(Quinze heures cinquante-quatre minutes)
M. Lisée
: Mesdames
messieurs, évidemment, nous avons pris connaissance des dernières informations
et de la confirmation par la Sûreté du Québec que six journalistes ont fait
l'objet de mandats et d'enquêtes sur leur registre téléphonique, ce qui est
extrêmement préoccupant.
D'abord, je vais demander à mon collègue
Stéphane Bergeron de faire une brève déclaration, et je vous reviens.
M. Bergeron : Alors, merci.
Évidemment, j'ai appris, il y a quelques instants, que six journalistes
auraient fait l'objet d'une vérification de leur registre téléphonique dans la
foulée de l'écoute électronique de Michel Arsenault. C'est une nouvelle qui est
extrêmement étonnante, extrêmement préoccupante. C'est une initiative que je
n'ai évidemment pas demandée, et c'est une initiative que je n'aurais jamais
autorisée, et c'est une initiative dont je n'ai jamais été informé avant il y a
quelques instants. Voilà.
M. Lisée
: Alors,
jusqu'à hier, on pensait savoir que le Service de police de la ville de
Montréal avait confirmé avoir demandé plus d'une vingtaine de mandats sur un
journaliste, qui est Patrick Lagacé, que d'autres journalistes avaient été les
victimes collatérales d'une tentative de trouver une fuite d'information.
Aujourd'hui, on apprend qu'à la Sûreté du
Québec une pratique qui a été jugée normale par le directeur de la Sûreté de
l'époque et qui a été avalisée encore une fois par des juges de paix qui ont
donné les mandats... que la direction des poursuites criminelles et civiles n'a
pas été même consultée, ce qui nous fait penser que la réponse que le
gouvernement a donnée depuis hier à cette crise de confiance dans les rapports
police-journalistes, cette réponse n'est pas adéquate.
Tout ce qu'on nous a dit, c'est que le
ministère de la Sécurité publique désignerait des membres de son personnel pour
aller vérifier, dans les corps de police, la qualité des protocoles. Bien, ce
n'est pas de ça dont il est question. Il faut que le Bureau des enquêtes
indépendantes puisse aller faire enquête sur les cas. Pourquoi des personnes
imputables ont demandé des mandats pour fouiller dans les registres des
journalistes et dans les téléphones de journalistes? Pourquoi est-ce que cette
demande-là a été jugée nécessaire, alors que la jurisprudence semble indiquer
l'inverse? Qui est imputable de ça? Et, s'il y a des infractions qui ont été
commises, que le bureau fasse des recommandations sur les infractions et fasse
des recommandations aussi comment les garde-fous, puis j'utilise le terme à
dessein, puissent être érigés pour que ça ne se reproduise pas.
Alors, de toute évidence, ce qui a été
annoncé par le premier ministre et le ministre de la Sécurité publique hier ne
va pas à la cheville de la nécessité de l'enquête qui est aujourd'hui justifiée
par les faits. Nous leur demandons pour une troisième fois de changer de
position, et, si le Bureau des enquêtes indépendantes, qui, selon nous, doit
remettre son rapport à la commission parlementaire, découvre que c'est une
pratique qui est encore plus répandue que nous le pensons, bien, peut-être, à
ce moment-là, il y aura lieu d'avoir une commission d'enquête publique au vu de
ces premières réponses-là. Mais la raison pour laquelle on ne demande pas une
enquête publique aujourd'hui, c'est qu'on ne veut pas avoir des réponses dans
deux ans et après 20 millions de dollars, on veut avoir des réponses
rapidement, c'est-à-dire au retour des fêtes, en février ou en mars, sur les
événements que nous connaissons maintenant. Il ne serait pas impossible qu'on
apprenne demain qu'un autre corps de police a fait la même chose, là, on est
dans le déballage cette semaine. Tant mieux, si on va au fond de l'affaire,
mais, clairement, ce n'est pas ce que le premier ministre a annoncé qui va nous
permettre d'aller au fond de l'affaire.
M. Laforest (Alain) :
M. Bergeron, quelle a été la nature des conversations que vous avez eues
avec M. Arsenault en 2013?
M. Bergeron : Je n'ai
personnellement eu aucune conversation dans la foulée de sa lettre avec
M. Arsenault. En fait, à peu près de façon simultanée, il y a eu des
informations à l'effet qu'il faisait l'objet d'une écoute électronique. Il a
écrit au cabinet, s'inquiétant vraisemblablement de faire l'objet d'une
enquête, mais nous, ce qui nous préoccupait, c'est comment il se faisait qu'une
information aussi sensible — et ça, j'ai eu à plusieurs reprises
l'occasion de vous le signaler — ait pu se rendre aux oreilles d'un membre
du Conseil des ministres qui a pris le téléphone et qui a dit au principal
intéressé : Tu fais l'objet d'une écoute électronique, risquant, ce
faisant, de faire dérailler une enquête policière. Ça, j'ai trouvé ça
extrêmement préoccupant. Et c'est alors que le sous-ministre de l'époque,
M. Prud'homme, l'actuel directeur de la Sûreté du Québec et moi-même avons
communiqué avec M. Laprise pour lui demander ce qui en était. Et c'est à
ce moment-là que M. Laprise nous a annoncé que, de toute façon, compte
tenu des circonstances, il déclenchait une enquête.
M. Laforest (Alain) :
Mais vous le saviez qu'il y avait des journalistes qui étaient enquêtés à
l'époque, là?
M. Bergeron : Non, pas du
tout.
M. Laforest (Alain) : Vous
saviez qu'il y avait une enquête.
M. Bergeron : Une enquête
sur Michel Arsenault. C'est de ça dont je vous parle.
M. Laforest (Alain) :
Jamais il ne vous a dit qu'il enquêtait sur des journalistes?
M. Bergeron : Jamais. Je
veux dire, il déclenchait une enquête sur les fuites à l'interne qui avaient
permis à un ministre d'être informé que le président de la FTQ était sous
écoute électronique.
Journaliste
: Qui
informait Michel Arsenault?
M. Bergeron : De?
M. Laforest (Alain) : Vous
disiez qu'il y avait quelqu'un au Conseil des ministres qui était au courant.
M. Bergeron : Raymond
Bachand.
M. Laforest (Alain) :
C'est Raymond Bachand qui avait avisé Michel Arsenault?
M. Bergeron : Oui.
Raymond Bachand aurait… pardon?
M. Lisée
: Un ministre
libéral.
M. Bergeron : Un ministre
libéral, effectivement. Il a communiqué avec Michel Arsenault, il lui a dit :
Écoute, tu es sous enquête. Alors, comment se fait-il que Raymond Bachand ait
eu cette information-là?
M. Laforest (Alain) : Est-ce
qu'il y a eu des fuites à votre ministère à ce moment-là?
M. Bergeron : Bien, c'était ça
qui était l'objet de l'enquête déclenchée par la Sûreté du Québec.
M. Laforest (Alain) : Mais
est-ce qu'on a trouvé qui avait fait la fuite?
M. Bergeron : Écoutez, moi, je
ne suis plus ministre.
M. Laforest (Alain) : Mais, à
l'époque, vous étiez là, là. Vous avez certainement mis de la pression pour
savoir c'était qui.
M. Bergeron : Mis de la
pression? Pas du tout. Je n'ai mis aucune pression.
M. Laforest (Alain) : Aucune
pression pour savoir qui a fait l'objet de la fuite, là?
M. Bergeron : J'ai simplement
demandé à Mario Laprise à l'époque : Que c'est ça? Et Mario Laprise m'a
dit : Effectivement, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. On va
déclencher une enquête interne.
M. Bovet (Sébastien) : À quel
moment cette communication-là se fait avec la Sûreté du Québec, vous, votre
sous-ministre adjoint M. Prud'homme et Mario Laprise?
M. Bergeron : Alors, tout cela
se fait à peu près de façon concomitante : les révélations dans les
médias, la lettre de Michel Arsenault qui aboutit au cabinet. Alors, on prend
le téléphone puis on communique avec Mario Laprise...
M. Bovet (Sébastien) :
Septembre 2013.
M. Bergeron : On communique
avec Mario Laprise pour lui dire : Que c'est ça?
M. Bovet (Sébastien) : Mais
donc il y a des journalistes qui révèlent des informations sur l'écoute
électronique dont est victime... dont est l'objet, pardon, Michel Arsenault de
la FTQ. Vous, vous appelez la SQ avec votre sous-ministre M. Prud'homme sous la
pression de Michel Arsenault qui n'est pas content que ça éclate au grand jour
par des journalistes, et ça, ça enclenche...
M. Bergeron : Je pense que
vous...
M. Bovet (Sébastien) :
Excusez-moi, M. Bergeron, je veux juste terminer.
M. Bergeron : Je pense... je
me permets... je me permets justement de vous dire...
M. Bovet (Sébastien) : Votre
intervention déclenche une enquête sur des journalistes.
M. Bergeron : Non, non, non.
Là, je pense que vous faites des amalgames qui n'ont pas lieu d'être. D'abord,
Michel Arsenault, ce dont il se plaignait, je présume, c'est d'abord et avant
tout d'être sous enquête, pas que les informations coulaient. Et ensuite, moi,
ce qui me préoccupait, c'était qu'un ministre ait pu être informé d'une
enquête, qu'il ait pris le téléphone, ait communiqué avec le principal
intéressé et lui ait dit : Tu es sous enquête, risquant, ce faisant, de
faire dérailler ladite enquête. Or, je n'ai pas téléphoné à Mario Laprise pour
lui demander quoi que ce soit ou de faire quoi que ce soit. J'ai demandé :
De quoi s'agit-il? Qu'est-ce qui se passe? Et la réponse a été : Bien,
effectivement, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. On a décidé de
déclencher une enquête.
M. Bovet (Sébastien) : Mais,
à ce moment-là, le fait que des journalistes mettent la main sur de l'écoute
électronique de la SQ, ça ne vous préoccupe pas, ça?
M. Bergeron : Je ne vous dis
pas que ça ne me préoccupait pas. Manifestement, il y avait une source à
l'interne qui dévoilait de l'information à un point tel qu'un ministre libéral
en avait été informé.
M. Bovet (Sébastien) : Donc,
vous avez autorisé la chasse à la source interne à l'intérieur de la SQ? Vous
avez demandé...
M. Bergeron : Je n'ai rien
autorisé. C'est Mario Laprise qui m'a informé qu'il déclenchait une enquête. Je
n'ai pas téléphoné à Mario Laprise pour lui demander de faire quelque chose,
j'ai demandé à Mario Laprise ce qui se passait. C'est pas mal différent.
M. Croteau (Martin) :
Estimez-vous être responsable de l'écoute des journalistes par la SQ?
M. Bergeron : Aucunement.
M. Croteau (Martin) : Mais
c'est vous qui étiez ministre, c'est vous qui devez répondre des gestes de la
SQ, non?
M. Bergeron : J'apprends aujourd'hui
que les journalistes ont fait l'objet d'une fouille de leur registre
téléphonique. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas demandé ça, je n'ai pas
autorisé ça, je n'aurais jamais autorisé cela, et on ne m'a jamais informé de
cela.
M. Croteau (Martin) : Donc, c'est
la faute à qui?
M. Bergeron : Nous demandons à
ce que le Bureau des enquêtes indépendantes se penche sur cette question-là. Un
peu de la même façon où, quand on demandait une enquête sur l'industrie de la
construction, une enquête publique, on nous disait : Pensez-vous qu'il y a
des gens du Parti québécois qui pourraient être impliqués? Bien, l'enquête le démontrera.
Je veux dire, on n'a rien à cacher. Alors, il y aura une enquête, on le
souhaite, du Bureau des enquêtes indépendantes, et le Bureau des enquêtes
indépendantes ira au fond des choses.
Des voix
: ...
M. Bergeron : Demandez-moi pas
de déterminer d'emblée qui serait responsable. Je n'en ai pas la moindre idée.
M. Laforest (Alain) : Vous
êtes prêt à témoigner?
M. Bergeron : Ah! tout à fait.
M. Gagnon (Marc-André) :
Mais, en clair, vous dites qu'il n'y a aucun lien, donc, entre la communication
de M. Arsenault à votre endroit et le déclenchement d'une enquête qui a mené à
la mise sous écoute de journalistes.
M. Bergeron : Moi, ce que je
vous dis, c'est que toutes ces informations-là sortaient de façon à peu près
simultanée : dans les médias, la lettre de Michel Arsenault. Alors, nous,
on a simplement communiqué avec le directeur de la Sûreté du Québec pour
demander : Qu'est-ce qui se passe? C'est quoi, tout ça? Et à ce moment-là
Mario Laprise nous a informés, nous a informés... — M. Bovet — ...
M. Bovet (Sébastien) : Je
vous écoute.
M. Bergeron : ...nous a
informés qu'il déclenchait une enquête.
M. Gagnon (Marc-André) :
Mais, votre demande...
M. Bellerose (Patrick) :
...demander un rapport par la suite pour savoir qu'est-ce qui est arrivé avec
ces fuites-là, quel est le résultat de l'enquête sur les fuites?
M. Bergeron : Je ne suis pas
autorisé à être informé de la conduite d'une enquête, même si je suis ministre
de la Sécurité publique. Je n'aurais pas eu l'outrecuidance de prendre le
téléphone et de demander à Mario Laprise : Où est-ce qu'elle en est,
l'enquête? Absolument pas.
M. Laforest (Alain) : Mais
vous avez appelé le directeur de la Sûreté du Québec pour lui demander : Que
c'est ça?
M.
Bergeron
:
Oui.
M. Bovet (Sébastien) : Après
une communication avec Michel Arsenault.
M.
Bergeron
:
Pas simplement après une communication avec Michel Arsenault, après le fait que
tout ça soit révélé dans les médias.
M. Vigneault (Nicolas) : Bien
justement, tout ça est révélé dans les médias, et ça ne vous effleure pas
l'esprit que M. Laprise risque d'aller à la chasse pour trouver qui est
responsable de ces fuites-là dans les médias.
M. Bergeron : Ce n'est pas ça
qui me préoccupait principalement. Ce qui me préoccupait, c'était qu'on ait
informé le principal intéressé qu'il faisait l'objet d'une enquête, risquant de
ce fait de faire dérailler l'enquête.
M. Gagnon (Marc-André) :
Votre demande à M. Laprise, donc, c'était : Que c'est ça? Et, est-ce que
«que c'est ça», ça justifiait que la Sûreté du Québec mette sous écoute, là,
six journalistes?
M. Bergeron : Alors, je le
répète pour une troisième fois : Je n'ai pas demandé cela, je ne l'aurais
pas autorisé, et on ne m'en a pas informé.
M. Gagnon (Marc-André) :
Donc, c'était justifié?
M. Bergeron : Bien, je ne
crois pas que ce soit justifié.
M. Lisée
: Je vais
embarquer là-dessus parce qu'on a eu cette conversation-là avant, et Stéphane, ministre,
ça ne lui a pas traversé l'esprit qu'on fouille dans le travail des
journalistes parce que c'est injustifié et injustifiable et ça ne doit pas se
faire. Alors, de toute évidence, il y a une différence entre dire : Bien
là, il y a des informations confidentielles qui coulent... Que la Sûreté du
Québec veuille que ça arrête de couler, c'est légitime, qu'ils cherchent la
personne qui coule à l'intérieur du corps policier, c'est légitime, mais il est
absolument illégitime d'aller chercher, dans vos téléphones et vos registres
téléphoniques, la source ou le lien. Et c'est cette frontière entre essayer de
garder son information à l'interne, ce qui est légitime, et chercher dans le
travail des journalistes, ce qui est illégitime... C'est une frontière qui
existait dans la tête de Stéphane, qui existe dans ma tête, qui, de toute
évidence, n'a pas existé dans la tête de la Sûreté du Québec et du directeur de
la police de Montréal, Philippe Pichet. Et c'est ça qui est en cause aujourd'hui.
Et donc, pour revenir au fond de l'affaire,
si on veut aller au fond de l'affaire, qui n'a pas eu ce réflexe fondamental?
Bien, certainement, dans nos corps policiers, SQ, SPVM et peut-être ailleurs, il
y a des gens qui sont imputables, et ce n'est pas un inspecteur interne de M. Coiteux
qui est mandaté pour regarder les procédures qui va trouver ça, ce sont des
enquêteurs indépendants à la BEI.
M. Gagnon (Marc-André) : M.
Lisée, votre présence auprès de M. Bergeron en ce moment...
M. Bellerose (Patrick) :
...M. Lisée, pourquoi ne pas demander une enquête publique plutôt que de
confier ça au Bureau des enquêtes indépendantes?
M. Lisée
: Parce que je
ne veux pas attendre deux ans et dépenser 20 millions de dollars avant
d'avoir des correctifs. Le BEI, que nous avons voté, que nous avons proposé,
que Stéphane a proposé, qui a été voté à l'unanimité, a une disposition qui
permet au ministre de lui confier un mandat lorsque des agents de la paix sont
en cause dans une pratique qui est malvenue. Alors, l'agent de la paix, ça peut
être 150 agents de la paix avec le directeur des agents de la paix. Et moi, je
pense qu'en trois mois ou quatre mois — je suis prêt à régler pour
quatre mois — on peut faire le tour de cette histoire-là avec cette
enquête. On peut avoir un rapport à une commission parlementaire et, au vu de
ces conclusions-là, on dit : O.K., c'était un phénomène circonscrit à
trois ou quatre affaires, nous avons le remède, ou : Non, c'est plus large
que ça, et donc on pourra faire une enquête publique à ce moment-là. Mais
l'efficacité est importante parce que je veux des réponses rapides pour réparer
ce qui est brisé.
M. Gagnon (Marc-André) : M.
Lisée, votre présence auprès de M. Bergeron en ce moment, c'est une marque
de confiance pleine et entière par rapport à ce qui s'est passé à l'époque?
M. Lisée
: Absolument.
Tout à fait. Tout à fait parce que Stéphane, je le côtoie depuis maintenant
quelques années, et moi, journaliste, lui avec son travail parlementaire aussi
au Bloc avec Serge Ménard, on est sur la même longueur d'onde sur le respect du
travail journalistique, et donc on vient de discuter de cette affaire. Il l'a
apprise devant moi en regardant le texte et il est aussi scandalisé que moi que
cette enquête ait eu lieu.
M. Croteau (Martin) : M.
Bergeron, est-ce que vous pouvez concevoir un scénario par lequel... Quand M.
Laprise vous informe qu'il y a une enquête interne pour déterminer l'origine, est-ce
que vous pouviez imaginer à ce moment-là un scénario par lequel les
journalistes ne seraient pas espionnés? Parce que c'est difficile d'imaginer
que la SQ ou les policiers n'allaient pas forcément se tourner vers les
journalistes.
M. Bergeron : Bien, moi, ça ne
m'apparaît pas évident, ça ne m'apparaît pas évident. Comme le soulignait M.
Lisée il y a quelques instants, on s'attendait à ce qu'on fasse des
vérifications à l'interne mais pas qu'on aille éplucher les registres d'appels
des journalistes.
M. Croteau (Martin) : Et est-ce
que vous avez songé, à ce moment-là, à demander des précautions à cet égard-là
à M. Laprise ou à ses enquêteurs?
M. Bergeron : Non, je n'ai pas
pensé à demander des précautions parce que ce n'est pas mon rôle de demander
quoi que ce soit par rapport aux enquêtes, d'une part, et, d'autre part, parce
qu'il ne me serait même pas venu à l'esprit qu'on puisse se rendre là.
M. Boivin (Simon) : M.
Bachand a prévenu M. Arsenault à quel moment exactement? Vous souvenez-vous?
M. Bergeron : En septembre
2013. La date, précisément, je ne le sais pas. 2011, c'était en 2011, à
l'époque où il était... Moi, j'ai été informé de cela, effectivement, en 2013.
M. Boivin (Simon) : Donc, M.
Arsenault ne se plaint à vous d'être sous écoute que deux ans après l'avoir
appris de la bouche de M. Bachand?
M. Bergeron : Je ne sais pas.
Ça, c'est une information que vous devriez demander à M. Arsenault. Moi, j'ai
eu cette information-là à ce moment-là.
M. Robillard (Alexandre) : L'élément
déclencheur qui vous a mené à téléphoner à M. Laprise, c'est quoi?
M. Bergeron : C'est une
conjonction d'éléments déclencheurs, et, pour moi... Comme je vous dis, ce qui
était extrêmement préoccupant pour moi, c'était qu'un membre du Conseil des
ministres...
Une voix
: Libéral.
M. Bergeron : ...libéral,
effectivement, ait été informé du fait qu'un individu faisait l'objet d'une
écoute électronique...
M. Robillard (Alexandre) : Vous
dites : C'est une conjonction...
M. Bergeron : ... qu'il ait
pris le téléphone et qu'il ait communiqué avec cette personne pour l'en
avertir. Conséquemment, à partir du moment où une personne est avertie qu'elle
fait l'objet d'une écoute électronique, ça se peut qu'elle soit un peu plus
précautionneuse dans ce qu'elle va dire au téléphone. Donc, il y a un risque
par rapport au déraillement de l'enquête.
M. Robillard (Alexandre) :
C'était quoi, le fait qui vous a amené à constater qu'il y avait une
conjonction?
M. Bergeron : Il n'y a pas de
fait, c'est une conjonction de faits. C'est les informations qui circulaient,
c'est cette lettre, c'est tout ça. Puis ça, ça nous a amenés simplement à dire :
Comment ça se fait que ça coule?
M. Bovet (Sébastien) : Si
vous êtes préoccupé, M. Bergeron, par le fait que Raymond Bachand ait pris
connaissance de l'écoute électronique dont était l'objet M. Arsenault, qu'il
l'a appelé, pourquoi, alors, quand TVA Nouvelles publie une dépêche, le
10 septembre 2013, dans laquelle il dit : «Le porte-parole de la SQ — M.
Guy Lapointe — a précisé que l'enquête concernait "des
reportages publiés au cours des derniers jours".» On ne parle pas ici de
fuite à un membre du Conseil des ministres, on parle spécifiquement de
l'enquête qui porte sur les reportages. Ça ne vous allume peut-être pas une
lumière de vous dire que peut-être que, si on enquête sur des reportages, il y
a des journalistes qui vont être mêlés à cette enquête ou l'objet de l'enquête?
M. Lisée
: Bien, encore
là, pas nécessairement. Je veux dire, moi, ça m'est arrivé d'être dans un
caucus qui fuyait, puis il y a des gens qui disent : Bien, il faut
enquêter sur la fuite, il ne faut pas enquêter sur les journalistes.
M. Bovet (Sébastien) : On
enquête sur des reportages ici.
M. Lisée
: Oui, bien,
des reportages, ça veut dire que des journalistes ont obtenu une fuite. Alors,
la réaction, c'est de dire : Bien, il faut que ça arrête de couler. Il ne
faut pas arrêter le journaliste. Il faut boucher le trou, il faut le trouver
dans la coque. Bon, alors c'est ça, la distinction. Elle est essentielle. Et les
gens qui ont la démocratie et le droit de la presse en tête comme fondamental
disent : On ne va jamais demander... C'est leur job, aux journalistes,
d'essayer de trouver des trous puis essayer d'avoir des fuites. C'est leur job.
C'est ce qu'ils font dans la vie puis c'est tant mieux.
M. Bovet (Sébastien) :
Mario Laprise a mal compris ce qu'il devait faire, ce que la SQ devait faire? Mario
Laprise c'est vous, votre gouvernement, pas vous personnellement, c'est votre
gouvernement qui l'avez nommé. C'était une mauvaise décision?
M. Lisée
: Bien,
de toute évidence, c'est une mauvaise décision d'avoir demandé de... c'est ce
qu'on dit depuis plusieurs jours. C'est une ligne qui ne devrait pas être
franchie. Pourquoi est-ce que cette ligne a été franchie par des directeurs de
police? C'est injustifiable et injustifié. C'était correct qu'il regarde à
l'interne. Il y a peut-être une culture qui explique pourquoi il y a eu des
fuites. Il y a des gens qui ne sont pas contents. Il y a toutes sortes de
choses qu'ils doivent régler à l'interne mais jamais franchir la coque pour
aller de l'autre côté de la fuite. Ce n'est pas leur domaine. Donc, ils ont
pris des mauvaises décisions. Et le Bureau des enquêtes indépendantes devrait
nous dire pourquoi, à quel moment, qui ils ont consulté. Et il y a quelque
chose de brisé là-dedans et il faut le réparer.
M. Laforest (Alain) :
Puis là la coque a été brisée sous votre gouvernement.
M. Lisée
: Par un
directeur de la Sûreté du Québec...
M. Laforest (Alain) :
Nommé par le Parti québécois.
M. Lisée
: ...qui
n'avait pas eu ce mandat et qui ne nous a pas informés de ça. Et c'est clair pour
moi que, si Stéphane ou le Conseil des ministres avaient été informés de ça, ça
aurait arrêté immédiatement, et on se serait posé la question de la compétence
de la personne qui a demandé ça.
M. Gagnon (Marc-André) :
À partir du moment où la sphère politique est mise en cause, est-ce que ça ne
vient pas justifier la nécessité, que plusieurs réclament, là, d'une commission
d'enquête publique?
M. Lisée
: Que le
Bureau des enquêtes indépendantes, indépendantes, du ministre de la Sécurité
publique, du premier ministre, du gouvernement actuel et de l'ancien
gouvernement fasse son enquête, et, s'il y a des faits qui montrent que ça
déborde au niveau politique à n'importe quel moment, ça nous intéressera de les
connaître. Pour l'instant, il n'y en a pas, O.K.? Mais ça nous intéressera de
les connaître et peut-être qu'à ce moment-là ça justifiera une enquête
publique. Merci, messieurs.
M. Bovet (Sébastien) : ...votre
sous-ministre, M. Prud'homme, à l'époque, a été informé de l'enquête sur
les journalistes?
M. Bergeron : Je n'ai pas
de raison de le penser.
Il faudrait voir ça avec lui.
M. Hicks (Ryan) : Just one question for each of you. Mr. Bergeron, do you think
that it was appropriate that, after receiving your phone call, the head of the SQ
allowed this kind of spying on journalists?
M. Bergeron :
I'm not sure I've got your question.
M. Hicks (Ryan) :The question is about spying on journalists
by the SQ. After you called the SQ to talk about your… you wanted to know what
was going on, and then, apparently, after, there was spying that happened on
journalists. Do you think that it's appropriate?
M. Bergeron : It is not. It is not appropriate at all. What was preoccupying for
me is that a minister of the Liberal Government had been able to know that someone was under investigation, and
took the phone, and called this particular individual to say to him :
You're under investigation. That might derail the inquiry, and I was quite
preoccupied by that. And I called Mr. Laprise to know what's going on, and
then he informed me, by the same token, that he was launching that inquiry,
that internal inquiry.
M. Hicks (Ryan) : …talked to Mr. Bachand, about that?
M. Bergeron : No.
M. Hicks (Ryan) : No. And, did you know if the SQ talked to Mr. Bachand about
that?
M. Bergeron : I don't know.
M. Authier (Philip)
: And, just to be clear, because you said… just to make sure you say
it again, you feel your call to Mr. Laprise did not spark this massive
hunt onto the journalists?
M. Bergeron : I knew because he told me that he was launching an inquiry.
M. Authier (Philip)
: Into the leak?
M. Bergeron : Into the leak.
M. Authier (Philip)
: But, he didn't say : I'm going to go out and tap journalists?
M. Bergeron : Never ever. I wouldn't ever have accepted that. I would never have
authorized that and I have never been informed of that. I just learned about
that a few minutes ago. And I'm horrified by this information. I think it's
inappropriate. It was inappropriate for the SPVM to do that and I think it's
not more appropriate for the SQ having done that in the past.
M. Hicks (Ryan) : Mr. Lisée, this morning Mr. Coiteux rejected your call for the
bureau of independent investigations to look into this matter and his reasoning
seemed to be… he says that that bureau isn't supposed to look into
institutions, it's supposed to look into individuals. Are you reiterating your
call for the independent investigation bureau to look into this matter and what
do you say to Mr. Coiteux?
M. Lisée
: Well, Mr. Coiteux and the Premier just… they don't want to use an
independent bureau. Clearly, they want control over this investigation and they
have a very narrow view of the investigation : it's supposed to look into
procedures. Well, we're way beyond procedures. We're into decisions of
individuals that have denied the basic right of journalists to do their work
unimpeded. That's the problem. And so, the bureau has, in its law, the ability
to have a special mandate from the minister on other matters than just
shootings on officers of the peace, well, on one, on a hundred and on a
director who's also an officer of the peace. And everything in this very good
law that Stéphane proposed and that we voted on unanimously, everything enables
an independent investigation, that can be swift, can last only a few months. And,
if, in the end, its report says : Well, it was very targeted, and we can
fix it with these four steps, that's fine, but maybe they'll tell us :
Well, it's a cancer that's growing, and we need a public inquiry, then we'll go
forward at that time. But clearly, neither is being considered by the current government, and it boggles the mind why they
are so timid in their willingness to go to the bottom of this.
M. Hicks (Ryan) : And just to clarity, because you had also called for the Montréal police chief to be suspended while
this happens, so, in this case, are you calling on the head of the SQ to
resume?
M. Lisée
: No, because he's no longer the same.
M. Hicks (Ryan) : So, it's a different one, right. Yes. OK.
M. Lisée
: Yes. All right? Thanks. Merci.
(Fin à 16 h 19)