(Onze heures quatre minutes)
Mme Massé : Oui. Alors,
bonjour, tout le monde. Écoutez, aujourd'hui, bien, c'est une belle journée
pour nous. Notre collègue Émilise Lessard-Therrien revient de son congé de
maternité, revient donc... Elle sera en Chambre aujourd'hui. On est super
contentes. C'est toujours intéressant d'avoir l'ensemble de nos députés proches
de nous.
Mais bien sûr, en même temps, on vous l'a
dit la semaine dernière, mais là je vous le dis, Sol est parti officiellement
en congé de paternité, voyons, vendredi. Alors donc, c'est pourquoi il y a un
petit rebrassage que vous avez vu passer, là, au sein de la répartition de nos
responsabilités. Sol s'en va vers un nouveau mandat, puis, bien sûr, je lui
souhaite une bonne chance dans sa nouvelle job de papa, mais c'est Gabriel qui
va donc, en plus des dossiers aînés, va prendre les dossiers santé et services
sociaux jusqu'au retour de Sol.
Et moi, bien, c'est la région de Québec
que je vais prendre comme cheffe parlementaire. Et en ce sens, bien, je tiens à
vous dire que, d'entrée de jeu, M. Labeaume va bien sûr trouver en moi une
des meilleures alliées concernant le réseau structurant. Ce n'est pas un
dossier qui est mort pour Québec solidaire, loin de là. Alors, M. Labeaume
va trouver un allié, mais bien sûr, M. Legault, lui, va trouver sur son
chemin, son chemin du troisième lien, une députée déterminée à faire en sorte
que le troisième lien n'empêche pas la réalisation rapide du troisième lien,
puisqu'actuellement M. Legault semble vouloir lier ces deux projets-là,
alors qu'avec son p.l. n° 66, il veut accélérer
les infrastructures.
Moi, j'ai bien, bien, bien de la misère à
comprendre comment se fait-il que, dans le cas du réseau structurant, où il y a
une unanimité sur le terrain, où les gens sont prêts, les gens d'affaires, les
gens, la mairie, tout le monde est prêt à pouvoir mettre ce projet-là sur les
rails, la CAQ veut nous lier à un projet qui est actuellement totalement dans
l'imaginaire puisqu'il n'y a rien qui a été déposé.
Alors donc, M. Legault me trouvera sur
son chemin, et ça me fait vraiment plaisir de soutenir les équipes de Sol et
Catherine pour la Capitale-Nationale.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Manon. Bonjour. Hier, il s'est passé quelque chose qu'on n'avait pas vu au Québec
depuis très longtemps. Il y a des centaines de soignantes qui ont posé un geste
d'éclat. Elles ont marché ensemble sur le pont Jacques-Cartier et sur le pont
de Québec.
C'est une scène surréaliste. Moi, je
n'avais pas vu ça, puis ce n'est pas quelque chose qu'on voit à tous les jours.
Je pense que c'est un geste qui témoigne d'une grande détresse chez ces femmes
qui prennent soin des Québécois et des Québécoises. C'est un geste qui est le
symptôme d'une grande exaspération, d'une exaspération qui se construit depuis
des mois et qui a éclaté au grand jour hier avant-midi.
Ça fait des mois que les négociations
entre les soignantes du Québec et le gouvernement de la CAQ sont stériles. Ça
n'avance pas, et ça, en pleine pandémie, c'est juste inacceptable. Des
infirmières sur un pont, c'est une alerte qui ne doit faire place à aucun
doute, là. Il faut un coup de barre dès maintenant dans la stratégie du gouvernement.
Le gouvernement, au moment où on se parle, refuse toujours de parler du coeur
du problème, et ça, c'est la charge de travail des infirmières puis de toutes
les soignantes au Québec. Et ce refus de parler de la charge de travail, c'est
ce qui bloque les choses.
La surcharge, le poids énorme qui repose
sur les infirmières, sur les soignantes du Québec, là, c'est ce qui chasse des
milliers d'entre elles du réseau public, c'est ce qui fait que plusieurs
d'entre elles ne veulent pas travailler à temps plein, c'est ce qui cause
actuellement l'énorme pénurie de personnel qu'on vit dans le réseau de la
santé. La seule chose, en ce moment, qui retient ces femmes-là en première
ligne, c'est leur sens du devoir, et c'est, je pense, en vertu de ce sens du
devoir qu'elles ont lancé un cri d'alarme hier.
Il faut que la CAQ arrête de nier la
réalité. Il faut arrêter, là, qu'on nie l'évidence, l'évidence que tout le
monde voit sauf les ministres de la Coalition avenir Québec, c'est-à-dire que
les infirmières, toutes les soignantes du Québec, ont besoin maintenant d'un
signal clair que leurs conditions de travail vont s'améliorer rapidement puis
pour de vrai.
Québec solidaire demande, dès aujourd'hui,
au gouvernement du Québec de changer sa position et d'annoncer qu'il accepte de
parler du coeur du problème, et ça, c'est la charge de travail insoutenable qui
repose depuis trop longtemps sur les épaules des soignantes. Merci.
La Modératrice
: On va
prendre vos questions. Une question, une sous-question.
Mme Gamache (Valérie) :
Concernant les infirmières, est-ce que vous trouvez normal que, dans
Chaudière-Appalaches, il y a une centaine de quarts de travail qui n'aient pas
été couverts par les infirmières sur place mais bien des infirmières qui
étaient à la maison et que les résidents devaient appeler seulement en cas
d'urgence?
M. Nadeau-Dubois : Notre
réseau de la santé, c'est un peu devenu comme une maison hantée, là. On ne sait
jamais sur quelle erreur... sur quelle horreur on va tomber, là, puis là ça,
c'est une nouvelle horreur qu'on découvre, qu'il y a eu des CHSLD où, à de
nombreuses reprises, il n'y avait pas d'infirmières pour prendre soin des gens.
C'est inadmissible, c'est un autre exemple de l'énorme problème de pénurie de
personnel.
Puis il y a des solutions à la pénurie.
Cette solution-là, c'est bonifier les conditions de travail, annoncer qu'on va
mettre en place des projets ratios. Quand, en Californie, on a annoncé,
seulement annoncé, qu'il y aurait des ratios infirmière-patients, une des
conséquences qu'on a vue tout de suite, c'est que les gens se sont mis à rester
dans le réseau public, puis on a freiné l'exode de personnel. Ça, c'est un
geste concret, c'est un engagement ferme que le gouvernement peut prendre.
M. Lacroix (Louis) : Mme
Massé, quelle est votre position sur la censure... en fait, le dossier de la
censure à l'Université d'Ottawa? De quelle façon est-ce qu'on doit encadrer
l'utilisation, entre autres, de certains termes qui sont mis à l'index par le
recteur de l'Université d'Ottawa?
Mme Massé : Bien, c'est sûr
que, pour nous, la situation qui s'est posée à l'Université d'Ottawa,
c'est-à-dire ce retrait de cette enseignante sans l'entendre directement, nous
apparaît totalement inacceptable. D'ailleurs, c'est pourquoi ce matin, quand on
lisait la lettre des 600 professeurs, on se disait : Bien, ça fait du
sens, là. Tu sais, l'idée, c'est, oui, lorsqu'il y a une mise en contexte qui
est faite, lorsqu'on est dans le réseau, en plus, universitaire, académique, il
faut être capable de parler de tout mais d'en parler, bien sûr, en mettant les
choses en contexte. C'est pas mal là que moi, je me loge.
M. Laforest (Alain) : Est-ce
qu'on assiste à une dérive sociale, actuellement?
Mme Massé : Qu'est-ce que vous
voulez dire?
M. Laforest (Alain) : Bien,
par rapport au terme, là, ce terme-là, le terme «nègre» placé hors contexte.
Vous vous placez dans un contexte historique. Ça a existé, la ségrégation a
existé. On ne peut plus en parler parce qu'on décide que c'est un terme qui est
mis à l'index. Est-ce que ce n'est pas une dérive? Il y en a plusieurs, là, qui
se passent actuellement, des situations comme ça.
Mme Massé : Bien, moi, je vous
dirais qu'il faut, dans un premier temps, reconnaître qu'il y a des termes qui
ont une charge, une charge terrible, puis c'est sûr qu'on ne les vit pas quand
on n'est pas des gens qui avons été méprisés ou pointés du doigt avec ces
termes-là.
Ceci étant dit, je pense que la situation
qui se déroule présentement à l'Université d'Ottawa est une situation qui n'est
pas acceptable. On ne peut pas s'empêcher collectivement de réfléchir sur des
sujets parce qu'ils ont une charge historique. Il faut les mettre en contexte,
il faut être capable d'en parler avec honnêteté, mais pas de s'empêcher d'en parler.
M. Lacroix (Louis) : O.K. Donc,
vous n'êtes pas d'accord avec le fait d'éliminer le mot «nègre» du vocabulaire,
du vocabulaire tout simplement, là. On doit être capable d'utiliser ce mot-là,
si je décode ce que vous dites, dans un contexte, par exemple, académique, ou
dans un contexte historique, ou dans un contexte où on décrit une situation.
C'est ça? Est-ce que c'est ça, ce que... Est-ce que je vous saisis bien?
Mme Massé : Bien, dans un
contexte où effectivement on parle de quelque chose d'historique, et, dans ce
cas-là, il en était question, il faut être capable d'utiliser les mots qui
existent.
Ceci étant dit, il faut être capable de
reconnaître aussi, puis ça fait partie de l'enseignement académique et/ou d'un
échange, de dire : Bien, écoutez, en même temps, collectivement, on peut-u
reconnaître qu'il y a des termes qui ont une charge, et notamment celui-là en a
une importante parce qu'il a été utilisé dans l'histoire, notamment comme
insulte et dénigrement, et etc. Il faut faire les deux.
M. Laforest (Alain) : On le
met à l'index? Est-ce qu'on le met à l'index?
Mme Massé : Moi, je trouve que,
dans une société démocratique, mettre des choses à l'index, ce n'est pas une
bonne façon de cheminer collectivement. Il faut être capable de reconnaître les
choses, et c'est pourquoi, ce matin, je suis plutôt en accord avec ce que les
professeurs... la lettre qui a été cosignée par 600 d'entre eux, qui,
d'ailleurs, étaient de droite, et de gauche, et de tous horizons. Il faut être
capable de parler des choses en les mettant en contexte.
Mme Gamache (Valérie) : Mais,
madame, est-ce qu'il n'y a pas un danger, à un moment donné... Je reviens
sur la dérive sociale. Est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'on en vienne à
s'autocensurer? Moi, je ne vous le dirai pas, ce matin, le mot qui commence
avec un «n», mon collègue l'a dit. Est-ce qu'il n'y a pas cette espèce de
danger-là que, de façon insidieuse, on ne s'en rende pas compte puis qu'on se mette
à s'autocensurer, tous et chacun?
Mme Massé : Écoutez, que
chacun fasse sa démarche de prise de conscience personnelle et comment il
utilise le terme, moi, là, j'en suis, là. Il faut faire ça, hein? C'est comme...
Il a été, un certain temps, le terme «sauvage», hein? Aujourd'hui, on ne dirait
plus ça. Bien, une chance, une chance. Ça fait que, oui, ce bout-là de
l'autoréflexion, je n'ai pas de trouble là-dessus.
L'autre bout, par contre, il faut
collectivement être capable de reconnaître pourquoi un certain nombre de termes
est chargé plus que d'autres, hein? C'est ça aussi qu'il faut être capable de
faire ensemble.
M. Larin (Vincent) : ...faire,
comme gouvernement, pour s'assurer que ça ne se reproduise plus, des exemples
comme ça, comme il s'est produit à l'Université d'Ottawa? Comment est-ce qu'on
peut protéger les professeurs contre ce qui se dit dans un contexte
pédagogique?
Mme Massé : Bien, moi, je
pense que le fait déjà d'en parler, cette enseignante-là a quand même eu un
appui, en très peu de temps, de 600 collègues. Vous savez, je pense que l'autonomie
académique, c'est quelque chose que les universitaires, notamment, tiennent beaucoup,
et nous, on est d'accord avec ça.
Ça fait que, dans ce sens-là, il y a déjà beaucoup
de choses en place. Je pense que le recteur doit tout simplement revenir sur sa
position et accepter, à quelque part, que l'enseignement, ça comporte de l'enseignement
sur des bouts de l'histoire qui ne sont pas faciles.
La Modératrice
: On va
passer en anglais.
M. Bossé (Olivier) : Mme
Massé, j'aurais juste une petite question sur votre nouvelle région de la
capitale. Les cas sont en augmentation, ça devient Québec qui est la pire
région. Qu'est-ce... Je comprends bien que vous n'êtes pas de la Santé
publique, mais comment vous expliquez ça, vous? Qu'est-ce que vous y voyez?
Mme Massé : Oui. Tu veux-tu
que j'y aille ou... O.K. Parce que santé, capitale... Écoutez, je pense que,
bon, d'une part, c'est super inquiétant, là. On est, tout le monde, extrêmement
préoccupés par ça.
Si vous voulez mon humble avis, c'est sûr
que, lorsqu'il y a un certain nombre de réseaux qui entretiennent une certaine
banalité entourant la question de la pandémie, je parle notamment des réseaux
radiophoniques, on peut-u s'attendre à ce que nos concitoyens mettent aussi en
cause ces éléments-là et donc, peut-être, sont moins vigilants? Mais je pense
qu'il faut faire la lumière là-dessus, parce que Québec, alors qu'il avait été
protégé au printemps, là, tout d'un coup, c'est inquiétant de voir les... Ça
fait que je ne sais pas si tu as quelque chose que tu veux ajouter là-dessus.
M. Nadeau-Dubois : Je pense
que Manon a bien dit. Il y a sans doute beaucoup de raisons qui expliquent ça
puis il va falloir faire le bilan en temps et lieu pour avoir l'ensemble du
portait. Mais le climat médiatique, je pense qu'il faudrait être aveugle ou, en
fait, dans ce cas-là, sourd pour ne pas identifier que ça peut être un facteur
qui explique la situation à Québec, je veux dire.
Mme Senay
(Cathy) : Good morning. I would like to hear
your reaction as a former student activist regarding what's happening at Ottawa U and the use of this racist word,
n-word, in a context of a university classroom, by a professor. I mean are we
going too far and that is a very dangerous game?
M.
Nadeau-Dubois :You
know, students have the right, the freedom of speech.
And if they disagree with something, they have a right to say it. But academic
freedom is sacred and has to be protected. And the decision of the Ottawa
University to suspend that teacher is completely unacceptable.
Those kinds of terms are
historically charged. They are affecting people, and we have to understand
that, we have to take that into account. That is why those terms have to be
used with a lot of precaution. But, in an academic context, teachers should be
able to talk about those things. We should be able to have those debates
specifically in an academic context without neglecting the necessary
precautions.
Mme Senay
(Cathy) : So when the Ottawa U is saying that
it was a mistake to use that word and this is why the professor was suspended…
the Public Security Minister, Geneviève Guilbault, just said on Facebook: That is a complete mistake, we have to start a thinking process in
Québec about all this. Do you
agree with her that we have to...
M.
Nadeau-Dubois : But what I noticed at the
University of Ottawa is that the teacher herself recognized that there was a
debate around that term, and she was open to have that debate. And those
debates should happen. They are interesting debates from an academic point of
view. But we have to let them happen. And what the University of Ottawa did,
they say: No, we won't even debate the issue. And that is deeply problematic.
La Modératrice
: Dernière question.
Mme Senay
(Cathy) : Do Québec solidaire agrees with the Public Security Minister when she says first: This
situation is totally unacceptable, and, in Québec, we have to have a reflection on what we should do on this? It
should be clear that we have to let those discussion...
M.
Nadeau-Dubois : I haven't read the declaration
of the Minister, so it is difficult for me to say do we agree partially or
totally with it. But we think the decision of the University of Ottawa was a
mistake, we think those debates are healthy in a democratic society. They
should be... I have trouble with my English this morning. It's not always...
But those debates have to happen, those are healthy debates, and universities
have their role, in a democratic society, to discuss those very sensible issues. And academic freedom is
something very important in a democracy because of that, because it opens a
space in society to discuss those very sensible issues.
Mme Senay
(Cathy) : I have one last question. October 28 is coming up soon.
This is the deadline, the challenge that Premier Legault gave. Do you have...
There is a press conference at 1:00 p.m., it's October 20th already. What it
should do? Should it be transparent about the fact that there will be an
extension?
M.
Nadeau-Dubois : You know, if the Coalition avenir Québec was transparent, I
could answer that question very
simply by saying: We have the data that tells us if we need to stop now or
continue. We don't have that data, we don't have that information. But something tells me that the second wave is not over and that
we will have to continue to make sacrifices in order to win that battle.
And it's sad that I'm not
able to answer fully your question. I would like to. I would really like to, but I'm not able to
because I don't have one iota more of information than what is being said in the press conferences. Merci
beaucoup.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
M. Laforest (Alain) :
...risque de censure, c'est ce que vous venez de dire à ma collègue, chez les universitaires.
Il y a un risque de censure chez les universitaires par rapport à tout le
débat...
M. Nadeau-Dubois : Moi, j'ai
vu une lettre signée par 600 professeurs, de gauche comme de droite, qui
réitèrent leur attachement à la liberté académique. Moi, c'est un signal fort
que, de toutes les familles politiques, les professeurs d'université
disent : Un instant, il faut permettre cet espace de réflexion critique
dans la société. Et on est d'accord avec ça à Québec solidaire.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 11 h 23)