(Neuf heures quarante-cinq minutes)
M. Rochon : Alors, ce matin,
le Parti québécois va interpeller la ministre des Aînés sur l'impact de
l'austérité libérale sur les conditions de vie de nos aînés. J'espère, très,
très sincèrement que ce matin du 22 mai va marquer un changement de ton
chez le gouvernement. Qu'on puisse travailler ensemble au mieux-être des aînés,
c'est, je pense, ce qu'ils attendent de nous, ce que leurs familles attendent
de nous. Tous les parlementaires ont travaillé de manière collégiale à
s'assurer que les Québécoises et les Québecois puissent mourir dans la dignité.
Il me semble qu'on devrait pouvoir travailler ensemble, de la même manière à ce
que les Québécoises et les Québécois puissent vivre dans la dignité, à ce que
les aînés puissent vivre dans la dignité. Et je ne pense pas que tous les aînés
vivent dans la dignité, il y a trop d'exemples du contraire. Et chaque cas,
chaque cas d'aîné maltraité, malheureux, découragé, c'est un cas de trop.
Le ministre nous dit que c'est
l'exception, qu'on monte ces exceptions-là en épingle, qu'on lit trop les
journaux. Alors, qu'est-ce qu'il faudrait? Il faudrait interdire les journaux?
Il faudrait taire les situations malheureuses? Il faudrait faire semblant de
rien? L'omerta, quoi? Moi, je ne pense pas. Moi, je pense qu'au contraire il
faut soulever les cas patents de négligence et puis de maltraitance qui
pourraient, en plus, ces cas-là, ne représenter que la pointe de l'iceberg.
Parce que, pour chacune des personnes âgées qui parle ou dont la famille parle,
combien il y en a qui gardent le silence? Combien il y en a qui ne parlent pas
ou qui ne parlent plus? Combien il y en a qui sont sans voix? Moi, ça me
préoccupe. Je suis préoccupé du vécu des aînés. Je souhaite que nous nous
assurions qu'ils soient traités comme on voudrait nous-mêmes être traités.
Alors, cette interprétation-là, elle va
nous permettre, enfin, c'est ce que je souhaite, de nous arrêter sur leurs
vies, de nous assurer que l'austérité dans laquelle nous plonge le gouvernement
libéral ne gâche pas leurs jours, que personne n'est rationné pour des motifs
de compressions budgétaires, rationné en soins d'hygiène, rationné en soins
médicaux, rationné en loisirs, rationné en aliments, rationné en sorties et que
personne, par ailleurs, ne subit de hausse déraisonnable de tarifs qu'on
n'aurait pas encore débusquée.
Alors, voilà, en un mot, le motif de
l'interpellation de ce matin. Harold?
M. LeBel : Bon, peut-être deux
mots. Je suis très heureux de participer à l'interpellation avec Sylvain. J'ai
travaillé sur le dossier des aînés un petit bout de temps, j'ai le dossier de
la pauvreté. De 2003 à aujourd'hui, à 2011 à peu près, le taux de femmes de
65 ans et plus en état de faibles revenus est passé de 3 % à
15 %, c'est pour vous dire. C'est quand même beaucoup. On a une loi pour
lutter contre la pauvreté, et ces gens-là de 65 ans et plus, les femmes,
le taux de faibles revenus de 3 % à 15 % pendant cette même
période-là où on a une loi pour lutter contre la pauvreté. C'est pour dire qu'il
y a une bonne discussion à avoir maintenant, une vraie discussion à avoir sur
l'état de la situation de nos aînés. Et, quand on voit le désengagement de
l'État envers eux, envers elles surtout, on pense qu'il faut s'arrêter, puis il
faut vraiment changer le ton, comme le dit Sylvain.
Actuellement... J'ai participé, moi, à la
commission sur la loi n° 10, et c'est à ce moment-là que le ministre des
Finances, M. Leitão, avait dit : Vous savez, c'est mieux… ce serait
mieux de le faire faire par le communautaire, ça coûte moins cher que le faire
par l'État, par les réseaux. Il s'était fait cogner sur les doigts par le premier
ministre. Puis on avait interpellé le ministre Barrette là-dessus, sur cette
déclaration-là, qu'est-ce qu'il en pensait. Il nous avait dit : Non, non,
non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. Sauf que, là, c'est ce qu'on voit au
niveau des aînés, des services aux aînés dans les centres de jour. On est en
train de transférer, de se désengager et de donner ça au communautaire qui, actuellement,
sont largement dépassés par les événements. Et on leur dit : Bien,
occupez-vous des aînés, allez vers… ça coûte moins cher. On compte sur vous.
Alors, bref…
M. Rochon : Occupez-vous-en
sans le financement.
M. LeBel : … sans le
financement. Bref, il y a une grande discussion à avoir. Et ce qui est
intéressant — autant Sylvain que moi, à l'époque, quand j'avais le
dossier des aînés — la ministre des Aînés ne se lève pas souvent pour
répondre à nos questions. Maintenant, on l'a devant nous et on espère qu'on
aura des réponses.
M. Caron (Régys)
: L'ancien
ministre de la Santé, M. Réjean Hébert, à l'époque où le Parti québécois
était au pouvoir, faisait la promotion d'un projet qu'il appelait l'assurance
autonomie. Bon, le ministre Barrette a descendu ce projet-là en flammes, mais
qu'en est-il maintenant, pour vous, de ce projet-là? Est-ce que vous avez enterré
ça ou si c'est quelque chose que vous voulez encore porter, l'assurance
autonomie?
M. Rochon : C'est clair que
l'État doit se tourner vers les soins à domicile. Puis ce n'est pas que notre
discours, je pense que c'est le discours de tout le monde. Mais le gouvernement
ne regarde pas de ce côté-là, et il a tort, il a tort. Et je pense qu'il faut
élargir, là. On est mûrs, au Québec — et je fais du pouce sur ce
qu'Harold a dit — pour une grande conversation nationale, là, sur les
conditions de vie de nos aînés. On est mûrs pour ça. Il ne faut pas que le
gouvernement s'y refuse.
M. LeBel : Sur le maintien à
domicile…
M. Laforest (Alain)
:
Mais, juste une seconde… Les grandes conversations nationales, les forums, là,
quand tous les acteurs viennent s'installer puis jaser pendant deux jours, là,
habituellement, ça ne change pas grand-chose, là. Sur le terrain, ce n'est pas
là que ça se passe, là. Ça prend…
M. Rochon : Ça change quelque
chose quand on écoute, quand on ne fait pas juste entendre, quand on écoute,
là.
M. Laforest (Alain)
:
Bien, c'est ça, vous avez parlé d'omerta, là. Pensez-vous que le gouvernement
va uniquement fermer puis il ne veut pas que ça sorte?
M. Rochon : Écoutez, la
députée…
M. Laforest (Alain)
:
Vous, vous la demandez, la conversation nationale, mais le gouvernement n'ira
pas dans ce sens-là, là.
M. Rochon : La députée de Saint-Henri—Sainte-Anne,
hein, en mai 2013, à la Commission de la santé et des services sociaux de
l'Assemblée nationale, elle demandait que cette commission se donne un mandat
d'initiative portant sur les conditions de vie des aînés hébergés en CHSLD. On
s'est montrés ouverts avec cette proposition-là, on a décidé conjointement de
tenir ce mandat d'initiative…
M. Laforest (Alain)
:
Je suis d'accord, M. Rochon, mais votre chef a dit, cette semaine, qu'il
voulait un forum sur l'économie, puis le premier ministre lui a répondu qu'il
n'était pas d'accord avec ça, les grandes messes. Vous faites quoi pour faire
bouger le gouvernement?
M. LeBel : Actuellement, là,
sur le terrain, les tables régionales des aînés, les porte-parole des aînés,
les mouvements qui représentent les aînés, tout le monde demande une politique
du vieillissement, tout le monde demande cette discussion-là. Et moi,
j'interpelle Mme Blais, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, qui est
très connue dans ce milieu-là puis qui revendiquait ça. Présentement, on ne
l'entend pas beaucoup, mais je sais qu'elle comprend cette situation-là puis
elle est d'accord avec nous là-dessus.
M. Rochon : Elle était soumise
à la loi du silence elle aussi, là.
M. LeBel : Quand on parle de
maintien à domicile, tout ce qui se passe avec les pharmaciens actuellement,
qui ne peuvent plus fournir les piluliers… Pour les aînés, ces piluliers-là,
c'est important, ça fait partie du maintien à domicile. Ça fait que non
seulement on ne va pas vers la politique que le gouvernement du Parti québécois
proposait, mais on recule sur les services donnés actuellement à nos aînés pour
essayer de faire le maintien à domicile. Bref, tous ces reculs-là, tous ces
reculs-là par rapport aux aînés, on doit en discuter et il y a une pression
partout, dans toutes les régions, au niveau national. Il me semble que le
gouvernement devrait entendre.
M. Caron (Régys)
: Je
vous pose la même question que j'ai posée à la CAQ tout à l'heure : Le
gouvernement coupe et dit que les services ne sont pas touchés en santé. Est-ce
qu'il est déconnecté?
M. Rochon : Ah! il est
parfaitement déconnecté. Les services sont touchés, c'est clair comme de l'eau
de roche. Puis là il est temps, là, qu'on arrête de faire des petites économies
sur le dos des aînés puis qu'on fasse des grandes avancées sur leurs conditions
de vie. Les aînés demandent ça, leurs familles demandent ça aussi. Merci.
M. LeBel : C'est une bonne
conclusion.
M. Rochon : Oui, je pense.
Souhaitons que ce soit celle du gouvernement à un moment donné aussi. Merci.
(Fin à 9 h 53)