(Neuf heures quarante-neuf minutes)
M. Gaudreault : Alors, bonjour
et merci beaucoup d'être ici. Mais je veux surtout remercier les citoyens du
groupe Stop Oléoduc Outaouais qui sont ici : M. Réal Lalande, M. Gilles
Aubé et madame...
Mme Guyon (Anne-Céline) :
Anne-Céline Guyon.
M. Gaudreault : ...Anne-Céline
Guyon. Merci beaucoup d'être ici. Ils se sont déplacés de l'Outaouais.
Écoutez, aujourd'hui, ces gens
représentent... et je suis heureux aussi d'être, évidemment, avec Manon,
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, qui est avec moi, parce qu'ensemble nous
saluons le fait que l'Outaouais et les citoyens de l'Outaouais se lèvent
également contre le projet Énergie Est.
On va déposer aujourd'hui, via Mathieu
Traversy, député de Terrebonne, une pétition de 12 000 noms récoltés en
trois mois pour s'opposer contre le pipeline. Je vais laisser M. Lalande, tout
à l'heure, expliquer davantage les trois demandes de cette pétition, mais moi,
je veux juste rappeler une chose qui est extrêmement importante et que le
gouvernement a oubliée depuis deux ans, parce que ça avait été adopté dans une
motion unanime à l'Assemblée nationale, à l'effet de tenir compte des émissions
de gaz à effet de serre produits par l'extraction du pétrole des sables
bitumineux qui serait envoyé dans le pipeline. Alors, ça, ce n'est toujours pas
fait.
Deuxièment, c'est également de réaffirmer
le droit inaliénable du Québec d'affirmer sa souveraineté environnementale sur
le territoire du Québec. Et ça, les gens qui sont ici, par la pétition qu'ils
déposent, l'affirment également que seul et seulement le Québec peut décider de
ce qui se passe sur son territoire et de ce qui risque d'affecter des sources
d'eau potable, entre autres par la rivière Rideau, qui alimente cette grande
région de l'Outaouais et qui, en plus, en aval, avec la rivière des Outaouais,
alimente également la grande région de Montréal.
Donc, je termine, avant de laisser la parole
à Manon et ensuite à M. Lalande, pour vous dire que je ne comprends pas
que cette région de l'Outaouais compte cinq députés libéraux et qu'ils ne
défendent pas, ces cinq députés, les préoccupations des citoyens quant à leur
santé — on a un médecin, d'ailleurs, avec nous
aujourd'hui — quant à leur santé, et l'accès à l'eau potable, et la
sécurité de cet accès à l'eau potable pour leurs populations. Alors, on a des
députés libéraux en Outaouais qui préfèrent faire valoir la position ambiguë de
leur gouvernement sur la question de l'oléoduc au lieu de défendre les intérêts
de leurs populations. Merci. Manon.
Mme Massé : Oui. Merci. Alors,
bonjour, tout le monde. Merci de m'avoir invitée, comme vous m'aviez invitée à
aller marcher avec vous au moment de la marche, parce que vous devez savoir
aussi que ces gens-là ont fait un travail extraordinaire d'éducation politique,
d'éducation populaire auprès de leurs concitoyens. Le 12 000 signatures ne
s'est pas ramassé par hasard, c'est parce que, pendant plusieurs journées, ils
ont et elles ont marché, elles ont traversé l'ensemble de l'Outaouais pour
faire de la conscientisation sur les impacts de l'arrivée du pipeline d'Énergie
Est.
Alors, une région de plus, des
municipalités de plus qui ont joint leur voix à d'autres de l'ensemble du
Québec qui disent au gouvernement provincial, qui disent au gouvernement
fédéral, qui disent à TransCanada : Énergie Est, nous n'en voulons pas. Et
ça, c'est important que ce message-là soit entendu parce que, lorsqu'on parle d'acceptabilité
sociale, ça ne peut pas être : On va vous le passer dans la gorge. Ça ne
peut pas être ça, l'acceptabilité sociale. Et TransCanada doit aussi se mettre
à l'écoute de ces gens-là.
Une des choses que je me rappelle, et je
suis très fière des citoyens dans ce sens-là, c'est lorsque je suis allée à leur
dernière journée de marche, la mairesse adjointe recevait la demande des
citoyens que le conseil de Hull prenne position sur la question du pipeline
d'Énergie Est. Et aujourd'hui on entend, par leur travail acharné, par leur
présence auprès de leurs élus locaux, que la cité de Hull, que la municipalité
de Hull joint sa voix aux autres municipalités.
Je terminerais en disant que ce qui me
frappe dans le projet d'Énergie Est, c'est qu'on a beau avoir une opposition
majeure, Sylvain le disait, on est dans une région exclusive où cinq députés
libéraux sont là, et qu'on n'a pas ce Stop Oléoduc que les citoyens leur
demandent. C'est hallucinant, et je vous dirais que j'ai le sentiment qu'on vit
exactement la même chose sur le projet de loi n° 106 qui, avec son volet
sur les hydrocarbures, ne reçoit pas l'acceptabilité sociale, et pourtant ce
gouvernement-là continue d'aller de l'avant.
Alors, bravo aux citoyens et citoyennes,
et je vais être bien heureuse de voir ces 12 000 signatures déposées.
M. Lalande (Réal) : Alors,
voilà, notre pétition a été lancée au mois d'août dernier, alors que le
processus de consultations publiques, qu'il s'agisse des consultations de l'ONE
au niveau fédéral ou celles du BAPE au niveau provincial, devaient avoir lieu
cet automne. Depuis, le calendrier a été chamboulé car on a réussi à démontrer
la non-crédibilité d'un processus d'évaluation fédéral entaché de scandales
dont les commissaires eux-mêmes ont dû se récuser suite à une rencontre
illégale avec l'ancien premier ministre Jean Charest.
Rappelons aussi que le gouvernement
provincial tient un BAPE afin de pouvoir lui-même représenter le Québec devant
l'ONE. Or, le processus fédéral étant suspendu, rien n'oblige le provincial à
tenir un BAPE rapidement. Au contraire, il doit prendre ce temps qui lui est
imparti pour faire une étude objective et complète de l'étude d'impact déposée
par TransCanada. Il doit exiger de cette compagnie qu'elle réponde à l'ensemble
des questions que se pose la population. Le Centre québécois du droit en
environnement a ainsi rédigé un document inventoriant plus de 800 questions
qui n'ont pas encore été répondues à ce jour. Sans ces réponses, le
gouvernement Couillard ne peut pas accepter l'étude d'impact de TransCanada,
selon nous.
Donc, 12 000 Québécois ont été au
rendez-vous pour appuyer la pétition initiée par Stop Oléoduc Outaouais, lors
de notre marche le long de la rivière des Outaouais, pour la protection de nos
rivières, 14 au 20 août dernier. Selon nous, ce résultat démontre clairement
que le projet d'oléoduc Énergie Est ne correspond pas aux aspirations des
citoyens de l'Outaouais et des Québécois des autres régions.
Avec le dépôt de la pétition aujourd'hui,
nous demandons au gouvernement du Québec : un, que le BAPE sur le projet
de pipeline Énergie Est, s'il doit reprendre, puisse répondre aux très
nombreuses questions déjà soulevées par les citoyens et que son mandat soit
élargi de façon à inclure une évaluation globale de l'impact du projet sur les
gaz à effet de serre; deux, que le gouvernement québécois affirme son droit
d'approuver ou de rejeter ce projet; trois, qu'il accepte l'effort requis par
son gouvernement pour accomplir une véritable transition énergétique le plus
tôt possible.
Notre comité citoyen, Stop Oléoduc
Outaouais, en collaboration avec d'autres comités citoyens à travers le Québec,
est engagé à continuer à sensibiliser la population et les décideurs au niveau
municipal de l'Outaouais sur cet enjeu tant et aussi longtemps que le projet
n'aura pas été abandonné définitivement. Nous continuons à militer pour la
protection de nos rivières et la protection du climat. Selon nous, il y a
urgence, et c'est la qualité de vie de la population actuelle et des prochaines
générations qui est en jeu.
Finalement, l'acceptabilité sociale n'est
pas au rendez-vous pour le projet d'oléoduc Énergie Est. Au niveau du
gouvernement du Canada, M. Trudeau nous a dit qu'il allait tenir compte de
l'acceptabilité sociale avant de se prononcer sur le projet Énergie Est. Nous
avons fait nos devoirs pour lui démontrer qu'elle n'est pas au rendez-vous. Est-ce
que M. Trudeau tiendra sa parole maintenant? Voilà.
Mme Crête (Mylène) : Moi, j'ai
une question pour Mme Massé. Je me demandais, est-ce que vous
craignez... c'est sur un autre sujet. Est-ce que vous craignez les
tergiversations...
Mme Massé : Bien, est-ce qu'on
peut aller sur le sujet, par respect aux citoyens? Puis après, je prendrai
votre question, s'il n'y a pas…
Mme Crête (Mylène) : D'accord.
Je ne voulais juste pas que vous ayez à vous en aller à la période de
questions.
Mme Massé : Oui. Ah! bien, parfait.
Je vous jure que je ne me pousserai pas.
Mme Crête (Mylène) : Bon,
bien, d'accord. Par rapport au projet, là, Énergie Est, on entend beaucoup, là,
que le gouvernement fédéral doit diversifier son économie aussi, là, surtout
avec l'élection de Donald Trump aux États-Unis. Est-ce que vous êtes vraiment
contre à 100 % ce projet-là ou… C'est quand même des considérations économiques
importantes, là.
M. Lalande (Réal) : Il y a
sûrement des considérations économiques importantes. On est d'accord à ce que
le gouvernement diversifie son économie hors des hydrocarbures, vers des
énergies vertes, vers des énergies renouvelables.
Donc, notre opposition, c'est vraiment
contre la progression de l'exploitation du pétrole extrême, on peut dire, du
pétrole non conventionnel des sables bitumineux, et c'est pour ça qu'on voit
tous ces pipelines, que ça soit à l'Est, à l'Ouest ou au Sud. C'est vraiment
pour favoriser une exportation accrue, et on croit que ça, ça ne permettra
jamais au Canada d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixés à Paris. On ne
peut pas aller à la fois dans une transition vers des énergies vertes et
continuer à faire des pipelines vers le Pacifique, vers l'Atlantique, vers les
États-Unis.
Mme Crête (Mylène) : Puis, soit
M. Gaudreault ou Mme Massé, là, sur le mouvement citoyen, là, les pétitions que
vous déposez à l'Assemblée nationale, il est de quelle ampleur présentement,
selon vous, là?
M. Gaudreault : Bien, il est
important. Ça dépend ce que vous entendez par «citoyen». Effectivement, il y a
des citoyens qui s'opposent. On a un bel exemple aujourd'hui avec 12 000
signataires, quand même, dans une période relativement courte, trois mois. Mais
c'est plus que ça. Il y a également des municipalités qui ont pris des
résolutions contre. Alors, si le pouvoir des municipalités veut dire encore
quelque chose aujourd'hui, il faut les écouter. Puis la dernière en lice, là,
ce n'est pas rien, c'est Gatineau, qui a pris une position contre. La CMM, 82
municipalités, incluant Montréal, a pris position. Une série de petites
municipalités dans Lanaudière, petites et moyennes municipalités, ont pris
également des positions contre, avec des présences de citoyens dans les
assemblées publiques des conseils municipaux.
Alors, c'est une voix forte qui s'exprime,
et nous, on pense que le gouvernement du Québec devrait clairement prendre
position contre. Et je répète qu'on ne comprend pas le silence des cinq députés
libéraux en Outaouais.
Mme Massé : J'ajouterais, si
tu permets, Sylvain… parce qu'il y a aussi plusieurs Premières Nations, dont
c'est leur territoire, qui n'ont pas été consultées et qui ont maintenant dit
non radicalement à ça, et j'entends, là, les leaders, j'entends les conseils de
bande, etc., et, bien sûr, le mouvement syndical, le mouvement citoyen. Alors,
c'est un vaste mouvement.
Mme Crête (Mylène) : Est-ce
que vous me permettez de vous poser ma question sur…
Des voix
: ...
Mme Crête (Mylène) : Bien là, non,
il n'y a pas de problème, là. Je ne veux pas... Je comprends tout à fait.
Alors, je voulais savoir si les tergiversations de M. Lisée au niveau des
questions d'identité, là, est-ce que ça peut nuire à la convergence entre le PQ
et Québec solidaire?
Mme Massé : Bien, d'une part,
là, on a appris, comme tout le monde, qu'il y a quelque chose qui allait être
annoncé ce matin, alors on va écouter ça avec attention.
Je pense que j'ai moins envie de vous
parler de leurs tergiversations que de notre cohérence et de notre constance
depuis 10 ans. C'est-à-dire que, pour Québec solidaire, le Québec ne peut pas
se construire en dehors de l'ensemble de la diversité qui le représente, et ça
veut dire avec les gens qui nous viennent de partout et avec les gens qui
étaient là pour nous accueillir, c'est-à-dire les Premières Nations.
Alors, pour nous, cette posture, ce besoin
de créer le Québec avec tout le monde, c'est quelque chose qui est assumé, non
négociable, et il va falloir, pour l'avenir des choses, pour l'avenir du
Québec, que les Québécois et Québécoises aient enfin un projet qui les
rassemble et non pas qui les divise.
Mme Crête (Mylène) : Mais
justement, tu sais, à Québec solidaire, ces positions-là sont bien affirmées,
bien connues. Là, les membres ont voté pour qu'il y ait, en tout cas, des
efforts de convergence avec le Parti québécois. Donc, le fait qu'au Parti
québécois ces positions-là soient moins affirmées, moins claires, ça, ça peut
nuire à ces efforts-là?
Mme Massé : Oui. Juste pour
bien recadrer la décision — moi, j'étais là — recadrer la
décision qui a été prise en fin de semaine, ce n'est pas pour faire convergence
avec le Parti québécois, ça. Ça, c'est ce que les gens laissent planer sur la
place publique.
Le mandat que les membres nous ont donné,
c'est de faire en sorte que ce que nous portons comme projet de société, que ce
changement radical, que ce changement profond — voilà le mot que je
cherchais — de faire en sorte que ce changement profond que
souhaitent plusieurs Québécois et Québécoises face à comment les choses se
passent au gouvernement du Québec, que ce changement-là, on puisse rassembler
les gens autour de ça.
Et c'est pour ça qu'on dit : Bien sûr
qu'on va parler avec tout le monde. Notre travail à nous, comme Québec
solidaire, c'est de s'assurer que la population sache qu'il y a des gens qui
sont dans les mouvements sociaux, qui sont dans les mouvements syndicaux, qui
sont dans les mouvements de petites entreprises, il y a des gens au Québec qui
pensent que le temps des anciens partis et des anciennes institutions doit
s'arrêter, et je pense que, nous, à Québec solidaire, on est en mesure de
rassembler.
Alors donc, si le Parti québécois se sent
interpellé par ça, bien sûr que nous allons parler avec lui, comme avec tout le
monde qui se sent interpellé par ce besoin de changement radical là.
Mme Crête (Mylène) : Vous
parliez d'indépendance, quand vous dites «projet», ou de battre le gouvernement
Couillard aux prochaines élections? Je n'étais pas certaine d'avoir saisi.
Mme Massé : En fait, nous, ce
qu'on dit, c'est que les gouvernements qui sont… le gouvernement, pardon, qui
est là présentement, est un gouvernement qui fait mal au peuple québécois. C'est
des décisions qui sont prises qui font mal au peuple québécois. Et il n'est pas
exclusif. Il y a eu d'autres gouvernements antérieurs qui ont aussi fait mal au
peuple québécois.
Nous, là où on veut rassembler, c'est de
battre ces gouvernements-là qui font en sorte que l'injustice sociale en 2016
est encore là, qui fait en sorte que les personnes, les nouveaux arrivants ou
les personnes racisées qui sont là depuis 400 ans sont encore victimes de
racisme systémique, pour faire en sorte que les peuples des Premières Nations sentent
que le Québec ne se construit pas à côté d'eux, mais se construit avec eux et
elles. C'est là, nous, que nos membres nous ont demandé d'aller réfléchir. Et,
dans ce sens-là, si le Parti québécois veut réfléchir aussi avec nous là-dessus,
c'est bienvenu. Mais on ne va pas se mettre à réfléchir sincèrement à se dire :
On va-tu additionner nos votes avec leurs votes? Ce n'est pas ça, là. Ce que le
Québec a besoin, c'est d'un changement radical.
M. Lecavalier (Charles) :
Oui. Bien, dernière petite question, Mme Massé.
Mme Massé : Oui, juste une, parce
que j'ai des responsabilités.
M. Lecavalier (Charles) : Oui,
très rapidement. Rapidement. Quand vous regardez, par exemple, ce que le gouvernement
Marois a fait lorsqu'il était au pouvoir, entre autres à Anticosti, vous n'avez
pas l'impression que c'est un peu blanc bonnet, bonnet blanc avec les libéraux?
Mme Massé : Vous mettez le
doigt sur quelque chose de spécifique, ce qui est la question environnementale.
Pour les membres de Québec solidaire, c'est un incontournable. Le projet du Québec
d'aujourd'hui ne peut pas être un projet qui maintient le Québec dans une économie
du XIXe siècle, du XXe siècle. Alors, ça fait mal. Anticosti fait mal.
Et je vois tout votre intérêt, et je pense
que je vais revenir en «hot room» après la Chambre, parce que je dois aller en
Chambre. Donc, c'est-u bon comme ça? Je suis désolée, parce que je dois aussi
être en Chambre. Je ne réfute pas, là, je joue la game depuis tantôt, mais malheureusement
j'ai aussi d'autres responsabilités. Vous savez qu'à trois députés, il faut
être partout en même temps. Mais on se donne rendez-vous après la période de questions.
C'est bon? Merci beaucoup.
(Fin à 10 h 6)