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Point de presse de M. Jean-François Lisée, chef de l’opposition officielle, et M. Stéphane Bergeron, porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique

Version finale

Wednesday, November 2, 2016, 15 h 50

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures cinquante-quatre minutes)

M. Lisée : Mesdames messieurs, évidemment, nous avons pris connaissance des dernières informations et de la confirmation par la Sûreté du Québec que six journalistes ont fait l'objet de mandats et d'enquêtes sur leur registre téléphonique, ce qui est extrêmement préoccupant.

D'abord, je vais demander à mon collègue Stéphane Bergeron de faire une brève déclaration, et je vous reviens.

M. Bergeron : Alors, merci. Évidemment, j'ai appris, il y a quelques instants, que six journalistes auraient fait l'objet d'une vérification de leur registre téléphonique dans la foulée de l'écoute électronique de Michel Arsenault. C'est une nouvelle qui est extrêmement étonnante, extrêmement préoccupante. C'est une initiative que je n'ai évidemment pas demandée, et c'est une initiative que je n'aurais jamais autorisée, et c'est une initiative dont je n'ai jamais été informé avant il y a quelques instants. Voilà.

M. Lisée : Alors, jusqu'à hier, on pensait savoir que le Service de police de la ville de Montréal avait confirmé avoir demandé plus d'une vingtaine de mandats sur un journaliste, qui est Patrick Lagacé, que d'autres journalistes avaient été les victimes collatérales d'une tentative de trouver une fuite d'information.

Aujourd'hui, on apprend qu'à la Sûreté du Québec une pratique qui a été jugée normale par le directeur de la Sûreté de l'époque et qui a été avalisée encore une fois par des juges de paix qui ont donné les mandats... que la direction des poursuites criminelles et civiles n'a pas été même consultée, ce qui nous fait penser que la réponse que le gouvernement a donnée depuis hier à cette crise de confiance dans les rapports police-journalistes, cette réponse n'est pas adéquate.

Tout ce qu'on nous a dit, c'est que le ministère de la Sécurité publique désignerait des membres de son personnel pour aller vérifier, dans les corps de police, la qualité des protocoles. Bien, ce n'est pas de ça dont il est question. Il faut que le Bureau des enquêtes indépendantes puisse aller faire enquête sur les cas. Pourquoi des personnes imputables ont demandé des mandats pour fouiller dans les registres des journalistes et dans les téléphones de journalistes? Pourquoi est-ce que cette demande-là a été jugée nécessaire, alors que la jurisprudence semble indiquer l'inverse? Qui est imputable de ça? Et, s'il y a des infractions qui ont été commises, que le bureau fasse des recommandations sur les infractions et fasse des recommandations aussi comment les garde-fous, puis j'utilise le terme à dessein, puissent être érigés pour que ça ne se reproduise pas.

Alors, de toute évidence, ce qui a été annoncé par le premier ministre et le ministre de la Sécurité publique hier ne va pas à la cheville de la nécessité de l'enquête qui est aujourd'hui justifiée par les faits. Nous leur demandons pour une troisième fois de changer de position, et, si le Bureau des enquêtes indépendantes, qui, selon nous, doit remettre son rapport à la commission parlementaire, découvre que c'est une pratique qui est encore plus répandue que nous le pensons, bien, peut-être, à ce moment-là, il y aura lieu d'avoir une commission d'enquête publique au vu de ces premières réponses-là. Mais la raison pour laquelle on ne demande pas une enquête publique aujourd'hui, c'est qu'on ne veut pas avoir des réponses dans deux ans et après 20 millions de dollars, on veut avoir des réponses rapidement, c'est-à-dire au retour des fêtes, en février ou en mars, sur les événements que nous connaissons maintenant. Il ne serait pas impossible qu'on apprenne demain qu'un autre corps de police a fait la même chose, là, on est dans le déballage cette semaine. Tant mieux, si on va au fond de l'affaire, mais, clairement, ce n'est pas ce que le premier ministre a annoncé qui va nous permettre d'aller au fond de l'affaire.

M. Laforest (Alain) : M. Bergeron, quelle a été la nature des conversations que vous avez eues avec M. Arsenault en 2013?

M. Bergeron : Je n'ai personnellement eu aucune conversation dans la foulée de sa lettre avec M. Arsenault. En fait, à peu près de façon simultanée, il y a eu des informations à l'effet qu'il faisait l'objet d'une écoute électronique. Il a écrit au cabinet, s'inquiétant vraisemblablement de faire l'objet d'une enquête, mais nous, ce qui nous préoccupait, c'est comment il se faisait qu'une information aussi sensible — et ça, j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de vous le signaler — ait pu se rendre aux oreilles d'un membre du Conseil des ministres qui a pris le téléphone et qui a dit au principal intéressé : Tu fais l'objet d'une écoute électronique, risquant, ce faisant, de faire dérailler une enquête policière. Ça, j'ai trouvé ça extrêmement préoccupant. Et c'est alors que le sous-ministre de l'époque, M. Prud'homme, l'actuel directeur de la Sûreté du Québec et moi-même avons communiqué avec M. Laprise pour lui demander ce qui en était. Et c'est à ce moment-là que M. Laprise nous a annoncé que, de toute façon, compte tenu des circonstances, il déclenchait une enquête.

M. Laforest (Alain) : Mais vous le saviez qu'il y avait des journalistes qui étaient enquêtés à l'époque, là?

M. Bergeron : Non, pas du tout.

M. Laforest (Alain) :  Vous saviez qu'il y avait une enquête.

M. Bergeron : Une enquête sur Michel Arsenault. C'est de ça dont je vous parle.

M. Laforest (Alain) : Jamais il ne vous a dit qu'il enquêtait sur des journalistes?

M. Bergeron : Jamais. Je veux dire, il déclenchait une enquête sur les fuites à l'interne qui avaient permis à un ministre d'être informé que le président de la FTQ était sous écoute électronique.

Journaliste : Qui informait Michel Arsenault?

M. Bergeron : De?

M. Laforest (Alain) :  Vous disiez qu'il y avait quelqu'un au Conseil des ministres qui était au courant.

M. Bergeron : Raymond Bachand.

M. Laforest (Alain) : C'est Raymond Bachand qui avait avisé Michel Arsenault?

M. Bergeron : Oui. Raymond Bachand aurait… pardon?

M. Lisée : Un ministre libéral.

M. Bergeron : Un ministre libéral, effectivement. Il a communiqué avec Michel Arsenault, il lui a dit : Écoute, tu es sous enquête. Alors, comment se fait-il que Raymond Bachand ait eu cette information-là?

M. Laforest (Alain) : Est-ce qu'il y a eu des fuites à votre ministère à ce moment-là?

M. Bergeron : Bien, c'était ça qui était l'objet de l'enquête déclenchée par la Sûreté du Québec.

M. Laforest (Alain) : Mais est-ce qu'on a trouvé qui avait fait la fuite?

M. Bergeron : Écoutez, moi, je ne suis plus ministre.

M. Laforest (Alain) : Mais, à l'époque, vous étiez là, là. Vous avez certainement mis de la pression pour savoir c'était qui.

M. Bergeron : Mis de la pression? Pas du tout. Je n'ai mis aucune pression.

M. Laforest (Alain) : Aucune pression pour savoir qui a fait l'objet de la fuite, là?

M. Bergeron : J'ai simplement demandé à Mario Laprise à l'époque : Que c'est ça? Et Mario Laprise m'a dit : Effectivement, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. On va déclencher une enquête interne.

M. Bovet (Sébastien) : À quel moment cette communication-là se fait avec la Sûreté du Québec, vous, votre sous-ministre adjoint M. Prud'homme et Mario Laprise?

M. Bergeron : Alors, tout cela se fait à peu près de façon concomitante : les révélations dans les médias, la lettre de Michel Arsenault qui aboutit au cabinet. Alors, on prend le téléphone puis on communique avec Mario Laprise...

M. Bovet (Sébastien) : Septembre 2013.

M. Bergeron : On communique avec Mario Laprise pour lui dire : Que c'est ça?

M. Bovet (Sébastien) : Mais donc il y a des journalistes qui révèlent des informations sur l'écoute électronique dont est victime... dont est l'objet, pardon, Michel Arsenault de la FTQ. Vous, vous appelez la SQ avec votre sous-ministre M. Prud'homme sous la pression de Michel Arsenault qui n'est pas content que ça éclate au grand jour par des journalistes, et ça, ça enclenche...

M. Bergeron : Je pense que vous...

M. Bovet (Sébastien) : Excusez-moi, M. Bergeron, je veux juste terminer.

M. Bergeron : Je pense... je me permets... je me permets justement de vous dire...

M. Bovet (Sébastien) : Votre intervention déclenche une enquête sur des journalistes.

M. Bergeron : Non, non, non. Là, je pense que vous faites des amalgames qui n'ont pas lieu d'être. D'abord, Michel Arsenault, ce dont il se plaignait, je présume, c'est d'abord et avant tout d'être sous enquête, pas que les informations coulaient. Et ensuite, moi, ce qui me préoccupait, c'était qu'un ministre ait pu être informé d'une enquête, qu'il ait pris le téléphone, ait communiqué avec le principal intéressé et lui ait dit : Tu es sous enquête, risquant, ce faisant, de faire dérailler ladite enquête. Or, je n'ai pas téléphoné à Mario Laprise pour lui demander quoi que ce soit ou de faire quoi que ce soit. J'ai demandé : De quoi s'agit-il? Qu'est-ce qui se passe? Et la réponse a été : Bien, effectivement, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. On a décidé de déclencher une enquête.

M. Bovet (Sébastien) : Mais, à ce moment-là, le fait que des journalistes mettent la main sur de l'écoute électronique de la SQ, ça ne vous préoccupe pas, ça?

M. Bergeron : Je ne vous dis pas que ça ne me préoccupait pas. Manifestement, il y avait une source à l'interne qui dévoilait de l'information à un point tel qu'un ministre libéral en avait été informé.

M. Bovet (Sébastien) : Donc, vous avez autorisé la chasse à la source interne à l'intérieur de la SQ? Vous avez demandé...

M. Bergeron : Je n'ai rien autorisé. C'est Mario Laprise qui m'a informé qu'il déclenchait une enquête. Je n'ai pas téléphoné à Mario Laprise pour lui demander de faire quelque chose, j'ai demandé à Mario Laprise ce qui se passait. C'est pas mal différent.

M. Croteau (Martin) : Estimez-vous être responsable de l'écoute des journalistes par la SQ?

M. Bergeron : Aucunement.

M. Croteau (Martin) : Mais c'est vous qui étiez ministre, c'est vous qui devez répondre des gestes de la SQ, non?

M. Bergeron : J'apprends aujourd'hui que les journalistes ont fait l'objet d'une fouille de leur registre téléphonique. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas demandé ça, je n'ai pas autorisé ça, je n'aurais jamais autorisé cela, et on ne m'a jamais informé de cela.

M. Croteau (Martin) : Donc, c'est la faute à qui?

M. Bergeron : Nous demandons à ce que le Bureau des enquêtes indépendantes se penche sur cette question-là. Un peu de la même façon où, quand on demandait une enquête sur l'industrie de la construction, une enquête publique, on nous disait : Pensez-vous qu'il y a des gens du Parti québécois qui pourraient être impliqués? Bien, l'enquête le démontrera. Je veux dire, on n'a rien à cacher. Alors, il y aura une enquête, on le souhaite, du Bureau des enquêtes indépendantes, et le Bureau des enquêtes indépendantes ira au fond des choses.

Des voix : ...

M. Bergeron : Demandez-moi pas de déterminer d'emblée qui serait responsable. Je n'en ai pas la moindre idée.

M. Laforest (Alain) : Vous êtes prêt à témoigner?

M. Bergeron : Ah! tout à fait.

M. Gagnon (Marc-André) : Mais, en clair, vous dites qu'il n'y a aucun lien, donc, entre la communication de M. Arsenault à votre endroit et le déclenchement d'une enquête qui a mené à la mise sous écoute de journalistes.

M. Bergeron : Moi, ce que je vous dis, c'est que toutes ces informations-là sortaient de façon à peu près simultanée : dans les médias, la lettre de Michel Arsenault. Alors, nous, on a simplement communiqué avec le directeur de la Sûreté du Québec pour demander : Qu'est-ce qui se passe? C'est quoi, tout ça? Et à ce moment-là Mario Laprise nous a informés, nous a informés... — M. Bovet — ...

M. Bovet (Sébastien) : Je vous écoute.

M. Bergeron : ...nous a informés qu'il déclenchait une enquête.

M. Gagnon (Marc-André) : Mais, votre demande...

M. Bellerose (Patrick) : ...demander un rapport par la suite pour savoir qu'est-ce qui est arrivé avec ces fuites-là, quel est le résultat de l'enquête sur les fuites?

M. Bergeron : Je ne suis pas autorisé à être informé de la conduite d'une enquête, même si je suis ministre de la Sécurité publique. Je n'aurais pas eu l'outrecuidance de prendre le téléphone et de demander à Mario Laprise : Où est-ce qu'elle en est, l'enquête? Absolument pas.

M. Laforest (Alain) : Mais vous avez appelé le directeur de la Sûreté du Québec pour lui demander : Que c'est ça?

M. Bergeron : Oui.

M. Bovet (Sébastien) : Après une communication avec Michel Arsenault.

M. Bergeron : Pas simplement après une communication avec Michel Arsenault, après le fait que tout ça soit révélé dans les médias.

M. Vigneault (Nicolas) : Bien justement, tout ça est révélé dans les médias, et ça ne vous effleure pas l'esprit que M. Laprise risque d'aller à la chasse pour trouver qui est responsable de ces fuites-là dans les médias.

M. Bergeron : Ce n'est pas ça qui me préoccupait principalement. Ce qui me préoccupait, c'était qu'on ait informé le principal intéressé qu'il faisait l'objet d'une enquête, risquant de ce fait de faire dérailler l'enquête.

M. Gagnon (Marc-André) : Votre demande à M. Laprise, donc, c'était : Que c'est ça? Et, est-ce que «que c'est ça», ça justifiait que la Sûreté du Québec mette sous écoute, là, six journalistes?

M. Bergeron : Alors, je le répète pour une troisième fois : Je n'ai pas demandé cela, je ne l'aurais pas autorisé, et on ne m'en a pas informé.

M. Gagnon (Marc-André) : Donc, c'était justifié?

M. Bergeron : Bien, je ne crois pas que ce soit justifié.

M. Lisée : Je vais embarquer là-dessus parce qu'on a eu cette conversation-là avant, et Stéphane, ministre, ça ne lui a pas traversé l'esprit qu'on fouille dans le travail des journalistes parce que c'est injustifié et injustifiable et ça ne doit pas se faire. Alors, de toute évidence, il y a une différence entre dire : Bien là, il y a des informations confidentielles qui coulent... Que la Sûreté du Québec veuille que ça arrête de couler, c'est légitime, qu'ils cherchent la personne qui coule à l'intérieur du corps policier, c'est légitime, mais il est absolument illégitime d'aller chercher, dans vos téléphones et vos registres téléphoniques, la source ou le lien. Et c'est cette frontière entre essayer de garder son information à l'interne, ce qui est légitime, et chercher dans le travail des journalistes, ce qui est illégitime... C'est une frontière qui existait dans la tête de Stéphane, qui existe dans ma tête, qui, de toute évidence, n'a pas existé dans la tête de la Sûreté du Québec et du directeur de la police de Montréal, Philippe Pichet. Et c'est ça qui est en cause aujourd'hui.

Et donc, pour revenir au fond de l'affaire, si on veut aller au fond de l'affaire, qui n'a pas eu ce réflexe fondamental? Bien, certainement, dans nos corps policiers, SQ, SPVM et peut-être ailleurs, il y a des gens qui sont imputables, et ce n'est pas un inspecteur interne de M. Coiteux qui est mandaté pour regarder les procédures qui va trouver ça, ce sont des enquêteurs indépendants à la BEI.

M. Gagnon (Marc-André) : M. Lisée, votre présence auprès de M. Bergeron en ce moment...

M. Bellerose (Patrick) : ...M. Lisée, pourquoi ne pas demander une enquête publique plutôt que de confier ça au Bureau des enquêtes indépendantes?

M. Lisée : Parce que je ne veux pas attendre deux ans et dépenser 20 millions de dollars avant d'avoir des correctifs. Le BEI, que nous avons voté, que nous avons proposé, que Stéphane a proposé, qui a été voté à l'unanimité, a une disposition qui permet au ministre de lui confier un mandat lorsque des agents de la paix sont en cause dans une pratique qui est malvenue. Alors, l'agent de la paix, ça peut être 150 agents de la paix avec le directeur des agents de la paix. Et moi, je pense qu'en trois mois ou quatre mois — je suis prêt à régler pour quatre mois — on peut faire le tour de cette histoire-là avec cette enquête. On peut avoir un rapport à une commission parlementaire et, au vu de ces conclusions-là, on dit : O.K., c'était un phénomène circonscrit à trois ou quatre affaires, nous avons le remède, ou : Non, c'est plus large que ça, et donc on pourra faire une enquête publique à ce moment-là. Mais l'efficacité est importante parce que je veux des réponses rapides pour réparer ce qui est brisé.

M. Gagnon (Marc-André) : M. Lisée, votre présence auprès de M. Bergeron en ce moment, c'est une marque de confiance pleine et entière par rapport à ce qui s'est passé à l'époque?

M. Lisée : Absolument. Tout à fait. Tout à fait parce que Stéphane, je le côtoie depuis maintenant quelques années, et moi, journaliste, lui avec son travail parlementaire aussi au Bloc avec Serge Ménard, on est sur la même longueur d'onde sur le respect du travail journalistique, et donc on vient de discuter de cette affaire. Il l'a apprise devant moi en regardant le texte et il est aussi scandalisé que moi que cette enquête ait eu lieu.

M. Croteau (Martin) : M. Bergeron, est-ce que vous pouvez concevoir un scénario par lequel... Quand M. Laprise vous informe qu'il y a une enquête interne pour déterminer l'origine, est-ce que vous pouviez imaginer à ce moment-là un scénario par lequel les journalistes ne seraient pas espionnés? Parce que c'est difficile d'imaginer que la SQ ou les policiers n'allaient pas forcément se tourner vers les journalistes.

M. Bergeron : Bien, moi, ça ne m'apparaît pas évident, ça ne m'apparaît pas évident. Comme le soulignait M. Lisée il y a quelques instants, on s'attendait à ce qu'on fasse des vérifications à l'interne mais pas qu'on aille éplucher les registres d'appels des journalistes.

M. Croteau (Martin) : Et est-ce que vous avez songé, à ce moment-là, à demander des précautions à cet égard-là à M. Laprise ou à ses enquêteurs?

M. Bergeron : Non, je n'ai pas pensé à demander des précautions parce que ce n'est pas mon rôle de demander quoi que ce soit par rapport aux enquêtes, d'une part, et, d'autre part, parce qu'il ne me serait même pas venu à l'esprit qu'on puisse se rendre là.

M. Boivin (Simon) : M. Bachand a prévenu M. Arsenault à quel moment exactement? Vous souvenez-vous?

M. Bergeron : En septembre 2013. La date, précisément, je ne le sais pas. 2011, c'était en 2011, à l'époque où il était... Moi, j'ai été informé de cela, effectivement, en 2013.

M. Boivin (Simon) : Donc, M. Arsenault ne se plaint à vous d'être sous écoute que deux ans après l'avoir appris de la bouche de M. Bachand?

M. Bergeron : Je ne sais pas. Ça, c'est une information que vous devriez demander à M. Arsenault. Moi, j'ai eu cette information-là à ce moment-là.

M. Robillard (Alexandre) : L'élément déclencheur qui vous a mené à téléphoner à M. Laprise, c'est quoi?

M. Bergeron : C'est une conjonction d'éléments déclencheurs, et, pour moi... Comme je vous dis, ce qui était extrêmement préoccupant pour moi, c'était qu'un membre du Conseil des ministres...

Une voix : Libéral.

M. Bergeron : ...libéral, effectivement, ait été informé du fait qu'un individu faisait l'objet d'une écoute électronique...

M. Robillard (Alexandre) : Vous dites : C'est une conjonction...

M. Bergeron : ... qu'il ait pris le téléphone et qu'il ait communiqué avec cette personne pour l'en avertir. Conséquemment, à partir du moment où une personne est avertie qu'elle fait l'objet d'une écoute électronique, ça se peut qu'elle soit un peu plus précautionneuse dans ce qu'elle va dire au téléphone. Donc, il y a un risque par rapport au déraillement de l'enquête.

M. Robillard (Alexandre) : C'était quoi, le fait qui vous a amené à constater qu'il y avait une conjonction?

M. Bergeron : Il n'y a pas de fait, c'est une conjonction de faits. C'est les informations qui circulaient, c'est cette lettre, c'est tout ça. Puis ça, ça nous a amenés simplement à dire : Comment ça se fait que ça coule?

M. Bovet (Sébastien) : Si vous êtes préoccupé, M. Bergeron, par le fait que Raymond Bachand ait pris connaissance de l'écoute électronique dont était l'objet M. Arsenault, qu'il l'a appelé, pourquoi, alors, quand TVA Nouvelles publie une dépêche, le 10 septembre 2013, dans laquelle il dit : «Le porte-parole de la SQ — M. Guy Lapointe — a précisé que l'enquête concernait "des reportages publiés au cours des derniers jours".» On ne parle pas ici de fuite à un membre du Conseil des ministres, on parle spécifiquement de l'enquête qui porte sur les reportages. Ça ne vous allume peut-être pas une lumière de vous dire que peut-être que, si on enquête sur des reportages, il y a des journalistes qui vont être mêlés à cette enquête ou l'objet de l'enquête?

M. Lisée : Bien, encore là, pas nécessairement. Je veux dire, moi, ça m'est arrivé d'être dans un caucus qui fuyait, puis il y a des gens qui disent : Bien, il faut enquêter sur la fuite, il ne faut pas enquêter sur les journalistes.

M. Bovet (Sébastien) : On enquête sur des reportages ici.

M. Lisée : Oui, bien, des reportages, ça veut dire que des journalistes ont obtenu une fuite. Alors, la réaction, c'est de dire : Bien, il faut que ça arrête de couler. Il ne faut pas arrêter le journaliste. Il faut boucher le trou, il faut le trouver dans la coque. Bon, alors c'est ça, la distinction. Elle est essentielle. Et les gens qui ont la démocratie et le droit de la presse en tête comme fondamental disent : On ne va jamais demander... C'est leur job, aux journalistes, d'essayer de trouver des trous puis essayer d'avoir des fuites. C'est leur job. C'est ce qu'ils font dans la vie puis c'est tant mieux.

M. Bovet (Sébastien) : Mario Laprise a mal compris ce qu'il devait faire, ce que la SQ devait faire? Mario Laprise c'est vous, votre gouvernement, pas vous personnellement, c'est votre gouvernement qui l'avez nommé. C'était une mauvaise décision?

M. Lisée : Bien, de toute évidence, c'est une mauvaise décision d'avoir demandé de... c'est ce qu'on dit depuis plusieurs jours. C'est une ligne qui ne devrait pas être franchie. Pourquoi est-ce que cette ligne a été franchie par des directeurs de police? C'est injustifiable et injustifié. C'était correct qu'il regarde à l'interne. Il y a peut-être une culture qui explique pourquoi il y a eu des fuites. Il y a des gens qui ne sont pas contents. Il y a toutes sortes de choses qu'ils doivent régler à l'interne mais jamais franchir la coque pour aller de l'autre côté de la fuite. Ce n'est pas leur domaine. Donc, ils ont pris des mauvaises décisions. Et le Bureau des enquêtes indépendantes devrait nous dire pourquoi, à quel moment, qui ils ont consulté. Et il y a quelque chose de brisé là-dedans et il faut le réparer.

M. Laforest (Alain) : Puis là la coque a été brisée sous votre gouvernement.

M. Lisée : Par un directeur de la Sûreté du Québec...

M. Laforest (Alain) : Nommé par le Parti québécois.

M. Lisée : ...qui n'avait pas eu ce mandat et qui ne nous a pas informés de ça. Et c'est clair pour moi que, si Stéphane ou le Conseil des ministres avaient été informés de ça, ça aurait arrêté immédiatement, et on se serait posé la question de la compétence de la personne qui a demandé ça.

M. Gagnon (Marc-André) : À partir du moment où la sphère politique est mise en cause, est-ce que ça ne vient pas justifier la nécessité, que plusieurs réclament, là, d'une commission d'enquête publique?

M. Lisée : Que le Bureau des enquêtes indépendantes, indépendantes, du ministre de la Sécurité publique, du premier ministre, du gouvernement actuel et de l'ancien gouvernement fasse son enquête, et, s'il y a des faits qui montrent que ça déborde au niveau politique à n'importe quel moment, ça nous intéressera de les connaître. Pour l'instant, il n'y en a pas, O.K.? Mais ça nous intéressera de les connaître et peut-être qu'à ce moment-là ça justifiera une enquête publique. Merci, messieurs.

M. Bovet (Sébastien) : ...votre sous-ministre, M. Prud'homme, à l'époque, a été informé de l'enquête sur les journalistes?

M. Bergeron : Je n'ai pas de raison de le penser. Il faudrait voir ça avec lui.

M. Hicks (Ryan) : Just one question for each of you. Mr. Bergeron, do you think that it was appropriate that, after receiving your phone call, the head of the SQ allowed this kind of spying on journalists?

M. Bergeron : I'm not sure I've got your question.

M. Hicks (Ryan) :The question is about spying on journalists by the SQ. After you called the SQ to talk about your… you wanted to know what was going on, and then, apparently, after, there was spying that happened on journalists. Do you think that it's appropriate?

M. Bergeron : It is not. It is not appropriate at all. What was preoccupying for me is that a minister of the Liberal Government had been able to know that someone was under investigation, and took the phone, and called this particular individual to say to him : You're under investigation. That might derail the inquiry, and I was quite preoccupied by that. And I called Mr. Laprise to know what's going on, and then he informed me, by the same token, that he was launching that inquiry, that internal inquiry.

M. Hicks (Ryan) : …talked to Mr. Bachand, about that?

M. Bergeron : No.

M. Hicks (Ryan) : No. And, did you know if the SQ talked to Mr. Bachand about that?

M. Bergeron : I don't know.

M. Authier (Philip) : And, just to be clear, because you said… just to make sure you say it again, you feel your call to Mr. Laprise did not spark this massive hunt onto the journalists?

M. Bergeron : I knew because he told me that he was launching an inquiry.

M. Authier (Philip) : Into the leak?

M. Bergeron : Into the leak.

M. Authier (Philip) : But, he didn't say : I'm going to go out and tap journalists?

M. Bergeron : Never ever. I wouldn't ever have accepted that. I would never have authorized that and I have never been informed of that. I just learned about that a few minutes ago. And I'm horrified by this information. I think it's inappropriate. It was inappropriate for the SPVM to do that and I think it's not more appropriate for the SQ having done that in the past.

M. Hicks (Ryan) : Mr. Lisée, this morning Mr. Coiteux rejected your call for the bureau of independent investigations to look into this matter and his reasoning seemed to be… he says that that bureau isn't supposed to look into institutions, it's supposed to look into individuals. Are you reiterating your call for the independent investigation bureau to look into this matter and what do you say to Mr. Coiteux?

M. Lisée : Well, Mr. Coiteux and the Premier just… they don't want to use an independent bureau. Clearly, they want control over this investigation and they have a very narrow view of the investigation : it's supposed to look into procedures. Well, we're way beyond procedures. We're into decisions of individuals that have denied the basic right of journalists to do their work unimpeded. That's the problem. And so, the bureau has, in its law, the ability to have a special mandate from the minister on other matters than just shootings on officers of the peace, well, on one, on a hundred and on a director who's also an officer of the peace. And everything in this very good law that Stéphane proposed and that we voted on unanimously, everything enables an independent investigation, that can be swift, can last only a few months. And, if, in the end, its report says : Well, it was very targeted, and we can fix it with these four steps, that's fine, but maybe they'll tell us : Well, it's a cancer that's growing, and we need a public inquiry, then we'll go forward at that time. But clearly, neither is being considered by the current government, and it boggles the mind why they are so timid in their willingness to go to the bottom of this.

M. Hicks (Ryan) : And just to clarity, because you had also called for the Montréal police chief to be suspended while this happens, so, in this case, are you calling on the head of the SQ to resume?

M. Lisée : No, because he's no longer the same.

M. Hicks (Ryan) : So, it's a different one, right. Yes. OK.

M. Lisée : Yes. All right? Thanks. Merci.

(Fin à 16 h 19)