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Point de presse de Mme Manon Massé, députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques

Version finale

Le mardi 14 novembre 2017, 10 h 30

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Dix heures trente-deux minutes)

Mme Massé : Oui. Alors, bonjour, tout le monde. Merci d'être là. Alors, je viens devant vous, ce matin, parce que, si vous vous rappelez, le 18 octobre dernier, je faisais adopter, à l'Assemblée nationale, une motion concernant la question des agressions sexuelles. Alors, aujourd'hui, je viens parce que je veux faire un pas de plus, je veux, en fait, faire des propositions à la ministre qui s'est montrée ouverte à agir sur le dossier. Et, dans ce sens-là, comme moi, j'espère que lorsqu'elle voit qu'il y a toujours, au Québec, 40 % des plaintes qui sont non retenues, des plaintes d'agressions sexuelles qui sont non retenues, quand je vois encore aujourd'hui que la culture du viol est mal comprise, elle irrite lorsqu'on emploie l'expression... Elle irrite, l'expression, au lieu de nous préoccuper de l'impact de cette culture sur les femmes. Alors, je mets donc sur la table ma contribution.

Alors, il faut d'entrée de jeu reconnaître que les agressions sexuelles, les crimes sexuels, ce n'est pas un crime comme un autre. Ce n'est pas un crime comme un autre, parce que notre système judiciaire est basé non pas sur la victime, mais sur le présumé agresseur. Donc, ça met, on le sait, c'est documenté, on en parle depuis longtemps, ça met sur les épaules de la victime un fardeau de preuve qui est constamment remis en cause dans le processus pénal du moment, souvent, du dépôt de la plainte jusqu'au dépôt par le DPCP et finalement en cour. Alors, c'est un crime qui n'est pas comme les autres, et donc ça nécessite des actions différentes, si on veut nous assurer que les femmes puissent effectivement recevoir justice.

Alors, une première proposition que je fais, c'est de nous assurer que, dès le moment du dépôt de la plainte, dans les postes de police, il y ait des professionnels formés aux rapports de pouvoir hommes-femmes, Noirs-Blancs, en autorité versus... un employeur versus un employé. Bref, quelqu'un qui comprend et qui a été formé aux rapports de pouvoir, qui puisse accompagner, avec la police, la victime dans le dépôt de sa plainte, parce qu'on le sait, c'est documenté, ça commence là.

Je souhaite aussi proposer une deuxième mesure qui est un fonds, un fonds d'aide financier, un fonds, donc, d'action ou conseil juridique. Pourquoi? Parce que ce qu'on voit du processus judiciaire et de plainte invite plusieurs femmes à ne pas prendre ce chemin-là, un, parce qu'elles ont peur, c'est compliqué, elles savent qu'elles risquent fort possiblement d'être revictimisées. Alors, elles souhaitent pouvoir juger adéquatement avant de déposer plainte, si c'est le chemin qu'elle veut prendre. Elle veut voir tous les impacts, parce que ça peut être quelqu'un de connu, parce que ça peut être son emploi qui est en jeu, parce que ça peut être... elle veut connaître tous les impacts, et actuellement cet accès-là est limité, et donc d'avoir un fonds dédié au conseil juridique aiderait les femmes.

Et troisièmement, vous savez, quand il y a d'autres États qui font des bons coups, ça vaut la peine de s'en inspirer. Et à Philadelphie, aux États-Unis, lorsqu'ils ont pris acte de l'impact des agressions et des violences sexuelles sur les femmes, lorsqu'ils ont pris acte de la faiblesse et des failles dans le processus judiciaire, ils ont décidé de se donner les moyens de revoir les situations qui, durant les cinq dernières années, ont été non retenues, les cas... je dis situations, là, mais on pourrait dire les cas qui ont été non retenus de violence sexuelle, de rouvrir ces cas-là et de regarder comment ça s'est passé. Et ça, ça se fait avec des supérieurs, des enquêteurs de la hiérarchie policière, ça se fait avec des avocates féministes, ça se fait avec des personnes intervenantes auprès des groupes de défense de droit, et c'est ensemble où ils revisitent les plaintes non fondées, donc qui ont été non retenues, les plaintes dites non fondées qui ont été non retenues, pour voir : Y a-tu quelque chose qui n'a pas marché? Y a-tu eu des biais qui ont été pris soit lors des interrogatoires ou même au moment du dépôt de la plainte?, etc., pour être capable de corriger des plis ou des travers qui ont été développés par nos systèmes à travers le temps.

Alors, je reviens donc... On l'appelle, dans le jargon, le modèle Philadelphie. Je viens avec cette mesure-là parce que je pense que, si nous voulons agir de façon globale, il faut être capable de retourner dans le passé pour comprendre là où ça a achoppé. Et ce comité-là, à Philadelphie, a même le pouvoir de faire rouvrir des causes qui auraient eu des biais trop marqués pour rendre justice aux victimes. Alors, ça, c'est vraiment dans le système actuel. Nous pouvons agir pour sécuriser les victimes, pour permettre aux victimes de se sentir en sécurité pour déposer des plaintes et, voire même, avoir les conseils juridiques pour le faire.

Mais il y a tout un autre pan, et c'était ça, la beauté de la motion du 19 octobre... du 18 octobre, pardon, il y a tout un autre pan que je qualifie de microagressions, qui compose la culture du viol, qui n'est pas composé d'actes nécessairement criminalisables et donc qui ont besoin de trouver justice, mais pas par les chemins de la judiciarisation. Et c'est ça que j'appelle les processus de justice alternative.

On a des exemples au Québec. On a toute une expérience, notamment depuis la venue de la Loi sur la protection de la jeunesse. On a développé tout un pan de justice différente, mais qui amène, tant chez les victimes que chez les délinquants ou les agresseurs, qui amène un processus de conscientisation et chez les victimes de guérison. Alors, l'enjeu, on en a chez les autochtones. Il y en a même dans le système de justice pénale canadien, mais on n'est pas conscients, on n'a pas documenté ces différents processus qui existent déjà.

Alors, moi, ce que je souhaite, c'est que la ministre utilise le forum qui s'en vient pour se donner cette opportunité d'explorer, de documenter, de voir les expériences qui existent, parce qu'il y en a et ça fonctionne. Alors, j'aimerais qu'on documente ça pour être capable, après ça, de pouvoir l'encadrer de façon plus générale sur l'ensemble du territoire québécois.

Et finalement, ça, c'est pour ce qui est là, ce qui existe déjà, ce qui a déjà été posé comme geste, comme paroles, etc., mais, entre vous et moi, il est grandement temps qu'on corrige le tir, et ça, je le dis souvent, ça commence par les cours d'éducation à la sexualité et aux saines relations. Mais là j'invite la ministre à faire un pas de plus et à nous engager socialement dans une vaste campagne sociétale publicitaire pour aider tout le monde, y compris les victimes et y compris les agresseurs ou les potentiels agresseurs, de comprendre c'est quoi, la culture du viol et comment nous réussirons ensemble à s'en sortir.

Alors donc, un plan, une proposition, cinq mesures : l'accueil des plaintes dans un comité multidisciplinaire; le fonds de conseil juridique; le modèle Philadelphie, donc revoir notre pratique; documenter et explorer les processus de justice alternative; et finalement, la dimension éducative, tant au niveau des cours à la sexualité que des campagnes sociétales.

Le Modérateur : On va passer à la période de questions. Hugo Pilon-Larose, LaPresse.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Bonjour. Une cinquantaine de groupes recevront à peu près entre 10 000 $, 30 000 $ du fonds d'urgence des organismes communautaires. Ils disent que c'est largement insuffisant pour faire face à l'ouragan social, pour reprendre des mots qui ont été utilisés. Il faudrait en mettre combien, d'argent, rapidement, maintenant, là, dans le fonds d'urgence pour répondre à leurs besoins?

Mme Massé : Bien, écoutez, je ne le sais pas, il faudrait poser la question à ces groupes-là. Mais, ceci étant dit, je nous rappelle collectivement deux choses. Premièrement, ça fait... L'ancienne ministre... bien, la première sous le gouvernement de M. Couillard, Mme Vallée, avait déjà organisé des forums dans lesquels cette donnée-là du trop-plein des demandes dans les organisations qui soutiennent, notamment les CALACS, qui soutiennent les personnes victimes d'agression sexuelle... On savait déjà depuis deux ans qu'il y avait un manque de financement.

Alors là, ce que je comprends, c'est que l'impact de dénonciations massives, comme #moiaussi, a bien sûr un impact sur ces groupes-là qui avaient déjà des listes d'attente. Alors là, je pense que ça prend un gouvernement qui ne fait pas que donner des mesures, mais qui dégage les fonds. Le premier million était un fonds d'urgence, mais déjà, le jour un, on savait qu'il en manquait d'argent, avant l'arrivée de ce fonds d'urgence là. Donc, je n'ai pas le chiffre, mais je peux vous dire que ça fait longtemps qu'on sait qu'on en a besoin.

M. Pilon-Larose (Hugo) : Vous proposez donc le modèle Philadelphie pour rouvrir des cas qui ont été, par le passé, non retenus lorsque des plaintes étaient déposées. Il faudrait revenir combien d'années en arrière?

Mme Massé : En fait, Philadelphie, ils l'ont fait sur cinq ans au moment où ils ont décidé de le faire, mais ce n'était pas leur seule mesure. Ils avaient plusieurs mesures, comme le plan dont... Bien, pas les mêmes, mais, je veux dire, c'était global. Mais cette mesure-là visait spécifiquement les cinq dernières années pour être en mesure de dégager quels sont les comportements à changer, quels sont les biais qui sont pris lors du processus, tant au niveau du dépôt de la plainte, donc l'accueil des plaintes, jusque rendu en cour, alors l'idée étant de mieux comprendre comment la culture du viol avait intégré les différentes étapes du processus d'accueil de plaintes. Cinq ans, ils l'ont fait, ça a eu des résultats. Je pense qu'on pourrait s'y fier.

Le Modérateur : Micro à ma gauche.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Je veux faire du millage sur la mesure Philadelphie. Qu'est-ce qui, selon vous, a changé en cinq ans, qui fait en sorte qu'il y a des cas qui ont été jugés non fondés le seraient aujourd'hui? Parce que, d'un point de vue légal, le fardeau de la preuve repose toujours sur le poursuivant, et, à ma connaissance, il n'y a rien dans le code pénal qui a changé.

Mme Massé : Non, à ma connaissance non plus. Ce qui a changé, c'est les pratiques des gens, donc des policiers, hein, en identifiant, par exemple, pourquoi une plainte est non retenue. Bien, est-ce que c'est comment on l'a accueillie? Est-ce que c'est comment on a fait l'enquête? Donc, on a été chercher l'information plus ou moins ou on a été chercher seulement vers...

Donc, c'est de découvrir est-ce qu'il y avait des failles dans notre façon de faire, d'accueillir les plaintes et de faire enquête pour déterminer si, oui ou non, la plainte allait être retenue. Alors, c'est dans ce processus-là qu'ils ont identifié des failles, et le fait que ce soit fait main dans la main entre des avocates féministes, des groupes de défense de droits des femmes, des groupes de défense... moi, je propose aussi des droits des LGBT parce qu'il y a là aussi, disons, des choses à améliorer, et les supérieurs au niveau du corps policier, c'est que c'est un regard critique qui se veut de faire améliorer la pratique. Et donc, un coup que tu as identifié elles sont où les failles, bien, au fur et à mesure, tu es capable de transformer tes pratiques sur le terrain.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Est-ce que vous pensez qu'il y a des cas, qui n'avaient pas mené à des accusations, qui aujourd'hui pourraient le faire?

Mme Massé : Écoutez, je ne le sais pas. Eux autres, sur près de 2 000, ils en ont... bien, parce que tu as agression mais aussi harcèlement, tu sais, tu as différents types. Sur près de 2 000, ils en ont rouvert plus de 600. Alors, moi, je ne sais pas qu'est-ce que ça donnerait ici, au Québec, mais donnons-nous une chance de le regarder parce que c'est clair que le système, il ne fonctionne pas.

Mme Lamontagne (Kathryne) : J'aimerais vous entendre sur le projet de loi n° 151. Il semble se dégager un consensus non pas pour encadrer les relations entre les professeurs et leurs étudiants, directes évidemment, mais bien pour proscrire tout type de relations. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Massé : Bien, j'ai vu ça comme vous. Ce que je me dis, c'est que justement la commission parlementaire débute cette semaine. Je vais y participer. Je vais être présente pour bien entendre l'ensemble des arguments, d'entendre aussi pourquoi la ministre avait souhaité plutôt les encadrer que les interdire.

Comme on dit par chez nous, ma tête n'est pas faite, mais je vais être présente et très attentive à cette dimension-là comme à l'ensemble des autres dimensions du projet de loi.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Si vous me permettez une dernière question sur le revenu minimum garanti, est-ce que le ministre Blais devrait aller de l'avant?

Mme Massé : Bien, nous aurions souhaité que le ministre Blais ne se laisse pas, d'entrée de jeu, influencer par cette prise de position qui prend le revenu minimum garanti comme étant une surcharge, comme étant quelque chose d'infaisable.

Nous, ce qu'on aurait souhaité et ce qu'on souhaite encore, c'est qu'il nous donne la possibilité d'expérimenter un projet pilote. Le Manitoba l'a fait, l'Ontario l'a fait. Il faut se donner un espace d'expérimentation parce que, pour avoir travaillé avec ces gens-là toute ma vie, je le sais que ce n'est pas... que de vivre en deçà, de vivre beaucoup en dessous du seuil de pauvreté, ça ne fait pas des humains qui vivent dans la dignité, et je pense que, minimalement, un projet pilote serait essentiel.

M. Dion (Mathieu) : Qu'est-ce que vous entendez d'abord par microagression? Qu'est-ce qu'on entend par là? Juste définir ce que c'est, pour qu'on comprenne bien, là, parce que ça peut toucher beaucoup de choses, une microagression.

Mme Massé : Oui, bien sûr. Bien sûr, et on n'a pas comme, collectivement, trouvé de mot encore. Moi, je parle de microagression, de violence sexuelle banalisée. Vous savez, c'est les blagues, les regards, déshabiller quelqu'un de la tête au pied, porter des commentaires sur la façon dont elle est habillée. Tu sais, c'est sûr que de dire, par exemple, à une femme : Ta jupe est belle, c'est une chose; dire à une femme : Ta jupe est belle, ça te dégage les cuisses, c'est complètement autre chose.

Alors, c'est ces... que j'appelle microagressions, qui, finalement, finissent par être complètement banalisées dans l'espace public et qui, par contre, ont des impacts sur les femmes, sur leur estime d'elle-même, et c'est à ça que je souhaite aussi qu'on s'attaque dans les prochains mois.

M. Dion (Mathieu) : Est-ce qu'il faudrait interdire, par exemple, le sifflement envers les femmes?

Mme Massé : Moi, je mise plus sur l'éducation et la conscience que sur l'interdiction de tout. Moi, je pense que, si les hommes et les femmes sont conscients, mais particulièrement les hommes, puisque le rapport de force, le rapport de pouvoir, il est beaucoup entre les hommes et les femmes, si la conscience des impacts de ces gestes dits banals... une fois, c'est une chose; régulièrement, à tous les jours et de différentes façons, ça devient des microagressions qui blessent. Et moi, je pense que la conscience peut nous amener là, et c'est pourquoi je propose de documenter et d'explorer des processus de justice alternative qui amènent ces prises de conscience collective.

M. Dion (Mathieu) : Parce qu'une justice alternative, pour quelqu'un qui siffle, jusqu'où ça va? Tu sais, pour ne pas comme engorger le système...

Mme Massé : Bien, si la personne siffle une fois sur la rue, c'est une chose. Si mon frère à moi, à chaque fois qu'il voit une femme, il veut lui rappeler que, dans le fond, c'est au niveau de son corps qu'il y a un rapport qui s'installe, bien, moi, j'aimerais avoir une place où je dise : Moi, mon frère... parce que ce n'est peut-être jamais la même femme, c'est peut-être différentes femmes dans différents moments, dans différents milieux. Je veux être capable, moi, de dire à mon frère : Regarde, je ne vais pas t'amener en cour, mais, tu veux-tu, on va aller faire une réflexion, puis je vais aller te faire rencontrer, dans un centre de justice réparatrice, des femmes qui, elles, vivent les impacts de tes gestes.

Et j'aimerais ça qu'on puisse avoir une place, qu'on puisse avoir des places où on puisse faire ça, pour élever le niveau de conscience, pour qu'il arrête. Parce que, si j'interdis de fumer... de siffler, ce n'est pas vrai que je vais avoir une police à chaque coin de rue pour être sûr qu'il n'y a personne qui va siffler. C'est juste la conscientisation qui va nous amener à régler cette affaire-là.

Le Modérateur : Micro à ma gauche.

Mme Cloutier (Patricia) : Mme Massé, je voulais savoir, vous vous adressez, dans le fond, à la ministre Hélène David avec vos propositions, mais est-ce que vous pensez que ça prendrait... parce que, là, elle étudie le projet de loi n° 151 qui s'adresse plus aux universités.

Est-ce que ça prendrait un autre projet de loi? Et est-ce que vous vous adressez plutôt au système de justice ou à Mme David?

Mme Massé : Bien, en fait, moi, je m'adresse principalement au gouvernement libéral. C'est sûr que, depuis quelques semaines, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais, en matière d'agressions sexuelles, j'ai l'impression qu'il y a une ministre qui répond présente. On le voit avec son projet de loi sur les universités, on l'a vu dans différentes prises de position qu'elle a faites. Alors, moi, je pense que c'est ça, le rôle de la ministre de la Condition féminine, c'est de s'assurer que son gouvernement fasse le travail qui est nécessaire pour, et dans le cas qui nous préoccupe, faire en sorte que les agressions sexuelles diminuent.

Mme Cloutier (Patricia) : Est-ce que vous lui avez déjà présenté ce plan-là? Est-ce qu'elle était ouverte?

Mme Massé : Je lui ai présenté différentes mesures. Alors, aujourd'hui, je le présente à la face de la population et je vais certainement, à court terme, souhaiter la rencontrer pour mieux saisir mon attente face au forum et au processus de justice alternative.

Mme Cloutier (Patricia) : J'aimerais avoir votre réaction aussi sur le cas d'Éloïse Dupuis, témoin de Jéhovah qui est décédée l'an dernier — le rapport du coroner est sorti ce matin — parce qu'elle avait refusé des transfusions sanguines. Et le coroner dit : Bon, c'était son choix. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Massé : Bien, écoutez, je ne suis pas au fait de cette situation-là, mais est-ce que c'était une adulte?

Mme Cloutier (Patricia) : Oui.

Mme Massé : Alors, vous savez... je vais juste répondre ça sans tout connaître de la situation, mais, pour moi, le principe de consentement aux soins de façon éclairée est un principe qui s'applique et, dans ce sens-là, c'est sûr qu'il y a des questions qu'on doit réfléchir de façon plus globale, mais, en matière adulte et consentement aux soins, pour moi, il y a... c'est inscrit là et ce n'est pas pour rien, parce qu'il y a ces situations-là, mais il y en a bien d'autres.

M. Boivin (Mathieu) : Mme Massé, sur la mesure Philadelphie, je veux être certain de bien comprendre. Est-ce que, de façon toute simple, là, si on résume, c'est parce que vous pensez que les moeurs ont suffisamment changé ces derniers temps pour que des hommes qui auraient présumément échappés à la justice en raison de ce que vous appelez la culture du viol n'y échappent plus maintenant qu'on les jugerait, entre guillemets, une deuxième fois pour les mêmes gestes?

Mme Massé : Bien, moi, ce que je dis, là, c'est que cette culture-là, elle traverse toute la société. C'est pour ça qu'on utilise le mot culture. C'est sûr que ce qui frappe, c'est culture du viol. Tout de suite, on dit : Ah! un viol, na, na, na. Non, mais le mot «culture», là, ça veut dire tous les éléments qui nous forment comme individus. Donc, la culture du viol est aussi au niveau des corps policiers, au niveau de... Bien, c'est partout, c'est culture.

Alors, ce que le modèle Philadelphie vient nous apprendre, c'est que, si on veut être capable de changer des éléments dans nos pratiques, la façon de poser nos questions... c'est sûr que le hors de tout doute que nécessite le système criminel, il faut minimalement nous assurer que les questions qu'on pose vont permettre à la victime de nous donner de l'information que nous avons besoin. Alors, si, d'entrée de jeu, je dis : Bien oui, mais tu as accepté de souper avec... Tu as accepté de souper avec lui? Puis là tu te plains qu'il est arrivé quelque chose? Ah! Pourquoi tu me poses cette question-là? C'est donc que tu présumes que, si j'ai soupé avec lui, j'ai consenti à quelque chose.

M. Boivin (Mathieu) : En fait, je comprends ce que vous me dites, mais la question que je vous pose, c'est : Vous souhaitez, en fait, que des hommes, parce que c'est souvent d'hommes qu'il est question, soient aujourd'hui condamnés en fonction de valeurs qui auraient changé par rapport au moment où la plainte a été déposée? C'est ça, dans le fond?

Mme Massé : Moi, je pense que les valeurs n'ont pas changé. Le Code criminel dit depuis toujours que les agressions et le harcèlement sont des crimes. L'enjeu, c'est : Comment on est capables d'accueillir ça pour donner justice?

Imaginez, la victime n'est qu'un témoin dans cette affaire-là. Et, bien sûr, ça pose un enjeu que les solutions ne résident pas seulement dans les éléments que moi, j'ai amenés, mais ce qu'on sait depuis longtemps, c'est que le moment crucial, c'est : Est-ce que la plainte qui est accueillie, elle est accueillie de façon à avoir l'information nécessaire pour faire en sorte... et l'enquête qui est faite est faite de façon qui nous permette d'avoir l'information nécessaire pour savoir si on retient ou non une plainte. Ce n'est pas parce qu'une plainte n'est pas retenue qu'il n'y a pas de victime.

M. Boivin (Mathieu) : ...d'ouvrir des plaintes qui ont déjà été jugées non recevables. Là, vous espérez que ces plaintes-là soient rouvertes en vue d'obtenir une condamnation en fonction de valeurs qui auraient évolué. Vrai?

Mme Massé : Moi, ce que je dis, les valeurs... Ce qui a évolué, c'est notre capacité de comprendre ces gestes-là, O.K.? Moi, je ne pense pas, là, que le peuple québécois veut violer ses filles et ses femmes, on s'entend?

M. Boivin (Mathieu) : ...aujourd'hui ce qu'on pouvait peut-être tolérer auparavant.

Mme Massé : J'espère.

M. Boivin (Mathieu) : Et là vous espérez des condamnations ou des plaintes reçues qui ne l'étaient pas auparavant.

Mme Massé : Moi, ce que je dis, c'est... Ce que le modèle Philadelphie nous démontre, c'est : lorsqu'on porte un regard critique sur notre façon d'avoir accueilli les plaintes et fait cheminer l'enquête, il y a une partie de ces situations-là qui ont été mal faites, et la victime a été revictimisée, et, oui, ils rouvrent ces cas-là.

Est-ce que c'est le cas au Québec? Je ne sais pas. Ce que je sais juste, c'est pourquoi on se priverait de ça, si vraiment on considère que les victimes d'agression sexuelle méritent d'être défendues... méritent justice, entre guillemets.

Le Modérateur : On a le temps pour une question en anglais.

Mme Fletcher (Raquel) : How would you apply the Philadelphia model to Québec?

Mme Massé : My suggestion, it's to have, with the… let's say the… not the chief but the higher «hiérarchique» policeman, have some women from women's groups, from some feminist advocates and some LGBT rights defenders. So I think, with this kind of committee, we can go back for the last five years and see how the reception of the «plaintes»…

Mme Fletcher (Raquel) : Complaints.

Mme Massé : The reception of complaints and the requiry… «l'enquête», how they did it and did we have something to change in our way to do things.

Mme Fletcher (Raquel) : Just quickly, the Government has also launched a survey online to get feedback on women in politics. Do you think this is a good idea? What kind of results would you like to see come out of this survey?

Mme Massé : I know that this commission explores different ways to get the information but they choose to go with this kind of survey, because they hope that will have more information about why women don't come in the political field. So my expectation, it's I hope that young women will answer to it because we have, in that field too, to change things.

Le Modérateur :Rapidement, une dernière question.

Mme Johnson (Maya) : Hello, Mme Massé. Obviously, this issue of sexual violence against women is very prominent in the news lately, and we've just seen that two Concordia students in fact have complained that they were lured away from campus and were sexually assaulted after being drugged. What is your reaction to yet another incident, an alleged incident of sexual violence on a university campus?

Mme Massé : You know what? I hope one day that will stop and that means that the relation between men and women will change totally. And that's why, in my plan that I propose this morning, I ask for two things : in the elementary and high schools, to have this «cours d'éducation à la sexualité»...

Mme Johnson (Maya) : Sex ed courses.

Mme Massé : Sexual courses, to have sexual courses...

Mme Johnson (Maya) : Sexual education.

Mme Massé : Sorry?

Mme Johnson (Maya) : Sexual education courses.

Mme Massé : Education.

Mme Johnson (Maya) : Il faut faire la précision.

Mme Massé : Courses, yes. Oh! I'm sorry.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Massé : Yes. So sexual education for the elementary and high schools, but we need to have a big campaign for a couple of years to explain what is the rape culture, to explain the impact on women, this culture.

Une voix : Merci.

Mme Massé : Bienvenue.

(Fin à 11 h 2)

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