(Neuf heures vingt-quatre minutes)
M. Khadir
:
Bonjour. Je suis devant vous pour exprimer encore une fois notre déception du
comportement de l'entreprise québécoise Bombardier. Si, après tout, le gouvernement
fédéral n'est pas à la hauteur des attentes du Québec, si, pour M. Trudeau,
le Québec n'a pas assez d'importance pour considérer que la protection des
emplois au Québec relève aussi de la responsabilité du gouvernement fédéral, on
se serait au moins attendus que Bombardier, pour qui le Québec a rendu tant de
services, et le dernier de ces services, on s'en rappelle, c'est le 1,4 milliard
de dollars, aurait insisté pour que l'aide que lui accorde le gouvernement
fédéral serve d'abord à protéger des emplois au Québec.
Mme Anglade nous dit : Ah
oui! C'est bon. C'est bon. C'est un pas dans la bonne direction, mais dans
quelle direction, le pas qui vient d'être fait par le gouvernement fédéral?
C'est dans la direction des emplois en Ontario. Ce n'est pas dans la direction
qu'on avait souhaitée, qu'il aurait été possible d'espérer.
Ce que je remarque aussi, c'est que, malheureusement,
ça prouve à quel point des grandes corporations comme Bombardier peuvent finalement
s'en tirer avec les meilleurs comptes et peuvent faire à peu près à leur guise.
Et le gouvernement québécois, évidemment, là-dessus, ne donne pas vraiment le
bon exemple. Je rappelle à ceux qui nous entendent que l'aide que nous leur
avons accordée, soi-disant, nous accorde un contrôle de 49 % qui aurait été
bien plus... on se rappelle tous les experts indépendants qui ont dit qu'avec
cette aide-là le gouvernement québécois aurait été en droit d'avoir un contrôle
effectif sur l'entreprise, ce qui n'est pas le cas. Mais en plus, si Bombardier
fait des affaires d'or avec votre argent, avec mon argent et l'argent des
contribuables, puis que ça va très bien, il n'y a aucun besoin de faire
participer le trésor public québécois. Il peut transformer l'aide qu'on lui a
donnée en prêt à très bon taux. Je pense, c'est, quoi, 3 % ou 4 %,
là, à peu près, 4 %, ce qui est, à mon avis, scandaleux dans le rapport de
soumission de nos politiciens à ces grandes compagnies.
Donc, c'est encore une fois une
occasion ratée, c'est encore une fois un comportement irresponsable et, je
dirais, assez méprisant de Bombardier pour le Québec, pour les contribuables du
Québec, pour les travailleurs et travailleuses du Québec parce qu'en quelque
sorte Bombardier accepte et encense une décision hostile au Québec, du
gouvernement fédéral, qui accorde une aide qui va essentiellement aller à
renflouer les emplois en Ontario.
M. Laforest (Alain) :
Qu'est-ce que ça veut dire pour l'entente qu'a signée le gouvernement du Québec,
qui a été dénoncée pendant de nombreux mois ici, à l'Assemblée nationale? Vous
y voyez quoi? Parce que le gouvernement semble dire : On a sauvé
Bombardier, on a sauvé la CSeries. Vous en pensez quoi, de ça, là, de
l'entente?
M. Khadir
: Moi,
je pense que les gouvernements du Québec et du Canada ont un rôle à jouer dans
la sauvegarde de nos emplois, dans la protection d'une entreprise qui a un rôle
important dans notre économie et dans la prospérité du Québec. Ça, je n'ai
aucun doute là-dessus. Par contre, quand on le fait, on le fait dignement. Si
on a autant d'argent, compte tenu de tout le reste, tout le reste des avantages
sur 50 ans que les gouvernements fédéral et du Québec ont accordé à Bombardier,
il y aurait eu un minimum de contrôle, un minimum de... je dirais de prise de
participation effective, pas juste à 49 %, qui aurait été souhaitée.
Ensuite, Bombardier aussi a des responsabilités.
Ce que ça veut dire, c'est que cette
entreprise-là ne nous respecte pas, considère les contribuables québécois comme
une vache à lait à siphonner quand ça lui plaît sans aucune responsabilité
morale. La preuve, c'est que Bombardier n'a pas mis le Québec au centre de ses
préoccupations et n'a pas demandé au gouvernement fédéral... C'est des emplois
au Québec. Il n'a pas attaché ce prêt-là à des investissements pour des emplois
en Ontario.
Donc, ça veut dire que nos politiciens, au
fédéral comme ici, à Québec, Mme Anglade et M. Couillard, méprisent
les travailleurs et les travailleuses et ne sont qu'au service,
malheureusement, des intérêts d'une entreprise comme Bombardier.
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que le Parti québécois est déconnecté, comme le laisse entendre le
rapport de PSP?
M. Khadir
: On a
terminé avec...
M. Vigneault (Nicolas) :
Bien, M. Legault dans...
M. Khadir
: C'est
un diagnostic qui est très lourd. M. St-Pierre Plamondon, moi, je n'ai pas
lu tout le protocole de son enquête, la rigueur de l'enquête qui a été menée.
Parfois, on jette des anathèmes comme ça un peu trop facilement. La politique
en général, et ce n'est pas juste la situation du Parti québécois... Dans tout
le monde occidental, les partis traditionnels sont déconsidérés. Alors, je ne
pense pas que le Parti québécois soit plus déconnecté que le Parti libéral. La
différence, c'est que le Parti libéral n'a pas besoin d'être connecté à la population.
C'est un parti qui représente les affairistes et les grandes fortunes du Québec
qui ont le contrôle sur ce parti-là.
M. Vigneault (Nicolas) :
Sur le PQ?
M. Khadir
:
Alors, qu'il soit déconnecté de la réalité, ça importe peu. C'est l'ensemble de
la classe politique traditionnelle occidentale qui est déconnectée. On peut
dire la même chose du Parti socialiste français. On peut dire la même chose du
Parti démocrate. On l'a vu avec le désamour des Américains, même des démocrates
pour leur propre candidate à la présidentielle.
Vous me demandez sur le PQ. Ce que je veux
dire par là, c'est que mettre l'emphase sur le PQ, il y a peut-être quelque
chose qui relève d'un examen de conscience qui est, comment je pourrais dire,
souhaitable pour tout le monde, puis c'est à l'honneur du Parti québécois et de
St-Pierre Plamondon, mais le diagnostic n'entache pas que le PQ, il entache
toute la classe politique traditionnelle, qui, trop longtemps, a joué dans la
main des élites et s'est déconnectée de la population, des intérêts des classes
moyenne et défavorisée.
M. Laforest (Alain) : Je
veux m'adresser au médecin. C'est un électrochoc? C'est un électrochoc, Dr
Khadir, qu'on vient de donner? Je m'adresse au médecin, là. On vient de donner
un électrochoc aux patients?
M. Khadir
:
Électrochoc de... Ah! au Parti québécois, vous voulez dire? Là, vous parlez de
qui? Je m'excuse.
M. Laforest (Alain) : Je
parle du...
M. Khadir
: Du
PQ. C'est sûr que c'est peut-être l'intention. Donc, comme je dis, c'est à
l'honneur du Parti québécois de, sur la place publique, faire cet exercice de
remise en question. L'électrochoc est une analogie qui me plaît parce que le
plus souvent, quand un médecin administre un électrochoc, c'est dans le but de
sauver le patient. C'est sincère et ça ne néglige rien, hein? C'est violent. On
ne néglige rien. Donc, dans ce sens-là, oui.
M. Gagnon (Marc-André) :
Juste revenir rapidement...
Une voix
: Quel...
Vas-y.
M. Gagnon (Marc-André) :
Oui, sur la carte...Bien, c'était sur la...
Une voix
: Oui. Bien,
j'étais sur la carte, justement.
M. Gagnon (Marc-André) : Oui,
sur la carte électorale, donc, on voit que tant les libéraux que les péquistes
semblent, eux aussi, là, être déçus de cette nouvelle proposition de la
commission de la réforme. Donc, comment vous réagissez ce matin, après analyse?
M. Khadir
: Au
cours de la journée, nous allons rencontrer différents responsables, d'abord le
Directeur général des élections, M. Reid, mais également les chefs d'opposition.
Nous voulons savoir exactement où le PQ et la CAQ logent.
C'est sûr que, dans toute réforme de carte
électorale quand on enlève une circonscription et si on en ajoute ailleurs, il
y a des gagnants et des perdants. Mais là il y a ici quelque chose qui relève
de l'inattendu et un peu de l'absurde parce que ça fait deux ans, depuis
mars 2015, qu'il y a une hypothèse de travail, qui est Outremont.
Pourquoi? Parce que c'est le comté qui est le plus loin de la moyenne. Et
c'était normal. Et, en plus, toutes les propositions qui avaient été faites par
la suite tournaient alentour de cette hypothèse. Jamais, sauf dans une courte
phrase à la fin des consultations, en septembre, l'hypothèse que ça puisse être
un autre comté, ça n'avait été évoqué, jamais. Et là, tout d'un coup, donc,
entre septembre et ici, alors qu'aucune consultation n'a été possible et
personne n'a été mis au courant, on nous sort Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Et, en plus, c'est qu'il y a une dimension
très politique qui explique aussi pourquoi, quand on choisit des commissaires,
on a choisi des historiens, des démographes, des experts de la carte
électorale, donc on prend des gens qui prennent en considération d'autres
dimensions, des dimensions socioéconomiques qui relèvent du territoire, d'à
quoi ressemble le comté mais aussi c'est quoi, l'équilibre démocratique dans
notre société. Et là, d'un coup de trait, on vient d'effacer la moitié des
circonscriptions d'un parti qui est le plus désavantagé par tout le système. Et
c'est absolument inadmissible.
M. Croteau (Martin) :
Quelle... bien, je prends le pas à mon collègue, là. Hier, vous aviez évoqué
une mobilisation. Là, vous parlez d'une rencontre avec les autres partis. Concrètement,
quelle suite donnez-vous à cette proposition?
M. Khadir
: Oui.
On est en réunion ce matin même, les responsables de Québec solidaire. On va
consulter des partenaires sociaux. Mais je peux vous dire déjà que toutes les personnes
à qui nous avons parlé trouvent absolument inacceptable ce qui vient d'être
annoncé et je suis persuadé qu'en dehors des alignements partisans, même des
groupes, des individus qui ne sont pas proches de Québec solidaire, à sa face
même... trouvent que cette manière de procéder et le fait que ce soit un comté
de Québec solidaire qui est, disons, promis à la disparition, qui est voué à la
disparition aux prochaines élections, paraît grossièrement inadmissible.
M. Croteau (Martin) :
Êtes-vous allé trop loin en évoquant la possibilité qu'il y ait eu du «gerrymandering»
ou que, tu sais, des gens influents tiraient des ficelles dans ce projet-là?
Est-ce que vous craignez d'être allé trop loin avec votre commentaire?
M. Khadir
: Je
n'ai pas affirmé que c'est ça qui s'est passé, mais tout porte à croire qu'il y
a eu d'énormes pressions. Expliquez-moi pourquoi, autrement, alors qu'il y a
une hypothèse sur la table depuis deux ans, sur laquelle on a échafaudé tant de
choses puis qu'on a consulté la population... tout d'un coup, disparaît, puis
ceux qui en bénéficient, c'est ceux qui sont au pouvoir. Ceux qui bénéficient
de ce changement sont… Alors, moi, je n'attends que des explications. Je
comprends que... Moi, j'entends de très bonnes choses sur M. Reid et je
n'ai aucune hésitation là-dedans. Ensuite, on n'a pas besoin de s'attendre à ce
qu'il y ait des tirages de ficelles dans le sens qu'on entend, mais les
nominations, les jeux de nomination, c'est ça que ça recèle, malheureusement.
C'est que, tant qu'il n'y aura pas un processus rigoureux, qui rende tout à
fait indépendants ces jeux de nomination, bien, les biais qui sont propres à
chaque personne peuvent jouer.
Ceci étant dit, je veux vous rappeler, je
m'excuse de ne pas avoir le nom, mais la première fois que nous avons protesté,
en 2009, sur ce genre de chose là, c'était justement une
personne — je vous trouverai le nom si vous le voulez, mais c'est
dans les médias, et je m'étais offusqué à l'époque — qui voulait me
consulter sur la carte électorale, qui était ici même, dans les couloirs, entre
ici et le salon bleu, qui n'avait aucun poste d'attaché politique, aucune
fonction officielle au Parti libéral, aucune fonction officielle au Parlement,
qui était ici dans les couloirs du parlement, et qui disait représenter les
intérêts du Parti libéral, et qui s'intéressait au découpage de la carte
électorale. Il voulait me rencontrer là-dessus. Ces gens-là travaillent dans
l'ombre. Et c'était un associé d'une firme d'avocats très connue de Montréal,
très proche du Parti libéral.
M. Hicks
(Ryan) : Just on Bombardier, are you
disappointed in the announcement? What else do you think the federal government
could have done?
M. Khadir
: It's very disappointing. We would have expected more
and better to protect jobs in Québec. Now, the Liberal minister of Québec Mrs. Anglade says : It's a step in the right direction. What is
that direction? That direction is a direction of jobs in Ontario. This is an
enterprise which has been supported by tax payers' money for 50 years in Québec. This enterprise owes a lot to Québec and they have no regard… they act in
total disregard because, after all, if the Liberal Government of Mr. Trudeau
has no regards for Québec and Québec is not interesting enough for them to
give a part of the support that they give elsewhere… Remember, it's one
fortieth, OK, it's 2,5% of the support they give to car
industry in Ontario, OK? At least, we would have expected that Bombardier says
no to that type of conditions that renders that aid conditional that most of
the jobs would be created in Ontario. That's totally unacceptable.
M. Hicks
(Ryan) : And, on the electoral map, in the
first report, it was Mont-Royal and Outremont that were at play, and now it's a
completely different riding that could disappear…
M. Khadir
: For two years.
M. Hicks
(Ryan) : So, what do you think about how this
process has played out and is playing out before us?
M. Khadir
: It is at a level of injustice that I would never
expect from our institutions. I cannot believe that a process that should take
into account several evidences, sociodemographic evidences and also democratic
evidences… that people reasonably in charge of these matters have decided to wipe
out from the map half of the ridings of the smallest of the parties which has
been the most disadvantage by all the system, by the electoral mode, by all the
aspects of our democracy which put a lot of obstacles in front of immerging
parties. And now, half of our ridings are promoted to disappear into two years
from now.
This, in the face of the
fact that this riding of Québec solidaire was not the most distant from the
average, you know? The natural selection was Outremont, the sociodemographic
aspect of «fusionning» Outremont and Mont-Royal was much more evident to
everybody. These two, you know, sectors of Montréal are much more similar in
terms of sociodemographic. And, imagine, you're… fusionné…
Une voix
:
Merging.
M. Khadir
: …merging Centre-Sud of Montréal, one of the most, you
know, one of the most...
Une voix
: Poor?
M. Khadir
: …difficult, poor sectors of Montreal with part of the city which is, you know, the Golden Mile, the Golden...
Une voix
: ...
M. Khadir
: …Golden Square Mile of Montreal. Imagine that, that you're merging
the HLM of Jeanne-Mance, Jeanne-Mance HLM, one of the poorest sectors of
downtown Montreal, with
high-level luxury condos on Drummond Street. That's what they've done.
Une voix
: Merci.
M. Khadir
: Thank you very much.
(Fin à 09 h 40)