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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
se réunit ce matin aux fins de procéder à l'étude
des crédits budgétaires du ministère de la Justice pour
l'année financière 1985-1986. Lors de la suspension de nos
travaux hier, nous étions rendus au programme 4, dont nous avons convenu
de suspendre l'étude pour prendre ce matin les programmes 14, 15 et 16.
C'est ça?
Une voix: 13, 14, 15 et 16.
Le Président (M. Gagnon): 13, 14, 15 et 16. J'appelle donc
immédiatement le programme 13: Sécurité publique. M. le
secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?
Le Secrétaire: II y a un remplacement de signalé.
M. Mailloux (Charlevoix) est remplacé par M. Pagé (Portneuf).
Le Président (M. Gagnon): Merci. Pour le programme 13,
avez-vous des remarques à faire, M. le ministre?
M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, M. le Président,
on commence avec le dossier de la Sûreté du Québec?
Le Président (M. Gagnon): Sécurité
publique.
M. Johnson (Anjou): Sécurité publique ou
Sûreté du Québec?
M. Marx: Cela va faire plaisir au ministre.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Marx: Cela va faire plaisir au ministre.
M. Johnson (Anjou): Alors, est-ce qu'on commence avec la
Sûreté du Québec?
M. Marx: Oui, si vous voulez!
M. Johnson (Anjou): Je pourrais présenter...
Le Président (M. Gagnon): Le programme 15.
Sûreté du Québec
M. Johnson (Anjou): Le directeur de la Sûreté du
Québec, M. Beaudoin, est avec nous. Pour l'essentiel, M. le
Président, les seuls commentaires ou propos généraux que
je pourrais tenir sont les suivants concernant le budget de la
Sûreté du Québec. À l'égard du budget de la
Sûreté du Québec comme du budget du ministère, la
progresion est relativement faible. Au-delà de tout ce qui a pu entourer
le conflit sur lequel on pourra revenir quelques secondes, je dirais que les
efforts de productivité à la Sûreté du Québec
ont été manifestes et évidents depuis deux ou trois ans,
notamment par un taux d'attrition naturelle extrêmement
élevé sans pour autant qu'on ait procédé à
du recrutement. Il y a donc eu un resserrement au niveau des effectifs qui est
important et qui s'est donc traduit en termes de productivité du
système comme étant une productivité augmentée,
d'autant plus que la Sûreté a obtenu des mandats additionnels,
notamment ceux de la sécurité routière, ceux de
l'inspection des permis d'alcool, de l'application de la loi sur le
dégel.
Quant à ce qui a marqué la Sûreté du
Québec depuis un an, je dirai que, d'une part, le conflit de travail a
produit un climat anormal sur une longue période de mois, qui s'est
traduit par un ralentissement des activités, une diminution des
activités policières, mais, depuis la décision du 31 mars
dernier à l'église Saint-Sacrement de Québec, c'est
rentré dans l'ordre. Pour l'essentiel, la reprise dans l'ordre des
activités habituelles de la Sûreté du Québec ne peut
pas être évaluée autrement que par des appareils
statistiques et nos statistiques sont encore incomplètes. On y va de
façon un peu empirique. Il y a un retour graduel aux activités
habituelles qui s'est effectué depuis le 31 mars. J'ai l'occasion,
à tous les sept ou huit jours, de faire le bilan de cela avec les
autorités de la Sûreté. Le dernier bilan que j'ai
reçu démontrait effectivement qu'à l'égard d'un
certain nombre de choses qui avaient fait l'objet de ralentissements on
était revenu à un retour quasi à la normale, en tenant
compte cependant du fait que, par définition, un policier exerce une
sorte de pouvoir discrétionnaire dans ses activités, ce pouvoir
ne peut pas faire l'objet de quotas, d'où la difficulté
d'évaluer ce qu'est, entre guillemets, un travail "normal" dans bien des
circonstances, à moins que ce ne soient des
activités très spécifiques qui peuvent faire
l'objet d'un encadrement opérationnel précis, d'une intervention,
par exemple, des supérieurs hiérarchiques dans certaines choses
qui peuvent être accompagnées d'un ordre spécifique.
Je dirai qu'en matière de discipline, puisque c'était
aussi une de nos préoccupations, les choses sont totalement
rentrées dans l'ordre. Aucun cas ne nous a été
rapporté, depuis le 30 mars, d'un policier qui aurait refusé
d'obtempérer à un ordre de ses supérieurs
hiérarchiques et, si cela devait arriver, la Loi de police serait
appliquée avec beaucoup de rigueur.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, j'ai deux ou trois petites
questions avant qu'on entre vraiment dans le vif du sujet. Premièrement,
sur le recrutement, étant donné qu'il va y avoir beaucoup de
policiers qui vont prendre leur retraite, est-ce que vous avez l'intention
d'implanter un programme d'accès à l'égalité
auprès de la Sûreté du Québec? Vous savez, par
exemple, que, dans la Gendarmerie royale du Canada, il y a un taux de femmes
policiers qui est beaucoup plus important que le pourcentage des femmes
policiers à la Sûreté du Québec. Est-ce que vous
avez l'intention de mettre sur pied un tel programme? Vous savez que la Loi sur
la fonction publique ne s'applique pas à la Sûreté du
Québec. Le ministre a pensé bien faire en soustrayant la charte
québécoise en ce qui concerne les programmes d'accès
à l'égalité à la Sûreté du
Québec; la Sûreté n'est donc régie par aucune loi en
ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité
et je pense, notamment, au cas des femmes sur lequel j'ai déjà
sorti des statistiques. Le ministre peut les corriger, parce que ce sont des
statistiques qui sont vieilles de six mois maintenant et peut-être que le
ministre a de nouvelles statistiques pour prouver que le pourcentage des femmes
policiers à la Gendarmerie royale du Canada est encore plus
élevé qu'il ne l'était il y a quelques mois.
M. Johnson (Anjou): D'abord, le recrutement. Oui, il devrait y
avoir du recrutement. C'est un peu dommage que les négociations aient
achoppé sur ce qui, en fin de compte, était un détail pour
les policiers, mais un objet important pour le gouvernement, étant
donné que ce sur quoi nous avions réussi à nous entendre
nous aurait permis de procéder plus rapidement au recrutement.
On parle, sur une période de trois ans, d'un recrutement de
l'ordre de 700 à 800 policiers, ce qui sera rendu nécessaire par
le taux d'attrition naturelle, les mises à la retraite de celles et ceux
- particulièrement ceux - qui ont été embauchés
surtout au début des années soixante, au moment de la grande
réforme à la Sûreté. Ces gens, maintenant, ont
accès, en bonne partie d'ici à trois ou quatre ans, au
régime de retraite qu'on a déjà décrit dans le
passé.
Dans le cadre de ce recrutement nécessaire, je crois qu'il y a
une occasion assez remarquable pour la Sûreté du Québec
d'orienter les ressources humaines dans un contexte qui nous permet de nous
adapter à certains changements dont celui qui est évoqué
par le député. Il faut bien voir d'ailleurs que les mises
à la retraite à la Sûreté se caractériseront
surtout par une espèce de décapitation statistique de
l'encadrement à la Sûreté. Plus on monte en grade chez
celles et ceux qui vont prendre leur retraite, chez les hommes en particulier,
plus on s'aperçoit que le taux d'attrition va être
élevé.
Par exemple, le Procureur général aura à approuver
des promotions, je pense, à environ 250 caporaux d'ici à deux
ans. Il y a donc des modifications extrêmement importantes sur le plan
des ressources humaines qui vont intervenir et je pense que cela doit
être saisi comme une occasion, une façon de nous adapter à
des réalités changeantes et d'apporter des changements sur le
plan de la gestion des ressources humaines.
M. Marx: Qu'est-ce qui arrive avec les programmes d'accès
à l'égalité?
M. Johnson (Anjou): Je ne suis pas sûr qu'on parle en
termes d'application de programmes d'accès à
l'égalité, mais l'état-major de la Sûreté
connaît ma préoccupation quant au recrutement féminin. J'ai
déjà eu l'occasion de lui faire part de ma préoccupation
à cet égard. Quant au recrutement de personnes émanant des
groupes ethniques, particulièrement dans la région de
Montréal, on m'a déjà dit qu'à l'occasion de
concours de recrutement il y avait eu très très peu de
candidatures de gens provenant des groupes ethniques.
M. Marx: Je m'excuse, M. le Président, mais...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député, s'il vous plaît... Non. Excusez, on va laisser le
ministre répondre et...
M. Marx: On est déjà passé à
côté de la question.
Le Président (M. Gagnon): ...il faudrait faire attention
pour ne pas parler deux en même temps. Le ministre va finir sa
réponse et, après, je vous laisserai la parole, M. le
député.
M. Johnson (Anjou): Bon, M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va?
M. Marx: Non, j'apprécie les réponses du ministre,
mais on va passer tout l'avant-midi à avoir des réponses sur des
questions qu'on n'a pas posées. Les programmes d'accès à
l'égalité, le ministre comprend ce que cela veut dire. Si on n'a
pas un tel programme à la Sûreté du Québec, il n'y a
pas beaucoup de choses qui vont bouger parce que, dans l'état actuel du
droit et de la situation, la Sûreté du Québec ne peut pas
élaborer un tel programme, car cela irait à l'encontre de la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Donc, si on veut faire quelque chose de sérieux, qu'on ne me dise pas:
C'est l'occasion. Le directeur connaît mes sentiments. Le directeur est
de bonne foi. Tout cela, c'est bien connu, j'accepte tout cela. Ce que je veux
savoir, c'est si vous allez faire quelque chose de concret en ce qui concerne
l'égalité des femmes dans la Sûreté du Québec
pour augmenter le pourcentage des policiers femmes comme on l'a fait dans
d'autres coprs de police. Je peux citer comme exemple la Gendarmerie royale du
Canada. Je pense aussi aux corps de police d'Ottawa, de Halifax et d'autres
villes de toute l'Amérique du Nord.
M. Johnson (Anjou): Alors, la réponse est oui.
M. Marx: Donc, vous allez avoir un programme d'accès
à l'égalité.
M. Johnson (Anjou): La réponse est que, dans la mesure
où les dispositions touchant la charte sur les programmes d'accès
s'appliqueront, il faut donc une promulgation. On aura l'occasion de s'en
reparler quelque part à la fin du mois de mai. La réponse est que
la Sûreté du Québec se prépare en termes
opérationnels à pouvoir faire du recrutement en fonction de ses
préoccupations. Si la charte et les articles de la charte qui doivent
s'appliquer sont promulgués, il est évident que les programmes
d'accès à l'égalité que la Sûreté du
Québec pourrait avoir seront soumis à cette procédure.
M. Marx: Le ministre n'a pas compris ma question. Je pense qu'il
ne comprend pas la charte parce que, dans la charte, il est écrit que
les programmes d'accès à l'égalité ne s'appliquent
pas au gouvernement, ne s'appliquent pas à la Sûreté du
Québec. Donc, il y a un vide législatif en ce qui concerne la
Sûreté du Québec, parce que la Loi sur la fonction publique
ne s'applique pas à la Sûreté du Québec, où
on a prévu la possibilité des programmes d'accès à
l'égalité. La charte et la réglementation en ce qui
concerne les programmes d'accès à l'égalité ne
s'appliqueront pas au gouvernement, donc pas à la Sûreté du
Québec. Donc, il y a un vide législatif et la Sûreté
du Québec ne peut pas instituer un programme d'accès à
l'égalité et, d'autre part, c'est défendu par la
charte.
M. Johnson (Anjou): Ce que vous me dites, c'est que,
juridiquement, la charte excluant les services gouvernementaux, même si
on promulguait les articles sur l'accès à
l'égalité, il serait interdit de faire des programmes
d'accès à l'égalité au gouvernement. Je ne me
souviens pas de vous avoir entendu dire cela en commission.
M. Marx: À la Sûreté du Québec, au
gouvernement, c'est touché par une autre loi. La Loi sur la fonction
publique en prévoit la possibilité, parce qu'il y a deux ans,
dans la fonction publique, on a voulu élaborer des programmes. Cela a
été jugé invalide à cause de la charte
québécoise. On a donc modifié la Loi sur la fonction
publique. Vous pouvez consulter votre ancienne ministre
déléguée à la Condition féminine, la
députée des Îles-de-la-Madeleine, qui est maintenant
qualifiée d'orthodoxe. Peut-être qu'on ne se parle plus maintenant
entre vous autres.
Le Président (M. Gagnon): Alors, l'intervention est
terminée. M. le ministre...
M. Marx: Ce n'est pas le fond de ma question.
Le Président (M. Gagnon): Non, c'est... M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Alors, je prends bonne note de l'affirmation
du député, qui prétend qu'on se serait interdit dans la
charte de faire des programmes d'accès à
l'égalité.
M. Marx: ...maintenant.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Johnson (Anjou): Alors, je prends bonne note de l'affirmation
du député et je lui répondrai, étant donné
qu'il exige une opinion juridique en bonne et due forme, en temps et lieu. (10
h 30)
M. Marx: D'accord. J'ai seulement une autre question. C'est
interdit maintenant d'établir des programmes d'accès à
l'égalité, sauf s'il y a un règlement en vertu de la
charte. La Sûreté du Québec n'a pas souscrit
à ces programmes d'accès à l'égalité
qui sont prévus par la charte. J'attends avec beaucoup d'impatience
l'avis du ministre et, le cas échéant, si c'est nécessaire
de faire des modifications, l'Opposition serait prête à les
adopter dans le cadre du projet de loi omnibus.
Seulement une autre question. Peut-être que le directeur peut
répondre à cette question. Est-ce qu'on a fait de l'écoute
électronique, cette année, auprès des
députés, soit des députés de l'Assemblée
nationale, soit des députés fédéraux, depuis la
dernière fois que j'ai posé cette question en 1984?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que le
député, quand il pose cette question, a peut-être encore
une fois oublié ce qu'il aurait dû lire dans le Code criminel. En
vertu de la loi et du Code criminel, l'écoute auprès d'un membre
de l'Assemblée nationale, du barreau, de la magistrature ou du personnel
supérieur du gouvernement - les sous-ministres, sous-chefs,
secrétaires généraux et associés, etc. - en vertu
de ces dispositions, dis-je, un juge ne peut octroyer une autorisation
d'écoute électronique que si le Procureur général
lui-même en a autorisé la demande. Donc, les demandes que je
pourrais autoriser ou que j'ai autorisées, par définition, sont
couvertes. Je devrais dire que les demandes que j'ai autorisées afin
qu'elles soient présentées devant un juge -pour qu'on se
comprenne bien - sont, par définition, couvertes, je crois, à la
fois juridiquement et dans l'esprit du Code criminel, par le secret qui doit
entourer ces choses.
En répondant au député oui ou non, il y a eu de
l'écoute électronique auprès de membres de
l'Assemblée nationale ou d'une autre catégorie visée par
le décret qui touche l'autorisation spécifique du Procureur
général, je pourrais, d'une façon ou d'une autre, par le
seul fait de cette déclaration publique, influencer des enquêtes
qui pourraient être en cours. Que je réponde oui ou non au
député, je crois que cela pourrait avoir un effet sur des
enquêtes qui pourraient être en cours. J'utilise le conditionnel et
le député pourra en conclure et en déduire ce qu'il
voudra: qu'il y a des députés soumis à l'écoute
électronique, comme il n'y en a pas; qu'il y a des enquêtes sur
des membres de l'Assemblée nationale, comme il n'y en a pas. Je n'ai pas
l'intention, dans un forum public comme celui-ci, de me départir de mes
obligations imposées par le Code criminel.
M. Marx: Est-ce que le ministre est au courant que c'est la
première fois depuis quelques années que le ministre de la
Justice refuse de répondre à une telle question?
M. Johnson (Anjou): Vous avez évoqué
vous-même, récemment, en Chambre, au mois de décembre, si
je me souviens bien... L'Opposition a elle-même mentionné ce que
pourraient être des cas sous enquête. Je dirai qu'on n'est pas ici
en termes généraux. Vous avez vous-même
évoqué des cas qui pourraient être spécifiques et,
en ce sens, je n'entends pas nuire à quelque enquête que ce soit
qui pourrait être en cours.
M. Marx: L'Opposition a le devoir, souvent, de poser des
questions qui viennent de la population ou de collègues, etc.; je pense
que c'est le devoir de l'Opposition et je fais mon devoir parce que, dans le
cadre de cette commission, je pose souvent des questions qu'on me demande de
vous poser. Si je ne les pose pas, elles ne seront jamais posées. C'est
à vous de répondre. Vous avez répondu que vous refusiez de
répondre à cette question cette année quoique, l'an
dernier, le ministre de la Justice ait répondu et, l'année
précédente, le ministre de la Justice ait aussi répondu.
Cette année, pour des raisons que vous connaissez vous-même, vous
ne voulez pas répondre. J'accepte. Passons à la...
M. Johnson (Anjou): Je dis bien que mes motifs pour ne pas
répondre sont ceux que j'ai évoqués, dans la mesure
où, publiquement, on a fait état de dossiers qui pourraient
être en cours. Je ne peux évidemment pas intervenir dans ce
processus.
M. Marx: D'accord. Vous n'allez donc pas répondre en ce
qui concerne même les députés à l'Assemblée
nationale?
M. Johnson (Anjou): Non! M. Marx: Non?
M. Johnson (Anjou): Je ne répondrai sans doute pas
publiquement à cette question. D'ailleurs, le forum que constitue une
commission parlementaire publique, compte tenu du rôle des élus,
n'est pas le meilleur des forums pour traiter d'un certain nombre de dossiers
qui relèvent de la sécurité interne de l'État et de
sa façon normale de fonctionner. Cela dit, je n'ai personnellement rien
à cacher au député ou à l'Opposition. Je peux
répondre des gestes que je pose en tant que ministre de la Justice. Je
trouve simplement regrettable qu'on nous expose à un débat public
sur un certain nombre de choses qui doivent, par définition, pour les
fins de l'efficacité et du respect des droits des personnes, trouver un
autre forum que celui d'une commission parlementaire publique.
M. Marx: Parfait, je respecte le virage du gouvernement et du
ministre en cette
matière.
Le Président (M. Gagnon): La parole est à M. le
député de Portneuf.
Négociation de la convention collective
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord témoigner mon appréciation à l'égard de M.
le ministre, de M. Jacoby et de M. le directeur général de la
Sûreté du Québec d'être avec nous ce matin pour
répondre aux questions dans le cadre de l'étude des
crédits du ministère de la Justice.
Je voudrais poser quelques questions relatives au dossier de la
Sûreté du Québec, et plus particulièrement à
la période difficile que la Sûreté du Québec, comme
entité, a traversée depuis le printemps 1984, que ce soit la
direction de la Sûreté du Québec, ou les policiers de la
Sûreté du Québec eux-mêmes et, par conséquent,
évidemment, la population.
M. le Président, la convention collective des policiers de la
Sûreté du Québec était échue depuis la fin de
l'année 1983. On se rappellera que, jusqu'en 1980 toute la structure de
rémunération des policiers permettant d'établir les
conditions de travail et par conséquent de rémunération
des policiers de la Sûreté du Québec se faisait sur une
base biennale où les échelles de rémunération
s'établissaient à partir de convention collective ou de contrat
de travail signé par les gouvernements provincial ou municipaux dans
sept corps de police qui servaient de référence. Vers 1980, le
gouvernement a décidé de se doter d'une nouvelle structure
d'appui ou d'un nouveau point d'appui pour élaborer sa
négociation avec ses employés. La convention collective est
devenue échue en 1983. On se rappellera que les négociations se
sont amorcées. On se rappellera que le gouvernement a formulé des
offres. On se rappellera aussi dans quelle perspective ces offres ont
été déposées. Le gouvernement avait sabré
chez les employés des secteurs public, entre autres, et parapublic. Le
gouvernement dont vous êtes, M. le ministre, malgré la signature
qu'il avait apposée au bas des conventions collectives, à la
veijle de la campagne référendaire, a dû constater, au
lendemain de l'élection, que l'équilibre des comptes publics du
Québec et la situation financière du Québec faisait en
sorte que vous aviez signé des documents qui engageaient trop,
financièrement, l'État québécois. Je n'ai pas
l'intention de me référer longtemps aux lois spéciales qui
ont été adoptées et à tout le chaos social que cela
a entraîné, toute la démotivation, tous les
problèmes qu'on affronte encore aujourd'hui au sein de notre fonction
publique comme suite du geste posé par notre gouvernement.
Le gouvernement offrait donc - et vous avez offert, par vos
interlocuteurs à la table patronale, avant la demande d'arbitrage -pour
l'année 1984, 0 %; pour l'année 1985, l'indice des prix à
la consommation moins 1,5 %; et pour 1986, l'indice des prix à la
consommation moins 1,5 %. Il va de soi qu'une telle offre allait susciter un
débat assez vif entre les parties.
Au mois de juin 1984, le gouvernement décidait de demander
l'arbitrage. En droit du travail, tous ceux qui s'intéressent à
ces questions savent pertinemment que, lorsqu'une des parties demande
l'arbitrage, cela, essentiellement, veut dire ceci: On ne s'entend pas aux
tables de négociation, on se donne la main et on réfère
tout cela à un arbitre ou une arbitre. Il y aura une sentence qui sera
rendue.
Nous convenons que, dans le cas de la Sûreté du
Québec et de la loi qui régit de telles négociations, la
demande de l'arbitrage par une des parties n'implique pas nécessairement
que les deux parties doivent appliquer intégralement la sentence
arbitrale. Dans le cas qui nous occupe et si on se réfère
à juin 1984, on doit cependant retenir que le gouvernement ayant
demandé lui-même l'arbitrage, il se conviait à une
responsabilité morale, peut-être pas une responsabilité
légale, de donner suite à cette sentence. Or, l'arbitre a
siégé pendant les mois de juin et juillet. Peu de temps avant les
auditions devant l'arbitre, on se le rappellera, il y avait peut-être 22
ou 23 points qui étaient en suspens à cette table de
négociation; dans les jours qui ont suivi l'intention du gouvernement de
demander à l'arbitre de se prononcer, ce sont 20 points litigieux qui se
sont réglés, à ce moment-là. L'arbitre a donc eu
à se prononcer sur deux points en particulier, ce qui facilitait
d'autant plus sa tâche.
Le 9 juin, la sentence a été demandée. L'honorable
juge Claude-René Dumais a rendu sa sentence le 28 septembre 1984,
après la visite du pape, après les festivités entourant
l'année 1984. Cette sentence prévoyait des augmentations de 4,5 %
pour 1984, de 3,5 %, relatifs à l'inflation, évidemment, pour
1985 et 3,5 % en 1986.
Dans les semaines qui ont suivi le dépôt de cette sentence,
le gouvernement a annoncé son intention de ne pas y donner suite,
mettant de côté ainsi l'engagement moral auquel il s'était
lui-même convié par la demande qu'il formulait à l'arbitre,
en juin.
Avec les problèmes qu'on a vécus à l'automne 1984,
ce qu'il faut comprendre, c'est que, lorsque c'est le gouvernement qui formule
une telle requête, lorsque le premier ministre du Québec, M.
René Lévesque, déclare à l'Assemblée
nationale, comme il l'a fait en décembre, que, si l'arbitrage a
été demandé, c'était strictement et uniquement
pour gagner du temps, il faut comprendre que tout cela, des
déclarations comme celles-là et une stratégie, parce que
c'était, effectivement, une stratégie, une tactique du
gouvernement, suscite des réactions qu'on a vécues comme
société, des réactions qui sont malheureuses, non
seulement pour les citoyens que cela affecte, mais aussi pour le gouvernement
que cela concerne et pour les travailleurs qui vivent ces frustrations et ces
problèmes.
À cet égard, M. le Président, je ne voudrais pas -
j'ose croire que le ministre saura conduire ses réponses au-delà
de toute partisanerie - que le ministre, ce matin, plonge et
répète le péché qu'il a parfois l'habitude de
commettre, à savoir de rendre plus partisanes ses réponses et de
faire en sorte que le débat baisse peut-être de quelques crans.
Vous savez, jamais par nos questions, ici, nous n'avons voulu cautionner des
gestes qui étaient susceptibles d'affecter la population. Et dans les
contacts ou les échanges d'opinion que nous avons eus avec ces
travailleurs, nous leur avons clairement indiqué notre solidarité
parce que, pour nous, dès le moment où un gouvernement demande
l'arbitrage, il se doit de respecter l'engagement moral auquel il se convie
lui-même. Finalement, ces gens ont été purement et
simplement bernés. Il aurait été beaucoup plus
responsable, pour un gouvernement qui se disait incapable de payer plus,
d'établir clairement les règles du jeu au mois de juin 1984 et
que le gouvernement, par la voix de ses porte-parole à la table des
négociations pour les employés de la Sûreté du
Québec, dise franchement, loyalement, ouvertement et clairement:
Messieurs, mesdames, nous sommes dans l'impossibilité financière
de faire plus, et de justifier cette attitude plutôt que d'y aller par
une demande d'arbitrage, ce qui aura été - l'histoire en
témoigne clairement par les réponses du premier ministre -
strictement et uniquement un moyen dilatoire pour gagner du temps. (10 h
45)
Les policiers de la Sûreté du Québec sont aussi
conscients que tout autre travailleur du Québec de l'effort qu'ils ont
fait ou qu'ils auraient pu faire pour tenter d'améliorer la condition
financière du gouvernement. Mais cela ne leur a pas été
présenté ainsi. C'est ce qui explique les problèmes qu'on
a eu à vivre comme société, que vous avez eu à
vivre comme gouvernement et que la Sûreté du Québec -je me
réfère à la direction, évidemment - a eu à
vivre à l'automne 1984. Ce sont des problèmes qui se sont
concrétisés par des gestes peut-être pas toujours
justifiables, mais souventefois explicables.
Le but de ma démarche, ce matin, auprès du ministre de la
Justice, c'est de lui poser quelques questions. Dans un premier temps,
j'aimerais qu'il se réfère au pourquoi des négociations
dites intensives de la mi-mars, qui se sont amorcées le 10 mars et qui
se sont terminées un peu plus tard, avec une fin de semaine vraiment
active en ce qui concerne les rencontres et où les échanges ont
achoppé. J'aimerais que le ministre se réfère au processus
de négociation qui a suivi l'engagement formulé par le premier
ministre à l'Assemblée nationale d'accepter de rencontrer les
parties et de s'immiscer lui-même dans la négociation, avec vous
comme ministre de la Justice. J'aurai, compte tenu de sa réponse,
très probablement quelques questions plus spécifiques à
lui poser en regard de cette négociation qui, selon les informations que
je possède - il pourra s'y référer, évidemment
-comme on le dit souvent, est passée à un cheveu d'un
règlement. À la lumière des informations que je
possède, si elles sont fondées, on a tous les motifs de croire
que, normalement, un gouvernement aurait accepté d'apposer sa signature
au bas d'une telle entente. Or, force nous est de constater que ces
négociations de dernière minute de la fin du mois de mars, ces
négociations intensives ont achoppé. J'aimerais que le ministre
de la Justice nous indique pourquoi le gouvernement a adopté une telle
attitude en regard de certains points particuliers de l'objet de la
négociation.
Le deuxième volet des questions que je poserai, celui-là
s'applique particulièrement pour l'avenir; je présume que M.
Beaudoin devra être mis à contribution. Le corps policier de la
Sûreté du Québec est un corps d'élite; c'est un
corps policier qui était et qui doit continuer à être un
objet de fierté de la part du Québec et des
Québécois. On doit malheureusement retenir qu'à la suite
du traitement qui a été imposé à ces travailleurs
on ne sent pas la motivation. La motivation ne passe pas à travers les
vitres des véhicules automobiles des policiers de la Sûreté
du Québec, actuellement. J'aimerais savoir quels sont les efforts que
vous entendez déployer pour rétablir un climat de confiance entre
les policiers de la Sûreté du Québec et la direction de la
Sûreté du Québec. Je retiens qu'il deviendra probablement
difficile de rétablir un climat de confiance entre les policiers et le
gouvernement, compte tenu des gestes qui ont été posés.
Mais, plus particulièrement, M. Beaudoin, lorsqu'on devra vider la
question de la négociation, qu'est-ce que vous entendez faire, comme
directeur général, pour rétablir le climat de confiance,
pour faire en sorte que les gens puissent connaître un degré de
motivation aussi élevé que celui qu'ils ont connu dans le
passé et que, finalement, on passe à autre chose, et que les gens
soient un peu plus heureux dans ce qu'ils font et dans les relations qu'ils
ont
avec leur supérieur?
M. le Président, le premier volet des questions que je veux poser
ce matin s'adresse à l'honorable ministre de la Justice.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je remercie le
député de m'éviter de redonner la chronologie des
événements, de l'avoir fournie. Cependant, j'ajouterais à
cette chronologie, pour la qualifier, qu'il l'a teintée d'une
interprétation. Notamment, il a eu un lapsus qui semble être une
chose d'ailleurs fréquente dans ce dossier de la Sûreté du
Québec par beaucoup d'intervenants. Il a eu un lapsus en disant "en
droit du travail", quand on se réfère à un arbitrage,
c'est parce que les parties ne conviennent pas entre elles de quelque chose,
s'en remettent à un tiers et vont écouter sa décision. Il
aurait fallu qu'il dise "en relations du travail", pas "en droit du travail",
parce que le droit qui s'applique ici dit bel et bien que ce personnage
désigné par le juge en chef de la Cour provinciale fait une
recommandation au gouvernement.
Cette recommandation du juge Dumais était inacceptable au Conseil
des ministres pour des raisons évidentes et manifestes. Elle aurait eu
comme effet de soustraire totalement, mais totalement, un groupe de personnes
dans la société à l'effort nécessaire auquel ont
été soumis tous les groupes dans la société.
D'abord, à la suite de la crise économique, des dizaines de
milliers de personnes ont perdu leur emploi, d'autres ont vécu
l'insécurité, d'autres ont vécu des réductions de
salaire, des gels de traitement, des plafonnements de carrière. Je parle
ici du secteur privé. Dans le secteur public et parapublic, 300 000
travailleurs de l'État, M. le Président, dans le contexte que
nous connaissons, ont dû se faire imposer cet effort par l'État,
au nom de l'intérêt collectif public et pas seulement de la
santé des finances publiques, bien que ce fût un facteur
important. Cela comprend aussi, M. le Président, les
députés de cette Assemblée, les membres du Conseil des
ministres de cette assemblée, les sous-ministres, les juges, les
médecins; tout le monde dans la société est passé
par là. Le résultat, la recommandation du juge Dumais,
c'était de faire comme si cela n'avait pas existé. Et cela,
c'était inaceptable à nos yeux.
En toute déférence envers le juge, c'était, dans
son application, nier le fait qu'il y ait eu un problème
économique majeur au Québec. Ce n'est pas parce qu'on porte un
costume, que ce soit la vareuse d'un médecin, que ce soit parce qu'on a
l'autorité d'un sous-chef, parce qu'on est juge, élu de la
population, enseignant, infirmière ou qui que ce soit dans le secteur
public et parapublic, qu'on peut être à l'abri des effets de la
crise économique. C'est cela qui nous a motivés.
Dans ces circonstances, alors que nous aurions pu souhaiter voir dans
cette recommandation un geste qui tenait compte de cet effort
nécessaire, malheureusement, l'application de la recommandation de
l'arbitre aurait eu comme effet de classer ce corps d'élite dont on
parle totalement, mais totalement à l'abri des effets de la crise
économique.
Il est évident, M. le Président, qu'en toute
équité on ne pouvait accepter cette recommandation. Or, si la
recommandation avait dit autre chose, cela aurait été
peut-être un autre débat. On ne souhaitait pas que l'arbitre... On
souhaitait, comme c'est normal en relation du travail, que l'arbitre, dans le
fond, fasse une recommandation au Conseil des ministres qui aille exactement
dans le sens de la position patronale, mais, entre vous et moi, on ne s'y
attendait pas vraiment. Mais on ne s'attendait pas, à toutes fins
utiles, que les effets de cette recommandation, si elle devait être
appliquée par le Conseil des ministres, soient d'une telle
inéquité à l'égard de l'ensemble des citoyens du
Québec. En ce sens, nous avons dû prendre cette décision
extrêmement difficile, dans le contexte que le député de
Portneuf a décrit.
Quant à la suite des événements, je vais vous la
dire en une phrase. Pour moi, M. Raymond Richard, le président du
syndicat, a manqué une extraordinaire occasion, au mois de juin dernier,
de redorer un blason qui n'avait pas à l'être à ce
moment-là, qui n'en avait pas besoin puisqu'il était
respecté, mais de polir encore plus ce blason de la Sûreté
du Québec. S'il avait de lui-même accepté, voyant que cet
effort avait dû être imposé, qu'il n'avait été
accepté que par les non-syndiqués, dans l'État, il aurait
eu une occasion extraordinaire de faire valoir la dimension sociale de ce
groupe dans notre société où, par définition, ces
hommes et ces femmes -peu nombreuses, je n'en disconviens pas -exercent un
métier qui a une vocation sociale. Si le président du syndicat
avait accepté, au mois de juin dernier, M. le Président, un gel
d'un an sur la rémunération de la Sûreté du
Québec, je dois vous dire que les gars de la Sûreté du
Québec auraient pu se promener la tête haute longtemps.
C'était son droit; c'était parfaitement son droit de refuser.
Le gouvernement, à ce moment, n'avait pas d'autre choix que
d'épuiser les recours. Il a dû épuiser les recours. Il a eu
l'espoir, une fraction du temps, que puisse découler une recommandation
qui ne soit pas le mandat patronal, mais qui ne soit pas non plus
complètement de mettre à l'abri un corps policier des exigences
que nous avait
imposées et qu'avait imposées la crise économique
à tous les citoyens et citoyennes du Québec.
À partir de là, le dossier est malheureusement
passé à un autre niveau. Le dossier s'est politisé. Il
s'est politisé de deux façons. Il s'est politisé dans la
mesure où le syndicat a choisi de faire valoir son point de vue dans
l'opinion publique, en dehors des mécanismes de relations du travail
puisqu'ils étaient tous épuisés. Il a choisi de contester
la décision gouvernementale qui découlait du décret du
mois de novembre et il a choisi de porter ce débat dans l'opinion
publique.
En cours de route, il a rencontré un allié dans son
discours. Cet allié, c'est la personne, entre autres, qui prétend
pouvoir être le prochain premier ministre du Québec; je parle du
chef du Parti libéral. Cela aussi a politisé le débat. La
situation que nous avons vécue pendant un certain nombre de semaines et
de mois est une situation anormale, je n'en disconviens pas, mais où,
à mes yeux, les responsabilités doivent être un peu mieux
partagées que ce qu'évoquait le député de
Portneuf.
Pour revenir à ses deux questions précises sur le
processus de négociation qui a suivi le mois de décembre et les
raisons pour lesquelles cette négociation intensive a achoppé, je
lui dirai, d'une part, que, au moment où ce dossier avait
polarisé beaucoup de gens dans l'opinion publique, au moment où
l'Opposition, comme c'est son droit, s'était faite le relais de
certaines des positions syndicales en Chambre et dans l'opinion publique et au
moment où le président du syndicat demandait une rencontre avec
le premier ministre, il ne m'apparaissait pas anormal, dans les circonstances,
comme ministre de la Justice, que le premier ministre puisse, effectivement,
rencontrer la direction du syndicat, ce qui fut fait. Pourquoi? Parce que, au
moment où, à toutes fins utiles, l'atmosphère qui est
créée devient insoutenable dans une démocratie, les
élus de la population n'ont pas le droit de ne pas tenter d'innover
avant de faire face à une situation où des mesures draconiennes
devraient être prises, ces mesures draconiennes elles-mêmes pouvant
mener à une situation de chaos social. (11 heures)
Le premier ministre a donc rencontré les représentants
syndicaux. Il était accompagné d'un certain nombre de personnes
de son bureau et du Conseil exécutif, du ministre de la Justice et de
certains de ses collaborateurs. Dans les jours qui ont suivi, après
avoir dégagé avec précision ce que pouvait être la
solution à certains problèmes et pour permettre disons-le aussi -
une résolution dans ce qu'un expert en relations du travail avait
appelé le syndrome du conflit exacerbé, une sortie
d'élégance à ceux qui avaient contesté publiquement
et politiquement l'autorité civile, cette solution
d'élégance, M. le Président, pour eux, ne pouvait en
aucune manière amener le gouvernement à remettre en cause le
principe de l'application des décrets pour leur durée, non plus
que de le faire par accident. Nous avions, sur l'ensemble du dossier, 24 heures
avant que le président du syndicat annonce que, à toutes fins
utiles, il n'y avait plus rien à faire, une entente dans laquelle le
gouvernement pouvait préserver ses principes et dans laquelle, à
partir du problème qui va se poser à l'égard du
recrutement dans les années qui viennent et d'une forme de gestion plus
adéquate des ressources humaines, le syndicat consentait à un
certain nombre de choses, le gouvernement aussi y trouvant son compte, à
certains égards, financièrement.
Ce qui a achoppé, c'est ce qui, finalement, est un détail,
M. le Président. Je vais simplement terminer ma réponse sans me
mettre à négocier autour de cette table. Les décrets sont
là et ils s'appliquent; ce n'est pas ici qu'on va changer cela, mais il
faut peut-être savoir de quoi on parle. On avait une entente sur
l'ensemble, M. le Président, sauf sur la question de l'application
théorique, sur les trois ou quatre prochaines années, de la
sentence arbitrale pour les fins du calcul du régime de retraite.
Je vous ferais remarquer, M. le Président, que, à
cinquante-deux ans, après trente-deux ans de service, un policier de la
Sûreté du Québec se retire avec un montant annuel
égal à 70 % de son traitement moyen des quatre meilleures
années, ce qui lui aurait donné, au 1er janvier 1986, 24 066 $.
Un retraité, après vingt-sept ans de service -ce qui est le cas
de beaucoup d'entre eux -donc, quelque part à la fin de la quarantaine,
a une rente égale à 62 % du traitement des quatre meilleures
années, soit 21 315 $. Ce que le syndicat demandait là-dessus, M.
le Président, c'était qu'on puisse majorer ces prestations pour
les quatre prochaines années. Nous étions prêts et
consentants à appliquer, dans le cas de la Sûreté du
Québec, le même genre de programme que celui que nous avons
instauré à certains endroits dans la fonction publique, où
on donne un montant forfaitaire au moment de la retraite, si on veut favoriser
l'attrition encore plus.
C'est là-dessus que cela a achoppé, M. le
Président. Disons qu'on ambitionnait pas mal sur le pain bénit.
On trouvait que c'était assez pour notre part et on a été
obligé de dire non, là-dessus; non! On a une solution en pratique
qui vous permet ici de mettre fin à cela et vous en demandez encore.
M. le Président, mon dernier
commentaire - je crois qu'il me reste trois, quatre, cinq minutes -
portera sur une question, dans le fond, que je pourrais peut-être
adresser au député. Peut-être que, dans ses questions
additionnelles, il pourrait y répondre. Je crois comprendre dans ses
propos, et je reverrai la transcription, qu'il considère que, à
toutes fins utiles, il s'appliquerait à lui-même l'engagement
moral de respecter la recommandation du juge Dumais. Si c'est le cas, M. le
Président, pour moi, il y a deux conclusions à cela: la
première, ne vous demandez pas pourquoi la négociation avec eux a
achoppé. Si le président du syndicat des policiers avait un
engagement de la part d'un parti politique d'Opposition qui auraient un
meilleur "deal" qu'avec le gouvernement, c'est la première conclusion
que j'en tirerais. La deuxième conclusion que j'en tirerais, c'est que
ce parti n'est pas encore au pouvoir et qu'il donne sa chemise. Cela
m'inquiète pas mal plus pour le Québec, globalement.
Je crois, M. le Président, qu'il est du devoir social d'un
gouvernement, qu'il soit du PQ ou du Parti libéral, de faire en sorte,
malgré les problèmes d'exacerbation de relations du travail qu'on
a trouvés dans ce dossier, il est du devoir moral de quelque parti
politique que ce soit de faire en sorte que, dans le cas des policiers comme
des autres catégories de la population, l'effort à l'égard
des conséquences de la crise économique soit assumé et, si
l'Opposition libérale, M. le Président, est prête à
remettre en question ce principe, qu'elle dise clairement aux citoyens du
Québec qu'elle considère qu'il y a une catégorie à
privilégier dans la société, qui s'appellerait les
policiers. C'est son droit de le faire, mais qu'elle le dise clairement
à nos concitoyens.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Je n'ai pas interrompu le ministre quoiqu'il
aurait été très certainement justifié ou possible
de le faire, tout au moins. Je n'ai pas l'intention de consacrer le principal
de notre temps à discuter dans le cadre d'un débat strictement
partisan. Par contre, je ne peux m'empêcher de relever les affirmations
et les accusations fausses, gratuites, irresponsables qu'il a formulées
à l'égard du chef de notre formation politique, M. Bourassa, qui
a toujours fait des déclarations empreintes d'un sens très
élevé des responsabilités lorsqu'il a formulé de
telles déclarations relatives à ce conflit.
Cependant, je me permettrai de dire au ministre qu'il est regrettable
qu'il veuille teinter le débat d'autant de partisanerie et imputer
autant de motifs à peu près à tout le monde, dans ses
commentaires ce matin.
Je lui demanderais, pour les prochaines questions, d'être
peut-être un peu moins fâché, plus calme, plus serein. Ce
n'est pas bon pour votre image, vous savez, M. le ministre, vu les
prétentions que avez pour la chefferie du Parti québécois.
Je vous prierais d'être plus serein. Vos conseillers vont probablement
vous dire, à la fin de cette période, que ce n'est pas bon pour
votre image de vous fâcher comme cela et de donner des coups de poing sur
la table.
M. le Président, j'apprécie que le ministre me confirme
lui-même ce matin -parce que la confirmation était venue seulement
du premier ministre, M. Lévesque - que le pourquoi de la demande
d'arbitrage en juin 1984 était strictement une question de tactique et
de stratégie, parce que, si l'argumentation à l'appui de votre
position, c'était de faire en sorte que les policiers de la
Sûreté du Québec aient à subir le même coup
que les travailleurs de l'État, lorsque vous vous référez
aux députés, aux ministres, aux médecins, aux juges, aux
enseignants, aux infirmiers, vous aviez la responsabilité, si vous aviez
été un gouvernement responsable, judicieux, travaillant dans
l'intérêt public, de le dire clairement et de l'énoncer
loyalement aux travailleurs concernés avant d'aller en arbitrage. Vous
venez de nous confirmer ce matin que, lors de la demande d'arbitrage, avant
l'arbitrage, votre position était définitive, qu'elle
était connue entre vous au Conseil des ministres et que vos intentions
étaient arrêtées. M. le ministre, merci de me l'avoir
confirmé ce matin. C'est seulement le premier ministre, M.
Lévesque qui l'avait confirmé, mais c'est regrettable que vous
ayez adopté un tel comportement et par surcroît que vous vous y
soyez associé vous-même.
Le ministre ne veut pas revenir à la négociation. Il dit:
Je ne toucherai pas à la négociation, mais cela a achoppé
sur un détail et nous avions une entente sur la table. Je suis heureux
que le ministre nous le confirme, parce que ce sont les informations que nous
possédons et le public a le droit de savoir qu'il y avait effectivement
une entente sur la table et que le conflit à la Sûreté du
Québec était pratiquement réglé. Par contre, il ne
veut pas discuter du fond de la négociation. Il ne reprendra pas la
négociation ici.
M. le ministre, pouvez-vous nous confirmer qu'à partir du 10 mars
des contacts ont été établis entre les
représentants patronaux et les représentants du syndicat? Les
premiers contacts ont eu lieu le 10 mars, des rencontres le ou vers le 12 mars,
des échanges les 13, 14 mars et dans les jours qui ont suivi.
Pouvez-vous nous confirmer qu'un des éléments les plus
contentieux dans l'ensemble de ce débat était toute la politique
de la rémunération et que les parties ont, entre les 10 et 26
mars,
fait un bon bout de chemin ensemble et un chemin assez prolongé
pour en arriver à la rédaction de textes dans un document dont
l'en-tête porte le titre "Comité sur la
rémunération"? Pouvez-vous nous confirmer qu'avant même la
rencontre avec le premier ministre ce qui se dégageait des travaux de
déblaiement, des travaux préliminaires entre le gouvernement et
les policiers, ces échanges conduisaient à un accord portant sur
l'établissement de nouvelles structures pour établir les
conditions de rémunération des policiers de la
Sûreté du Québec au lendemain du 31 décembre 1986 et
que cette nouvelle entente ou ce qui se dégageait sur la
rémunération prévoyait entre autres, qu'à l'avenir,
au 31 décembre 1986, la rémunération des membres de la
Sûreté du Québec aurait été comparable
à celle de l'ensemble des corps policiers du Québec et
qu'à cette fin le comité devait examiner la situation et
l'évolution des salaires des principaux corps policiers municipaux du
Québec, la situation et l'évolution des salaires du secteur
privé et du secteur public québécois, la situation et
l'évolution des salaires de la GRC, de l'Ontario Provincial Police et du
Toronto métropolitain et que le comité acceptait de tenir compte
entre autres de l'évolution de l'indice des prix à la
consommation pour les périodes 1984, 1985 et 1986 et la position
relative historique des salaires des membres de la Sûreté du
Québec? Pouvez-vous confirmer ou infirmer qu'en vertu de cette nouvelle
structure de rémunération l'Association des policiers provinciaux
du Québec avait accepté - non pas que le gouvernement avait
proposé, mais que le gouvernement avait demandé et l'association
avait accepté - qu'à partir de 1987 une nouvelle structure de
rémunération soit établie pour les nouveaux policiers de
la Sûreté du Québec prévoyant entre autres une
diminution au sujet de la rémunération de base de 6000 $ par
année par policier à l'entrée, que les échelles
passaient de 48 à 60 mois et que cette nouvelle structure de
rémunération faisait en sorte que le nouveau policier n'aurait
jamais rejoint l'ancien taux pour des fonctions équivalentes? C'est le
premier volet de ma question. Par la suite, j'aborderai la rencontre du 28
mars.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le ministre. (11 h 15)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, d'abord sur les
prolégomènes du député, il n'est pas exact de dire
que ce n'était que stratégique ou tactique. Je pense que le
député travestit mes propos quand il dit que, sur l'arbitrage,
dans le fond, le gouvernement avait déjà arrêté sa
position. Il laisse entendre dans le fond que le gouvernement avait
déjà pris sa décision avant même de
déclencher l'arbitrage. Je dirai: Non, c'est inexact! Ce que j'ai bien
dit - il relira la transcription des propos que j'ai eus à la suite de
sa première question - j'ai bien dit que l'espoir que nous avions,
c'était qu'au cours des délibérations devant le
juge-arbitre qui devait faire une recommandation nous parvenions à faire
triompher le principe qu'il y avait un effort nécessaire, là
comme ailleurs, et l'effet de la sentence, si nous avions dû l'appliquer,
cela aurait été de faire en sorte que non. La preuve, M. le
Président, c'est que le décret du mois de novembre qui fixe les
conditions de travail des policiers sur le plan de leur
rémunération n'est pas un décret qui est la position
patronale du mois de juin, mais qui se situe quelque part entre la position
patronale du mois de juin et la recommandation de l'arbitre. Je pense qu'il
faut en être conscient.
Deuxièmement, il n'y a pas de "giddy" là-dedans, il n'y a
pas d'histoire. Le président du syndicat savait ce que
représentait l'arbitrage. J'ai rencontré M. Raymond Richard pour
lui annoncer que nous irions en arbitrage, quelque part au mois de juin. Je ne
me souviens pas, je pense que c'est la deuxième ou le troisième
semaine de juin, quelque chose comme cela. Je l'ai vu, je pense, à cette
époque-là, à deux pu trois reprises. Je lui ai dit, la
première fois que je l'ai vu: M. Richard, il est possible que nous
allions en arbitrage. Je pense que la seconde fois ou la troisième fois
- je ne me souviens pas - je lui ai confirmé que nous avions l'intention
d'y aller. Quand j'ai annoncé cela à M. Raymond Richard ou quand
j'ai évoqué le fait que nous pourrions aller en arbitrage, il m'a
répondu: Nous autres, on trouve cela inacceptable. J'ai dit: Pourquoi?
Il a dit: Parce que vous ne serez pas lié par la décision de
l'arbitre. C'est M. Raymond Richard qui m'a dit cela, M. le Président.
Il ne l'a pas appris dans le journal, lui, au mois de novembre. Au mois de
juin, il a dit: Je sais que vous ne serez pas lié par la décision
de l'arbitre. Ce qui ne l'a pas empêché, à compter du mois
de novembre, de mettre sur pied une campagne de propagande absolument
gigantesque qui laissait entendre, et qui avait un relais, un relais politique,
M. le Président, qu'à toutes fins utiles on cassait ce qui
était une sentence arbitrale. La raison pour laquelle il ne voulait pas
y aller, c'est qu'il savait qu'on ne serait pas lié. Je lui ai dit: On
va plaider fort, M. Richard, pour faire retenir quelque chose qui colle
à notre point de vue par l'arbitre, mais la recommandation du juge
Dumais, encore une fois, inclut un principe. Ce principe, c'est que les
policiers n'ont pas à être soumis à quelque effort que ce
soit qui soit comparable à ce qui a dû être imposé
aux autres.
On ne demandait pas de geler rétroactivement la paie des gens, on
ne
demandait même pas le phénomène de la piscine, on
demandait en pratique dans la rémunération la reconnaissance du
principe d'une stabilisation de la masse et de l'effort que cela
représente pour chacun pour une période donnée. Quand vous
vous ramassez avec une recommandation qui vous coûterait 4,5 % IPC-IPC,
je peux vous dire que cela n'a rien à voir avec ce que le Québec
a vécu, cela n'a rien à voir avec ce qui se vit encore
quotidiennement par des milliers de travailleurs au Québec, qui
règlent pour 2 %, qui règlent pour des gels dans le secteur
privé. On va continuer de donner des 4,5 % IPC-IPC? Voyons donc! C'est
cela le vrai débat, c'est ça le débat de fond qu'il y a
derrière cela.
Quant aux propos qui ont fait l'objet d'échanges au niveau du
comité mixte à la Sûreté du Québec, qui est
une sorte de comité de négociation permanent, je n'ai pas
l'intention ici d'y aller heure par heure, téléphone par
téléphone; ce n'est pas comme cela - je pense que le
député connaît fort bien mon attitude, étant
donné qu'il a été critique en matière de relations
du travail longtemps, qu'il l'est encore d'ailleurs, si je ne me trompe pas -
il sait très bien quelle est mon attitude devant ce type de choses:
quand les choses se font en négociation, elles se font en
négociation. Je peux, cependant, lui confirmer les contenus qu'il a
évoqués, d'autant plus, M. le Président, que ces contenus
seront dans le volume 17, no 2, d'avril 1985 d'une revue qui s'appelle Au
Devoir, Association des policiers provinciaux du Québec.
À partir de la page 34, on y retrouve tout ce qui a
été paraphé lors de ces discussions intensives et,
à ce que je sache, sauf erreur, les documents qu'on retrouve là
sont rigoureusement exacts. D'ailleurs, je pense que ce sont des photocopies
des documents paraphés par mes représentants. Oui, je peux
confirmer le contenu. D'ailleurs, il est public. Je ne pense pas que ce soit
vendu dans les kiosques, mais c'est un document public.
Dans les circonstances, M. le Président, ce que j'ai à
répondre au député, c'est que, oui, cela a achoppé
sur la question de l'ajustement possible sur la base d'une tension qui
était n'importe où entre 21 300 $ et 24 000 $ pour des gens qui
voulaient qu'on en mette entre 90 $ et 500 $ de plus par année. On a
dit: Là, c'est assez. C'est assez socialement, c'est assez
économiquement, c'est assez politiquement aussi!
C'est assez de faire en sorte qu'on ébranle toute la
société, parce qu'on est président d'un syndicat de
policiers. C'est assez de s'imaginer qu'on va faire des jeux politiques, qu'on
va se fermer les yeux, quand on est président de syndicat, sur le fait
que des dossiers d'enquêtes policières se retrouvent entre les
mains de députés de l'Opposition.
M. Pagé: Le ministre est en train d'affirmer des choses
qui sont complètement fausses et je lui demanderais, s'il a des cas
à soumettre, qu'il les soumette, sinon qu'il passe à autre
chose.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Pagé: À quels dossiers et à quels
policiers vous êtes-vous référé, M. le ministre?
M. Johnson (Anjou): C'est assez, M. le Président, de
voir...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre va terminer et
vous poserez...
M. Pagé: Non, M. le Président, il ne peut pas se
faire des choses aussi graves, aussi lourdes de conséquences que celles
que vient de signaler le ministre. Quels dossiers l'Opposition a-t-elle eus
dans les mains?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai affirmé
que le président de l'APPQ s'est fermé les yeux sur le fait qu'on
retrouvait en plein milieu de la période de questions des questions
basées sur le contenu d'enquêtes policières.
M. Pagé: Quels dossiers?
M. Johnson (Anjou): Je vous réfère aux
transcriptions du mois de décembre.
M. Pagé: Vous affirmez, ce matin, comme ministre de la
Justice, lors de l'étude des crédits, que des dossiers ont
été transférés par l'Association des policiers
provinciaux du Québec à l'Opposition?
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas dit cela. J'ai dit: Lisez la
transcription; le président de l'Association des policiers provinciaux
du Québec a fermé les yeux sur le fait qu'on pouvait retrouver en
Chambre, devant la population, des questions provenant de l'Opposition et qui,
de toute évidence, émanaient de renseignements découlant
d'enquêtes policières.
M. Pagé: Êtes-vous conscient de l'accusation que
vous portez à l'égard des dirigeants de l'Association des
policiers provinciaux et des députés?
M. Johnson (Anjou): Je dis que le président de l'APPQ
s'est fermé les yeux sur cette question, qu'il aurait dû
dénoncer ce processus.
M. Pagé: Vous soutenez aujourd'hui que des
députés de l'Opposition, à l'Assemblée nationale du
Québec, en décembre, 1984, avaient des dossiers provenant de
quelque part à la Sûreté du Québec. Des preuves ou
le silence, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): J'ai affirmé, M. le Président,
et je réitère mes affirmations, que les questions de
l'Opposition, au mois de décembre, étaient basées sur des
renseignements qui étaient relatifs à des enquêtes
policières; c'est aussi simple que cela, des renseignements que le
Procureur général n'avait même pas entre ses mains, dans
certains cas, qui n'étaient pas rendus au bureau du Procureur
général. C'est cela que j'affirme, M. le Président, rien
de plus, rien de moins.
M. Pagé: Affirmez-vous que des députés de
l'Opposition ont eu l'occasion de prendre connaissance de dossiers de police?
C'est cela que vous voulez affirmer ce matin? M. le ministre, je vous rappelle
que vous êtes ministre de la Justice...
M. Johnson (Anjou): Je dis que les...
M. Pagé: ...et que, vu l'avenir que vous voulez vous
tracer, vous devriez être prudent.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Portneuf, vous avez posé une autre question au ministre; M. le ministre
devrait répondre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, avant que le
député transforme la commission des crédits en tribunal
d'inquisition, je dirai que, de fait...
M. Pagé: C'est gratuit, les accusations que vous
partez...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Portneuf, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): ...au mois de décembre - la
transcription le démontre -des membres de l'Opposition ont posé
des questions en Chambre relativement à des enquêtes
policières ou à des activités dans le cadre
d'enquêtes policières; c'est ce que j'affirme. Je n'ai pas
affirmé, M. le Président, que le député de Portneuf
était en train de lire un rapport de police. J'ai dit que ces questions
étaient relatives à des activités policières sous
enquête.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste une petite précision, parce que je n'ai pas
compris. Le mi- nistre a dit: Le président de l'association des
policiers a fermé les yeux. Est-ce que le ministre veut dire qu'il a
fermé les yeux en tant que président de l'association des
policiers ou est-ce qu'il a fermé les yeux en tant que policier? Est-ce
que le ministre ne fait aucune distinction?
M. Johnson (Anjou): Je ne fais pas la distinction dans le cas
présent. À ma connaissance, le président du syndicat est
détaché de façon permanente pour exercer ses fonctions.
À ma connaissance, bien qu'il ait le statut de policier, il n'exerce pas
des fonctions policières, il ne fait pas d'enquête, il n'est pas
en patrouille, il n'a pas de mandat comme personne à la
Sûreté du Québec. Il est soumis à un certain nombre
de contraintes, comme tout le monde, en vertu de la Loi de police, mais,
à ma connaissance, dans son travail de président, en vertu de la
convention collective, si je ne m'abuse, il est libéré à
temps plein pour faire ce métier. Je crois, d'ailleurs, que cela fait
plusieurs années qu'il l'exerce. Ce que j'affirme, M. le
Président, c'est qu'on a vécu une période au Québec
où, simultanément, il y avait un problème énorme de
relations du travail entre l'État et les représentants de ses
policiers et qu'en même temps ce dossier a été
accompagné d'une atmosphère de questions, d'attitudes et de
silences parfois très significatifs qui, à toutes fins utiles,
ont transposé ce dossier au niveau politique. Je n'ai rien dit de plus
ni de moins que cela.
Je réitère, M. le Président, que ce n'est pas moi
qui ai affirmé - et ce n'est pas une lubie, une invention de celui qui
vous parle - que le président du syndicat avait eu des communications
avec l'Opposition. Je veux simplement vous donner un extrait d'un texte
publié par l'association elle-même, toujours dans cette même
revue, à la page 20, d'une transcription dans le journal de
l'association des policiers d'une entrevue donnée par le
président du syndicat: "Nous n'avons pas de promesse du gouvernement
libéral qu'advenant la prise de pouvoir par M. Bourassa il accepterait
la sentence arbitrale, mais, sauf une chose, dans les discussions qui ont lieu
en privé avec le gouvernement libéral, nos espoirs sont que nous
aurions enfin un règlement acceptable pour les membres." Ce n'est pas
moi qui dis cela, c'est le président de l'APPQ.
Le président du syndicat dit, également, à la page
21 de cette même revue, d'après une transcription d'une entrevue
qu'il donnait: "Peut-être que je vous fais retremper dans l'histoire, les
libéraux vont peut-être être là dans trois mois."
Ce n'est pas moi, M. le Président, qui affirme que le conflit a
été politisé. Je n'ai pas été le premier
à affirmer cela. J'avais l'impression qu'il commençait à
l'être
un peu à partir du mois de décembre. C'est le
président de l'APPQ, M. le Président, et le député
de Portneuf, qui connaît très bien le processus des relations du
travail, il le connaît parce qu'il en est le critique depuis des
années au Parti libéral, sait très bien le genre de
situation qu'a vécue le gouvernement et ses conséquences sur la
population, sur le climat des troupes, sur l'efficacité des troupes. Il
le sait parce que, dans la mesure où le président du syndicat
peut affirmer, comme il l'a fait publiquement devant ses 4300 policiers, qu'il
a, dit-il, un meilleur "deal" avec le gouvernement libéral qu'avec le
Parti québécois, ne vous demandez pas pourquoi il n'y a pas de
règlement, M. le Président. C'est cela la politisation d'un
conflit. Marine, ce sont des pinottes à côté de cela, M. le
Président. C'est cela la politisation d'un conflit, et c'est joué
dans un domaine d'une sensibilité incroyable dans une
société démocratique comme la nôtre. (11 h 30)
C'est déjà difficile, et j'en souhaite à celui qui
pourrait être ministre de la Justice dans un hypothétique
gouvernement libéral, d'harmoniser de façon efficace,
adéquate, cohérente et crédible les relations entre les
pouvoirs civils et les pouvoirs policiers dans une société
démocratique. C'est complexe à cause de la neutralité que
doit avoir un corps policier, et on sait ce que cela a donné au
Québec. Cela a donné une réforme importante au
début des années soixante parce que la police était une
police politique jusqu'à 1962. C'est cela qui est en cause ici: ce
rapprochement entre un parti politique et ceux qui ont du pouvoir au niveau
policier. C'est un rapprochement très dangereux. C'est cela que je mets
en cause.
Encore une fois, je ne " peux pas affirmer, parce que je ne suis pas
témoin de cela, quelle est la nature du "deal". Je peux simplement dire
que le président du syndicat évoque lui-même qu'il y a
quelque chose de meilleur avec le Parti libéral qu'avec le Parti
québécois. Deuxièmement, je peux vous affirmer -
évidemment, c'est du ouï-dire, on n'est pas dans un procès
ici; on y va avec ce que l'on peut - que ce même président disait
à mon représentant personnel, il y a encore quelques jours, qu'il
avait rencontré le chef du Parti libéral, qu'il avait
rencontré des émissaires du Parti libéral et que ces
émissaires du Parti libéral étaient satisfaits de ce qu'il
faisait. C'est ce qu'il affirme.
Alors, de deux choses l'une, M. le Président, ou ce que dit M.
Raymond Richard est vrai ou c'est faux. Si c'est vrai, M. le Président,
c'est très dangereux pour la démocratie quant au sens des
responsabilités et quant à la distance nécessaire qui doit
exister entre les structures politiques et les corps policiers. C'est
dangereux. Ou bien c'est faux, et alors le Parti libéral, et notamment
le député de Portneuf en ce moment, est en train de
défendre un menteur. Un des deux: ou c'est dangereux ou l'Opposition
fait une erreur très grave sur le plan du jugement en défendant
un menteur. Mais, dans un cas comme dans l'autre, M. le Président, cela
m'inquiète et je vous dirai que cela me donne le goût de me battre
pour que ce monde-là ne prenne pas le pouvoir.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Avant de passer à quelques questions, je
me permets de relever l'une des accusations que le ministre de la Justice vient
de formuler. Il a tenté de se rattraper à la fin, un peu plus
tard, vu l'impair qu'il venait de commettre, lorsqu'il a évoqué
qu'en décembre dernier le président de l'Association des
policiers provinciaux, toujours selon lui, ministre de la Justice, aurait
fermé les yeux sur des dossiers entre les mains des
députés de l'Opposition. Je tiens à indiquer au ministre
de la Justice et à ceux qui nous entendent, ceux qui sont ici ou encore
ceux qui liront le Journal des débats, que l'énoncé, cette
formulation du ministre de la Justice est fausse et même fallacieuse.
Elle impute des motifs; elle est irresponsable et elle est purement et
simplement démagogique de la part de celui qui, particulièrement
dans un débat comme celui-là, devrait être au-dessus de la
mêlée et être beaucoup plus judicieux dans ses propos.
Le ministre a continué ce matin à politiser lui-même
le débat alors que le forum de ce matin devait nous convier aux
négociations: pourquoi cela a achoppé et surtout ce qu'il importe
de faire à compter de demain pour le rétablissement d'un climat
social serein, pour le rétablissement de la motivation et d'une
participation vraiment active des travailleurs de la Sûreté du
Québec. Non, le ministre de la Justice, M. le député
d'Anjou, a lui-même choisi, ce matin, de politiser, comme je ne l'ai
jamais entendu en douze ans de vie politique ici à Québec, un
dossier comme celui-là. Et, par surcroît, c'est le Procureur
général du Québec et ministre de la Justice.
M. le Président, le ministre s'est référé
à des contacts que l'Opposition, notre formation politique, aurait eus
avec ces travailleurs. Je dirai au ministre de la Justice, qui a
été aussi ministre du Travail, qu'il est explicable, normal et
justifié qu'un groupe de travailleurs - que ce soit le syndicat des
travailleurs à Marine, que ce soient les travailleurs d'un syndicat de
la construction, que ce soient des travailleurs en milieu hospitalier qui ont
à souffrir et à
subir des coupures sévères, que ce soient des travailleurs
de la Sûreté du Québec qui se voient imposer des conditions
à la suite de ce qu'on peut qualifier de pure stratégie
gouvernementale, parce que c'est la responsabilité du gouvernement
lorsqu'il traite du renouvellement de la convention collective des travailleurs
de la Sûreté du Québec, et que celle-ci en est une de
relations patron-employés - qu'il est normal que les policiers de la
Sûreté du Québec, lorsqu'ils ont à négocier
avec le gouvernement comme employés, sensibilisent la presse, la
population et les élus ici autour de la table - qu'ils soient de la
majorité ou de la minorité - aux problèmes qui les
occupent avec le gouvernement, non pas le gouvernement qui a à faire
respecter des lois, à gérer, à assumer la gestion d'un
appareil judiciaire, mais le gouvernement qui a une responsabilité comme
employeur envers eux. Et si le président de l'Association des policiers
provinciaux, si les policiers de la Sûreté du Québec
indiquent, au moment où on se parle, dans un document, et quel que soit
le document, qu'ils ont plus confiance à une formation politique comme
la nôtre, je tiens à vous rappeler, M. le ministre, qu'ils ne sont
pas les seuls. Les sondages en témoignent clairement. C'est la
population qui a plus confiance, actuellement, à l'équipe que
nous formons qu'à la vôtre. S'ils indiquent dans un document
qu'ils auraient plus confiance à un gouvernement libéral qu'au
gouvernement actuel formé par le Parti québécois, c'est
qu'ils se rappellent très bien la façon loyale, honnête,
franche et ouverte avec laquelle notre gouvernement a toujours
négocié ses conditions de travail, sans passe-passe, sans
pseudo-préjugé favorable, sans coup de...
M. Johnson (Anjou): On les a reprises chaque fois.
M. Pagé: Ah! c'est ce que vous soutenez, M. le ministre.
Vous savez, vos arguments ne tiennent pas; ils ne résistent pas à
l'analyse. Et c'est regrettable, mais profondément regrettable que vous
politisiez le débat de façon aussi basse, aussi surprenante pour
quelqu'un comme vous qui se veut être éventuellement un homme
d'État.
M. le Président, j'aimerais demander au ministre de la Justice
s'il est exact que, le 28 mars, lors de la rencontre entre M. René
Lévesque, vous-même, des collaborateurs, les négociateurs
et les représentants des policiers, l'Association des policiers
provinciaux a fait valoir les quatre points qui retenaient son attention, qui
reflétaient la prise de position, à ce moment-là?
Selon les informations que je possède, dans un premier temps, M.
Lévesque aurait souhaité la bienvenue, aurait convenu qu'il
fallait régler; il aurait indiqué qu'il apprécierait que
l'Association des policiers provinciaux accepte le décret; et il aurait
brièvement réagi sur les quatre points portés à
l'attention des participants comme étant la position adoptée par
l'association.
Dans sa prise de position, l'association demandait, premièrement,
à compter du 1er janvier 1987, un ajustement salarial sans effet
rétroactif basé sur les normes de la sentence arbitrale, et la
poursuite des négociations sur cette base.
Deuxièmement, à compter du 1er janvier 1987, l'association
demande un ajustement non rétroactif de la rente de retraite, suivant
les mêmes normes, pour les membres retraités, entre le 1er janvier
1984 et le 31 décembre 1986: le point qui a achoppé, selon ce que
vous nous avez confirmé ce matin.
Troisièmement, l'extension du régime de retraite aux
membres de la Sûreté du Québec, pour une période de
cinq ans.
Quatrièmement, la signature d'un protocole de retour au travail
dont les modalités restaient à discuter.
Le premier ministre aurait indiqué que le premier point,
c'est-à-dire le maintien, le respect du décret - 1er janvier 1987
- et les négociations à partir, comme plancher, de la sentence
arbitrale le premier ministre aurait dit que c'était
intéressant.
Concernant le deuxième point, celui qui a achoppé, pour
les rentes de retraite, le premier ministre n'aurait pas dit un mot.
Pour le troisième point, concernant l'extension du régime
de retraite qui, soit dit en passant, ne se négocie pas en même
temps que la convention, le premier ministre aurait dit: Pas plus de trois
ans.
Quatrièmement, pour le protocole de retour au travail, le premier
ministre aurait déclaré: II y aura un protocole de retour au
travail, mais il n'est pas question de retirer quelques sanctions
disciplinaires qui ont été imposées jusqu'à
maintenant.
Partant de là, vous deviez vous rencontrer très tôt
dans l'après-midi, après la séance. Tout le monde s'est
attendu, apparemment, jusqu'à 22 h 30. Il y a eu des échanges de
textes, des communications, etc. Pouvez-vous confirmer ce matin que,
premièrement: l'Association des policiers provinciaux acceptait le
décret à la condition que, au 1er janvier 1987, la
négociation s'amorce à partir, comme base, de la sentence
arbitrale et que c'était, en principe, accepté par le
gouvernement? Pouvez-vous confirmer, toujours concernant la
rémunération, que les deux parties acceptaient une nouvelle
structure de rémunération qui faisait en sorte que les nouveaux
policiers avaient une échelle de rémunération
diminuée de 6000 $? C'est beaucoup d'argent, compte tenu du nombre de
policiers qui s'apprêtent à prendre leur
retraite ou qui auraient pu prendre leur retraite d'ici à
quelques années. On m'a indiqué qu'il y avait peut-être 400
ou 480 policiers qui auraient dû être embauchés. Imaginez ce
que cela pouvait représenter en termes d'économie
d'échelle. Il y avait entente là-dessus.
Deuxièmement, l'Association des policiers provinciaux avait
accepté la demande formulée par le premier ministre que le
régime de retraite était prolongé de trois ans, comme le
demandait le gouvernement, alors que la demande initiale était de cinq
ans.
Sur le point trois, concernant le protocole de retour au travail,
l'Association des policiers provinciaux n'exigeait pas le retrait des
sanctions. Elle acceptait le maintien des sanctions et des poursuites, s'il y a
lieu. Elle demandait purement et simplement qu'il n'y ait pas de nouvelles
poursuites d'entreprises. Concernant le point deux, le point particulier,
spécifique s'appliquant seulement à quelques dizaines ou
centaines de travailleurs, mais non pas à l'ensemble, concernant
l'applicabilité des dispositions de la sentence, en regard de la rente
de retraite entre le 1er janvier 1984 et 31 décembre 1986, Me Richard
Drouin a indiqué: On s'excuse, cela, on ne peut pas l'accepter; le
premier ministre a oublié de vous le dire.
Finalement, il y avait une entente à la table qui était
susceptible de recevoir la signature des deux parties. Ce conflit qui avait non
seulement duré, mais trop duré était réglé
le 28 mars. Le gouvernement y trouvait son compte en ce sens que le
décret s'appliquait. Une nouvelle structure de
rémunération était établie pour l'avenir qui
permettait au gouvernement d'économiser des millions de dollars, de
procéder à l'embauche de près de 480 nouveaux policiers,
d'appuyer ses offres de rémunération sur une base plus
équitable selon lui et plus justifiée selon tout le monde, en
regard de ce qui s'était payé pendant ce temps ou de ce qui se
payait dans le secteur public, dans le secteur privé et dans les autres
corps policiers. C'était acquis au gouvernement que l'Association des
policiers provinciaux, qui n'a pas à négocier actuellement le
renouvellement des conditions du régime de retraite, acceptait de le
faire et acceptait de le reconduire pour trois ans alors que sa demande
initiale était de cinq ans. Contrairement à bien des groupes
syndicaux qui se retrouvent dans la même position - vous le savez, vous
avez été ministre du Travail - l'association ne demandait
même pas le retrait des poursuites ou des sanctions. Elle demandait
purement et simplement qu'il n'y en ait pas d'autres. (11 h 45)
Finalement, tout cela a achoppé quelque part durant cette fin de
semaine lorsque les négociateurs patronaux se sont vu dire: C'est
regrettable, sur le petit point numéro deux, le point particulier
portant sur l'application de la sentence pour certains travailleurs qui
prendront leur retraite entre 1984 et 1986, c'est non.
Nous en concluons, M. le ministre de la Justice, que quelqu'un, quelque
part dans ce débat, durant cette fin de semaine, a pris les moyens pour
que la négociation achoppe, même si tout le monde avait des motifs
de croire qu'on se dirigeait vers un règlement. Même s'il avait
été plus utile d'avoir un règlement pour le Québec,
pour ses travailleurs, pour les dirigeants de la Sûreté du
Québec et pour tout le monde, il y a quelqu'un quelque part qui avait
intérêt à ce que cela bloque.
M. le Président, je vais faire le même exercice que le
ministre de la Justice et vous m'en excuserez. Le ouï-dire que j'entends,
c'est que le ministre de la Justice ne voulait pas que le conflit se
règle parce que cela aurait été, pour lui, le premier
ministre René Lévesque qui l'aurait réglé; il ne
pouvait pas, compte tenu de ses prétentions, faire en sorte qu'un
dossier lui ait échappé aussi facilement et qu'il ait
été réglé par son supérieur. C'est du
ouï-dire, j'en conviens, mais ce qu'on nous dit, c'est que vous aviez tout
intérêt, comme ministre de la Justice, à bloquer ce
règlement. Vous nous confirmez tout cela ce matin; ce qui est
regrettable c'est qu'on devra vivre une situation difficile, délicate,
chaotique. Et ce n'est pas vous, comme ministre de la Justice, qui allez le
payer; c'est l'ensemble des travailleurs du Québec qui endurent cette
situation et ce sont surtout les travailleurs et la direction de la
Sûreté du Québec qui doivent souffrir de positions aussi
discutables que celles qui ont été adoptées pendant cette
fin de semaine. Est-ce que vous niez tout cela?
Le Président (M. Gagnon): Merci M. le
député. M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce détail dont
parle le député de Portneuf, c'est un petit détail de 13
000 000 $, juste pour la Sûreté, sur la période
visée. C'est un petit détail qui impliquerait, sur l'ensemble
actualisé des régimes de retraite dans le secteur public et
parapublic, 200 000 000 $ à l'égard de l'ensemble du secteur
public et parapublic. Ce ne sont pas des pinottes, M. le Président.
À notre avis, il était injustifié, dans ce
contexte, d'accorder une telle demande. Et je dois vous dire que le refus
d'accorder cette demande autrement que par la voie de ce que j'évoquais,
qui était le paiement d'un montant forfaitaire plutôt que son
inclusion dans les barèmes des prestations de retraite, nous inspirant
ainsi des programmes de retraite anticipée applicables dans le
secteur
public et parapublic, ce refus, c'était un mandat gouvernemental
impliquant donc, par définition, le président du Conseil du
trésor, le ministre responsable de la négociation et, dans ce cas
spécifique, le premier ministre lui-même. La position qui a
été transmise au syndicat était une position
gouvernementale.
Deuxièmement, je ne vois pas quel intérêt le
député de Portneuf pense que cela aurait servi de se payer le
plaisir de faire achopper un règlement; pas avec les efforts qui ont
été mis là-dedans, pas avec ce qui a été
vécu à la Sûreté du Québec depuis presque un
an, pas avec ce que cela implique pour l'avenir, la perturbation du climat que
cela a impliquée et les difficultés sur le plan du personnel que
cela peut impliquer dans les mois à venir à la
Sûreté du Québec.
Mon appréciation, M. le Président, est tout autre. Pendant
24 heures, les représentants syndicaux connaissaient cette question et
ont pu réfléchir sur cette question spécifique; pendant
tout près de 24 heures, M. le Président, 22 heures, je crois.
C'était, je pense, dans la journée du vendredi jusqu'à la
journée du samedi. Ils savaient quelle était la position
gouvernementale là-dessus. Elle leur a été transmise
spécifiquement. Les deux représentants gouvernementaux à
la table l'ont évoquée avec précision, ont expliqué
que le gouvernement ne pouvait pas céder sur ce point et les raisons
pour lesquelles il ne pouvait pas céder. Le gouvernement a ouvert une
possibilité de forfaitaire pour le régler.
Ma conclusion, M. le Président, est tout à fait
différente de celle du député de Portneuf. S'il veut
m'accuser, s'il veut me faire un procès d'intention, comme c'est dans le
jeu parlementaire - comme il lui arrive de le qualifier - de le faire, cela le
regarde. Mais je vous dirai qu'en regardant froidement - ce qui est très
difficile quand on est impliqué dans un dossier comme celui-là -
de l'extérieur et en voyant les déclarations de l'association et
la politisation du débat, je peux très bien voir qui avait
intérêt à ce que cela achoppe. C'est drôle: ce n'est
pas le ministre de la Justice qui avait intérêt à ce que
cela achoppe.
Cela prend deux personnes pour faire une entente à une table;
cela prend deux côtés. On a fait l'équivalent de se plier
en deux par en arrière, et puis à un moment donné il y a
quelqu'un qui voulait qu'on se plie en quatre. On a été
obligés de dire non. Car cela n'avait plus de sens; c'était
assez: on parlait d'augmenter de 90 $ à 565 $ des pensions qui sont
déjà de 21 000 $ à 24 000 $ par année entre 48 et
52 ans, selon le cas. Là-dessus c'était non. Puis il y avait des
impératifs de finances publiques qui s'appliquaient à cela, qui
ont été expliqués très clairement aux
représentants du syndicat. C'est le syndicat qui n'a pas voulu
céder là-dessus.
C'est évident qu'on aurait eu une entente si on avait
donné notre chemise. Je comprends, cela a été l'histoire
des relations entre les représentants élus de la population et
les policiers dans bien des cas, un peu partout en Amérique du Nord: une
tendance à vouloir régler à tout prix avec les policiers.
Mais nous on dit: Pas à tout prix. Faire des efforts, oui;
déjà on a franchi un effort par rapport à la politique de
rémunération applicable à l'ensemble des secteurs public
et parapublic, mais pas à tout prix.
Et si le député veut faire des procès d'intention,
je peux peut-être lui en faire un, et encore une fois en l'analysant
strictement en termes de relations du travail. C'est toujours trop quand il y a
trois personnes à une table où elles doivent être deux.
Normalement, c'est un face à l'autre et parfois un tiers:
médiateur, conciliateur, appelons-le ce que l'on veut. Mais quand il y a
un tiers dans un conflit de travail qui n'a pas un rôle
spécifique, cela mêle les cartes. Et parfois il faut être
d'une extrême prudence parce que la perception par une des parties en
relations du travail, un tiers, peut y faire quelque chose, peut modifier toute
la dynamique. Je vous dis que l'évaluation que j'en fais, dans la mesure
où... Ce n',est pas moi, encore une fois, qui le dis, c'est le
président de l'association qui l'a dit publiquement. Lui sa perception,
compte tenu des relations qu'il a eues avec les représentants de
l'Opposition, c'est qu'il y a un meilleur "deal" de toute façon avec un
éventuel gouvernement libéral. Pour moi, il y a un poids de
responsabilité énorme en termes de relations du travail dans ce
qui s'est passé là. Car si c'était vraiment sa perception
à la table qu'il pouvait avoir un meilleur "deal" avec l'Opposition,
quel intérêt avait-il à régler? C'est cela, la
question que je pose. Et qui est ce tiers qui est intervenu, M. le
Président? Quelles sont ces rencontres dont on se vante, du
côté syndical, avec le "gouvernement" libéral?
C'est clair qu'il y a eu la présence d'un tiers. J'accepte ce que
dit le député de Portneuf quant au fait que, quand on est dans
l'Opposition, dans un système démocratique, il n'est pas anormal
que l'Opposition se renseigne sur ce qui se passe dans un conflit qui a pris
une dimension importante ou qui met en cause des principes importants sur le
plan de l'évolution des relations du travail. On a vécu cela
longtemps: je l'ai vécu, avec le député de Portneuf en
face de moi, pendant près de trois ans et demi, au ministère du
Travail. Mais le député sait aussi que la présence d'un
tiers dans un dossier complexe, c'est quelque chose qui vient perturber la
dynamique des relations du travail. Ce tiers, ce n'était pas le
gouvernement; le gouvernement était partie à cette
négociation. Ce tiers, c'était l'Opposition. Je lui
répondrai pue, s'il veut me faire le procès d'intention d'avoir
recherché l'échec de cette négociation, je pourrais lui
dire que c'est peut-être la naïveté des interventions, des
rencontres ou des communications répétées de la part de
l'Opposition avec le syndicat qui ont produit et généré
cette situation.
Je pense qu'il faut en tirer des leçons. Il faut en tirer
d'autant plus de leçons, M. le Président, que, encore une fois,
ce n'est pas n'importe quel syndicat; c'est un syndicat de policiers. S'il y a
un domaine de l'administration publique où il faut établir des
distances importantes entre les appareils politiques et l'appareil public,
c'est bien celui de la police. On est peut-être en train de revenir vingt
ans en arrière à cause de cela. Non seulement on aura
perturbé un processus que je ne qualifierais même pas de normal,
mais un processus d'une complexité incroyable à cause des enjeux,
des échéanciers, du contexte et de la politisation. Encore une
fois, je ne mets pas en cause le droit strict d'un policier, comme citoyen, de
voter pour qui il voudra, et j'ai eu l'occasion de le dire publiquement dans
beaucoup d'entrevues, pendant cette négociation: Si les 4300 policiers
de la Sûreté du Québec veulent voter pour le Parti
libéral, c'est leur droit. Même là, je sais qu'ils ne
seront pas les seuls dans la société. Il y a beaucoup de groupes,
dans la société, qui vont voter pour le Parti libéral,
pour toutes sortes de bonnes ou de moins bonnes raisons: parce qu'ils y
trouvent leur intérêt, leur idéologie ou leurs convictions.
Mais quand on parle d'un appareil syndical dans le domaine policier, où
des lapsus comme ceux qu'on a entendus, parlant d'un "gouvernement"
libéral, où des propos comme ceux que j'ai lus dans ces
transcriptions des entrevues sont abondants, où l'on politise le dossier
exactement comme si c'était dans le secteur privé... Mais c'est
dans le secteur policier, ce n'est pas la même chose.
Quand j'entends le député de Portneuf faire une
équation entre le rôle de l'Opposition en matière de
relations du travail et les techniques utilisées par l'Opposition dans
ses relations avec les groupes d'intérêts dans la
société, pour l'ensemble de l'activité étatique ou
l'ensemble de l'activité privée, et dire que c'est parfaitement
normal aussi dans le cas des policiers, je regrette, je ne suis pas d'accord
avec cela. La police, dans notre société, a besoin de...
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Gagnon): Pas de question de
règlement, monsieur...
M. Pagé: J'ai le droit de soulever une question de
règlement à ce moment-ci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Qu'est-ce que c'est?
M. Pagé: Ce que le ministre est en train de dire, c'est
faux; ce n'est pas ce que j'ai dit. Il n'y a pas d'équation.
Le Président (M. Gagnon): Un instant!
M. Pagé: J'ai fais référence à
l'État employeur et vous le savez, M. le ministre.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Portneuf, un instant! Il vous reste encore six minutes sur ce programme. Je
présume que vous allez prendre ces minutes.
M. Pagé: Très probablement, oui.
Le Président (M. Gagnon): On va laisser terminer le
ministre et vous aurez la chance de reprendre les propos qui ne font pas votre
affaire.
M. Pagé: Est-ce que cela lui donne le droit de dire
n'importe quoi?
Le Président (M. Gagnon): Écoutez, je... (12
heures)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je veux bien - je ne
sais pas - peut-être nuancer mes propos. Je dis simplement que le
député de Portneuf nous expliquait tout à l'heure qu'il
justifiait, en m'accusant de politiser ce débat... J'affirme que la
présence des représentants de l'Opposition, quels que soient
leurs titres, leurs fonctions dans ce dossier, depuis un certain nombre de
semaines, était la présence de la nature d'un tiers dans un
conflit de travail, au niveau des perceptions que cela projetait sur l'une des
parties, entre autres. En soi, en relations du travail, c'est compliqué.
Mais, encore une fois, c'est le droit strict de l'Opposition, M. le
Président, d'entretenir des relations avec qui elle veut dans des
dossiers qui font l'objet de préoccupations publiques. C'est le cas de
Marine, du secteur public et parapublic à plusieurs reprises depuis
plusieurs années et cela a été vrai des deux
côtés de la Chambre. Mais, encore une fois, quand on parle du
secteur policier, je prétends que c'est un secteur particulier de la
société. C'est d'ailleurs pour cela que ces gens ont, en
général, de meilleures conditions de travail qu'ailleurs dans la
société, parce que la société a reconnu cela. Il y
a aussi des obligations, en termes d'attitude. Je crois que cela nous impose,
comme représentants de la population, une obligation de distance.
À la fois pour leur permettre de faire leur boulot adéquatement,
de conserver
leur neutralité dans ce travail délicat et complexe qui
est fait par eux, dans une société démocratique. Comme
à l'égard de notre liberté comme élus de la
population pour, à un moment donné, tirer la ligne quand il faut
la tirer au nom de l'intérêt public. C'est ce que nous avons fait
dans ce dossier, M. le Président. Nous avons été
obligés de tirer la ligne quelque part, au nom de l'intérêt
public.
Alors que le député de Portneuf me décrit la
relation de ses représentants ou, enfin, ses collègues, ou, je ne
sais pas, des recherchistes, des gens qui travaillent avec le parti
d'opposition comme parfaitement normale... Il n'y a rien là! Ce n'est
pas vrai qu'il n'y a rien là, M. le Président. Parce qu'il n'y a
plus de distance, et c'est dangereux. C'est dangereux pour les deux. C'est
dangereux pour le corps policier et c'est dangereux pour les élus. Cela
pourrait être tellement dangereux, quand on se fait dire: "Les
gouvernements passent, la police reste." Il faut voir ce que cela implique
comme attitude et comme nécessité de distance. J'affirme que,
devant le procès d'intention qui m'est fait par le député,
si le gouvernement peut prendre tous les blâmes qu'il voudra bien lui
décerner, si je peux considérer qu'il joue la "game" entre
guillemets, en disant que j'avais un intérêt à faire
achopper ce règlement, je lui réponds que, compte tenu de ce qui
a été dit, ce qui a été fait, ce qui a
été dit publiquement, la présence du tiers que constitue
l'Opposition est non seulement venue brouiller les pistes, mais asseoir les
bases de quelque chose qui est dangereux socialement et politiquement, quant
à moi, pour le Québec.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Portneuf...
M. Pagé: Avant de passer à la...
Le Président (M. Gagnon): ...en vous rappelant...
M. Pagé: II me reste six minutes?
Le Président (M. Gagnon): ...qu'il vous reste six
minutes...
M. Pagé: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): ...sur les deux
éléments.
M. Pagé: Avant de passer la parole à M. Beaudoin, je
voudrais, premièrement, indiquer au ministre que son raisonnement ne
tient pas, que jamais l'Opposition officielle n'a voulu agir comme tiers dans
cette négociation. Et il le sait pertinemment, il le sait bien,
d'ailleurs, que, jamais notre formation politique, soit par la voix de notre
porte-parole, soit par ma voix, soit par la voix de notre chef, n'a voulu se
substituer pour prendre fait et cause à la place du gouvernement. Les
informations que j'ai portées à l'attention du ministre de la
Justice en termes de contenu de négociation, lesquelles m'ont toutes
été confirmées ce matin, ont été
portées à ma connaissance bien après la ronde de
négociations de la fin de semaine du 28 mars, lorsque les jeux
étaient faits. Deuxièmement, je tiens à indiquer au
ministre de la Justice qu'il aura réussi à éviter un
débat sur le fond de chacun de ces points aujourd'hui et ce matin,
notamment en amenant un caractère partisan aussi vif, aussi vivement
ressenti de sa part dans le débat de ce matin. J'en conclus que le
conflit à la Sûreté du Québec était
réglé, les policiers avaient accepté le décret,
avaient accepté deux points importants formulés par le premier
ministre. Le tout a achoppé sur un point et, si cela a achoppé,
M. le Président, comme Me Richard Drouin l'a indiqué, c'est soit
par le ministre de la Justice dans son propre intérêt pour ne pas
perdre le "lead" dans ce dossier et, si tel n'est pas le cas, c'est parce que
vous n'avez pas eu le leadership comme ministre de la Justice, comme ministre
responsable. Vous n'avez pas eu assez de leadership pour régler ce
conflit et régler ce problème qui perdure depuis le début
de l'année 1984.
S'il faut se fier sur ce dossier, qu'est-ce que cela nous réserve
si jamais les circonstances voulaient que vous preniez les guides de
l'État du Québec jusqu'à la fin du présent mandat
gouvernemental?
M. Johnson (Anjou): C'est moi qui politise?
Rétablissement d'un climat de confiance
M. Pagé: M. le Président, ma question...
Écoutez! Vous nous avez amenés sur ce terrain ce matin et c'est
normal, c'est explicable que je n'aie pas à souffrir silencieusement les
accusations, plus souvent qu'autrement fausses et fallacieuses, que vous avez
portées à notre endroit.
M. Beaudoin, compte tenu des circonstances qui prévalent
actuellement, compte tenu du "résultat", qu'est-ce que vous entendez
faire comme directeur général de la Sûreté du
Québec? Je comprends que vous êtes pris entre l'arbre et
l'écorce et je comprends que vous avez, d'un côté, non
seulement un interlocuteur, mais le gouvernement qui est là comme patron
responsable de la gestion des relations du travail dans sa
responsabilité État-employés. Qu'est-ce que vous entendez
faire comme directeur général? Je ne veux pas vous amener sur le
contenu, je parle pour aujourd'hui et surtout pour demain. Qu'est-ce
que vous entendez faire pour établir un climat plus serein, pour
donner de l'air dans les poumons de vos policiers pour qu'ils soient plus
motivés, pour que, finalement, on revienne au statu quo ante, avant que
le gouvernement, peu importe pour quel motif, s'en mêle de cette
façon, pour qu'on revienne, finalement, avec un corps policier qui fait
son job, qui est heureux de le faire, qui est motivé pour le faire et
ce, dans le meilleur intérêt d'une société qui est
la nôtre?
Le Président (M. Gagnon): Juste avant de vous laisser la
parole, M. Beaudoin, d'abord, je veux vous identifier pour le Journal des
débats et, deuxièmement, vous rappeler que le temps que vous
prenez, c'est le temps du ministre, je veux dire que vous parlez au nom du
ministre, M. Beaudoin. Vous avez théoriquement 20 minutes pour
répondre aux questions.
M. Beaudoin (Jacques): D'abord, je voudrais remercier M. Johnson
de me donner l'occasion de répondre à une question de M.
Pagé de l'Opposition.
Vous me permettrez, M. Pagé, peut-être de faire une
brève rétrospective de la Sûreté du Québec
parce qu'on dit que l'histoire se répète à travers les
temps et cela va nous permettre un peu de baser ce que je vais vous dire. Ce
qu'on entend faire pour l'avenir, cela va être puisé un peu dans
le passé.
En 1960, la Sûreté du Québec était ce qu'elle
était et, pour tous ceux qui sont ici présents, je pense que vous
vous le rappelez fort bien, c'était un corps de police qui avait de
très bons éléments dans ses racines, mais avec une
mauvaise renommée.
Il y a eu une réforme qui s'est faite de façon a lui
donner, premièrement, une intégrité, une fierté et
un renom auprès de la population. On a travaillé vaillamment,
tous ceux qui étaient là, ceux qui s'y sont joints; au rythme de
300 par année, ils ont travaillé vaillamment à mettre en
pratique ces principes en servant la population.
Cela nous amène, en 1966, à une petite perturbation
où, à cause un peu de l'intransigeance des autorités du
temps ou le manque de notion de la gestion de personnel, on a eu des
problèmes. Les premières tractations pour la mise sur pied d'une
association syndicale ont pris forme.
En 1967, l'Association des policiers provinciaux du Québec
était formée et, en 1969, on avait le premier contrat de travail.
Nos policiers travaillaient six jours, sept jours par semaine et ils avaient
une journée de congé. C'était une faveur de leur donner
une journée de congé.
À ce moment, avec la venue de la première convention
collective, chaque policier, pour la plupart, se promenait avec son contrat de
travail dans ses poches et on disait: C'est 40 heures par semaine, j'ai mon
contrat de travail. Il y a eu une espèce de freinage, mais, finalement,
cela est reparti. En 1971, à cause de tous les problèmes de
gestion de personnel que nous avions parce que le contexte devenait plus
compliqué, on a eu un premier conflit, en 1971, où nos membres
sont allés à Drummondville. On est ressorti de cela et on a
repris le départ. Finalement, cela nous amène en 1973 où
il y a eu une réorganisation globale de la Sûreté du
Québec avec la régionalisation telle que nous la connaissons
aujourd'hui, les postes de la Sûreté... En somme, ce que vous
connaissez.
Cela allait bien. À ce moment-là, on avait 35 % de taux de
solution de crimes et environ 35 000 dossiers criminels. Arrive 1977, moment
où on devait amorcer la négociation de la convention collective
qui était échue. Nous arrive tout à coup la... Vous vous
rappelez la commission parlementaire sur la patrouille jumelée où
nos gars sont allés à Drummondville. Cela a duré sept
jours et, finalement, la conclusion s'est trouvée en commission
parlementaire. La commission parlementaire du temps a accepté qu'on
permette la patrouille jumelée sur les relèves no 1 et no 3. Cela
s'est mis en marche. Le syndicat est retourné à ses
activités et nous autres, on a été aux prises avec le
problème pendant deux ans. Mais, quand même, on en est sorti.
En cours de route, notre performance s'est améliorée et,
l'an dernier, c'est-à-dire en 1983, nous atteignions une année
record de 52 % de taux de solution de crimes. Au moment où je vous
parle, si on fait la somme des expériences malheureuses qu'on a
vécues depuis l'an dernjer, au moment où s'est amorcée la
négociation, il y a eu des mesures de pression, il y a eu la barbe et
les jeans et les mesures de pression pendant tout l'été.
C'était la première phase. La deuxième phase était
à la suite du décret.
Il y a des points positifs, quand même, qu'il faut retenir. Ce
sont les suivants. Je reçois souvent des lettres de citoyens, des
lettres de membres de l'Assemblée nationale sur la qualité du
service et, fait étrange, je n'ai jamais reçu de lettres sur la
mauvaise qualité du service donné. C'est-à-dire que nos
membres se sont efforcés quand même de servir le public, de
couvrir toutes les plaintes criminelles, d'enquêter sur tous les dossiers
criminels. Au moment où on se parle, notre taux de solution qui,
globalement, l'an dernier, a descendu de 6,2 % par rapport à 52 %
l'année précédente, est à 53 % au moment où
on se parle. C'est-à-dire que nos membres, sous les pressions syndicales
qui leur donnaient les orientations, ayant abandonné le travail de
sécurité routière, ont concentré leurs efforts sur
le côté du Code criminel. Donc, c'est
peut-être un élément positif.
D'autre part, ce qui est assez important, c'est qu'il faut dire quels
sont les dommages qu'on s'est causés et comment on a pu affecter notre
réputation. Ce que je n'ai pas aimé, parce que j'ai
contribué à bâtir cette organisation avec d'autres depuis
au-delà de 25 ans, on a essayé de se donner une fierté, de
l'efficacité et de la performance et, comme disait le ministre tout
à l'heure, de garder un écart entre le politique et la
Sûreté de façon que ce soit ce qu'on accepte dans nos
sociétés démocratiques...
Donc, si on fait la somme, l'aspect négatif, nos gens ne se sont
pas vengés sur les citoyens. Ils ont abandonné la
sécurité routière qui est un mandat très important,
c'est-à-dire que, l'an dernier, on a connu des baisses de 31 % et 32 %
respectivement sur les "transmis" pour vérifications mécaniques
et les infractions au Code de la route. Cela s'est traduit par une
légère hausse des accidents, des morts aussi, sur les routes.
Maintenant, isoler la cause des mortalités sur les routes en fonction du
conflit, je ne peux pas le faire et on ne peut pas le faire. Mais, quand
même, il reste qu'on peut se poser des questions. Nos gens avaient
laissé tomber toute chose qui relevait de leur initiative. (12 h 15)
Comment entend-on repartir? À partir des points positifs que j'ai
donnés tout à l'heure; il faut tabler sur nos points forts. Vous
savez, un policier, c'est un homme qui entre dans l'organisation pour servir,
qu'on forme et qu'on entraîne à travailler constamment sous la
pression, sous la pression du public, sous le monitoring des institutions,
à savoir les tribunaux, la Commission de police, etc. Le problème
qu'on a eu, c'est que tous ces points forts, le syndicat a
tranféré cela pour le bien commun de chacun et on a connu des
problèmes.
On a une organisation qui est basée sur des objectifs: la
performance et l'implication de chacun des membres dans le travail de tous les
jours. Donc, on va ramener la fierté, on va les ramener à la
police de base - un peu comme un instructeur fait en ramenant son équipe
au hockey de base quand cela n'a pas été - à des notions
de base: servir le public, constater les infractions et agir, aussi, se faire
un devoir que le citoyen soit de mieux en mieux servi, que notre
présence sur les routes soit efficace, non exhaustive parce que, pendant
un an, le public s'est habitué à avoir un peu de liberté,
restaurer l'image par la qualité de notre service, par la qualité
de notre performance, ramener le professionnalisme.
Vous savez, ce qui est malheureux actuellement, c'est que nous, la
Sûreté du Québec, la direction de la Sûreté du
Québec, on s'est efforcé de maintenir le navire la proue dans le
vent, en dépit des vents de côté qu'on pouvait avoir. Le
seul problème qu'on aura, c'est que, dans notre démocratie, les
relations du travail veulent que, en conflit, la direction d'une organisation
travaille d'un côté et les synergies des forces travaillent de
l'autre côté.
J'ai l'intention de rencontrer le syndicat et en faisant abstraction du
problème qui est résorbé, mais qui n'est pas tout à
fait réglé pour lui - pour le gouvernement, il est
réglé, mais, pour le syndicat, il ne l'est pas - au nom de la
loyauté à l'État et de la qualité du service qu'on
doit donner aux citoyens, tout cela sous le vocable de la devise qu'on s'est
donnée: Service, intégrité, justice...
On a du chemin à faire, mais je pense qu'en puisant dans
l'expérience passée de ce que je vous ai donné, on a
toujours su rebondir avec efficacité. Je pense qu'en tablant sur les
points forts de l'organisation, en disant: II y a eu un problème, oui,
mais vous avez un service à donner, vous êtes payés par les
citoyens et vous avez un devoir envers l'État du Québec,
ensemble, on va mettre en marche tous nos programmes de travail en
matière de sécurité routière, de prévention
du crime, de contact avec les citoyens, cela devrait marcher.
Je peux vous dire que, actuellement, à tous les sept jours, je
transmets au ministre de la Justice un compte rendu statistique, bien entendu,
et, depuis trois semaines que les gens ont repris le travail, l'organisation
fonctionne à 60 %, 70 % de sa capacité de travail, dans les
domaines qui avaient été laissés de côté sous
les pressions syndicales. Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai eu l'occasion, hier, de lire assez vite les quatre
communiqués que le ministre a émis. J'étais un peu
flatté parce que chacun était une critique du critique de
l'Opposition en matière de justice. Donc, je pense que c'est bon.
Ce qui m'a frappé, c'est que... Je lis un communiqué:
"Déplorant l'attitude défaitiste et les propos inexacts de M.
Herbert Marx..."; après, cela continue avec des inexactitudes du
ministre. C'est seulement pour vous donner un exemple parce que nous sommes
dans le dossier de la police. Moi, je changerais mon rédacteur de
communiqués, si j'étais à la place du ministre.
Voilà ce qu'on lit dans le communiqué sur la
sécurité publique: "D'autre part, dans son dernier document..."
Je pense que ce serait mieux de donner le titre. Je ne sais pas pourquoi le
rédacteur n'a pas donné le titre. Je vais le donner, c'est:
L'Avenir de la justice au Québec. "... le député de D'Arcy
McGee critique les
modifications législatives entrées en vigueur le 1er juin
1980, obligeant toute corporation municipale de 5000 habitants et plus à
établir et à maintenir un service de police. Or, comme l'a
souligné M. Johnson, cette norme de 5000 reprend la proposition du
projet de loi 41 proposé et déposé en 1976 par le
gouvernement libéral de M. Bourassa. Le ministre de la Justice a
également indiqué que porter le critère de 5000 habitants
à 20 000 habitants - et je le souligne - comme le propose M. Marx,
provoquerait une série importante d'impacts dont, entre autres, des
frais additionnels de 63 700 000 $ pour le gouvernement du Québec." Fin
de la citation du communiqué du ministre.
J'ai voulu vérifier si j'avais vraiment dit cela, mais, à
la page 107 de mon document qui est déjè vieux de quelques
mois... On aurait dû critiquer cela quand cela a été rendu
public, pas quelques mois plus tard.
Une voix: C'est dépassé.
M. Marx: Cela ne sera pas dépassé parce que le
ministre n'a pas encore donné suite au livre blanc de 1975 du
gouvernement Bourassa.
Sur cette question, à la page 108 du document "L'Avenir de la
justice au Québec", j'ai écrit: Nous pensons malgré tout
qu'il faut repenser le critère de 5000 habitants ou plus inscrit dans la
Loi de police; il faut noter que la législation municipale distingue de
plus en plus entre les municipalités de 20 000 habitants et plus et les
autres. Nous croyons que des municipalités de plus grande taille
pourraient fournir des services plus adéquats.
Tout ce que j'ai proposé, c'est qu'on fasse l'étude de
cette question. Je n'ai pas fait une recommandation ferme, je n'ai pas dit ce
que le ministre a mis dans ma bouche. Je pense que cela démontre que le
ministre... Je ne pense pas qu'il soit malhonnête, mais ce que je peux
dire, c'est qu'il a été mal "coaché".
Il y en a d'autres. Il critique mes statistiques qui sont dans le
dernier rapport publié par son gouvernement, mais je ne peux pas
utiliser des statistiques, en décembre 1984, qui n'étaient pas
disponibles en 1984. Donc, c'est comme quelqu'un qui va critiquer les
statistiques du Canada de 1984 en disant qu'il y a des statistiques de 1985.
À chaque fois qu'on étudie un programme où le ministre a
fait un communiqué en m'attribuant des mots, des propositions que je
n'ai pas faites, je vais le signaler parce que je pense que cela sera bon.
De toute façon, dans mon document, je n'étais pas partisan
sur le plan politique et je n'ai même pas mentionné ce que le
ministre a fait ou n'a pas fait. J'ai essayé d'être le plus
universitaire possible en tant que politicien et je sais que c'est difficile de
temps à autre, mais je pense qu'au moins dans ce document j'ai
réussi. Je ne dis pas que je réussis à chaque fois, mais
je ne dis pas non plus que je veux être assez neutre chaque fois.
Passons à d'autres choses. L'an dernier...
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse. Si vous me le permettez, M. le
Président, compte tenu de l'heure, on avait convenu, je pense...
M. Marx: Jusqu'à 13 heures.
M. Johnson (Anjou): ...jusqu'à 13 heures, sauf qu'il y a
la Commission des droits de la personne. Je pensais qu'on devait couvrir cela
aussi. C'est cela, l'entente.
M. Marx: J'ai deux questions dans ce programme et après
cela on peut passer à l'autre.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
M. Marx: Cela peut être très vite. L'an dernier, le
ministre a promis de faire quelque chose en ce qui concerne les critères
de taille et de poids des policiers. Est-ce que le ministre est au courant que
le gouvernement a donné un contrat de 59 000 $ à des professeurs
de l'Université Laval pour faire une étude sur cette question?
Donc, douze mois plus tard, où est-ce que nous en sommes? Nous sommes au
niveau d'une autre étude à 59 000 $.
M. Johnson (Anjou): Là-dessus, M. le Président, si
vous me le permettez, sur cette question, effectivement, le
député avait souligné cela. J'ai demandé à
la Commission de police, à ce moment, dans le contexte où je sais
qu'elle doit revoir ses normes d'embauche, en vertu de la loi... Oui?
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, M. le ministre.
Compte tenu qu'on doit entendre les représentants de la protection
civile d'ici une heure, cette question-là se rapporte aux engagements
financiers. Je veux bien accepter cette question sur un contrat, mais j'ai
l'impression qu'on pourra reprendre la même question aux engagements
financiers.
M. Johnson (Anjou): Je veux bien laisser cela à la
discrétion de notre collègue de D'Arcy McGee, s'il veut en
disposer immédiatement ou plus tard avec les conséquences que
cela a sur notre horaire, mais il s'agit essentiellement... C'est une question
qu'il avait posée l'an dernier et j'avais demandé à la
Commission de police
de se préoccuper de cette question. Le juge Gosselin,
président de la Commission de police, pourrait dire où en est ce
dossier. Je pense que l'aspect du contrat... C'est un des aspects, oui...
M. Gosselin (Roger): II est exact qu'un contrat a
été confié à des spécialistes de
l'Université Laval en vue d'élaborer des normes et des tests
d'aptitude physique auxquels seraient soumis les candidats à la fonction
policière et, une fois ces tests élaborés et
complétés, dans le but que les normes soient en relation avec les
fonctions policières, il sera possible de modifier les normes relatives
à la taille et au poids.
Il faut dire que cette étude a été confiée
par l'Office des ressources humaines du Québec et que nous avions
intérêt à joindre nos efforts à ceux de l'Office des
ressources humaines parce qu'il fallait, de toute façon, élaborer
des tests pour les constables spéciaux et les agents de la paix à
l'emploi du gouvernement. Les travaux sont en cours, le délai
prévu pour compléter ces travaux sera au cours de
l'été qui vient. Déjà, des policiers et
policières ont été soumis à des tests et des
spécialistes les ont accompagnés dans l'exécution de leurs
fonctions policières. Ils ont été munis d'appareils
spéciaux pour mesurer leurs réactions cardiaques et nous croyons
que nous pourrons avoir des normes d'embauche qui soient susceptibles
d'être maintenues par les tribunaux advenant qu'elles soient
contestées.
M. Marx: M. le Président, je reviens avec cette question,
cela fait maintenant deux ans. Si le ministre ne peut pas agir plus vite...
L'an dernier, je lui ai posé la question et il a dit que cela serait
bientôt. Maintenant, douze mois plus tard, on attend encore
l'étude, on va faire d'autres études sur l'étude, parce
qu'il faut créer des emplois au Québec. De toute façon, je
connais des universitaires qui feraient cette étude pour 52 000 $, 45
000 $, 33 000 $, 29 000 $. Je trouve que 59 000 $, c'est un gaspillage de
fonds. Au Canada, dans d'autres villes où il y a des normes, cela n'a
pas coûté 59 000 $ et cela n'a pas pris un an. Au Service
correctionnel du Canada, la Commission canadienne des droits de la personne a
rendu une décision un jour et, le lendemain, il a changé sa
politique. Comment se fait-il qu'au Québec, dans votre ministère,
cela prenne deux ans, trois ans? Il y a deux points. Je pense que,
premièrement, vous êtes trop lents dans ce dossier et que,
deuxièmement, cela coûte trop cher.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
M. Marx: Qu'est-ce que tu veux!
M. Johnson (Anjou): Avant de laisser la parole au juge Gosselin,
rapidement...
M. Marx: Ce n'est pas la faute du président.
M. Johnson (Anjou): Dans le fond, il y avait une approche qui
aurait pu consister à...
M. Marx: II sait que j'ai raison.
M. Johnson (Anjou): ...envoyer quelqu'un lui fournir un billet
d'avion aller-retour à Toronto. Par ailleurs, vous comprendrez qu'il
s'agit d'un règlement de la Commission de police. Je crois que cette
responsabilité de la commission à l'égard de la confection
d'un projet de règlement qu'elle soumet au gouvernement et qui doit
être approuvé doit se faire dans un contexte où la
commission considère qu'elle se base sur des éléments qui
la satisfont avant de présenter le règlement. En ce sens, la
commission a choisi un certain nombre de solutions. Je pense que le juge
Gosselin a certaines choses à dire à ce sujet. (12 h 30)
M. Marx: Juste une chose .sur la remarque du ministre...
Le Président (M. Gagnon): Sur la remarque du ministre,
oui, mais, tout de suite après, je remets la parole au juge Gosselin
parce que tantôt vous l'avez interrompu et il était en train
d'expliquer...
M. Marx: Tout ce que je veux dire au ministre, c'est que le
président Truman avait sur son bureau une plaque où
c'était écrit: "The buck stops here". Ne passez pas le "buck" au
président de la Commission de police. Je veux que le "buck" stoppe avec
vous. C'est ça le problème.
Le Président (M. Gagnon): M. le juge Gosselin.
M. Gosselin: Voici, M. le Président, c'est que les normes
d'embauche qui ont été édictées en 1971 tenaient
compte de la situation qui existait dans les divers corps policiers en
Amérique du Nord. Depuis ce temps, la Charte des droits et
libertés de la personne est venue apporter des modifications. Il nous
faut nous assurer que les normes d'embauche des policiers du Québec
soient en relation avec les fonctions policières; en d'autres termes,
que ce qu'on exige d'eux soit nécessaire pour l'exécution des
fonctions policières. Mais, quand on parle d'aller à
l'extérieur pour voir ce qui se passe et de tout simplement transposer
au Québec les normes qui existent, il y a des divergences aussi.
À Calgary et à Edmonton,
les normes varient. À la GRC, les normes varient. Toronto
métro vient de confier une étude à une firme de
conseillers en administration ou de spécialistes, plutôt, des
sciences de l'ergonomie pour qu'on prépare des tests à faire
subir aux nouvelles recrues policières. Nous avons cru bon, nous,
à tort ou à raison - mais je pense que c'est à raison - de
faire faire une étude de façon que les résultats de cette
étude nous permettent d'adopter des normes qui soient reliées
à la fonction policière et, advenant qu'il y ait contestation de
ces normes devant les tribunaux, qu'on puisse les justifier. On n'aurait pas pu
justifier les normes que nous aurions pu emprunter à un autre corps
policier, qu'il soit américain ou canadien, parce qu'il nous faut tenir
compte des particularismes du Québec.
M. Marx: Supposons que la Commission des droits de la personne
rende des décisions aujourd'hui et que vous deviez changer cela pour
demain matin, si c'était une décision exécutoire,
qu'est-ce que vous feriez? Est-ce que cela va prendre encore deux ans avant
qu'on fasse le changement? Qu'est-ce qu'on a fait au fédéral, au
Service correctionnel, quand il y a eu une décision de la Commission
canadienne des droits de la personne? Il a donné suite à cette
décision en ce qui concerne les femmes et, maintenant, les femmes sont
sur un pied d'égalité avec les hommes.
M. Gosselin: Évidemment, si on abolissait
immédiatement les normes relatives au poids et à la grandeur,
sans substituer quoi que ce soit, cela présenterait des dangers
énormes parce qu'à ce moment-là on serait obligé
d'accepter tout candidat à la fonction policière. J'ai
rencontré d'ailleurs, au cours de cette étude, les
représentants de l'Association des chefs de police du Québec, de
la Sûreté du Québec et du service de police de la
Communauté urbaine de Montréal pour m'enquérir de la
situation dans laquelle seraient les corps policiers advenant qu'on abolisse
immédiatement les normes relatives à la taille et au poids. Cela
les placerait dans une très mauvaise situation parce qu'à ce
moment-là une personne qui mesurerait quatre pieds pourrait se
présenter à l'examen ou postuler et être embauchée.
Je pense qu'il faut certaines normes, que la personne qui sera policier, qui
sera appelée à conduire un véhicule, puisse avoir tout au
moins les jambes assez longues pour atteindre les pédales du
véhicule.
Je pense que nous sommes dans la bonne voie. Ce sont des experts. Nous
n'avons pas, à la commission, des spécialistes pour
décrire de tels tests. Je pense qu'on a choisi la bonne voie en ayant
recours à des spécialistes en la matière. Il y a eu des
retards, évidemment, mais nous croyons que cela se terminera vers la fin
de l'été, au mois d'août ou au début de septembre,
si bien qu'à l'automne on aura des normes qui pourront être
maintenues par les tribunaux.
M. Marx: Vous m'avez fait penser, quand vous avez parlé
des jambes qui ne sont pas assez longues, que c'était la raison pour
laquelle la CTCUM n'avait jamais engagé de chauffeurs femmes, quoique,
à Chicago, 30 % soient des femmes; leurs jambes sont aussi courtes ou
aussi longues que celles des Québécoises. Maintenant, qu'est-ce
qu'on a à la CTCUM, à Montréal? On a un programme pour
engager des femmes et on n'a pas fait toute une étude sur la longueur de
leurs jambes. Je pense qu'on va se rendre à destination.
Juste une question pour clore ce débat. Je veux savoir de la part
du ministre, qui est quand même le responsable, quand on aura ce
règlement.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): J'ai bien hâte! J'ai pris
l'engagement... Il faut bien se rappeler... C'est parce qu'on parle des droits,
de la commission, du monde qui mesure quatre pieds, cinq pieds un et de la
longueur des jambes, etc. Que je sache, il n'y a pas de droit relié
à la non-discrimination en fonction de la taille. Ce problème est
venu avec le fait que des personnes de certains groupes ethniques, à
toutes fins utiles, se voyaient opposer un refus d'embauche du fait de leur
taille et on en a conclu qu'il y avait une espèce d'effet
discriminatoire contre certains groupes ethniques à cause de la norme
d'embauche quant à la taille. Si je comprends bien, c'est le
problème.
M. Marx: Discrimination systématique.
M. Johnson (Anjou): À partir de là - je ne pense
pas qu'on ait inscrit dans le "Canada Bill" le droit à la
non-discrimination en fonction de la longueur des jambes - il faut toucher
à un truc qui s'appelle le règlement, les normes d'embauche, qui
doit être soumis par la Commission de. police. La commission, voyant
l'ensemble du règlement, n'est pas en train de régler juste la
question de savoir si on va changer la norme pour cinq pieds trois, ou je ne
sais plus quoi, elle est en train de revoir l'ensemble des normes d'embauche,
qui datent déjà de 1971. Elle est préoccupée
notamment par cette dimension.
Le député peut avoir son opinion sur le fait qu'on a
décidé de faire des études ergonomiques à 59 000 $
à l'Université Laval avec l'Office des ressources humaines du
Québec et que, mon Dieu, il y a là la traduction d'un cheminement
bien classique
de ce que représente le processus pour en arriver à des
études qui nous permettent de conclure à la formulation d'un
nouveau règlement dans toutes sortes de domaines. Cependant, je dois
dire que la commission veut asseoir ses recommandations de
réglementation au gouvernement sur quelque chose d'exhaustif et c'est la
voie qu'elle a choisie. Ceci dit, je pense que cela va être
réglé et c'est vrai que cela va l'être avec le temps.
M. Marx: Une date, une date, une date!
M. Johnson (Anjou): Je ne peux pas vous donner de date.
Peut-être que la Commission de police peut m'inspirer là-dessus et
c'est à la condition que le projet de règlement ne comporte pas
36 autres éléments qui font que cela retrousse à gauche et
à droite. Il faut bien se comprendre.
M. Marx: Non, non, c'est au ministre de choisir la date et de
voir à ce qu'elle soit respectée. Ne passez pas toujours le
"buck" comme cela. Cela ne m'intéresse pas. Franchement! Si le ministre
ne veut pas me donner la réponse, qu'il ne me la donne pas et on va
passer à autre chose.
M. Gosselin: Si vous me permettez, M. le Président,
suivant les spécialistes chargés de cette étude, on nous
indique qu'elle se terminera au cours du mois d'août ou au tout
début de septembre. Dès que l'étude sera terminée,
quant à la commission, pour modifier cette partie du règlement,
cela pourra se faire immédiatement.
M. Marx: Ce n'est pas sûr que cette étude ne sera
pas encore réétudiée par le bureau de je ne sais pas qui,
je ne sais pas où. C'est comme pour le Code civil, quelqu'un a
déposé un rapport, on est en train de le réviser. Chaque
mois, il y a un autre groupe de révision.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Marx: Au XXIe siècle, on va avoir un nouveau Code civil
s'il n'y a pas de changement de gouvernement.
Le Président (M. Gagnon): Excusez.
M. Gosselin: La validation des tests se fait au fur et à
mesure de l'étude.
M. Blouin: Cela va faire l'objet d'un autre communiqué de
presse parce que vous venez encore de dire une fausseté.
Le Président (M. Gagnon): Alors, est-ce que les programmes
14 et 15 sont adoptés, M. le député de D'Arcy McGee? En
fait, on vient de discuter du 14. Adopté?
M. Marx: On les adopte sans beaucoup d'enthousiasme.
Le Président (M. Gagnon): Adopté. Le programme 15
est adopté avec tous ses éléments. Je reviens donc au
programme 4.
Une voix: Les programmes 13, 14 et 15...
Le Président (M. Gagnon): Ils sont adoptés. Les
deux programmes sont adoptés. M. le ministre, les programmes 14 et 15
seulement sont adoptés, pas le programme 13.
M. Johnson (Anjou): Pas le programme 13.
Protection des droits et libertés de la
personne (suite)
Le Président (M. Gagnon): Alors, nous revenons donc au
programme 4: Protection des droits et libertés de la personne. Cela
va?
M. Johnson (Anjou): Je pense que nous en étions aux
questions venant du député de D'Arcy McGee.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Quelle était ma dernière, question,
hier?
Le Président (M. Gagnon): Je ne l'ai pas notée. On
pourrait revoir la transcription.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Hier, nous en étions
à la question générale de l'évaluation après
dix ans, des bilans, etc., et des pouvoirs de la commission.
M. Marx: Est-ce que le ministre est prêt à faire
cette réévaluation, cette étude de toute cette partie de
la charte qui touche la commission? Je pense même que le ministre a dit
hier que le mandat de la commission était peut-être trop large et
qu'il faudrait même revoir le mandat de la commission. Si on prend la
Charte des droits et libertés de la personne, la commission a le mandat
de... Bon, cela a été changé. Elle avait le mandat de
revoir toutes les lois et tous les règlements du Québec afin de
vérifier si ces lois et règlements sont en conformité avec
la charte. Cela n'a jamais été fait depuis 1975. C'était
un travail énorme. J'ai vu dans un des communiqués du ministre
que la commission est en train de faire cette étude, mais cela n'a pas
été fait
pendant huit ans.
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse. C'est la commission de refonte
des lois et le ministère de la Justice.
M. Marx: Non. C'était la commission...
M. Johnson (Anjou): Le député a rigoureusement
raison ...
M. Marx: C'est cela. À raison...
M. Johnson (Anjou): ...lorsqu'il dit, à l'article 67, dans
les mandats...
M. Marx: Je donne cela en exemple. Le mandat est tellement large
à la commission...
M. Johnson (Anjou): "Procéder à l'analyse des lois
du Québec qui pourraient être contraires à la charte et
faire au gouvernement les recommandations appropriées". Bon! En
pratique, ce mandat s'est traduit, à l'occasion, par des avis publics de
la commission, notamment sur des projets de loi. En ce qui concerne tout le
travail de compatibilité entre la charte et l'ensemble de la
législation québécoise, c'est le ministère de la
Justice qui fait cela. Il en sera question à l'automne de façon
que la conformité des lois avec la charte entre en vigueur en 1986.
M. Marx: Non. Je pense que le paragraphe que le ministre a lu a
été modifié en 1982. Je pense qu'il y avait un autre
paragraphe d, à l'article 67, lorsque la charte a été
adoptée en 1975. De toute façon, c'est seulement un exemple pour
démontrer que la commission...
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, c'est une question de fait. Ce
que je viens de vous lire est ce qui a découlé des amendements
justement apportés par la loi de 1982. C'est la codification
administrative à jour au 1er mars 1984.
M. Marx: C'est ce que je veux dire. Je pense que le paragraphe d
a été modifié en 1982. Mais, avant cela, il y avait...
M. Johnson (Anjou): Avant cela, c'était autre chose...
M. Marx: C'était autre chose, mais semblable, parce que la
charte aura maintenant préséance sur les lois
antérieures.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Marx: Je veux dire qu'en général la commission a
peut-être un mandat trop large et qu'il faudrait peut-être revoir
cela sans remettre en cause quoi que ce soit. Est-ce que le ministre est
prêt à faire une étude ou une commission? Peut-être
que la commission des institutions pourrait avoir le mandat de faire cette
étude sur le mandat de la commission, son fonctionnement et ainsi de
suite. (12 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, avant de vous
laisser la parole, M. le ministre, je me souviens fort bien, hier, lorsque nous
avons suspendu ce programme, que des questions avaient été
posées au président de la commission, Me Jacques
Lachapelle...
M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Gagnon): ...et c'est à ce moment
que je l'ai interrompu disant qu'on reviendrait aujourd'hui. Vu qu'il reste
seulement quinze minutes pour se rendre à 13 heures, je ne sais pas si
Me Lachapelle voudrait répondre aux questions qui lui ont
été posées hier.
M. Lachapelle (Jacques): Je pense, quant à moi, avoir fait
le tour de cette question qui était: Est-ce que la commission est
prête à faire une analyse, à faire une évaluation
après dix ans? J'avais indiqué certains constats que j'avais fait
en arrivant à la présidence, disant que, effectivement, le mandat
était très large, qu'on y voyait certaines ambiguïtés
quant à son rôle d'enquêteur, de médiateur et,
évidemment, de commission qui recommande en bout de ligne des
règlements; également de poursuites, de présence devant
les tribunaux en tant qu'avocat représentant les plaignants. Je disais
que, quant à nous, à la commission, on voulait justement,
profitant de ce dixième anniversaire et d'un mandat qui a
été donné à l'Université du Québec
à Montréal, regarder l'ensemble des pouvoirs, regarder autant les
règles de régie interne que les règles de procédure
qui sont actuellement en application devant la commission.
M. Marx: Mais j'aimerais... Je m'excuse, allez-y.
M. Lachapelle: Et c'était finalement un objectif qu'on
souhaitait atteindre; parlons d'une douzaine de mois, quand même.
M. Marx: Mais j'aimerais féliciter le président et
les commissaires d'avoir pris cette initiative de commander cette étude.
Je pense que c'est vraiment la responsabilité des élus de
modifier la charte, le cas échéant. C'est pourquoi j'ai
demandé au ministre, s'il était prêt à ce qu'un
mandat soit confié à la commission des institutions ou à
une autre, une commission ad hoc de l'Assemblée nationale, mais que ce
soient les
élus qui fassent l'étude de...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il est évident
que, si la commission, dans sa onzième année d'existence, en
abordant cette onzième année, considère qu'il est temps de
faire le bilan de dix ans, d'évaluer un certain nombre de choses, et
peut-être de faire des recommandations au gouvernement, il est bien
évident qu'ultimement cela va rebondir en Chambre, si le gouvernement y
donne suite. Je serais personnellement hésitant à ce stade-ci, au
printemps, en tout cas, à considérer qu'on devrait avoir un
mandat d'initiative ou quelque chose de cette nature. Je pense qu'il faut
laisser à la commission le soin, compte tenu du fait de changements
récents dans sa composition, de faire ce bilan à l'occasion de sa
dixième année d'existence, de faire un certain nombre de
réflexions sur le plan interne. Je crois qu'éventuellement, si
cela doit déboucher en termes de modification de mandat, de suggestions,
oui, à ce moment-là, les élus pourront être
impliqués là-dedans.
Maintenant, je veux bien prendre la remarque du député
dont la propension est très nette à vouloir faire faire des
études ou à créer des comités. Il disait ce matin
qu'il avait surtout une approche universitaire dans ses documents, que j'ai
remarquée, d'ailleurs, souvent. Mais disons que l'université,
cela marche. C'est très correct, c'est très important, mais il y
a un bout aussi où il faut que les affaires marchent. Nos
préoccupations sont que, sur le plan concret, ce qu'il y a à
faire, c'est de permettre à la commission, au moment où il y a
ces changements dans la direction notamment, de faire ce travail
d'évaluation, de faire avancer un certain nombre de choses. En
même temps, comme je le disais, elle doit continuer de s'étendre
sur le territoire et, ensuite, revoir, peut-être dans le contexte d'une
sous-commission de la commission des institutions, ces dimensions qui ont trait
au fonctionnement, au mandat, aux instruments qui lui sont donnés.
M. Marx: Mais, quand j'ai parlé des études faites
par les élus, je veux que les élus soient toujours au travail. Je
pense que la population s'attend que nous soyons toujours au travail. Dans ce
sens, cela ne coûterait pas...
M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas si vous avez des choses
à vous reprocher...
M. Marx: ...59 000 $.
M. Johnson (Anjou): ...quant à votre travail, pas moi, en
tout cas.
M. Marx: Non. Est-ce que le ministre peut nous assurer qu'au
moins les membres de cette commission auront des copies de ces études
commandées à l'Université du Québec par la
commission des droits?
M. Lachapelle: On est associé, évidemment, à
cette étude de l'Université du
Québec et on va collaborer à ce travail.
Alors, c'est bien évident que ces documents seront
disponibles...
M. Marx: Seront disponibles.
M. Lachapelle: ...aux membres de la commission et aussi, bien
sûr... Également avec la Ligue des droits de la personne.
M. Marx: Avec la Ligue des droits de la personne et
l'Université du Québec à Montréal.
M. Lachapelle: L'Université du Québec.
M. Marx: J'ai vu cela dans les documents du ministère,
j'imagine que c'est exact, même sur les statistiques. Je pense que la
commission a mis sur pied un service ou une direction en ce qui concerne la
mise en place des programmes d'accès à l'égalité.
Si j'ai bien compris les statistiques, on a même engagé du
personnel et je pense que l'Assemblée nationale a déjà
adopté un budget pour la mise en place de tels programmes. Ai-je raison
de dire cela?
M. Lachapelle: Vous avez bien raison. Effectivement, le Conseil
du trésor a octroyé 24 postes à la Commission des droits
de la personne pour la mise en place des programmes d'accès à
l'égalité. Actuellement, on a procédé au
recrutement de certaines personnes, entre autres, la responsable des programmes
d'accès à l'égalité qui est en fonction chez nous
depuis le 18 mars dernier. On s'apprête, actuellement, à recruter
des personnes qui seront des spécialistes dans la recherche et
également dans les enquêtes systémiques. On devrait
procéder très prochainement à l'embauche de ces
personnes.
M. Marx: On a mis sur pied une direction, mais le
règlement qui va permettre à la direction de travailler, de faire
son travail n'était pas déposé ou n'a pas
été déposé encore. Est-ce que le ministre peut nous
dire si ce sera pour cette année, l'an prochain, après les
prochaines élections? C'est pour quand cela?
M. Johnson (Anjou): Les programmes d'accès sont
évidemment reliés à l'ensemble des catégories qui
sont couvertes par les dispositions de non-discrimination de la charte. Je
crois qu'il y a deux groupes qui, a priori, devraient être
privilégiés. C'est l'opinion qu'a le ministre de la Justice;
ce
n'est pas nécessairement l'opinion de la commission. Je crois
qu'il y a les femmes, compte tenu du fait qu'il faut battre le fer un peu quand
il est chaud.
M. Marx: Les femmes policiers.
M. Johnson (Anjou): Toute la question de l'accès...
Pardon?
M. Marx: Des femmes policiers.
M. Johnson (Anjou): Oui, les femmes policiers comme dans toutes
sortes d'autres... Je crois qu'à l'égard des progrès des
conditions économiques des femmes, notamment, il faut faire franchir des
pas malgré le contexte économique dans lequel nous vivons. Je
crois qu'il faut que ces dossiers avancent. Le deuxième groupe, je
crois, ce sont les groupes ethniques.
Soyons concrets. Est-ce que nous voyons vraiment, a priori,
l'intérêt de mettre beaucoup d'énergie et des efforts dans
les programmes d'accès à l'égalité pour les groupes
dont on croirait qu'ils font l'objet d'une discrimination systémique sur
la base de leurs opinions politiques? Il y a une question de priorité.
Vous ne pouvez pas prendre les treize catégories. Croyons-nous qu'il
faille que la Commission des droits de la personne, en ce moment, mette de
l'énergie dans le cas des personnes handicapées alors qu'il y a
déjà l'Office des personnes handicapées, et que des
progrès considérables ont été faits et que sur le
plan social ce dossier avance?
M. Marx: II y a une loi spéciale pour cela.
M. Johnson (Anjou): Donc, il y a un certain nombre de choix. Oui,
c'est cela.
M. Marx: II y a déjà un programme d'accès
à l'égalité pour eux.
Le Président (M. Gagnon): Le ministre a la parole.
M. Johnson (Anjou): Parmi les groupes, je crois, les
femmes...
M. Marx: II ne répond pas à la question.
M. Johnson (Anjou): ...les autochtones, les groupes ethniques,
pour toutes sortes de raisons, je crois, ce sont des endroits où nous
devons bouger. Or, quand on regarde, notamment, le dossier à
l'égard des femmes...
M. Marx: Mais quand est-ce que le ministre va déposer le
règlement? Je n'ai pas demandé comment est-ce qu'on va
élaborer ces programmes. Je veux savoir quand le ministre va
déposer le règlement prévu dans la charte
québécoise, modification qui a été apportée
en 1982 - "a big rush", il faut adopter cela - donc il y a presque trois ans...
C'est cela la question.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le
député aura des éléments de réponse à
compter du mois de mai.
M. Marx: À compter du mois de?
M. Johnson (Anjou): Mai.
M. Marx: De quelle année?
M. Johnson (Anjou): De cette année.
M. Marx: De cette année? C'est-à-dire que je vais
avoir des éléments de réponse.
M. Johnson (Anjou): Voilà!
M. Marx: C'est très élégant, cela! Est-ce
qu'on va savoir si le règlement sera déposé à cette
session? Ce sont les éléments de réponse? Qu'est-ce qu'on
va savoir? Qu'est-ce qu'on va apprendre au mois de mai?
M. Johnson (Anjou): On va peut-être apprendre que dans le
cas, notamment, des programmes d'accès à l'égalité
en ce qui concerne les femmes, dans le cadre d'une opération
extrêmement exigeante de concertation, il y a lieu de s'interroger sur la
pertinence de la promulgation de certains articles de la charte, compte tenu de
l'expérience que nous pouvons prendre à partir de l'Ontario, par
exemple, de l'Australie, entre autres, où il y a eu une évolution
extrêmement rapide dans ce domaine et où, déjà, les
méthodes privilégiées dans certaines régions du
monde occidental en particulier sont remises en cause. Dans la mesure où
les articles dont il s'agit ne sont pas promulgués, peut-être
pouvons-nous nous interroger. C'est 86, 1, 2 , 3, etc., la partie 3.
M. Marx: Si je comprends bien, le ministre est en train de me
dire qu'il n'est pas sûr qu'il va promulguer les articles adoptés
à l'Assemblée nationale.
M. Johnson (Anjou): Je ne suis pas sûr qu'il faille tous
les promulguer. C'est un fait. Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur
instrument pour faire progresser la condition féminine au Québec,
en ce moment, dans le contexte actuel.
M. Marx: C'est un aveu important.
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas un
aveu; c'est une constatation.
M. Marx: Ce n'est pas une constatation. L'Assemblée
nationale...
M. Johnson (Anjou): Je comprends que le vocabulaire du
prétoire obsède le député mais...
M. Marx: ...les députés votent des lois qui ne sont
pas mises en vigueur. C'est bien beau de voter des lois, mais c'est le
gouvernement qui est en train maintenant de contourner une politique
adoptée par l'Assemblée nationale. C'est un détournement
de pouvoirs. C'est aussi clair que cela. Il se choque, le député
de Rousseau. Il ne doit pas se choquer; cela arrive de temps à autre
avec ce gouvernement.
Deuxième question...
Le Président (M. Gagnon): Cela va être la
dernière question et on va laisser la réponse au ministre.
Après, cela va être la fin. Il va falloir adopter les
crédits. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: ...sur les avantages sociaux en ce qui concerne
l'égalité homme-femme, que les femmes vont contester en Ontario
à cause de la charte canadienne, mais qu'on ne peut contester ici en
vertu de la charte canadienne, étant donné qu'on a mis une clause
de dérogation dans nos lois...
M. Blouin: On en a une meilleure.
M. Marx: Vous ne connaissez rien de cela. Ne parlez pas. En ce
qui concerne les avantages sociaux, est-ce que le ministre va déposer le
règlement...
M. Blouin: L'arrogance libérale!
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Rousseau, vous n'avez pas...
M. Blouin: M. le Président, l'avez-vous entendu?
Le Président (M. Gagnon): Vous n'avez pas demandé
la parole, M. le député de Rousseau.
M. Blouin: C'est incroyable! II est fatigué. On va le
laisser finir. Allez-y, complétez.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, complétez votre question, s'il vous plaît.
M. Marx: Est-ce que le ministre a l'intention de déposer
le règlement en ce qui concerne les avantages sociaux pour mettre les
femmes sur un pied d'égalité avec les hommes, règlement
qui est prévu à la partie 4 de la charte
québécoise? C'est bien beau de dire qu'on a la meilleure charte
au monde et tout cela - effectivement, on a la meilleure de toutes les
provinces canadiennes - mais dire que c'est une bonne charte, c'est une chose.
On veut que la charte ait des dents pour mordre et pas seulement pour sourire.
On attend ces règlements, surtout le deuxième dont j'ai fait
mention.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, en 30
secondes.
M. Johnson (Anjou): L'adoption du règlement, M. le
Président, continuera d'être retardée tant et aussi
longtemps que le gouvernement n'aura pas trouvé une solution à la
question, notamment, qui est reliée aux ex-religieux enseignants
où ce type de problème se pose aussi. Quand on parle de ce type
de problème, on parle de dizaines de millions de dollars.
M. Marx: II y a un mot pour résumer tout cela, c'est
"cop-out". Le ministre prend un "cop-out", maintenant, en ce qui concerne le
dépôt de ces deux règlements qui sont essentiels pour la
mise en vigueur de toute la partie 3 et 4... ,
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si le
député veut nous dire que c'est un "cop-out" dans ce dossier, je
pourrai dire que dans le dossier qu'on a traité
précédemment, c'est "cop-in".
Le Président (M. Gagnon): Un instant. Est-ce que les
programmes 4 à 13, 16 et 17 sont adoptés?
Des voix: Adopté.
M. Marx: Est-ce que...
Le Président (M. Gagnon): C'est adopté.
M. Johnson (Anjou): Adopté.
M. Marx: ...le whip en chef du gouvernement n'a pas quelque chose
à dire sur les programmes d'accès à
l'égalité.
M. Johnson (Anjou): Je regrette, j'aurais aimé cela que ce
soit un peu plus sérieux.
Le Président (M. Gagnon): On aura l'occasion d'y revenir.
Les programmes 4 à 13, 16 et 17 sont adoptés. L'ensemble des
crédits du ministère de la Justice, pour l'année
financière 1985-1986, est-il adopté?
M. Marx: Non. Parce que la commission n'a pas terminé son
travail, la commission a fait juste la moitié de son travail.
Le Président (M. Gagnon): Nous avons
complété huit heures de travail.
M. Marx: Comment huit heures de travail?
Le Président (M. Gagnon): Huit heures. J'ai les
détails ici.
M. Marx: Oui. Pouvez-vous nous les donner?
Le Président (M. Gagnon): De 10 heures à 13
heures... Est-ce que j'ai les dates?
M. Marx: Non, on n'a pas...
Le Président (M. Gagnon): Hier, de 10 heures à 13
heures; de 16 heures...
M. Marx: De 10 heures à 13 heures, hier.
Le Président (M. Gagnon): De 16 h 30 à 18 heures,
hier, également. Ce matin, de 10 heures à 13 heures. C'est ce qui
fait huit heures.
M. Marx: C'est cela. Hier, ce n'était pas de 10 heures
à 13 heures, c'était de 10 h 15 ou 10 h 20... Mais, de toute
façon, la commission a neuf heures et demie...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'étais
là à 9 h 55.
Une voix: Voilà.
M. Johnson (Anjou): II y a quand même des limites
à...
M. Marx: Si vous étiez là, je ne vous ai pas
vu.
Le Président (M. Gagnon): Voilà. Normalement, on a
complété nos heures de travail.
M. Johnson (Anjou): Franchement!
M. Marx: Non, on a neuf heures et demie de travail, on n'a pas
fait neuf heures et demie.
M. Johnson (Anjou): Quelle est l'entente avec l'Opposition?
Le Président (M. Gagnon): J'ai l'ordre de
l'Assemblée nationale à respecter. Nous devrons donc ajourner nos
travaux sine die...
M. Marx: Sine die.
Le Président (M. Gagnon): ...et revoir l'entente qu'il y a
entre les deux partis.
M. Marx: L'entente - je peux vous la dire, M. le Président
- c'est qu'on va faire neuf heures et demie. Mais on n'a pas
siégé mardi parce que quelqu'un a voulu changer l'horaire.
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 2)