L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Recherche dans l'Encyclopédie du parlementarisme québécois

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W

Prérogative de pardon

Terme(s) anglais :
Prerogative of pardon; Power to pardon

Définition

Droit du gouverneur ou du lieutenant-gouverneur de gracier les personnes ou de leur accorder la clémence.

Demande de pardon au Québec

En vertu de la Loi sur l'exécutif, le lieutenant-gouverneur du Québec dispose du droit de gracier les prisonniers ou d'accorder sa clémence à toute infraction en contravention aux lois du Québec. Les demandes de pardon sont adressées à son cabinet et transmises aussitôt au ministère de la Justice, qui examine les requêtes. Lorsque les autorités gouvernementales accordent une remise de peine, c'est le lieutenant-gouverneur qui signe les documents officiels1.

Toute personne reconnue coupable d'une infraction à une loi ou à un règlement du Québec, incluant les règlements municipaux, peut obtenir un pardon. Selon l'article 2 de la Loi sur l'exécutif, le pardon inclut la prérogative de commutation et de pardon des sentences prononcées pour contravention aux lois du Québec et des infractions tombant sous l'autorité législative du Québec. Il englobe toutes les formes de clémence, aussi bien la remise de peine, qu'il s'agisse de l'amende ou de l'emprisonnement, que la commutation de peine et le pardon de la condamnation2.

Cette prérogative est une mesure de dernier recours. Au préalable, il faut avoir épuisé tous les recours judiciaires ou administratifs avant d'adresser une demande au ministère de la Justice, par l'intermédiaire du cabinet du lieutenant-gouverneur. Cette demande peut être fondée sur l'innocence du requérant à la suite de la découverte d'une nouvelle preuve ou sur l'iniquité ou l'inopportunité d'une poursuite. Elle peut avoir aussi comme fondement des motifs humanitaires tels la maladie, l'incapacité de payer ou la situation familiale du contrevenant3. En pratique, il apparaît aujourd'hui que la prérogative de pardon du lieutenant-gouverneur du Québec est tombée en désuétude, les demandes de pardon pour des infractions à des lois provinciales étant rares4. Par contre, il est beaucoup plus fréquent que des personnes condamnées en vertu du Code criminel adressent une demande de pardon au gouverneur général du Canada.


Demande de pardon au Canada

La prérogative royale de clémence existe pour toutes condamnations de nature criminelle. La prérogative royale de clémence est exercée au nom du monarque par le gouverneur général ou le gouverneur en conseil. Le gouverneur général ou le gouverneur en conseil accorde la clémence sur la recommandation d'un ministre fédéral. Dans la plupart des cas, c'est le ministre de la Sécurité publique qui formule les recommandations à cet égard. Quant aux procédures liées aux demandes de suspension du casier judiciaire, celles-ci relèvent de la Commission des libérations conditionnelles du Canada5.


Historique

De 1763 à 1867, les gouverneurs de la Province de Québec, du Bas-Canada et de la province du Canada disposent du droit de gracier les prisonniers. La prérogative de pardon figure dans la commission que reçoit le gouverneur pour l'introniser dans ses fonctions. Sauf pour la trahison et le meurtre au premier degré, le représentant du roi peut pardonner n'importe quel crime. Les requêtes de clémence sont faites par l'entremise d'une pétition au gouverneur6.

En matière criminelle, la demande de pardon est une pratique de défense de dernier recours qui est courante pour les personnes reconnues coupables d'avoir enfreint la loi. À noter que le Code criminel en vigueur, émanant de la Proclamation royale et enregistré au Conseil de Québec le 13 décembre 1764, est d'une grande sévérité. On le surnomme le Bloody Code puisque les infractions menant à la peine de mort sont en constante progression, passant de 160 en 1750 à 288 en 1815. Ce qui explique pourquoi, à de multiples reprises, le gouverneur remet des condamnations à mort, des châtiments corporels, des condamnations à l'emprisonnement et annule ou réduit des amendes. En somme, si ces lois anglaises conduisent de nombreux contrevenants à des peines sévères, en contrepartie, la clémence royale est une caractéristique propre de la justice paternaliste de l'Ancien Régime7.

En matière civile, la Couronne se garde toutefois d'intervenir. Il s'agit, pour le gouverneur, de ne pas brimer les droits des partis ni de remettre en cause l'indépendance de la justice civile8.

Lors de la Conférence de Québec en 1864, les parlementaires voient à ce que les lieutenants-gouverneurs des futures provinces conservent cette prérogative. À l'article 44 des 72 Résolutions, il est édicté que9 :

Le pouvoir de pardonner aux criminels, de commuer ou de remettre en tout ou en partie leurs sentences, ou de surseoir à leur exécution, lequel pouvoir appartient de droit à la Couronne, résidera dans la personne des lieutenants-gouverneurs en conseil; mais ceux-ci devront se conformer aux instructions qui pourront leur être adressées de temps à autre, à cet égard, par le gouvernement général, ainsi qu'aux lois du Parlement général.

Par contre, le secrétaire d'État des colonies, Edward Cardwell, s'y oppose. De sorte que, en 1867, ce pouvoir se trouve uniquement dans la commission et dans les instructions royales du gouverneur général du Canada. En 1869, le nouveau secrétaire d'État aux colonies, Granville George Leveson-Gore, juge que seule une loi peut redonner la prérogative de pardon aux lieutenants-gouverneurs.

Le « droit de pardon » est énoncé pour la première fois dans les statuts du Québec en 188910. L'article 595a reprend l'esprit de l'article 65 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui conserve aux lieutenants-gouverneurs du Québec et de l'Ontario tous les « pouvoirs, attributions et fonctions » que le gouverneur du Bas-Canada et de la province du Canada exerçait avant 1867. Les articles suivants sont du même ordre :

595b. L'article précédent est censé inclure le droit de commutation et de pardon des sentences prononcées pour contraventions aux lois de cette province, ou des offenses tombant sous l'autorité législative de la province.

595c. Rien de contenu dans ce chapitre ne doit être interprété de manière à impliquer que le lieutenant-gouverneur ou l'administrateur n'a pas eu auparavant les pouvoirs, attributions et fonctions mentionnés dans les deux articles qui précèdent.

En Ontario, une loi similaire avait été adoptée en 188811. Le gouvernement du Canada avait ensuite contesté la validité de cette loi. Cette affaire du « pardoning power case » se rend jusqu'à la Cour suprême. En 1894, l'appel du gouvernement du Canada est rejeté : Attorney General for Canada v. Attorney General of Ontario donne ainsi le droit aux provinces de légiférer pour donner la prérogative de pardon au lieutenant-gouverneur12.

En 1999, l'Assemblée nationale modifie l'article de la Loi sur l'exécutif concernant le droit de commutation et de pardon : celui-ci est modifié, en remplaçant les mots « est censé inclure » par le mot « inclut »13.

Pour citer cet article

« Prérogative de pardon », Encyclopédie du parlementarisme québécois, Assemblée nationale du Québec, 24 février 2016.

Faites-nous part de vos commentaires à : encyclopedie@assnat.qc.ca

Notes

1 

S. R. 1964, c. 9, a. 2; 1999, c. 40, a. 128; Frédéric Lemieux, Christian Blais et Pierre Hamelin, L'histoire du Québec à travers ses lieutenants-gouverneurs, Québec, Publications du Québec, 2005, p. 41.

2 

Gilles Létourneau (dir.), Code de procédure pénale du Québec, 9e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 501-502; L. L. England, La prérogative royale de clémence, exposé fait à Montréal en mai 1968; Jacobs v. Séguin, [1937] C. S. 87, p. 88-89.

3 

G. Létourneau, op. cit., p. 502.

4 

Le 15 avril 2010, le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Mayann Francis, a donné à titre posthume un pardon absolu à Viola Desmond (1914-1965), expulsée d'un cinéma (8 novembre 1946) après avoir refusé de s'asseoir au balcon réservé aux Noirs. Arrêtée par la police, elle a ensuite été accusée d'avoir tenté de frauder le gouvernement provincial, la taxe d'amusement étant plus élevée pour les sièges du parterre réservés aux Blancs. Elle a été condamnée à une amende de 26 $. http://www.thecanadianencyclopedia.ca/

5 

Commission des libérations conditionnelles du Canada, http://pbc-clcc.gc.ca/prdons/clem-fra.shtml

6 

Donald Fyson, Magistrats, police et société : la justice criminelle ordinaire au Québec et au Bas-Canada (1764-1837), Montréal, Hurtubise, 2010, p. 418-422.

7 

Ibid., p. 422; Donald Fyson, « The Canadiens and the Bloody Code : Criminal Defence Strategies in Quebec after the British Conquest, 1760-1841 », Quaderni storici, vol. 47, no 3, 2012, p. 785-795.

8 

Correspondance avec Donald Fyson, 24 novembre 2014.

9 

Canada, Memorandum of the Office of Lieutenant-Governor of a Province : Its Constitutional character and Functions (with Appendices), Ottawa, Department of Justice, mars 1955, p. 28.

11 

51 Vict, c. 5.

12 

John George Bourinot, A Manual of the Constitutional History of Canada from the Earliest Period to 1901; Including the British North America Act of 1867, a Digest of Judicial Decisions on Important Questions of Legislative Jurisdiction, and Observations on the Working of Parliamentary Government, Toronto, The Copp, Clark Company, 1901, p. 129.

13 

S. R. 1964, c. 9, a. 1. 2; S. R. 1964, c. 9, a. 2; L. Q. 1999, c. 40, a. 128.