un endroit où vous pouvez vous installer pour voir le ciel et juste le ciel. Vous avez des barreaux devant vous ou des morceaux d'édifices devant vous. Je n'ai jamais demandé le nom de l'architecte et du concepteur de cela, mais je dois vous dire qu'il ne devrait pas gagner un grand prix d'originalité pour avoir bâti cela dans les années soixante. Cependant, il faut dire que c'était aussi l'époque où on était convaincu que les gens qui séjourneraient à Parthenais n'y séjourneraient jamais plus de sept jours, ce qui en soi serait un endroit fort raisonnable, dans le fond, pour de très courts séjours. Ce qui n'a pas de bon sens, c'est que les gens y séjournent des mois, notamment tous ceux qui sont en prévention sans cautionnement et pour toutes sortes de raisons. Il y a plusieurs accusations au criminel pour lesquelles ils peuvent se ramasser là pendant des mois et des mois. J'ai même vu un cas d'un an et demi, si je me souviens bien.

Le problème de la fermeture de Parthenais est de deux ordres: c'est-à-dire où va-t-on installer l'équivalent d'une ressource de prévention et aussi comment cela va-t-il coûter. C'est rien que cela. Où est-ce qu'on peut installer cela? Les hypothèses, c'est une annexe à Bordeaux, transformer les édifices

qui appartenaient anciennement à l'armée, je crois, ou à la marine ou je ne sais quoi, à LaSalle, ou Waterloo - il y a des variantes dans chacun des projets, je ne pense pas qu'il en manque - ou encore trouver un nouveau terrain. Quelqu'un suggérait l'île Sainte-Hélène, comme s'il y avait peut-être là une symbolique particulière, en tout cas pour ceux qui ont suivi les guerres napoléoniennes.

M. Marx: Durant la Deuxième Guerre mondiale, c'était une prison.

M. de Bellefeuille: Le ministre pensait à Bonaparte.

M. Johnson (Anjou): Oui, je pensais surtout à Bonaparte.

M. Marx: À Bonaparte. C'était...

M. Johnson (Anjou): Non pas Sainte-Hélène-de-Bagot, mais celle qui est un peu plus bas de l'Équateur.

M. Marx: Mais, à Sainte-Hélène, durant la Deuxième Guerre mondiale, il y avait une prison pour des prisonniers de guerre.

M. Johnson (Anjou): Des prisonniers de guerre. Cela était à Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix.

M. Marx: Non, non, c'était sur l'île Sainte-Hélène, à Montréal.

M. Johnson (Anjou): II y en avait une aussi à Saint-Paul-de-l'Île-aux-Noix. Alors, on a visité les mêmes édifices, mais peut-être pour des raisons différentes.

Donc, c'est cela, les sites et les hypothèses. Quand on regarde les chiffres, on parle de choses qui coûtent entre 30 000 000 $ et 40 000 000 $, sur le plan des immobilisations, selon les hypothèses. Des frais de fonctionnement entre 22 000 000 $, 25 000 000 $ ou 26 000 000 $, c'est énorme. Évidemment, dans ces frais de fonctionnement, on tient compte du transfert d'effectifs qui aurait lieu de Parthenais à l'endroit où cela serait fixé. Je vais vous le dire bien candidement, la problématique est la suivante: Waterloo présenterait des avantages certains. En termes de temps et en termes de coûts, cependant, cela représente un certain nombre d'inconvénients. L'autre inconvénient qui est présenté - je suis sûr que le député de D'Arcy McGee aura l'occasion d'en parler puisqu'il doit séjourner bientôt à Waterloo pour aller expliquer aux gens qu'ils devraient avoir le centre de prévention, il faut voir aussi qu'en pratique ce que cela peut représenter pour les familles et les avocats que d'avoir des clients qui sont situés à combien de milles de Montréal, je ne sais pas, à peu près à 45 minutes d'automobile en respectant les règlements de la circulation, M. le directeur de la Sûreté du Québec, le tout selon les époques de l'année. C'est à peu près une heure. Quand on pense aux familles en particulier et quand on pense aux clientèles qu'on retrouve en matière de prévention, compte tenu des couches sociales qui sont sont atteintes par des taux de criminalité plus élevés que d'autres - je pense évidemment è des familles à plus bas revenus - il faut tenir compte de cette dimension. (12 h 15)

Le problème de la ville de LaSalle, c'est que vous avez 10 000 citoyens - 8754 citoyens, je ne sais plus - qui signent des pétitions disant qu'ils ne veulent pas voir de prison à côté de leur bungalow. Disons les choses comme elles sont, on entend des arguments inspirés d'un humanisme absolument remarquable disant: Moi, je ne veux pas voir ma propriété foncière dévaluée. Ce sont des motifs légitimes pour tout citoyen, mais disons que ce n'est pas renversant d'humanité comme approche. Cela pose problème. Je crois connaître aussi des tensions sérieuses, à l'intérieur du caucus libéral, à ce sujet, compte tenu de la présence d'un député libéral à LaSalle, dans le comté de...

M. Marx: Marguerite-Bourgeoys.

M. Johnson (Anjou): ...Marguerite-Bourgeoys. C'est le comté de l'ancien Solliciteur général. Tiens, tiens! Dans le cas de Bordeaux, il y a deux ou trois hypothèses de réaménagement et d'addition. On est en train d'évaluer la question des coûts aussi. On aura à trancher dans ces choses-là, dans une hypothèse ou dans l'autre. On parle d'un transfert des prévenus qui prendra au moins trois ans et demi entre le moment de la décision et le moment où on peut commencer à transférer au moins une partie des clientèles. L'hypothèse d'une construction tout à fait neuve, sans réaménagement, à Bordeaux... Disons que le maire Drapeau nous donne un terrain, sans que ce soit sur le toit du stade...

M. Marx: À Outremont.

M. Johnson (Anjou): ...et que ce soit un terrain satisfaisant qui ne coûte pas cher. Oui, 42 000 000 $ d'immobilisations, c'est beaucoup d'argent, quand j'entends le discours - et il faut en tenir compte, on n'a pas le droit de ne pas tenir compte de cela - qui est tenu, avec une certaine pertinence dans bien des cas, sur l'absence de ressources dans le réseau des Affaires sociales. Si vous dites aux citoyens: Est-ce qu'on construit une prison de 42 000 000 $

ou bien si on augmente les ressources dans les salles d'urgence? C'est un beau problème a trancher et il faut tenir compte de ces facteurs.

Néanmoins, il est vrai que notre préoccupation à l'égard de Parthenais doit demeurer et je suis personnellement préoccupé par cette question depuis de nombreux mois; je pensais qu'on avait une solution à LaSalle. Elle n'est de toute évidence pas acceptée par la communauté et je ne peux pas ne pas tenir compte de cela. J'aurai, à toutes fins utiles, à trancher entre ces trois sites à partir de certaines des contraintes que je viens d'évoquer. Je souhaite, avant de quitter le ministère de la Justice, quelle que soit l'époque où souhaiterait me voir le quitter le député de Deux-Montagnes, ou que voudraient me voir le quitter mes électeurs...

M. de Bellefeuille: Il n'est pas facile, M. le Président, de distinguer entre le gouvernement et le ministre, puisqu'il en fait partie. Je donnerais de beaucoup le bénéfice du doute au ministre lui-même, mais c'est le gouvernement qui est en cause.

M. Johnson (Anjou): Je souhaiterais, M. le Président, qu'une décision qui enclenche le processus d'une façon que je souhaiterais irréversible puisse être prise avant que celui qui vous parle n'assume plus les fonctions de ministre de la Justice. Si je devais les assumer pour quatre ou cinq autres années, il faudrait bien que cela se décide très vite dans la première année du mandat suivant.

À l'égard de la question qu'il serait convenu d'appeler l'affaire Brown, je réserve mes commentaires, je préfère plutôt prendre connaissance de l'ensemble du dossier. Je ne veux même pas évoquer ce que serait une politique générale dans ce cas-là. Il faut que je voie les faits de la cause et que je me renseigne auprès de la Direction des affaires criminelles, chez nous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Juste un instant. Tantôt, je donnais des informations au sujet des documents que nous avons reçus à la commission. Ce qu'on peut fournir aux membres de la commission, c'est la liste de ces documents. Vous ferez la demande de ceux que vous voudrez avoir. On me mentionne qu'il y a certains documents qui contiennent 300, 400, 500 et 600 pages. On ne demandera pas à la commission de faire des photocopies de tout cela pour l'ensemble des membres sans qu'on en ait la demande. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je constate que nous reculons pour ce qui est de Parthenais. Il me semble que, comme parlementaires, nous avons déjà entendu des réponses du ministre de la Justice, le titulaire actuel ou son prédécesseur, qui étaient plus mordantes, qui annonçaient une solution plus proche. Là, le ministre vient de nous dire qu'il souhaite pouvoir lui-même régler ce problème avant de cesser d'être titulaire du ministère de la Justice et il précise quatre ou cinq ans, alors, il suppose un autre mandat.

Moi, j'aurais aimé entendre le ministre...

M. Johnson (Anjou): Peut-être dans la première année du nouveau mandat, donc, quelque part d'ici quelques mois.

M. de Bellefeuille: J'aurais aimé entendre le ministre dire qu'il va s'efforcer de régler le problème avant de cesser d'être le titulaire de la Justice, point, donc, d'ici quelques semaines ou quelques mois. Deuxièmement, au sujet de ce que le ministre a appelé l'affaire Brown, est-ce que je pourrais lui demander de m'informer du résultat de l'étude qu'il fera de la question, puisqu'il vient de dire qu'il va étudier la question? Est-ce que je peux demander au ministre de m'informer, en temps utile, du résultat de cette étude?

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire, pour qu'on se comprenne bien, que je ne ferai pas un comité d'études. Tout simplement, on va aller...

M. de Bellefeuille: Non, vous allez prendre connaissance...

M. Johnson (Anjou): ...aux renseignements de façon précise...

M. de Bellefeuille: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): ...et cela me fera plaisir de renseigner le député, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee, une question?

M. Marx: Oui, en réponse à mes remarques d'ouverture, le ministre a donné une réponse sur une question que je n'ai pas posée - c'était sur les droits et libertés - et je n'ai pas saisi exactement ce qu'il voulait dire sur la protection des droits et des libertés au Québec.

Est-ce que le ministre est pour l'enchâssement de ces droits et libertés, d'une façon ou d'une autre, ou est-ce qu'il tient la position de l'ancien premier ministre du Manitoba, M. Lyon, qui n'a même pas voulu avoir une charte des droits au Manitoba, au Canada, parce qu'il a voulu qu'on ait le même système qu'au Royaume-Uni, et ainsi de suite? Je n'ai pas compris le

ministre, parce que je me souviens que l'ancien ministre, M. Jacques-Yvan Morin, a déjà écrit un article dans le McGill Law Journal où il a proposé une charte des droits et libertés enchâssée pour le Canada. Je me souviens aussi du programme du Parti québécois, où on a voulu une charte constitutionnelle enchâssée.

J'ai eu un débat avec l'ancien ministre, M. Jacques-Yvan Morin, à l'Université de Montréal, où il a dit clairement que le Parti québécois et le gouvernement péquiste n'étaient pas contre l'enchâssement des lois fondamentales dans la charte canadienne, mais qu'ils étaient contre le fait qu'on ait touché les droits linguistiques. Mais, moi, j'ai bien compris que le ministre Morin j'imagine qu'il a parlé au nom du gouvernement - était d'accord avec l'enchâssement, bien sûr avec le consentement du Québec, des droits fondamentaux dans la constitution du pays.

Maintenant, si je comprends le ministre, il épouse la théorie de l'ancien premier ministre du Manitoba, M. Lyon, qui était contre l'enchâssement d'une charte. Le ministre me signale que je n'ai pas raison. J'espère que je n'ai pas raison. Mais, si je n'ai pas raison, est-ce que le ministre serait prêt à enchâsser la charte québécoise par le biais de la procédure? Cela veut dire: Est-ce que le ministre est prêt à prévoir qu'on ne peut pas modifier la charte québécoise ou y déroger sans avoir le consentement des deux tiers des députés à l'Assemblée nationale? Il y a la possibilité de prévoir dans la charte québécoise que, pour modifier cette charte ou y déroger, cela prendrait deux tiers des députés à l'Assemblée nationale. Est-ce que le ministre est prêt à accepter une telle proposition en ce qui concerne l'enchâssement dans les lois de notre charte? Le contrôle en restera toujours à l'Assemblée nationale; on aurait une certaine garantie que ce ne serait pas fait légèrement, parce que, jusqu'à maintenant, on a déjà dérogé à la charte québécoise onze fois. C'est une mauvaise habitude, mais c'est une habitude. Je ne blâme pas ce gouvernement. L'ancien gouvernement a déjà dérogé une fois, j'ai trouvé cela complètement inutile. Pourquoi l'a-t-on fait avec la Loi sur les jurés? C'est maintenant une habitude. Cela ne soulève même pas de débat au Québec quand on déroge à la charte québécoise, c'est accepté. Un politicien va faire un discours et expliquer qu'on fait cela pour le public québécois qu'on fait cela pour je ne sais quelle raison. La question que je pose au ministre est celle-ci: Est-il prêt à accepter l'enchâssement dans les lois du Québec de la charte québécoise pour prévoir que toute modification ou dérogation prendra un vote aux deux tiers des membres de l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il y a un certain nombre d'aspects que j'appellerais d'orientation ou de principe qui se posent à l'égard de toute cette approche de l'enchâssement des droits. D'abord, quels droits et, deuxièmement, quel type d'enchâssement et dans quelle Législature? Les faits, parce que c'est par là qu'il faut commencer, sont que la Charte canadienne des droits et libertés du "Canada Bill", qui contient un certain nombre de droits et libertés, contient, entre autres, des droits démocratiques. Là-dessus la position du gouvernement du Québec est que nous n'avons pas d'objection au maintien dans la constitution canadienne...

M. Marx: Ils sont déjà enchâssés dans la charte canadienne.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Nous avons dit, M. le Président, que nous n'avions pas d'objection à l'enchâssement dans la constitution canadienne, dans le "Canada Bill" de la notion des droits démocratiques. Ce contre quoi nous en avions, c'était essentiellement trois choses. La première est que l'ensemble du "Canada Bill", y compris l'ensemble de ses dispositions où l'on touche à ce qui est perçu ou évoqué comme des droits et libertés, a été enchâssé dans un contexte où la souveraineté du Parlement québécois a été mise de côté totalement. Mais totalement; C'est inacceptable; Deuxièmement, le "Canada Bill" prévoyait et prévoit un certain nombre de dispositions en matière linguistique. L'approche de ce gouvernement est que nous considérons que, compte tenu du fait que nous sommes minoritaires au Canada, minoritaires sur ce continent, comme société, la notion de droit collectif - qu'on retrouve chez un certain nombre d'auteurs comme Rivarol ou Capoterti ou d'autres, qui ont réfléchi beaucoup sur les droits collectifs - est une notion qu'il faut appliquer au territoire québécois. C'est-à-dire que nous ne devons pas, à l'égard de notre droit interne, considérer que nous ne sommes qu'une majorité qui doit reconnaître, par exemple, un certain nombre de droits collectifs à sa propre minorité. Ce que nous voulons faire, ce que nous pourrions faire avec un certain nombre d'instruments, mais ce que nous devons aussi faire, dans la mesure où nous formons une minorité dans l'entité canadienne - et nous formons aussi une minorité sociologique, démographique sur ce continent, où les pressions de nivellement culturel sont considérables - c'est nous doter

d'un certain nombre d'instruments collectifs, notamment en matière linguistique. Cela est également une notion écartée et ignorée dans le "Canada Bill", où on a homogénéisé la notion linguistique pancanadienne dans ce qui était la vision évoquée par Trudeau dans Cité libre en 1954 - vous pouvez lui dire qu'il n'a jamais changé d'idée - et où on a voulu substituer au caractère territorial de la présence et de la concentration françaises sur le territoire canadien une espèce de vision de bilinguisme qui pourrait mener à une sorte de société hybride où on n'est ni l'un ni l'autre et qui s'appellerait être Canadien tout court. Ce qui, quant à moi, ne passe pas le test de la réalité. Etre francophone dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon ou en Colombie britannique, cela n'existera même pas le jour où le Québec ne sera pas une entité, qui est le tronc commun, à toutes fins utiles, du fait français en Amérique du Nord. (12 h 30)

Ce territoire qu'est le Québec doit pouvoir préserver un certain nombre d'instruments à l'égard non seulement de sa survie mais de son développement. Dans la mesure où la Charte canadienne des droits et libertés est intervenue dans la législation linguistique, notamment à l'égard de l'accès è l'école anglaise et d'un certain nombre d'autres dispositions, cela a donné ouverture, à notre avis, à une vision qui ne correspond pas à ce qu'est Québec, fût-il dans le Canada. Si on a choisi de faire autre chose que de se regarder dans le miroir et de se dire que peut-être on n'y sera pas un jour, etc., donc on fait comme si cela n'existait pas... Mais cela existe, c'est là dans le moment; il faut le regarder et il faut faire quelque chose.

Troisièmement, le "Canada Bill", à toutes fins utiles, dans sa formulation à l'égard des droits et libertés, au-delà des questions linguistiques mais aussi à l'égard des autres aspects des droits et libertés, finalement, procède de cette vision que j'appellerais à dominante de judiciarisation. Les droits et libertés doivent passer par l'interprétation des tribunaux. Ils passeront toujours ultimement par les tribunaux, sauf que, le jour où vous constitutionnalisez de tels droits et libertés, le Parlement, fait des gens élus au scrutin démocratique dans une société démocratique, se départit à toutes fins utiles de son pouvoir de modifier, à cause d'un environnement changeant, ce qui pourrait être interprété, par des personnes qui ont une fonction judiciaire dans notre système et qui n'y ont pas les mêmes responsabilités et la même imputabilité è l'égard de la population...

M. Marx: Position de Lyon.

M. Johnson (Anjou): Si vous permettez,

M. le Président...

M. Marx: Position de Lyon.

Le Président (M. Gagnon): M. le député, M. le ministre a la parole.

M. Marx: C'est la position de Lyon.

M. Johnson (Anjou): Donc, ce que j'appellerais cette vision à prédominance d'interprétation judiciaire - l'interprétation judiciaire venant figer pour des années, dans bien des cas, l'évolution du droit et du changement dans la société - est une vision qui, à notre avis, est très différente de celle qu'on retrouve dans le chemin qu'a choisi le Québec jusqu'à maintenant en matière de droits et libertés, qui était d'avoir une charte qui serait prédominante sur l'ensemble de la législation, mais permettant à la société, par son instrument démocratique qu'est l'Assemblée élue, de venir moduler, à la suite de l'interprétation judiciaire, l'environnement juridique dans lequel nous vivons et dans lequel, démocratiquement, visiblement et avec imputabilité devant la population, la société choisit de s'adapter d'une façon ou d'une autre.

À l'égard donc de ces trois principes ou de ces trois visions du développement des droits et libertés, il nous apparaît que la position québécoise est, oui, très différente de la position du Canada anglais la-dessus, de ce qui est partagé de façon générale, devrais-je dire, au Canada anglais.

M. Marx: C'est la même position que celle de l'ancien premier ministre Lyon et de Lougheed.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, vous avez la parole.

M. Marx: Une position régressive.

M. Johnson (Anjou): Dans ce contexte, je crois que les avenues de solution pour le Québec sont les suivantes, dans la mesure où lui-même pourrait disposer de l'ensemble des droits et libertés qui ne sont pas ce qu'on appelle les droits démocratiques et que nous reconnaissons comme pouvant faire partie de la charte canadienne. D'abord, possiblement, une approche du genre qui est évoqué, qui resserre dans le fond la capacité du Parlement de venir modifier les conséquences des interprétations judiciaires sur le droit au moment où on légifère ou des réactions anticipées du système judiciaire quant à l'interprétation des droits par, par exemple, l'introduction d'une règle des deux tiers, qu'on connaît dans notre système pour certaines choses. Mais je ferais remarquer que déjà il y a la notion de majorité,

l'ouverture du Parlement et l'imputabilité qui sont là. Je ne fais pas un veau d'or de la règle des deux tiers, mais c'est vrai qu'elle a son importance et c'est une voie qui ne manque pas d'intérêt.

Il y a, deuxièmement, la possibilité de constitutionnaliser dans la constitution interne du Québec, avec les rigidités, mais, en même temps, les avantages que représente la constitutionnalisation en termes de permanence des droits; à notre avis, c'est aussi une possibilité à explorer. J'aurais bien aimé qu'on puisse l'explorer au moment où mes collègues de la commission des institutions demandaient à leurs collègues libéraux au mois de juin dernier d'accepter un mandat d'initiative visant à recenser les textes constitutionnels québécois pour qu'on en arrive, peut-être une fois pour toutes, à se donner assez clairement ce qu'est le cadre de la constitution interne québécoise. Mais, malheureusement, cela a été refusé par l'Opposition. Mais c'est une des voies de solution qui est possible. Dans ce contexte, la revendication québécoise à l'égard de cette inévitable réouverture du dossier constitutionnel tiendra compte de l'ensemble de ces aspects.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Oui, M. le Président, je me réjouis comme vous que le ministre soit avec nous aujourd'hui, mais je m'étonne de sa présence devant la commission parce que je viens de me rappeler que, d'après divers renseignements, y compris une déclaration du premier ministre hier à la Chambre, avait lieu ce matin la réunion qui était peut-être la dernière réunion du groupe spécial qui est en train de mettre au point, de peaufiner la position du Québec par rapport à ses demandes constitutionnelles. Alors, je crois que le ministre est ici. S'il est ici, comme dirait M. de La Palice, c'est parce qu'il n'est pas là et, s'il n'est pas là, le comité est en train de terminer son travail sans le ministre chargé du dossier. Alors, je me demande si le ministre est toujours dans le dossier.

Deuxième question, M. le Président. Le ministre a parlé de tronc commun. Il était très éloquent. Je suis très convaincu, moi aussi, du rôle du Québec par rapport aux collectivités françaises hors Québec. Ce sont des rameaux, ces collectivités françaises hors Québec, des rameaux du tronc commun dont le ministre a parlé. Cela me rappelle que le commissaire fédéral aux langues officielles, M. D'Iberville Fortier, a pressé le gouvernement du Québec d'inclure la protection des minorités françaises dans les autres provinces parmi ses demandes constitutionnelles. Je veux demander au ministre s'il a l'intention de le faire et, plus particulièrement à cet égard, si le gouvernement du Québec a l'intention de réclamer, dans le cadre de ses demandes constitutionnelles, que l'Ontario soit bilingue au même titre que le Québec en vertu de l'article 133 de la constitution canadienne.

M. Johnson (Anjou): Alors, M. le Président, le député de Deux-Montagnes, avec encore une fois ce talent qu'on lui connaît de qualifier les comportements ou les caricaturer, se demande si je suis là. Je peux lui dire que je suis tout ici, par exemple.

M. de Bellefeuille: Donc, vous n'êtes pas là!

M. Johnson (Anjou): Je suis tout ici.

M. de Bellefeuille: Vous êtes ici, vous n'êtes pas là.

M. Marx: L'adjoint pour ce dossier, il a la...

M. Johnson (Anjou): Sur le déroulement du processus du Conseil exécutif, je dirai que je suis sûr que le député reconnaîtra que ma présence à cette commission de l'Assemblée nationale aujourd'hui démontre le respect que j'ai de la prédominance du législateur sur l'exécutif...

M. de Bellefeuille: Ah! Que c'est beau! Ah! Que c'est beau! Ah! Bravo! C'est formidable!

M. Johnson (Anjou): ...et que de déplacer...

M. de Bellefeuille: II va falloir découper cela et encadrer cela.

M. Johnson (Anjou): ...n'est-ce pas... J'ai toujours considéré, M. le Président, que si une commission devait entendre un membre de l'exécutif, c'est-à-dire un élu de la population, le Parlement, l'institution centrale pour le Québec, c'est à moi d'ajuster mon horaire en fonction de cela et non pas le contraire.

Par ailleurs, il y a un certain nombre de réunions qui se tiennent. Évidemment, si le député faisait partie du Conseil des ministres, il saurait comment cela fonctionne, mais cela n'est pas le cas.

M. de Bellefeuille: Non, la vie est assez compliquée comme cela.

M. Johnson (Anjou): Quant à la situation des minorités hors Québec, je dirais d'abord que régler le problème des minorités hors Québec, les minorités francophones, ce n'est pas régler le problème québécois. C'est

cela qui est en cause dans la vision que peut en avoir l'État central ou la majorité dans l'État central en se disant: Dans le fond, si on donne des droits aux francophones des Territoires du Nord-Ouest, de la Saskatchewan et d'ailleurs, le Québec, en échange, doit donner exactement les mêmes droits à sa minorité anglophone. Cela procède d'une analyse de la réalité sociale, économique, culturelle qui est faussée. Ce qui a caractérisé la possibilité pour les francophones en Amérique du Nord de croître et de se développer, c'est le fait qu'ils contrôlaient, sur le territoire où ils étaient majoritaires, un certain nombre d'institutions. Allez demander cela à n'importe qui en Louisiane! Allez demander cela à à peu près n'importe quelle minorité hors du Québec, sauf le Nouveau-Brunswick, où elle ne contrôle pas les institutions, mais où la force du nombre, la forte proportion de cette minorité lui a permis de se développer à un rythme, en tant que communauté, sans perdre son identité, qui n'est pas celle du Québec, qui est différente! Je ne qualifie pas la situation économique, notamment celle du Nouveau-Brunswick, qui est très différente de celle du Québec, et cette réalité des institutions contrôlées par la minorité canadienne que sont les francophones, cela s'appelle le Québec.

Il va falloir qu'on se remette cela dans la tête à un moment donné et ce n'est pas parce qu'il y a eu un échec au référendum ou des amertumes après le 19 janvier pour certains qu'il faut oublier l'essentiel. Au-delà des convictions qu'on peut avoir, l'essentiel, c'est qu'il y a un seul territoire au Canada qui est contrôlé par les francophones qui ont moulé - je prends le domaine des droits -qui se sont donné comme société, depuis 20 ans en particulier, un certain nombre d'institutions. Dans le domaine des droits, nous avons évolué avec une rapidité encore plus grande que le reste du Canada. Pourquoi? Parce que nous étions maîtres des institutions qui nous permettaient de connaître de telles évolutions. Dire cela ne signifie pas...

M. Marx: II n'y a pas de télévision?

Une voix: Non.

M. Marx: II n'y a pas de télévision.

M. Johnson (Anjou): ...qu'on ne tient pas compte - M. le Président, peut-être encore une minute - de ce qui peut arriver aux minorités du Québec...

M. Marx: J'en suis convaincu.

M. Johnson (Anjou): ...et j'aurai l'occasion, dans les semaines qui viennent...

M. Marx: Je suis bien d'accord avec cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): J'aurai l'occasion, M. le Président, dans quelques semaines, d'annoncer un certain nombre de choses en ce qui touche les relations avec le Québec et les minorités hors Québec où il y a un cheminement intéressant qui s'est fait, je crois, depuis un an dans ce domaine.

Quant aux questions spécifiques du député de Deux-Montagnes, je lui répondrai qu'il aura sa réponse en temps et lieu.

M. de Bellefeuille: J'aurai ma réponse quand?

M. Johnson (Anjou): En temps et lieu.

M. de Bellefeuille: En temps et lieu. C'est poli, mais c'est quand même un refus de répondre. Cela m'étonne.

M. Marx: M. le Président...

M. Johnson (Anjou): C'est rigoureusement exact, M. le Président.

M. Marx: ...sur ma question sur la charte, je respecte l'opinion du ministre. Je comprends qu'il a épousé la thèse de l'ancien premier ministre du Manitoba, M. Lyon; c'est défendable. Il y a des gens qui croient vraiment cela. Il y a des juristes ici et là qui croient qu'il faut que le Parlement ait toujours le dernier mot sur les libertés publiques. On a vu lors des événements d'octobre que le Parlement fédéral avait le dernier mot, que la Parlement a adopté la loi d'urgence sur les mesures temporaires et on a écarté la déclaration canadienne des droits par une "clause nonobstant" et c'était voulu, parce qu'on veut que le Parlement ait le dernier mot. Je peux vous faire la liste des pays où le Parlement a le dernier mot, en passant par le Nigeria, l'Inde, et toutes sortes de pays. Mais cela, c'était le Parlement fédéral, pas l'Assemblée nationale, mais le Parlement fédéral. La différence, c'est qu'aux États-Unis les gens ont des droits et les droits sont toujours là. On a vu la différence entre les Japonais canadiens et les Japonais américains, leur sort durant la Deuxième Guerre mondiale. Je pense que les Japonais américains ont bénéficié de plus de droits que les Japonais canadiens. Au moins, les Japonais américains n'étaient pas expropriés de leurs droits sans procès, expropriés de leur propriété. C'est là la différence et, si la politique du gouvernement est la même que celle de l'ancien premier ministre du Manitoba, M. Lyon, je comprends.

(12 h 45)

Pour la charte québécoise, le ministre a quand même dit que c'était une idée intéressante d'enchâsser la charte québécoise dans les lois du Québec par le biais de la procédure. Il y a une façon de le faire - pas sur le fond, mais par la procédure. Il y a une certaine jurisprudence qui nous donne à croire que ce serait possible.

Maintenant, j'aimerais poser une question sur la charte canadienne. Est-ce que le ministre sait que le "Canada Bill", en français, c'est la Loi sur le Canada? Je pense qu'il ne sait peut-être pas qu'il y a un titre français aussi. Je me demande toujours pourquoi il met des mots anglais dans ses discours en français.

M. Johnson (Anjou): Disons qu'elle a été adoptée, cette charte constitutionnelle, comme si le français n'avait pas existé. Alors, cela reste le "Canada Bill", M. le Président.

M. Marx: Non, le "Canada Bill" a été adopté par un Parlement qui a déjà eu comme langue d'usage le français, c'est le Parlement du Royaume-Uni. Après la conquête normande, le français était une langue d'usage au Parlement, etc. Ma question...

M. de Bellefeuille: "Dieu et mon droit."

M. Marx: "Dieu et mon droit", oui, mais on a adopté le "Canada Bill" en deux langues. Ils n'ont pas de préjugés en Angleterre. Ils ont adopté le "Canada Bill" en deux langues...

M. Blouin: Le "Canada Bill".

M. Marx: ...le "Canada Bill" et la Loi sur le Canada. Ma question est la suivante et est très précise. Admettons, étant donné l'amitié entre le gouvernement Lévesque et le gouvernement Mulroney, que M. Lévesque va déposer ses propositions la semaine prochaine et que M. Mulroney va sauter dessus et qu'on va avoir un "deal", admettons même que le Parti libéral du Québec soit d'accord...

M. de Bellefeuille: Le Québec ne demandera rien qu'Ottawa ne pourra pas accorder, n'est-ce pas, selon le ministre?

Le Président (M. Gagnon): Le député de D'Arcy McGee va compléter sa question. Pendant que j'ai la parole, je vous ferais remarquer que, depuis déjà un bon moment, je ne pense pas que nous soyons au ministère de la Justice mais plutôt aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Marx: Je remercie le député de

Deux-Montagnes de sa petite intervention, mais je vais terminer.

M. de Bellefeuille: Oui, mais, sur l'observation du président sur le règlement, je voudrais vous faire observer, M. le Président, que c'est le ministre lui-même, en répondant à des questions sur les deux chartes des droits, qui a parlé du rôle du Québec dans l'ensemble canadien, du tronc commun, etc.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, M. le député de Deux-Montagnes. Je ne visais personne en particulier; je voulais seulement qu'on le constate. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'essaie de formuler ma question. C'est une question technique. Admettons que tout cela va bien se passer et que le Québec acceptera la Loi sur le Canada, la loi constitutionnelle de 1982, y inclus la Charte canadienne des droits et libertés. Si le Québec accepte, est-ce qu'on mettra encore la clause "nonobstant les articles 2 et 7 à 15" dans toutes nos lois? Première question.

Deuxième question. Supposons qu'on accepte la loi constitutionnelle de 1982, cela donnerait à sept provinces qui contiennent 50 % de la population le droit d'enchâsser les droits et libertés dans la constitution sans le consentement du Québec. Est-ce qu'on serait prêt à accepter cette possibilité? Une fois qu'on accepte la loi constitutionnelle de 1982, ce sera possible pour sept autres provinces, plus 50 % de la population, de l'amender sans le consentement du Québec, parce qu'on n'aura pas de veto. Je ne pense pas que vous allez demander le veto, étant donné que vous avez laissé tomber le veto du Québec. Je ne veux pas faire de débat sur cette question.

M. Blouin: Si vous ne voulez pas faire de débat, n'en parlez pas.

M. Marx: Vous comprenez le sens de mes deux questions, j'espère.

Le Président (M. Gagnon): Voilà, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Johnson (Anjou): D'abord, M. le Président, une remarque que j'ai entendue revenir avec la quantité de fiel un peu démagogique chez le député de Deux-Montagnes au sujet d'un document de travail issu de fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales sur les relations fédérales-provinciales dans le cadre de la préparation de la conférence des premiers ministres sur l'économie. J'entends souvent certains membres de l'opposition circonstancielle généraliser quelque peu leurs

propos. Mais je comprends que cela fasse leur affaire. Ils prouvent que, même s'ils constituent un mouvement, ils ont les tactiques des partis!

M. Marx: Ça va!

M. Johnson (Anjou): D'abord, je ne veux pas élaborer plus longuement que ce qui n'a été fait devant l'Assemblée sur ces questions et aller plus loin que je ne l'ai fait ce matin. Il est évident que la question que pose le député de D'Arcy McGee porte sur le contenu de ce que seront les demandes du Québec ou les propositions québécoises au gouvernement canadien et, éventuellement, aux autres provinces du Canada pour rouvrir le dossier constitutionnel. Tant et aussi longtemps que le Conseil des ministres n'aura pas statué, tant et aussi longtemps que le premier ministre n'aura pas rendu ces questions publiques, je n'ai pas l'intention d'en parler ici par anticipation. Je dirai cependant que, encore une fois, ce qui est en cause quand on parle de droit, c'est la reconnaissance ou non de la spécificité territoriale du Québec dans ce contexte.

M. Marx: On sait tout cela!

M. Johnson (Anjou): II faut aussi que cette reconnaissance ait un prolongement au-delà du discours que j'entends, notamment, venant du Parti libéral depuis quelques temps; il y a des exigences à cela, notamment en matière d'application de la Charte des droits et libertés. Il est évident que certains de ces éléments se retouveront dans les demandes du Québec.

M. Marx: J'ai posé une question technique. Le ministre devrait être capable de consulter son sous-ministre, ses autres fonctionnaires pour savoir ce qu'il pourrait être appelé à faire d'ici une semaine. Je veux savoir ceci: si, durant cette session, le gouvernement du Québec s'entend avec le gouvernement fédéral pour l'acceptation par le Québec de la Loi constitutionnelle de 1983, est-ce que le gouvernement a l'intention, encore, de mettre comme dernier ou avant-dernier article dans chacune de ses lois, une clause de dérogation aux articles 2, et de 7 à 15 de la Charte canadienne des droits et libertés? Je pense que c'est juste une question technique. Est-ce que le ministre n'a pas de réponse à une question aussi simple que celle-là?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas une question technique, c'est une question de substance. J'ai dit que ces questions de substance seront réglées par le Conseil des ministres et transmises, en temps et lieu, par le premier ministre le cas échéant. Cependant, je me permets de passer un commentaire sur l'introduction ou les propos préliminaires du député de D'Arcy McGee, M. le Président, qui laissent entendre que "We promised you a rose garden". Je comprends que le premier ministre canadien a sûrement l'envers de la médaille de son prédécesseur, enfin, je parle de l'avant-dernier prédécesseur, M. Trudeau, qu'il a démontré dans un certain nombre de dossiers une absence de préjugés, une absence de hargne à l'égard du Québec, mais qu'il sera soumis à des pressions considérables à la fois par l'appareil fédéral, par une partie de son caucus, par certaines provinces. Avant de laisser entendre que nous considérons que cela va être une partie de plaisir et très simple, je vous mets au défi de retrouver, dans les propos de qui que ce soit au nom du gouvernement, quelque propos qui pourrait vous permettre de travestir ainsi ce qui est la constatation d'un fait, c'est que c'est drôle, depuis que Trudeau n'est plus là, le Québec est capable de régler quelques dossiers avec le fédéral. C'est fort simple! De là à parler de lune de miel à ne plus finir du fait que tout va bien aller et que nous serons dans un paradis avec des petits oiseaux, c'est une autre paire de manches. Le Québec a connu sept régimes constitutionnels depuis que les premiers colons français se sont installés le long du Saint-Laurent et, à chaque fois, il a été obligé de se battre, que ce soit le serment du Test, que ce soit le moment choisi pour l'assimilation institutionnelle au moment du Parlement uni du Canada, parce que cela devenait rentable pour les autres de le faire, que ce soit la période de la bataille pour le pouvoir exécutif en 1837-1838, que ce soit même la Confédération, pour la reconnaissance, imaginez-vous, des écoles catholiques et protestantes, la bataille pour la reconnaissance du bilinguisme des institutions fédérales au niveau de la langue de la législation, jamais, comme société, parce qu'on est une minorité, parce qu'on est 6 000 000 et parce qu'il n'y a personne qui est là pour le plaisir de nous faire plaisir, jamais on ne réussira quoi que ce soit "without putting a fight".

M. Marx: Le problème, c'est que...

M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas si c'est clair.

M. Marx: ...mes questions changent, mais le discours du ministre ne change pas. C'est cela le problème. Je pense que le Parti libéral du Québec a été un assez bon défenseur des droits des Québécois.

M. Johnson (Anjou): On a vu cela à Victoria!

M. Marx: Ce n'est pas cela, la

question. Je veux que le ministre réponde à ma question et qu'il ne fasse pas son discours habituel. J'ai compris...

Le Président (M. Gagnon): M. le député...

M. Marx: II reste deux minutes.

Le Président (M. Gagnon): C'est que j'ai certaines choses à dire aussi avant qu'on suspende nos travaux. On pourra se reprendre, si vous me le permettez, cet après-midi.

M. Marx: Oui, parce que je pense que cela prendrait peut-être l'heure du lunch pour que le ministre...

Le Président (M. Gagnon): Voilà!

M. Marx: ...puisse changer son discours.

Le Président (M. Gagnon): Je voudrais juste aviser les membres de cette commission et les invités qui sont ici que, cet après-midi, après la période des affaires courantes, nous serons à la salle 81 et non pas au salon rouge. J'ajourne les travaux sine die, mais nous savons que nous devons revenir après les affaires courantes, donc après un ordre de l'Assemblée nationale.

M. Johnson (Anjou): J'aurais une question, si vous me le permettez.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Johnson (Anjou): Est-ce qu'on commence ou non le programme 1 cet après-midi?

Le Président (M. Gagnon): Oui, effectivement, les préliminaires seront terminées.

M. Johnson (Anjou): Parfait.

M. Marx: Juste une question, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Marx: Je sais que cette commission a neuf heures et demie pour l'étude des crédits. On a neuf heures et demie pour l'étude de ces crédits, dont sept heures et demie prévues pour aujourd'hui et demain et deux heures seront prévues pour un autre jour.

M. Johnson (Anjou): Un peu plus tard, effectivement.

M. Marx: Un peu plus tard. Je veux savoir cela. Supposons qu'on est censé avoir sept heures et demie aujourd'hui et demain. Aujourd'hui, j'ai remarqué qu'on a commencé à 10 h 15 et on risque de reprendre cet après-midi à 16 h 30 et de terminer à 18 heures. Je veux être sûr qu'on fasse les neuf heures et demie. Je ne vais pas priver le ministre de...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, les renseignements que j'ai eus étaient en ce sens que nous étions prêts à commencer hier. Je crois que le député D'Arcy McGee n'était pas disponible. J'avais compris que le réaménagement de l'horaire entraînait uneacceptation par les membres de la commission que nous siégerions sept heures et demie et non pas neuf heures et demie. Si on parle des deux autres heures, je dois vous dire que c'est aléatoire pour cette semaine.

Le Président (M. Gagnon): De toute façon, cela relève d'ententes je pense, entre les deux leaders.

M. Marx: Il n'y a pas d'entente.

Le Président (M. Gagnon): Oui, s'il vous plaît. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions se réunit afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Justice pour l'année financière 1985-1986. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements parmi les membres?

Le Secrétaire: II y a un remplacement. M. Mailloux (Charlevoix) est remplacé par M. Pagé (Portneuf).

Le Président (M. Gagnon): Merci. J'appelle donc le programme 1. Nous avions terminé les préliminaires cet avant-midi. Donc, on passe à l'étude du programme 1. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je ne sais pas comment mes collègues veulent aborder... Comme vous voyez, nous avons, au programme 1, la formulation des jugements, le budget de la magistrature, la déontologie judiciaire et le perfectionnement des juges...

M. Marx: La SOQUIJ, est-ce que c'est le premier programme?

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, je n'entends pas.

M. Marx: La SOQUIJ, est-ce au premier programme?

M. Johnson (Anjou): Affaires législatives, c'est-à-dire le no 11.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que nous prenons les crédits élément par élément ou si nous étudions les deux éléments ensemble?

M. Johnson (Anjou): Les éléments? Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas d'objection, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. le député de D'Arcy McGee, est-ce que vous avez...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me permettez une remarque, je pense que les membres de la commission ont reçu un sommaire d'environ trois pages sur chacun des programmes. Peut-être qu'ils veulent construire les choses à partir de là. Quant à moi, je suis disposé à répondre aux questions qui pourraient se poser dans les différents programmes.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Rousseau.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez, il y a un problème de son ici. On ne s'entend pas.

Le Président (M. Gagnon): On est en train de faire l'ajustement.

M. Johnson (Anjou): Est-ce qu'il faut vivre avec cela?

Une voix: Cela a l'air qu'il faut vivre avec cela.

M. Johnson (Anjou): C'est un problème permanent? C'est bien. Cela devrait être de même en Chambre.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va, si on approche un peu les micros, peut-être?

M. Johnson (Anjou): Un petit peu mieux.

Une voix: On n'entend rien à travers les micros.

Le Président (M. Gagnon): Vous n'entendez rien à travers les micros?

M. Johnson (Anjou): Le mien, je pense, donne du son là-bas. Le vôtre?

Une voix: C'est important pour le Journal des débats.

M. Blouin: Celui-là fonctionne, mais les nôtres ne fonctionnent pas. Est-ce qu'ils enregistrent?

Le Président (M. Gagnon): Alors, qu'est-ce qu'on fait? On parle plus fort?

Une voix: On parle fort.

M. Blouin: On va parler plus fort. Juste pour que les membres de la commission soient bien informés - voilà, cela vient - il a été convenu que les travaux pourraient se poursuivre au-delà de 18 heures, probablement jusque vers 19 heures. C'est cela? Très bien.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous le permettiez, nous pourrions poursuivre sur les périodes que, dans les collèges, on appelait de récréation, empiéter peut-être un peu plus tôt, s'assurer qu'on commence à l'heure dans la mesure du possible, sauf quand on est retenu en Chambre, et finir un peu plus tard, de telle sorte qu'on puisse faire le tour et qu'on puisse avoir à peu près huit heures ou huit heures et demie plutôt que sept heures et quart ou neuf heures et demie.

M. Blouin: Cela va.

Institutions judiciaires

Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce que vous avez des questions à poser au programme 1?

Magistrature

M. Marx: Oui. Une des revendications traditionnelles du Québec, c'est que les juges à la Cour supérieure soient nommés par le Québec. Lors des prochaines négociations constitutionnelles, est-ce que le ministre va demander au gouvernement fédéral que les juges à la Cour supérieure soient nommés par la province de Québec?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, la question du député est hypothétique encore pour quelques semaines.

M. Marx: Pour quelques semaines. Si je comprends bien, le ministre est d'accord que ce soit le Québec qui nomme ces juges, qu'on modifie l'article 96 de la constitution.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, comme le député le sait sans doute, il y a un consensus qui a déjà historiquement été établi au niveau des provinces quant à l'utilité que représenterait pour celles-ci que les juges de la Cour supérieure soient nommés par les juridictions provinciales. C'est une demande qui n'est pas caractéristique du Québec, d'ailleurs.

M. Marx: Non, mais le ministre est, bien sûr, au courant que le gouvernement fédéral a déposé un projet de modification de la constitution en ce qui concerne l'article 96 de la constitution qui nous donne un certain nombre de problèmes. Est-ce qu'il était d'accord avec cette proposition du gouvernement fédéral ou s'il n'était pas d'accord? Comment est-ce qu'il voit cela?

M. Johnson (Anjou): Je pense que nous aurons l'occasion, dans les semaines qui viennent, de répondre à ce genre de questions à partir du dossier constitutionnel.

M. Marx: Le ministre n'est pas au courant de ce dossier, j'imagine, encore.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je suis au courant, mais je pense que j'ai bien établi que je ne n'avais pas l'intention de répondre à cette question dans ce forum, comme m'y autorisent la Loi sur la Législature et le règlement.

M. Marx: Ah oui! La question n'est pas seulement constitutionnelle. La question, c'est de droit administratif, c'est la compétence de nos tribunaux administratifs. Quand même, si le ministre veut exercer son droit de ne pas parler, il a le droit de le faire.

En ce qui concerne la Cour des petites créances, est-ce que le ministre a l'intention de revoir et réétudier la loi communément appelée la loi sur les petites créances?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, d'abord, quant à l'évolution récente autour de la Cour des petites créances, je pense qu'il faut souligner des choses. Je pense que le micro ne fonctionne pas; cela recommence. La première, c'est l'augmentation de la juridiction aux petites créances, qui remonte à l'an dernier. La deuxième, c'est l'introduction de la contestation en matière d'impôt sur le revenu des particuliers au niveau de ce tribunal, qui est également une décision toute récente. La troisième, c'est cette demande réitérée par le monde des affaires ou une partie du monde des affaires à savoir qu'on puisse permettre à la Cour des petites créances d'être un lieu où les petites entreprises puissent obtenir un jugement en matière de créance. Sur les deux premiers sujets, je crois que nous évaluerons les impacts et les conséquences de cette loi probablement d'ici environ un an.

Deuxièmement, en ce qui a trait à la représentation par procureur ou l'accessibilité des moyennes entreprises à la Cour des petites créances pour les fins de recouvrement de leurs créances, c'est un problème auquel je ne vois pas de solution pratique pour le moment.

M. Marx: Le problème est qu'il y a des gens qui ont des dettes de 100 $ envers un magasin incorporé, une corporation. Ils savent donc que, s'ils ne paient pas leurs dettes, ils ne seront pas poursuivis, parce que la corporation, le magasin, ne pourrait pas, sur le plan pratique, poursuivre ces personnes étant donné qu'il faut engager un avocat, intenter une action en Cour provinciale. Tout cela coûte tout de suite plus de 100 $. Ce ne serait pas payant et il y a donc un certain nombre de gens qui ne paient pas leurs dettes parce que les créanciers n'ont pas de moyen efficace de les poursuivre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai déjà évoqué lors des crédits l'an dernier l'existence d'une réflexion qui se fait au ministère sur cette question. Je dirai que cela a été accompagné il y a quelques semaines ou quelques mois d'une visite d'un certain nombre de fonctionnaires dans l'Ouest canadien pour voir comment on réglait ces problèmes dans d'autres Législatures, le problème étant, comme on le sait, de ne pas transformer non plus la Cour des petites créances en agence de collection. Alors, comment peut-on faire pour ne pas que la Cour des petites créances devienne une agence de collection? Je pense que c'est la vraie question qu'il faut se poser dans ce dossier et on doit avoir un rapport sur cette question d'ici quelques semaines au ministère, y compris le rapport de mission dans l'Ouest.

M. Marx: Je me souviens que ce rapport a été mentionné l'an dernier, vous voyez que cela se répète d'une année à l'autre. Je pense qu'il y a trois ans on a dit: On pense à préparer un rapport. L'an dernier, on l'a commencé. Maintenant, c'est terminé, on a envoyé des fonctionnaires. Cela traîne depuis déjà trois ou quatre ans et on n'a rien fait! Aucun document n'a été rendu public. Est-ce que le ministre peut me donner une copie de ce document? Cela va au moins m'aider dans mes recherches.

M. Johnson (Anjou): Quand on l'aura. Si je comprends bien l'introduction de la question de M. le député, M. le Président, il vient de nous affirmer qu'il a vu un problème, mais qu'il n'a pas de solution lui non plus!

M. Marx: Je ne dirais pas cela, mais, si le ministre est prêt à accepter mes solutions, qu'il commence avec le paquet que je lui ai déjà remis et on va procéder une par une.

M. Johnson (Anjou): Vous ne parlez quand même pas de la nomenclature de chiffres qu'on a démolie ce matin. Ce n'est pas de cela...

M. Marx: Pas de dispute inutile aujourd'hui! Est-ce que le ministre serait prêt à nous donner une copie de cela?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'aurai un rapport de mission sur ce groupe, et, dans la mesure où je pourrai diffuser de telles informations, cela me fera évidemment plaisir de les faire parvenir à la commission.

M. Marx: On va donc les faire venir?

M. Johnson (Anjou): Encore une fois, le problème est de définir la petite entreprise pour éviter le problème qu'on évoque.

M. Marx: Vous avez dit que les fonctionnaires sont allés dans les provinces de l'Ouest...

M. Johnson (Anjou): Essentiellement, parce qu'on nous avait dit que cela marchait mal là-bas.

M. Marx: Est-ce qu'on a fait des études de la loi dans certains États américains comme la Californie, qui a innové dans ce domaine il y a au moins quelques années? Non? Cela a surtout été dans l'Ouest du Canada?

M. Johnson (Anjou): Non, pas à ma connaissance.

M. Marx: Qu'est-ce qu'ils ont trouvé comme solution, dans l'Ouest du Canada?

M. Johnson (Anjou): On va avoir le rapport d'ici quelques semaines. C'est ce que j'ai dit au début.

M. Marx: C'est cela. Mais ont-ils trouvé certaines solutions?

M. Johnson (Anjou): On nous a dit - et c'est pour cela qu'on a envoyé une mission -qu'ils pensaient qu'ils avaient trouvé des solutions et qu'ils ont des problèmes avec cela. On veut aller trouver quels sont les problèmes pour ne pas être obligés de réinventer l'allumette! Ou, peut-être, pour venir expliquer au député de D'Arcy McGee lors des crédits de l'an prochain - alors que lui et moi occuperons peut-être les mêmes fauteuils! - que, dans le fond, il n'y a pas de solution.

M. Marx: Cela veut dire qu'il n'y aura pas d'élections avant le printemps prochain!

M. Johnson (Anjou): Je prends bonne note de la suggestion du député et je la transmettrai au premier ministre.

M. Marx: S'il veut en avoir une autre: J'ai toujours prévu qu'au mois d'avril 1986 le premier ministre du Québec va déclarer qu'il y a une insurrection appréhendée en vertu de la constitution et prolonger encore le Parlement. On va s'accrocher au pouvoir.

Le Président (M. Gagnon): Excusez. À l'ordre! M. le député de D'Arcy McGee, si on revenait à l'étude des crédits, s'il vous plaît!

M. Marx: Je cherche une autre idée. Est-ce que les statistiques tombent dans ce programme aussi? Les statistiques des délais à la Cour supérieure?

M. Johnson (Anjou): Judiciaires, oui.

M. Marx: Est-ce qu'on peut avoir les statistiques les plus récentes?

M. Johnson (Anjou): Oui, peut-être pas sur le coup. Cela me fera plaisir de vous les faire parvenir.

M. Marx: Parce que je sais que les statistiques sont compilées dans chaque palais de justice. Cela devrait être un secret d'État parce que c'est très difficile de les avoir. Est-ce que...

M. Johnson (Anjou): ...consolidation au niveau de l'ensemble du Québec.

M. Marx: Puis-je avoir les statistiques... M. Johnson (Anjou): Par district? M. Marx: Par district.

M. Johnson (Anjou): Enfin, les plus importants, sûrement.

M. Marx: Parce que, dans certains districts, il n'y a pas de problème. Le problème, c'est surtout à Montréal.

M. Johnson (Anjou): Québec.

M. Marx: En matière civile. Étant donné que le ministre nous a souligné ce matin qu'on fait des progrès, et ainsi de suite, peut-être qu'il serait souhaitable qu'on publie un rapport de temps à autre pour nous donner ces statistiques comme c'est donné pour d'autres programmes. D'accord? Donc,

le ministre va faire parvenir une copie de ces statistiques.

M. Johnson (Anjou): Oui, dès qu'on aura l'état consolidé de ce que j'évoque; sûrement, avec plaisir. Cela m'apparaît un instrument normal de l'évaluation des succès législatifs ou des insuccès.

Le Président (M. Gagnon): À la commission? C'est cela que vous soulignez?

M. Marx: II va envoyer cela à la commission. Une autre question que j'aimerais poser, c'est: Est-ce que le ministère a fait une étude sur le nombre de juges qu'on a au Québec par rapport à l'Ontario? Je pense qu'un de ses anciens sous-ministres, le sous-ministre qui a précédé le sous-ministre en titre aujourd'hui, a fait un rapport sur cette question et, si je me souviens bien, la conclusion était que nous avons plus de juges au Québec qu'en Ontario par tête de pipe et les petites recherches que j'ai faites moi-même m'ont suggéré qu'il y a dans certaines cours provinciales des juges qui attendent des causes.

M. Johnson (Anjou): Au Québec?

M. Marx: Oui, en Cour provinciale. Cela veut peut-être dire qu'il n'y a pas assez de juges en Cour supérieure. Nous avons modifié la loi pour prévoir la nomination de plus de juges. J'en conviens. L'Opposition était d'accord. Mais, est-ce qu'il y a trop de juges à la Cour provinciale? Dans l'ensemble, est-ce que nous avons plus de juges par tête de pipe que l'Ontario?

M. Johnson (Anjou): Dans le cas de la Cour provinciale, il y a, à l'occasion, là comme devant d'autres tribunaux, des problèmes de gestion de rôle. 11 faut le dire dans le cas de la Cour des sessions en matière criminelle. Ces choses se sont fort bien améliorées depuis quelques années. Dans le cas de la Cour provinciale, il y a, semble-t-il, effectivement, à l'occasion, des problèmes de gestion de rôle et où les délais sont différents. Par ailleurs, il faut être conscient que les cours ontariennes et les cours québécoises sont différentes. Les County Courts en Ontario, qui sont des tribunaux de nomination fédérale et qui n'existent pas au Québec, prennent une place considérable dans le système et la comparaison des effectifs en fonction des juridictions devient passablement complexe. On pourrait dire qu'une bonne partie de ce qui est fait par les County Courts ontariens est fait ici par la Cour supérieure.

M. Marx: Oui, mais je pense que, si vous compilez le nombre des juges des County Courts en Ontario et à la Cour suprême d'Ontario et que vous allez voir combien de juges nous avons à la Cour supérieure, les chiffres démontrent qu'il y a peut-être trop de juges au Québec dans l'ensemble. L'ancien sous-ministre de la Justice a publié un discours dans le journal Le National du Barreau canadien, si je me souviens. Je pense que la conclusion était que nous avons trop de juges. Je pense que ce serait un domaine où il serait souhaitable qu'on fasse une étude. Il y a peut-être des améliorations qui s'imposent, le cas échéant. Dans certaines cours, dans certains palais, c'est sûr qu'il y en a trop, mais, dans d'autres, il n'y en a pas assez et on attend des causes, si on peut se fier aux chiffres que nous avons reçus. (17 heures)

Le Président (M. Gagnon): Cela va?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que le programme 1 est adopté?

M. Marx: Juste une autre question. Est-ce que c'est vrai que certains juges n'ont pas de secrétaire, c'est-à-dire que des juges de la Cour supérieure à Montréal, par exemple, ont une secrétaire, mais que la secrétaire doit descendre en cour pour agir comme huissier, comme clerc, comme crieur ou je ne sais quoi? Cela arrive qu'on téléphone au juge et qu'il n'y a pas de réponse parce qu'il n'y a pas de secrétaire. Cela a causé un problème à la Cour supérieure de Montréal.

M. Johnson (Anjou): Pour le moment, le juge en chef de la Cour supérieure m'apparaît, malgré certaines remarques, de façon générale satisfait du protocole dont nous sommes convenus qui, pour l'essentiel, dit que les secrétaires de juge, par ce qu'on appelle l'enrichissement des tâches, participent aux services judiciaires. Il faut bien comprendre que, quand un juge de la Cour supérieure est en délibéré pendant une semaine, cela ne fait pas beaucoup de trafic au bureau. Il y a des questions de gestion du personnel, d'efficience, d'efficacité et de rendement, compte tenu de la rémunération, des sommes d'argent qu'on y met et nous avons l'impression, malgré les tensions occasionnelles que cela a pu créer - et que cela va continuer de créer - que la participation des secrétaires à des fonctions, par exemple, qui sont reliées au travail en cour du juge est une chose d'une certaine utilité. D'abord, je pense que c'est plus valorisant; deuxièmement, je pense qu'il y a là un sentiment d'utilité évident qui doit en découler et, troisièmement, c'est une utilisation plus rationnelle des ressources.

M. Marx: Est-ce que le ministre est

aussi au... C'est un problème. On téléphone au juge. Il n'y a pas de réponse parce qu'il n'y a pas de secrétaire. Peut-être que personne n'a pensé à avoir un "switchboard". Il y a un deuxième problème. Est-ce que le ministre est au courant qu'il y a des jugements qui ne sortent pas à temps parce qu'il n'y a pas de secrétaire pour les taper?

M. Johnson (Anjou): Quand je regarde la quantité de personnel qu'il y a dans un palais de justice comme à Montréal, Québec, Sherbrooke ou ailleurs dans les plus grands districts, j'ai peine à croire qu'il manque du personnel pour taper un jugement à la machine. Il y a peut-être un problème d'affectation des ressources, mais il est bien évident que, si on veut reconduire le modèle traditionnel où chacun, finalement, ne se posait pas de questions sur les ressources, peut-être que le député peut me faire cette démonstration.

M. Marx: Est-ce que le ministre a déjà lu l'étude du juge Deschênes: "Maîtres chez eux"?

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Marx: Oui, il a lu cela. Bon! C'est une façon de régler les problèmes, de donner le pouvoir - pas le pouvoir, peut-être que le bon mot, c'est la responsabilité - aux juges de gérer leur propre palais. Un juge qui gagne, je ne sais pas, 100 000 $ par année ne peut pas demander à qui que ce soit de faire quoi que ce soit. Je trouve que c'est traiter - je ne veux pas être injuste - les juges comme des incapables. Vraiment, là, qui, dans notre société, gagnant 100 000 $ par année, n'a pas la responsabilité de gérer son personnel? Il y a beaucoup d'améliorations à apporter dans ce domaine et je trouve - je ne sais pas quelle est la politique du ministre actuel... Peut-être est-ce la même politique que celle de l'ancien ministre de la Justice, mais il y avait toujours une hésitation au ministère à donner plus de responsabilités aux juges et à enlever cette responsabilité aux fonctionnaires. Je me suis toujours demandé pourquoi. Je pense que le fait de donner plus de responsabilité aux juges amènerait peut-être un système plus efficace; peut-être peut-on en faire l'essai dans un ou deux palais de justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, notre orientation nous amène là-dessus. Le député de D'Arcy McGee n'invente rien; il n'a qu'à se reporter à l'orientation que le ministère de la Justice, de ce côté, préconise depuis maintenant près de trois ans. Sauf que, malgré le fait qu'on ait fait l'offre formelle aux juges d'assumer la responsabilité des secrétaires, huissiers et recherchistes, ils nous ont répondu qu'ils voulaient évaluer cela. Je peux les comprendre un peu. Compte tenu du rôle qui lui est dévolu dans notre société, en principe et en pratique aussi à bien des égards, d'être un peu une des colonnes de la société, le troisième pouvoir, la magistrature ne se voit pas comme devant être préoccupée par des choses aussi "vernaculaires" que les problèmes de gestion de personnel.

Cependant, la perspective d'une notion de contrôle à l'intérieur de la magistrature sur l'affectation des ressources en fonction des besoins qui sont là est une perspective qui non seulement nous agrée, mais que nous leur avons déjà proposée. Je dois recevoir éventuellement une opinion du Conseil de la magistrature là-dessus qui a été sensibilisé à cela et à qui j'ai eu l'occasion d'en reparler encore il y a quelques mois. C'est l'une des premières choses que j'ai faites lors de mes contacts, en arrivant au ministère de la Justice. Encore une fois, je peux comprendre un peu les hésitations de la magistrature. Le jour où on s'engagera dans cette voie, il y aura un caractère vraiment définitif à cela: Toutes choses étant égales par ailleurs - et je n'oserais pas comparer la magistrature à la profession médicale - un peu comme on a dit à la profession médicale dans les hôpitaux par un débat qui a été très difficile, on s'en souviendra, lors de l'adoption de la loi 27, dans le fond, il faudrait peut-être que les directeurs de départements de médecine clinique puissent avoir un certain mot à dire dans la gestion des ressources avec lesquelles ils travaillent directement.

Là, cela pose toutes sortes d'autres problèmes. C'est un peu la même chose avec la magistrature. D'une part, la magistrature nous reproche d'enquiquiner le fonctionnement quotidien par nos normes et elles ne sont pas établies en fonction strictement des besoins de la magistrature, mais des impératifs, des contraintes, des contrôles et des besoins d'autres groupes, y compris les justiciables. Par ailleurs, je crois que la magistrature est quelque peu hésitante à accepter ce type de responsabilité, mais je crois que c'est cela, la perspective qu'il faut avoir. Évidemment, il y aurait une façon de faire accepter à la magistrature le contrôle des ressources, c'est de lui garantir pour les dix prochaines années une évolution des budgets qui ressemble à celle des années soixante-dix. Mais on sait qu'on ne peut pas faire cela non plus, c'est évident. Cela ne s'appelle pas régler un problème, cela s'appelle en créer une autre sorte. Mais, à partir des ressources humaines que nous avons, je crois que cette perspective d'une implication et d'une autonomie de la magistrature sur le personnel qui est directement relié à celle-ci est une perspective normale.

M. Marx: Le ministre a-t-il proposé aux juges la gestion de personnel ou l'administration du palais? Par exemple, vont-ils avoir...

M. Johnson (Anjou): Dans un premier temps, ce qui a été proposé, c'est la gestion du personnel immédiat: recherchistes, huissiers et secrétaires.

M. Marx: S'ils ont besoin de crayons, de papier et tout cela, cela passerait par le ministère?

M. Johnson (Anjou): Dans ce contexte-là, qu'on se comprenne bien, cela devient un détail.

M. Marx: Oui.

M. Johnson (Anjou): Au gouvernement, on l'a réglé nous-mêmes avec les services centraux d'approvisionnement et tout cela. Mais le vrai pas à franchir, c'est de savoir si, oui ou non, c'est la magistrature qui va avoir les responsabilités en matière d'affectation du personnel à l'intérieur du personnel immédiat. Je comprends que la magistrature est hésitante à l'accepter.

M. Marx: Et d'administrer le palais. Je pense que - vous allez me corriger si j'ai tort - à la Cour suprême du Canada, c'est le juge en chef qui a la responsabilité de la gestion et de l'administration de la cour.

M. Johnson (Anjou): Je crois que c'est exact, sauf qu'il faut voir combien de juges il y a à la Cour suprême et quel est le volume.

M. Marx: On peut peut-être commencer avec un petit palais de justice au Québec et voir ce que cela donne. Il faut faire un essai quelque part. J'ai lu l'étude "Maîtres chez eux". Franchement, il y a des éléments que j'ai trouvés très intéressants. Au moins, le ministre a dit aujourd'hui qu'il est réceptif à cette idée. Il y a quelques années, le ministre en place était défavorable - il me semblait à l'époque - à une telle démarche: donner plus de pouvoirs aux juges en ce qui concerne l'administration des palais.

Passons à l'utilisation des salles. Avez-vous des statistiques sur l'occupation ou l'utilisation des salles, par exemple, au palais de justice de Montréal? Est-ce qu'elles sont utilisées tout au long de la journée? Est-ce qu'il y a beaucoup de salles qui ne sont pas utilisées ou qui sont utilisées seulement 40 % ou 30 % du temps?

M. Johnson (Anjou): Je vais tenter de trouver les données ici dans le cahier, je pense qu'on les a. D'abord une première chose: l'utilisation des salles est directement reliée à la gestion des rôles. On ne peut pas déduire, comme une espèce de quasi-automatisme, que nous avons trop d'espace parce qu'il y a souvent des salles qui sont vides. Le problème peut venir essentiellement de la gestion des rôles dans certains cas. Il faut être conscient de cela quand on aborde cette question.

M. Marx: On peut faire une meilleure utilisation des salles.

M. Johnson (Anjou): Pardon?

M. Marx: Est-ce qu'il serait possible de faire une meilleure utilisation des salles? Les statistiques que j'ai déjà eues, et qui datent un peu, indiquaient que, souvent, les salles n'étaient pas utilisées, c'est-à-dire qu'il aurait été possible de faire passer beaucoup plus de procès au palais de justice de Montréal. Le taux d'inoccupation des salles était assez élevé.

M. Johnson (Anjou): Je pense que le député de D'Arcy McGee sait que nous sommes sur un terrain extrêmement délicat. L'indépendance de la magistrature nous oblige non seulement à des déférences de forme mais aussi à des déférences réelles. La magistrature est celle qui, ultimement, a la responsabilité de la confection des rôles et du contexte dans lequel ils sont faits.

Deuxièmement, les délibérés des juges, c'est-à-dire ces périodes qui doivent être utilisées par ces hommes et ces femmes qui exercent le troisième pouvoir dans notre société, les périodes de réflexion pour les fins de rendre jugement, sont encore une chose qui relève d'eux et d'elles. Je ne nous vois pas nous mettre à "normer" de façon absolue quatre cours distinctes, d'abord à cause de leur diversité et ensuite à cause de la dimension de l'indépendance de la magistrature. Qu'il y ait une situation où, au moins en apparence, il puisse y avoir certains tribunaux qui ne semblent pas fonctionner à pleine vapeur comparés à d'autres, c'est fort possible. Les solutions, malheureusement, n'ont pas la simplicité de l'exercice qui consisterait à les jeter sur une feuille de papier. On a affaire à l'indépendance de la magistrature et à ce qui va avec.

Le Président (M. Gagnon): Cela va? M. Marx: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Le programme 1 est adopté?

M. Marx: Un instant! Est-ce que les juges ont leurs huissiers à Montréal? (17 h 15)

M. Johnson (Anjou): Oui. Il n'y en a pas un par juge, mais...

M. Marx: Le ministère a voulu les enlever par un acte administratif et la Cour d'appel a dit que c'était illégal. Vous avez voulu modifier cela dans un projet de loi omnibus et cela n'a pas marché. Donc, ils ont encore leurs huissiers. C'est cela à peu près?

M. Johnson (Anjou): C'est réglé, ce problème.

M. Marx: C'est réglé. Je voulais juste savoir comment cela avait été réglé.

M. Johnson (Anjou): Des dispositions ont été adoptées.

M. Marx: Oui, mais c'est cela. Si on va donner la gestion du personnel aux juges, ils vont mettre les gens où sont les besoins. Ce ne sera pas nécessaire pour le juge de se lever et de dire à tout le monde de quitter, de faire en sorte que les gens quittent la salle, d'aller dans le corridor chercher les gens: il va y avoir quelqu'un pour aller chercher les gens. Je pense que c'est souhaitable.

Est-ce qu'il y a des problèmes encore dans les corridors en ce qui concerne les procès à huis clos? Le gouvernement a décidé qu'en matière familiale il va y avoir des procès à huis clos. Nous avons dit au ministre Bédard, à l'époque: II va se trouver beaucoup de monde dans les corridors au palais de justice de Montréal. Ce n'est pas un palais qu'il a fréquenté beaucoup lors de sa pratique. Est-ce qu'il y a un problème dans les corridors? On a réglé un élément de ce problème en permettant aux avocats, je pense, d'assister aux procès.

M. Johnson (Anjou): C'est cela, et aux stagiaires.

M. Marx: Donc, ce n'est pas nécessaire de faire venir les avocats, mais il faut faire venir le reste des gens. Est-ce que c'est encore un problème que les gens soient dans les corridors? Il n'y a pas de place...

M. Johnson (Anjou): Non, je dois vous dire que, depuis l'adoption de la loi du mois de juin l'an dernier, je n'ai pas eu un seul écho de cette difficulté qui, pourtant, était bourdonnante jusqu'à l'adoption de la loi. Alors, ni le juge en chef, ni des juges individuellement, ni des avocats en droit familial n'ont évoqué avec moi ces problèmes, ni des citoyens, d'ailleurs. Je présume que le problème est largement réglé.

M. Marx: Le problème, avant, c'était quoi d'après vous?

M. Johnson (Anjou): Le problème de base, c'était ce dont à la fois les avocats et les juges se plaignaient. Pour les avocats eux-mêmes comme pour leurs clients, c'était le fait que, étant donné qu'il y avait le huis clos, étant donné qu'on ne peut pas anticiper exactement la durée d'une partie d'audition, il pouvait y avoir des gens qui s'alignaient à la porte. Ils croyaient qu'ils devaient passer, je ne sais pas, à 11 h 30; il était rendu 12 h 15 et ils partaient, ils allaient à la cafétéria plus loin. Là, le juge ou l'avocat en question sortait cinq minutes après et il fallait aller courir les gens dans la place, etc. Alors, en permettant l'accès à des stagiaires et des membres du barreau, ces questions de savoir si oui ou non c'est dans cinq minutes, dix minutes ou dans deux heures, cela permettait aux gens de savoir où on en était dans les procédures. Je pense que cela a simplifié la vie de tout le monde.

M. Marx: Je pense qu'il y a eu certaines améliorations, mais le problème n'est pas disparu complètement.

M. Johnson (Anjou): Si le député a un cas concret à me soumettre, cela me fera plaisir d'y porter beaucoup d'attention.

M. Marx: Je suis prêt. J'invite le ministre à visiter le palais avec moi, et on va voir...

M. Johnson (Anjou): Je vais régulièrement au palais de justice de Montréal. J'y suis tous les lundis et souvent les vendredis - le samedi, c'est vous qui y allez - j'y vais le lundi et le vendredi, enfin au minimum le lundi presque toutes les semaines, et il m'arrive souvent d'arrêter sur les étages. Je ne fais pas cela comme M. Chrétien à la Cour suprême, mais il m'arrive de regarder à travers la fenêtre ou les portes pour voir comment vont les choses, de me promener dans les couloirs, d'entendre les doléances des avocats, des citoyens à l'occasion aussi. On essaie de voir ce qui se passe sur le terrain. On est habitué à faire cela comme cela, nous autres, c'est pour cela qu'on peut donner des exemples.

M. Marx: C'est rassurant que le ministre aille là deux fois par semaine.

Le Président (M. Gagnon): Étant rassurés, est-ce que le programme 1 est adopté?

M. Marx: Oui, s'il n'y a pas d'autre question.

Le Président (M. Gagnon): Programme 1, les éléments 1 et 2 sont adoptés.

M. Johnson (Anjou): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Programme 2?

M. Marx: Les deux éléments en même temps.

Le Président (M. Gagnon): Voilà!

M. Johnson (Anjou): Si vous permettez: à toutes fins utiles, M. le Président, l'échange que nous venons d'avoir porte sur les deux programmes. Enfin, s'il y a des questions additionnelles sur le programme 2...

Traduction des jugements et formules judiciaires

M. Marx: Oui, j'ai une question additionnelle, une question qui me vient à l'esprit. Quelle est la politique du ministère - je sais que c'est une politique assez large - en ce qui concerne la traduction des jugements? Il arrive que quelqu'un reçoive un jugement en français et que c'est un unilingue anglophone, et, à l'inverse qu'un unilingue francophone reçoive un jugement en anglais. Est-ce qu'il y a une politique d'arrêtée au ministère sur la traduction?

M. Johnson (Anjou): Est-ce que c'est la traduction au sens, je dirais, de permettre au citoyen qui serait de langue anglaise et qui obtient un jugement de langue française d'en avoir un en anglais? Ou même parlez-vous des gens qui ne possèdent ni l'anglais ni le français? Vous parlez en termes d'accessibilité au contenu du jugement ou...

M. Marx: C'est cela. La personne reçoit un jugement...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Marx: ...et elle ne peut pas le lire.

M. Johnson (Anjou): Je dois vous dire que, à ma connaissance, il n'y a pas de politique globale sur ces questions. Surdemande, il nous arrive au ministère de faire procéder à la traduction.

M. Marx: Sur demande, oui?

M. Johnson (Anjou): Si la demande est faite, cela vient au bureau du sous-ministre associé. Maintenant, qu'on se comprenne bien, cela ne doit pas arriver 25 fois par jour. C'est très rare. Évidemment, si l'on dit que, pour avoir un jugement en souahéli ou dans quelque autre langue que ce soit, qui n'est ni l'anglais ni le français, il faut absolument s'adresser au sous-ministre associé de la Justice, je comprends qu'il n'y ait pas beaucoup de monde qui fasse des demandes. Mais non, nous n'avons pas de programme systématique de traduction des jugements.

M. Marx: Disons que...

M. Johnson (Anjou): Ce serait sûrement une bonne idée, si on découvrait du pétrole sur la rue Saint-Jacques!

M. Marx: À la Cour des petites créances, par exemple, quand quelqu'un se présente, qu'il parle l'une des deux langues officielles du Canada mais qu'il ne comprend pas l'autre, qu'est-ce qui arrive? Est-ce qu'on a un service de traduction? Est-ce que c'est le juge qui traduit? Est-ce que...

M. Johnson (Anjou): Si on parle du français et de l'anglais...

M. Marx: ...le ministère a une politique?

M. Johnson (Anjou): ...à la Cour des petites créances, on a, d'une part, les juges qui...

M. Marx: Les juges, oui.

M. Johnson (Anjou): ...la plupart du temps adaptent; et, dans certains cas, nous avons un certain nombre de greffiers qui sont là et qui ont une bonne maîtrise des deux langues.

M. Marx: Est-ce que le ministre a envoyé son sous-ministre - ou peut-être que le sous-ministre y est allé de son propre chef - à une conférence sur le droit criminel? Je pense qu'une année il y a été question de la "bilinguisation" des formules de droit criminel.

Je vais vous expliquer, M. le ministre. C'est que j'ai eu des plaintes de gens - je vais attendre que le ministre termine sa consultation avec ses fonctionnaires...

Le Président (M. Gagnon): Cela va, M. le député.

M. Marx: Je veux vous expliquer le cas. J'ai eu des plaintes d'anglophones et de francophones. Comment dirais-je? Les formules prévues par le Code criminel sont unilingues. Par exemple, à Montréal, maintenant les formules sont seulement en français; donc l'unilingue anglophone qui reçoit une sommation peut bien y lire son nom et son adresse, mais pour le reste il ne comprend pas pourquoi il a reçu une sommation. Donc, j'ai eu la bonne idée d'écrire au ministre de la Justice fédéral, qui a la responsabilité du Code criminel, et je lui ai suggéré que la langue fait partie de la procédure criminelle en ce qui concerne le

Code criminel. Je lui ai proposé que cela soit obligatoire, en vertu du Code criminel, d'imprimer ces formules au Canada dans les deux langues officielles: sommations, "summons", et ainsi de suite; que tout ce qu'il faut imprimer soit imprimé sous forme bilingue. Quelqu'un m'a dit que cette question avait été soulevée lors d'une conférence à Calgary ou dans un autre-Une voix: Edmonton.

M. Marx: ...Edmonton. Il y avait eu une proposition du gouvernement fédéral d'adopter une telle politique et d'apporter l'amendement nécessaire au Code criminel, le cas échéant. J'aimerais savoir quelle était la position du gouvernement du Québec dans ce dossier.

M. Johnson (Anjou): D'abord, il y a la position du gouvernement et, deuxièmement, ce qui s'est passé à Edmonton. La position du gouvernement est que le Québec, pour des raisons sur lesquelles j'ai eu l'occasion d'élaborer ici ce matin, comme à bien d'autres places depuis quatorze ans, constitue un endroit majoritairement francophone et où les effets de la "bilinguisation" systématique sont des effets de dilution sur la société québécoise.

Par ailleurs, il faut reconnaître qu'il faut rendre accessible un certain nombre de services aux citoyens, très concrètement. Cette "bilinguisation", en séquence ou simultanée, ne pourrait avoir lieu que dans la mesure où un certain nombre de choses pouvaient être réaffirmées; ce qui est le cas, je pense, depuis l'adoption de la loi 101 ou, enfin, ce qui reste du fromage gruyère dont on parle.

Nous avons des formules unilingues françaises, mais nous avons également disponibles des formules unilingues anglaises. Je comprends que, dans le cas de la sommation simplement par le nom et le prénom, parfois on ne peut pas déduire si la personne est francophone ou anglophone. Je comprends que, surtout dans la région de Montréal, le type de situation que décrit le député peut se présenter. Mais je vois où il veut en venir. Si je comprends bien, si j'ai bien compris, il dit que lui a décidé d'écrire au ministre de la Justice fédéral à l'époque pour lui dire: Écoutez, comme la langue de la procédure criminelle est de juridiction fédérale parce que la procédure criminelle est de juridiction fédérale, dans le fond pourquoi n'aurait-on pas des formules bilingues à Amqui?

M. Marx: Dans tout le Canada, même à Kamloops.

M. Johnson (Anjou): Oui, oui, c'est cela, et à Saint-Pâcome, et puis bon...

M. Marx: Cela ne fait pas de mal.

M. Johnson (Anjou): Dans le fond, ce que nous dit le député - et cela correspond exactement à ce sur quoi lui et moi on ne s'entend pas, une couple de choses fondamentales - c'est qu'il considère qu'un Québec bilingue, c'est comme un Yukon bilingue. Je pense que ce matin j'ai eu l'occasion d'exprimer ma conviction...

M. Marx: Le ministre est un peu simple avec ma façon de voir les choses.

M. Johnson (Anjou): ...et ma profonde conviction, M. le Président, que le Yukon bilingue et le Québec bilingue sont deux choses très différentes. Car cela s'adonne que les gens qui sont d'expression anglaise retrouvent sur ce continent toutes les influences dont ils ont besoin pour maintenir et développer leur culture et leurs caractéristiques linguistiques, alors que le Québec, lui, a besoin sur son territoire de se donner un certain nombre d'instruments qui peuvent apparaître coercitifs et contraignants pour certains.

M. Marx: Oui, mais de toute façon le ministre doit être au courant qu'une telle publication bilingue serait légale en vertu de la loi 101, car la loi 101 prévoit qu'on peut publier des dépliants en français et dans une autre langue, ou l'un en anglais et l'autre en français, ainsi de suite. Je ne veux pas faire le débat sur la question linguistique aujourd'hui, et je pense que le ministre a mal résumé ma façon de voir les choses.

M. Johnson (Anjou): Ceci dit, la position du sous-ministre associé aux affaires criminelles du ministère à Edmonton - je crois que c'était au mois d'août l'an dernier - était une position d'abstention devant... Mais, je suis sûr que, si on avait su que tout cela venait du député de D'Arcy McGee, on y aurait pensé deux fois avant de nous abstenir. (17 h 30)

M. Marx: J'espère! J'espèrel Mais j'ai voulu satisfaire ma curiosité et être sûr que ce n'est pas le Québec qui a bloqué mon idée.

M. Johnson (Anjou): Non, absolument pas!

M. Marx: Il y en avait d'autres. Il y a des Sterling Lyons partout au Canada pour faire cela.

M. Johnson (Anjou): Je pense d'ailleurs qu'il y a un comté pour des partielles dans les Territoires du Nord-Ouest bientôt. Je suis sûr que cela pourrait intéresser le député.

M. Marx: II ne faut pas être méchant! M. Johnson (Anjou): Fédérales!

M. Marx: II ne faut pas être méchant, M. le Président. J'ai proposé cela de bonne foi, et cela ne ferait pas un Québec bilingue. Quand je reçois mes formules d'impôt, c'est toujours en anglais ou bilingue, là! On peut être certain de cela! J'ai seulement voulu que les gens qui parlent l'une des deux langues officielles du Canada reçoivent des documents bilingues, comme c'est le cas en vertu d'une loi fédérale. Au Québec, on voit "Parcs Canada Parks". C'est un peu la même chose.

Le ministre s'est donc abstenu et il n'y a pas de résultat. Mais est-ce que le ministre serait pour ou contre une telle politique? Supposons que cela soit adopté et qu'on permette que cela soit obligatoire dans tout le Canada, ou, si on permet aux procureurs généraux des provinces d'adopter une telle politique, quelle sera la politique du ministre en ce qui concerne la Communauté urbaine de Montréal? Qu'on le veuille ou non, il y a beaucoup d'anglophones unilingues dans la Communauté urbaine de Montréal, comme il y a des francophones unilingues dans le Nouveau-Brunswick. Je pense qu'il faut que ces gens aient un service adéquat, surtout en matière criminelle. Je ne demande pas que tout le monde soit bilingue. Je pense qu'à Montréal les formules du service de police de la Communauté urbaine de Montréal étaient bilingues et, du jour au lendemain, ils ont changé pour une formule unilingue. Je ne sais pas si cela raffermit la position de la langue française à Montréal, mais cela cause beaucoup de difficultés aux anglophones qui reçoivent des sommations.

M. Johnson (Anjou): Cela a permis, avec d'autres choses, dans tous les domaines d'intervention en matière de législation linguistique, d'affirmer le caractère majoritairement français du Québec - c'était une chose qui lui manquait - et cela a permis, d'ailleurs, faut-il le retenir, et je pense que le député s'en souviendra, cela a permis, dis-je, au Québec, à compter de 1977, de vivre la paix linguistique qu'il n'avait pas connue dans les quinze années précédentes.

M. Marx: Est-ce que le ministre convient que le droit criminel n'est pas la même chose que l'affichage commercial en Abitibi? Le droit criminel, une sommation ce n'est pas la même chose que de recevoir une facture d'Hydro-Québec.

M. Johnson (Anjou): Je ne disconviens pas que ce n'est pas la même chose.

M. Marx: C'est la même chose!

M. Johnson (Anjou): Je ne disconviens pas du fait que ce n'est pas la même chose. Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas la même chose. Deux négations, une affirmation. Vous comprenez pourquoi j'ai de la difficulté à dire pourquoi je suis d'accord avec vous. La formule ne me vient pas spontanément!

M. Marx: Je retiens de cette discussion que je devrais continuer de mettre de la pression sur le ministre fédéral de la Justice, parce que j'ai l'appui du ministre fédéral de la Justice, du Secrétaire d'État fédéral, du Commissaire aux langues officielles, ainsi de suite. J'ai voulu m'assurer que j'ai contacté les bonnes personnes et que cela ne m'aiderait pas de faire pression sur le ministère de la Justice du Québec. Peut-être que, si je parle au ministre de la Justice du Nouveau-Brunswick, j'entendrai un autre son de cloche.

Le Président (M. Gagnon): Je vous ferai remarquer qu'à ce moment-là cela sortirait du programme qu'on étudie aujourd'hui. Est-ce que le programme 2, avec ses 3 éléments, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Gagnon): Adopté. Programme 3.

M. Marx: Non, le programme 2.1. On a juste vu le programme 1.

M. Johnson (Anjou): Vous voulez faire le programme 2.2? On va faire le programme 2.2. Il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Gagnon): Je croyais qu'on discutait des trois éléments du programme 2 en même temps. Non?

M. Marx: Non, non, on a discuté des trois éléments du programme 1.

Le Président (M. Gagnon): Attendez un peu. Il y avait seulement deux éléments au programme 1.

M. Marx: Oui, oui, c'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Tout à l'heure, on a dit que la discussion qui a eu lieu au programme 1 était, en fait, une discussion pour le programme 2. Vous avez mentionné que vous aviez une autre question à poser. Je vous demande si le programme 2 dans son entier, éléments 1, 2 et 3, est adopté.

M. Marx: Non.

Le Président (M. Gagnon): Non. D'accord.

M. Johnson (Anjou): Le Tribunal de l'expropriation?

M. Marx: Tribunal de l'expropriation. Quel est le tribunal qui s'occupe des révisions des...

M. Johnson (Anjou): En matière foncière?

M. Marx: Oui, en matière foncière. Est-ce que c'est dans ce programme ou si ce n'est pas sous votre juridiction?

M. Johnson (Anjou): Cela relève du ministère des Affaires municipales.

M. Marx: Le ministère des Affaires municipales.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Marx: Là, cela fonctionne mal. Malheureusement...

M. Johnson (Anjou): Dans un autre programme dans un autre ministère.

M. Marx: Oui, oui. Là, cela fonctionne mal, ils sont quinze ans en retard. Ils ne respectent même pas la loi. Je n'ai pas d'autres questions.

M. Johnson (Anjou): Pour le programme 2? Merci.

Le Président (M. Gagnon): Le programme 2, les trois éléments du programme 2?

M. Marx: Oui.

Enquêtes sur les décès et les incendies

Le Président (M. Gagnon): Programme 3, Enquêtes sur les décès et les incendies. Est-ce qu'il est adopté?

M. Marx: Pas tout de suite.

Le Président (M. Gagnon): Ah bon!

M. Marx: La Loi sur les coroners, ce n'est pas dans ce programme, si je comprends bien?

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est dans ce programme.

M. Marx: C'est dans ce programme? M. Johnson (Anjou): Oui.

Loi sur les coroners

M. Marx: Est-ce que le ministre est au courant qu'il y a un fonctionnaire dans son ministère qui a travaillé dix ans sur la Loi sur les coroners et qui était très heureux quand, enfin, nous avons adopté la loi en 1983? Est-ce que le ministre est au courant que son prédécesseur se vantait de cette nouvelle Loi sur les coroners que nous avons adoptée? Il a dit combien elle était importante, combien elle représentait un besoin. À l'époque - le sous-ministre était là, je pense - nous avons dit au ministre qu'il aurait des problèmes sur le plan administratif avec sa nouvelle loi. Il n'a pas voulu écouter l'Opposition, il n'a pas voulu écouter certains députés qui ont beaucoup d'expérience sur le plan pratique dans ce domaine. La loi a été adoptée telle quelle. Je pense que c'était une loi qui avait du bon sens, mais le problème, c'est que la loi n'est pas en vigueur. Est-ce que le ministre peut nous faire une autre promesse aujourd'hui en ce qui concerne la mise en vigueur de cette loi?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, la loi, comme on le sait, sanctionnée le 21 décembre 1983, va bien au-delà des modifications ponctuelles. Elle crée, à toutes fins utiles, une nouvelle institution, notamment quant au rôle, à la juridiction, à l'encadrement, aux objectifs, au statut et à la sélection des coroners. Un tel changement exigeait que, pour sa mise en place, on prenne le soin de bien planifier les choses. A l'automne 1984, par le décret 2578-84 du 21 novembre 1984, un certain nombre d'articles ont été mis en vigueur: de 5 à 33, de 163 à 169, 183, 4 et 9. La proclamation a donc permis au gouvernement, d'une part, de nommer un coroner chef et des coroners en chef adjoints; d'autre part, de concevoir, d'adopter les règlements pertinents. Le -26 novembre dernier, le coroner chef était nommé par le gouvernement et 29 différents mandats étaient confiés à celui-ci: le plan d'organisation, le budget, le règlement de sélection, le code de déontologie, les tarifs pour les coroners, ainsi que les morgues, le plan de communication, les formules requises pour l'ensemble de l'application de la loi, etc.

Depuis le mois de janvier, un certain nombre d'orientations ont pu être privilégiées par le coroner en chef, qui est Me Sansfaçon, et le coroner en chef adjoint, le Dr Grenier, qui a été nommé le 21 février. Le plan d'organisation accompagné d'un programme budgétaire sera donc incessamment disponible. J'ai eu l'occasion de revoir ces questions avec les autorités du ministère, le coroner en chef et le coroner en chef adjoint récemment. Il sera possible... Pardon?

M. Marx: Un coroner adjoint en chef, un coroner en chef adjoint, dirais-je...

M. Johnson (Anjou): Oui. M. Marx: ...ou deux?

M. Johnson (Anjou): II y en a un de nommé.

M. Marx: Mais la loi en prévoit deux. M. Johnson (Anjou): C'est ça.

M. Marx: Est-ce que le ministre... Le coroner en chef, c'est Me...

M. Johnson (Anjou): Me Sansfaçon... M. Marx: Me Sansfaçon.

M. Johnson (Anjou): ...qui est ici avec nous, d'ailleurs. Et le coroner en chef adjoint, le Dr Jean Grenier, qui est également là. Me Sansfaçon est ici dans la première rangée et le Dr Grenier est un peu à l'arrière.

M. Marx: Je pose la question. J'espère que cela ne sera pas embarrassant. Est-ce que le Dr Grenier a une formation juridique aussi?

M. Johnson (Anjou): Non. Le Dr Grenier, cependant, non seulement a oeuvré comme praticien, mais il a oeuvré dans le réseau des affaires sociales un certain temps et par la suite il a assumé des fonctions de direction à la Régie de l'assurance automobile du Québec.

M. Marx: Pour être coroner au Québec...

M. Johnson (Anjou): II est donc à la fois médecin et administrateur-gestionnaire, ce qui fait de lui un homme qui a les qualités nécessaires pour assumer ces fonctions.

M. Marx: Ce n'est pas là le problème mais en Ontario je pense qu'il faut être médecin pour être coroner; c'est un autre système. Ici, je pense que dans notre loi, pour être coroner, il faut avoir une formation juridique. Est-ce que j'ai raison de dire cela? C'est quoi dans la loi?

M. Johnson (Anjou): Pour les enquêtes publiques, cela prend un avocat, mais le coroner en chef adjoint n'est pas nécessairement juriste.

M. Marx: Cela prend une formation juridique, pas être avocat. Donc, le coroner en chef adjoint peut être coroner en chef adjoint, mais il ne peut pas...

M. Johnson (Anjou): Tenir les enquêtes publiques.

M. Marx: Tenir une enquête publique. D'accord. Parfait, ça, oui.

M. Johnson (Anjou): Cette étape achevée, il sera logique pour le gouvernement, en accord avec le bureau des coroners, de proclamer l'ensemble des articles de la loi, ce qui devrait se faire dans un avenir, espérons-le, rapproché.

M. Marx: C'est quoi, rapproché?

M. Johnson (Anjou): Cela dépend d'abord d'un certain nombre d'amendements que nous voudrons apporter par le bill omnibus à la loi, à la vérification, compte tenu d'un certain nombre de contraintes, y compris les contraintes budgétaires dont nous devons tenir compte, ce qui m'apparaît normal. Il nous apparaît que la lourdeur de certains des aspects qu'on retrouve dans la Loi sur les coroners mérite d'être allégée, soulagée...

M. Marx: Amender la loi avant qu'elle n'entre en vigueur.

M. Johnson (Anjou): Bien oui, et c'est quoi le problème?

M. Marx: Non.

M. Johnson (Anjou): Ce qu'on veut, c'est qu'elle soit efficace. D'ailleurs, je pense que le député de D'Arcy McGee va se souvenir que, dans un aéroport, enfin, à l'aéroport de Montréal, à Dorval, on a eu l'occasion d'échanger là-dessus et j'avais cru comprendre qu'il ne voyait pas là de problème.

M. Marx: C'était une conversation officieuse, pas officielle.

M. Johnson (Anjou): Oui, mais pas sous le secret professionnel.

M. Marx: Je n'ai pas compris, lors de cette discussion, qu'on va revenir sur la Loi sur les coroners qui n'est pas encore en vigueur. On va déjà faire des modifications. Si cela va aider le ministre...

M. Johnson (Anjou): Je pense que cela va permettre...

M. Marx: La collaboration... (17 h 45)

M. Johnson (Anjou): Les amendements qu'on veut proposer sont vraiment des amendements pour essayer de soulager une

quantité absolument phénoménale que cela représente sur le plan des volumes, entre autres. L'objectif de la loi était sûrement de créer une institution nouvelle, de répondre en ce sens à beaucoup de préoccupations des tribunaux, y compris les préoccupations du député de D'Arcy McGee, qui, si je me souviens bien, avait voté pour la loi. Nous constatons, à l'analyse de la programmation, qu'il y a un certain nombre de problèmes qui peuvent être énormes sur le traitement des volumes.

M. Marx: Les volumes des enquêtes ou quoi? Les volumes des...

M. Johnson (Anjou): Non, pas des enquêtes.

M. Marx: ...investigations, comme on les appelle dans la loi.

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire ces situations où serait requise une intervention du coroner, alors que dans bien des cas il s'agirait simplement... Parlons franchement: le coroner, en pratique, dans certains cas de décès, est appelé à faire de l'estampillage, francisation du "rubber stamping"; je ne sais pas si c'est bon. Alors, est-ce qu'on veut continuer à faire du "rubber stamping" ou non? Est-ce qu'on veut vraiment - 11 000 cas d'incinération par année - faire une enquête du coroner chaque fois qu'il y a un cas d'incinération?

M. Marx: Elles sont souvent signées en blanc.

M. Johnson (Anjou): Bon! On se comprend. Je pense qu'il ne faut pas se conter de blagues et voir que nous pouvons centrer l'institution du coroner sur ce pourquoi elle a été créée, ce qui veut dire que nous proposons un certain nombre d'amendements à la loi avant son entrée en vigueur, ce qui permettra de ne pas être obligé de l'amender subséquemment.

M. Marx: Donc, si je comprends bien, dans le projet de loi omnibus de cette session, il va y avoir des modifications à la Loi sur les coroners qui a été adoptée en 1983...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Marx: ...parce qu'à l'époque on n'a pas tenu compte de toutes les observations de l'Opposition. On se rend compte maintenant que la loi...

M. Johnson (Anjou): Vous verrez. Peut-être que dans certains cas c'est parce qu'on retient des suggestions qu'on n'aurait pas retenues à l'époque et peut-être que dans d'autres ce sont des choses que vous n'aviez pas vues vous non plus.

M. Marx: C'est-à-dire que la loi telle qu'elle a été adoptée, ce serait vraiment impossible de l'appliquer parce que cela coûterait trop cher pour ce qu'on va...

M. Johnson (Anjou): II y a des phénomènes de délais aussi qui vont jouer.

M. Marx: Oui, mais quand le ministre pense-t-il vraiment que la loi sera mise en vigueur? Est-ce qu'il peut nous donner une date? Il y a des gens qui demandent cela. Je ne veux pas vraiment continuer de poser ces questions, mais le ministre se souvient d'un éditorial récent dans la Gazette dont le titre était "Johnson's Travesty".

M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas si on va faire un éditorial sur vos chiffres de ce matin, par exemple. Je pense qu'on n'en fera pas.

M. Marx: Cela ne fait pas des nouvelles. De toute façon, on a assez traité de mon document, on va passer au vôtre.

M. Johnson (Anjou): L'omnibus va être déposé au mois de mai, adopté avant le 21 juin, normalement. On s'était fixé normalement le 1er juillet ou autour de cela, compte tenu des amendements, et, en fouillant, on en a trouvé un certain nombre. Ce n'est pas considérable. On parle d'une demi-douzaine d'amendements ou quelque chose de cette nature. Ce n'est pas énorme. Ce sont trois ou quatre amendements, mais c'est énorme sur le plan de ce qu'on peut aller chercher comme plan d'organisation administrative supérieure, ce qu'on appelle le POAS au Trésor. La raison pour laquelle je ne veux pas donner une date qui soit le 15 août ou le 1er septembre au député, c'est que, tant que je ne serai pas sûr qu'on peut livrer la marchandise, je ne donnerai pas de date.

M. Marx: D'accord.

M. Johnson (Anjou): Et comme je ne suis pas passé au Trésor encore...

M. Marx: Je comprends et je conviens que le ministre va essayer de faire le mieux possible.

M. Johnson (Anjou): Je pense bien que le terme "automne" devrait permettre aux tribunaux d'opérer, sachant que la nouvelle loi des coroners s'applique sur le territoire. Cela aura pris deux ans.

M. Marx: Oui, cela aura pris deux ans, mais je trouve qu'il y a certaines choses qui

se passent aux enquêtes des coroners qui sont vraiment injustes. Je pense que c'est injuste de permettre aux caméras de filmer, de voir l'enquête du coroner à 18 heures à la télévision. Il y a des journaux qui se spécialisent dans ce domaine. Je pense que souvent le témoin important est condamné avant de subir son procès en droit criminel. J'aimerais demander au ministre s'il est possible, par exemple, dans le projet de loi omnibus de faire en sorte que ces articles qui protègent les témoins devant le coroner soient mis en vigueur ou s'il y a une autre façon. Le ministre peut-il par une...

M. Johnson (Anjou): Proclamation? Promulgation?

M. Marx: Est-ce qu'il peut promulguer? Je ne sais pas comment on fait pour avoir les deux lois ensemble en vigueur. Le ministre peut-il arrêter ces abus par une directive administrative, par exemple? Y a-t-il une façon de vraiment mettre fin à ces abus? Je suis sûr et certain que le ministre est d'accord qu'il faut faire quelque chose dans ce domaine. Supposons qu'on a des élections, qu'on a un autre gouvernement et que cela prend encore du temps. Il peut y avoir des délais qui ne dépendent ni de vous, ni de moi, ni d'autres personnes; ces délais sont dans le système. Il y a des élections, on nomme un autre ministre, un autre sous-ministre, le cas échéant, et ainsi de suite, tout changer.

M. Johnson (Anjou): D'autres dirigeants d'organismes.

M. Marx: Non!

M. Johnson (Anjou): C'est la révolution.

M. Marx: Non, non, pas de révolution!

M. Johnson (Anjou): Vous envoyez une onde de choc dans la fonction publique.

M. Marx: Non, mais le ministre sait que le sous-ministre en titre a été nommé par le gouvernement précédent. Donc, on ne fait pas de partisanerie dans la fonction publique.

M. Johnson (Anjou): On a remarqué cela dans le cas de la Sûreté du Québec.

M. Marx: Je pense que le ministre devrait faire un...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, oui, techniquement, il serait possible de promulguer, sauf que nous avons prévu des sessions de formation pour l'ensemble des coroners, ceux qui font des enquêtes, etc., durant l'été. Techniquement, oui, on n'est pas obligé de passer par l'omnibus, on pourrait simplement le faire par promulgation de l'article, par décret.

M. Marx: Par promulgation, les deux lois sont en vigueur en même temps. Certains articles de...

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Marx: Si on peut le faire, j'aimerais demander formellement au ministre de promulguer en vigueur ces deux ou trois articles qui, vraiment, protègent le témoin important et les autres personnes dans le sens qu'on ne peut pas filmer à l'intérieur, qu'on ne peut pas prendre de photos, et ainsi de suite; seulement ces deux ou trois articles. Je trouve cela...

M. Johnson (Anjou): Je prends très bonne note de la suggestion du député et...

M. Marx: Je trouve cela invraisemblable.

M. Johnson (Anjou): Si nous l'adoptons, je lui promets de le lui faire savoir avant le dimanche soir, qui est sa journée habituelle de conférence de presse au canal 12, pour qu'il puisse le revendiquer.

M. Marx: Si le ministre le fait, je vais le féliciter publiquement. Je vais essayer de le féliciter le plus possible au canal 12 aussi et même à l'émission Le Point, si c'est possible. Je pense que le ministre rendra un grand service à la protection des libertés publiques parce que...

M. Johnson (Anjou): Je dois vous dire que...

M. Marx: ...je trouve que cela n'a pas de bon sens.

M. Johnson (Anjou): Oui, sauf que c'est plus compliqué qu'on le pense. J'ai reçu récemment de correspondants des médias de presse un télégramme au sujet de ces questions et eux aussi voient cela comme une agression au droit du public à être informé. Maintenant, vous connaissez mon attitude sur ces questions - on a eu déjà l'occasion d'échanger publiquement ou autrement là-dessus - je favorise effectivement l'optique contenue dans la Loi sur les coroners.

M. Marx: Cela veut dire le...

M. Johnson (Anjou): Je pense que cela sert mieux la présomption d'innocence...

M. Marx: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): ...et le meilleur contexte possible pour le citoyen d'avoir un procès qui soit vraiment juste et équitable.

M. Marx: Oui, c'est cela. Mais la population sera informée parce que des journalistes vont écrire des articles dans les journaux, le cas échéant. On va regarder cela.

Le Président (M. Gagnon): ...adopter le programme 3, non?

M. Marx: Non. On veut avoir plus d'information sur cela. L'administration de la nouvelle loi va-t-elle coûter beaucoup plus que l'ancienne Loi sur les coroners?

M. Johnson (Anjou): C'est l'un de nos problèmes, d'ailleurs.

M. Marx: Combien?

M. Johnson (Anjou): On parle de quelque chose de l'ordre de ... Si je regarde ce qu'était le projet initial, prévu en fonction de la loi, c'était 6 200 000 $.

M. Marx: 6 200 000 ?

M. Johnson (Anjou): Oui, 6 200 000 $ de plus... Pardon, 6 200 000 $ budgétaires, ce qui représentait une augmentation d'environ 3 fois. C'était presque tripler le budget. Ce que nous essayons de faire en ce moment, c'est, par divers moyens, tout en respectant l'esprit de la réforme et ses objectifs fondamentaux, d'arriver à quelque chose qui soit plus près de l'ordre de 4 500 000 $...

M. Marx: 4 500 000 $?

M. Johnson (Anjou): ...pour administrer la loi, ce qui représenterait une augmentation deux fois moins grande que celle qui était initialement prévue.

M. Marx: Mais c'était...

M. Johnson (Anjou): C'est beaucoup d'argent.

M. Marx: Je trouve que c'est beaucoup d'argent; honnêtement, je trouve que c'est beaucoup d'argent. Combien cela coOte-t-il pour administrer la loi actuelle?

M. Johnson (Anjou): C'est 2 200 000 $ et on passerait à quelque chose comme 4 600 000 $, mais les projections initiales étaient plutôt de l'ordre de 6 000 000 $. Il faut bien voir cependant qu'en vertu des dispositions de la nouvelle loi on parle d'un traitement de dossier qui est triplé; au-delà d'être triplé, il est presque quadruplé. C'est 3,7? Si on prend le projet de loi original, avant l'omnibus, c'est 3,7 fois plus de cas qui seraient traités.

On voit non seulement le problème budgétaire que cela pose, mais également le problème du traitement en volume et en termes d'efficacité et de rendement. Je pense que le député, maintenant, comprendra pourquoi des considérations si terre à terre nous ont amenés à réfléchir beaucoup, à brasser un certain nombre d'hypothèses, à nous rendre très impopulaires, y compris dans les pages éditoriales de la Gazette.

M. Marx: Et celles du Devoir.

M. Johnson (Anjou): Ce qui ne nous empêche pas de dormir, cependant.

M. Marx: Je ne veux pas que le ministre ne dorme pas, mais de temps en temps je me demande s'il ne dort pas trop. Je me souviens de l'époque où on a adopté cette loi; nous avions dit au ministre Bédard que la lourdeur administrative de cette loi était invraisemblable.

Donc, si je résume, l'administration de la loi actuelle coûte 2 200 000 $ et cela coûterait 4 600 000 $...

M. Johnson (Anjou): À peu près deux fois plus.

M. Marx: ...deux fois plus, alors que cela aurait coûté, sans amendement, 6 200 000 $. Est-ce que le ministre, par hasard, a le coût de l'administration de cette loi ailleurs, en Ontario ou en Colombie britannique? Par hasard. Non?

M. Johnson (Anjou): Non.

M. Marx: C'est bon de temps en temps de faire des comparaisons parce que vous savez que beaucoup d'administrations...

M. Johnson (Anjou): Je suis sûr que, quand on va arriver avec le POAS au Trésor, on va l'avoir. On n'est pas obligé de dédoubler les efforts et d'investir dans des services de recherche car, au Trésor, on fait tout cela. On peut même comparer cela avec le Nigeria, si vous le voulez.

M. Marx: Pas dans ce domaine. Bon! On est prêt à faire le nécessaire pour que les coûts soient réduits le plus possible et qu'on réduise aussi la bureaucratie qui sera établie en vertu de cette loi. Dans la loi, on prévoit un coroner en chef, deux coroners en chef adjoints, et ainsi de suite. Des coroners a temps plein ici et là... (18 heures)

M. Johnson (Anjou): Mais il y a une dimension qu'il me paraît utile de souligner à ce stade-ci, c'est le caractère des

recommandations que peut faire le coroner au gouvernement. Je pense notamment à tout le secteur de la sécurité routière où le coroner, par les constatations qu'il fera cas par cas, mais également par des constatations de nature statistique, pour ne pas dire épidémiologique, nous permettra sans doute une percée très importante quant à la conscience des problèmes qui entourent l'application des règlements de sécurité routière et leurs conséquences, à la fois en termes de perte de vies, de perte de jouissance de la vie et de coûts que cela représente pour la société.

M. Marx: Sur ce point, je ne pense pas être d'accord avec le ministre, parce que les gouvernements ont rarement écouté les coroners. Les coroners ont fait beaucoup de suggestions, beaucoup de recommandations et très peu de ces recommandations et suggestions ont été retenues par les gouvernements, pas nécessairement par votre gouvernement mais par les gouvernements précédents aussi. Si je me souviens bien, il y a une recommandation à laquelle on a donné suite, c'est quand un camion recule, il doit avoir un "beeper". C'était une recommandation du coroner Déry, je pense, qui date d'un certain nombre d'années. Les coroners ont fait d'autres suggestions, d'autres recommandations, mais elles n'ont pas été retenues par les gouvernements. Je ne blâme pas ce gouvernement ni vous-même, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): II y a eu beaucoup de signalisation routière installée à la suite de recommandations des coroners, quand ils ont constaté un décès à l'occasion d'un accident de la circulation. Deuxièmement, parmi les qualités qui ont fait que le Dr Grenier a été choisi comme coroner en chef adjoint, il y a le fait que le Dr Grenier est l'un des experts de ces questions au Québec, compte tenu de ses fonctions et de l'intérêt qu'il porte à toutes ces questions depuis plusieurs années et qui touchent le domaine de la sécurité routière. Je pense que la crédibilité et l'expérience, le savoir-faire et les connaissances qu'il pourrait apporter à de tels dossiers seront susceptibles de faire évoluer ce qui constitue un dossier très très lent dans l'ensemble des gouvernements - je ne dirais pas seulement au Canada - sur le continent.

Les gouvernements en Amérique du Nord ont beaucoup de difficulté à faire face aux problèmes reliés à la sécurité routière. Il y a une longue tradition. Je me suis déjà fait dire par des gens que c'était vivre dans un État communiste que d'obliger les gens à porter la ceinture de sécurité. Tu pars de loin! La sensibilisation de la population, des automobilistes et certains éléments de prévention élémentaires comme les aspects contraignants de la législation et de la réglementation du Code de la sécurité routière me paraissent être des solutions à moyen terme à ces problèmes qui non seulement créent des drames dans les familles et engendrent des coûts moraux, intellectuels, sociaux et psychologiques considérables, mais également créent des coûts économiques absolument gigantesques pour la société quand on pense è tout le domaine de la sécurité routière. Je crois que l'une des contributions que le ministère de la Justice peut apporter dans ce dossier, en plus du travail normal exécuté par les services policiers, c'est celui d'être aussi un endroit où on s'en préoccupe. Je pense que le bureau du coroner peut être un endroit particulièrement remarquable pour cela.

M. Marx: D'accord. Donc, je passe maintenant au dossier "Reculez". Quand le ministère des Transports a installé ses affiches "Reculez" à l'une des sorties du tunnel de l'autoroute Ville-Marie, à Montréal, cela a causé beaucoup de problèmes. On a beaucoup rigolé à l'Assemblée nationale quand on a posé des questions au ministre des Transports, qui ne savait même pas qu'il y avait de telles affiches. On a mis "Reculez" au milieu du tunnel, alors qu'il est trop tard pour reculer! Mais je suis...

M. Johnson (Anjou): II me semble qu'on avait dit à quelqu'un d'aller arracher la pancarte, mais j'avoue que je n'y suis pas allé récemment.

M. Marx: Mais, maintenant, ils ont fait...

M. Johnson (Anjou): C'est compliqué et on ne l'a pas demandé en huit copies et sur des formulaires, etc. On a dit: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut prendre son auto, un tournevis et un marteau et aller arracher la pancarte?

M. Marx: Je veux dire que c'est bien beau d'avoir un système où il y a des coroners qui connaissent les dossiers et qui peuvent faire des recommandations mais, s'il n'y a pas de façon d'encourager ou de faire en sorte qu'un autre ministère accepte la recommandation, qu'il y donne suite, on reste avec des recommandations qui font les manchettes des journaux un jour, "Pulse" le lendemain, Le Point le troisième soir et c'est fini. II faut qu'on donne suite à ces recommandations. C'est bon d'avoir des experts, mais tout cela est perdu dans la paperasse.

Le Président (M. Gagnon): Je pensais que vous alliez me dire que vous étiez prêt à l'adopter.

M. Marx: Je pense qu'il y a une autre loi qui tombe dans ce programme aussi, la Loi concernant les enquêtes sur les incendies, c'est cela?

M. Johnson (Anjou): Le commissaire aux incendies.

M. Marx: Le commissaire aux incendies. Est-ce que cela reste...

M. Johnson (Anjou): On ne touche pas à cela.

M. Marx: ...intouché, on ne touche pas à cela?

M. Johnson (Anjou): Je ne vois pas de projet touchant à cela.

M. Marx: L'administration de cette loi coûte combien?

M. Johnson (Anjou): Pas cher. C'est tellement pas cher, voyez-vous, que M. Delage n'est même pas obligé de venir. On a eu 19 enquêtes par le service du commissaire-enquêteur sur les incendies dans les localités suivantes: en Beauce, à Chicoutimi, Frontenac, Hull, deux fois, Joliette, Kamouraska, Montmagny, trois fois - il s'est passé quelque chose là - Québec, huit fois, Saguenay, une fois. Le coût... Cela va être de renommée mémoire, cette question, car je pense que c'est la première fois en 17 ans qu'il y a une question sur la loi sur le commissaire aux incendies.

M. Marx: J'ai étudié cette loi un peu parce que c'est relié à la Loi sur les coroners.

Le Président (M. Gagnon): Le temps qu'on cherche la réponse, M. le député de D'Arcy McGee, est-ce que je pourrais vous faire une suggestion?

M. Marx: D'adopter ce programme?

Le Président (M. Gagnon): Non, mais d'aller peut-être un peu plus rapidement parce que notre temps passe et il y a 17 programmes sur lesquels vous voudrez très certainement interroger le ministre.

M. Marx: Oui...

Le Président (M. Gagnon): Nous sommes rendus au programme 3 seulement.

M. Marx: M. le Président, c'est la cinquième fois que je fais les crédits. Je peux vous assurer qu'on n'aura pas des questions sur les 17 programmes. Il va y avoir un ou deux programmes, ou cinq ou six qu'on ne touchera pas faute de temps, mais si le ministre veut nous donner plus de temps, les samedis et les dimanches, on est prêt.

M. Johnson (Anjou): Ah oui? M. Marx: Oui, toujours.

M. Johnson (Anjou): On ne vous en demande pas tant. On vous demande juste le mardi. Écoutez, essentiellement, il y a deux commissaires aux incendies, à Montréal et à Québec, payés par les communautés urbaines ou les municipalités. Deuxièmement, nous avons M. Delage qui, lui, a un statut, un port d'attache permanent au gouvernement et qui est payé ad hoc sur chacune des enquêtes pour lesquelles il est dégagé.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Le programme 3 est adopté.

M. Marx: Adopté, en souhaitant que le ministre donnera suite à la suggestion en ce qui concerne la mise en application de certaines dispositions de la Loi sur les coroners aussitôt que possible.

Protection des droits et libertés de la personne

Le Président (M. Gagnon): Le programme 4, Protection des droits et libertés de la personne.

M. Marx: J'aimerais poser juste une question au ministre pour commencer. Quels sont les problèmes à la Commission des droits de la personne, ou s'il n'y a pas de problème?

Commission des droits de la personne

M. Johnson (Anjou): Non, je ne prétendrais pas qu'il n'y a pas de problème. Le problème avec lequel va continuer de vivre la commission pour un certain nombre d'années, il faut bien le dire, c'est celui qui vient du fait que son mandat est extrêmement large, comme c'était souhaité, d'ailleurs, par le législateur. À compter de 1986, il y aura la mise en vigueur des dispositions qui prévoient la prédominance de la charte avec une sensibilisation de plus en plus grande des citoyens à l'existence de la charte. Comme elle est très large dans son application et passablement généreuse quand on la compare à d'autres, cela veut dire des questions de volume considérable et surtout des interventions dans une multitude de domaines, avec des ressources qui sont celles d'une commission et qui sont considérables. Je vous ferai remarquer qu'un des seuls postes budgétaires à avoir connu des

augmentations substantielles à travers toute la récession, cela a été la Commission des droits de la personne du Québec. C'est dire l'importance qu'y accordait, je crois, le gouvernement.

Ceci dit, on peut refaire toute la société. Je regarde le rapport Fraser qui sortait ce matin sur la question de la prostitution au Canada. Déjà, la commission est sollicitée pour avoir des opinions à émettre sur cela, etc. Je sais comment cela fonctionne, le ministère de la Justice. Il y a 13 000 d'effectif. Enlevons les policiers pour les fins de la discussion. Cela fait quand même beaucoup de monde et, parfois, on ne fournit pas. La Commission des droits de la personne n'a pas 13 000 d'effectif et elle n'en aura pas. Donc, par définition, je crois que dans le temps cette adaptation continuelle à traiter une variété de problèmes et un nombre de problèmes considérable va entrer dans la culture, l'organisation. Cependant, le gouvernement veut appuyer cette commission. Il l'a fait par ses crédits et nous aurons à prendre, d'ici à quelques semaines, une décision notamment pour affecter encore des ressources additionnelles à la commission pour qu'elle ouvre des bureaux régionaux dans quatre régions du Québec.

Par ailleurs, les règlements ou les dispositions qui feraient suite à la promulgation de certains aspects de la charte concernant l'accès à l'égalité seront sûrement des éléments très importants. Si on regarde encore une fois la charte telle qu'elle est formulée, on voit tout de suite l'ampleur des difficultés que cela poserait si on n'était pas prêt à regarder cela dans un contexte un peu plus large où, notamment, nous verrions la commission, en matière d'accès à l'égalité pour les treize catégories visées à l'article 10, approuver a priori des plans de redressement de discrimination collective, ce qui présupposerait notamment des connaissances quant au bassin de main-d'oeuvre disponible par région, etc. Ce sont des choses...

M. Marx: On va entrer...

M. Johnson (Anjou): ...absolument gigantesques.

M. Marx: Oui, mais je veux seulement poser la question suivante, parce que le ministre a dit au début que la commission a un mandat très large. Peut-être serait-il souhaitable de revoir le mandat de la commission? Est-ce que le ministre serait d'accord pour qu'on revoie... La charte a été adoptée en 1975. Bon! Cela fait dix ans. Peut-être est-il temps de revoir toute l'administration de la charte, tout le fonctionnement de la commission, et d'apporter les modifications qui s'imposent, le cas échéant? Peut-être que tout est parfait. Peut-être a-t-on le meilleur système et qu'il n'y a rien à changer, mais peut-être y a-t-il des modifications à faire en ce qui concerne le mandat et le fonctionnement de la commission, la procédure devant la commission et ainsi de suite?

Il ne faut pas oublier, M. le Président, que la commission est souvent la cour de dernière instance pour beaucoup de gens. Je peux vous donner beaucoup d'exemples. J'ai siégé comme commissaire à la Commission des droits de la personne du Québec pendant quatre ou cinq ans. Quand on fait une recommandation pour que quelqu'un paie 500 $ à une autre personne, pour beaucoup de gens, c'est la fin du procès. Surtout quand on recommande un dédommagement de 500 $, on force la personne à contester devant la Cour provinciale. Donc, c'est la fin de l'affaire parce que cela coûterait plus cher de contester. Dans beaucoup de contestations, la commission est la cour de dernière instance, veut ou veut pas. Il y a un problème. Il y a des enquêteurs qui sont des gens qui font de l'arbitrage. Il y a une confusion dans les tâches. Je me demande si le temps n'est pas venu de revoir vraiment cela à fond.

M. Johnson (Anjou): Deux commentaires avant de laisser la parole au président de la commission. Le premier, c'est que le nouveau président, qui, par sa modestie, ne pourra pas détailler son curriculum, est un homme qui a une expérience de gestionnaire, une longue expérience au ministère de la Justice également, et je crois que cette dimension sera certainement extrêmement importante dans ce qui, deuxièmement, est l'année du dixième anniversaire de la charte et de la commission.

Je crois que l'année 1985 sera marquée à la fois par la continuation, de toute façon inévitable, du déploiement d'un certain nombre de ressources sur le territoire revenant à la commission et par une période de bilans et de perspectives auxquels il faudra associer les intervenants des milieux juridiques et auxquels le gouvernement et le légisateur devront prêter attention. Mais je ne pense pas que ce processus puisse se faire avec une approche de type "task force" en l'espace de trois semaines, etc. On parle d'un bilan de dix ans d'activités, d'un contexte très particulier, d'une croissance extrêmement rapide et dans un domaine de notre vie collective qui est vital et fondamental sur le plan des institutions que nous nous sommes données. Je crois qu'on peut se dire que l'année 1985 elle-même sera une année de réflexion sur cela en même temps qu'une année où le déploiement des ressources devra continuer sur le territoire.

M. le Président, je laisserai la parole à Me Lachapelle.

Le Président (M. Gagnon): D'abord, je vais suspendre les travaux pour deux minutes, parce que j'aimerais qu'on se consulte surl'heure de clôture de nos travaux.

Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 18 h 17)

(Reprise à 18 h 20)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Selon l'entente, nous terminerions ce soir à 18 h 30 et demain, au lieu de terminer à 12 h 30, nous nous rendrions à 13 heures pour reprendre le temps que nous perdons ce soir. Vous aviez laissé la parole, M. le ministre, au président... Pourriez-vous l'identifier pour...?

M. Johnson (Anjou): ...de la Commission des droits de la personne, M. Lachapelle.

Le Président (M. Gagnon): M.

Lachapelle.

M. Lachapelle (Jacques): Je voudrais tout simplement ajouter qu'effectivement, après ces dix années de la commission, il est bon de faire un bilan et, également, de regarder les pouvoirs que la commission a exercés.

Vous avez mentionné tantôt, M. le député, que vous aviez été commissaire et que vous aviez peut-être senti de temps à autre certaines tensions dans les différents rôles exercés par la commission. Quant à nous - et je le pressens également au cours des discussions que nous avons autour de la table - je pense que, jusqu'à maintenant, nous avons tout de même réussi à fonctionner de façon très adéquate. Il reste qu'on devra probablement aussi préciser certains rôles et les règles de procédure devant la commission qui n'ont pas encore été établies.

Là-dessus, je dois vous mentionner qu'actuellement l'Université du Québec à Montréal entreprend une recherche assez détaillée sur les règles de procédure de la commission, sur sa façon de fonctionner et sur la jurisprudence qui a pu être établie; cela devrait donner probablement un cadre de réflexion très intéressant. Cela nous permettra également de faire des comparaisons avec d'autres commissions des droits de la personne, avec d'autres organismes semblables qui ont des procédures presque identiques aux nôtres.

Je dois vous dire tout de même que, jusqu'à maintenant, ce fonctionnement m'est apparu adéquat et que les justiciables qui se sont présentés devant nous m'apparaissent avoir eu cette satisfaction puisque, dans presque 70% des cas, nous avons réussi la médiation. Donc, il ne semblait pas y avoir nécessité d'aller devant un autre tribunal. Les cas où nous sommes intervenus, c'est la commission qui a pris fait et cause et qui a intenté des procédures au nom du plaignant. Cette procédure qui peut paraître, par ailleurs, un peu ambiguë en ce sens qu'il y a un rôle d'enquêteur, de médiateur et de recommandation, finalement, est peut-être estompée justement par le fait que la médiation est quand même très efficace.

M. Marx: II y a beaucoup de problèmes que je pourrais soulever: la question de la mutation du personnel, etc. Il reste seulement cinq minutes et j'aimerais poser une question au ministre. Il m'a beaucoup frappé dans ses déclarations de ces jours-ci. Quand il dit qu'en vertu de la charte québécoise c'est la Commission des droits qui va prendre fait et cause, que ce n'est pas nécessaire d'aller devant les tribunaux pour plaider la charte, qu'on peut aller à la commission qui va s'occuper de la plainte de la personne, c'est vrai et ce n'est pas vrai.

M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. Il y a seulement la partie qu'il est vrai que j'ai dit...

M. Marx: Le ministre a son telbec, je l'ai.

M. Johnson (Anjou): Ce que je dis, c'est que la charte fédérale...

M. Marx: Oui.

M. Johnson (Anjou): ...n'offre pas de commission.

M. Marx: Bien non.

M. Johnson (Anjou): Si tu as un problème de discrimination, tu vas devant un juge, en Cour supérieure, en Cour d'appel ou en Cour suprême. Chez nous, on a une charte dont l'application permet, notamment, que 70% des cas où il y a médiation se règlent là. Il n'y a pas de ticket modérateur là-dessus.

M. Marx: Oui, mais le ministre compare des pommes et des oranges. Sur le plan fédéral, c'est sûr qu'on n'a pas une commission pour la charte fédérale, mais il y a une commission fédérale en vertu de la loi fédérale sur les droits de la personne. En Ontario, il y a une commission. Notre charte est une charte des droits, mais aussi une loi contre la discrimination. Dans d'autres provinces, sauf peut-être en Saskatchewan -je ne suis pas sûr de cela - on a une commission et une loi contre la discrimination. Donc, quand le ministre a fait

cette déclaration, il est possible qu'il ait induit certaines personnes en erreur sans le vouloir parce que, vraiment, ce que j'ai trouvé pas trop, comment dirais-je, pas universitaire, mais...

M. Johnson (Anjou): "Kosher".

M. Marx: Si vous voulez, pas très kascher.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Marx: Pas très kascher, pour le dire en français. Le ministre a fait une fausse comparaison dans un certain sens et je pense que ce n'est pas bon de faire cette comparaison. Je ne pense pas qu'il faille faire la bataille des chartes, à savoir quelle est la meilleure charte. On va revenir sur cette question à la prochaine séance parce que j'ai lu le telbec du ministre et j'ai tellement de questions à lui poser sur ce telbec et sur la déclaration qu'il a faite et je ne veux pas qu'on coupe ses réponses. On pourrait peut-être...

Le Président (M. Gagnon): Y revenir demain matin.

M. Marx: ...y revenir demain. Mais on a convenu que, demain, à 10 heures, on étudiait la sécurité publique, la Sûreté du Québec et la Commission de police. On va essayer de faire cela...

M. Johnson (Anjou): Vu qu'on procède demain, me dites-vous, sur la charte, cela nous permettrait aussi, dans le même souci que vous aviez de libérer les personnes au fur et à mesure qu'elles se présentent... Peut-être qu'on pourrait étudier la charte à 10 heures et entrer dans les histoires de sécurité publique et de police un peu après.

M. Marx: Peut-être peut-on commencer par la sécurité publique et la Sûreté du Québec, parce que je pense qu'il y a d'autres députés qui vont se joindre à nous et qui aimeraient poser des questions au ministre sur ces dossiers.

Une voix: ...

M. Marx: Sûrement.

Le Président (M. Gagnon): Demain, on reviendra au programme 4. Je voudrais simplement vous aviser que les travaux à 10 heures, demain, se poursuivront dans cette salle-ci, la salle 81.

La commission des institutions ajourne donc ses travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 27)

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