Journal des débats (Hansard) of the Committee on Agriculture, Fisheries, Energy and Natural Resources
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, September 26, 2019
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Vol. 45 N° 14
Order of initiative – Examine the impact of pesticides on public health and the environment and examine current and future innovative alternative practices in the agriculture and food sectors, with due regard for the competitiveness of Québec’s agri-food sector
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Intervenants par tranches d'heure
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Lemay, Mathieu
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Lessard-Therrien, Émilise
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Montpetit, Marie
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Campeau, Richard
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Roy, Sylvain
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Lemay, Mathieu
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Tardif, Marie-Louise
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Montpetit, Marie
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Ciccone, Enrico
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Lessard-Therrien, Émilise
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Roy, Sylvain
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Lemay, Mathieu
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Roy, Sylvain
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Lemay, Mathieu
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Campeau, Richard
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Tremblay, François
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Girard, Éric
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Montpetit, Marie
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Lemay, Mathieu
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Montpetit, Marie
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Lessard-Therrien, Émilise
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Roy, Sylvain
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Campeau, Richard
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Lemay, Mathieu
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Campeau, Richard
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Blais, Suzanne
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Girard, Éric
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Ciccone, Enrico
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Montpetit, Marie
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Lessard-Therrien, Émilise
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Roy, Sylvain
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Lemay, Mathieu
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Campeau, Richard
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Blais, Suzanne
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Girard, Éric
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Montpetit, Marie
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Montpetit, Marie
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Lemay, Mathieu
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Ciccone, Enrico
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Lessard-Therrien, Émilise
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Roy, Sylvain
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Campeau, Richard
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Lemay, Mathieu
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Tardif, Marie-Louise
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Allaire, Simon
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Montpetit, Marie
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Lessard-Therrien, Émilise
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Roy, Sylvain
11 h 30 (version révisée)
(Onze heures cinquante minutes)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des
ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Aujourd'hui, la commission est réunie afin
de procéder aux auditions publiques dans le cadre de son mandat d'initiative
visant à examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et
l'environnement, ainsi que les pratiques de remplacement innovantes disponibles
et à venir dans les secteurs de l'agriculture et de l'alimentation, et ce en
reconnaissance de la compétitivité du secteur agroalimentaire québécois.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, M.
le Président. M. Allaire (Maskinongé) remplace M. Tardif
(Rivière-du-Loup—Témiscouata) pour l'ensemble du mandat.
Auditions (suite)
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Alors, ce matin, nous entendons l'Union paysanne ainsi que le Pôle
d'excellence en lutte intégrée du Centre local de développement des
Jardins-de-Napierville.
Donc, je vous souhaite la bienvenue à
l'Union paysanne, en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que la personne qui
vous accompagne, puis vous pourrez procéder avec votre exposé. La parole est à
vous.
Union paysanne
Mme Renaud (Marie-Josée) :
Merci beaucoup, M. le Président. Donc, premièrement, merci à vous de nous
accueillir comme ça, un peu en remplacement, à la dernière minute. C'est fort
apprécié. Je vous avoue qu'on avait cette volonté-là de venir vous parler aujourd'hui.
Moi, mon nom est Marie-Josée Renaud. Je suis la coordonnatrice de l'Union
paysanne. Je vous présente le président et cofondateur de l'Union paysanne, M.
Maxime Laplante, à ma droite.
Donc, rapidement, l'Union paysanne...
juste pour vous dire qu'on est une association qui a été fondée en 2001. On a
la particularité de regrouper autant les producteurs que les consommateurs dans
notre formule. Puis vous dire aussi, on est la seule organisation au Québec qui
est membre de la Via Campesina, qui est une association internationale qui
regroupe plus de 200 millions de paysans et de paysannes dans le monde,
dans 81 pays.
Sur ce, je vais laisser la parole à
Maxime, qui va vous présenter notre mémoire, dans l'ordre et le désordre, tel
qu'il l'aime.
M. Laplante (Maxime) :
Bonjour, M. le Président, mesdames, messieurs. Encore merci de notre
participation ici. Étant donné que la commission nous a transmis l'info que
notre mémoire avait été clair, je ne vous ferai pas l'insulte de le relire.
Donc, ceci étant dit...
Bon, premièrement, oui, je suis agronome.
J'ai une ferme de... je suis producteur biologique de céréales, après avoir eu
une ferme ultradiversifiée pendant plus de 30 ans. J'ai même élevé des
enfants là-dessus, là, cinq. En tout cas, passons sur ces chapitres-là. Donc,
je vous présente ici mon analyse, avec l'Union paysanne, de la situation.
Le premier constat que je fais, c'est
que... On a eu évidemment beaucoup de plaisir à écouter les présentations
précédentes, et le premier constat, c'est qu'il y a un peu deux directions.
Donc, on a, d'une part, les tenants de l'environnement, la santé qui venaient
nous dire : Bien, écoutez, il y a un problème, là. On a des rivières qui
ont des pesticides dedans, l'alimentation, etc. Et on a tout l'autre côté, qui
nous dit : Bien, nous autres, on vend des pesticides, on les utilise, on
les emploie, on les recommande, quoi que ce soit, et qui nous disent :
Écoutez, ça va bien, on fait des efforts, on est consciencieux. Mais il reste
qu'il y a un problème, il y a des pesticides dans notre alimentation, il y a
des pesticides dans l'environnement, donc il faut y trouver une solution. On ne
peut pas dire : On maintient le statu quo et on continue comme ça.
Un des éléments, entre autres, qui n'a pas
été soulevé dans le cadre de la commission, peut-être dans le cadre d'un des
mémoires, là, que je n'ai pas eu l'occasion de lire, de plus en plus de
travailleurs étrangers également viennent au Québec pour participer à la
production agricole et ils sont en première ligne de l'utilisation des
pesticides. C'est eux qui ont le nez dans les légumes qu'ils récoltent ou les
fruits, etc. Que se passe-t-il sur la santé de ces travailleurs étrangers là?
C'est un des nombreux impacts de l'utilisation des pesticides. Le suivi
médical... Ces gens-là ne savent pas nécessairement toujours parler français.
Est-ce que, de retour dans leur pays d'origine, on va s'assurer qu'il y a un
suivi médical correspondant? Donc, je fais juste ajouter un élément.
Ensuite, les pesticides, donc, sont nocifs
au départ. Je pense que tout le monde le reconnaît d'emblée. On nous dit qu'il
faut faire attention sur l'utilisation, le dosage, mais on s'entend qu'ils sont
nocifs. Je ne reviendrai pas sur tous les aspects de santé et environnement. Je
pense qu'il y a un paquet d'autres organisations qui l'ont fait et de façon
nettement plus étoffée qu'on pourrait le faire.
Sauf que moi, ce qui m'intéresse, c'est la
partie économie. Je suis un pragmatique. Je ne vois pas pourquoi
l'environnement et l'économie seraient deux dossiers opposés. Ils vont
ensemble. Et quand on nous dit que le bio est plus cher, il y a des raisons à
ça. La première, en tant que producteur bio... puis là ce n'est surtout pas un
plaidoyer pour la certification bio, là, que je vous fais, là. J'ai été pendant
40 ans producteur non certifié bio, sans pesticides, mais je n'étais pas
certifié. Là, je le suis présentement pour des fins commerciales, mais donc, ce
n'est pas un plaidoyer bio que je vous fais, mais pour la réduction des
pesticides.
<Premièrement, sur ma ferme, je dois
payer une certification bio. Pourquoi?
M. Laplante (Maxime) :
...bio, là, que je vous fais, là. J'ai été pendant 40 ans producteur non
certifié bio, sans pesticides, mais je n'étais pas certifié. Là, je le suis
présentement
pour des fins commerciales, mais donc, ce n'est pas un plaidoyer bio que je
vous fais, mais pour la réduction des pesticides.
>Premièrement, sur ma ferme, je
dois payer une certification bio. Pourquoi? Parce que d'autres utilisent des
pesticides et ne vont pas payer de certification. Donc, la certification est à
mes frais.
Deuxièmement, on parlait des bandes
riveraines. J'entendais les interventions de M. Overbeek là-dessus, on perd 1 %
des surfaces à cause des bandes riveraines. Moi, sur ma ferme, je dois
retrancher huit mètres, pas un mètre, huit mètres de chaque côté de ma ferme
comme bande tampon pour éviter la contamination des voisins. Ma ferme a à peu
près 200 mètres de large. Bien, huit mètres, huit mètres, ça fait 16 mètres
sur 200 mètres, ça donne 8 % de ma ferme. 8 % de ma ferme ne
peut pas être utilisé à cause de la contamination éventuelle des voisins. J'ai
quoi, comme compensation, là-dessus?
O.K. Autre aspect, je veux partager de la
machinerie, moissonneuse-batteuse. Si elle a été utilisée pour des céréales qui
contenaient des pesticides, donc, moi, je dois décontaminer à mes frais. Si je
veux partager un semoir, même chose. Donc, ça m'oblige à acquérir de la
machinerie pour être certain qu'elle est décontaminée pour ne pas perdre ma
certification. Coût supplémentaire ou décontamination.
L'accès aux semences. Nous avons un besoin
criant de semences adaptées à des conditions sans pesticides et sans engrais de
synthèse. Et ça, tous les semenciers bio, tous les fermiers qui font dans le
bio, qui essaient de le faire sans pesticides, sont unanimes là-dessus, il y a
un besoin urgent de semences qui sont adaptées pour de bon rendement sans qu'on
ait besoin d'ajouter des engrais de synthèse, sans qu'on ait besoin de mettre
du Roundup ou d'autres produits. Donc, il y a besoin de recherche urgente
là-dessus. Les semences qui ont été développées essentiellement ou
majoritairement ont été faites dans des conditions optimales de l'industrie des
produits de synthèse.
Donc, pourquoi est-ce que le bio est plus
cher? Bien, évidemment, parce que tout ça... Et là je ne parle pas de la
contamination par dérive. Si on applique un pesticide sur les terres
avoisinantes, bien, il peut y avoir dérive par le vent, etc. Peut-être que mes
plantes ne vont pas en mourir, mais peut-être il va y avoir une perte de
rendement, par contre. C'est le cas aux États-Unis, où j'ai reporté... j'ai eu
l'occasion d'avoir un échange avec l'Université du Missouri par le biais d'un
producteur maraîcher bio qui me dit : Bon, on fait des relevés parce que
l'application du dicamba, qui est un herbicide à large spectre qui est pour les
céréales, principalement, et vous avez contamination dans à peu près... quelque
part entre un million et deux million et demi d'acres, aux États-Unis, de
culture de soya ou d'autres cultures, ornementale, fruitière, etc., à cause des
dommages du dicamba. Donc, ça, c'est un autre pesticide. Si on fait juste
éliminer l'atrazine, qu'on remplace par d'autre chose, je ne suis pas sûr qu'on
aboutit à un résultat à long terme.
Ensuite, mon point majeur, c'est
qu'actuellement le système incite à la monoculture, au Québec, et les
monocultures, surtout pour l'exportation, sont intrinsèquement liées à
l'utilisation de pesticides. Personnellement, même si je suis agronome, s'il
fallait que j'aie à gérer 1 000 hectares de maïs spécialisé en monoculture
pour exportation, je ne sais pas comment j'y arriverais sans pesticide. Je n'ai
pas les... peut-être que c'est possible, mais je ne l'ai pas et je ne sais pas
comment je ferais. Donc, ma réflexion est : Comment peut-on éviter ça?
Je vous ai permis, donc.... La question
économique sur laquelle j'avais abordé... je vous ai permis, hier soir, un peu
en catastrophe, étant donné qu'on a dû se revirer de bord un petit peu vite
pour venir vous voir... on s'est permis, donc, de vous transmettre une couple
de documents sur l'aspect économique de la chose. Le premier graphique est
assez simple. Donc, même si je n'ai pas mis ça en grand format, je pense que
vous l'avez en main, il y a deux courbes, c'est assez facile.
Donc, on remonte jusqu'aux années 40, ça
fait qu'il y a quand même un éventail de temps assez large et qui montre, d'une
part... la courbe du haut, c'est l'augmentation du revenu brut des fermes,
donc, qui augmente, oui, effectivement. C'est un constat, c'est clair. La
courbe du bas démontre le revenu net des fermes. Moi, en tant qu'entrepreneur,
ce n'est pas le chiffre d'affaires qui m'intéresse, c'est mon profit, c'est ce
qui me reste à la fin de l'année. Le revenu net, au Canada, de 1947 à 2002, sur
le graphique, est en déclin. Et ceux qui me diraient : 2002, ça fait quand
même quelques années, qu'est-ce qu'on en est en 2019, le sous-ministre, M.
Dion, lors de la présentation du bilan de la politique bioalimentaire, il y a
quelques mois, nous faisait état, oui, le chiffre d'affaires a explosé, bravo,
génial. C'est vrai. Le revenu net des fermes a diminué. La tendance se
continue.
Deuxième... sur le graphique, les paliers
d'augmentation du revenu brut correspondent à des baisses de revenu net et
correspondent à des implantations de technologie lourde. Oui... comme ça?
Le Président (M. Lemay) : ...
touche au micro, ça fait que ça faisait du son.
• (11 h 30) •
M. Laplante (Maxime) : Merci.
J'avais oublié ce détail. Donc, vous remarquez que chaque fois qu'on nous a
apporté de nouvelles technologies, que je qualifierais de lourdes, puis ce
n'est surtout pas un <plaidoyer contre la technologie...
>
12 h (version révisée)
< M. Laplante (Maxime) :
Merci. J'avais oublié ce détail. Donc, vous remarquez que chaque fois qu'on
nous a apporté de nouvelles
technologies, que je qualifierais de lourdes...
puis ce n'est surtout pas un >plaidoyer contre la technologie. Exemple,
les tracteurs à quatre routes motrices, oui, j'en ai un pour mes
30 hectares de céréales, je n'ai pas eu le choix. Donc, j'ai un tracteur à
quatre routes motrices. Les grosses moissonneuses-batteuses, les glyphosates,
les insecticides, pesticides de synthèse, les engrais chimiques, toutes ces
nouvelles trouvailles technologiques lourdes ont provoqué un endettement
supplémentaire pour la ferme, augmentation du revenu brut, oui, mais qui n'ont
pas abouti à l'augmentation du revenu net.
Le deuxième tableau que je vous ai
également remis, assez simple également, montre, oui, l'évolution du revenu des
fermes, mais également qu'est-ce que ça donne une fois qu'on ajoute les
subventions. Donc, la courbe du haut, c'est le revenu des fermes, là on parle
de l'échelle canadienne, lorsqu'il y a soutien gouvernemental. Mais si on
enlève le soutien gouvernemental, bien, on aboutit exactement au tableau
précédent, qui est une baisse de revenu net et même qui va dépasser la ligne
rouge. Donc, on se retrouve dans le négatif.
Maintenant, le point suivant, parce que je
vais... bien, je vois que mon temps s'écoule. Donc, quand on parle de
financement, là, je parle de... tout le système incite à la spécialisation, et
je ne l'invente pas. Les données, le document que je vous ai transmis, c'est
tiré directement de la Politique bioalimentaire du Québec, qui nous dit que les
intentions du gouvernement... on ne parle plus d'un objectif de réduction des
pesticides, on parle de la réduction des risques associés à l'emploi des
pesticides. Bon, je ne veux pas caricaturer en disant : Ça veut dire quoi?
Est-ce qu'il faut avoir des gants un peu plus longs quand on l'applique ou un
meilleur masque pour ne pas en respirer? Il peut y avoir un paquet de mesures, mais
le gouvernement a abandonné largement l'objectif de réduire les pesticides. On
maintient la ligne d'exportation.
Je cite également la Politique
bioalimentaire du Québec récente. J'étais au lancement et au bilan et là je
vais faire des soustractions très simples. 2012, le gouvernement, en matière
d'approvisionnement du Québec... ce que le Québec consomme et ce que le Québec
produit, 2012, un déficit de 16 milliards entre ce qu'on produit et ce
qu'on importe. 2014, déficit de 19 milliards. Donc, la dépendance face aux
importations a augmenté. L'objectif de la Politique bioalimentaire est
d'accroître le déficit à 22 milliards d'ici 2025. L'objectif de la
Politique bioalimentaire du Québec est de presque doubler les exportations et
d'accroître notre dépendance face aux importations. Ça, c'est l'objectif.
Donc, tout ce qui s'appelle
spécialisation, monoculture nous entraîne vers une utilisation accrue des
pesticides, et le gouvernement nous enligne directement dans une augmentation
des spécialisations, exportations, donc une demande accrue de pesticides.
Sommes-nous dans la bonne direction? J'en doute.
Le Président (M. Lemay) :
...vous interrompre là-dessus puisque... votre 10 minutes étant déjà
écoulé et que nous étions sur le temps du gouvernement, avant de poursuivre, je
vais demander s'il y a consentement pour poursuivre au-delà de l'heure prévue.
Pas de consentement?
Une voix
: ...
Le Président (M. Lemay) :
Comment? Allez-y.
Mme Lessard-Therrien : Un
point d'ordre. Pouvez-vous nous expliquer, en fait, ce que vous... la démarche.
Le Président (M. Lemay) : En
fait... O.K. La question, c'est... Puisque nous avons débuté les travaux
environ 20 minutes plus tard, donc la question est : Est-ce qu'il y a
consentement pour que nous poursuivions les travaux de 20 minutes, donc,
au-delà de l'heure prévue, ce qui nous amènerait à 13 h 20?
Une voix
: Pas de
consentement.
Le Président (M. Lemay) : Pas
de consentement. Mme Montpetit, allez-y.
Mme Montpetit : Je voudrais
faire un point. Je vous rappelle que l'avis qui a été donné en Chambre
stipulait bien que les travaux débutaient à partir de la fin de la période de
questions pour une 1 h 30 min. On a des consultations qui sont
extrêmement courtes. Normalement, on a des consultations d'une durée d'une
heure par groupe. On a des consultations de 45 minutes. Ça ne laisse
vraiment beaucoup de temps, entre autres, pour les trois groupes de l'opposition.
Moi, je pense qu'on a l'opportunité
d'avoir l'Union paysanne, qui déjà a été invitée à la dernière minute. Ça
nous fait plaisir que vous soyez là. Ce que je vous propose, c'est que, si vous
ne voulez pas consentir, prenez du temps dans l'enveloppe gouvernementale et
préservez le temps des trois oppositions.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Bourget.
M. Campeau : J'allais proposer
qu'on écourte notre temps, justement, et qu'on puisse laisser le temps un petit
peu plus, à ce moment-là, à l'opposition, mais sans dépasser 1 heure, parce
qu'on a plein d'autres choses à partir de 1 heure.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait, merci. Donc, poursuivons. M. le député de Bourget, allez-y avec votre
question.
M. Campeau : Je m'excuse de
bousculer ces choses comme ça. Les bandes riveraines, vous avez parlé de huit
mètres. Je suis très surpris de ça, parce que, quand on a visité une ferme bio,
ils ne nous parlaient pas en particulier d'avoir besoin d'étirer les bandes riveraines
aussi largement. Est-ce que c'est particulier à votre <ferme?
M. Campeau : ...bousculer
ces choses comme ça. Les bandes riveraines, vous avez parlé de huit mètres. Je
suis très surpris de ça, parce que, quand on a visité une ferme bio, ils ne
nous parlaient pas en particulier d'avoir besoin d'étirer les bandes riveraines
aussi largement.
Est-ce que c'est particulier à votre >ferme?
M. Laplante (Maxime) : Ce ne
sont pas des bandes riveraines dont il est question, mais de bandes tampons.
Donc, ce sont des limites de ma ferme par rapport aux autres fermes à côté.
Donc ce n'est pas lié à un cours d'eau. Et même s'il n'y a pas aucun cours
d'eau, il y a juste un piquet de clôture entre les deux, donc la certification
bio m'impose de retrancher huit mètres ou, à la limite, d'avoir une haie
brise-vent que je vais entretenir, mais qui va prendre à peu près les mêmes
proportions.
M. Campeau : Est-ce que ça
veut dire que c'est beaucoup plus difficile d'avoir une plus petite ferme et
que les grandes fermes, c'est moins pire à ce moment-là?
M. Laplante (Maxime) : C'est
un peu mon point de vue, effectivement. Et là je pourrais vous donner des
exemples de coûts supplémentaires. Je vais donner des exemples extrêmement
précis.
Il y a un programme actuellement pour les
engrais verts en couverture hivernale. Bon, c'est 50 $ l'hectare, donc là,
le but, évidemment, c'est qu'il y ait une couverture du sol pendant l'hiver,
objectif tout à fait compréhensible. Mais le montant est donné à l'hectare. Là,
dans mon cas, j'aurais eu trois hectares où je me demandais comment je
vais faire pour les couvrir pour le sol.
Bon, là, trois hectares, à 50 $, avec
toute la paperasse et les tracasseries administratives qui sont liées à ça,
j'en aurais aisément pour une journée, une journée et demie de travail juste
pour remplir la documentation et l'obtenir. Donc, évidemment, pas intéressant, ça
fait que je renonce à ça. Ça fait que je reprends l'exemple qui a été donné
récemment, bon, une subvention, c'est un peu comme un 20 $ qu'on
trouverait sur le sol comme ça. Ça fait que je ne vais pas investir tout ce
temps-là.
La prime à la conversion du bio, même
chose, c'est 100 $ par hectare. Si j'ai juste 30 hectares, bien, ça
ne fait pas beaucoup puis, en plus, avec toute la paperasse qui va avec. Mais
celui qui en aurait 100, bien, évidemment, ça devient plus intéressant.
Donc... et l'ASRA qui nous dit : Si
ce n'est pas au moins 10 hectares, désolé, ce n'est pas assurable. Donc,
les programmes gouvernementaux exigent déjà une surface minimale. Il y a 10 hectares
pour les céréales. C'est valable pour le porc. Quand j'élevais du porc pareil
au pâturage, c'était au moins 300 porcs pour avoir l'assurance, j'en avais
juste 20. Donc, je me retrouvais en concurrence avec des gens qui sont
subventionnés, mais... Je ne sais pas si ça répond un peu à votre question.
M. Campeau : Ça répond bien
sûr à la question, mais ça montre que c'est beaucoup plus difficile d'être une
plus petite ferme qu'une plus grosse ferme. Est-ce que vous avez déjà pensé à
des discussions avec des voisins pour les inciter à devenir bio? Ça éliminerait
le problème des zones tampons. J'imagine que c'est facile comme question, mais
pas facile de mettre en place nécessairement, là, aussi.
M. Laplante (Maxime) : J'ai
fait la démarche, effectivement, mais je n'ai pas réussi à convaincre mes
principaux voisins de renoncer au maïs transgénique. Je plaide... mais j'ai
essayé. J'ai même proposé de lui acheter son produit, mais bon...
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Alors, merci beaucoup, M. le député. Ceci complète la période avec la
partie du gouvernement. Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard pour son intervention.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci d'avoir ajusté votre
horaire pour se joindre à nos consultations. On est très contents de vous avoir
ici.
Première question que j'aurais tendance à
vous poser à la lumière des recommandations que vous avez faites puis à la
lumière de la lecture que vous faites de notre agriculture au Québec : Si
vous aviez une seule recommandation à faire, quelle serait-elle?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Laplante.
M. Laplante (Maxime) : Bon,
une. O.K. Je serais tenté de dire... Je vais citer M.Overbeek qui disait qu'il est
venu ici pour représenter les quelque 10 500 producteurs de grains du
Québec. Je pense qu'il y avait une exagération, je parlerais d'au maximum
10 499. Je ne me sens pas représenté par M. Overbeek. Bon, je ne me sens
représenté non plus par les représentants de l'UPA qui affirment pourtant
représenter tous les producteurs agricoles du Québec.
Il y a une question, au départ, de
représentativité. Les agriculteurs du Québec n'ont même pas le droit de la
liberté d'association. Ça veut dire qu'on continue au Québec, depuis un
demi-siècle, à avoir un discours unique. Et on a vu l'ingérence qui se passe à
l'intérieur du CEROM et à l'intérieur de toute l'infrastructure agricole, que
ce soit sur l'influence auprès de La Financière agricole, les comités
consultatifs des MRC, la CPTAQ, la Régie des marchés agricoles, Valacta sur le
contrôle du lait, Agri-Traçabilité pour les étiquettes dans les bovins. Donc,
l'influence, la cogestion de corporations ou d'intérêts, en plus,
monopolistiques est démesurée.
• (12 h 10) •
Donc, le résultat, il y a un seul
intervenant qui plaide pour l'exportation, plus de subventions, non, les
pesticides, on en a besoin, bien, ça donne ça. Donc, la première mesure serait
effectivement, je me répète sûrement dans mes propos, mais d'ouvrir
la liberté. Comment ça se fait qu'il n'y a pas trois associations agricoles au
Québec? Comme c'est le cas partout ailleurs dans le monde, soit dit en passant.
En Ontario, ils ont trois, quatre associations, au Nouveau-Brunswick aussi,
etc. Donc, plusieurs points de vue amèneraient une diversité et qui se <refléterait.
M. Laplante (Maxime) : ...je
me répète
sûrement dans mes propos, mais d'ouvrir la liberté. Comment ça
se fait qu'il n'y a pas trois
associations agricoles au
Québec? Comme
c'est le cas partout ailleurs dans le monde, soit dit en passant. En
Ontario,
ils ont trois, quatre
associations, au
Nouveau-Brunswick aussi,
etc. Donc,
plusieurs
points de vue amèneraient une diversité et
qui se >refléterait.
La CPTAQ, par exemple, qui continue à
croire qu'en bas de 100 hectares, c'est non rentable, mais c'est un mythe absolument
incroyable. Des fermes de moins de 100 hectares, c'est 99 % des
fermes sur la planète. La CPTAQ qui dit : Ah! on doit préserver
l'homogénéité du territoire. Mais, au contraire, la société civile nous dit :
On veut de la diversité. Et là l'organisme qui gère le territoire nous dit :
Nous autres, on veut que ce soit homogène. Bon, on est mal parti.
La Régie des marchés agricoles qui, sous
la pression de l'UPA, refuse actuellement d'appliquer la Loi de la mise en
marché des produits agricoles au Québec et m'interdit de produire mon poulet
hors quota pour vendre direct aux consommateurs et à mes voisins et clients,
alors que je pourrais avoir besoin du fumier de ces volailles-là pour
fertiliser mes cultures bios en céréales. On m'interdit de le faire et on
importe ces denrées-là à large volume de l'étranger, hors quota, avec
pesticides, etc., en concurrence directe avec mon produit qu'on m'interdit de
faire. Ça fait que c'est une refonte complète, et donc le point d'ancrage
serait d'abord la liberté d'association.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Montpetit : Merci. Juste
pour bien comprendre, pourquoi on vous interdit de le faire, sur le dernier
élément que vous mentionnez?
M. Laplante (Maxime) : Oui. La
Loi sur la mise en marché des produits agricoles, de façon très courte, est
très claire. L'article 63 dit : Toute mise en marché directe, directe au
consommateur n'a pas à être soumise à quelque plan conjoint et quota que ce
soit. C'est la loi, puis c'est appliqué partout ailleurs au Canada, d'ailleurs.
Et la régie, sous la pression de l'UPA et de ses filières, refuse d'appliquer
la loi, donc m'interdit... j'ai droit à 99 poulets. Bien là, on a gagné à
300 poulets, mais ce n'est pas... c'est un peu léger, 100 poules, 24 dindons.
Je ne vais pas faire une entreprise rentable avec 24 dindons, là, ce n'est
pas sérieux, alors que j'aurais la possibilité de faire 2 000 poulets et
de les vendre directement à mes clients.
Ça fait que ça, c'est une entrave majeure.
Ça fait que, si je ne peux pas établir mon revenu de façon diversifiée à la
ferme, oui, je demeure confiné à faire du maraîcher avec importation de
travailleurs étrangers ou à avoir des cultures céréalières de plus grande
surface. Ça fait qu'il y a un lien direct avec la question des pesticides et
des monocultures. Je ne sais pas si je suis plus clair comme ça.
Mme Montpetit : Absolument.
Absolument. Merci beaucoup. Est-ce que... Donc, je comprends, puis on va
recevoir l'UPA plus tard dans la journée aussi. Je serais curieuse de vous
entendre sur toute la question de leur plan vert. Est-ce que je décèle que vous
n'êtes pas convaincu de ce changement de paradigme qui est mis de l'avant?
M. Laplante (Maxime) : J'aime
beaucoup l'euphémisme. Oui, tout à fait. Je considère que, si on analyse
l'ensemble, c'est d'abord une demande de subvention, alors que ce n'est pas ça
qu'on demande. Ce que l'Union paysanne demande, et ce, depuis sa fondation, c'est
un contrat avec le monde agricole. Qu'on se débarrasse tranquillement,
graduellement, d'un système de subvention, qu'on ne le fasse pas du jour au
lendemain, j'en conviens tout à fait.
Présentement, on ne devrait pas, à
l'échelle mondiale, à l'échelle du commerce international... il est de plus en
plus prohibé de faire du soutien au volume de production. Le Canada se trouve
dans une position assez étrange et presque schizophrénique dans ce domaine-là,
alors qu'on aurait intérêt à... Exemple, je vais être, encore là, très concret,
le ministère de la Santé, qui investit auprès des médecins et des hôpitaux, on
s'attend à ce qu'il y ait un service. Quelqu'un qui se casse une jambe, on sait
où aller. Le domaine de l'éducation, etc., la voirie, les ingénieurs civils, on
s'attend à ce qu'il y ait un service rendu pour la société.
On s'attend des agriculteurs... qui
produisent de la bouffe, oui? Bien, ça, c'est le marché qui est supposé payer
ça. On leur demande également de créer de l'emploi, de protéger les ressources,
les cours d'eau, les bandes riveraines, l'écosystème, la diversité, etc., mais
il n'y a aucune rémunération pour ça. Et là, au lieu de donner des subventions
à la clé, à la pièce pour... une année pour des engrais verts, une année pour
des brise-vent, une année pour monoculture de maïs transgénique, bien, pourquoi
ne pas faire un contrat? On veut avoir de la biodiversité, on veut de la
création d'emplois, bien, dans ce cas-là, faisons un contrat, et les fermes qui
se soumettront à ça pourront participer au contrat. C'est l'essentiel du
contrat vert, que j'ai présenté d'ailleurs dans le cadre du mémoire devant la
commission Pronovost.
Donc, c'est un changement complet de
paradigme. Sinon, on s'enlise dans des petites mesures de courtepointe,
patchage, en québécois, où on va avoir subvention pour tant d'hectares sans
pesticides, puis là il va falloir gérer ça. Qui va inspecter? Donc, paperasse
épouvantable. Juste le plan de fertilisation, mais, bon sang, est-ce que j'ai
besoin de ça? Donc, ce sont des outils qui sont coûteux en administration, mais
qui n'atteignent pas la cible. Et ça se mesure. La Suisse le fait depuis 30 ans,
on mesure la biodiversité. Le service des inspecteurs de leur ministère de
l'Agriculture vérifie. Est-ce qu'on a augmenté le nombre d'emplois en agriculture?
On ne se pose même pas la question, on regarde le nombre de fermes disparaître,
<puis...
M. Laplante (Maxime) :
...coûteux en
administration, mais qui n'atteignent pas la cible. Et ça
se mesure. La Suisse le fait depuis 30 ans, on mesure la biodiversité. Le
service des inspecteurs de leur
ministère de l'Agriculture vérifie.
Est-ce
qu'on a augmenté le nombre d'emplois en
agriculture? On ne se pose même
pas la question, on regarde le nombre de fermes disparaître, >puis c'est
presque la voix de Dieu, alors que ça pourrait s'influencer. Donc, on est en
opposition totale avec le plan vert de l'UPA. Qu'on veuille protéger
l'environnement, oui, mais les outils qu'on veut mettre en place sont
radicalement différents.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Laplante. Mme la députée.
Mme Montpetit : Combien il me
reste de temps...
Le Président (M. Lemay) :
Environ 3 min 30 s.
Mme Montpetit : Ah! parfait.
Je profiterais de l'occasion que vous êtes ici pour vous poser une petite
question, parce que j'ai fait une lecture fort intéressante, qui est Le
nouveau monde paysan, de Stéphane Lemardelé, que je conseille vraiment,
vraiment à tout le monde, si vous n'avez pas eu l'occasion de le lire encore,
qui est une bande dessinée documentaire, je vais l'appeler comme ça, qui met de
l'avant, justement, différents paysans... pas paysans, mais différents
agriculteurs qui ont décidé de faire de l'agriculture autrement. Et dans ce
livre-là, justement, ils mettent beaucoup de l'avant différentes entraves à la
production, je veux dire, qui n'est pas traditionnelle, ou qui est
traditionnelle, ou alternative.
M. Laplante (Maxime) :
Paysanne, paysanne. Oui.
Mme Montpetit : Paysanne,
paysanne, d'accord. Et j'ai eu l'occasion, justement, parce que j'ai pris des
vacances à Dunham, et il y en a plein dans cette région-là, et j'ai eu
l'occasion d'en rencontrer plusieurs qui étaient justement présentés dans le
livre. Super intéressant. Mais ce que je voulais vous demander justement :
Si vous aviez à résumer ces entraves-là, justement, pour le bénéfice de notre
commission, si vous en aviez deux, trois, là, qui sont vraiment... vous en avez
nommé quelques-uns, là, mais qui sont un frein, dans le fond, au développement?
Le Président (M. Lemay) : M.
Laplante.
M. Laplante (Maxime) : Le
financement de l'agriculture, premier obstacle. J'en ai fait référence avec
l'ASRA, les subventions au volume de production. Donc, on a un problème de
financement. Quand je regarde la politique bioalimentaire, c'est 14 ou
15 millions, on me corrigera si je ne suis pas tout à fait exact, sur
la gestion des pesticides, 7 millions pour le bio, 100 millions pour
l'exportation du porc. Donc, on a un problème de financement au départ.
On a un problème de formation, les besoins
en transferts technologiques dont M. Robert a parlé. Tous nos centres de
formation ont besoin d'un réalignement, que ce soit l'université, quand j'ai
suivi mon bac, que ce soient les ITA, que ce soient les autres centres de
formation, bon. Donc, on a besoin... J'ai même demandé au ministre Lamontagne,
dans une des dernières rencontres : J'aimerais voir l'apparition d'une
division du MAPAQ qui serait dédiée à la diversification de l'agriculture. Je
suis convaincu qu'au sein du MAPAQ il y a plein de monde qui ont exactement
notre vision, qui sont conscients que la vitalité des régions dépend du nombre
de fermes, de la mise en marché locale et directe. C'est bien beau, avoir des
voeux pieux sur la mise en marché locale, mais si présentement on m'interdit de
le faire... Je n'ai même pas le droit de faire une table champêtre sur ma ferme
parce que c'est considéré comme une nuisance aux activités agricoles. Donc, on
est loin, là.
Ça fait que, quand j'ai mentionné tout à
l'heure que... Je fais quoi avec ma ferme? Je ne peux pas faire table
champêtre, je ne peux pas faire hébergement à la ferme, je ne peux pas faire du
poulet, je ne peux pas faire des oeufs, je ne peux pas faire du lait, je ne
peux pas faire du lapin. J'ai perdu mon droit de produire du lapin après en
avoir fait pendant 35 ans parce que, maintenant, il y a un quota dans le lapin
depuis 2005. Je fais quoi?
Donc, financement, formation et, comme je
le mentionnais, la liberté d'association, de façon à donner une influence à une
alternative auprès des instances, les MRC, la CPTAQ, la Régie des marchés
agricoles, le MAPAQ. Et d'avoir une division dédiée à la diversification de
l'agriculture au sein du MAPAQ m'apparaîtrait un premier pas pour donner un
outil pour laisser de la place à la paysannerie.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée, 15 secondes.
Mme Montpetit : Un gros merci.
C'est très, très clair, et c'est un résumé limpide. Merci beaucoup.
M. Laplante (Maxime) : C'est
moi qui vous remercie.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Sur ce, je cède maintenant la parole au deuxième groupe
d'opposition. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. Merci à vous d'être là. Moi, j'ai un peu envie de parler de
souveraineté alimentaire. Je pense que c'est un concept qui est fondamental
pour le Québec. Vous parlez beaucoup de diversifier notre agriculture, puis je
vais poser ma question beaucoup pour le bénéfice de mes collègues qui sont au
gouvernement, parce que la préoccupation de la réciprocité des prix, de rester
compétitif, l'aspect économique de l'agriculture est sans cesse ramené.
Hier, j'ai aussi questionné M. Overbeek
sur le sujet, et vous semblez dire que la diversification de l'agriculture, ça
peut être une réponse à l'utilisation des pesticides, j'en comprends, parce
qu'on utilise des pesticides pour produire plus puis pour être compétitif sur
nos prix. Donc, si on diversifiait puis qu'on se tournait davantage vers un
marché intérieur pour écouler nos produits diversifiés, on n'aurait pas cet
enjeu-là de concurrence. C'est un peu ce que je comprends.
Le Président (M. Lemay) :
M. Laplante.
• (12 h 20) •
M. Laplante (Maxime) :
<En
partie. Encore là, je vais être concret. Lorsque j'avais ma ferme ultra
diversifiée, là, on parle de bovins de boucherie, vaches laitières pour nos
besoins, porcs, chèvres, moutons, lapins, érablière, bref, je faisais tous mes
travaux, lorsque je faisais des céréales, c'était...
Mme Lessard-Therrien :
...c'est un peu ce que je comprends.
Le Président (M. Lemay) :
M. Laplante.
M. Laplante (Maxime) : >En
partie. Encore là, je vais être concret. Lorsque j'avais ma ferme ultra
diversifiée, là, on parle de bovins de boucherie, vaches laitières pour nos
besoins, porcs, chèvres, moutons, lapins, érablière, bref, je faisais tous mes
travaux, lorsque je faisais des céréales, c'était essentiellement pour nourrir
mes animaux, les poules, là, en particulier. Bon. Je laboure un champ, je vais
le relabourer juste après quatre ou cinq ans parce que je vais semer cinq
plantes en même temps. Donc, c'est diversifié. La première année, je récolte
les céréales en surface, et il me reste le foin ensuite pour trois années
subséquentes de foin pour nourrir mes bovins et il va me rester une année de
pâturage avant de relabourer.
Bon, ça fait que, là, j'ai une production
ultra diversifiée, je n'ai pas besoin de pesticides parce qu'il n'y aura pas
d'infestation majeure puis il y a travail du sol minimal. C'est peut-être un
labour, mais de le labourer aux quatre ou cinq ans, bien, c'est vraiment
minimaliste comme système de travail minimal. Ça fait que je n'ai pas besoin de
ça, puis ma production est diversifiée. Donc, évidemment, le lot de céréales,
il va falloir le refaire sur la même parcelle, puis les animaux se promènent en
rotation sur différents champs. La diversité des animaux fait en sorte que les
mauvaises herbes que les vaches ne mangent pas, comme du bouton d'or, des trucs
comme ça, bien, les chèvres adorent, ou les aubépines que les vaches ne mangent
pas, mais les chèvres trouvent ça délicieux aussi. Ça fait que, finalement, les
mauvaises herbes d'une espèce animale ne sont pas les mêmes que l'autre espèce
va manger. Ça fait qu'à ce moment-là la pression et le besoin en pesticides est
extrêmement limité.
J'aime beaucoup votre aspect de
souveraineté alimentaire. D'ailleurs, c'est l'Union paysanne qui a amené au
Québec le concept de souveraineté alimentaire véhiculé par la Via Campesina, et
la souveraineté alimentaire, pour nous, est à plusieurs niveaux. Elle est
d'abord au niveau de la ferme aussi. D'être souverain, ça veut aussi dire :
Je contrôle mes outils de production. Je parlais tout à l'heure du hors quota.
De faire appliquer la loi, c'est... on ne demande même pas une révolution dans
la loi, on demande juste : Est-ce qu'on peut appliquer la loi et nous
permettre de faire la mise en marché directe? Donc, de permettre une grande
autonomie...
Le Président (M. Lemay) :
M. Laplante, je dois vous interrompre, puisque cette période d'échange
étant terminée. Je cède maintenant la parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Madame, monsieur, bonjour. Écoutez, de la manière que vous parlez, c'est
comme si l'ensemble de la filière agricole était noyautée d'une certaine
manière par l'industrie des pesticides et, un aphorisme, c'est comme si le
modèle agricole était fait pour les pesticides et non pas les pesticides pour
le modèle agricole. C'est juste un constat que j'émets.
J'aimerais vous entendre parler des
externalités négatives et positives du... bon, c'est sûr que du modèle agricole
conventionnel, mais vous nous avez parlé d'un contrat avec le monde agricole.
Donc, est-ce que vous avez une idée des externalités positives pouvant découler
de ce contrat-là?
Le Président (M. Lemay) :
M. Laplante.
M. Roy
: J'ai beaucoup
de questions, là, mais...
M. Laplante (Maxime) : Oui,
oui, je comprends bien, surtout avec votre précision à la suite. Je vais citer,
encore là, un exemple de la Suisse qui, il y a une trentaine d'années, a établi
une sorte de contrat dans ce style-là, ils ont appelé ça des prestations
écologiques requises, à l'époque, et qui prévoyait, d'une part, un minimum de
paperasse.
Bon, en gros, ce qu'ils disent, c'est
qu'on veut une biodiversité, donc on exige de celui qui embarque dans le
contrat... ils ne sont pas contre la grande entreprise spécialisée, ils disent :
C'est juste... le contrat va s'appliquer à ceux qui pensent autrement... au
moins quatre cultures différentes. Le fermier décide. Est-ce qu'il va avoir du
soya, du maïs, du lapin puis des carottes ou du blé puis etc.? Quatre au
minimum. Bon, c'est facile à inspecter. Il veut également qu'il y ait maximum
25 % de sa surface de terre qui soit labourée à tous les ans, donc
couverture du sol. Il décide. Est-ce que c'est de la prairie permanente? Est-ce
que c'est du foin? Est-ce que c'est... peu importe, mais il y a un maximum à
labourer à tous les ans. Lorsqu'on parle de rotation de culture en alternant soya
et maïs, ce sont deux plantes sarclées. Ça fait qu'il reste que l'essentiel du
sol était quand même dénudé en dessous des plans. Il n'y a pas de couvert
végétal à 100 % là-dessous.
Donc, ils vont exiger... si la fortune
personnelle de la personne dépasse 1 million ou quoi que ce soit, donc, on
ne veut pas offrir le contrat à des gens qui n'en auraient pas vraiment besoin.
Il faut qu'il y ait 7 % de la ferme qui soit en territoire qui ne soit pas
labouré ou cultivé sans arrêt, et c'est à la liberté du fermier de décider. Il
y a une pente escarpée, rocheuse sur la ferme, vous dites : Non, ce
coup-là, je ne vais passer le bulldozer là-dedans, ça va être ça mon 7 %.
L'autre, il dit : Bien, moi, c'est une bande boisée. L'autre, c'est une
bande riveraine. L'autre, c'est une haie brise-vent, etc., ou un marais, bon,
et de façon à créer un réseau pour la diversité, pour la biodiversité. Les
insectes, ils ont besoin d'un réseau, pas de 50 kilomètres carrés dans le
Nord puis 300 kilomètres de monoculture entre les deux, là. Ce n'est pas
vrai que les oiseaux, ils vont faire tout ça. Bon.
Ça fait que vous voyez un peu l'esprit, je
ne vous donne pas tous les détails. Une inspection rapide, en l'espace de deux
heures, on sait exactement ce qui en est sur la ferme. Le contrat prévoit...
parfait. Il respecte les objectifs de création d'emplois aussi. C'est un des
critères, il faut qu'il y ait du monde qui travaille sur cette ferme-là, une
demi-unité de main-d'oeuvre, et le contrat prend place. Le résultat...
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, M. Laplante, c'est tout le temps que nous avions.
Mme Renaud, merci beaucoup. Je vous remercie pour votre contribution à nos
travaux.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux représentants du PELI du CLD de <Napierville de
prendre place.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
Le Président (M. Lemay) :
...que nous avions. Mme Renaud,
merci beaucoup,
je vous
remercie pour votre
contribution à nos travaux.
Je suspends les travaux
quelques
instants afin de permettre aux
représentants du PELI du CLD de >Napierville
de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 25)
(Reprise à 12 h 27)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants
du Pôle d'excellence en lutte intégrée du Centre local de développement des
Jardins-de-Napierville, en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter ainsi
que les personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder avec votre
exposé. La parole est à vous.
Pôle d'excellence en lutte intégrée du Centre local
de développement des Jardins-de-Napierville
M. Leclair (Jocelyn) : M. le
Président, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir à la commission. Nous
sommes trois producteurs maraîchers de la région des Jardins-de-Napierville en
Montérégie et nous représentons le pôle d'excellence en lutte intégrée. Je suis
Jocelyn Leclair, président, accompagné de Denys et Jean-Bernard Van Winden et
deux membres du comité directeur, ainsi qu'Isabelle Matteau, à ma droite,
coordonnatrice du pôle, et notre agent de recherche, Nicolas Chatel-Launay.
Le pôle, c'est un réseau d'information
chapeauté par le CLD des Jardins- de-Napierville. Il a été créé en 2012 par un
groupe de producteurs déjà engagés à diminuer l'usage des pesticides en
agriculture. Il est formé d'un comité directeur composé de 11 producteurs
maraîchers et de grandes cultures et d'un comité technique composé de
chercheurs, d'agronomes et de fournisseurs de biens et services. Notre mission,
c'est de créer un environnement propice à l'innovation et au développement
d'alternatives aux pesticides.
Nos actions se divisent en quatre axes. Premièrement,
diffuser et transférer les connaissances de la recherche aux producteurs; deuxièmement,
augmenter le réseautage et la concertation pour générer des occasions
d'affaires et de partenariat; troisièmement, promouvoir les initiatives et les
entreprises qui font de la lutte intégrée; et quatrièmement, influencer les
décideurs pour accélérer le développement d'alternatives aux pesticides.
On est convaincus qu'en choisissant un
message simple et clair, on peut initier des changements de comportement et des
pratiques chez les producteurs et ça permet aussi d'informer les consommateurs
sur ce qu'on fait. C'est pourquoi on vient de lancer la campagne Agrobonsens,
dans laquelle on simplifie la lutte intégrée en trois étapes, soit prévenir,
suivre et guérir. Agrobonsens est un répertoire d'outils alternatifs et d'entreprises
engagés dans la réduction de pesticides.
• (12 h 30) •
Si je devais résumer notre mémoire en
quelques mots, je dirais qu'il faut se donner les moyens de nos ambitions. À
notre avis, c'est difficile d'imaginer une agriculture sans pesticides, tellement
la production agricole est imprévisible et les ennemis nombreux. Par exemple,
en tant que producteurs maraîchers, on fait face à une dizaine d'ennemis
différents pour chaque culture qu'on produit. Sur ma ferme, je fais six légumes
différents, donc beaucoup de défis et de <stress à gérer, sans parler des
attentes élevées des consommateurs...
>
12 h 30 (version révisée)
< M. Leclair (Jocelyn) :
...est imprévisible et les ennemis nombreux.
Par exemple,
en tant
que producteurs maraîchers, on fait face à une dizaine d'ennemis différents
pour chaque culture qu'on produit. Sur ma ferme, je fais six légumes
différents, donc beaucoup de défis et de >stress à gérer, sans parler
des attentes élevées des consommateurs pour des produits parfaits.
On entend souvent que le bio, c'est la
solution. D'abord, il faut savoir que certains types de productions, tailles
d'entreprises et régions se prêtent mieux à une régie biologique que d'autres.
Les défis ne sont tout simplement pas les mêmes. La pression des ennemis
particulièrement maraîchers explique certainement la réticence de plusieurs
d'entre nous à nous lancer en production biologique. Actuellement, notre boîte
à outils ne comporte pas assez d'alternatives efficaces et rentables pour nous
permettre de nous passer des pesticides.
La mouche rose qui est utilisée dans nos
champs ou dans mes champs d'oignons a été développée pour combattre la mouche
de l'oignon, mais il reste à terminer la recherche sur la mouche du chou et à
peu près rien n'est fait sur les mouches des semis. Ensuite, le charançon de la
carotte, qui fait de plus en plus de dommages, les techniques de piégeage
avaient été développées dans les années 80. À cette époque, il n'y avait
qu'une génération par saison. Maintenant, à cause des changements climatiques,
nous avons deux générations par saison, donc plus de difficultés à contrôler la
deuxième génération. Je ne nomme que ceux-là, mais il y a encore beaucoup
d'alternatives à trouver avant d'espérer diminuer ou remplacer les pesticides.
Il n'est pas question ici de minimiser la
dangerosité des pesticides, mais bien de mettre en perspective les risques. Le
grand public s'inquiète, à juste titre, de la présence des effets des
pesticides dans leur santé et l'environnement. On doit non seulement utiliser
moins de pesticides, mais en utiliser de moins dangereux. Et ce n'est pas parce
qu'un produit est d'origine naturelle qu'il est sans danger. Il faut aussi
rappeler que les certifications biologiques nous assurent qu'aucun pesticide de
synthèse n'est utilisé et non pas qu'aucun pesticide n'est permis.
Mais ce que je veux que vous reteniez, c'est
que, peu importe la régie adoptée, le risque, c'est de procéder sans se
questionner comme en utilisant des calendriers de planification
d'interventions. Exemple, la carotte est rendue au stade de feuilles, donc un
producteur applique de façon systématique son insecticide pour ne pas avoir de
dégâts de charançon. C'est pour ça qu'en lutte intégrée, le dépistage, c'est la
base. Sur ma ferme de 310 hectares, il y a environ 60 heures par
semaine de dépistage qui est faite avec la supervision de notre club conseil.
Si tu fais de la lutte intégrée, l'utilisation des pesticides doit se baser sur
des seuils d'intervention. Comme ça, tu les utilises seulement quand le risque
de dommages devient trop élevé.
Nous avons ciblé trois défis qui, à notre
avis, expliquent mieux pourquoi le Québec tarde à favoriser les pratiques
alternatives aux pesticides. Premièrement, la recherche et son financement ne
sont pas suffisants pour favoriser la transition massive vers la lutte intégrée
ni même vers le biologique. Le désengagement de l'État nous a parfois poussés,
nous, producteurs membres de clubs conseil à prendre en charge certaines recherches
pour les faire avancer. Aujourd'hui, des groupes de producteurs s'organisent
dans le développement d'alternatives aux pesticides pour trouver des solutions
à la dégradation des sols ou encore aux effets des changements climatiques, mais
notre rôle devrait être de produire des aliments sains.
Des nouveaux ennemis, des nouvelles
générations d'insectes, des inondations, des sécheresses, ça nous donne
beaucoup de défis à relever. On a donné des exemples dans notre mémoire pour
montrer ce qu'il faut comme investissements pour développer des alternatives
matures et commercialisables au Québec. Vous avez tous entendu parler de la
mouche rose développée par PRISME plus tôt cette semaine. Je ne vous apprends
donc rien en disant qu'il aura fallu un peu plus d'une décennie pour la
développer. On peut tous vous assurer que ça n'aurait probablement pas été
possible sans la persévérance des producteurs et des professionnels du PRISME.
Si on veut voir d'autres techniques de ce genre au Québec, il faut être prêt à
investir dans la recherche et c'est fondamental.
Deuxièmement, le transfert des
connaissances et la diffusion d'informations ne semblent pas suffisants, d'où
l'importance d'un accompagnement agronomique de qualité auprès des producteurs.
Et troisièmement, le risque, c'est nous
qui le prenons. Il faut se rappeler que les entreprises agricoles ont le même
impératif que toute autre entreprise. Elles doivent demeurer rentables.
Si on veut rester compétitifs, on a des
choix à faire. Quand c'est le temps d'intervenir, on est souvent confronté à un
manque d'alternatives efficaces et rentables. Puis comme les protocoles
d'homologation ne sont pas harmonisés avec les États-Unis, ça fait qu'on est
parfois forcés de travailler avec les molécules plus dangereuses pour la santé
et l'environnement, d'autant plus que les consommateurs, quand ils basent leur
décision d'achat sur le prix ou l'apparence, ça nous met une pression
supplémentaire.
Certains producteurs ne voient tout
simplement pas de bénéfice à faire de la lutte intégrée parce qu'il n'y a pas
de reconnaissance avec ça et les incitatifs en place ne sont pas <suffisants...
M. Leclair (Jocelyn) :
...d'autant plus que les consommateurs, quand ils basent leur décision d'achat
sur le prix ou l'apparence, ça nous met une pression supplémentaire.
Certains producteurs ne voient
tout
simplement pas de bénéfice à faire de la lutte intégrée
parce qu'il n'y
a pas de reconnaissance avec ça et les incitatifs en place ne sont pas >suffisants
ou ne suffisent pas à dissiper nos doutes. Puis ils viennent avec leur lot de
restrictions, de plafonds, de conditions et de bureaucratie.
Donc, pour favoriser l'adoption et éviter
l'abandon de pratiques alternatives, les producteurs, on recommande de financer
davantage la recherche, et ce, à long terme, de mettre davantage d'efforts de
recherche dans le secteur maraîcher pour réduire la pression des pesticides,
d'assurer un meilleur financement des clubs conseils pour l'accompagnement
agronomique de qualité, de continuer de mobiliser des ressources financières
exclusivement destinées à la tenue d'activités de transfert de connaissances et
de soutenir les initiatives de promotion et de transfert en place, comme le pôle
d'excellence en lutte intégrée et sa campagne Agrobonsens. Ensuite, réduire les
risques financiers encourus par les producteurs... on recommande, pour chaque
alternative, de documenter et de diffuser les risques financiers liés à leur adoption,
de revoir les programmes de financement en conséquence, de récompenser les
producteurs qui, sans être biologiques, font des efforts pour réduire leur
usage de pesticides, et de promouvoir l'achat local, et de sensibiliser les
consommateurs quant à l'impact de leurs choix.
En conclusion, la mise au point
d'alternatives peut facilement prendre jusqu'à une décennie de recherches. Les
producteurs sont aujourd'hui presque exclusivement responsables de la réduction
des risques liés aux pesticides, alors que c'est toute la société qui demande
des changements. Ne nous laissez pas seuls. La société et, par extension,
l'État doivent participer aux efforts. Bien que plusieurs d'entre nous aient
déjà réduit considérablement nos impacts sur la santé et l'environnement, notre
image est souvent malmenée dans les médias. Ce manque de reconnaissance sociale
envers les producteurs doit être abordé si on veut influencer les pratiques et
les comportements. On a pris sur nos épaules, à de nombreuses reprises, la
recherche, le développement et le transfert des innovations en lutte intégrée.
Le pôle d'excellence en lutte intégrée lui-même est le résultat d'une volonté
des producteurs d'améliorer le transfert des connaissances considéré déficient.
On a aussi pris la responsabilité de
trouver des solutions à la dégradation des sols. Il faut travailler à faire
connaître et reconnaître les initiatives novatrices issues du secteur agricole
dans le but de renforcer la confiance du public à l'égard du travail des
producteurs. Pour avoir plus d'histoires à succès, comme celle de la mouche
rose, il faut, en tant que société, se donner les moyens d'y arriver. Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, M. Leclair. Sur ce, nous allons procéder avec les membres de la
commission. Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice, pour votre question.
Mme Tardif : Merci, M. le
Président. Merci d'être ici aujourd'hui avec nous. Vous avez développé le
répertoire de techniques de lutte intégrée des entreprises engagées dans la
réduction des pesticides. Par contre, vous dites aussi, et vous l'avez écrit,
et vous l'avez répété, qu'il va être difficile d'imaginer... il est difficile
d'imaginer, à l'heure actuelle, de faire une agriculture qui serait exempte de
pesticides parce qu'il y a beaucoup de facteurs qui rendent la production
agricole imprévisible, sujette, donc, aux aléas de la nature, là, et on parle
de climat, changements climatiques, et tout, et même les nouvelles maladies,
les nouveaux insectes qui vont arriver en l'absence de cette panoplie-là
d'alternatives.
Et on parle aussi, dans votre constat, là,
que quand on parle d'agriculture biologique, c'est quand même assez, bien, je
dirais, pas fâchant, mais c'est surprenant de lire qu'un pesticide biologique
n'est pas un pesticide qui est nécessairement bon pour la santé. Alors, on se
place où? Il y avait, entre autres, la roténone, qui a été utilisée pendant de
nombreuses années et qui, là, a été bannie, mais c'était biologique. Comment
faire pour savoir que, si on s'oriente vers le biologique, on ne fait pas une
erreur? Vous vous placez où par rapport à ça? Vous dites : Il faut qu'on
garde les pesticides, il faut qu'on augmente le biologique, mais le
biologique... vous mettez un bémol aussi sur le biologique.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Leclair... Qui va répondre à la question? M. Van Winden, allez-y.
• (12 h 40) •
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Je vais essayer. Premièrement, ce n'est pas parce qu'une molécule est dite
biologique qu'elle n'est pas toxique, donc. Mais, par contre, tous ces
produits-là se doivent d'être homologués par l'Agence de réglementation de la
lutte antiparasitaire et ils doivent subir un paquet de tests, donc, pour... Et
souvent, ils sont moins <toxiques pour l'environnement...
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Je vais essayer. Premièrement, ce n'est pas
parce qu'une molécule est
dite biologique qu'elle n'est pas toxique, donc. Mais, par contre, tous ces
produits-là se doivent d'être homologués par l'Agence de réglementation de la
lutte antiparasitaire et ils doivent subir un paquet de tests, donc, pour... Et
souvent, ils sont moins >toxiques pour l'environnement qu'un pesticide
de synthèse.
Ce qu'on promouvoit beaucoup aussi, à
l'intérieur du pôle d'excellence, c'est une pratique de lutte biologique comme
la mouche rose, par exemple, contre la mouche de l'oignon. Mais on pourrait
étendre ces pratiques-là à un paquet d'autres... exemple, la mouche du chou. La
mouche du chou, on pourrait faire des relâchés de mouches et développer des...
pour faire un contrôle, là, la mouche du chou, et ne pas prendre d'insecticide.
On pourrait le faire pour de la mouche... Par exemple, je pense à tous les
producteurs de petits fruits qui sont pris avec la drosophile tachetée, mais la
drosophile, on pourrait penser à une méthode de contrôle par des relâchés de
mouches ou de drosophiles stériles dans ce cas-ci, et, je pense, ça
fonctionnerait.
Il y a beaucoup d'alternatives qu'on
pourrait faire. Par exemple, on pourrait aller chercher... Il existe des
prédateurs naturels dans la nature, et chacun de ces prédateurs-là, on pourrait
les élever, on pourrait les cultiver pour aider à faire une lutte beaucoup plus
biologique. Je pense, par exemple, au charançon de la carotte. Le charançon de
la carotte, il existe un prédateur, dans la nature, qui est un insecte qui
s'appelle l'aleochara. On pourrait les élever et faire des relâchés dans le
champ pour diminuer les pressions d'insectes.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Tardif : Merci. Vous
voyez plus l'utilisation d'insectes que de produits, là, c'est ce que je
comprends, dans les luttes biologiques.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Bien, avant toute chose, la meilleure des luttes, c'est une lutte biologique, c'est
clair. O.K.? Mais cette lutte biologique là, il faut qu'elle soit adaptée puis
il faut qu'elle soit performante. Elle est performante si, en arrière de nous
autres, on a des équipes de recherche qui nous supportent et pour dire que
cette méthode de lutte là alternative est performante.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Tardif : ...de
privilégier des pesticides avec un indice à risque plus faible, comme vous
l'avez souligné aussi. Le MAPAQ a aussi comme objectif, d'ici 2020... pardon,
2025, 2020 étant très près, de doubler la superficie d'agriculture biologique
au Québec. Est-ce que vous pensez que c'est réaliste? Est-ce que c'est faisable
comme temps de transition pour doubler notre production biologique au Québec?
Le Président (M. Lemay) :
M. Van Winden ou M. Leclair.
M. Leclair (Jocelyn) : Je
ne pense pas que, dans le cas de la production de légumes, ça va être possible
de doubler, à mon avis, surtout si on veut faire une agriculture biologique à
grande échelle. Je pense... c'est pour ça que nous, on prône d'avoir plus
d'outils de lutte intégrée. Mais ce n'est pas parce qu'ils vont doubler les
fermes biologiques qu'il n'y aura pas moins de pesticides qui vont être
étendus.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Je peux répondre aussi.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Van Winden.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Oui. Dans ce contexte-là, c'est parce qu'il faut prendre... moi, sur ma ferme,
là, je cultive 10 légumes différents et chaque légume, on a à peu près
10 problématiques phytosanitaires à respecter. Ça fait qu'en début
d'année, là, à 10 légumes, c'est 100 avertissements phytosanitaires.
C'est 100 problématiques phytosanitaires qu'il faut...
Donc, c'est certain qu'on ne sera pas
capables, demain matin, en mode biologique, de répondre à tout ça, mais par
contre il faut le prendre culture par culture. Puis il y a des secteurs
d'activité, il y a des secteurs où on est capables d'aller plus vite. Je
parlais tout à l'heure de la mouche du chou, par exemple, dans les crucifères,
c'est une mouche qui s'attaque à tous les crucifères, nappa, brocoli, tous les
crucifères, et on pourrait développer ce modèle-là comme on l'a fait dans la
mouche de l'oignon, dans la mouche, et d'ici cinq ans je suis pratiquement
certain qu'on pourrait, bon, dire que tous les choux, au Québec, on pourrait
les traiter avec des relâchers de mouches stériles contre un insecticide, dans
ce cas-ci, qui est le chlorpyriphos.
On pourrait faire la même chose pour un
paquet d'autres... mais il faut prendre les problématiques une par une. Il y a
certaines phytoprotections comme des maladies, par exemple, où c'est plus
compliqué. Les insectes, c'est plus facile que...
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Van Winden. Ceci complète la partie avec le gouvernement.
Je cède maintenant la parole à la députée de Maurice-Richard
pour sa question.
Mme Montpetit : Je vous
remercie beaucoup, M. le Président. Bonjour, messieurs. Sur la discussion qu'on
a, qui est... sur l'échange sur le biologique, peut-être juste se rappeler
aussi que, quand on avait rencontré le MAPAQ, il était venu nous rappeler que
l'objectif de doubler avait été atteint. Dans un premier stade, il y avait eu
une augmentation de 17 % des superficies cultivées en biologique au Québec
dans les dernières années. Donc là, je pense que c'est peut-être un nouvel
objectif qui a été donné, mais je pense qu'on est sur une bonne voie, selon les
chiffres du MAPAQ, là, avec tout l'accompagnement qui a été fait pour les
agriculteurs du Québec.
<J'avais mon collègue qui voulait
poser une
question...
Mme Montpetit :
...biologique au
Québec dans les dernières années. Donc là, je pense que
c'est
peut-être un nouvel
objectif qui a été donné, mais je pense
qu'on est sur une bonne voie, selon les chiffres du MAPAQ, là, avec tout
l'accompagnement qui a été fait pour les agriculteurs du
Québec.
>J'avais mon collègue qui
voulait poser une question puis je vous poserai mes questions après.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Marquette, allez-y.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre.
Vous avez parlé... puis là j'ai retenu quelques phrases. Idéalement, au Québec,
bien entendu, on voudrait avoir un virage complètement naturel parce que ça
vient directement dans nos assiettes, puis on veut protéger la population québécoise.
Cependant, vous avez dit, M. Leclair, que
les produits naturels ne sont pas nécessairement sans danger, et, par la suite,
M. Van Winden a dit : Ce n'est pas parce qu'il est biologique qu'il n'est
pas toxique. Parce qu'actuellement, dans la mentalité des gens, quand on parle
de naturel, quand on parle de biologique, on se dit : Mais il n'y a pas de
problème avec ça, c'est sans danger.
Alors, pouvez-vous un peu élaborer sur ce
que vous avez dit à ce niveau-là?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, allez-y, M. Van Winden.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Juste une petite anecdote. Je ne sais pas moi... on va t'amener dans un boisé,
puis il y a des champignons. Tu vois-tu lequel qui est bon puis lequel qui
n'est pas bon? Lequel on prend, tiens, pour dîner, là? Puis c'est un produit
purement biologique, là. Tu sais, ce n'est pas parce qu'un produit... qu'il est
biologique qu'il n'est pas toxique. Il faut faire attention. Il faut que ce
produit-là suive toute la gamme d'homologation à l'ARLA. Mais c'est vrai qu'il
y a moins de risques pour la santé, pour l'environnement. Ça, c'est vrai.
Mais la notion de... Il faut faire
attention. Je te donne l'exemple des champignons mais...
M. Ciccone :
Non, c'est parfait, mais j'ose espérer que vous ne mettez pas du champignon
dans vos champs, là. Moi, j'avais comme impression que, justement, quand on
choisit un produit naturel ou biologique pour justement contrer aux insectes et
que ce soit vraiment... qu'on puisse remplacer les pesticides, qu'on choisit
quand même un produit qui est quand même assez sain pour les gens, mais ce
n'est pas nécessairement le cas dans votre industrie.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Non. Bien, c'est pour ça qu'on fait... Une pratique courante qu'on met en
place, c'est la pratique de la lutte intégrée. Ce qu'on veut faire, c'est un
dépistage de toutes les cultures.
Moi, sur ma ferme, j'ai 775 acres.
J'ai deux dépisteurs à temps plein. C'est 80 heures de dépistage par
semaine environ, et tous les légumes... toutes les superficies sont dépistées
pour savoir le seuil. Puis quand on a un seuil d'atteint, normalement, là, on
peut faire un traitement puis, avant de faire un traitement, on regarde :
Est-ce qu'on peut faire d'autre chose? Est-ce qu'il y a d'autres méthodes de
lutte qu'on peut prendre?
L'alternative des pesticides reste tout le
temps la dernière, mais on n'a pas le choix. Il faut compétitionner face aux
produits américains qui rentrent. On a une ferme à rentabiliser. Ça aussi, il
ne faut pas l'oublier.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Ciccone :
Vous parlez de rentabilité... parce que c'est là que je veux aller, justement.
M. Leclair, vous avez parlé, justement, de rentabilité. Vous n'êtes pas contre
les produits biologiques. Cependant, est-ce que c'est parce que les produits
biologiques se vendent trop cher ou c'est parce qu'il n'y a pas encore les
produits efficaces pour justement détruire toutes les bestioles qui peuvent
être sur vos fruits et légumes?
Le Président (M. Lemay) : M.
Leclair.
M. Leclair (Jocelyn) : Bien,
il y a deux aspects, je dirais. Il y a les produits qui ne sont pas tous
disponibles, efficaces, mais il y a aussi un enjeu territorial. Dans notre cas,
le bassin de production et le type de sol, je ne pense pas qu'ils permettent à
100 % la transition bio. On cultive, pour la plupart, en sol organique,
donc on va se retrouver avec des problèmes fongiques un peu plus que dans un
sol minéral, que la terre, elle s'assèche plus puis qu'il y a moins de
problèmes. Donc, on a cette contrainte-là à penser aussi si on voudrait faire
une transition bio.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. le député.
M. Ciccone :
Trouvez-vous que la recherche ne va pas assez vite comparativement aux
changements dans votre industrie?
M. Leclair (Jocelyn) : Le
financement ne suit pas la recherche. Je dirais plus ça comme ça. Ici, on est
pour le pôle d'excellence, mais il y a aussi Phytodata puis PRISME, qu'on est
les trois membres, puis la recherche passe souvent par eux autres ou
pratiquement tout le temps. Mais quand il vient le temps de mettre des choses
en priorité, des projets en priorité, le premier frein, c'est le financement.
Sinon, c'est nous, en tant que producteurs, qui ont à le financer à 100 %.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député.
M. Ciccone :
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci. Je vais
peut-être rester, justement, sur la question du financement de la recherche. Je
serais curieuse de vous entendre commenter. On avait M. Louis Robert, qui est
venu mardi, qui soulignait que lui, à son avis, il y avait suffisamment et
amplement de financement au niveau de la recherche pour des pratiques
alternatives. Puis, dans le fond, son propos, c'était de dire, je pense, qu'il
fallait davantage que ces pratiques-là descendent sur le terrain. Donc, c'était
vraiment un enjeu d'accompagnement, d'éducation des agriculteurs.
• (12 h 50) •
<Je serais curieuse de vous entendre
réagir à ça parce que j'ai...
Mme Montpetit : ...pour
des pratiques alternatives. Puis, dans le fond, son propos, c'était de dire,
je
pense, qu'il fallait
davantage que ces pratiques-là descendent sur le
terrain. Donc, c'était
vraiment un enjeu
d'accompagnement,
d'éducation
des
agriculteurs.
>Je serais curieuse de vous
entendre réagir à ça parce que j'ai l'impression que ce que vous soulignez, c'est
que vous souhaitez, vous, davantage de financement au niveau de la recherche
sur des pratiques alternatives.
M. Leclair (Jocelyn) : On
est...
Le Président (M. Lemay) :
Oui. M. Leclair.
M. Leclair (Jocelyn) :
Oui, excusez. On est comme à deux mondes. Qu'est-ce qui se fait en culture
commerciale et les céréales puis ce qui se fait en maraîcher, c'est comme deux
choses différentes. Nous, on a club conseil, on a de l'accompagnement de nos
agronomes dans notre club conseil. En grandes cultures, je pense qu'on voit ça
moins parce qu'ils n'ont pas nécessairement la disponibilité à avoir des
conseillers qui vont sur les fermes, et c'est pour ça que c'est comme deux
choses différentes. Nous, nos clubs conseils et nos conseillers sont au courant
de tout ce qui se passe comme moyens de lutte. Dans le fond, le PRISME fait
déjà le travail de recherche avec Phytodata, donc c'est transmis directement
aux producteurs. En grandes cultures, je pense qu'ils n'ont pas accès à ça
encore. C'est ce qui devrait, selon moi, être fait pour faire avancer un peu
plus la lutte intégrée en grandes cultures.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée. Ah! M. Van Winden, vous voulez rajouter quelque
chose.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Oui. Je pense, c'est clair, dans le secteur de l'horticulture, qu'on a besoin
de plus de R&D. Moi, je ne suis pas d'accord avec le discours de
M. Robert qui... Peut-être dans le secteur des céréales... S'il trouve qu'il
y en a trop, qu'il nous transfère ça en horticulture. On est en manque, tu sais.
Vous donniez... Vous êtes venu sur ma
ferme, vous avez vu des images de capteurs de spores. Dans la culture de
l'oignon, avec la technologie des capteurs de spores, on a diminué de beaucoup l'application
des pesticides, de beaucoup. Mais on pourrait prendre cette même technique de
capteurs de spores puis on pourrait l'appliquer dans la laitue, on pourrait
l'appliquer dans un paquet de maladies dont les spores se promènent dans les
airs, capter ces spores-là puis nous indiquer est-ce qu'il y a besoin de
traitement ou pas. Ça, ça prend de la recherche et développement en arrière Ce
n'est pas à nous, en tant que producteurs, de tout développer ces modèles-là.
Ce sont des modèles scientifiques, basés sur des données scientifiques, qui
nous permettent d'intervenir. Et normalement, c'est des centres de recherche ou
c'est des... c'est des besoins R&D, et les besoins de R&D en
horticulture sont criants.
Ça fait que, s'il y en a trop à des
places, transférez ça, on est capables d'en prendre.
Le Président (M. Lemay) :
M. Van Winden, vos exemples sont très bien imagés et qui nous permettent
de bien comprendre. Merci beaucoup. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Montpetit : Oui. Puis
j'imagine... On a fait référence aussi, avec un autre groupe, à toute la question
de l'impact des changements climatiques sur l'agriculture au Québec, l'évolution
qu'il risque d'y avoir au niveau des prédateurs, au niveau des ravageurs, le
fait qu'il n'y a pas une prévisibilité, à ce niveau-là aussi, sur ce qui va
venir affecter l'agriculture du Québec. J'imagine qu'à cet effet-là il y a
besoin de continuer de faire de la recherche-développement pour être capable de
s'ajuster en temps et lieu au cours des prochaines années aussi, là.
Le Président (M. Lemay) :
M. Leclair. Ah! M. Van Winden.
M. Van Winden (Denys) :
Pour citer comme exemple, on a... Les producteurs ensemble, on a fait une
fondation d'amélioration génétique de la laitue. La laitue que mon père
cultivait en 1950, qu'on appelait la Ithaca, que vous, chez vous, vous achetez
une laitue pommée, aujourd'hui, on n'est plus capable de la cultiver sur nos
terres par rapport aux changements climatiques. Mais les producteurs se sont
pris en mains, et aujourd'hui, avec des croisements génétiques naturels, on a
des variétés de laitue qui sont capables d'être cultivées sur nos terres.
Comme exemple, moi, sur ma ferme, je
cultive environ six à sept sortes de laitue pommée que le consommateur n'est
pas au courant encore. Oui, dans la pomme de terre, vous avez la russet, vous
avez le ci, le ça. Nous, dans les laitues, ça reste tout le temps de la laitue
pommée. Mais j'ai de la laitue de primeur pour le printemps, qui résiste, j'ai
de la laitue pour les grosses chaleurs de l'été, j'ai de la laitue pour des
terres plus épaisses, moins épaisses. Alors, c'est un exemple de recherche que
les producteurs se sont pris en main pour être capables de continuer. Et on est
les plus gros producteurs de laitue sur la côte Est. La compétition, aujourd'hui,
c'est la Californie.
Alors, vous mangez la laitue du Québec
grâce à la recherche qu'on a faite ou vous mangez de la laitue qui a cinq jours
de route dans un camion réfrigéré. Alors, c'est vraiment l'exemple. Il faut absolument
se donner des outils de recherche avec les producteurs, mais ça va dans la
recherche et développement, ça va dans toutes ces choses-là.
Le Président (M. Lemay) :
Très bien. Allez-y.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
On pourrait en donner un paquet d'exemples. Comme Denys parlait de la laitue,
en tant que consommateur, quand vous consommez une laitue, vous ne voulez pas
de pucerons dedans, hein? Vous n'aimez pas ça pantoute. Les pucerons dans la
salade, ce n'est pas bon.
Mais, à la Fondation Laitue, on a pris un engagement,
un contrat avec une compagnie hollandaise, Rijk Zwaan, et on transfère des
croisements naturels pour avoir des laitues complètement résistantes aux
pucerons Nasonovia, qui vont être disponibles d'ici deux ans. Donc, toutes les
laitues qu'on va pouvoir cultiver au Québec, on va avoir un gène de résistance
et toutes les... on peut mettre... on peut mettre des néonics dans la laitue,
mais on n'aura pas besoin de néonics, par exemple.
On n'aura plus besoin de pesticides contre
le puceron, mais, en arrière de ça, il y a des efforts de recherche qui sont nécessaires.
Et, quand on parle d'efforts de recherche, l'appui gouvernemental, c'est
«basic», c'est essentiel. Il ne faut pas juste se fier sur nous autres.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée, environ 10 secondes.
Mme Montpetit : Oui, bien,
juste vous dire, j'en profite pour vous remercier de l'accueil que vous nous
avez fait, quand on s'est rendu sur le terrain. J'ai été, moi, très
impressionnée par les efforts qui ont été faits, justement, pour diminuer l'utilisation
des pesticides. On a pu le voir directement à quel point c'était possible et à
quel point vous avez besoin d'être accompagné en recherche pour pouvoir en
développer, d'autres méthodes, également.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, la
parole est à vous.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous. Je vous remercie encore de la grande chance
que j'ai eue d'avoir pu visiter chacune de vos fermes. Je me sens absolument
privilégiée de vous recevoir aujourd'hui et d'échanger avec tout en toute connaissance
de cause, vous féliciter en même temps pour la prise en charge par le milieu. Ce
que vous avez fait avec le PELI, c'est vraiment chouette et tout ce qui en a
découlé. Je suis devenue une forte ambassadrice de votre initiative.
J'aimerais vous parler de l'aspect
économique parce que c'est quand même quelque chose qui préoccupe beaucoup le gouvernement.
Ça nous préoccupe aussi, dans le mandat d'initiative, de toujours rester
compétitif avec le marché américain beaucoup. Je comprends que vous êtes
vertueux, vous voulez faire en sorte d'améliorer vos pratiques pour l'environnement,
mais j'imagine que vous ne le faites pas à perte non plus.
Donc, comment est-ce que le fait de faire
la lutte intégrée peut être rentable pour vous puis que vous ne perdez pas beaucoup
d'argent avec ça? Juste nous entretenir un peu là-dessus.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Van Winden.
M. Van Winden (Denys) : C'est
souvent par les petites actions, le début, souvent, dans la lutte intégrée.
Alors, le mot «pôle d'excellence», là, quand on assit tout le monde autour de
la même table, là, le fabricant de machinerie, le réseau de dépistage, nos
agronomes, les vendeurs de pesticides, etc., alors, autour d'une table, on est
capables de cibler un problème et d'essayer de trouver une alternative. Alors,
soit petite l'alternative qu'on met en place, mais c'est un grand gain pour
toute l'agriculture du Québec, parce qu'après ça on divulgue... On ne cherche
pas à aller chercher, de faire de l'argent avec ça, c'est plutôt de comprendre,
de dire : Oui, notre régie qu'on fait sur nos fermes, si petite
soit-elle... c'est comme quand je vous montrais sur la ferme qu'on plantait du
cilantro au bord du champ. Tu as dit : Tu cultives du cilantro. Non, je
plante du cilantro pour que les limaces restent dans mon cilantro, puis ils ne
vont pas dans ma laitue, puis ça fonctionne.
Alors, c'est des petites choses qu'on a
trouvées comme ça, mais qu'on multiplie après ça, puis là ça fait boule de
neige...
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée... pour une question complémentaire pour Mme la députée. Il
reste...
Mme Lessard-Therrien : Je
m'excuse, parce que je n'ai vraiment pas beaucoup de temps, mais, tu sais, dans
le fond, moi, c'était vraiment le calcul que vous faites quand vous dites, vous
mettez 60 heures en prévention, quand vous avez investi énormément d'argent au
niveau de la mouche rose. Est-ce que tous ces investissements-là... j'imagine
que c'est parce que c'est une optique qui est à long terme, peut-être que je me
réponds moi-même, mais est-ce que ça fait en sorte que vous revient moins cher
que d'utiliser le pesticide année après année?
Le Président (M. Lemay) : 10 secondes.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
...plus cher qu'utiliser le pesticide, mais on a tout de même une conscience. On
mange ces légumes-là, on fait manger ces légumes-là à tout le monde et on a une
conscience aussi de grande entreprise qui a un très bon nom puis une bonne
notoriété. Quand on mange la laitue Attitude aujourd'hui, on sait que ça vient
du Québec, puis ça a un bon nom, puis ça a une bonne manière d'être cultivée.
Ce n'est pas nécessairement...
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Van Winden. Je dois vous interrompre, je suis sincèrement désolé. Et
je cède la parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M. le
Président. Écoutez, Louis Robert a été jusqu'à dire que les subventions,
c'était comme pas nécessaire en agriculture. Donc, je ne reviendrai pas sur ce
qu'il a dit et votre perception, parce que vous l'avez dit au niveau de la
recherche.
Page 16 de votre mémoire, vous dites :
«...il serait opportun de créer des incitatifs financiers permettant de rétribuer
les actions des producteurs profitant à l'environnement et donc à la société.»
Donc, c'est de bonifier les externalités positives générées par votre pratique.
De quelle manière et combien ça pourrait coûter?
Le Président (M. Lemay) : M.
Van Winden.
• (13 heures) •
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Très rapidement. Si on prend l'exemple de la mouche rose, par exemple, pour un
producteur qui veut embarquer dans une méthode de lutte biologique, un nouveau
producteur, on parle de relâché de 80 000 mouches à l'hectare. Une mouche,
ça vaut 0,0125 $. Ça fait un coût d'environ 1 000 $ l'hectare. Le
pesticide, le chlorpyrifos, 275 $, 200 $ l'hectare.
Le procédé biologique est cinq fois plus
cher. Ça fait qu'au départ, avoir une subvention ou une initiative monétaire
qui encourage le producteur à prendre cette technique-là, c'est essentiel. Et
quand cette technique-là fonctionne... moi, sur ma ferme, ça fait huit ans
qu'on fait des mouches stériles, mais présentement, comme cette année, on va
lâcher 17 000 mouches à l'hectare, mais 17 000 mouches à l'hectare,
c'est à peu près le coût d'un pesticide, c'est à peu près pareil. Ça fait qu'on
prend... Quand tu embarques dans une <nouvelle technique...
>
13 h (version révisée)
< M. Van Winden (Jean-Bernard) :
...cette
technique-là fonctionne... Moi, sur ma ferme, ça fait huit
qu'on fait des mouches stériles, mais présentement, comme cette année, on va
lâcher à 17 000 mouches à l'hectare. Mais 17 000 mouches à l'hectare,
c'est à peu près le coût d'un pesticide. C'est à peu près pareil. ça fait qu'on
prend...
Quand tu embarques dans une >nouvelle
technique qui est beaucoup plus... c'est plus dispendieux, parce qu'il faut que
tu relâches plus, il faut que tu baisses tes populations de mouches naturelles,
il faut que tu en relâches plus. Ça fait que c'est important d'avoir des
initiatives de ce genre-là pour toutes ces nouvelles méthodes de... surtout
quand on parle d'insectes stériles, de relâcher des mouches stériles, tout ça.
C'est des nouvelles techniques...
Le Président (M. Lemay) : M.
le député, pour une question complémentaire.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
C'est certain que c'est plus dispendieux.
M. Roy
: Donc, le
soutien financier que vous demandez serait au début de l'introduction d'une
nouvelle stratégie de lutte aux insectes, aux maladies et non pas... bon, ne
serait pas permanente à un niveau x. Donc, ça s'amortit d'une certaine manière.
M. Van Winden (Jean-Bernard) :
Au début, c'est essentiel.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. Mme Matteau, 20 secondes.
Mme Matteau (Isabelle) : J'ajoute
une réponse dans le sens que certaines techniques, en ayant de l'argent au
début, vont peut-être embarquer, mais s'il n'y a pas d'argent pour l'entretien,
par exemple, un biofiltre, des fois, certaines personnes ne vont pas continuer
à faire la technique. Donc, ce n'est peut-être pas juste au début, mais voir
aussi possiblement pour un entretien.
M. Roy
: Ça dépend de
la stratégie.
Mme Matteau (Isabelle) :
C'est ça, exactement.
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Alors, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux et je
suspends les travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
>
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 2)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'agriculture, des
pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux. Et je
demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre
la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Cet après-midi, nous allons entendre M.
Jean Zigby, Parkinson Québec, M. Jacques Brodeur ainsi que l'Union des
producteurs agricoles.
Alors, je souhaite maintenant la bienvenue
à M. Zigby, en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes pour faire
votre exposé. Vous pouvez vous présenter puis procéder avec votre exposé. La
parole est à vous.
M. Jean Zigby
M. Zigby (Jean) : Merci
beaucoup. Alors, je m'appelle Jean Zigby et j'aimerais tout d'abord remercier
les membres du CAPERN d'avoir permis une discussion sur les pesticides, un
sujet d'une importance énorme en ce qui concerne ses conséquences sur la santé
et sur l'environnement. Je suis médecin de famille et médecin en soins
palliatifs à Montréal, où j'enseigne, je pratique et mène des recherches à
l'Université McGill et à l'Hôpital général juif, et je suis ancien président de
l'Association canadienne des médecins pour l'environnement.
Certains d'entre vous demanderont
peut-être pourquoi un médecin qui s'occupe de personnes en fin de vie est ici
pour vous parler des pesticides. La réponse est simple. Bon nombre des malades
dont j'ai été témoin, et donc meurent tragiquement, sont liés à des expositions
aux pesticides. Ce sont des gens qui sont trop faibles ou qui luttent pour leur
vie pour être ici aujourd'hui, afin de témoigner de leurs souffrances.
Je veux partager avec vous l'histoire de
Bernard, un ancien brillant ingénieur et homme d'affaires tué par la maladie de
Parkinson, une maladie cérébrale tortueuse qui lui a lentement volé la capacité
de bouger, ses souvenirs, et les a remplacés par des hallucinations
terrifiantes et qui l'a transformé en fardeau pour sa famille jusqu'à son
admission à l'hôpital. Lorsqu'il a finalement perdu la capacité d'avaler par
lui-même, après des années de lutte contre cette maladie, nous l'avons soigné
dans notre unité de soins palliatifs pendant que sa femme restait à ses côtés
tous les jours pendant ces semaines, jusqu'à ce que son coeur s'arrête enfin.
Et pendant tout ce temps, à cause de sa maladie, il ne pouvait pas parler ou
même montrer un seul signe d'émotion, même à sa famille la plus dévouée.
Je veux partager avec vous l'histoire de
Cassandra, une jeune fille qui s'est d'abord développée normalement, mais qui a
ensuite perdu la capacité de parler à mesure qu'elle grandissait au-delà de
deux ans, devenant progressivement plus violente, se mordant et <griffant
les autres afin qu'ils ne puissent plus montrer leur affection ou la nettoyer
sans la restreindre physiquement ou chimiquement. J'ai aidé ses parents à...
M. Zigby (Jean) : ...mais
qui a ensuite perdu la capacité de parler à mesure qu'elle grandissait au-delà
de deux ans, devenant progressivement plus violente, se mordant et >griffant
les autres afin qu'ils ne puissent plus montrer leur affection ou la nettoyer
sans la restreindre physiquement ou chimiquement. J'ai aidé ses parents à
s'occuper d'elle, en tant que médecin, pendant des années dans ma pratique jusqu'à
ce qu'ils soient épuisés par les soins tortueux et écrasants de 24 heures
sur sept dont elle avait besoin. Elle n'a jamais retrouvé la capacité de parler
et elle a été placée dans un foyer de groupe spécialisé capable de traiter des
personnes ayant une déficience cognitive et émotionnelle et des personnes
agressives, mais elle a eu besoin de médicaments antipsychotiques depuis lors.
Je veux finalement partager avec vous
l'histoire de Michel, un jeune homme dans la trentaine qui a souffert non
seulement de ce lymphome cancéreux qui a créé des masses dans sa poitrine et
son abdomen comprimant ses poumons jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer et
grugeant ses os et ses nerfs au point où il avait besoin d'énormes doses
d'opiacées pour ne pas crier. Ses jeunes enfants ont grandi en le regardant se
battre, souffrir et mourir, atteint d'une maladie liée aux produits que lui et
sa famille d'origine utilisaient dans leur jardin quand il était plus jeune.
Les questions les plus typiques que l'on
me pose au sujet des pesticides sont : Mais, docteur, comment savez-vous
que les pesticides sont responsables pour cette maladie de Bernard, Cassandra
ou Michel? Ou combien de cas de cancer sont dus à l'utilisation des pesticides?
Malheureusement, pour répondre à ces questions, il faudrait que j'expose
volontairement des gens à ces poisons. Exposeriez-vous votre enfant, votre
femme enceinte ou vous-même à un poison inutile au nom de la science pour
découvrir quelle quantité il vous faudra pour tomber malade en permanence ou
contracter un cancer? Bien sûr que non, et les comités d'éthique et de la
recherche partout dans le monde ne permettraient pas que cela se produise. Nous
n'avons pas le droit de vous empoisonner délibérément au nom de la science ou
même de la santé publique pour répondre à ces questions.
Soyons donc clairs, les pesticides sont
des poisons synthétiques et leur utilité est exactement parce qu'ils sont
toxiques et qu'il serait très mauvais de montrer à quel point ils peuvent être
toxiques pour nous. Nous avons déjà suffisamment de recherches pour démontrer
que, lorsqu'un produit est suffisamment toxique pour être efficace contre
certaines espèces diverses, animales ou végétales, il serait très probablement
toxique soit immédiatement, soit au fil du temps, d'une manière que nous ne
soupçonnerons peut-être pas pour nous ou nos enfants. Pourtant, nous permettons
que ces toxines soient vendues à côté d'appareils ménagers et de malbouffe en
sachant que les gens sont exposés inutilement.
Nous n'avons pas toutes les réponses sur
la façon dont ces produits chimiques affectent notre santé, parce que nous
n'avons jamais mis en place un système surveillant rigoureusement les endroits
où ces centaines de produits différents ont été appliqués.
Maintenant que nous soupçonnons que ces
produits chimiques ont d'importants effets sur la santé grâce à des études
indépendantes, il est malsain et inacceptable que nous attendions que d'autres
études tendent à répondre à quelle fréquence ce produit va-t-il tuer ou
torturer quelqu'un et de combien de façons différentes. À l'heure actuelle,
nous laissons les entreprises commettre ces crimes de hasard sur l'ensemble de
la population.
Nos recommandations fermes sont les
suivantes. Élargir la liste des pesticides visés par la réduction actuelle en
incluant le glyphosate. Il faut aussi assurer que les pesticides reconnus comme
toxiques ne seront pas remplacés par des produits au potentiel de toxicité
existants mais non encore démontré, ce qui était le cas avec l'atrazine et le
glyphosate.
Deux, interdire dès maintenant des
pesticides les plus dangereux comme le chlorpyrifos.
Par ailleurs, la révision systématique des
pesticides à interdire devrait se faire régulièrement, aux deux ou trois ans,
et pas aux 15 ans.
Instaurer un registre obligatoire et
public de l'utilisation des pesticides au Québec comme le font d'autres
juridictions dans le monde. Ce registre doit obligatoirement compiler non
seulement les ingrédients actifs, mais aussi les formulations précises de tous
les composants chimiques présents car leur toxicité est parfois pire que celle
des composants dits actifs.
Quatre, favoriser la transition vers
l'utilisation d'une agriculture intégrée biologique sans pesticides de synthèse
non essentiels avec un soutien financier aux agriculteurs et agricultrices
intéressés.
• (15 h 10) •
Cinq, rendre obligatoire auprès des
agronomes par le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les
changements climatiques, une approche visant des pratiques de lutte <intégrée
avec...
M. Zigby (Jean) : ...de
synthèse non essentiels, avec un soutien financier aux
agriculteurs et
agricultrices intéressés.
Cinq,
rendre
obligatoire auprès des agronomes par le
ministère de l'Environnement et
Lutte contre les changements climatiques, une approche visant des pratiques de
lutte >intégrée avec l'utilisation des pesticides de synthèse en dernier
recours.
Établir une législation obligeant l'indépendance
des agronomes face à l'industrie et protégeant les agronomes qui dénoncent les
pratiques illégales ou éthiquement non acceptables.
Sept,effectuer
un suivi épidémiologique au long cours des personnes les plus exposées aux
pesticides de synthèse, par exemple, via l'INSPQ.
Huit, instaurer des programmes de
recherche totalement indépendants de l'industrie et portant sur les risques
pour la santé humaine, animale et sur l'environnement, associés aux pesticides
de synthèse, avec un financement adéquat pour plusieurs années.
Il faut comprendre que les impacts vont
pour plusieurs générations, et, si on n'a pas un financement très long, on ne
va jamais atteindre les réponses qu'on veut et s'assurer que le MAPAQ se
réengage dans le transfert des connaissances et les services-conseils auprès du
milieu agricole.
Nous ne pouvons pas ramener votre
grossesse, votre fertilité, votre mémoire, le potentiel intellectuel perdu de
votre fils, votre capacité respiratoire ou votre être cher qui est mort du
cancer. Mais aujourd'hui, nous pouvons protéger les prochains en adoptant les
lois et des règlements pour limiter considérablement les ventes et
l'utilisation des pesticides synthétiques au Québec. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, M. Zigby, pour votre exposé. Sur ce, nous allons débuter la
période d'échange avec les membres de la commission, et je vais céder la parole
au député de Bourget.
M. Campeau : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Zigby.
Évidemment, on ne peut pas rester insensible
à ce que vous avez mentionné, une personne qui était atteinte de maladie de
Parkinson, un jeune enfant qui souffrait de déficiences cognitives importantes
ou une autre personne qui avait un lymphome. Et c'est plate, parce que j'ai
l'impression, des fois, mes questions peuvent avoir l'air comme... même
sans-coeur, alors que je ne voudrais donc pas que ça ait l'air de ça.
Qu'est-ce qui vous a amené à croire que
ces gens-là en particulier, ce qu'ils ont eu... il y en a eu d'autres
personnes qui ont eu des lymphomes qui ne sont peut-être pas reliés à des
pesticides. Qu'est-ce qui vous a amené à croire que c'était ça?
Le Président (M. Lemay) : M.
Zigby.
M. Zigby (Jean) : Ce n'est pas
le fait qu'on peut avoir une idée certaine que ces personnes en particulier ont
eu une maladie qui est nécessairement due aux pesticides. C'est que ce sont des
représentants de ces types de maladies où on questionne c'est quoi la cause.
On dit : On ne sait pas la cause,
mais, en fait, on a beaucoup des études qui montrent qu'il y a plusieurs
associations, comme pour les pesticides, qui causent ces maladies. Et c'est
pour ces raisons-là que toutes ces maladies qui, on pourrait dire, sont des
maladies «orphan», en anglais, orphelines, des causes sont en effet dues à une
grande proportion aux expositions dans l'environnement. Et un des facteurs les
plus recherchés, c'est les associations de ces maladies avec les pesticides.
Alors, il ne faut pas cacher la tête en se
disant : On ne sait pas du tout, c'est quoi la cause, quand on a des
grandes suspicions qui sont liées aux pesticides.
M. Campeau : O.K. Donc, si je
prends un exemple, le monsieur qui a souffert de la maladie de Parkinson, vous ne
me dites pas que cet individu-là a eu un problème relié aux pesticides, mais
vous vous êtes servi de ça comme d'un exemple, à ce moment-là. O.K., ce qui est
tout aussi bon. Donc, on en vient à un principe de précaution.
O.K. L'autre chose que vous avez
mentionnée, c'est... Vous n'avez pas mentionné spécifiquement l'ARLA, mais
quand vous parlez d'homologation, quels sont vos commentaires sur l'ARLA comme
telle, là?
M. Zigby (Jean) : Je respecte
énormément leur expertise. Je trouve qu'ils ont un fardeau énorme pour leur
financement. Ils ne sont pas financés et ils n'ont pas les outils nécessaires
pour regarder suffisamment l'évidence qui est indépendante et souvent ils ne
regardent pas l'évidence indépendante récente pour développer leurs
conclusions. Alors, ils ont des règles très strictes, puis je peux comprendre
pourquoi, pour donner ou non l'homologation de certains produits.
Malheureusement, je ne trouve pas
l'inclusivité de leurs processus consistante avec le niveau d'évidence qu'on a
aujourd'hui. <Et tout ça pour dire que l'ARLA pourrait être plus ouverte
aux recherches indépendantes et de regarder plus profondément quand il y a...
M. Zigby (Jean) : ...je ne
trouve pas l'inclusivité de leurs
processus consistante avec le niveau
d'évidence qu'on a
aujourd'hui. >Et tout ça pour dire que l'ARLA
pourrait être plus ouverte aux recherches indépendantes, et de regarder plus
profondément quand il y a des inquiétudes en particulier. Ça veut dire, quand il
y a des mécanismes de... certaines chimiques qui sont liés à un système
physiologique comme la neurologie, de faire... de demander des études beaucoup
plus poussées à ce niveau et sur plusieurs générations. Les études qui sont
demandées par l'ARLA présentement ne suffisent pas pour nous satisfaire en
termes... comme médecins, pour développer un système rigoureux et sécuritaire
pour la population.
Tout ça pour dire qu'il faut, numéro un,
regarder l'impact de ces chimiques sur plusieurs générations; deux, les combinaisons
de ces chimiques; trois, les produits en complet et pas seulement les
ingrédients actifs. Et il faut regarder ça dans un environnement réel. Il ne
faut pas penser qu'une étiquette va actuellement protéger la population contre les
impacts des pesticides ou des toxines en général. Alors, ma réponse, c'est que
je trouve qu'il y a des très formidables chercheurs dans l'ARLA, mais que leur
mandat, malheureusement, est trop restreint.
Le Président (M. Lemay) :
...M. Zigby. M. le député.
M. Campeau : On a souvent
parlé, durant le mandat, de l'indépendance de la recherche, mais définitivement
vous le faites mieux que quiconque, à ce moment-là, là. Le message passe encore
beaucoup mieux de cette façon-là.
Quand vous parlez du long terme... En
terminant, dernière question, quand vous parlez du long terme, vous parlez de
générations? On ferait des études qui seraient pour plus que 10 ans, même
encore plus que ça? Parce que jusqu'à maintenant les gens qui sont venus nous
voir, je crois, sauf erreur, on a parlé d'études sur une dizaine d'années mais
non pas sur des générations, pas encore.
M. Zigby (Jean) : La
problématique avec l'exposition aux pesticides, c'est que ce n'est pas nécessairement
seulement vous qui va avoir les répercussions de ces chimiques. On sait, par
les études indépendantes, que ça peut avoir des effets sur les enfants des gens
qui ont été exposés puis que ça peut avoir des impacts même jusqu'aux
petits-enfants des animaux qui ont été exposés.
Alors, la problématique, c'est que, numéro
un, beaucoup de ces produits, malheureusement, restent dans l'environnement
pendant des dizaines et des centaines d'années, dans le sol, dans les courants
d'eau, etc., ça reste dans nos maisons pendant des dizaines d'années, et que
les impacts, malheureusement, ne sont pas nécessairement seulement sentis par
l'individu mais dans leur enfant aussi et peut-être leurs petits-enfants.
Alors, tout ça pour dire qu'on est en
train de vivre encore les impacts des pesticides qui ont été interdits il y a
20 ans, 30 ans, et que, si on continue à retarder à limiter les
expositions aux pesticides, on accumule tous ces effets de santé avec le temps.
Le Président (M. Lemay) :
...M. Zigby. Sur ce, je cède la parole au député de Dubuc.
M. Tremblay : Bonjour,
monsieur.
M. Zigby (Jean) : Bonjour.
M. Tremblay : Merci pour la
contribution, vos recommandations. J'avoue que c'est plutôt percutant.
D'entrée, vous signifiez que vous vous
penchez... que l'association se penche sur des dossiers que vous jugez importants.
Vous faites allusion aussi à des activités dans d'autres domaines,
sensibilisation, éducation. Avez-vous travaillé sur des dossiers précis qui
démontrent aussi des interrelations entre différents domaines? Pourriez-vous
élaborer davantage sur...
M. Zigby (Jean) : Le rôle de
notre organisation, c'est, en fait, de prendre la recherche, et les études, et
les travaux des chercheurs et des organisations comme les organisations de
santé publique et de les amener plus proches aux décideurs... cette information
vers les décideurs et vers les autres professionnels de la santé et vers le
public.
Notre rôle, c'est vraiment de prendre les
histoires de nos patients mais aussi de la vie de nos communautés puis de faire
les connexions entre ça puis les expositions et les dégradations de
l'environnement. Notre rôle n'est pas spécifique au patient individuel. C'est vraiment
d'essayer de rendre la santé humaine plus élevée en protégeant l'environnement.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député de Dubuc, vous vouliez rajouter une question complémentaire?
M. Tremblay : M. Tremblay.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député de Dubuc.
• (15 h 20) •
M. Tremblay : Oui. Merci, M.
le Président, de le préciser. <Dites-moi...
Le Président (M. Lemay) :
M. le député de Dubuc, vous vouliez rajouter une
question
complémentaire?
M. Tremblay :
M. Tremblay.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député de Dubuc.
M. Tremblay :
Oui.
Merci, M. le Président, de le préciser. >Dites-moi... j'entendais
un ton plus nuancé, tout à l'heure, quand vous parlez de l'ARLA. Vous affirmez
dans le mémoire que l'ARLA se base beaucoup sur des recherches payées par l'industrie
puis vous faites allusion à des conflits d'intérêts évidents.
Pourriez-vous donner des exemples, peut-être,
plus concrets puis nous dire si c'est au gouvernement du Québec d'agir?
M. Zigby (Jean) : Oui. C'est
un peu la façon systémique de l'organisation de l'ARLA. Ça veut dire que, quand
on veut avoir une chimique homologuée, une compagnie, il faut qu'ils soumettent
beaucoup de recherches de leur part pour donner la preuve que, d'après les
règles du jeu de l'ARLA, que ces produits-là sont sécuritaires pour la population.
Ça veut dire que l'ARLA ne fait pas nécessairement des études indépendantes sur
les produits eux-mêmes mais que c'est les compagnies qui fournissent, de base,
la majorité de l'information. Après ça, c'est à l'ARLA de décider s'ils vont demander
encore plus d'études plus poussées aux compagnies et de décider s'ils pensent
que l'information est suffisante. Il y a quand même énormément de dossiers qu'il
faut traiter à l'ARLA et il y a une pression une pression pour les faire.
En regardant l'expérience en médecine avec
des compagnies de chimique, c'est certain que vous allez toujours recevoir des
informations biaisées quand vous demandez quelqu'un de produire d'information
sur leurs produits qui vont leur coûter, s'il y a une décision négative là-dessus.
Alors, il y a un conflit d'intérêts flagrant, si on ne base pas nos décisions
sur, au même temps, les études indépendantes que les informations qui sont
données par l'industrie. Qu'est-ce qui est très choquant, c'est quand on
voit que la grande majorité d'évidences indépendantes n'est pas prise en compte
pendant les périodes d'homologation et que les études par les industries, même
si elles sont très vieilles et démodées en termes de types, sont encore
utilisées pour faire leurs décisions. Ça veut dire que l'homologation de
glyphosate a pris compte des études qui ont de 20 ans à 30 ans d'âge,
ce qui n'est plus le cas maintenant. Notre environnement change, la santé
humaine change, la prédisposition de tout le système change, mais on base encore
nos décisions souvent sur des informations très vieilles et on ne prend pas en
compte les meilleures informations indépendantes qu'on a aujourd'hui. Alors,
ça, pour nous, c'est une problématique qu'il faut quand même compenser.
Le Président (M. Lemay) :
...commentaire. Je vais maintenant céder la parole au député de Lac-Saint-Jean
pour sa question.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci, M. Zigby, de votre présence et de votre
présentation de votre mémoire. Et je reconnais en vous quelqu'un qui s'est
occupé de personnes, donc je vous félicite. Et vous parlez de parkinson. Je
connais ça un petit peu, là, pour avoir quelqu'un dans ma famille...
Bon, on a parlé beaucoup au niveau... Vous
parlez du glyphosate, mais aussi il y a ce qui ressort aussi au niveau des
néonicotinoïdes ainsi que l'atrazine, et on sait que c'est un enjeu aussi. Je
voudrais vous entendre à ce niveau-là.
M. Zigby (Jean) : Je
voulais sortir un tout petit peu de cette idée qu'une chimique est vraiment
celle qui est responsable pour tous les problèmes. On parle des exemples comme
le glyphosate à cause du fait que le glyphosate, c'est l'herbicide qui est le
plus vendu au Québec présentement, qui représente lui-même, des produits de
base de glyphosate, plus que deux tiers des ventes des pesticides ici, au
Québec.
Mais la réalité, c'est qu'on a énormément
de produits toxiques qui sont vendus, par exemple, le chlorpyrifos, où on a des
études pendant des dizaines d'années de leur toxicité, et de la problématique,
et comment ça peut engendrer des problèmes neurologiques dans les gens, jeunes
et vieux.
Alors, je ne voulais pas mettre un doigt
sur une chimique en particulier, mais de parler de tous ces groupes de
chimiques toxiques qu'on essaie d'utiliser pour protéger notre système
agroalimentaire. O.K. Mais est-ce qu'on utilise ça un peu trop? D'après nous,
la réponse est oui.
Le Président (M. Lemay) :
<Le député de Lac-Saint-Jean a une nouvelle question. Allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. Vous savez...
M. Zigby (Jean) : ...de
chimique toxique qu'on essaie d'utiliser pour protéger notre
système
agroalimentaire.
O.K. Mais est-ce qu'on utilise ça un peu trop? D'après nous, la réponse,
c'est oui.
Le Président (M. Lemay) : >Le
député de Lac-Saint-Jean a une nouvelle question. Allez-y.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui. Vous savez aussi quand même qu'on a vu venir l'association, entre autres,
des producteurs maraîchers, on a vu aussi au niveau du CLD de Napierville, l'organisation
de la lutte intégrée, qui travaillent beaucoup, qui sont énormément conscients,
là, de l'impact et qui... il y a des mesures aussi qui sont prises par le ministère
de l'Agriculture au niveau de la réduction des pesticides. Il y a des choses qui
se font, de l'innovation. Vous parlez qu'il faut mettre de plus en plus de
mesures, mais il y a quand même des choses, des choses intéressantes qu'on a
entendues, durant cette commission, de la lutte intégrée, entre autres.
Avez-vous un petit peu été loin à ce niveau-là?
M. Zigby (Jean) : J'ai beaucoup
d'espoir. La réalité, c'est que, d'après moi, je vois énormément de réponses à
cette nécessité de protéger notre agriculture contre les pestes. Ce n'est pas
que je veux voir, d'ici demain, une élimination complète des pesticides. Qu'est-ce
que je veux voir, c'est une vraie approche de réduction de l'utilisation
inutile des pesticides en regardant les approches qui sont déjà en évidence
partout dans le monde et ici, au Québec.
On a énormément de façons de produire des
aliments sans utiliser des pesticides, si on choisit de les utiliser, mais la
problématique, c'est quand on garde des incitatifs financiers pour des
compagnies de chimiques et aussi on encourage encore, directement et indirectement,
les fermiers de continuer dans la même direction. Et on ne les protège pas, nos
fermiers, contre les abus des compagnies de chimiques et on ne les aide pas à
faire la transition vers une utilisation moins intense en pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Zigby. Sur ce, je cède maintenant la parole à l'opposition officielle
et la députée de Maurice-Richard. La parole est à vous.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, M. le Président. Bonjour, Dr. Zigby. Contente de vous revoir. Merci
d'être là avec nous aujourd'hui.
Je ne sais pas si vous l'avez mentionné d'entrée
de jeu, mais vous avez été président aussi de l'Association canadienne des
médecins en environnement, donc je pense que c'est extrêmement pertinent que
vous soyez là, que vous ajoutez à nos discussions sur tout le facteur sanitaire
et toxicologique notamment.
Je voulais revenir à la question du
parkinson, puis c'est des questions... je ne sais pas si vous avez suivi nos
travaux des derniers jours, mais c'est des questions que j'ai posées aux
différents chercheurs qui sont venus, mais je trouvais ça intéressant d'avoir
un médecin aussi pour y répondre. Mais notamment, dans le cas du parkinson, on
sait justement que c'est une maladie qui a été reconnue... c'est une
maladie professionnelle, en France, depuis, si je ne me trompe pas, 1992,
début des années 90, pour les agriculteurs qui ont été en contact, pendant plus
de cinq ans, avec, justement, différents pesticides.
Est-ce qu'à la lumière de la littérature,
à la lumière de vos connaissances sur ce sujet-là, est-ce que les liens, à
votre avis, sont assez robustes pour établir des liens très clairs entre la
maladie de Parkinson et le travail d'agriculteur? Et est-ce qu'on devrait
justement, dans nos réflexions, comme commission, envisager de reconnaître le
parkinson comme maladie professionnelle?
M. Zigby (Jean) : D'après moi,
oui. Tout simplement, je sais qu'il va toujours y avoir une certaine inconnue
dans les évidences, mais, comme on a expliqué avant, sans exposer les gens
volontairement aux produits toxiques à répétition pour voir exactement jusqu'à
quel point ça produit le parkinson, les associations sont assez fortes, sont
les plus fortes que ce qu'on voit pour n'importe quelle autre cause pour le
parkinson.
Alors, il y a eu des milliers d'études sur
le parkinson, puis les associations avec les pesticides sont parmi les plus
robustes dans la littérature. Alors, si on veut attaquer quelque chose avec un
processus préventif et de compenser les gens pour, malheureusement, des
expositions aux produits toxiques, c'est certain que je mettrais le parkinson
dans ces genres-là.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
• (15 h 30) •
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Une question aussi que j'ai eu l'occasion de poser aux différents
chercheurs... puis d'un point de vue médical, j'aimerais ça aussi avoir votre
avis là-dessus, sur toute la question de l'accès aux données. On a eu plusieurs
échanges, notamment avec la chercheure Maryse Bouchard, sur le sujet hier, avec
les chercheurs de l'INSPQ également, de l'INRS aussi, sur le fait qu'en ce
moment il n'y a pas de transparence, dans le fond, au niveau des différentes données
sur l'utilisation des pesticides au Québec.
Donc, est-ce qu'on <gagnerait, dans
le fond...
>
15 h 30 (version révisée)
<15369
Mme
Montpetit : ...Maryse Bouchard sur le sujet, hier, avec les chercheurs
de l'INSPQ
également, de l'INRS aussi, sur le fait qu'en ce moment il
n'y a pas de transparence, dans le fond, au niveau des différentes données sur
l'utilisation des pesticides au Québec.
Donc, est-ce qu'on >gagnerait,
dans le fond, de votre point de vue, à avoir un registre ou à rendre disponible
et accessible, de façon complètement transparente, quel type de pesticide est
utilisé et à quel endroit, surtout, pour pouvoir justement cartographier s'il y
a des liens de causalité à établir avec certaines maladies? Est-ce que d'un
point de vue santé ou d'un point de vue santé environnementale, d'un point de
vue médical, pour vous, ce serait un atout?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : D'après moi,
c'est essentiel. Je vois ça comme une tragédie historique qu'on ait décidé de
laisser des produits toxiques être utilisés dans notre communauté sans les
suivre, malgré le fait qu'on sait que ça peut être propagé ailleurs puis ça
peut rester dans notre environnement pendant des décennies, si ce n'est pas des
centaines d'années.
Alors, je trouve que, dès maintenant,
c'est essentiel. Avec le niveau d'évidence qu'on a en avant de nous
aujourd'hui, c'est essentiel qu'on prenne responsabilité pour le présent et
pour l'avenir en commençant un registre complet de toutes les applications qui
sont utilisées, mais aussi des ventes des pesticides dans une façon plus
robuste. Alors, ma réponse est que cette information est essentielle si on veut
continuer de suivre les effets encore inconnus des pesticides.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Montpetit : Vous avez
référé à plusieurs reprises au principe de précaution. Est-ce que votre
lecture, c'est... Puis j'ai bien compris que vous ne parliez pas d'abolition
complète, d'interdiction complète, mais bien de faire une transition vers une
utilisation moindre ou des pesticides à moins haut risque. Est-ce que votre
lecture, c'est... Est-ce que vous faites un parallèle un peu avec toute la
question du plomb, à savoir, justement, en santé environnementale, qu'il ne
faudrait pas attendre d'avoir des confirmations complètes et totales avant de
prendre des décisions au niveau de nos politiques publiques?
Le Président (M. Lemay) : M.
Zigby.
M. Zigby (Jean) : On a des
centaines, des milles de chimiques qu'on soupçonne qui sont toxiques dans
l'environnement, qu'on utilise dans des façons très, très abondantes
aujourd'hui. Une des problématiques, c'est qu'on ne peut pas tous les
investiguer d'une façon robuste avant d'appliquer le principe de précaution
pour protéger la santé humaine. C'est seulement trop complexe. Et je suis
d'accord qu'on ne peut pas actuellement attendre avant de concrétiser des lois
qui demandent une réduction importante, systématique de l'utilisation de tous
les pesticides et, oui, un bannissement de certains pesticides, sauf dans des
cas urgents, pour essayer de protéger la santé humaine de la population.
Et il faut dire que, même si on bannit
tous les pesticides aujourd'hui, on reste avec notre «legacy» d'effets de ces
pesticides pendant encore des générations. Alors, il faut quand même qu'on ait
des cibles très concrètes pour réduire les applications et les expositions. On
a eu un très bon mémoire par nos collègues en santé publique, pour cette
commission, où ils parlent de la construction des tables de concertation
interdisciplinaires, qui est formidable. Mais la réalité, c'est que, si, dans
la loi et dans les réglementations, on ne cible pas une réduction concrète,
avec des pénalités très importantes, si elles ne sont pas suivies, n'importe
quelle règle va se terminer comme toutes les autres politiques qu'on a passées
dans les derniers 20 ans, sans arrêter les pesticides accumulés.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Merci. Sur un
autre sujet, vous n'êtes pas sans savoir que... Je pense que vous enseignez,
hein, si je ne me trompe pas. C'est ça. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a
assez peu, pour ne pas dire pas de formation des médecins en santé
environnementale, très peu chez les médecins de famille. La plupart des
facultés, souvent, c'est un cours qui est optionnel, même chose chez les
médecins spécialistes aussi.
Est-ce qu'on ne gagnerait pas, justement,
à avoir une formation, à intégrer ce genre de formation dans les facultés de
médecine du Québec, si ce n'est que pour faire de la prévention, ou pour faire
de l'intervention, ou pour détecter des maladies en lien avec des facteurs
environnementaux?
Le Président (M. Lemay) :
<M.
Zigby.
M. Zigby (Jean) : En
effet...
Mme Montpetit : E
st-ce
qu'on ne gagnerait,
justement, à avoir une
formation, à intégrer
ce genre de
formation dans les facultés de médecine du
Québec si
ce n'est que pour faire de la prévention, ou pour faire de
l'intervention,
ou pour détecter des maladies en lien avec des facteurs environnementaux?
Le Président (M. Lemay) :
>M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : En
effet, ça aiderait beaucoup d'avoir plus d'information sur la toxicologie environnementale,
mais je vais vous dire très franchement que les médecins ne sont pas la cible nécessaire
pour changer cette situation. Malheureusement, quand les maladies sont en avant
d'un médecin, c'est trop tard. Ça veut dire que beaucoup des maladies qui sont
associées avec les expositions aux pesticides n'ont pas de traitement efficace,
sont terminales, chroniques, dégénératives. Et, même quand on a un traitement,
le traitement est très, très, très difficile à subir comme les traitements pour
le cancer.
Alors, c'est important de dire : Oui,
c'est très important de sensibiliser les médecins autour des problématiques
environnementales en général, incluant la toxicité environnementale, mais il
faut comprendre qu'on ne peut pas protéger les gens avec les médecins. Les
médecins ne peuvent pas vous protéger contre vos expositions aux pesticides. Ça
va seulement être la restriction de l'utilisation des pesticides qui pourrait
vous protéger.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Parfait.
Bien, je vous remercie puis je prendrais peut-être juste les dernières
secondes... C'est ça, je pense qu'on gagnerait certainement d'un point de vue
plus large, au niveau de la santé environnementale, à avoir une meilleure
formation sur l'ensemble de l'impact des facteurs environnementaux, qui sont
multiples, hein, comme vous dites. Les différents produits toxiques, les
parabens, les phtalates, et tout ça, il y en a plusieurs avec lesquels on ne
connaît pas encore les impacts sur la santé. Mais je comprends bien ce que vous
nous dites qu'au niveau des pesticides, c'est en amont qu'il faut travailler et
non pas en aval. Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. Donc, je cède... ceci complète la période d'échange avec
l'opposition officielle. Et maintenant nous écoutons celle du deuxième groupe
d'opposition, et je cède la parole à Mme la députée de
Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Zigby.
Moi, je me demandais... vous êtes
essentiellement basé à Montréal. Je me demandais, c'est quoi les liens que vous
avez avec les médecins qui oeuvrent en région, dans les régions qui sont plus
rurales? En fait, est-ce que vous partagez des observations de patients sur le
terrain? Est-ce que vous faites la compilation de données un peu par rapport à
ça?
M. Zigby (Jean) : Merci.
La réponse est non, on ne fait pas officiellement la compilation de ces
données. Ça, on travaille très proche et étroitement avec des gens en santé
publique. On discute avec eux, on demande leurs avis, et c'est certain que
leurs avis sont parmi les plus scientifiques et les plus conservateurs qu'on
voie, et ils nous donnent vraiment leur opinion juste.
Alors, les médecins individuels, on parle
avec, on a des contacts individuels. Ce n'est pas systématique, notre approche
de demander des recherches. On ne fait pas de recherche directement sur les
pesticides. On se base sur les recherches des autres, les scientifiques qui
sont plus rigoureux que nous, qui ont plus d'expérience. Notre but, c'est
vraiment d'amener cette information dans une façon plus réelle à la population
et aux décideurs.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien : Bien,
est-ce que... tu sais, vous nous avez fait l'exposition de quelques cas, là,
dans l'introduction de votre prise de parole. Mais est-ce que vous avez ce
genre d'observations là aussi de la part de médecins qui oeuvrent davantage
dans les régions rurales?
M. Zigby (Jean) :
Personnellement, je n'ai pas de cas en particulier en tête que je pourrais vous
mettre en avant de vous pour dire... Mes collègues disent qu'ils voient des cas,
effectivement. Mais, comme partout, malheureusement, les pesticides, comme les
gens, ne restent pas dans une place, et les gens qui ont été anciens fermiers,
il y a 30 ans ,maintenant sont atteints avec le parkinson. On les voit en
ville. Et c'est certain que les maladies neurodégénératives et de cancer... ils
voient en amont en région aussi.
Alors, ils ont leurs inquiétudes au niveau
des pesticides puis ils nous laissent savoir leurs inquiétudes, mais je n'ai
pas de cas en particulier à vous montrer aujourd'hui.
Mme Lessard-Therrien :
J'ai peu de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
10 secondes.
Mme Lessard-Therrien :
Est-ce que vous avez chiffré les coûts, pour la société, des maladies liées aux
pesticides?
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : Non.
Non, je n'ai pas essayé de chiffrer ça. On n'a pas assez d'évidences
rigoureuses pour essayer de chiffrer ça, mais...
• (15 h 40) •
Le Président (M. Lemay) :
<Très bien. Merci beaucoup, M. Zigby. Donc, et sur ce, je cède la
parole au député de Bonaventure pour sa période d'échange...
Mme Lessard-Therrien :
...les coûts, pour la
société, des maladies liées aux pesticides?
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : Non.
Non, je n'ai pas essayé de chiffrer ça. On n'a pas assez d'évidences
rigoureuses pour essayer de chiffrer ça, mais...
Le Président (M. Lemay) :
>Très bien. Merci beaucoup, M. Zigby. Donc, sur ce, je cède la
parole au député de Bonaventure pour sa période d'échange.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Bonjour, M. Zigby.
Écoutez, tout à l'heure, vous avez
mentionné le fait que l'ARLA n'avait pas beaucoup de moyens financiers et que,
bon, ils avaient subi des coupures, bon, de budget. Mais cela n'explique pas le
fait qu'ils pourraient quand même considérer les études indépendantes qu'ils
n'ont pas financées pour homologuer certains produits. Donc, oui, il y a un
aspect de financement, mais il y a autre chose.
Et d'où vient cette, et là je vais
faire attention à ce que je dis, mais je vais le dire quand même, cette
forme d'aveuglement volontaire par rapport aux études indépendantes, qui ne
peuvent pas faire partie du savoir qui permet l'homologation?
Le Président (M. Lemay) :
M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : La
réponse est un peu... Selon mon opinion, c'est un peu deux choses. C'est
historique, numéro un, c'est la façon de gérer les dossiers en regardant
seulement un certain type d'information toxicologique. Alors, il y a une
approche toxicologique quand même rigoureuse. Ils demandent des études
importantes. Le problème, ce n'est pas qu'ils ne demandent pas des études qui
sont intéressantes. Le problème, c'est qu'ils demandent les mauvaises personnes
de faire ces études-là. Ça veut dire qu'on demande des informations des
compagnies eux-mêmes pour nous fournir des études qui sont d'un certain format.
Quand les études épidémiologiques, qui ne
sont pas les types de recherche qui sont demandés officiellement par l'ARLA
pour l'homologation, sort, ce n'est pas quelque chose que... est officiellement
dans le répertoire de l'ARLA, et il faut changer les règlements de l'ARLA pour
qu'ils prennent ça en compte. C'est un système bureaucratique, alors ils ont
seulement le droit de prendre certaines informations en tête et ils vont nécessairement
prioriser les informations qu'ils demandent aux compagnies.
Alors, si on veut changer quelque chose à
l'ARLA, il faut changer la priorité en termes d'information et comment qu'il
prend en compte cette information. Alors, si vous dites qu'il y a quelque chose
ou si vous me demandez qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas comme il
devrait à l'ARLA, je vous répondrais oui.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député, 10 secondes.
M. Roy
: Et je
peux vous garantir qu'ils doivent nous écouter actuellement, hein, parce qu'on
parle beaucoup d'eux.
Et juste une dernière question. Quand vous
parlez de pénalisation, s'il y a une utilisation illégale de pesticides, vous
parlez de pénaliser qui, les agronomes, les agriculteurs?
Le Président (M. Lemay) :
En deux mots. Les agronomes ou les agriculteurs? Non, c'est vous,
M. Zigby.
M. Zigby (Jean) : Ah! je
m'excuse. En réalité, il faut...
Le Président (M. Lemay) :
Je suis désolé... Je voulais juste avoir la réponse au député, mais le temps
est déjà écoulé. Je suis désolé, M. Zigby. On aura la chance... si vous
voulez transmettre votre réponse au secrétaire de la commission, qu'il fera
parvenir à tous les membres, il n'y a aucun problème là-dessus.
Sur ce, je suspends les travaux quelques
instants pour permettre à Parkinson Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 44)
>
(Reprise à 15 h 46)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue aux représentants
de Parkinson Québec, en vous rappelant que vous disposez de 10 minutes
pour faire votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous demande donc de vous présenter ainsi que les
personnes qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder à votre exposé. La
parole est à vous.
Parkinson Québec
M. Rigal (Romain) : Bonjour, M.
le Président, Mmes et MM. les députés. Mon nom est Romain Rigal, je suis
coordonnateur du développement des services chez Parkinson Québec. C'est un
honneur aujourd'hui d'être devant vous pour contribuer à vos travaux. Je suis
pharmacien de formation et j'ai établi l'ensemble de ma carrière dans
l'évaluation des médicaments et des actes médicaux. Je suis moi-même issu d'une
famille de vignerons français qui, depuis la survenue de cas de maladies
neurodégénératives, ont drastiquement réduit leur utilisation des pesticides.
J'aimerais également vous présenter mes
collègues qui interviendront pendant la période de discussions. Tout d'abord,
Dre Francesca Cicchetti, éminente chercheuse dans le domaine du parkinson et
professeure titulaire à la Faculté de médecine de l'Université Laval.
M. Gérald Chouinard, agronome chercheur à l'Institut de recherches et de développement
en agroenvironnement et M. Serge Giard, agriculteur et... Tous deux
contribuent depuis toujours à l'amélioration des techniques et des produits de
l'agriculture québécoise. Aujourd'hui, ils vivent tous les deux avec la maladie
de Parkinson.
Parkinson Québec et ses 12 organismes
régionaux oeuvrent à l'information et au soutien des personnes qui sont
atteintes et de leurs proches. Nous travaillons également à la sensibilisation
de la population à l'impact de cette maladie. En vous présentant ce mémoire,
Parkinson Québec se fait la voix de l'ensemble des Québécoises et des Québécois
qui sont quotidiennement exposés aux pesticides et donc plus à risque de
développer, entre autres, la maladie de Parkinson.
Lors de cet exposé, je me limiterai à
énoncer quelques recommandations spécifiques au Parkinson, puisque nous
appuyons l'ensemble des recommandations qui vous ont été présentées par les
groupes Équiterre et la Fondation David Suzuki.
La maladie de Parkinson affecte 25 000 personnes
au Québec. Plus de 2 500 nouveaux cas sont diagnostiqués par année.
Comme dans l'ensemble des pays industrialisés, la fréquence de cette maladie
double tous les 20 ans. Cette maladie est plus souvent diagnostiquée vers
l'âge de 60 ans. Pourtant, entre 20 %... près de 20 % des
diagnostics se rencontrent chez des personnes qui sont encore sur le marché de
l'emploi. C'est une maladie qui est injustement reconnue comme une maladie de
tremblements alors qu'elle s'exprime majoritairement par de la rigidité. Les
patients vivent sous une chape de plomb dont le poids s'accroît et qui réduit progressivement
leur autonomie. La maladie s'accompagne de symptômes non visibles, tels que des
troubles cognitifs, de la démence, de la dépression qui peuvent s'installer
jusqu'à une dizaine d'années avant le diagnostic.
• (15 h 50) •
Mme Cicchetti (Francesca) :
<Dans
les années 80, le Québec se positionne comme un pionnier dans l'étude de
l'impact des pesticides sur le développement de la maladie de Parkinson. Le Dr
André Barbeau, neurologue et chercheur québécois, fut effectivement l'un des
premiers...
M. Rigal (Romain) :
...peuvent s'installer jusqu'à une dizaine d'années avant le diagnostic.
Mme Cicchetti (Francesca) :
>Dans les années 80, le Québec se positionne comme un pionnier dans
l'étude de l'impact des pesticides sur le développement de la maladie de
Parkinson. Le Dr André Barbeau, neurologue et chercheur québécois, fut effectivement
l'un des premiers à constater une plus forte prévalence de la maladie de
Parkinson, entre autres dans la région de Trois-Rivières, où l'utilisation des
pesticides est marquée. Il émet alors l'hypothèse que la maladie de Parkinson
peut résulter de l'interaction entre les facteurs environnementaux et des
vulnérabilités génétiques propres à chaque individu. Depuis, et suite à de
nombreuses études scientifiques menées à travers le monde, l'exposition aux
pesticides est considérée comme un facteur de risque important dans le développement
de la maladie de Parkinson.
Depuis plus de 20 ans, certains
pesticides ainsi que d'autres molécules de structure chimique et de modes
d'action similaires sont également utilisés pour créer des modèles animaux
aidant les chercheurs à mieux comprendre les causes de la maladie et ainsi
développer des traitements plus efficaces. Ces pesticides engendrent, chez les
animaux de laboratoire, des changements comportementaux, cellulaires et
moléculaires qui s'apparentent à ceux retrouvés chez les individus qui
souffrent de la maladie.
En raison de leur toxicité, les comités de
protection des animaux des centres de recherche sont d'ailleurs de plus en plus
réticents à autoriser leur utilisation. Leur application en milieu agricole a d'ailleurs
été interdite en Europe depuis 10 à 20 ans, selon les produits. Pourtant,
ils sont toujours disponibles en vente libre dans les quincailleries du Québec.
M. Rigal (Romain) : Le gouvernement
du Québec doit donc interdire immédiatement ces produits, dont les volumes
d'utilisation sont somme toute restreints, mais dont les niveaux de toxicité
sont accablants. Le gouvernement du Québec, et notamment le ministère de la
Santé, doit envoyer un message fort à l'ensemble de la population, et
particulièrement aux professionnels de la santé, à l'effet que les pesticides
sont des produits hautement toxiques pour la santé humaine.
Depuis les années 90, plus d'une centaine
d'études ont documenté l'association entre l'exposition et le développement de
la maladie de Parkinson. Les résultats de ces études ont été agrégés dans des
méta-analyses, et toutes concluent à une augmentation de 70 % du risque de
développer la maladie de Parkinson. Ceci veut dire qu'en moyenne l'exposition
aux pesticides double quasiment les chances d'avoir la maladie de Parkinson.
De nombreux travaux se sont intéressés aux
risques associés à l'exposition professionnelle. Dans ce cadre, une exposition
de seulement 10 jours par an multiplie le risque par deux et demi. Ce
risque est dose-dépendant. Ceci veut dire que plus les individus sont exposés,
plus leur risque d'avoir la maladie est important. De manière intéressante, les
études montrent qu'il n'existe pas de seuil minimal d'exposition en dessous
duquel le risque de développer la maladie de Parkinson est inexistant.
Ainsi, la société québécoise a une dette
envers celles et ceux qui, parfois au détriment de leur santé, nous nourrissent
et entretiennent notre terre. Le gouvernement du Québec doit donc rejoindre les
pays qui, comme la France et la Suède, reconnaissent cette maladie comme une
maladie professionnelle. De plus, le gouvernement du Québec doit développer un
fonds d'indemnisation pour les personnes non couvertes par la CNESST, comme
c'est le cas des trois quarts des agriculteurs québécois.
Chers membres de la commission, ce qui est
extrêmement préoccupant, c'est l'augmentation du risque chez nos enfants et nos
adolescents, qui sont en pleine phase de développement neurologique. Les
pesticides accroissent leur vulnérabilité génétique, et ce, qu'ils vivent en
milieu agricole ou en milieu urbain. Par exemple, les pesticides vont réduire
l'activité de détoxification des neurones et vont activer des gènes qui
déclenchent la maladie de Parkinson. Une fois adultes, ces jeunes exposés
seront jusqu'à six fois plus susceptibles de développer la maladie que les
autres enfants. Ceci est d'autant plus préoccupant que plus de 99 % des
échantillons d'urine d'enfants québécois contiennent des pesticides.
Le gouvernement du Québec, et notamment le
ministère de la Santé, doit faire de l'utilisation des pesticides agricoles et
domestiques un enjeu de sécurité publique majeur. <Aujourd'hui, les
pesticides sont des produits largement utilisés, dont la toxicité est
grandement banalisée. Leurs mécanismes d'action interfèrent avec les processus
mêmes qui garantissent la vie de tous les êtres vivants sur Terre...
M. Rigal (Romain) :
...agricoles et domestiques un enjeu de sécurité publique majeur. >Aujourd'hui,
les pesticides sont des produits largement utilisés, dont la toxicité est
grandement banalisée. Leurs mécanismes d'action interfèrent avec les processus
mêmes qui garantissent la vie de tous les êtres vivants sur Terre, y compris
les humains, qu'ils soient agriculteurs on non. L'impact sociétal en termes de
santé dépasse largement la maladie de Parkinson. Le déclenchement des lymphomes
non hodgkiniens, des myélomes ainsi que d'autres maladies neurodégénératives
est également associé à l'exposition aux pesticides. Ces maladies sont
multifactorielles et incriminer les pesticides comme seuls responsables de leur
déclenchement serait aussi naïf que fallacieux. Cependant, quand un facteur de
risque aussi important est identifié, le gouvernement se doit de protéger
l'ensemble de la population.
Lors de cette commission, différents
groupes vous ont demandé davantage de recherche sur l'impact des pesticides. J'aimerais
vous demander, au nom des personnes qui vivent avec la maladie de Parkinson,
mais aussi de ceux qui sont à risque de la développer, du courage politique
pour entreprendre les actions nécessaires à la juste reconnaissance de la
toxicité de ces produits et des victimes qu'elle crée. Également, je vous
enjoins d'aider nos agriculteurs à passer à des modèles alternatifs durables
qui garantiront dans l'avenir la beauté, la biodiversité et le dynamisme
économique de nos régions. M. le Président, Mmes et MM. les députés, je vous remercie
de votre attention.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, M. Rigal et madame... Est-ce qu'on dit... Comment qu'on
dit votre nom?
Mme Cicchetti (Francesca) :
Cicchetti.
Le Président (M. Lemay) :
Cicchetti. Parfait. Je l'ai bien prononcé?
Mme Cicchetti (Francesca) :
Oui.
Le Président (M. Lemay) :
D'accord. Merci. Alors, avant de céder la parole à mon collègue, je vous avais
mentionné que nous avions reçu une correspondance un peu plus tôt, et je crois
que c'est très à propos, tel que souhaité par Mme Monique Bisson, de faire
la lecture d'une citation.
Donc, je désire souligner, et je cite,
que «des agricultrices et des agriculteurs, même atteints de la maladie de
Parkinson, ont trouvé le moyen de rédiger ou de collaborer à la rédaction de
mémoires empreints d'une humanité, d'une grande dignité pour éviter à d'autres
membres de la population agricole les affres d'une maladie neurodégénérative
telle que le parkinson.» Fin de la citation. Donc, ceci étant fait, je cède la
parole à M. le député de Bourget.
M. Campeau : Merci, M. le
Président. Bonjour, tout le monde. Vous allez peut-être trouver ça drôle, mais
je ne vous poserai pas de question sur la reconnaissance de la maladie de
Parkinson, parce que vous l'avez très bien exprimé et que c'est une de vos
recommandations. Elle est très bien entendue. Je vais aller plutôt sur d'autres
sujets.
Si je comprends bien, vous ne recommandez
pas quand même l'abolition des pesticides, mais plutôt aller vers une lutte
intégrée pour les minimiser autant que possible. Est-ce que je comprends bien?
M. Rigal (Romain) :
Absolument. Dans un premier temps, ce que nous souhaitons, c'est que les
pesticides les plus toxiques, et notamment ceux qui sont utilisés en
laboratoire pour créer des modèles artificiels de maladie de Parkinson, soient
éliminés des tablettes des quincailleries du Québec. Ça, c'est notre premier
point, effectivement. Ensuite, nous souhaitons que le ministère de la Santé
fasse de l'utilisation des pesticides un enjeu de sécurité publique majeure.
Les pesticides sont des produits toxiques.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Campeau : Je pense qu'on
est tous d'accord là-dessus, que c'est un produit toxique... Des fois, on
parlait de dose aussi, mais vous avez mentionné que, selon vous, il n'y a pas
de seuil minimal. Ca veut dire que n'importe quelle exposition peut entraîner
un pourcentage accru de développer la maladie.
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Rigal, en vous rappelant que vous pouvez, à tout moment, utiliser les
témoins qui sont avec vous pour répondre aux questions des membres de la
commission. Il n'y a pas...
M. Rigal (Romain) : Je vous
remercie. Je confirme vos dires, effectivement, il n'existe pas de seuil
minimal en dessous duquel le risque de développer la maladie de Parkinson est
inexistant, c'est-à-dire que ceci existe non seulement pour les pesticides
utilisés à des fins agricoles, ou les pesticides utilisés à des fins
esthétiques ou, pire encore, les pesticides utilisés à l'intérieur de nos
maisons.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
• (16 heures) •
M. Campeau : Ça correspond à
ce que vous avez mentionné sur la banalisation des pesticides. Je me souviens,
quand j'étais beaucoup plus jeune, on trouvait ça normal d'en avoir chez soi,
alors que ce n'était peut-être pas une bonne idée, surtout si on considère
qu'il n'y a pas de seuil minimal. <Je suis surpris que vous ayez trouvé
que...
>
16 h (version révisée)
<17843
M. Campeau :
...sur la banalisation des pesticides. Je me souviens, quand j'étais
beaucoup
plus jeune, qu'on trouvait ça normal d'en avoir chez soi, alors que ce n'était
peut-être
pas une bonne idée, surtout si on considère qu'il n'y a pas de seuil minimal.
>Je suis surpris que vous ayez
trouvé que 90 % des cas, il y avait la présence dans les urines. Et je
m'attendais plutôt à 100 %. C'est juste parce que le seuil de détection
n'est pas assez bas peut-être?
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal (Romain) :
L'étude en question fait état de 98,4 %. Je me suis permis d'arrondir à 99 %.
M. Campeau : Ah! j'ai
compris 90 %, O.K. Donc...
M. Rigal (Romain) :
99 %.
M. Campeau : D'accord,
donc c'est la totalité à ce moment-là. D'accord. Une autre chose que... et
c'est peut-être plus un commentaire qu'autre chose, moi, ce que je connais
plus, ce sont les usines. Et dans des usines, parfois, on a de la difficulté à
convaincre des employés de porter leur appareil pour se protéger contre le
chlore, porter des gants de protection.
Alors, quand on a visité les fermes au
cours de ce mandat d'initiative là, on voyait les gens qui normalement
portaient leur appareil de protection. Mais je m'interroge, ici, si ce n'est
pas difficile pour un agriculteur... Il fait chaud, c'est de longues heures et
tout, ça doit être tentant d'oublier.
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal (Romain) : Je ne
sais pas si c'est tentant, mais il est extrêmement difficile d'être compliant
avec la tenue de ces équipements de protection individuelle. C'est ce qui fait
que 50 % des agriculteurs ne les mettent pas en permanence.
Un point qui est vraiment surprenant dans
le cas de la maladie de Parkinson, c'est que ces équipements de protection
individuelle protègent des réactions aiguës mais malheureusement ne protègent
pas du développement de la maladie de Parkinson.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Campeau : O.K. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Sur ce, je cède la parole à ma collègue députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci, M. le Président. Merci pour la belle représentation du parkinson.
L'évolution de la maladie du Parkinson, au moment où est-ce que vous... un
patient est diagnostiqué parkinson, à ce moment-là, la recherche... Est-ce que
la recherche démontre combien de temps il a été en contact avec.... parce qu'on
parle beaucoup d'agriculteurs, combien de temps il était en contact avec les
pesticides et quelle est l'évolution de la maladie? Parce que ça fait plusieurs
années que vous étudiez cette pathologie-là. Quelle est l'évolution de tout ça?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Rigal.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Est-ce que ma question est claire?
M. Rigal (Romain) : Je
vais essayer de la couper en deux. Je vais commencer par la fin, qui est :
À quoi correspond l'évolution de la maladie? L'évolution de la maladie, les
gens sont diagnostiqués, comme je vous le disais, vers l'âge de 60 ans,
essentiellement avec des symptômes moteurs tels que des tremblements ou de la
rigidité. Il faut savoir qu'ils ont déjà la maladie en eux depuis une dizaine
d'années avant le diagnostic.
Comment la maladie évolue? Elle évolue...
De toute façon, c'est une maladie incurable, qui est neurodégénérative, donc
c'est-à-dire les patients sont malheureusement sur une pente de déclin
permanente qui aboutit finalement à une perte d'autonomie totale et un manque
par rigidité complète. Voici la réponse, je l'espère, à votre deuxième partie
de question.
Votre première partie de question, si je
la comprends bien, est : Combien de pesticides ça prend pour avoir la
maladie de Parkinson? Est-ce bien ça?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Non, c'est combien de temps. Parce que les clients que vous voyez, bon, ils
sont diagnostiqués. Souvent, ce sont... bon, vous parliez des agriculteurs, ces
choses-là. Combien de temps ces gens-là ont été en contact, ont travaillé avec
les pesticides avant de...
M. Rigal (Romain) : Je
vous dirais, le risque est dose-dépendant. Dans les études d'épidémiologie,
c'est très difficile de quantifier l'exposition. Malheureusement, dans notre
cas, ce risque est dose-dépendant, c'est-à-dire que plus vous allez être
exposé, plus vous allez augmenter vos chances d'avoir la maladie. Une personne
exposée une année en milieu agricole augmente ses chances d'un an. Une personne
exposée cinq ans augmente ses chances de 5 %. Une personne exposée 11 ans
augmente ses chances... 10 ans, augmente ses chances de 11 %.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup. Est-ce que la littérature scientifique considère comme une
certitude le lien entre pesticides et parkinson?
Le Président (M. Lemay) :
Mme Cicchetti.
Mme Cicchetti (Francesca) :
Alors, il existe beaucoup, beaucoup d'études scientifiques qui démontrent une
association entre l'exposition aux pesticides et le développement de la maladie
de Parkinson. Justement, en laboratoire et dans mon laboratoire, on a étudié,
pendant des années, l'effet des pesticides sur les animaux, mais en fait on
utilisait les pesticides pour <créer des...
Mme Cicchetti (Francesca) :
Alors, il existe
beaucoup,
beaucoup d'études
scientifiques
qui démontrent une
association entre l'exposition aux pesticides et le
développement
de la maladie de Parkinson.
Justement, en laboratoire et dans mon
laboratoire,
on a étudié, pendant des années, l'effet des pesticides sur les animaux, mais
en fait on utilisait les pesticides pour >créer des modèles de la
maladie. C'est pour vous dire à quel point on est quand même conscients et on
réalise l'association qui existe entre l'utilisation des pesticides et la
maladie de Parkinson. Donc, les gens sont conscients de ça, dans la communauté
scientifique, une association forte.
Maintenant, j'aimerais rappeler que, dans
les paragraphes que j'ai lus au départ, bien, il y a évidemment une
vulnérabilité individuelle qui existe. C'est pour ça qu'il y a de la
variabilité aussi au niveau des populations d'agriculteurs, par exemple, qui
développent ou qui ne développent pas la maladie.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup. Je laisse la parole à mes collègues.
Le Président (M. Lemay) : Bien
sûr. Donc, M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole est à vous.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci d'être là et merci d'avoir travaillé à présenter
ce mémoire. Il y a beaucoup de travail à ce niveau-là. Et moi, le côté
médecine, science, ce n'est pas quelque chose que je connais, donc j'en
apprends énormément à ce niveau-là.
Et vous avez dit tout à l'heure... mon
collègue le député de Bourget — Bourget, c'est
ça? — mentionnait, hein : Je suppose que les producteurs, avec
toutes les contraintes qu'ils vivent... un samedi matin, tu te dépêches
d'appliquer le produit, parce que là tu es à la limite, les seuils
d'intervention disent : Là, maintenant, tu n'es plus capable de contrôler.
Tu as la mauvaise température qui s'en vient, tu vois arriver ça, puis là tu te
dépêches, puis tu te dépêches, puis, à un moment donné, tu brises...
Effectivement, ça arrive parfois que les équipements de protection... puis là
tu as la famille, tu as un souper à soir. Donc, c'est tout un débat, là, hein,
c'est toute une prise de conscience aussi sociale.
Puis j'ai bien aimé quand vous avez dit :
On a une dette envers ceux qui nous nourrissent. C'est bien ça que vous avez
dit? C'est important, ce que vous avez dit là, là. J'aimerais ça savoir un
petit peu... je veux que vous... élaborez un petit peu plus, à ce niveau-là,
parce que vous avez l'air à considérer énormément le monde agricole.
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal (Romain) : Je pense
que des gens ont investi leur vie et aujourd'hui j'aimerais peut-être inviter
M. Giard ou M. Chouinard, qui ont investi, comme je vous le disais,
leur vie pour que nous ayons des vies sereines.
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y. M. Chouinard.
M. Chouinard (Gérald) : O.K. Rapidement,
dans le fond, moi, j'ai travaillé, depuis 25 ans, comme agronome et
chercheur, donc je faisais du travail de recherche. Dans mon travail de
recherche, je cherche à réduire l'utilisation des pesticides et, dans mon
travail d'agronome, je fais des recommandations aux producteurs pour réduire
l'usage des pesticides.
Ironie du sort, après 25 ans de travail et
donc de côtoyer le milieu des pesticides, j'ai développé la maladie. Donc, ça
répond peut-être aussi partiellement à une question qui a été posée tout à
l'heure.
Le Président (M. Lemay) : M.
Girard.
M. Giard (Serge) : Giard.
Le Président (M. Lemay) : M.
Giard.
M. Giard (Serge) : Bonjour. Je
suis diplômé en 1971, j'ai toujours travaillé sur la ferme de mon père. J'ai
acquéri la ferme, j'ai toujours travaillé en agriculture conventionnelle avec
les pesticides. Ma ferme est certifiée biologique depuis l'an 2000.
Alors, j'ai appris, en 2014, que j'avais
le parkinson. C'est sûr que ça change la vie d'une personne parce que là je
suis en train de transférer ma ferme à ma fille et son conjoint. Par contre, ça
fait 19 ans que je n'ai pas manipulé de pesticides, étant biologique, mais
par mon historique, j'ai rencontré un médecin spécialiste dans les maladies professionnelles
qui a confirmé que mes années précédentes, avant l'agriculture biologique, sont
responsables de ma maladie.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Giard. M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci. Je voulais justement vous entendre. Avez-vous des données aussi à
l'extérieur du Québec? Parce que c'est assez difficile de voir... et moi, pour
avoir visité l'Amérique, surtout l'Amérique du Sud... et c'est mon opinion, et
je me fais un devoir de ne pas acheter de produits du Mexique, parce que j'ai
vu comment que ça se passe. Avez-vous des données de l'extérieur?
Le Président (M. Lemay) : M.
Rigal.
• (16 h 10) •
M. Rigal (Romain) :
<Les
données, en fait, sur l'exposition professionnelle viennent de partout à
travers le monde. Effectivement, parmi tous les producteurs...
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
...produit du Mexique,
parce que j'ai vu comment que ça se passe.
Avez-vous des données de l'extérieur?
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal (Romain) :>
Les données, en fait, sur l'exposition professionnelle viennent de partout à
travers le monde. Effectivement, parmi tous les producteurs, les applicateurs
de pesticides dans les plantations de bananes, par exemple, sont les plus à
risque. Pas trop de chances que ça arrive au Québec, mais les bananes, donc,
par exemple, sont les plus à risque. Au Québec, les applicateurs de pesticides
et les producteurs de céréales sont les plus à risque pour ce... pour les
agriculteurs qu'on peut considérer dans notre province.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
D'un point de vue fédéral, d'un point de vue Santé Canada et au niveau de
l'ARLA, est-ce que vous auriez quelque commentaire à faire?
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y, M. Rigal.
M. Rigal (Romain) : Je pense
que vous avez déjà entendu d'autres groupes qui sont bien mieux placés que moi
pour vous parler des défaillances ou des succès de l'ARLA. Je peux vous parler
des recommandations que je vous fais et qui sont d'ordre... de compétence
provinciale. Donc, en fait, aujourd'hui, je m'attends à être entendu et que ce
ne soit pas relégué à un problème fédéral.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Vous avez soulevé, vous avez dit, un enjeu de sécurité publique. J'aimerais vous
entendre davantage.
M. Rigal (Romain) :
Absolument. Comme vous le soulignez, l'ARLA, aujourd'hui, homologue des
produits qui sont toxiques et l'ARLA est la seule agence qui est capable de
garantie que ceux-ci ne le sont pas. Aujourd'hui, je suis là pour vous montrer
que ces produits le sont. D'autres groupes vous ont montré que d'autres
produits sont toxiques également.
Le véritable enjeu de sécurité publique
existe au niveau de la synergie qu'il existe entre ces produits et qui ne sera
jamais... qu'il est impossible d'étudier par quelque recherche qui soit. Il
existe aujourd'hui, peut-être, entre 1 000 et 1 500 produits qui sont
utilisés. Le parkinson, qui est probablement la maladie la mieux documentée
avec l'exposition aux pesticides, a considéré peut-être une centaine de
produits, et c'est beaucoup. Imaginez la quantité de produits qui existent.
Le Président (M. Lemay) :
Puisque le temps avec la partie du gouvernement étant écoulé, je cède
maintenant la parole au député de Marquette pour son intervention.
M. Ciccone :
Merci, M. le Président. Merci à vous quatre d'être là. Notamment, merci à M.
Chouinard et M. Giard d'être ici. Je comprends que ça prend un énorme courage
d'être là, et, pour ça, on vous salue, et je suis persuadé que mes collègues
ont la même pensée.
J'aimerais ça m'adresser à vous,
justement, parce qu'on a entendu beaucoup de choses, mais moi, je veux que ça
vienne des gens. Souvent, quand ça sort de la bouche des gens qui l'ont vécu,
qui le vivent au quotidien, qui vivent... que la famille également ressent l'impact
de cette affreuse maladie... J'ai lu, justement, M. Giard, un article, dans LaPresse,
dernièrement, qui m'a littéralement bouleversé, alors que vous disiez que... à
l'époque, on vous disait que les pesticides, là, ce n'était pas dangereux. Vous
les avez utilisés, vous avez fait un changement de produit, mais il était trop
tard. Dr Zigby nous l'a dit tantôt, quand on va voir le médecin, il est
trop tard. Dans votre cas, ça s'est produit une nuit. Vous avez eu un
tremblement et il était trop tard.
Croyez-vous maintenant, à la lueur de tout
ce qu'on sait, avec les études, la littérature où c'est prouvé, que cette
maladie-là devrait être reconnue comme une maladie professionnelle?
Le Président (M. Lemay) : M.
Giard.
M. Giard (Serge) : C'est important
que ça le soit parce que ça devient la pratique de notre profession. Parce
qu'on n'est pas... la majorité des agriculteurs ne cotisent pas à la CNESST,
alors ils ne sont pas éligibles à cela. Il faudrait qu'il y ait une aide
gouvernementale qui se développe pour ça. Actuellement, je suis avec M. Rigal
et un autre confrère. On est en train d'organiser un regroupement
d'agriculteurs ou de ceux qui ont travaillé en agriculture qui sont malades des
pesticides. On essaie de partir un regroupement actuellement, et puis il faut
se <rassembler pour...
M. Giard (Serge) : On
est
en train d'organiser un regroupement d'agriculteurs ou de ceux qui
ont travaillé en agriculture qui sont malades des pesticides. On essaie de
partir un regroupement actuellement, et puis il faut se >rassembler pour
rencontrer les médecins parce qu'à partir de la médecine générale c'est
difficile de rencontrer les spécialistes. J'aimerais organiser une relation
plus étroite entre les spécialistes de la maladie de Parkinson et éviter que ça
travaille en silo quelquefois, pour que ce soit... pour qu'on puisse mieux
diriger les personnes atteintes et mieux les aider.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. M. le député.
M. Ciccone :
Ce que j'entends, c'est que vous attendez et vous espérez qu'un jour, dans un
avenir quand même rapproché, là, qu'il y ait des compensations, justement, pour
ce que vous avez fait, parce que, dans le fond, même si vous étiez un
agriculteur privé, vous avez quand même servi à nourrir les Québécois, et ça
vous revient.
M. Giard (Serge) : Oui,
effectivement, il faut s'organiser pour dédommager ces personnes-là qui ont
professionnellement été de bonne volonté. Puis être atteint de cette façon-là,
c'est un peu triste. Surtout, si vous avez vu La semaine verte du
24 novembre 2018, il n'y a pas un avenir luisant pour les personnes
atteintes du parkinson.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Giard. M. le député de Marquette.
M. Ciccone :
Je vais passer la parole à ma collègue. Mais merci beaucoup. Merci d'être là.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup. Merci à tous les quatre d'être présents. Personnellement, j'avais une
sensibilité particulière à vous entendre puis je vois qu'on ne s'est pas
trompés en vous invitant. C'est très, très touchant, très bouleversant. Puis, à
vous deux, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer et de nous
livrer vos témoignages. Effectivement, on avait vu, dans les excellents
articles qui ont été faits, qui mettent ça en lumière, tous les enjeux qu'il y
autour de la maladie en lien avec votre pratique agricole.
Je constate que l'UPA, qui va venir un
petit peu plus tard, est dans la salle et j'aimerais ça vous
donner... parce que je leur poserai la question tout à l'heure, comme ça,
ils auront le temps de savoir ce que je vais leur demander. Mais j'aimerais ça
vous donner l'occasion d'expliquer... Je sais que c'est une demande que vous
avez faite à quelques reprises, de colliger les informations sur le nombre
d'agriculteurs au Québec, justement, qui sont atteints de parkinson pour
pouvoir tracer un portrait plus fidèle de la situation.
Voulez-vous nous en... profiter de
l'occasion et nous parler d'à quel point ce serait important pour vous que ce
soit fait?
Le Président (M. Lemay) :
Alors, M. Rigal.
M. Rigal (Romain) : Je
pense qu'effectivement aujourd'hui il y a une grande méconnaissance de cette
maladie, pas seulement dans le domaine de l'agriculture. Les données de l'INSPQ
ne sont malheureusement pas disponibles pour expliquer la prévalence de la
maladie au Québec. Donc, avoir un portrait plus précis dans la population
agricole serait effectivement un plus, surtout si on s'oriente vers une
reconnaissance et professionnelle et un fonds d'indemnisation des gens qui ne
cotisent pas.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Ça va
être tout pour moi. Merci. Merci beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous
rencontrer puis de nous parler. C'est vraiment très apprécié.
Le Président (M. Lemay) :
Très bien. Merci beaucoup. Donc, sur ce, je cède la parole au deuxième groupe
d'opposition. Et, Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, la parole est
à vous.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là. C'est très éloquent. C'est très
clair aussi, vos recommandations.
Je vous dirais qu'on achève, on achève les
audiences, puis vous n'êtes pas les premiers à nous sensibiliser sur impacts
par rapport à la santé. On a eu l'occasion de questionner beaucoup d'autres
groupes aussi, beaucoup de gens qui font partie de la recherche. Je pense que c'est
très clair, ce qu'on doit faire au niveau agricole.
Moi, j'aimerais vous entendre davantage
quand vous parlez de l'exposition à l'intérieur des domiciles, qui est parfois
supérieure à l'exposition professionnelle, mais elle n'est pas contrôlée par
aucune réglementation. Quel genre d'exposition on retrouve puis quelles
seraient les meilleures façons de l'encadrer?
• (16 h 20) •
M. Rigal (Romain) : En
fait, l'exposition domestique, comme d'autres groupes vous l'ont déjà expliqué,
nous tous sommes exposés, soit par l'ingestion d'aliments qui sont recouverts
de pesticides ou tout simplement par inhalation, inhalation de pesticides qui
sont répandus dans les champs. Donc, par exemple, vivre à moins de 500 mètres
d'un champ d'épandage, finalement, c'est comme si on était agriculteur. Enfin,
vivre... c'est ça, avoir sa maison.
<La problématique...
M. Rigal (Romain) :
...par inhalation, inhalation de pesticides qui sont répandus dans les champs.
Donc,
par exemple, vivre à moins de 500 mètres d'un champ
d'épandage,
finalement, c'est comme si on était agriculteur. Enfin,
vivre... c'est ça, avoir sa maison.
>La problématique, c'est que,
dans les champs, tous ces pesticides sont volatiles, vont pouvoir s'évaporer.
Une fois que vous fermez vos fenêtres, ces pesticides restent chez vous. Plusieurs
études ont montré que la concentration et la diversité des pesticides dans nos
maisons et dans nos édifices sont supérieures à celles qui sont dans les
champs.
Donc, une de nos recommandations, et nous
rejoignons par là plusieurs autres groupes, c'est d'étendre les zones, en fait,
de tampon et certaines... donc, interdire l'épandage de pesticides dans un
rayon de deux kilomètres, qui entoure les habitations et les édifices.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien : Ma
question va peut-être être candide, là, mais, par rapport aux utilisations
qu'on peut faire, domestiques, parfois, des pesticides, est-ce que vous avez
documenté un peu la chose?
Le Président (M. Lemay) :
M. Rigal.
M. Rigal (Romain) : Absolument.
Pour ne pas citer de marque, je pense qu'il est vraiment une mauvaise idée
d'inonder nos enfants, au chalet, avec des pesticides. Il existe déjà de
nombreuses études. Et, en fait, ce qui est particulièrement intéressant, c'est
que, même aux États-Unis, ces produits sont retirés du marché en santé animale,
donc, par exemple, l'élimination des puces sur les chiens, mais on continue à
les utiliser sur nos enfants.
Le Président (M. Lemay) :
Mme la députée.
Mme Lessard-Therrien :
Merci. C'est complet pour moi.
Le Président (M. Lemay) :
Excellent. M. le député de Bonaventure, pour votre période d'échange.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Écoutez, pour votre information, le 15 juin, au salon bleu,
j'ai demandé au ministre du Travail de revoir la liste des maladies
professionnelles pour y inclure la maladie de Parkinson et les lymphomes non
hodgkiniens. Donc, le travail est déjà débuté, et il a confirmé qu'il allait
donner l'ordre à la CNESST de revoir la liste des maladies professionnelles.
Donc, je pense que mes collègues vont nous appuyer là-dedans et vous appuyer,
et le combat, bien, on va le faire avec vous.
J'ai posé la question à l'Ordre des
agronomes, et ils ne m'ont pas répondu. Je leur ai demandé : Est-ce que
les agronomes... ou avez-vous connaissance que des agronomes ont développé des
maladies liées, bon, au contact étroit avec les pesticides? Et ils ne m'ont pas
répondu. Et là vous arrivez ici et vous nous dites que vous, en tant
qu'agronome, vous avez contracté une maladie. Est-ce qu'à votre connaissance
vous êtes seul ou il y a d'autres agronomes qui auraient des problématiques
similaires?
Le Président (M. Lemay) :
M. Chouinard.
M. Chouinard (Gérald) :
Je pense que j'en connais. La réalité, c'est que c'est quand même difficile
pour moi de prouver mes suppositions. Mais je connais des agronomes, dans ma
pratique proche, qui sont atteints de maladies neurologiques qui ne sont pas la
maladie de Parkinson mais qui sont des maladies qui sont peu communes, qui sont
normalement associées avec l'utilisation de pesticides.
Puis je connais évidemment des producteurs
qui sont atteints de la maladie de Parkinson. Ça, j'en connais plusieurs. Et
puis, bien, c'est ça, je me connais aussi.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Roy
: Est-ce
que vous vous sentez soutenu, protégé, appuyé par l'Ordre des agronomes, bien,
dans votre cas à vous et ceux que vous connaissez? Est-ce que vous avez du
soutien ou qu'on essaie de mettre ça en dessous du tapis?
M. Chouinard (Gérald) :
...que je n'ai pas eu de contact avec l'Ordre des agronomes à ce sujet-là. Il
faut que je vous dise aussi que je suis un très jeune diagnostiqué, dans le
sens que ça fait à peine un an que je suis diagnostiqué. Donc, à part des
tremblements, je ne souffre pas de beaucoup d'autre chose, pour l'instant,
disons, de grave. Mais j'ai demandé du support, plutôt, à d'autres
organisations, comme Parkinson Québec, comme... Je me suis adressé à la CNESST
aussi en vue de connaître leur opinion sur le sujet. Donc, je n'ai pas approché
l'Ordre des agronomes.
Le Président (M. Lemay) :
M. le député.
M. Roy
: Est-ce
que vous allez le faire ou...
M. Chouinard (Gérald) :
Bien, je pourrais le faire, question de voir si, effectivement, on peut avoir
le support de leur part.
M. Roy
: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Ceci complète la période d'échange avec votre groupe. Je vous remercie
pour votre contribution aux travaux.
Je suspends quelques instants pour
permettre pour permettre à M. Jacques Brodeur de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
>
(Reprise à 16 h 29)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite la bienvenue à M. Jacques
Brodeur. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter, il n'y a aucun problème avec
ça, et vous pourrez y aller avec votre exposé, et la parole est à vous.
M. Jacques Brodeur
M. Brodeur (Jacques) : M. le
Président, Mmes, MM. les députés, merci de m'accueillir au sein de cette
commission. J'apprécie beaucoup, beaucoup l'opportunité que vous me donnez de
présenter mon mémoire. Donc, je suis professeur à l'Université de Montréal et
je suis également directeur du centre de... de l'Institut de recherche, pardon,
en biologie végétale. Je m'intéresse, depuis le début des années 90 à la
phytoprotection, protection des cultures, et, comme je vais vous le mentionner
plus tard, mon domaine de recherche de prédilection, c'est la lutte biologique.
Le titre de mon mémoire se veut provocateur, Overdose de pesticides,
mais je crois qu'il correspond à une certaine réalité qu'on observe dans nos
champs, malheureusement, ici, au Québec.
• (16 h 30) •
Alors, d'entrée de jeu, j'aimerais
souligner à nouveau, vous l'avez entendu plusieurs fois cette semaine, que
les pesticides sont des poisons. La dangerosité des pesticides a été démontrée
à de multiples reprises. Ce sont des molécules de synthèse qui ont été
développées, qui ont été commercialisées pour tuer les organismes qu'on
considère <indésirables aux activités humaines, notamment en
agriculture...
>
16 h 30 (version révisée)
< M. Brodeur (Jacques) :
...à nouveau, vous l'avez entendu
plusieurs fois cette semaine que les
pesticides sont des poisons. La dangerosité des pesticides a été démontrée à de
multiples reprises. Ce sont des molécules de synthèse qui ont été développées,
qui ont été commercialisées pour tuer les
organismes qu'on considère >indésirables
aux activités humaines, notamment en agriculture. Ils sont commercialisés et
sont utilisés pour contrôler les populations d'organismes nuisibles dans nos
cultures.
Il faut également savoir que notre génome,
l'ensemble de nos gènes est très similaire à celui des insectes. En fait, on
estime qu'on partage 60 % de notre ADN avec ce moustique, et lorsqu'on
développe des produits pour liquider des insectes, bien, évidemment, ça peut
avoir des conséquences très négatives sur la santé humaine comme on l'a vu avec
la présentation précédente. Il faut savoir que nos milliers de neurones, qu'elles
soient dans notre cerveau ou dans notre corps, utilisent des mécanismes
chimiques, électriques pour établir la connexion entre les neurones, et
lorsqu'on développe des molécules qui ont pour effet également de perturber le
système endocrinien ou le système neurologique des insectes, bien, évidemment,
ça peut avoir des conséquences très négatives sur la santé humaine.
Vous l'avez vu également à plusieurs reprises
cette semaine, les pesticides de synthèse ont aussi des conséquences négatives
sur l'environnement, que ce soit au niveau des protozoaires, des oiseaux ou des
mammifères... en fait, tous les organismes vivants peuvent être atteints ou
être affectés par l'utilisation de pesticides. Les pesticides s'accumulent dans
l'environnement et vont d'une chaîne trophique à l'autre.
Dans mon mémoire, j'ai souligné quelques
exemples, quelques études scientifiques très rigoureuses, très bien documentées
qui soulignent les effets néfastes de l'utilisation des pesticides de synthèse
sur l'environnement. Je cite entre autres une étude de mes collègues de
l'Université de Sherbrooke et de Bishop's qui ont quantifié, de façon très,
très rigoureuse, au fil des années, la diminution des populations d'hirondelles
dans nos champs. Et ce qu'ils ont noté, c'est qu'avec l'intensification
agricole, les populations d'hirondelles diminuent essentiellement pour deux
raisons, parce que les pesticides éliminent les populations d'insectes à partir
desquelles s'alimentent les hirondelles. Et également, les hirondelles, en
plein vol, vont gober des insectes qui, eux, sont contaminés avec des
pesticides, et les hirondelles s'empoisonnent avec ces pesticides. Donc, il y a
un impact majeur, qui est très, très bien documenté, sur l'effet des pesticides
de synthèse.
J'aimerais faire une précision, je l'ai
fait dans mon mémoire, je la fais maintenant. Je suis très critique envers
l'utilisation des pesticides de synthèse, mais je suis réaliste également. Je
crois fermement qu'on ne peut pas se passer des pesticides de synthèse
actuellement en agriculture, surtout l'agriculture sur de très grandes
surfaces. Les pesticides nous permettent de nourrir notre population, c'est
vrai à l'échelle québécoise et c'est également vrai à l'échelle de la planète.
Cependant, on utilise très, très, très mal cet outil qui est à notre
disposition. On ne respecte pas, en général, dans plusieurs cas, les principes
associés à la lutte intégrée qui nous dit d'utiliser les pesticides de synthèse
uniquement en dernier recours, lorsqu'on a utilisé ou lorsqu'on a épuisé les
autres recours qu'on a. Et malheureusement, ce n'est pas le cas actuellement au
Québec. Souvent, les insecticides sont utilisés de façon routinière, voire en
prévention, pour contrôler les populations d'insectes nuisibles, ou de maladies,
ou, voire, de mauvaises herbes dans nos cultures.
J'aimerais vous présenter très brièvement
une étude qu'on a réalisée au laboratoire. En fait, c'est une de mes étudiantes
à la maîtrise, Mme Julie Poitras, qui l'a réalisée il y a quelques années,
et qui m'a littéralement... en fait, quand elle m'a présenté pour la première
fois ses résultats, ça m'a extrêmement déçu, choqué, voire. Donc, je vais vous
résumer un peu les conclusions de l'enquête de Julie.
Donc, l'objectif de son enquête était
d'étudier l'évolution de l'utilisation des pesticides de synthèse dans les
vergers de pommes au Québec. Elle avait essentiellement deux objectifs : quantifier
les quantités de matières actives appliquées dans les vergers, et cela sur une
période de 36 ans, de 1976 à 2012. Également, Julie a calculé les risques
associés à la santé humaine et à l'environnement suite à l'utilisation des
pesticides en vergers.
Les résultats sont désolants. Je les ai
trouvés choquants lorsque j'en ai pris connaissance. C'est un peu ce qui est
illustré sur la figure que vous avez ici. Donc, ce que vous voyez, c'est les
quantités de matières actives. Ici, j'ai combiné les insecticides, les
acaricides et les fongicides qui sont pulvérisés en vergers de pommiers. C'est
le résultat pour le Québec. Et ce qu'on constate, c'est une augmentation
constante, au fil du temps, des quantités de kilogrammes de matières actives
qu'on pulvérise par hectares, ici, au Québec. Si vous regardez la figure en
1976, on appliquait ou les producteurs appliquaient, en général, 22 kilos
de matières actives par hectare, et, 36 ans plus tard, en 2012, on est
rendu à 45 kilos, 45 kilos de matières actives qu'on applique
annuellement dans nos vergers de pommiers. C'est le 12... En fait, c'est deux
fois plus important que ce qu'on appliquait il y a 36 ans.
Julie s'est aussi intéressée à mesurer les
risques pour la santé humaine et pour l'environnement. Donc, elle a utilisé les
indices de risque qui ont été développés par le MAPAQ, le ministère de
l'Environnement et l'Institut national de la santé publique, ce qu'on <appelle...
M. Brodeur (Jacques) :
...applique
annuellement dans nos vergers de pommiers. C'est le 12... En
fait, c'est deux fois plus important que ce qu'on appliquait il y a 36 ans.
Julie s'est aussi intéressée à mesurer
les risques pour la santé humaine et pour l'environnement. Donc, elle a utilisé
les indices de risque qui ont été développés par le MAPAQ, le ministère de
l'Environnement et l'Institut national de la santé publique, ce qu'on >appelle
les IRS, indices de risque pour la santé, et l'IRE, l'indice de risque pour
l'environnement, et, encore là, les résultats sont troublants, si je peux dire.
Ce qu'on observe, pour la période de 1996 jusqu'à 2012, donc c'est relativement
récent comme étude, on observe une augmentation du risque à la santé humaine
durant cette période. Au niveau du risque à l'environnement, le risque demeure
constant durant cette période. Donc, le constat est très négatif.
Le bilan est mitigé, voire très mitigé. En
fait, nos attentes quant à la réduction de la lutte chimique en vergers de
pommiers ne sont pas du tout au rendez-vous ici, au Québec. Vous voyez, sur
cette figure, des pommes. Elles sont très belles, elles sont rouges, elles sont
bien rondes, elles sont probablement succulentes, mais il faut savoir qu'elles
ont reçu énormément, en fait, un nombre très, très élevé de traitements
insecticides. Hier, j'ai reçu les résultats pour l'année 2018. Dans un verger,
en moyenne, au Québec, dans un verger de régie conventionnelle, on applique, en
moyenne, par année, 23,3 traitements de pesticides : 16 traitements
fongicides, 5,4 traitements insecticides et 1,8 traitement acaricide. C'est
énorme, et ce, malgré beaucoup d'efforts.
Vous le savez maintenant, on fait beaucoup
d'efforts, depuis quelques années, pour réduire notre dépendance aux pesticides
de synthèse. Malgré une mobilisation grandissante de la société, des groupes de
pression, malgré des connaissances accrues sur l'ensemble des ravageurs qu'on
retrouve dans les vergers de pommiers, malgré les investissements multiples de
la part du gouvernement, entre autres en recherche et développement, malgré un
développement croissant des alternatives qui sont efficaces et économiquement
viables dans les vergers de pommiers et dans d'autres cultures, malgré le
retrait du marché des pesticides qui sont les plus toxiques, on en arrive à un
constat que je considère qui est tout à fait désolant.
Le Président (M. Lemay) : M.
Brodeur.
M. Brodeur (Jacques) : Oui?
Le Président (M. Lemay) : En
vous rappelant qu'il vous reste deux minutes à votre exposé.
M. Brodeur (Jacques) : Deux
minutes? Oh! Je m'excuse, je vais devoir...
Donc, il y a plusieurs alternatives aux
pesticides de synthèse. Vous en avez vu plusieurs cette semaine. Je ne vous les
mentionnerai pas tous. Simplement, la lutte biologique, c'est le domaine de
prédilection au laboratoire. Donc, la lutte biologique, c'est considéré comme
une des meilleures alternatives aux pesticides de synthèse. C'est efficace,
c'est sécuritaire et c'est, de plus, très économique.
Mais nous avons collectivement échoué à
remplacer les pesticides de synthèse par ces alternatives. Et ce que j'aimerais
mentionner, en terminant, c'est que nous avons une responsabilité qui est
collective au niveau de ce constat. D'abord, le consommateur a des exigences
démesurées quant a la qualité esthétique des produits qu'ils achètent. Il y a
une faible... que je considère au niveau des dérives de la lutte chimique. Ce
que vous avez ici, c'est une photo des fraises qu'on exige comme consommateur
et ce que vous avez sur l'autre image, c'est les pommes qu'on peut acheter dans
les marchés en Europe, et vous voyez que les producteurs ou les consommateurs
hollandais, entre autres, sont beaucoup moins exigeants au niveau de la qualité
esthétique.
Les chercheurs aussi, on a notre
responsabilité. Je pourrais y revenir plus en détail dans quelques minutes. Le
producteur également, il est pris entre le marteau et l'enclume. Il subit
énormément de pression pour produire des produits sains, des produits de
qualité et maintenant le producteur fait malheureusement face à cette
problématique des pesticides. Les agronomes, l'Ordre des agronomes sont un peu
dans la tourmente pour deux raisons essentiellement : question de
formation, qui semble un peu déficiente au niveau de l'utilisation des
pesticides, et également cette espèce de copinage avec l'industrie
agrochimique.
L'industrie agrochimique, je la critique
depuis longtemps. Je considère que l'industrie est responsable, en bonne partie,
de la situation actuelle. Elle favorise l'utilisation abusive de la lutte
chimique, son intérêt a préséance sur celui du public, elle engrange des
profits, mais nous laisse des dommages collatéraux. Le principe du
pollueur-payeur n'est nettement pas au rendez-vous en agriculture, au niveau de
l'industrie agrochimique, et elle érige parfois des systèmes de production
intégrés, qui restreignent de beaucoup l'utilisation, la capacité qu'on a
d'intervenir avec des alternatives.
Les instances gouvernementales également...
Le ministère de l'Environnement, je lui donne une très bonne note. Très peu de
moyens, petite équipe, extrêmement fiable, qui nous fournit des données
concluantes, solides au niveau de l'utilisation des pesticides, la
contamination, entre autres, de nos cours d'eau, de notre espace. Le MAPAQ, un
peu plus mitigé, je n'irai pas plus loin. J'en ai fait part dans mon mémoire.
Encore là, je crois que les artisans du MAPAQ, les fonctionnaires, ceux qui
sont sur le terrain font un travail remarquable.
Je suis un peu sous le choc. J'ai appris
que mon collègue Gérald Chouinard souffrait du Parkinson. Gérald est dans les
champs depuis des années et des années. Cette situation me désole beaucoup. Le
MAPAQ devrait être en première ligne pour protéger le public, les producteurs
et ses employés, également les lanceurs d'alerte. Il me reste combien de
minutes, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
C'est déjà terminé.
M. Brodeur (Jacques) : C'est
déjà terminé?
Le Président (M. Lemay) : Mais
vous voulez rajouter quelque chose? On est sur le temps du gouvernement
présentement, là. On vous laisse continuer quelques instants encore.
• (16 h 40) •
M. Brodeur (Jacques) : Bon,
je vais terminer avec ça. <Tout ça pour vous dire que...
M. Brodeur (Jacques) :
...devrait être en première ligne pour protéger le public, les producteurs et
ses employés,
également les lanceurs d'alerte. Il me reste combien de
minutes,
M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
C'est
déjà terminé.
M. Brodeur (Jacques) :
C'est
déjà terminé?
Le Président (M. Lemay) :
Mais vous voulez rajouter
quelque chose? On est sur le temps du
gouvernement
présentement, là. On vous laisse continuer
quelques instants
encore.
M. Brodeur (Jacques) :
Bon, je vais terminer avec ça. >Tout ça pour vous dire qu'on a les
moyens, on a les capacités ici, au Québec, de réduire notre utilisation de
pesticides en agriculture. On l'a fait au niveau du milieu forestier en 1987.
Le gouvernement du Québec a banni l'utilisation des insecticides de synthèse.
C'est un gain majeur, compte tenu des superficies qui étaient traitées par le
passé avec des pesticides. Maintenant, c'est uniquement un biopesticide, le Bt,
le Bacillus thuringiensis, qui est utilisé.
En milieu urbain également, succès
monstre. Il n'y a pas si longtemps, il y a eu une croisade qui a été menée par
un petit garçon de L'Île-Bizard, Jean-Dominic, qui était atteint d'un cancer.
Ils habitaient à L'Île-Bizard. Sa maison était entourée de terrains de golf, où
on utilise énormément de pesticides de synthèse. Il a développé un cancer, il
est parti en croisade avec ses parents. Il y a eu une mobilisation générale de
la population du Québec et ça a mené, quelques années plus tard, avec le Code
de gestion des pesticides... Donc, encore là, un gain majeur, parce que
maintenant, on n'utilise plus, en milieu urbain, des pesticides de synthèse à
des fins esthétiques.
Au niveau du... bien, au niveau du milieu
agricole, trois constats. Le secteur agricole traîne de la patte pour
différentes raisons. Nous avons les compétences pour faire mieux, pour faire
nettement mieux, comme on a eu les compétences pour réduire l'utilisation des
pesticides en milieu forestier et en milieu urbain, mais nous avons besoin de
deux principaux leviers, et je vais terminer avec ça. L'opinion publique,
l'opinion publique qui peut mobiliser la population, les citoyens et faire
pression sur le gouvernement, et nous avons besoin d'une volonté politique.
Je termine avec ça, là, c'est vrai. J'ai
rédigé assez rapidement mon mémoire l'été passé. C'est un coup de coeur pour
moi... un cri du coeur par exemple, pardon, un cri du coeur. J'espère fortement
que cette commission va mener à une mobilisation générale. J'espère fortement
que le gouvernement va prendre les moyens pour réduire de façon efficace, de
façon significative, l'utilisation des pesticides en milieu agricole dans un
horizon de quelques années. Je pense sincèrement que nous avons les capacités
de le faire. C'est un très grand défi, c'est un problème qui est extrêmement
complexe...
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. Merci beaucoup, M. Brodeur, pour votre exposé.
M. Brodeur (Jacques) : Merci.
Désolé d'avoir...
Le Président (M. Lemay) : Non,
on vous a laissé continuer pour permettre d'aller jusqu'au bout de votre
exposé. M. le député de Bourget, la parole est à vous.
M. Campeau : Merci. Merci de
votre présentation. J'ai beaucoup apprécié qu'on utilise, justement, le côté
visuel comme ça. Peut-être que ça va donner des idées à d'autres personnes,
c'est encore plus clair.
Il y a quelque chose que je comprends mal.
Pourquoi l'IRS a monté pendant que l'IRE descendait ou, mettons, est instable,
là? Moi, j'ai vu une petite pente, là, mais en tout cas.
M. Brodeur (Jacques) : C'est
deux indices qui sont quantitatifs, qui prennent en considération différents
paramètres. Ces paramètres sont différents pour les risques à la santé humaine
et les risques à l'environnement. Donc, ce que ça nous dit, c'est que
maintenant, sur le marché, on utilise des pesticides qui sont moins
dommageables pour l'environnement, de par leurs spécifications, et
malheureusement, et c'est étonnant, au niveau de la santé humaine, les
pesticides qu'on utilise maintenant en verger de pommiers sont plus
dommageables pour la santé humaine que ceux qu'on utilisait par le passé, même
s'il y a un effort assez important du gouvernement pour éliminer du marché ces
pesticides qui sont les plus dommageables.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Il y a un effort
pour les éliminer. Ça veut dire qu'on fait supposément un effort, mais qu'en
réalité ils sont utilisés quand même?
M. Brodeur (Jacques) : Bien,
en fait, les producteurs utilisent encore les pesticides qui sont homologués,
qui sont commercialisés, qui sont permis ici, au Canada, mais on a encore des
molécules qui causent des dommages à la santé humaine. C'est classé par grade,
I, II, III et dans certains cas, en fait, dans plusieurs cas, bien, les
producteurs vont utiliser plusieurs pesticides de classe III, qui sont les
plus dommageables pour la santé humaine. Et probablement, en fait, probablement
qu'ils utilisent les pesticides de classe III parce qu'aussi ils sont les
plus efficaces en verger de pommiers. Donc, il y a encore un effort assez
important à faire dans ce sens.
M. Campeau : Sur le graphique
que vous nous montriez, on voyait des données jusqu'à, je crois, 2012. Puis par
la suite, vous avez parlé du nombre de kilos épandus puis ensuite vous avez dit
plus tard, en 2018, que... vous parliez du nombre d'épandages. Ce n'est pas les
mêmes unités. Est-ce qu'on peut imaginer que depuis 2012, avec une certaine
pression sociale, ça aurait baissé un peu ou, au contraire, ce n'est pas vrai?
M. Brodeur (Jacques) : Je ne
peux pas vous répondre précisément parce qu'on n'a pas poursuivi l'étude
au-delà de 2012, les données n'étaient pas disponibles à l'époque. J'espère,
j'espère très, très sincèrement qu'on a observé une diminution de l'utilisation
des pesticides en verger de pommiers. Mais si je regarde uniquement au niveau
du nombre de traitements annuels, le nombre de traitements annuels, en 2018,
est plus grand que le nombre de traitements <annuels...
M. Brodeur (Jacques) :
...
parce qu'on n'a pas poursuivi l'étude au-delà de 2012, les données
n'étaient pas disponibles à l'époque. J'espère, j'espère
très, très
sincèrement
qu'on a observé une diminution de l'utilisation des pesticides en verger de
pommiers. Mais si je regarde
uniquement
au niveau du nombre de
traitements annuels, le nombre de traitements annuels, en 2018, est plus grand
que le nombre de traitements >annuels qu'on observait en 2012. Mais là
ça ne veut pas dire qu'au niveau de la dangerosité des pesticides, c'est le
même patron, mais c'est assez troublant.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Campeau : Vous avez aussi
mentionné qu'un support biologique est efficace et sécuritaire. Ce n'est pas
toujours ce qu'on a entendu puisqu'on a entendu de la part d'autres témoins à
cette commission que ce n'est pas parce que c'est biologique que c'est
nécessairement sans risque.
M. Brodeur (Jacques) : Vous
avez raison. La lutte biologique, l'utilisation de prédateurs de parasites, de
micro-organismes comme des champignons, des virus, des bactéries pour lutter
contre des organismes indésirables est une solution, une solution qu'on met de
l'avant, mais ce n'est pas une panacée. Quand on parle de phytoprotection, de
protection des cultures, que ça soit pour les insectes, les maladies ou les
mauvaises herbes, ça serait illusoire de viser une molécule ou une approche
unique pour régler l'ensemble de nos problèmes. La lutte biologique est
efficace, elle est économique et elle fait partie d'un ensemble de méthodes
qu'on doit déployer dans une culture pour arriver à contrôler, de façon
efficace et économique, les populations d'organismes indésirables.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Brodeur. Sur ce, je cède la parole à Mme la députée de l'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup, M. Brodeur. Je trouve ça accablant, quand même, au niveau des
pommiers, 23...
M. Brodeur (Jacques) : 23
pulvérisations par saison.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
... pulvérisations, c'est énorme. Et là on nous dit... moi, depuis que j'étais
petite, on me disait : Mange une pomme, tu vas être en santé.
M. Brodeur (Jacques) :An apple a day keeps the doctor away.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : C'est
ça. Tu vas être en santé. Par contre, pour le consommateur qui consomme ces
produits-là, quelle est la procédure à faire? Parce qu'il faut la laver et... qu'est-ce
que vous recommandez?
M. Brodeur (Jacques) : Je
recommanderais d'aller vers des pommes biologiques en premier, lorsque
disponible,s et je recommanderais aussi de laver, d'enlever la pelure des
pommes avant de les consommer. Et personnellement aussi, depuis que j'ai pris
connaissance de ces résultats, bien, je consomme beaucoup moins de pommes à
l'automne, malgré que j'adore les pommes. Le Québec est un producteur de pommes
fantastiques, les pommes sont délicieuses, spécialement à ce temps-ci de
l'année, mais auparavant j'achetais des cartons complets de pommes, mais
maintenant je les achète à l'unité ou quelques-unes seulement par semaine,
malheureusement.
Le Président (M. Lemay) : Mme
la députée.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Merci beaucoup. Le Québec serait un leader pour les normes au niveau des
pesticides, tout ça, respecter les normes de pesticides. Qu'est-ce que vous
trouvez que le fédéral fait pour ça?
M. Brodeur (Jacques) :
Pourriez-vous préciser votre commentaire par rapport au fait que le Québec
serait un leader?
Une voix
: ...
M. Brodeur (Jacques) : Ah! d'accord,
par rapport au milieu urbain, au milieu forestier, comme j'ai brièvement
décrit?
Mme Blais (Abitibi-Ouest) :
Oui.
M. Brodeur (Jacques) : Oui.
En fait, en milieu urbain, on a été des leaders au niveau nord-américain mais
au niveau mondial également. On a été la première province, ici, au Canada, à
interdire les pesticides de synthèse en milieu urbain à des fins esthétiques,
en 2003. Par la suite, bien, ça a fait boule de neige en Ontario, au Manitoba,
en Colombie-Britannique, les provinces de l'Atlantique également. Également,
plusieurs États américains ont emboîté le pas. À l'époque, on était invités à
présenter les résultats de nos études un peu partout ici, en Amérique. Donc,
effectivement, le Québec a été leader.
Le Québec a été aussi leader en milieu
forestier. Vous imaginez le nombre d'hectares, de milliers d'hectares de forêt,
maintenant, qu'on protège avec des biopesticides? C'est un succès inouï. C'est
pour ça que j'ai dit que le Québec a les compétences, le Québec a le leadership
pour aller plus loin.
Malheureusement, au niveau agricole, au
niveau du secteur agricole, on n'a pas obtenu ce genre de succès.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Et
vous l'associez à quoi?
• (16 h 50) •
M. Brodeur (Jacques) : Ah! un
ensemble de facteurs. Une question de formation, une question de disponibilité
des produits et surtout, et c'est mon opinion personnelle, une mainmise de
l'industrie agrochimique sur notre utilisation des pesticides de synthèse.
C'est extrêmement difficile, pour
quelqu'un qui développe, qui veut faire la promotion, par exemple, de produits
en lutte biologique, de percer le marché, parce que souvent c'est des systèmes
intégrés, verticaux, où le producteur va faire affaire avec une entreprise qui
va lui vendre les semences, qui va lui vendre les intrants, en termes de
fertilisants et autres, qui va lui vendre des pesticides, qui va même lui
vendre les services-conseils pour l'utilisation de ces produits, et, à la
limite, la même entreprise va acheter la production du producteur.
Donc, parallèlement, si on arrive avec des
solutions autres, c'est très, très, très difficile de non pas les imposer, mais
même de les proposer aux producteurs. <Donc, c'est un...
M. Brodeur (Jacques) :
...qui va lui vendre des pesticides, qui va même lui vendre les
services-conseils pour l'utilisation de ces produits, et, à la limite, la même
entreprise va acheter la production du producteur.
Donc, parallèlement, si on arrive avec
des solutions autres, c'est
très, très, très difficile de non pas les
imposer, mais même de les proposer aux producteurs. >Donc, c'est un
système qui est dans certaines cultures, surtout dans les grandes cultures, qui
est relativement bien établi au Québec et, pour moi, c'est un des freins
majeurs à l'adoption d'alternatives aux pesticides de synthèse, malheureusement.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, M. Brodeur. Sur ce, je cède la parole au collègue député de Lac-Saint-Jean.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Merci, M. le Président. Merci, M. Brodeur, d'être présent. Merci de l'exposé,
de votre mémoire et du travail que vous avez accompli à ce niveau-là.
Vous avez soulevé des enjeux, et on a un
enjeu qu'on n'a pas beaucoup parlé, et que j'ai bien aimé, puis il faut quand
même se le dire, on est citoyens avec une conscience sociale, mais aussi on est
consommateurs. Et moi, quand je vais à l'épicerie, je remarque le comportement
aussi des gens, parce qu'ayant moi-même été producteur... et les gens trient.
On regarde, et il ne faut pas offrir une pomme poquée ou une pomme avec un ver parce
que je me demande si ça ne ferait pas les manchettes. Expliquez-moi ça un peu
aussi. Parlons-en de la conscience sociale du consommateur.
M. Brodeur (Jacques) : Bien,
personnellement, moi aussi, s'il y a une pomme poquée puis une pomme qui est
parfaite, je vais choisir la pomme parfaite. C'est une question d'éducation, parce
que, si, comme je l'ai mentionné, si on compare l'attitude des consommateurs
ici, au Québec... Quand je dis le Québec, en fait, je devrais dire plus
l'Amérique, le Canada et les États-Unis. C'est un peu la même approche qu'on a.
Si je compare notre attitude face à des produits frais, que ce soient des
légumes ou des fruits, on est beaucoup, beaucoup plus exigeants que ce qu'on
voit en Europe.
Vous êtes probablement tous allés en
Europe par affaires ou par voyage. On va dans les marchés, et ce qu'on voit
comme produits, bien, ce n'est pas nécessaire des produits qui sont parfaits,
et les gens les achètent. Les Hollandais, face à une pomme parfaite, bien, pour
eux, c'est une pomme qui est suspecte, parce que probablement que cette
pomme-là, elle a subi ou elle a été... elle a subi plusieurs traitements
pesticides.
Alors, ici, je pense qu'on a une certaine
éducation à faire au niveau des consommateurs pour qu'ils soient moins
exigeants sur la qualité esthétique des fruits et des légumes.
Le Président (M. Lemay) :
Parfait. M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Parce
que moi, j'ai discuté longuement avec un grand producteur biologique de ma
région du Saguenay—Lac-Saint-Jean et d'autres producteurs qui ont des mesures
raisonnées de faire de l'agriculture, et ils m'ont dit, tout simplement :
Regarde, Éric, ce n'est pas compliqué, on va faire ce que le consommateur va
nous demander de faire.
M. Brodeur (Jacques) : Bien, quand
je parlais de la pression indue au niveau du public, au niveau des producteurs,
c'est exactement ça. C'est nous, comme citoyens, comme consommateurs, qui
mettons cette pression sur le producteur, point à la ligne.
Le Président (M. Lemay) : M.
le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Vous avez mentionné que le producteur aussi se retrouve à... puis c'est des
preneurs de prix dans un marché libre, et ils se retrouvent les derniers en bas
de l'échelle.
M. Brodeur (Jacques) :
Effectivement.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Vous en pensez quoi?
M. Brodeur (Jacques) : Bien,
je pense qu'il y a une crise actuellement au niveau de l'agriculture au Québec,
et malheureusement, la nouvelle crise, si je peux dire, au niveau de
l'utilisation des pesticides, ça ajoute une pression additionnelle énorme sur
les producteurs. Ces producteurs-là, maintenant, ont besoin d'aide parce que
leur marge de manoeuvre est très, très faible.
J'étais dans les champs de laitue, dans la
région de Sherrington, il y a quelques semaines. Ça n'a rien à voir avec les
pesticides, mais j'ai vu la récolte des pommes... des laitues, et il y avait
peut-être 1/6, 1/7 des laitues qui étaient laissées en champ, étaient laissées
en champ parce qu'elles étaient trop petites, parce que le calibre était
beaucoup plus petit que la norme exigée, et ça, c'est une perte nette pour le
producteur.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Et, au niveau du biologique, bien, il y a des contraintes aussi quand même, des
contraintes mécaniques. Il y a un producteur qui est venu, M. Michon, qui nous
a quand même fait un bel exposé du travail minimum du sol et qui a mentionné
qu'à la fin, bien, mon marché, moi, je dois utiliser... il a réussi à diminuer
énormément, là. Vous en pensez quoi?
M. Brodeur (Jacques) : Bien,
j'ai écouté M. Michon en direct sur le Web. Ce n'est pas un producteur
biologique, c'est un producteur de grande surface. Son exposé était très
intéressant. C'est un producteur qui, manifestement, a beaucoup de succès avec
son approche, mais ce n'est pas un producteur biologique. Je vais arrêter là.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
J'ai-tu encore du temps? Bien, c'est parce qu'il mentionnait qu'il ne pouvait
pas...
Le Président (M. Lemay) : Il
vous reste une minute, M. le député.
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Il a développé une technique, il est reconnu par ses pairs, il a fait de la
formation. Il a développé une technique de travail minimum du sol, mais qu'il
ne pouvait pas quand même se passer, même s'il a baissé énormément les produits
de synthèse, entre autres au niveau du Roundup, qu'il ne pouvait pas quand même
s'en passer.
M. Brodeur (Jacques) : En
fait, M. Michon cultive sur de très, très grandes superficies, et
effectivement, comme je le mentionnais, dans les grandes cultures sur de très,
très grandes superficies, c'est assez difficile pour nos producteurs d'aller
vers une agriculture complètement biologique.
Le Président (M. Lemay) : Très
bien. M. le député, est-ce que ça complète votre échange?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, merci. Vous avez répondu à mes questions.
Le Président (M. Lemay) :
<Désolé,
je suis en train de perdre la voix, mais, bon, c'est des choses qui arrivent.
Mme la députée de
Maurice-Richard
, la parole
est à vous...
M. Brodeur (Jacques) :
...grandes cultures sur de
très, très grandes superficies, c'est assez
difficile pour nos producteurs d'aller vers une
agriculture complètement
biologique.
Le Président (M. Lemay) :
Très bien. M. le député, est-ce que ça complète votre échange?
M. Girard (Lac-Saint-Jean) :
Oui, merci. Vous avez répondu à mes questions.
Le Président (M. Lemay) : >Désolé,
je suis en train de perdre la voix, mais, bon, c'est des choses qui arrivent. Mme
la députée de Maurice-Richard, la parole est à vous.
Mme Montpetit : Merci, M. le
Président. Ça a été une semaine chargée avec notre commission. Donc, on peut
comprendre que vous commenciez à en perdre.
Merci beaucoup d'être là. C'est vraiment extrêmement,
extrêmement intéressant, ce que vous nous avez présenté, puis j'imagine que, si
ce n'est déjà fait, vous pourrez nous transmettre votre présentation PowerPoint.
M. Brodeur (Jacques) : C'est
déjà fait.
Mme Montpetit : C'est déjà
fait. Parfait, merveilleux. J'avais juste le mémoire en main, c'est pour ça.
Donc, j'imagine, ça a déjà été distribué.
J'avais quelques questions pour vous puis
j'étais contente que vous parliez... puis c'est vraiment par curiosité, mais je
pense que c'est d'intérêt aussi, parce que c'est une question que ça fait vraiment
longtemps que je me pose sur, justement, la question des pomiculteurs. Qu'est-ce
qui fait, justement, qu'il y a des pomiculteurs qui arrivent à faire des pommes
biologiques, versus ceux qui font 23 arrosages? C'est quoi, le... Quel est
l'enjeu? Puis, bon, quand on avait rencontré, je pense, le MAPAQ, ils nous avaient
présenté les diffuseurs de phéromone, qu'il y avait des façons de faire de la
lutte intégrée, justement, qui permettait... Je ne suis pas sûre si c'était de
ne pas utiliser du tout de pesticides, mais c'est quoi, l'intérêt, dans le
fond, de faire 23 arrosages quand il y a d'autres méthodes alternatives?
Est-ce que c'est une question de convictions? Est-ce que c'est une question de
moyens? C'est une question de ne pas le savoir, de ne pas être accompagné?
Qu'est-ce qui fait qu'il y a encore autant d'arrosages?
M. Brodeur (Jacques) : Encore
là, c'est une situation qui est multifactorielle. Il y a un ensemble de
facteurs qui font en sorte qu'il y a autant de traitements insecticides ou
pesticides, je devrais dire, dans les cultures de pommes. Mais il faut savoir,
à la base, que cultiver des pommes au Québec et un peu partout en Amérique,
c'est tout un défi, parce qu'il y a toute une panoplie d'insectes, d'acariens
et de maladies qui attaquent la pomme. C'est une culture qui est pérenne, qui
est là pour plusieurs années, et il y a une croissance des populations de
ravageurs d'année en année. Donc, c'est un défi réel pour les producteurs de
produire les pommes.
Dans ces conditions-là, c'est beaucoup
plus difficile de produire des pommes, pour le producteur, que de produire du
soya ou du maïs, compte tenu de la difficulté et de la diversité des problèmes
phytosanitaires qu'on rencontre dans la pomme. Essentiellement, la majorité des
traitements, ce sont des traitements fongicides qui sont là pour lutter contre
une maladie principale, qui est la tavelure de la pomme. C'est cette
tavelure-là qui cause l'aspect un peu plus grisâtre sur les pommes. Par contre,
ça n'attaque pas, ça, puis à grande échelle, là, la qualité organoleptique de
la pomme.
Donc, il y a quand même des producteurs
qui arrivent en régie à faire de la production biologique. C'est des
producteurs qui ont développé cette expertise-là au fil des années. Ils ne sont
pas nombreux au Québec, mais de plus en plus nombreux. Ils cultivent
généralement sur de plus petites superficies et ils ont tout simplement
développé l'expertise avec l'aide des agronomes qui sont présents dans le
milieu pour arriver à produire des pommes biologiques. Cela étant dit, les
pommes biologiques reçoivent aussi plusieurs traitements en phytoprotection à
l'aide de biopesticides et d'autres approches comme celle que vous avez
décrite, là, la confusion sexuelle, pour lutter contre le carpocapse de la
pomme. Il y a un vaste projet présentement à l'échelle du Québec, justement,
pour démontrer sur le terrain aux producteurs que cette approche-là, elle est
efficace et économique. Et on espère que d'ici quelques années, bien, ça va
contribuer à réduire l'utilisation des insecticides en pomiculture.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Mme la députée.
Mme Montpetit : Donc, ce que
vous nous dites, c'est que même au niveau des pommes biologiques, c'est ça, il
y a des traitements, il y a de l'arrosage qui est fait quand même. Donc, est-ce
qu'il y a une innocuité totale aussi, ou c'est juste... vous jugez que c'est
moins pire, mais on ne le sait pas encore?
M. Brodeur (Jacques) : Vous
pourriez poser la question à différentes personnes, vous auriez différentes
réponses. Les pommes biologiques sont, à mon avis, nettement plus saines que
les pommes produites en régie conventionnelle, mais il y a certains produits
qu'on utilise aussi en lutte biologique qui peuvent avoir des effets sur la
santé humaine. Mais, nettement, ce sont de meilleures pommes à consommer.
Mme Montpetit : Donc, ça
oblige quand même le consommateur à poser beaucoup de questions. Puis justement
là-dessus, est-ce que vous pensez qu'il y aurait... On a parlé beaucoup, bon,
d'accès aux données pour les chercheurs au cours des dernières journées. Mais
est-ce qu'il n'y aurait pas un intérêt au niveau du consommateur aussi à être
mieux informé sur comment les produits qu'il achète... parce que, bon, dans les
discussions qu'on a et en amont, en aval, je pense que c'est multifactoriel,
les recommandations qu'on devrait faire, mais ça, ça peut être une piste.
M. Brodeur (Jacques) : Bien,
j'espère qu'à l'avenir on va être beaucoup plus transparent à l'échelle du
Québec, en milieu agricole, sur ce qu'on applique au niveau des cultures. Je
pense que, si le public, si les citoyens, si les consommateurs étaient mieux
informés sur les produits qu'on épand dans nos cultures, je pense que le
mouvement citoyen serait nettement plus important et je pense que la pression
serait nettement plus importante pour qu'on change nos habitudes.
• (17 heures) •
Mme Montpetit :
<Dans
votre mémoire, vous avez fait référence au...
>
17 h (version révisée)
< M. Brodeur (Jacques) :
...mieux informé sur les produits qu'on épand dans nos cultures. Je pense que
le mouvement
citoyen serait
nettement plus important et je pense
que la pression serait
nettement plus importante pour qu'on change nos
habitudes.
Mme Montpetit : >Dans
votre mémoire, vous avez fait référence aux Pays-Bas qui ont réduit de 50 %
les quantités de pesticides en agriculture en quelques années.
M. Brodeur (Jacques) :
En cinq ans.
Mme Montpetit : En cinq
ans en plus de ça? Et vous parlez de mesures draconiennes. Moi, je ne connais
pas du tout cet exemple-là. Est-ce que vous pouvez nous en parler davantage,
justement, sur quelle approche ils ont adoptée? Puis est-ce que ça s'est fait,
justement, en permettant aux agriculteurs de conserver leur rentabilité et leur
niveau de compétitivité également?
M. Brodeur (Jacques) :
Oui. En fait, je connais bien l'exemple des Pays-Bas. J'y ai vécu pendant deux
ans, et les deux années où j'étais là, c'était au début des années 90. Il
y avait vraiment une crise au niveau de la population aux Pays-Bas parce que,
traditionnellement, les agriculteurs hollandais étaient considérés comme un
fleuron des Pays-Bas parce qu'ils arrivaient à nourrir le pays, mais également
à nourrir une bonne partie de la planète. Ils avaient des rendements qui
étaient très, très, très grands en agriculture. Donc, ils étaient extrêmement
bien considérés par la population.
Et là il y a eu la crise des pesticides.
On s'est rendu compte... En fait, il y a eu beaucoup de reportages à la télé et
dans les journaux à l'époque qui ont mis en évidence, justement, l'abus de
pesticides en agriculture, la contamination des sols en Hollande, la
contamination des cours d'eau et, voire, la contamination de l'air. Et là il y
a eu une mobilisation générale des citoyens, également des politiciens. Ça s'est
fait un peu au détriment de l'image qu'on avait des producteurs. Les
producteurs ont souffert beaucoup à l'époque de cette mise en accusation de la
part des citoyens. Et le gouvernement a mobilisé ses chercheurs, a mobilisé ses
producteurs, a mobilisé également l'industrie agrochimique pour changer
drastiquement la situation. Et, en dedans de cinq ans, on a réduit de 50 %
l'utilisation des pesticides.
Au Québec, on a voulu faire la même chose
avec la stratégie phytosanitaire il y a quelques années. On s'est donné aussi
l'objectif de réduire de 50 % l'utilisation des pesticides, mais c'était
complètement illusoire à l'époque parce que notre consommation de pesticides
était nettement moins grande que celle des Hollandais. Donc, on s'est mis un
objectif beaucoup, beaucoup trop ambitieux. Les Hollandais ont réussi
essentiellement parce qu'ils se sont mobilisés comme citoyens. Et ce n'est pas
pour rien que maintenant, si vous allez en Hollande, bien, les gens sont très
critiques par rapport à, comme j'ai mentionné, des pommes parfaites ou des
produits parfaits, parce qu'ils savent qu'à la base, c'est probablement dû à
une surutilisation des pesticides.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Brodeur. Mme la députée, j'ai cru comprendre que votre collègue
voulait intervenir. Alors, M. le député de Marquette, la parole est à vous.
M. Ciccone :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. Brodeur.
M. Brodeur (Jacques) :
Plaisir.
M. Ciccone :
Avec tous les groupes qu'on a entendus depuis lundi, c'est vraiment inquiétant.
On savait que c'était un problème majeur, et c'est pour ça que j'en profite
pour remercier le député de Bonaventure, justement, pour ce mandat
d'initiative. Merci beaucoup, M. le député. À part le MAPAQ, à part le
gouvernement, les agriculteurs, les distributeurs, les agronomes producteurs,
on a tous une part de responsabilité. Cependant... parce que, là, on voit
que... parce que moi, j'aime les pommes, puis avec ce que j'entends, là...
M. Brodeur (Jacques) :
J'adore les pommes.
M. Ciccone :
Avec ce que j'entends, là, je vais avoir peur de manger des pommes. Ça, c'est
la première des choses. J'adore jouer au golf... Tu sais, on dirait que ça me
conscientise à tout ça parce que je vais le voir d'une façon différente.
Qu'est-ce qu'il y a... Parce qu'au même
parallèle que... Puis je fais un parallèle avec les changements climatiques. On
dit toujours que ça commence par un petit geste à la maison individuellement.
Qu'est-ce que le citoyen peut faire, justement, pour entrer dans l'équation,
pour aider cette situation-là? Des exemples concrets, là, à part choisir sa
pomme qui est trop parfaite, là.
M. Brodeur (Jacques) :
Mais je ne voudrais pas que, suite à mon témoignage, les gens cessent de
consommer des pommes. Ça serait tragique, là.
M. Ciccone :
On comprend.
M. Brodeur (Jacques) :
Ce n'est pas du tout le message que je veux envoyer. J'ai pris la pomiculture
comme un exemple, mais la même situation peut se produire dans d'autres
cultures.
Il faut être vigilant. Il faut faire
pression. Il faut faire pression sur notre gouvernement, il faut faire pression
sur cette commission. Moi, j'ai beaucoup d'espoir en la commission. Vous avez
entendu des témoignages assez troublants. Moi, le dernier témoignage m'a un peu
bouleversé. Moi, je pense, c'est une mobilisation des citoyens. Je pense qu'à
la limite on doit descendre dans la rue, comme on le fait pour les changements
climatiques, sur l'utilisation des pesticides de synthèse. La pression du
public, la pression des citoyens va vous amener, vous, comme députés, à faire
des changements, à prendre des résolutions pour atténuer la situation.
M. Ciccone :
Je ne veux pas vous mettre dans une... M. le Président. Je ne veux pas vous
mettre dans une situation difficile, mais, en même temps, est-ce qu'il est plus
profitable de faire son épiceri, justement, dans une grande surface ou d'aller
choisir un agriculteur qui est biologique? L'été, on voit que les agriculteurs
vont s'installer sur le bord des <routes...
M. Ciccone :Je ne veux pas vous mettre dans une
situation difficile,
mais,
en même temps,
est-ce qu'il est plus profitable de faire
son épicerie, justement, dans une grande surface ou d'aller choisir un
agriculteur qui est biologique? L'été, on voit que les agriculteurs vont
s'installer sur le bord des >routes, surtout en région. Moi, j'en ai plusieurs,
là, dans mon coin. Est-ce qu'on devrait peut-être plus favoriser ces achats-là?
M. Brodeur (Jacques) :
Bien, chose certaine, il faut consommer local, le plus possible. Tout à l'heure,
on a mentionné les produits du Mexique. Moi aussi, je suis allé au Mexique, moi
aussi, j'ai vu ce qu'il y avait sur les marchés. J'ai fait des travaux au
Mexique également et je ne mange plus de produits mexicains. Je préfère, et de
loin, à cause des contaminations aux pesticides, des résidus qu'on trouve
sur les produits, les produits québécois.
Il y a deux semaines, je suis allé au
Marché Jean-Talon. C'était la pleine saison du maïs. J'adore le maïs. J'ai été
surpris de voir qu'il y avait deux étals, un à côté de l'autre, un étal où
c'était une culture conventionnelle de maïs, et l'autre étal à côté, c'était
une culture biologique, avec l'utilisation de trichogrammes pour lutter contre
la pyrale du maïs. Et il y a deux choses qui m'ont surpris. Premièrement, le
prix du maïs était le même en production biologique et en production
conventionnelle, ce qui est assez exceptionnel. Je ne sais pas pourquoi les
producteurs du Québec, de maïs qui sont biologiques, n'ont pas une plus-value
pour leurs produits. Et la deuxième chose qui m'a beaucoup surpris, c'est que
les producteurs biologiques, bien, la file d'attente n'était pas plus longue
que pour le producteur conventionnel. Donc, encore là, c'est une question
d'éducation.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Brodeur. Ceci termine cet échange. Je cède maintenant la parole
à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien :
Merci, M. le Président. Moi, je ferais du pouce là-dessus, M. Brodeur, sur
l'éducation. Comment on fait pour l'éduquer, la population, pour qu'elle soit
plus... moins exigeante sur l'esthétisme des produits puis moins exigeante sur
le prix?
M. Brodeur (Jacques) :
Là, vous ne posez pas la question à un spécialiste en marketing, là, mais je
pense qu'à la base il faut en parler. Il faut en parler partout, il faut en
parler entre nous, entre collègues, au sein de la famille. Il faut en parler
dans les médias, il faut faire la démonstration. C'est une question, encore une
fois, d'éducation.
Mme Lessard-Therrien :
Puis est-ce que vous pensez qu'il faudrait rebâtir des ponts avec la population
agricole, en ce sens où les gens sont peut-être déconnectés de l'ampleur du
travail que ça prend ou de l'utilisation des produits que ça prend pour
produire cette pomme-là, rouge, qui est parfaite?
M. Brodeur (Jacques) :
Oui, oui, effectivement. La connexion peut se faire, entre autres en
pomiculture, à l'automne, avec l'autocueillette. La connexion peut se faire
aussi avec l'agrotourisme qui se développe quand même passablement au Québec
depuis quelques années. Il faut vraiment que les citadins, et on est de plus en
plus citadins, là, comme population, au Québec et ailleurs... Il faut que les
gens, bien, aillent en campagne, aillent en milieu rural, parlent avec les
producteurs, voient leur réalité au quotidien.
Il y a eu un reportage... Il y a beaucoup
de reportages, actuellement, sur les pesticides dans les médias. Il y a un
reportage qui m'a beaucoup frappé, c'est lorsqu'un producteur, qui a voulu
gardé l'anonymat, disait qu'il était gêné, en quelque sorte, de monter sur son
tracteur et de mettre une combinaison pour se protéger des pesticides parce
qu'il envoyait une mauvaise image à ses voisins, comme quoi il était en train
d'épandre des pesticides. Donc, ce producteur ne met pas ses équipements de
sécurité, non pas parce qu'il n'est pas conscient du risque qu'il court, mais
pour garder sa belle image auprès de ses concitoyens. Et ça, j'ai trouvé ça
tout à fait tragique.
Mme Lessard-Therrien :
J'ai le temps?
Le Président (M. Lemay) :
Allez-y.
Mme Lessard-Therrien :
O.K. Vous parlez du package deal, dans votre mémoire, de l'industrie, quand ils
ont à proposer des solutions pour les cultures. Comment on encadre le travail
de l'agronome? Est-ce qu'on y va avec un système à deux factures, une facture
pour les services-conseils, une facture pour le produit, ou est-ce qu'on y va
carrément dans le modèle médecin, pharmacien, donc un agronome qui conseille,
un agronome qui vend?
Le Président (M. Lemay) :
M. Brodeur, en 30 secondes.
M. Brodeur (Jacques) :
Moi, j'irais avec le système médecin, pharmacien. Il a fait ses preuves ici, au
Québec, et ailleurs. Ça fonctionne bien. Il faut absolument qu'il n'y ait pas
aucune forme, aucune apparence de copinage entre ceux qui produisent, ceux qui
vendent les pesticides et ceux qui les prescrivent. Et ça, à mon avis, c'est
une des premières mesures qu'on devrait prendre ici, au Québec, pour réduire
l'utilisation des pesticides, éviter, à tout le moins, l'apparence même de
conflits d'intérêts.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup. Maintenant, nous cédons la parole au député de Bonaventure pour
son échange.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Bonjour, monsieur. Écoutez, vous soulevez l'enjeu de la
perception, ce qui me rappelle une forme de sociologie de l'alimentation. Il y
a un bouquin qui s'appelle Anthropologie des coutumes alimentaires, qui
explique que les régimes alimentaires, dans l'histoire de l'humanité, se sont
bâtis en fonction de la couleur, du goût, disponibilité, texture et bruit, mais
rarement en fonction de la valeur nutritive.
Vous parlez de l'enjeu de la perception
puis vous avez parlé des Hollandais, qui ont modifié leur comportement. Et
comment ils ont fait?
• (17 h 10) •
M. Brodeur (Jacques) :
<Ils
ont fait face à une situation catastrophique. Si j'étais cynique, je vous
dirais peut-être que ce que ça nous prend au Québec, c'est un désastre
écologique...
M. Roy
: ...vous avez
parlé des Hollandais, qui ont modifié leur comportement. Et comment ils ont
fait?
M. Brodeur (Jacques) :
>Ils ont fait face à une situation catastrophique. Si j'étais cynique,
je vous dirais peut-être que ce que ça nous prend au Québec, c'est un désastre
écologique, c'est peut-être un désastre au niveau de la santé humaine pour
faire bouger le système. C'est un peu ce qui s'est passé en Hollande. On a
trouvé des niveaux de contamination de pesticides de synthèse dans le lait
maternel en Hollande qui étaient extrêmement élevés, et ça, ça a envoyé une
onde de choc terrible au niveau de la population, et c'est ça qui a fait bouger
la population. Mais il ne faut pas en arriver là. Il faut être proactif et
bouger avant d'en arriver à ce niveau de catastrophe.
M. Roy
: Écoutez, moi,
bon, j'ai déjà proposé au gouvernement une réflexion sur, bon... au secondaire,
O.K., le poids atomique des roches, c'est extrêmement important, mais la chimie
de la biologie alimentaire, au niveau de l'éducation secondaire, devrait faire
partie d'un cursus de formation qui viendrait conscientiser une partie de la population.
Ce n'est pas quelque chose qui peut se régler en dedans d'un an ou deux ans,
mais dans 10, 15 ans, on verrait des modifications, et ce serait la
sanction du marché de ceux qui ont été formés à une forme d'écologie ou d'agroécologie
qui définirait les critères du marché.
M. Brodeur (Jacques) : On
n'en est pas là du tout, là. Si je reviens avec l'exemple du maïs au Marché Jean-Talon,
pourquoi les gens ne vont pas vers un marchand de maïs biologique, plutôt qu'un
marchand de maïs conventionnel à prix égal, là? Souvent, on va dire : Bon,
bien, on ne va pas vers des produits biologiques, parce qu'ils coûtent beaucoup
plus cher que les produits conventionnels. Là, on avait un exemple d'égalité
des coûts, et le choix n'a pas changé, là. C'est un peu troublant.
M. Roy
: Vous avez
soulevé cet enjeu-là, puis on va poursuivre la réflexion et la discussion, et
j'espère que ça va s'opérationnaliser en action gouvernementale. Merci.
M. Brodeur (Jacques) : Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Merci. Donc, sur ce, je vous remercie pour votre contribution aux travaux.
Je suspends les travaux quelques instants
pour permettre à l'Union des producteurs agricoles de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 12)
>
(Reprise à 17 h 15)
Le Président (M. Lemay) :
Alors, nous reprenons nos travaux, et je souhaite maintenant la bienvenue à l'Union
des producteurs agricoles. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour
faire votre exposé, et ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres
de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes
qui vous accompagnent, puis vous pourrez procéder avec votre exposé. La parole
est à vous.
Union des producteurs agricoles (UPA)
M. Groleau (Marcel) : Alors, merci
beaucoup, M. le Président, MM., Mmes les députés. Alors, je suis accompagné de
M. Martin Caron, qui est le premier vice-président de l'UPA mais aussi
responsable des dossiers santé, sécurité et environnement à l'Union des
producteurs agricoles, ainsi que de Mme Katia...
Une voix
: ...
M. Groleau (Marcel) :
...Colton-Gagnon, voilà, c'est ça. Excuse-moi, Katia.
Alors, bon, je me présente également,
Marcel Groleau, président général de l'Union des producteurs agricoles.
J'aimerais d'abord rappeler que l'UPA a
conjointement demandé la tenue de cette commission avec Équiterre et la
Fondation David-Suzuki le printemps dernier.
Vous avez tous pris connaissance de notre
mémoire. Je ne reviendrai donc pas en détail sur chacune de nos 35 recommandations,
mais je préciserais qu'elles reposent toutes sur la même prémisse : les
agriculteurs seront les principaux acteurs de changement dans la réduction de
l'usage des pesticides. Ils devront être formés, accompagnés et mieux soutenus.
Toute recommandation qui émane de cette commission devra placer les producteurs
au coeur de l'action.
Les attentes et les préoccupations des
citoyens sont légitimes, mais cette appropriation sociale n'invalide pas
l'environnement commercial de plus en plus mondialisé dans lequel les
agriculteurs et les agricultrices évoluent. Elles ne changent pas non plus le
défi réel de nourrir 8 milliards d'êtres humains dans un monde de plus en
plus urbanisé.
À l'heure actuelle, malgré la popularité
des marchés de proximité, plus de 98 % des achats se font via la
restauration et la grande distribution, et ces acteurs s'approvisionnent
partout sur la planète. La compétition est mondiale parce que les
gouvernements, incluant le gouvernement canadien, ont pris la décision de
mondialiser le commerce agricole. Les agriculteurs québécois se mesurent donc à
des pays qui produisent 12 mois par année ou qui subventionnent massivement
leurs agriculteurs avec souvent des normes sanitaires, sociales et
environnementales inférieures aux nôtres, bref avec des coûts de production
plus bas. Les membres de la commission doivent en tenir compte. On doit retenir
que le Québec n'a aucun contrôle sur les aliments importés.
Il a beaucoup été question de l'impact des
pesticides sur la santé ces derniers mois. Je crois pertinent de rappeler que
les agriculteurs, leurs familles et leurs employés sont les premiers exposés à
ces produits. C'est pour cette raison qu'en juin l'UPA a demandé à l'Institut
de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité au travail de documenter
l'impact des pesticides sur la santé. C'est aussi pourquoi nous demandons au
ministère de la Santé et des Services sociaux qu'il finance la réalisation
d'une étude épidémiologique au Québec pour mieux comprendre l'impact de
l'exposition professionnelle aux pesticides.
Dans le débat sur la gestion de ces
produits, beaucoup d'intervenants ont fait référence aux pratiques alternatives
aux pesticides. Elles doivent être encouragées au maximum. Ces méthodes sont
souvent plus risquées, plus coûteuses que les pesticides, sans être davantage
rémunérées par les marchés. Je crois que les membres de la commission ont
d'ailleurs visité des fermes qui les utilisent.
Il faut aussi appuyer davantage le secteur
biologique. L'UPA s'est investie beaucoup dans le développement de cette
filière avec la création, dès 1989, d'une toute première fédération
d'agriculture biologique. Nous avons élargi l'approche en 2015 en mettant sur
pied la Table de développement de la production biologique. La table, que je
préside, réunit plusieurs groupes de producteurs et d'intervenants, incluant
les représentants des gouvernements québécois et canadien, centres de recherche
et autres maisons d'enseignement pour faire progresser collectivement la
production biologique et répondre à la demande croissante pour ces produits.
Aujourd'hui, le Québec est le chef de file
au Canada en production biologique. En 2018, on comptait 2 083 fermes
certifiées au Québec. C'est une augmentation de 29 % par rapport à 2017.
Il faut continuer sur cette lancée, mais les gouvernements doivent s'investir
davantage. À l'heure actuelle, l'aide fédérale et provinciale au secteur biologique
représente 1 985 $ par ferme biologique québécoise, alors qu'elle est
de 7 852 $ CAN par ferme biologique aux États-Unis. C'est
presque quatre fois plus.
Les Américains ne sont pas les seuls à
investir plus que le Canada et le Québec. En dollars canadiens,
l'investissement dans le bio représente 0,55 $ par habitant au Québec. Il
est de 4,30 $ en France, 6,61 $ au Danemark et de 10,65 $ en
Allemagne. On a donc beaucoup de chemin à faire.
• (17 h 20) •
Les budgets consacrés à
l'agroenvironnement sont, eux aussi, beaucoup trop modestes. Les budgets
fédéral et provincial représentent <1 982 $ par entreprise
agricole au Québec, alors qu'ils sont de 3 880 $ CAN aux
États-Unis. C'est deux fois plus.
M. Groleau (Marcel) :
...et de 10
,65 $ en Allemagne. On a donc beaucoup de chemin à
faire.
Les budgets consacrés à
l'agroenvironnement sont, eux aussi, beaucoup trop modestes. Les budgets
fédéral et provincial représentent >1 982 $ par entreprise
agricole au Québec, alors qu'ils sont de 3 880 $ CAN aux États-Unis.
C'est deux fois plus. Une bonification importante est incontournable, si on
souhaite atteindre nos objectifs. Selon nous, cette bonification pourrait
prendre la forme d'un nouveau programme de rétribution des biens et services
écologiques. Plusieurs pays européens comme l'Écosse, la Finlande, le
Royaume-Uni et la Suisse misent sur ce genre de programme pour soutenir les
efforts agroenvironnementaux des producteurs et récompenser leur apport à la
collectivité. L'essentiel des 6 milliards de dollars US investis chaque
année par le gouvernement américain via le Conservation Reserve Program est
consacré à cette forme d'appui. Un tel programme au Québec ferait une grande
différence.
Il a aussi beaucoup été question dans
l'actualité du rôle des agronomes. Comme plusieurs, nous croyons que l'État
doit augmenter ses effectifs agronomiques pour assurer la livraison de conseils
véritablement indépendants. Nous croyons surtout, et je veux être tout à fait
clair, que transférer la gestion des pesticides à l'Ordre des agronomes du
Québec, comme le président de l'ordre l'a proposé cette semaine, serait une
grave erreur. Le gouvernement du Québec ne peut céder ses responsabilités
sociétales, peu importe lesquelles, à un ordre professionnel, peu importe
lequel.
La mission d'un ordre professionnel est de
protéger les citoyens au regard de l'exercice de la profession de ses membres.
Elle n'est pas de réglementer les activités du secteur dans lequel cette
profession est exercée. L'UPA croit fermement que, pour assurer la transparence
et regagner la confiance du public, il est essentiel de séparer complètement
l'acte de vente de l'acte agronomique. Distinguer les deux sur la facturation,
comme le propose l'ordre, ne permet pas d'atteindre cet objectif.
Dans notre mémoire, l'UPA va même plus
loin en recommandant de remplacer le système de prescription actuel par des
formations obligatoires adaptées pour les producteurs. Nous proposons
d'intégrer la gestion des pesticides dans un plan intégré de gestion des
cultures qui comprendrait le plan d'ensemencement ou de culture, le plan de
fertilisation et le plan de gestion des ennemis des cultures, sous la
supervision d'un professionnel qui n'est pas lié à l'industrie de la vente des
pesticides.
De plus, nous proposons que les producteurs
complètent leur registre avec l'outil disponible dans SAgE Pesticides. Cela
permettrait au gouvernement du Québec l'accès à une plus vaste banque de
données et d'établir des objectifs de réduction des risques. En outre, l'un des
principaux avantages serait la sensibilisation accrue des producteurs aux
risques que représente l'usage des pesticides.
De façon plus large et pour conclure, je
crois plus que jamais que la réduction des risques encourus par le recours aux
pesticides passe par une approche beaucoup plus globale, cohérente, à moyen et
long terme, en matière d'agroenvironnement. L'UPA recommande, depuis le milieu
des années 2000, l'adoption d'un véritable plan vert agricole pour le
Québec. On parlait alors de plan d'action concerté en agroenvironnement. Tous
les gouvernements ont depuis fait la sourde oreille. On a plutôt assisté à un
important désengagement de l'État, qui se poursuit.
Au tournant des années 2000, pour des
raisons essentiellement budgétaires, le gouvernement a privatisé ses centres de
recherche pour attirer délibérément plus d'investissements privés. Les
producteurs, eux aussi, ont été invités à augmenter leur contribution via les
fonds de contrepartie. La création des centres d'expertise et de transfert a
suivi pour favoriser la collaboration des principaux partenaires de chaque
filière. Le transfert des connaissances des producteurs s'est ajouté au fil des
ans à leur mission. Les producteurs sont les premiers concernés par les travaux
des centres d'expertise et de transfert. Leur présence au sein des conseils
d'administration est donc essentielle pour que les centres restent branchés sur
les enjeux qui les touchent concrètement et les projets de recherche qui les
interpellent directement.
De même, il est essentiel que le MAPAQ
joue un rôle actif d'administrateur sur ces centres d'expertise et qu'il cesse
de déléguer ce rôle à des observateurs. Pour atteindre nos objectifs et
véritablement réduire les risques associés à la gestion des pesticides, il faut
miser sur des objectifs moyen, long terme, responsabiliser l'ensemble des
intervenants de la filière, poursuivre le virage vers la lutte intégrée des
ennemis des cultures, encourager davantage la production biologique et bonifier
de façon substantielle les budgets dédiés à la prévention, à la recherche, au
développement et à l'accompagnement des producteurs.
Le Québec affiche déjà l'un des indices de
pression environnementale parmi les plus bas au monde. <Il faut bâtir sur
cette distinction trop peu communiquée jusqu'à maintenant dans le débat actuel
et miser sur l'engagement des producteurs pour que le Québec devienne un
véritable chef de file en production durable des cultures. Les agriculteurs et
les agricultrices doivent être au coeur de ce projet de société...
M. Groleau (Marcel) :
>Il faut bâtir sur cette distinction trop peu communiquée jusqu'à maintenant
dans le débat actuel et miser sur l'engagement des producteurs pour que le Québec
devienne un véritable chef de file en production durable des cultures. Les agriculteurs
et les agricultrices doivent être au coeur de ce projet de société. Merci.
Le Président (M. Lemay) : Merci
beaucoup, M. Groleau, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la
période d'échange avec les membres de la commission. M. le député de Bourget,
la parole est à vous.
M. Campeau : Merci, M. le
Président. Bonjour, tout le monde. Que les agriculteurs soient au coeur de ce
qui va se passer, je pense que je partage ça complètement. Je pense que c'est
normal et tout à fait une bonne idée.
Vous avez parlé d'un plan total de gestion
qui serait sous la responsabilité d'un professionnel. En principe, l'idée ne
peut pas être mauvaise, mais on est-u capable de faire ça, au Québec, avec
toutes les fermes qu'on a? Actuellement, est-ce qu'on serait capable? Est-ce
qu'on a assez de monde? Qu'est-ce que qui nous bloquerait?
M. Groleau (Marcel) : En
fait, les producteurs doivent déjà compléter un plan agroenvironnemental de
fertilisation, qu'on appelle un PAEF, qui doit être déjà signé par un agronome
et mis à jour à chaque année. Alors, ce qu'on propose, c'est qu'on ajoute à ce
plan de fertilisation un plan de gestion des cultures qui intégrerait la
gestion des ennemis des cultures, donc la gestion des pesticides, et selon nous,
en termes administratifs, à la fois pour l'État, mais pour les producteurs, on
n'ajouterait pas un autre niveau de bureaucratie.
Alors, c'est la solution qu'on propose. C'est
la solution qu'on proposait, à l'époque, lorsque M. Heurtel avait proposé d'y
aller par la prescription. Nous, on prétend que, si on veut réduire les
pesticides, ce n'est pas simplement d'en prescrire un autre plutôt que celui
qu'on considère peut-être trop dangereux ou... vous allez le voir par les
statistiques qui vont être publiées bientôt par le ministère de
l'Environnement, la prescription n'entraînera pas automatiquement une
diminution de l'usage, si ce n'est pas intégré par le producteur agricole dans
une gestion complète qui démarre d'abord par son plan de culture, de fertilisation.
Alors, c'est pour ça que c'est ce qu'on propose.
M. Campeau : En d'autres mots,
vous voulez que la lutte intégrée fasse... finalement, ça soit l'essentiel de
ce qui va nous aider. C'est qu'avec la présence d'un agronome qui parle
directement aux agriculteurs, ceux-ci fassent partie de la nouvelle façon de
vivre.
M. Groleau (Marcel) : Et de
faire pour les agriculteurs. On a réglé des problèmes de fertilisation. On
avait des surplus de phosphore sur nos sols et dans nos cours d'eau. Par le plan
de gestion de la fertilisation, on a réglé une grande, grande partie de ces
enjeux-là. Par cette façon-là de travailler avec nos agronomes, on a appris,
les producteurs, à changer nos techniques de fertilisation, à mieux utiliser
nos lisiers et fumiers. Il y a eu une éducation qui s'est faite. Ça ne s'est
pas fait instantanément. Mais, si on veut travailler sur le long terme et avoir
des résultats probants et qui vont demeurer, selon nous, c'est la façon
d'aborder cette question-là.
M. Campeau : Je ne sais pas si
j'ai bien compris tantôt, mais il me semble, vous aviez dit que vous ne voyez
pas comme une bonne idée de transférer les prescriptions de pesticides à
l'Ordre des agronomes. C'est bien ça?
M. Groleau (Marcel) : Oui.
M. Campeau : En fait, est-ce
que ce n'est pas plus que, si le code de déontologie était réellement appliqué,
ça ne serait pas la même question qu'on se poserait à ce moment-là?
M. Groleau (Marcel) : Bien,
moi, je crois que la prescription est une... on formalise la pratique actuelle,
parce qu'actuellement les producteurs n'agissent pas seuls. Mais pour agir,
dans le futur, ça prendra une prescription, et il y aura un coût à la
prescription. On formalise la pratique actuelle de façon... En gros, là, c'est
ce que moi, je crois, et, si on veut avoir un impact comme vous le souhaitez,
on ne pense pas que c'est la meilleure approche.
• (17 h 30) •
M. Campeau : Il y a d'autres
personnes qui sont venues nous parler des incidences de maladies qui sont
reliées... qui sont potentiellement reliées à l'épandage de pesticides et que,
si on avait une idée, une cartographie des épandages au Québec, des quantités
utilisées, des produits utilisés, ça nous aiderait au... ça aiderait les
chercheurs, en tout cas, à donner des pistes de solution. Est-ce que c'est une
chose qu'on est... <les producteurs ou l'UPA est prêt à recommander...
>
17 h 30 (version révisée)
<17843
M.
Campeau : ...une cartographie des épandages au
Québec, des
quantités utilisées, des produits utilisés, ça nous aiderait... ça aiderait les
chercheurs, en tout cas, à donner des pistes de solutions.
Est-ce que
c'est une chose qu'on est... >les producteurs ou l'UPA est prêt à
recommander?
M. Caron (Martin) : Oui,
exactement. Parce que j'ai passé la semaine un peu à écouter les débats qui
sont venus ici puis j'ai bien compris, puis par rapport à la demande ou la
position plus qu'on fait, on répond à cette attente-là. Nous, qu'est-ce qu'on
propose en lien avec qu'est-ce que Marcel a dit, on propose d'utiliser SAgE
Pesticides avec un registre au niveau des pesticides, donc, que les producteurs
vont utiliser, qu'on appelle l'IRPeQ express, entre autres, pour mentionner les
pesticides qu'ils utilisent. Et avec ça, on va avoir un IRPeQ, c'est-à-dire un
indice au niveau de l'environnement, et un IRS au niveau de la santé qui va
être là.
Et ça, on veut, dans notre proposition,
envoyer ça au niveau du ministère entre autres. Donc, ces données-là vont être
vraiment un portrait à travers le Québec... et d'avoir les impacts au niveau de
la santé et de l'environnement directs. Et c'est déjà quelque chose qu'on
utilise, SAgE Pesticides, mais qu'il manque un geste, un petit peu plus loin.
Mais il va falloir investir dans ces outils-là, vraiment.
Puis je pense, ce n'est pas d'avoir un nouveau
système au niveau informatique. Il y a déjà des choses qui sont là. Il s'agit
juste d'avoir un transfert et de s'assurer qu'il y ait des interfaces qu'on
puisse aller un petit peu plus loin là-dessus. Mais ça va vraiment répondre aux
questions que vous avez eues toute la semaine pour être capable d'avoir le
portrait. Puis je dirais même plus, un avantage, c'est qu'on va pouvoir
naturellement... je sais que Mme Montpetit avait mentionné, il ne faut peut-être
pas que ça soit nominatif, puis nous, c'est notre cas aussi. Mais, en même
temps, on va être capable d'en mener par rapport à des enjeux de régions et
travailler avec les OBV, les bassins versants entre autres pour voir, s'il y a
une problématique, bien, qu'on s'adresse aux acteurs sur le terrain puis aux
partenaires entre autres.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. Caron. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Laviolette—Saint-Maurice.
Mme Tardif : Merci, M. le
Président. Bonjour. Merci d'être là. J'ai retenu entre autres, là, lorsque vous
parliez dans votre mémoire que le Québec n'a aucun contrôle, on le sait, sur
les aliments qui sont importés et que les producteurs agricoles québécois sont souvent
à armes inégales avec les autres producteurs des autres pays où, entre autres,
les salaires, disons, sont inférieurs à ici. Qu'est-ce que nous devons faire
pour favoriser la mise en marché de nos produits québécois? Et pensez-vous
qu'on peut changer la tendance actuelle?
Le Président (M. Lemay) :
M. Groleau.
M. Groleau (Marcel) : En
fait, on travaille beaucoup à ça. On fait beaucoup de promotion des produits
québécois, les fraises du Québec par exemple, Les Fraîches du Québec, les
pommes de terre font beaucoup de promotion de leurs produits, mais on est
toujours, sur les étals, en compétition avec les produits importés quand même
et la référence du... le prix étant un facteur important dans la décision
d'achat des consommateurs, bien, ou on met nos produits à un prix égal ou très,
très peu légèrement supérieur, sinon, on n'est pas sur les tablettes.
Alors, le produit doit tourner pour les
chaînes. Alors, si notre produit est trop cher puis il ne tourne pas, bien, les
chaînes ne veulent pas mettre notre produit sur la tablette. Alors, c'est eux
qui ont le contrôle, à un moment donné, de la distribution, et nous, on doit
être compétitifs et mettre... et réussir à placer nos produits. Alors, c'est
pour ça que si, par exemple, on veut encourager des pratiques alternatives,
mais que ces pratiques-là, on n'est pas capable de transférer les coûts
qu'elles engendrent dans le marché, bien, c'est là où un régime de rétribution
des biens et services écologiques vient compenser ce phénomène-là.
J'étais au Danemark la semaine passée puis
je sais que vous vous intéressez beaucoup au Danemark. Un producteur de
céréales au Danemark, là, reçoit 250 euros l'hectare avant de commencer sa
saison et, s'il est biologique, il reçoit 350 euros l'hectare avant de
commencer la saison. Alors, c'est sûr qu'il faut être conscient, là, que c'est
dans cette compétition que nous, les producteurs du Québec, on doit performer.
Mme Tardif : On a beaucoup de
chemin à faire, là, par rapport à nos investissements, vous l'avez dit, par
rapport à la France, le Danemark, la Suisse et même les États-Unis. Par contre,
de votre point de vue, là, ne craignez-vous pas que ces subventions-là qui vont
être données à nos agriculteurs, puis ce n'est pas... la crainte, ce n'est pas
de donner des subventions, c'est nos voisins, les États-Unis, comment ils vont
réagir et jusqu'où on doit aller. Où on doit mettre nos subventions, nos
soutiens financiers pour ne pas se faire couper du marché des États-Unis?
M. Groleau (Marcel) : En
fait, c'est la façon dont les Européens ont rendues compatibles avec les règles
de l'OMC leurs subventions à l'exportation qu'ils ont dû éliminer. Ils les ont
converties en paiements directs, dont une partie est associée à des pratiques
environnementales. Et tout ce qui s'appelle encouragement ou soutien des
pratiques environnementales, à l'OMC, c'est considéré vert et ce n'est pas <considéré
comme une...
M. Groleau (Marcel) :
...avec les règles de l'OMC, leurs
subventions à l'exportation, qu'ils
ont dû éliminer. Ils les ont converties en paiements directs, dont une partie
est associée à des pratiques
environnementales. Et tout ce qui s'appelle
encouragement ou soutien des pratiques
environnementales, à l'OMC, c'est
considéré vert et ce n'est pas >considéré comme une subvention.
Alors, c'est ça que les Américains ont
fait, c'est ça que les... C'est pour ça que les Américains ont le programme...
6 milliards de dollars dans un programme. C'est pour ce type de soutien
là.
Mme Tardif : Dans votre
mémoire, vous soulignez aussi les efforts que le gouvernement québécois fait
tout de même pour diminuer l'utilisation des pesticides. Pouvez-vous nous
expliquer les actions, plus concrètement, là, qui sont faites actuellement par
le gouvernement? Et par rapport à ces actions-là, lesquelles vous garderiez? Ou
est-ce qu'elles sont toutes idéales, est-ce qu'elles sont toutes optimales?
Qu'est-ce qu'on devrait conserver?
M. Groleau (Marcel) : Bien,
il y a de la recherche qui se fait, là, mais au niveau des actions, peut-être
que je demanderais à Katia. Si tu as des idées qui... comme ça, parce que Katia
est responsable de la politique phytosanitaire à l'UPA, donc elle est dans ces
dossiers-là.
Le Président (M. Lemay) : Mme
Colton-Gagnon.
Mme Colton-Gagnon (Katia) :
Oui. Il y a, entre autres, un projet pilote qui est en marche sur le terrain,
avec 125 producteurs agricoles, je pense, dans deux régions au Québec.
Puis je sais que c'est un projet qui est très porteur auprès des producteurs agricoles.
Ils sont impliqués à réduire les risques des pesticides sur leur entreprise.
Ils ont un objectif à atteindre, puis plusieurs l'ont déjà atteint. Je pense
que l'objectif, c'était d'ici trois ans. Même, plusieurs l'ont déjà atteint.
Donc, ça, c'est des projets qui parlent beaucoup aux producteurs agricoles puis
qui devraient être étendus à tout le Québec.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme Colton-Gagnon. Sur ce, je cède la parole au député de
Maskinongé pour son intervention.
M. Allaire : Merci, M. le
Président. Salutations, Mme Colton-Gagnon, M. Groleau. M. Caron, je
termine avec vous. Vous savez, M. le Président, M. Caron est un producteur
parmi les 450 sur mon territoire, je tenais à vous le dire, quand même.
Salutations particulières, d'ailleurs. Vous avez été ici toute la semaine,
effectivement. Je salue votre présence. Ça démontre à quel point, là, vous avez
toujours été présent, là, pour bien représenter les producteurs de la Mauricie
et maintenant pour l'ensemble du Québec.
J'insiste, là, au début, là, vous avez
mentionné, M. Groleau, que les producteurs seront les principaux acteurs du
changement. J'insiste là-dessus parce que, dans nos observations qu'on va
devoir faire, je pense qu'il ne faudra pas l'oublier. Je fais exprès pour
revenir là-dessus, c'est très, très, très important.
Deux questions pour vous, une sur le
financement, une sur la recherche. Je commence avec le financement. Votre rôle,
entre autres, c'est de guider les producteurs, là, dans la recherche de
financement. On parle du MAPAQ ou de la FADQ, puis là ça me rappelle un peu mon
passé chez Desjardins dans le financement d'entreprises, agricoles notamment.
Est-ce que, dans les critères d'admissibilité, est-ce qu'on devrait davantage
miser sur des éléments au niveau de l'écoresponsabilité? Est-ce qu'on devrait
être plus sévères? Est-ce qu'il devrait y en avoir davantage? Est-ce que ça
devrait être même une condition de financement pour justement aider à amorcer
ce changement-là?
M. Groleau (Marcel) : Bien,
on est déjà soumis à l'écoconditionnalité pour les programmes qui existent.
Alors, si une ferme ne répond pas, par exemple... n'est pas en règle avec son
certificat d'autorisation environnementale, elle n'est pas admissible aux
différents programmes qui existent. Donc, il y a déjà des règles
d'écoconditionnalité qui existent, là.
Nous, un des points, puis vous m'apportez
sur ce terrain-là, un des reproches qu'on fait aux programmes actuels qui
soutiennent l'agroenvironnement... le programme Prime-vert, entre autres, c'est
sa complexité, c'est sa lourdeur administrative. Alors, pour aller chercher
quelques milliers de dollars, c'est souvent... on dépense souvent plusieurs,
également, milliers de dollars pour pouvoir se qualifier. Alors, les coûts administratifs
de ces programmes-là, qui sont très normés, très, très encadrés, font que
plusieurs producteurs ne peuvent pas s'y qualifier parce que ce n'est pas
exactement ce pour quoi le programme est fait ou ceux qui se qualifient
trouvent que finalement, après tout l'effort que j'ai fait, il n'y a pas
grand-chose au bout, là.
Alors, moi, je trouve que l'État doit
revoir la façon d'accompagner les producteurs dans l'agroenvironnement.
M. Allaire : Il doit me rester...
trois minutes? Rapidement, juste en complément de ce petit bout là, est-ce que
la reddition de comptes est aussi lourde, après, pour les producteurs?
M. Groleau (Marcel) : Bien,
en fait, moi, j'ai utilisé Prime-vert une fois pour installer des cibles...
pour faire boire les animaux, voilà. Et, regarde, avec les photos et tout ce
que ça prenait pour... que l'agronome de mon club-conseil a préparé, et tout,
je veux dire, le temps qu'il a passé là-dessus, le cartable que ça a fait de...
Moi, je faisais la comptabilité de la ferme puis je me disais... j'ai dit à mon
frère : Ça n'a pas de bon sens pour le montant qu'on a reçu, là.
D'ailleurs, montant qui est imposable, entre autres, là. Alors, tu en viens à
la conclusion que ça coûte plus que ça rapporte à l'État, ce type de
programme-là.
• (17 h 40) •
M. Allaire :
<Dans votre
mémoire, vous parlez bien de l'importance aussi d'augmenter les fonds...
M. Groleau (Marcel) :
...moi je faisais la comptabilité de la ferme puis je me disais... j'ai dit à
mon frère : Ça n'a pas de bon sens pour le montant qu'on a reçu, là.
D'ailleurs, montant qui est imposable, entre autres, là. Alors, tu en viens à
la conclusion que ça coûte plus que ça rapporte à l'État, ce type de
programme
là.
M. Allaire : >Dans
votre mémoire, vous parlez bien de l'importance aussi d'augmenter les fonds au
niveau de la recherche. Vous voulez vraiment que la recherche soit plus ciblée
pour régler des problématiques très ciblées. Vous proposez... en fait, vous
souhaitez qu'il y ait une belle mixité, justement, entre autant le privé que le
public. Peut-être aller un petit peu plus loin, là, dans le peu de temps qu'il
nous reste, là.
M. Groleau (Marcel) : En
fait, ce que je disais du privé, c'est qu'on a souhaité la contribution du
privé sur les centres de recherche. Lorsqu'en 2000 on a fait la privatisation
des centres de recherche, c'était pour aller chercher du financement privé qui
accompagnait le financement public. Alors, c'était délibérément que l'État a
fait ça à cette époque-là.
Alors, ce qu'on a... et là ce qu'on voit actuellement,
c'est comme... il y a une démarche d'exclure tout à coup le privé pour des
raisons éthiques, puis on a tendance à vouloir pointer du doigt puis blâmer le
privé. Mais ironiquement, c'est l'État qui a souhaité la présence du privé sur
ces centres-là. Et nous, les producteurs, on s'est aussi fait interpeler pour
participer et là on nous juge comme suspects. Alors, c'est un petit peu...
disons que la bouchée est difficile à avaler, là. C'est juste ça que j'ai à
dire sur ce sujet-là.
Et, en même temps, le MAPAQ se recule sur
la chaise d'en arrière puis il dit : Moi, je ne peux pas intervenir, je
suis en conflit d'intérêts puisque c'est moi qui les finance, alors j'envoie
des observateurs. Alors, nous, on se demande : Tantôt, est-ce que ça va
valoir la peine pour nous de continuer d'investir dans ces centres de recherche
là, si c'est de cette façon-là... si c'est la seule place qu'on a? Parce qu'on
a bien d'autres endroits où on peut investir en recherche. On a des fonds de
recherche, les groupes de producteurs. L'Université Laval nous tend la main
continuellement pour qu'on investisse en recherche chez eux, l'Université
McGill aussi. On a beaucoup d'autres endroits où on peut investir que dans les
centres de recherche du gouvernement.
Alors, c'est juste... Tu sais, on a
entendu des choses cette semaine qui, moi, m'ont fait un peu... m'ont irrité,
parce qu'en fait on n'a pas cherché ce rôle-là, on nous a demandé de le jouer.
Le Président (M. Lemay) :
M. Groleau, ceci complète cette période d'échange. Je cède maintenant la
parole à la députée de Maurice-Richard.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup. Bonjour à vous trois, bien contente de vous revoir. Quelques questions.
Je commencerais peut-être en lien avec... Vous étiez là quand Parkinson Québec,
tout à l'heure, a fait son intervention. Je serais curieuse de vous entendre.
Est-ce que ça vous inquiète, ce que vous avez entendu sur la santé des
agriculteurs au Québec?
M. Groleau (Marcel) : Oui,
absolument. Absolument, et c'est pour ça que, même avant que la commission soit
appelée à entendre les mémoires et qu'on sache qu'elle tienne ces audiences, on
avait demandé, nous, à l'institut Robert-Sauvé de faire une étude sur la
situation. On avait été interpelés par l'UPA du Bas-Saint-Laurent qui avait
identifié des producteurs qui étaient atteints du Parkinson et qui demandaient
à l'UPA de voir c'était quoi, la situation. Mais nous, la liste de nos
producteurs, c'est des producteurs actifs. Alors, moi, je n'ai pas de liste de
producteurs une fois qu'ils ont quitté la production. Je ne peux pas non plus
les contacter, donc ce n'est pas... Pour nous, faire un sondage auprès... On
n'a pas ces listes-là. Alors, c'est pour ça qu'on a demandé à l'institut
Robert-Sauvé de faire ce travail-là.
Mme Montpetit : Donc, il y a
41 000 et quelques agriculteurs au Québec...
M. Groleau (Marcel) : ...sur
29 000 entreprises, là, oui.
Mme Montpetit : C'est ça.
Est-ce que vous seriez capable de... puis là je comprends, la difficulté de
l'exercice avec ce que vous me dites, c'est, dans ceux qui sont actifs...
Avez-vous une vague indication de la prévalence, justement, au niveau de la
maladie de Parkinson? Là, je comprends que ce que vous nous dites, dans le
fond, c'est que ceux qui sont malades, comme les gens qu'on a rencontrés, quittent
la profession, donc ne sont plus membres.
M. Groleau (Marcel) : En
fait, on sait qu'il y a un lien qui a été établi. La France a reconnu que
c'était une maladie professionnelle. Alors, on est nous aussi inquiets, puis on
veut avoir plus d'information, puis c'est pour ça qu'on a demandé à l'institut
de la santé publique aussi de faire cette recherche-là.
M. Caron (Martin) : Peut-être,
si je peux me permettre rapidement, c'est que vous allez voir, dans nos recommandations,
entre autres, on a demandé d'avoir un répertoire agricole, entre autres. Parce
qu'on a eu une rencontre avec l'association de Parkinson pour discuter de ça et
de voir de quelle façon, dans nos demandes, si on demande... avec l'INSP, entre
autres, qui est venu ici, pour regarder un petit peu qu'est-ce qu'on pourrait
faire avec ça, pour répertorier les producteurs qui sont atteints.
Mme Montpetit : Vous l'avez effleuré
dans une des réponses aux questions, mais je voulais juste pouvoir vous poser
la question plus clairement, puis je sais que vous avez suivi les travaux toute
la semaine, donc vous ne serez sûrement pas surpris de cette question-là. Mais
par rapport à la transparence de l'information, l'utilisation des pesticides
pour le consommateur, est-ce que, comme syndicat, c'est quelque chose auquel
vous seriez ouvert? Et dans quelle mesure <vous...
Mme Montpetit : ...pouvoir
vous poser la
question plus
clairement, puis je sais que vous
avez suivi les travaux toute la semaine, donc vous ne serez
sûrement pas
surpris de cette
question-là. Mais
par rapport à la
transparence
de
l'information,
l'utilisation des pesticides pour le
consommateur, est-ce que, comme syndicat, c'est
quelque chose auquel
vous seriez ouvert? Et dans quelle mesure >vous seriez ouverts à rendre
disponible ou à ce que, justement, soit rendu disponible l'ensemble des données
sur l'utilisation des pesticides par les agriculteurs et agricultrices du
Québec?
M. Groleau (Marcel) : Bien,
c'est comme Martin a expliqué un peu plus tôt, il y a déjà un système, un
logiciel, SAgE Pesticides, qui est entre les mains du ministère de
l'Environnement et du MAPAQ. Puis, s'il y avait une interface pour que les
producteurs transfèrent leurs données, bien, on aurait un répertoire... on
aurait une banque de données provinciale beaucoup plus précise de l'utilisation
des pesticides.
Est-ce que les producteurs souhaiteraient
transmettre des données nominales avec... au niveau de la loi sur l'accès à l'information
et toutes ces choses-là? Je ne suis pas sûr que, nous, comme organisation, on
peut prendre cette décision-là pour nos producteurs, donc là on est à un autre
niveau... c'est un autre enjeu, là. Mais nous, des données regroupées, on est
très l'aise avec ça. Je pense que c'est... et pour nous, et pour l'industrie
aussi, ce serait intéressant de le savoir.
Mme Montpetit : Je comprends
que vous n'êtes pas fermés, vous êtes ouverts même au principe. C'est ce que
j'entends, là. Après ça, il y a des considérations...
M. Groleau (Marcel) : On a
déjà à tenir un registre de l'utilisation de nos pesticides. C'est obligatoire.
Mme Montpetit : Je profite de
votre présence, parce que ça a été aussi abordé... Je comprends que ce n'est
pas directement sur la question des pesticides non plus, mais il y a un lien
aussi, parce que toute la question des changements climatiques, je pense qu'on
ne peut pas le dissocier non plus de la production agricole. Puis j'aimerais ça
vous entendre là-dessus, sur... si vous avez des inquiétudes. Vous avez vu, il
y a des groupes qui ont abordé toute la question des prédateurs, des ravageurs
aussi, de voir aussi comment... c'est pour ça que je dis, il y a forcément un
lien aussi parce que l'agriculture évolue. Est-ce qu'elle va devoir évoluer
plus rapidement? Comment, justement, l'État doit accompagner au niveau de la
lutte à ces ravageurs, entre autres, là?
M. Groleau (Marcel) : En
fait, on fait déjà face au réchauffement climatique, c'est déjà commencé. On a
un programme... en fait, un projet qui s'appelle Agriclimat, qui a été financé
par le ministère de l'Environnement... en fait, en partie, le Fonds vert, et
c'est sur trois ans, et c'est pour justement essayer de mesurer l'impact des
changements climatiques dans les différentes régions du Québec et l'impact que
ça pourrait avoir sur les types de culture qu'on pourra produire lorsque ça
arrivera. Alors, on est déjà proactifs dans cet enjeu-là.
J'ajouterais que l'agriculture peut
contribuer au problème du réchauffement climatique, à l'enjeu du réchauffement
climatique. Lors du Sommet de Paris, la COP21, il avait été mentionné d'ailleurs
que seule l'agriculture pourra empêcher qu'on dépasse les seuils qu'on juge
dangereux au niveau du réchauffement climatique, parce qu'on peut capter du
carbone dans nos sols via la matière organique qu'on y enfouit et qu'on
conserve. Alors, si on augmentait sur les sols arables de la planète de quatre
millièmes, c'est donc pas tant que ça, de quatre millièmes la quantité de
matière organique dans nos sols, on règle en grande partie le problème du
réchauffement climatique. Alors, ça aussi, lorsqu'on parle de biens et services
environnementaux, on pourrait travailler à ce que les producteurs
s'investissent dans cette démarche-là.
Lorsque j'étais, encore une fois, la
semaine passée, au Danemark, il y a un groupe de producteurs français qui sont
en train de mettre... d'étudier la possibilité de créer un fonds un peu à
l'image de ce qui se fait lorsqu'on voyage en avion, on achète... bon, on
plante des arbres, puis il y a des fonds pour ça, mais un fonds agricole, où
ils investissent dans ce fonds-là pour compenser... pour acheter des crédits
carbone, et ce fonds-là sert à soutenir les producteurs dans leurs démarches de
captation du carbone. Alors, ça, c'est toutes des choses qui seraient possibles
de faire, là, dans un assez court terme. On sait comment faire pour capter du
carbone et le garder dans nos sols.
Mme Montpetit : Vous savez que
vous prêchez à une convertie, parce que j'ai le grand privilège, moi, d'être
porte-parole et en agriculture et en environnement et lutte aux changements
climatiques qui, je trouve, sont deux dossiers effectivement, pour l'avenir,
qui sont absolument indissociables.
M. Groleau (Marcel) : ...une
collaboration qu'on pourrait faire. C'est pour ça que nous, on va être à la
mache demain, là, pas tous, mais un groupe de l'UPA, et on va avoir une
pancarte : L'agriculture fait partie de la solution, parce qu'on voit
souvent l'agriculture comme un émetteur, mais on pourrait capter beaucoup plus
qu'on émet.
• (17 h 50) •
Mme Montpetit :
<Bien,
je pense que c'est un discours qui est... puis je vous l'ai déjà dit, mais je
le dis publiquement, je pense que c'est un discours qui est quand même
relativement très rafraîchissant de la part de l'UPA, et je pense que ça va
certainement favoriser...
M. Groleau (Marcel) :
...parce qu'on voit souvent l'agriculture comme un émetteur, mais on pourrait
capter
beaucoup plus qu'on émet.
Mme Montpetit : >Bien,
je pense que c'est un discours qui... puis je vous l'ai déjà dit, mais je le
dis publiquement, je pense que c'est un discours qui est quand même
relativement très rafraîchissant de la part de l'UPA et je pense que ça va certainement
favoriser une voie dans la bonne direction pour la suite des choses aussi.
Votre mémoire est très, très, très
complet. J'aimerais quand même ça, parce qu'il y a quand même beaucoup de gens
qui nous écoutent... Vous savez, on a toujours l'impression, nous, dans nos
petites boîtes, qu'on ne sait pas qui est au bout de la ligne et qui écoute.
Moi, j'ai reçu énormément de messages, depuis le début de la semaine,
d'agriculteurs puis de citoyens, puis j'en profite pour le souligner, qui
sont... J'en avais encore un, tout à l'heure, très fier de notre institution
parce qu'il voit quatre partis, finalement, en train de travailler en
collaboration ensemble. Donc, c'est vraiment un bel exercice.
Mais j'aimerais ça si vous pouviez nous
pointer certaines recommandations plus précises, justement, sur comment on
pourrait aider davantage les agriculteurs à faire cette transition, justement,
vers une agriculture qui utilise moins de pesticides, parce que c'est vraiment
ça qui est au coeur de notre mandat, dans le fond.
Le Président (M. Lemay) :
...environ deux minutes, si vous voulez y aller.
M. Groleau (Marcel) : Ah!
bien, je vais... En fait, la recommandation, là, s'il y en a une, là, parce
que... c'est un réel plan vert agricole pour le Québec, avec du financement à
la hauteur peut-être pas de 6 $ par citoyen, comme l'a fait le Danemark,
là... Malgré que je ne suis pas sûr que, si on demandait 6 $ à chaque
citoyen pour un réel plan vert agricole, s'ils n'embarqueraient pas.
Mais un réel plan vert agricole qui
financerait des mesures où on... comme on l'a vu dans le projet qui implique
125 producteurs, là, où on implique les producteurs dans le changement de
leurs pratiques, mais en travaillant avec eux puis toujours dans un souci de
rentabilité de leur entreprise. C'est ça, la recommandation, c'est celle-là.
Mme Montpetit : Il me reste
combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Lemay) :
1 min 15 s.
Mme Montpetit :
1 min 15 s. Bien, je vais en profiter peut-être juste, moi, pour
faire mes remarques finales parce qu'après ça nos travaux sont terminés.
Je prendrais juste la dernière minute,
dans le fond, pour remercier l'ensemble des groupes qui sont venus. Je sais que
nos travaux ont été très suivis par... Je suis sûre qu'il y en a qui sont
encore à l'écoute, même s'ils ne sont plus ici... les remercier parce qu'on
sait qu'il y a beaucoup, beaucoup de travail qui a été fait en amont. On a reçu
des mémoires extrêmement complexes, extrêmement travaillés et dans une
échéance, on sait, qui a été relativement courte, en période estivale. Donc, on
les remercie d'autant plus et on se retrouve avec un nombre important de
recommandations, beaucoup qui se recoupent, d'autres non, mais on aura
l'embarras de la réflexion à la lumière de tout ce qui nous a été déposé et
soumis comme recommandations.
Donc, vraiment un gros merci à tous les
gens qui sont venus, tous les groupes qui sont venus en consultations, et merci
à vous, l'UPA, avec qui on finit aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, Mme la députée de Maurice-Richard. Sur ce,
je cède la parole à la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. le Président. Bonjour à vous trois. Un grand plaisir de vous voir
aujourd'hui.
On a entendu énormément de choses cette
semaine dans le cadre de la commission, beaucoup de solutions à la pièce aussi.
Moi, aujourd'hui, avec vous, en terminant, j'aurais peut-être envie d'avoir un
regard plus macro. Comme vous représentez aussi 42 000 producteurs, qu'ils
le veuillent ou non, je pense que vous êtes en mesure de nous fournir ce regard-là
plus macro.
Puis moi, je me demande, en fait :
Est-ce que... Puis j'ai posé la question aux producteurs de grains, j'ai posé
la question à l'Union paysanne aussi, aux gens qui pratiquent l'agriculture,
essentiellement : Est-ce que l'agriculture québécoise est condamnée à être
toujours à la remorque de ce qui se fait ailleurs, de se battre contre des
géants américains, des géants du Brésil, de l'Argentine? Est-ce qu'on ne
pourrait pas utiliser cette opportunité-là, en ce moment, qu'on documente, de
faire autrement pour donner un second souffle à notre agriculture? Si on était
vraiment visionnaires, qu'est-ce qu'on ferait?
M. Groleau (Marcel) : Bien,
je pense qu'on en ferait un projet de société, d'abord, parce que ce n'est pas
uniquement un projet des... ça ne peut pas être un projet uniquement des
agriculteurs. C'est ce à quoi tu fais référence.
Une des raisons pour laquelle on
souhaitait cette commission-là, c'était pour ouvrir ce dialogue-là avec les
citoyens via cette commission-là puis éviter qu'il y ait un clivage parce qu'il
y a incompréhension, de part et d'autre, des enjeux auxquels les uns et les
autres font face.
Les citoyens ont... Les produits bios,
c'est bien, mais ça a été dit à plusieurs reprises, on ne peut pas, à court
terme et même à moyen terme, envisager que l'agriculture du Québec va être
uniquement sous régie biologique. Donc, il faut travailler à améliorer nos
pratiques agricoles et il faut que les citoyens comprennent que cette
amélioration-là va se faire dans le temps et qu'on va... et que nous, on
comprenne également que <les...
M. Groleau (Marcel) :
...du
Québec va être
uniquement sous régie biologique. Donc, il
faut travailler à améliorer nos pratiques
agricoles et il faut que les
citoyens comprennent que cette amélioration-là va se faire dans le temps et qu'on
va... et que nous, on comprenne également que >les citoyens ont des
attentes envers les agriculteurs. Donc, ce discours-là, je pense que la
commission va permettre de l'ouvrir.
La réduction des pesticides, ça va passer
par le changement des plans de culture, de l'approche au niveau de la
fertilisation, utiliser plus des engrais verts. Mais pour le secteur des
céréales, c'est une chose, pour le secteur horticole, c'est complètement
différent. Ça demande d'autres approches. Pour le secteur fruitier, on l'a
entendu, pour les pommes, par exemple, c'est un enjeu qui est très différent
que ça l'est pour d'autres secteurs. Donc, ce n'est pas une recette, mais c'est
des filières qui vont devoir se mettre en collaboration avec les chercheurs.
Donc, ça prend de la recherche pour trouver des méthodes alternatives. Moi, j'ai
entendu qu'on a investi déjà beaucoup en recherche, un peu pour déjà faire
comme si, bien, c'est peut-être assez déjà.
Je vous dirais juste un chiffre. En 2009,
le budget du MAPAQ, par rapport au budget 2017‑2018, en dollars constants,
là, on a 250 millions de moins de dédiés à l'agriculture qu'en 2009.
Le Président (M. Lemay) :
Merci beaucoup, M. Groleau. Ceci termine cette période d'échange. Je dois
céder la parole au député de Bonaventure.
M. Roy
: Merci, M.
le Président. Écoutez, bonjour, M. Groleau, madame, monsieur. La majorité
des intervenants qui sont venus ici, toutes origines idéologiques confondues,
selon moi, n'ont pas dit qu'il fallait bannir absolument tous les pesticides.
Ils nous ont dit que la problématique était d'une trop grande utilisation dans des
situations où ce n'était pas utile. Donc, c'est un constat qui a été fait.
Vous avez parlé des... Bon, mettons que ça
va bien. Le gouvernement nous écoute, hein, et débloque des sommes importantes
pour soutenir une transition. Vous avez parlé des accords internationaux, de
l'OMC, tout ça, et des stratégies de compatibilité avec les règles de l'OMC.
Comment on fait pour ne pas se faire accuser de subventions illégales, d'une
transition de l'agriculture par rapport aux autres pays? On fait quoi?
M. Groleau (Marcel) : Un
plan vert agricole, là, c'est totalement compatible avec l'OMC, parce que c'est
des mesures pour protéger l'environnement, protéger la biodiversité. C'est
complètement compatible avec les règles de l'OMC. Soutenir les prix, ça, c'est
incompatible au-delà d'un certain volume, un certain niveau, mais soutenir
l'environnement, protéger l'environnement, ça, c'est entièrement compatible.
M. Roy
: Puis
admettons encore une fois que le gouvernement est à l'écoute...
M. Groleau (Marcel) :
Bien, j'espère qu'il y a quelqu'un qui écoute.
M. Roy
: Non, non,
non. Bien, on va répéter, hein? La pédagogique, c'est toujours... On parle de
combien? Quelle somme ça nous prendrait au Québec pour débuter?
M. Groleau (Marcel) :
Bien, nous, regardez, on est assez modestes, parce qu'actuellement on estime à
autour de 40 millions par année les investissements du Québec en
agroenvironnement, là, recherche et soutien à des programmes inclus, là. Alors,
nous, on dit : Si on ajoute 60 millions par année pendant les
10 prochaines années, 60 millions dans le budget du Québec, ce n'est
pas si gros que ça, là, mais si on ajoute 60 millions par année, donc
100 millions par année, pendant les 10 prochaines années, et qu'on
fait des programmes qui sont flexibles et qui ne coûtent pas trop cher à
administrer, on peut faire beaucoup, selon nous.
M. Roy
: Parfait.
Bien, merci beaucoup. Et comme ma collègue, je remercie tous ceux et celles qui
ont déposé des mémoires et qui sont venus ici. J'ai appris beaucoup de choses,
mais il va falloir que j'aille réfléchir quelques semaines. Donc, merci
infiniment. Merci, M. le Président. Merci à tous.
Le Président (M. Lemay) :
Merci, M. le député. Donc, Mme Colton-Gagnon, M. Groleau et
M. Caron, je vous remercie pour votre contribution à nos travaux.
Avant de terminer, j'aimerais, au nom de
tous les membres de la commission, remercier l'ensemble des personnes et
organismes qui ont soumis un mémoire dans le cadre de cette consultation. Je
vous rappelle que tous les mémoires ont été analysés et seront pris en compte
pour la suite de nos travaux.
Documents déposés
Je dépose donc les mémoires des personnes
et organismes qui n'ont pas été entendus, soit une liste de 50 mémoires
qui seront disponibles prochainement.
Je voudrais aussi, avant de terminer,
aussi faire un message aux membres de la commission pour vous remercier pour la
qualité de vos échanges avec les témoins tout au cours de cette semaine, ainsi
que toutes les personnes qui ont pu contribuer à la tenue de cette semaine. Et
un merci particulier aussi à Mathieu LeBlanc du service de la recherche de
l'Assemblée nationale.
<Sur ce, la commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 heures)
>
18 h (version non révisée)
Le Président (M. Lemay) :
...cette semaine. Et un merci particulier aussi à Mathieu Leblanc du service de
la recherche de l'Assemblée nationale.
Sur ce, la commission ajourne ses traveaux
sine die.
(Fin de la séance à 18 h)