(Dix heures trente-deux minutes)
Mme Massé : Oui. Alors, bonjour,
tout le monde. Merci d'être là. Alors, je viens devant vous, ce matin, parce
que, si vous vous rappelez, le 18 octobre dernier, je faisais adopter, à
l'Assemblée nationale, une motion concernant la question des agressions
sexuelles. Alors, aujourd'hui, je viens parce que je veux faire un pas de plus,
je veux, en fait, faire des propositions à la ministre qui s'est montrée
ouverte à agir sur le dossier. Et, dans ce sens-là, comme moi, j'espère que
lorsqu'elle voit qu'il y a toujours, au Québec, 40 % des plaintes qui sont
non retenues, des plaintes d'agressions sexuelles qui sont non retenues, quand
je vois encore aujourd'hui que la culture du viol est mal comprise, elle irrite
lorsqu'on emploie l'expression... Elle irrite, l'expression, au lieu de nous
préoccuper de l'impact de cette culture sur les femmes. Alors, je mets donc sur
la table ma contribution.
Alors, il faut d'entrée de jeu reconnaître
que les agressions sexuelles, les crimes sexuels, ce n'est pas un crime comme
un autre. Ce n'est pas un crime comme un autre, parce que notre système
judiciaire est basé non pas sur la victime, mais sur le présumé agresseur.
Donc, ça met, on le sait, c'est documenté, on en parle depuis longtemps, ça
met sur les épaules de la victime un fardeau de preuve qui est constamment
remis en cause dans le processus pénal du moment, souvent, du dépôt de la
plainte jusqu'au dépôt par le DPCP et finalement en cour. Alors, c'est un crime
qui n'est pas comme les autres, et donc ça nécessite des actions différentes,
si on veut nous assurer que les femmes puissent effectivement recevoir justice.
Alors, une première proposition que je
fais, c'est de nous assurer que, dès le moment du dépôt de la plainte, dans les
postes de police, il y ait des professionnels formés aux rapports de pouvoir hommes-femmes,
Noirs-Blancs, en autorité versus... un employeur versus un employé. Bref,
quelqu'un qui comprend et qui a été formé aux rapports de pouvoir, qui puisse
accompagner, avec la police, la victime dans le dépôt de sa plainte, parce
qu'on le sait, c'est documenté, ça commence là.
Je souhaite aussi proposer une deuxième
mesure qui est un fonds, un fonds d'aide financier, un fonds, donc, d'action ou
conseil juridique. Pourquoi? Parce que ce qu'on voit du processus judiciaire et
de plainte invite plusieurs femmes à ne pas prendre ce chemin-là, un, parce
qu'elles ont peur, c'est compliqué, elles savent qu'elles risquent fort
possiblement d'être revictimisées. Alors, elles souhaitent pouvoir juger
adéquatement avant de déposer plainte, si c'est le chemin qu'elle veut prendre.
Elle veut voir tous les impacts, parce que ça peut être quelqu'un de connu,
parce que ça peut être son emploi qui est en jeu, parce que ça peut être...
elle veut connaître tous les impacts, et actuellement cet accès-là est limité,
et donc d'avoir un fonds dédié au conseil juridique aiderait les femmes.
Et troisièmement, vous savez, quand il y a
d'autres États qui font des bons coups, ça vaut la peine de s'en inspirer. Et à
Philadelphie, aux États-Unis, lorsqu'ils ont pris acte de l'impact des agressions
et des violences sexuelles sur les femmes, lorsqu'ils ont pris acte de la
faiblesse et des failles dans le processus judiciaire, ils ont décidé de se
donner les moyens de revoir les situations qui, durant les cinq dernières
années, ont été non retenues, les cas... je dis situations, là, mais on
pourrait dire les cas qui ont été non retenus de violence sexuelle, de rouvrir
ces cas-là et de regarder comment ça s'est passé. Et ça, ça se fait avec des
supérieurs, des enquêteurs de la hiérarchie policière, ça se fait avec des
avocates féministes, ça se fait avec des personnes intervenantes auprès des
groupes de défense de droit, et c'est ensemble où ils revisitent les plaintes
non fondées, donc qui ont été non retenues, les plaintes dites non fondées qui
ont été non retenues, pour voir : Y a-tu quelque chose qui n'a pas marché?
Y a-tu eu des biais qui ont été pris soit lors des interrogatoires ou même au
moment du dépôt de la plainte?, etc., pour être capable de corriger des plis ou
des travers qui ont été développés par nos systèmes à travers le temps.
Alors, je reviens donc... On
l'appelle, dans le jargon, le modèle Philadelphie. Je viens avec cette
mesure-là parce que je pense que, si nous voulons agir de façon globale, il
faut être capable de retourner dans le passé pour comprendre là où ça a
achoppé. Et ce comité-là, à Philadelphie, a même le pouvoir de faire rouvrir
des causes qui auraient eu des biais trop marqués pour rendre justice aux
victimes. Alors, ça, c'est vraiment dans le système actuel. Nous pouvons agir
pour sécuriser les victimes, pour permettre aux victimes de se sentir en
sécurité pour déposer des plaintes et, voire même, avoir les conseils
juridiques pour le faire.
Mais il y a tout un autre pan, et c'était
ça, la beauté de la motion du 19 octobre... du 18 octobre, pardon, il y a tout
un autre pan que je qualifie de microagressions, qui compose la culture du
viol, qui n'est pas composé d'actes nécessairement criminalisables et donc qui
ont besoin de trouver justice, mais pas par les chemins de la judiciarisation.
Et c'est ça que j'appelle les processus de justice alternative.
On a des exemples au Québec. On a toute
une expérience, notamment depuis la venue de la Loi sur la protection de la
jeunesse. On a développé tout un pan de justice différente, mais qui amène,
tant chez les victimes que chez les délinquants ou les agresseurs, qui amène un
processus de conscientisation et chez les victimes de guérison. Alors, l'enjeu,
on en a chez les autochtones. Il y en a même dans le système de justice pénale
canadien, mais on n'est pas conscients, on n'a pas documenté ces différents processus
qui existent déjà.
Alors, moi, ce que je souhaite, c'est que
la ministre utilise le forum qui s'en vient pour se donner cette opportunité
d'explorer, de documenter, de voir les expériences qui existent, parce qu'il y
en a et ça fonctionne. Alors, j'aimerais qu'on documente ça pour être capable,
après ça, de pouvoir l'encadrer de façon plus générale sur l'ensemble du
territoire québécois.
Et finalement, ça, c'est pour ce qui est
là, ce qui existe déjà, ce qui a déjà été posé comme geste, comme paroles,
etc., mais, entre vous et moi, il est grandement temps qu'on corrige le tir, et
ça, je le dis souvent, ça commence par les cours d'éducation à la sexualité et
aux saines relations. Mais là j'invite la ministre à faire un pas de plus et à
nous engager socialement dans une vaste campagne sociétale publicitaire pour
aider tout le monde, y compris les victimes et y compris les agresseurs ou les
potentiels agresseurs, de comprendre c'est quoi, la culture du viol et comment
nous réussirons ensemble à s'en sortir.
Alors donc, un plan, une proposition, cinq
mesures : l'accueil des plaintes dans un comité multidisciplinaire; le
fonds de conseil juridique; le modèle Philadelphie, donc revoir notre pratique;
documenter et explorer les processus de justice alternative; et finalement, la
dimension éducative, tant au niveau des cours à la sexualité que des campagnes
sociétales.
Le Modérateur
: On va
passer à la période de questions. Hugo Pilon-Larose, LaPresse.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Bonjour. Une cinquantaine de groupes recevront à peu près entre 10 000 $,
30 000 $ du fonds d'urgence des organismes communautaires. Ils disent
que c'est largement insuffisant pour faire face à l'ouragan social, pour
reprendre des mots qui ont été utilisés. Il faudrait en mettre combien,
d'argent, rapidement, maintenant, là, dans le fonds d'urgence pour répondre à
leurs besoins?
Mme Massé : Bien, écoutez, je
ne le sais pas, il faudrait poser la question à ces groupes-là. Mais, ceci
étant dit, je nous rappelle collectivement deux choses. Premièrement, ça
fait... L'ancienne ministre... bien, la première sous le gouvernement de M.
Couillard, Mme Vallée, avait déjà organisé des forums dans lesquels cette
donnée-là du trop-plein des demandes dans les organisations qui soutiennent, notamment
les CALACS, qui soutiennent les personnes victimes d'agression sexuelle... On
savait déjà depuis deux ans qu'il y avait un manque de financement.
Alors là, ce que je comprends, c'est que
l'impact de dénonciations massives, comme #moiaussi, a bien sûr un impact sur
ces groupes-là qui avaient déjà des listes d'attente. Alors là, je pense que ça
prend un gouvernement qui ne fait pas que donner des mesures, mais qui dégage
les fonds. Le premier million était un fonds d'urgence, mais déjà, le jour un,
on savait qu'il en manquait d'argent, avant l'arrivée de ce fonds d'urgence là.
Donc, je n'ai pas le chiffre, mais je peux vous dire que ça fait longtemps
qu'on sait qu'on en a besoin.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Vous
proposez donc le modèle Philadelphie pour rouvrir des cas qui ont été, par le
passé, non retenus lorsque des plaintes étaient déposées. Il faudrait revenir
combien d'années en arrière?
Mme Massé : En fait,
Philadelphie, ils l'ont fait sur cinq ans au moment où ils ont décidé de le
faire, mais ce n'était pas leur seule mesure. Ils avaient plusieurs mesures,
comme le plan dont... Bien, pas les mêmes, mais, je veux dire, c'était global.
Mais cette mesure-là visait spécifiquement les cinq dernières années pour être en
mesure de dégager quels sont les comportements à changer, quels sont les biais
qui sont pris lors du processus, tant au niveau du dépôt de la plainte, donc
l'accueil des plaintes, jusque rendu en cour, alors l'idée étant de mieux
comprendre comment la culture du viol avait intégré les différentes étapes du
processus d'accueil de plaintes. Cinq ans, ils l'ont fait, ça a eu des résultats.
Je pense qu'on pourrait s'y fier.
Le Modérateur
: Micro à
ma gauche.
Mme Lamontagne (Kathryne) : Je
veux faire du millage sur la mesure Philadelphie. Qu'est-ce qui, selon vous, a
changé en cinq ans, qui fait en sorte qu'il y a des cas qui ont été jugés non
fondés le seraient aujourd'hui? Parce que, d'un point de vue légal, le fardeau de
la preuve repose toujours sur le poursuivant, et, à ma connaissance, il n'y a
rien dans le code pénal qui a changé.
Mme Massé : Non, à ma
connaissance non plus. Ce qui a changé, c'est les pratiques des gens, donc des
policiers, hein, en identifiant, par exemple, pourquoi une plainte est non
retenue. Bien, est-ce que c'est comment on l'a accueillie? Est-ce que c'est comment
on a fait l'enquête? Donc, on a été chercher l'information plus ou moins ou on
a été chercher seulement vers...
Donc, c'est de découvrir est-ce qu'il y
avait des failles dans notre façon de faire, d'accueillir les plaintes et de
faire enquête pour déterminer si, oui ou non, la plainte allait être retenue.
Alors, c'est dans ce processus-là qu'ils ont identifié des failles, et le fait
que ce soit fait main dans la main entre des avocates féministes, des groupes
de défense de droits des femmes, des groupes de défense... moi, je propose
aussi des droits des LGBT parce qu'il y a là aussi, disons, des choses à
améliorer, et les supérieurs au niveau du corps policier, c'est que c'est un
regard critique qui se veut de faire améliorer la pratique. Et donc, un coup
que tu as identifié elles sont où les failles, bien, au fur et à mesure, tu es
capable de transformer tes pratiques sur le terrain.
Mme Lamontagne (Kathryne) :
Est-ce que vous pensez qu'il y a des cas, qui n'avaient pas mené à des
accusations, qui aujourd'hui pourraient le faire?
Mme Massé : Écoutez, je
ne le sais pas. Eux autres, sur près de 2 000, ils en ont... bien, parce que
tu as agression mais aussi harcèlement, tu sais, tu as différents types. Sur
près de 2 000, ils en ont rouvert plus de 600. Alors, moi, je ne sais pas
qu'est-ce que ça donnerait ici, au Québec, mais donnons-nous une chance de le
regarder parce que c'est clair que le système, il ne fonctionne pas.
Mme Lamontagne (Kathryne) :
J'aimerais vous entendre sur le projet de loi n° 151. Il semble se dégager
un consensus non pas pour encadrer les relations entre les professeurs et leurs
étudiants, directes évidemment, mais bien pour proscrire tout type de
relations. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Massé : Bien, j'ai vu
ça comme vous. Ce que je me dis, c'est que justement la commission
parlementaire débute cette semaine. Je vais y participer. Je vais être présente
pour bien entendre l'ensemble des arguments, d'entendre aussi pourquoi la
ministre avait souhaité plutôt les encadrer que les interdire.
Comme on dit par chez nous, ma tête n'est
pas faite, mais je vais être présente et très attentive à cette dimension-là
comme à l'ensemble des autres dimensions du projet de loi.
Mme Lamontagne (Kathryne) :
Si vous me permettez une dernière question sur le revenu minimum garanti, est-ce
que le ministre Blais devrait aller de l'avant?
Mme Massé : Bien, nous
aurions souhaité que le ministre Blais ne se laisse pas, d'entrée de jeu,
influencer par cette prise de position qui prend le revenu minimum garanti
comme étant une surcharge, comme étant quelque chose d'infaisable.
Nous, ce qu'on aurait souhaité et ce qu'on
souhaite encore, c'est qu'il nous donne la possibilité d'expérimenter un projet
pilote. Le Manitoba l'a fait, l'Ontario l'a fait. Il faut se donner un espace
d'expérimentation parce que, pour avoir travaillé avec ces gens-là toute ma
vie, je le sais que ce n'est pas... que de vivre en deçà, de vivre beaucoup en
dessous du seuil de pauvreté, ça ne fait pas des humains qui vivent dans la
dignité, et je pense que, minimalement, un projet pilote serait essentiel.
M. Dion (Mathieu) : Qu'est-ce
que vous entendez d'abord par microagression? Qu'est-ce qu'on entend par là?
Juste définir ce que c'est, pour qu'on comprenne bien, là, parce que ça peut
toucher beaucoup de choses, une microagression.
Mme Massé : Oui, bien sûr. Bien
sûr, et on n'a pas comme, collectivement, trouvé de mot encore. Moi, je parle
de microagression, de violence sexuelle banalisée. Vous savez, c'est les
blagues, les regards, déshabiller quelqu'un de la tête au pied, porter des
commentaires sur la façon dont elle est habillée. Tu sais, c'est sûr que de
dire, par exemple, à une femme : Ta jupe est belle, c'est une chose; dire
à une femme : Ta jupe est belle, ça te dégage les cuisses, c'est
complètement autre chose.
Alors, c'est ces... que j'appelle
microagressions, qui, finalement, finissent par être complètement banalisées
dans l'espace public et qui, par contre, ont des impacts sur les femmes, sur
leur estime d'elle-même, et c'est à ça que je souhaite aussi qu'on s'attaque
dans les prochains mois.
M. Dion (Mathieu) : Est-ce
qu'il faudrait interdire, par exemple, le sifflement envers les femmes?
Mme Massé : Moi, je mise plus
sur l'éducation et la conscience que sur l'interdiction de tout. Moi, je pense
que, si les hommes et les femmes sont conscients, mais particulièrement les
hommes, puisque le rapport de force, le rapport de pouvoir, il est beaucoup
entre les hommes et les femmes, si la conscience des impacts de ces gestes dits
banals... une fois, c'est une chose; régulièrement, à tous les jours et de différentes
façons, ça devient des microagressions qui blessent. Et moi, je pense que la
conscience peut nous amener là, et c'est pourquoi je propose de documenter et
d'explorer des processus de justice alternative qui amènent ces prises de
conscience collective.
M. Dion (Mathieu) : Parce
qu'une justice alternative, pour quelqu'un qui siffle, jusqu'où ça va? Tu sais,
pour ne pas comme engorger le système...
Mme Massé : Bien, si la
personne siffle une fois sur la rue, c'est une chose. Si mon frère à moi, à
chaque fois qu'il voit une femme, il veut lui rappeler que, dans le fond, c'est
au niveau de son corps qu'il y a un rapport qui s'installe, bien, moi,
j'aimerais avoir une place où je dise : Moi, mon frère... parce que
ce n'est peut-être jamais la même femme, c'est peut-être différentes femmes
dans différents moments, dans différents milieux. Je veux être capable,
moi, de dire à mon frère : Regarde, je ne vais pas t'amener en cour, mais,
tu veux-tu, on va aller faire une réflexion, puis je vais aller te faire
rencontrer, dans un centre de justice réparatrice, des femmes qui, elles, vivent
les impacts de tes gestes.
Et j'aimerais ça qu'on puisse avoir une
place, qu'on puisse avoir des places où on puisse faire ça, pour élever le
niveau de conscience, pour qu'il arrête. Parce que, si j'interdis de fumer...
de siffler, ce n'est pas vrai que je vais avoir une police à chaque coin de rue
pour être sûr qu'il n'y a personne qui va siffler. C'est juste la
conscientisation qui va nous amener à régler cette affaire-là.
Le Modérateur
: Micro à
ma gauche.
Mme Cloutier (Patricia) : Mme
Massé, je voulais savoir, vous vous adressez, dans le fond, à la ministre
Hélène David avec vos propositions, mais est-ce que vous pensez que ça
prendrait... parce que, là, elle étudie le projet de loi n° 151 qui
s'adresse plus aux universités.
Est-ce que ça prendrait un autre projet de
loi? Et est-ce que vous vous adressez plutôt au système de justice ou à Mme
David?
Mme Massé : Bien, en fait,
moi, je m'adresse principalement au gouvernement libéral. C'est sûr que, depuis
quelques semaines, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais, en matière
d'agressions sexuelles, j'ai l'impression qu'il y a une ministre qui répond
présente. On le voit avec son projet de loi sur les universités, on l'a vu dans
différentes prises de position qu'elle a faites. Alors, moi, je pense que c'est
ça, le rôle de la ministre de la Condition féminine, c'est de s'assurer que son
gouvernement fasse le travail qui est nécessaire pour, et dans le cas qui
nous préoccupe, faire en sorte que les agressions sexuelles diminuent.
Mme Cloutier (Patricia) : Est-ce
que vous lui avez déjà présenté ce plan-là? Est-ce qu'elle était ouverte?
Mme Massé : Je lui ai présenté
différentes mesures. Alors, aujourd'hui, je le présente à la face de la
population et je vais certainement, à court terme, souhaiter la rencontrer pour
mieux saisir mon attente face au forum et au processus de justice alternative.
Mme Cloutier (Patricia) :
J'aimerais avoir votre réaction aussi sur le cas d'Éloïse Dupuis, témoin de
Jéhovah qui est décédée l'an dernier — le rapport du coroner est
sorti ce matin — parce qu'elle avait refusé des transfusions
sanguines. Et le coroner dit : Bon, c'était son choix. Qu'est-ce que vous
en pensez?
Mme Massé : Bien, écoutez, je
ne suis pas au fait de cette situation-là, mais est-ce que c'était une adulte?
Mme Cloutier (Patricia) : Oui.
Mme Massé : Alors, vous
savez... je vais juste répondre ça sans tout connaître de la situation, mais, pour
moi, le principe de consentement aux soins de façon éclairée est un principe
qui s'applique et, dans ce sens-là, c'est sûr qu'il y a des questions qu'on
doit réfléchir de façon plus globale, mais, en matière adulte et consentement
aux soins, pour moi, il y a... c'est inscrit là et ce n'est pas pour rien,
parce qu'il y a ces situations-là, mais il y en a bien d'autres.
M. Boivin (Mathieu) : Mme
Massé, sur la mesure Philadelphie, je veux être certain de bien comprendre.
Est-ce que, de façon toute simple, là, si on résume, c'est parce que vous
pensez que les moeurs ont suffisamment changé ces derniers temps pour que des
hommes qui auraient présumément échappés à la justice en raison de ce que vous
appelez la culture du viol n'y échappent plus maintenant qu'on les jugerait,
entre guillemets, une deuxième fois pour les mêmes gestes?
Mme Massé : Bien, moi, ce que
je dis, là, c'est que cette culture-là, elle traverse toute la société. C'est
pour ça qu'on utilise le mot culture. C'est sûr que ce qui frappe, c'est culture
du viol. Tout de suite, on dit : Ah! un viol, na, na, na. Non, mais le mot
«culture», là, ça veut dire tous les éléments qui nous forment comme individus.
Donc, la culture du viol est aussi au niveau des corps policiers, au niveau
de... Bien, c'est partout, c'est culture.
Alors, ce que le modèle Philadelphie vient
nous apprendre, c'est que, si on veut être capable de changer des éléments dans
nos pratiques, la façon de poser nos questions... c'est sûr que le hors de tout
doute que nécessite le système criminel, il faut minimalement nous assurer que
les questions qu'on pose vont permettre à la victime de nous donner de
l'information que nous avons besoin. Alors, si, d'entrée de jeu, je dis :
Bien oui, mais tu as accepté de souper avec... Tu as accepté de souper avec
lui? Puis là tu te plains qu'il est arrivé quelque chose? Ah! Pourquoi tu me
poses cette question-là? C'est donc que tu présumes que, si j'ai soupé avec
lui, j'ai consenti à quelque chose.
M. Boivin (Mathieu) : En
fait, je comprends ce que vous me dites, mais la question que je vous pose, c'est :
Vous souhaitez, en fait, que des hommes, parce que c'est souvent d'hommes
qu'il est question, soient aujourd'hui condamnés en fonction de valeurs
qui auraient changé par rapport au moment où la plainte a été déposée? C'est
ça, dans le fond?
Mme Massé : Moi, je pense que
les valeurs n'ont pas changé. Le Code criminel dit depuis toujours que les
agressions et le harcèlement sont des crimes. L'enjeu, c'est : Comment on
est capables d'accueillir ça pour donner justice?
Imaginez, la victime n'est qu'un témoin
dans cette affaire-là. Et, bien sûr, ça pose un enjeu que les solutions ne
résident pas seulement dans les éléments que moi, j'ai amenés, mais ce qu'on
sait depuis longtemps, c'est que le moment crucial, c'est : Est-ce que la
plainte qui est accueillie, elle est accueillie de façon à avoir l'information
nécessaire pour faire en sorte... et l'enquête qui est faite est faite de façon
qui nous permette d'avoir l'information nécessaire pour savoir si on retient ou
non une plainte. Ce n'est pas parce qu'une plainte n'est pas retenue qu'il n'y
a pas de victime.
M. Boivin (Mathieu) :
...d'ouvrir des plaintes qui ont déjà été jugées non recevables. Là, vous
espérez que ces plaintes-là soient rouvertes en vue d'obtenir une condamnation
en fonction de valeurs qui auraient évolué. Vrai?
Mme Massé : Moi, ce que je
dis, les valeurs... Ce qui a évolué, c'est notre capacité de comprendre ces
gestes-là, O.K.? Moi, je ne pense pas, là, que le peuple québécois veut violer
ses filles et ses femmes, on s'entend?
M. Boivin (Mathieu) :
...aujourd'hui ce qu'on pouvait peut-être tolérer auparavant.
Mme Massé : J'espère.
M. Boivin (Mathieu) : Et là
vous espérez des condamnations ou des plaintes reçues qui ne l'étaient pas auparavant.
Mme Massé : Moi, ce que je
dis, c'est... Ce que le modèle Philadelphie nous démontre, c'est :
lorsqu'on porte un regard critique sur notre façon d'avoir accueilli les
plaintes et fait cheminer l'enquête, il y a une partie de ces situations-là qui
ont été mal faites, et la victime a été revictimisée, et, oui, ils rouvrent ces
cas-là.
Est-ce que c'est le cas au Québec? Je ne
sais pas. Ce que je sais juste, c'est pourquoi on se priverait de ça, si vraiment
on considère que les victimes d'agression sexuelle méritent d'être défendues...
méritent justice, entre guillemets.
Le Modérateur
: On a le
temps pour une question en anglais.
Mme Fletcher (Raquel) : How would you apply the Philadelphia model to Québec?
Mme Massé : My suggestion, it's
to have, with the… let's say the… not the chief but the higher «hiérarchique»
policeman, have some women from women's groups, from some feminist advocates
and some LGBT rights defenders. So I think, with this kind of committee, we can
go back for the last five years and see how the reception of the «plaintes»…
Mme Fletcher (Raquel) : Complaints.
Mme Massé : The reception of complaints and the requiry… «l'enquête», how they did it and did we have
something to change in our way to do things.
Mme Fletcher (Raquel) : Just quickly, the Government has also launched a survey online to get feedback on women in
politics. Do you think this is a good idea? What kind of results would you like
to see come out of this survey?
Mme Massé : I know that this commission explores different ways to get the information but they choose to go with this kind of survey, because they hope
that will have more information
about why women don't come in the political field. So my expectation, it's I
hope that young women will answer to it because we have, in that field too, to
change things.
Le Modérateur
:Rapidement, une
dernière question.
Mme Johnson (Maya) : Hello, Mme Massé. Obviously, this issue of
sexual violence against women is very prominent in the news lately, and we've
just seen that two Concordia students in fact have complained that they were
lured away from campus and were sexually assaulted after being drugged. What is
your reaction to yet another incident, an alleged incident of sexual violence
on a university campus?
Mme Massé :
You know what? I hope one day that will stop and that means that the relation
between men and women will change totally. And that's why, in my plan that I
propose this morning, I ask for two things : in the elementary and high
schools, to have this «cours d'éducation à la sexualité»...
Mme
Johnson (Maya) : Sex ed courses.
Mme Massé : Sexual courses, to
have sexual courses...
Mme Johnson (Maya) : Sexual
education.
Mme Massé : Sorry?
Mme Johnson (Maya) : Sexual
education courses.
Mme Massé : Education.
Mme Johnson (Maya) : Il faut
faire la précision.
Mme Massé : Courses, yes. Oh! I'm sorry.
Des voix
:
Ha, ha, ha!
Mme Massé : Yes. So sexual education for the elementary and high schools, but
we need to have a big campaign for a couple of years to explain what is the
rape culture, to explain the impact on women, this culture.
Une voix
:
Merci.
Mme Massé : Bienvenue.
(Fin à 11 h 2)