(Quinze heures vingt-six minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. Je vais, dans un premier temps, vous parler de l'annonce du gouvernement
fédéral concernant les personnes trans, et, par la suite, mon collègue Amir
prendra quelques instants pour vous parler de l'économie de partage et la
motion qui vient d'être déposée et non adoptée.
Alors, pour vous dire qu'aujourd'hui,
bien, en cette journée de lutte contre l'homophobie et la transphobie, je suis
vraiment contente d'être arrivée au parlement ce matin en voyant le drapeau arc-en-ciel
sur un des mâts de l'Assemblée. Je pense que c'est une façon très simple de
poursuivre le travail d'éducation, de sensibilisation, quand un parlement au
grand complet envoie le message que l'homophobie, la transphobie, ça n'a pas sa
place sur notre territoire. Je pense que tout le monde en sort gagnant par
rapport à ça.
De l'autre côté, on apprend, du côté
fédéral, que le premier ministre Trudeau a décidé lui aussi de choisir cette
journée de lutte à l'homophobie pour déposer un projet de loi afin de protéger
les personnes trans, qui sont actuellement, je dirais, dans les chartes
canadiennes et québécoises, les personnes les moins bien protégées. Alors donc,
je pense que... je vois plutôt d'un bon oeil l'ajout de cette nouvelle
catégorie de discrimination, si je peux dire ainsi, sur la question d'identité
de genre. Il faudra voir le libellé exactement, je n'ai pas eu le temps, comme
vous le savez, j'étais en Chambre, mais, en soi, de savoir qu'on veut
inscrire... et pour protéger les personnes et les empêcher de pouvoir être
victime de propagande haineuse ou de discours inapproprié m'apparaît plutôt une
bonne nouvelle.
D'ailleurs, bonne nouvelle que devrait
profiter la ministre Vallée pour dire que, bien, nous aussi, au Québec, on
pourrait faire le dernier... un des pas qui nous manque en matière de
protection des droits chez les personnes trans, et on parle des droits des
enfants trans. Vous le savez, la semaine dernière, j'ai déposé un projet de
loi, j'ai offert toute ma collaboration à la ministre pour faire en sorte de
pouvoir adopter rapidement le projet de loi, faire cette procédure qui
s'appelle une adoption rapide. Je pense qu'au Québec on a fait les débats, on a
eu la commission parlementaire en 2013 lors du projet de loi n° 35, la commission
parlementaire sur les règlements l'an dernier. Alors, il ne nous reste plus
qu'à corriger et faire en sorte que les enfants soient aussi protégés. Donc,
si M. Trudeau est prêt à l'inscrire dans sa charte, bien, pourquoi que le
Québec ne serait tout simplement pas prêt à donner les mêmes droits aux enfants
trans en modifiant le Code civil?
M. Khadir
: Alors,
deux mots sur cette motion que la CAQ a présentée au gouvernement libéral,
visiblement pour les mettre en pleine contradiction, parce que, d'après ce que
je comprends, donc, c'est le libellé presque mot pour mot de ce que voulaient
faire adopter les jeunes libéraux à leur rencontre de cette fin de semaine.
Moi, j'ai de la peine pour les jeunes
libéraux d'être si ignorants de ce que c'est que l'économie du partage. De la
part des jeunes, je m'attendais à mieux. L'économie de partage, ça se passe entre
pairs; l'économie de partage, c'est pour éviter le gaspillage; l'économie de
partage, c'est pour éviter l'inefficience du capitalisme, c'est pour diminuer
la surconsommation en produits, en biens, en services. Et l'économie de
partage, ce n'est surtout pas à l'usage des entreprises multinationales
capitalistes, parce que, dans la notion de l'économie de partage, il est question
de partager les bénéfices entre pairs, entre égaux et non une multinationale et
des petits travailleurs qui sont payés des salaires de gagne-misère.
Selon le secrétaire d'État au Travail du
président Clinton, Uber, ce n'est pas l'économie de partage, c'est le partage
des miettes pour les petits et le gâteau pour Uber. En plus, Uber ne peut pas
rencontrer les exigences minimums d'économie de partage, qui est une économie
solidaire, qui est une économie d'intégrité. C'est une économie qui tend à
localiser les échanges, puisque la première chose, dans cet échange-là, c'est l'argent,
puis l'argent, Uber veut le cacher dans des paradis fiscaux.
Ceci étant dit, ça ne me surprend pas puisque
le Parti libéral est devenu, sous Jean Charest, maintenant sous Philippe
Couillard... Après tout, comment s'attendre à ce que le Parti libéral sous Philippe
Couillard attire d'autres mondes que de jeunes loups qui ne pensent qu'à l'intérêt
individuel à courte vue, sans aucun égard sur l'impact social, sur la cohérence
avec un développement économique sain pour un premier ministre qui s'est
employé à aller se mettre au service de la monarchie d'Arabie saoudite pour
gagner le plus d'argent possible et ensuite le cacher dans des paradis fiscaux.
Ça ne m'étonne pas que ça attire des jeunes qui n'ont aucun égard pour les
pratiques déloyales fiscalement destructrices et illégales d'une compagnie
comme Uber puis cherche à le défendre par ce genre de procédé.
M. Vigneault (Nicolas) : Mme
Françoise David s'est exprimé sur, notamment, la position de M. Lisée. Je l'ai demandé
à Mme Massé ce matin. Vous, M. Khadir, sur la position de M. Lisée exactement,
le fait qu'il ne veuille pas de référendum, est-ce que, pour vous, ça nuit
justement à cette convergence?
M. Khadir
: Bien,
regardez, ce qui relève du choix des militants et des militantes du PQ, je
pense, doit être laissé aux militants et militantes du PQ. Moi, ma vision, et
Québec solidaire, je pense qu'on le répète à qui veut bien l'entendre, si nous
existons, c'est parce que justement nous croyons que les tergiversations, la
confusion, l'absence de clarté sur plusieurs enjeux... puis ce n'est pas juste
la question de l'indépendance, le même phénomène se vit sur la question, par
exemple, du pétrole. Tantôt, on est pour la ligne d'Enbridge, mais on est
contre TransCanada. On est contre le pétrole de l'Alberta, mais on est pour le
pétrole de schiste d'Anticosti. Et je pourrais vous citer une foule, hein, sur
la question de la fiscalité... d'une fiscalité juste, de l'austérité ou pas.
Donc, cette confusion-là n'est pas au
bénéfice de la démocratie, n'est pas au bénéfice de l'évolution politique au
Québec, et c'est sûr que notre peuple mérite mieux. Donc, si vous demandez mon
opinion, ce qui est mieux pour le Québec, c'est être clair. Quel est le type de
société qu'on veut? Quel est le type de justice sociale qu'on veut et quels
sont nos projets d'avenir? Et ensuite, par rapport à l'indépendance, comment clairement
on compte s'y activer pour le réaliser?
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
mettre ça sur la voie d'évitement, est-ce que, pour vous, c'est une bonne
chose?
M. Khadir
: Bien,
regardez, ça illustre, comme je dis, pour bien d'autres choses. La justice
sociale aussi a été mise sur la voie d'évitement depuis des années, et regardez
combien le PQ en pâtit, hein? Je pense que le PQ a un examen sur le long
parcours. Son incapacité à être résolument en faveur de l'intérêt des
Québécois, du plus grand nombre, fait en sorte qu'on en est là aujourd'hui, et
c'est pour ça que Québec solidaire existe.
Et j'en appelle, moi, aux militants et aux
militantes progressistes indépendantistes qui ont encore des doutes. Il est
plus qu'impératif pour le Québec, pour notre société, pour le projet d'indépendance,
que les gens tirent des conclusions. On a besoin d'un véhicule décidé,
mobilisé, clair sur ses priorités comme Québec solidaire, que ça soit la
justice sociale, le progrès, les questions d'évasion fiscale, la question
énergétique et l'indépendance du Québec. Et là, après, on peut débattre d'un
tas de choses, mais je pense qu'il faut respecter le choix de ceux qui veulent
à tout prix continuer à s'agripper au PQ. Et c'est malheureux, hein, ça ne
dépend pas des personnes qui viennent à la chefferie. Année après année,
décennie après décennie, quel que soit le chef qu'on met en place, ça finit
toujours par être la confusion.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Pourquoi? En raison de l'establishment du parti qui tire les nouveaux chefs
vers la droite?
M. Khadir
: Je ne
pense pas que, là, il s'agisse de l'establishment, c'est une peur de s'assumer.
C'est une peur de s'assumer à la fois sur le plan social et sur le plan de
l'indépendance. Votre journal a fait paraître un résumé d'un article que j'ai
écrit il y a deux ou trois semaines, qui justement relève du fait que ça date
de longtemps. Ça fait à peu près une trentaine d'années, on remonte, en fait,
la genèse de ce problème-là à 1974 et le fameux congrès du PQ où on a opté pour
l'étapisme, et je pense qu'à partir de ce moment-là, dans le but absolument
d'arriver au pouvoir, et ça peut se comprendre. Ça n'a pas été fait de mauvaise
foi, mais petit à petit, il y a eu un glissement qui fait qu'aujourd'hui le
Parti québécois, comme tant d'autres partis en Occident qui ont peur de
s'assumer... Je pense à tous ces partis socialistes ou à tous ces partis
travaillistes à la Tony Blair qui ont... je ne veux pas utiliser le mot
«trahi», mais qui ont fortement déçu, si amèrement déçu des millions de gens
qui en attendaient mieux, et malheureusement le PQ est dans cette situation.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
là vous parlez de la position de M. Lisée, là...
M. Khadir
: Non, en
général. Je pense qu'on parle de M. Lisée ou qu'on parle de tous les
autres, c'est quand même des personnes qui ont été dans un parti qui a eu de la
difficulté à s'assumer sur le pétrole, sur la justice sociale, sur la justice
fiscale, sur l'importance des services publics, sur le mode de scrutin, sur
l'indépendance du Québec.
Donc, je pense qu'il y a des variations,
mais, pour l'essentiel, même ceux... moi, je prends l'exemple... parlons, par
exemple d'Alexandre Cloutier. D'accord? Voilà un jeune homme rempli de toutes
les meilleures intentions. Donc, comme d'autres avant lui, comme Jean-Martin Aussant
quand il a fondé Option nationale, il a ouvert la plateforme du PQ, hein, le programme
du PQ, puis il en a retiré l'essentiel qu'il présente maintenant parce que c'est
un progressiste, et je pense qu'il est sincère. Sauf que la réalité du Parti
québécois ne relève plus de l'orientation individuelle de telle ou telle
personne, mais d'habitudes politiques, je dirais, d'une culture politique qui
le pousse absolument à chercher le pouvoir. Ce qui fait que tout ce qui se dit maintenant,
malheureusement, notre expérience des 25 dernières années montre que ce n'est
pas fiable. On a beau, même aujourd'hui, permettez-moi l'expression, beurrer
épais en termes d'environnement, en termes de justice sociale, en termes
d'indépendance, mais après, malheureusement, les démons de l'appétit insatiable
uniquement pour le pouvoir, pour le pouvoir, rattrape les vieilles formations politiques.
Pas juste au Québec. Je ne veux pas accabler
individuellement le PQ, là. C'est un phénomène répandu dans toutes les sociétés
occidentales, et le mieux que nous, comme progressistes indépendantistes on
peut faire, c'est d'en faire un bilan, comme d'autres peuples sont en train de
faire et balayer de la carte, basta, de remercier toute cette vieille classe politique
de leurs services et faire évoluer enfin l'avenir politique du Québec.
M. Caron (Régys) : M. Khadir,
le ministère de la Santé a payé, en 2015‑2016, 70 millions en primes pour
des cadres qui partaient sous l'effet de la réforme du ministre Barrette. Comment
le médecin que vous êtes réagit à ce départ massif? On parle de 1 051
cadres puis il y en aura d'autres.
M. Khadir
: Mais
qu'est-ce que...
M. Caron (Régys) : C'était
prévu, là.
M. Khadir
: Oui, je
comprends. D'abord, ça témoigne au moins d'une chose, c'est que, quand nous
avons dit, nous, les gens qui critiquaient la privatisation du système de
santé... les réformes de Couillard et les minis réformes qui sont venues après,
on avait raison de dire qu'il y a une croissance indue, une croissance indue de
la gestionnite aiguë et chronique dans le réseau. Ça fait plus de 15 ans qu'on
vit ça, hein? Moi, quand j'étais à la fin de ma résidence, je voyais des
couloirs entiers de l'hôpital Notre-Dame et Saint-Luc fermer et, quelques mois
plus tard, être transformés en bureaux de gestionnaires qui devaient être
par-dessus l'épaule d'autres gestionnaires qui surveillaient le travail des
infirmières. Donc, ça prouve que notre critique était juste, qu'il y avait un
grave problème de bureaucratie qui s'était installé dans le réseau.
Mais, une fois ceci dit, ça serait bien
que, si on coupe là, que ça soit accompagné d'un vaste investissement dans les
services à la population. Là, j'aimerais que des salles d'opération soient
ouvertes, que ça fonctionne 16 heures par jour et non huit heures par jour,
qu'on ait plus d'effectifs infirmiers, des postes à temps plein, des postes où
les infirmières sont moins sous le stress, rendent de meilleurs services à la population,
ce qui exige des bidous. Sauf que ce n'est pas ça qui va arriver. Les
soi-disant 70 millions qui vont être, entre guillemets... d'abord, ça va
coûter à l'État quelque chose puis, par ailleurs, c'est-à-dire malgré ce coût
qu'on aura assumé, il n'y aura pas d'amélioration de services.
M. Caron (Régys) : Le ministre
promet, comme corollaire à ça, des économies de salaire de 220 millions
par année. Donc, vous dites que le ministre Barette avait raison, là. Il est
dans la bonne voie avec ça.
M. Khadir
: Non, le ministre
Barette n'est pas dans la bonne voie, comme les ministres qui l'ont précédé ne
l'ont pas été à chaque fois, bien sûr, qu'on vous annonce ça. Mais jusqu'à
quand on va être dupes de ces politiques qui visent uniquement à mieux
étrangler le système, à le privatiser? La réalité...
M. Caron (Régys) : Pourquoi
vous dites privatiser?
M. Khadir
: Parce que
c'est en train d'être... Regardez comment on détourne les fonds publics et le
personnel des CLSC pour les confier à la gestion privée des GMF. Quand les GMF
ont été institués au début des années 2000 puis, au milieu des années 2000,
répandus et augmentés par le gouvernement libéral, on a dénoncé. On a dit :
Ça ne rencontrera pas les exigences. On va gaspiller de l'argent, encore une
fois.
À maintes reprises, vos propres journaux
ont démontré la validité de nos critiques. Et je pense que, là, il faut arrêter
d'être dupe. Je pense que, comme opposition et comme journalistes, comme
médias, on a le devoir de considérer que c'est un échec global du gouvernement
libéral depuis 2003. Les réformes successives du gouvernement libéral se sont
soldées par la désorganisation, par la bureaucratie rampante, par une
détérioration des conditions de travail de nos employés, qui se répercutent sur
plus d'erreurs, qui se répercutent sur de moins bons services, moins de
services et des services de moins grande qualité, avec une perte de sécurité
pour les patients. On a parlé la semaine dernière comment les conditions de
travail amenaient les infirmières dans des conditions qui faisaient en sorte
qu'elles étaient plus sujettes à des erreurs. Tout ça fait partie d'un tableau
d'ensemble.
M. Caron (Régys) : Autre
sujet, M. Khadir, projet de loi n° 59, le Parti québécois promet de
bloquer l'adoption ou l'étude détaillée du projet de loi puis, en contrepartie,
demande que le gouvernement le retire. Est-ce que...
M. Khadir
: Vous
parlez du projet de loi sur...
M. Caron (Régys) : Sur le
discours haineux.
M. Khadir
: Sur le
discours haineux. Ma consoeur Françoise David a eu de multiples occasions de se
prononcer là-dessus. Nous avons un avis différent. J'aimerais vous soumettre de
bien vouloir consulter ma collègue parce que c'est très, très, disons, nuancé.
Mme Fletcher (Raquel) : En
anglais. On the... sorry, I lost my… on the transgender issue
that has come up today in Ottawa, can you comment about, first of all, about
the legislation in Ottawa, and then I'll ask you about your own...
M. Khadir
: Our party, through its spokesperson on this matter,
Manon Massé, expressed our «accord». Je vais le répéter tout à l'heure… accord.
So our party expressed its agreement with the steps being taken by the federal
Government. Actually, Manon Massé, our spokesperson welcomes the initiative by
Prime Minister Justin Trudeau, but she suggested that the Liberal Government
and the minister of Québec… to go a bit further.
We have a contribution to
make also, and that contribution would be the recognition of the rights of the
children, the transgender children. So it is a good day for principles of
inclusion of all diversity in our society, but Québec can be better, can do
better and can contribute significantly if the minister accepts to welcome the
by-law, «projet de loi», the bill that is proposed by Manon Massé on that
specific issue.
Mme Fletcher (Raquel) : O.K. So Vallée was saying that she is working with Mrs. Massé on a
bill.
M. Khadir
: Perfect. We are just saying that, you know, there is
no need to prolong the... You know, there are… so much things can be done when
there is a political will. And, on that matter, the leadership of the Government,
of the National Assembly and its collaborative capacity sometimes is tantamount
to… it is necessary to its success. So Manon Massé is just saying that why are
we waiting so long? Why aren't we able to be as determined and fast-paced than
Ottawa on those issues?
Mme Fletcher (Raquel) : So there is not a concern that Mme Vallée will not adopt your bill
and present something else? Is that a concern if she does that?
M. Khadir
: That is not a concern. What is important for us is
that the issue gets evolved and the Government handles the issue appropriately.
If they want to call our bill so much better, I think that will be a sign of,
how do you say it, of «magnanimité», a magnanimous attitude that I would like
every government… and, as Québec solidaire as government, we will do that. But
otherwise, if Mme Vallée wants to have the whole credit, it doesn't matter.
What is important are the gender issues at stake, and people are waiting for
it.
Des voix
:
Merci.
(Fin à 15 h 45)