(Neuf heures trente-deux minutes)
M. Roy
: Bonjour à
tous. D'entrée de jeu, j'aimerais remercier mes collègues des régions qui vont
vivre la même situation que chez nous, en Gaspésie. Donc, notre point de presse
porte sur le bois d'oeuvre, la crise appréhendée du bois d'oeuvre.
J'aimerais, d'entrée de jeu, dire que le
Québec n'a absolument rien à voir avec une crise forestière commerciale avec
les États-Unis. Nous avons répondu à leurs doléances avec la mise en place d'un
nouveau régime forestier, mais les libéraux du Québec ont été incapables de
faire reconnaître notre régime particulier par le fédéral et, par ricochet, par
les Américains. La crise était prévisible et cela fait plus d'un an que le
gouvernement aurait dû agir. Sa stratégie est complètement improvisée.
Hier, en conférence de presse, le
gouvernement confirme avoir envoyé une lettre au fédéral la semaine dernière
pour une rencontre. La question : Est-ce qu'ils ont eu un accusé de
réception? D'abord, le gouvernement a embauché le négociateur Raymond Chrétien
beaucoup trop tard, à la fin de la période de grâce. Il aurait dû être embauché
en octobre 2015, à la fin de l'accord. Son mandat : négocier des quotas,
ce qui implique que la spécificité du régime québécois n'a pas été retenue dans
les négociations, donc le régime n'existe pas.
Le ministre aime vanter son Forum Innovation
Bois, qui a eu lieu il y a quelques semaines et qui arrive aux mêmes
conclusions que le sommet sur la forêt tenu par le Parti québécois en 2013 à
Saint-Félicien. Nous avons perdu deux ans et demi où on aurait pu agir de
manière préventive. Le gouvernement aurait dû également créer une alliance
stratégique avec les constructeurs américains il y a plus d'un an pour faire
pression sur le lobby de producteurs de bois aux États-Unis, car on sait que,
dans un contexte de crise avec les Américains, le prix du bois d'œuvre aux
États-Unis augmente, puis ça fait l'affaire de bien des gens.
Il faut également souligner que les
garanties de prêts, pour le mois d'avril, qui sont demandées au fédéral et que
les pénalités administratives que la ministre, bon, a annoncées hier, qu'on
devra supporter à partir d'avril, seront rétroactives à vendredi passé.
Concrètement, ce que ça veut dire, c'est qu'à partir de vendredi passé, toutes
les entreprises exportatrices de bois vers les États-Unis doivent engranger 25 %
de leurs exportations. Et là on a un méchant problème. S'il y a des entreprises
qui n'ont pas les liquidités en avril pour payer, de manière rétroactive, le
25 % de pénalité, on peut prévoir des faillites. Il y a des entreprises
qui vont se mettre sur la loi de la protection des faillites et on va avoir un
nombre considérable de fournisseurs qui ne seront pas payés. Il y a des gens
qui vont perdre leur camion. Il y a toutes sortes de commerces qui vivent en
périphérie de l'industrie forestière qui vont écoper.
Autre preuve que le fédéral n'est pas
intéressé par la forêt, dans son communiqué conjoint avec Barack Obama le 29
juin 2016, Justin Trudeau a accepté le principe d'un accord qui aurait pour
effet de maintenir les niveaux des exportations canadiennes à un certain
pourcentage convenu de parts de marché américain ou en deçà, ce qui veut dire
qu'on va sur l'enjeu des quotas. Mais ce qui est pire, il souhaite qu'un accord
futur couvre les entreprises de seconde transformation alors qu'elles ont
toujours pu jouir du libre-échange. Il veut sortir du libre-échange les
entreprises de deuxième et de troisième transformation. C'est suicidaire.
En conclusion, nous étions à Ottawa, moi
et le député de Beauharnois, pour défendre, avec le Bloc québécois, les
intérêts du Québec. On n'a pas envoyé de lettre, nous, on a été directement sur
place pour faire les demandes et on a fait notre travail. Merci. Je vais céder
la place à mon collègue.
M. Pagé
: Alors,
bonjour. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on est en train de revivre ce qu'on
a vécu il y a une dizaine d'années. Pour mettre des chiffres concrets sur ce
que mon collègue Sylvain Roy vient de dire, c'est que présentement l'industrie
forestière représente encore 60 000 emplois, essentiellement dans les
régions du Québec. C'est 3,1 milliards de masses salariales, 250
municipalités qui sont directement touchées par l'industrie forestière. Et,
quand on se reporte à il y a plus de 10 ans, quand nous avons vécu la dernière
crise forestière, c'est 40 % des emplois qui ont été perdus en région. Il
y en avait autour de 100 000, on a réduit à 60 000, donc on ne
pourrait pas se permettre une nouvelle crise de l'industrie forestière.
Donc, il faut comprendre que, dans les
régions, c'est extrêmement important. Pour la MRC d'Antoine-Labelle, pour
prendre un cas concret, la MRC d'Antoine-Labelle que je représente au nord de
la région des Laurentides, lorsque nous avons vécu la dernière crise
forestière, 17 municipalités sur 17 se sont retrouvées dévitalisées, dans des
situations dramatiques où des familles devaient quitter parce que, justement, pertes
d'emploi, trois usines principales, trois usines de troisième, quatrième
génération, une même de cinquième génération, plus de 100 ans, fermeture,
faillite dans les trois cas.
Est-ce qu'on veut revivre ça? Non, ça
serait tout à fait inacceptable. Donc, les gouvernements doivent agir en
conséquence.
M. Ouellet : Merci, Sylvain.
Donc, ce que mes collègues étaient en train de vous dire, c'est
qu'effectivement, avec la crise du bois d'oeuvre et les quotas qui vont être
imposés, on semble mettre un contexte économique très difficile pour ce qui est
de l'exportation du bois d'oeuvre au Québec. Mais j'aimerais ajouter une couche
là-dessus, c'est-à-dire l'épidémie de bourgeon d'épinette... la tordeuse. Tout
près de 14 000 propriétaires de boisés au Québec vont être touchés, et ça,
ça va toucher tout près de 850 000 hectares de forêt en Gaspésie, au
Bas-Saint-Laurent, au Saguenay et sur la Côte-Nord.
Et moi, il y a de ça deux ans, on l'a vécu
sur la Côte-Nord. Ça a pris des travailleurs qui bloquent le chemin. On a été
obligés de demander au ministre Lessard de l'époque de faire un tour en
hélicoptère pour constater l'impact de l'infestation. Une fois que ça, ça a été
fait, des mesures concrètes ont été livrées pour la forêt publique. Mais
présentement rien n'est fait pour le secteur de la forêt privée, et c'est pour
ça qu'on est en train, avec l'enlignement des planètes, d'arriver à ce qu'on appelle
une tempête parfaite qui, malheureusement, pourrait tuer notre industrie
forestière.
Ce qu'il faut comprendre aussi, avec
l'épidémie qui a commencé en 2012, les arbres meurent d'ici cinq ans. Donc, ce
que ça va faire, ça va faire qu'on devra récolter rapidement ce bois-là, et ce
bois-là sera assurément sur les marchés pour être mis en vente. Donc, avec les
quotas, on va avoir une surproduction et, avec les quotas, on va se ramasser
avec beaucoup plus de bois et malheureusement avec moins de profits au bout de
la ligne. Et donc, comme mes collègues Pagé en faisaient mention, et comme Roy
aussi, nous allons avoir assurément des pertes d'emploi et un déséquilibre dans
toute notre industrie, mais surtout dans tout l'équilibre de petites
municipalités.
Le gouvernement fédéral a mis 6 millions
pour la pulvérisation. Ce n'est pas assez. On en demande plus. Il faut protéger
notre forêt, c'est notre avenir, mais c'est surtout aussi des emplois, des
emplois de qualité. Ça, c'est la vitalité des villages qui sont menacés. Alors,
on demande assurément au gouvernement de bonifier cette aide-là et on demande
surtout d'écouter tous ces producteurs de lots privés, qui, dans certains cas,
sont le pain et le beurre de plusieurs villageois partout au Québec. Merci.
M. Gaudreault : Oui. Moi, je
voudrais juste ajouter un élément et insister, là, sur le fait qu'hier la
ministre Anglade et le ministre Blanchette se pètent les bretelles en disant
qu'ils demandent au gouvernement fédéral de mettre en place des garanties de
prêts pour l'industrie forestière, pour les représentants de l'industrie
forestière.
Alors, premièrement, on peut douter de la
force de conviction si on regarde, premièrement, l'histoire récente, là, des
ministres du Québec face à Ottawa. Mais, deuxièmement, c'est que ces garanties
de prêts s'appliqueraient seulement au mois d'avril, alors que, considérant que
le gouvernement américain a déposé sa plainte vendredi dernier, il y a un bon
quatre mois, là, d'entre deux chaises qu'on doit couvrir également.
Alors, on demande au gouvernement du
Québec, immédiatement, de mettre en place un programme de garanties de prêts
applicable dès vendredi passé pour soutenir les entreprises forestières dans
les régions du Québec, parce que, comme Sylvain Roy le faisait remarquer, c'est
toute la filière en aval d'une industrie qui est menacée. Ça veut dire les
fournisseurs, ça veut dire les petits commerçants dans les communautés.
Deuxième élément que je tiens absolument à
ajouter, c'est qu'il ne faut pas négliger le fait que cette crise appréhendée,
annoncée... je veux dire, c'était écrit, c'était gros dans le ciel, là, que cette
crise-là s'en venait, mais elle s'ajoute, en plus, à une surtaxe d'à peu près
18 % sur les usines qui produisent du papier surcalandré. Ça, ça touche en
particulier l'usine de Dolbeau-Mistassini, dans le comté du premier ministre,
hein? Le premier ministre aime bien se promener à Madagascar et un peu partout
à travers le monde, mais, pendant ce temps-là, il y a une usine dans son comté
qui est menacée. Et, deuxièmement, une autre usine aussi, celle de Kénogami,
dans mon comté, qui produit aussi du papier surcalandré, qui est menacée par
cette surtaxe de 18 %.
Alors, imaginez, surtaxe de 25 % sur
le bois d'oeuvre, surtaxe de 18 % pour le papier surcalandré. Après ça,
qu'on ne vienne pas nous dire que les régions puis les travailleurs forestiers
vont passer au travers sans aide. C'est impossible.
Alors, c'est pour ça que la demande d'hier
des ministres Anglade et Blanchette n'est que de la poudre aux yeux. On demande
au gouvernement de prendre ses responsabilités, d'agir à partir de vendredi
passé, donc de retourner le timer un peu, là, à vendredi dernier pour offrir,
lui aussi, des garanties de prêts pour couvrir cette période-là.
M. Vigneault (Nicolas) : Sans
ces garanties de prêts là, est-ce que vous estimez qu'effectivement… vous
évaluez à combien le nombre d'usines qui pourraient fermer, là?
M. Roy
: Écoutez, c'est
difficile à évaluer, là, mais, si l'histoire se répète, là... On a perdu tout
près de 40 000 emplois lors de la dernière crise, ça fait que... 40 %.
Donc, on peut anticiper la même chose. Et là les entreprises, là, actuellement,
sont encore en plus mauvais état qu'elles étaient pour passer au travers de la
dernière crise.
Donc, on peut anticiper, via la
fragilisation de la période qu'on vient de passer, là, que ça peut être encore
plus grave.
M. Vigneault (Nicolas) : Et
vous les évaluez à combien, là? Si le Québec, par exemple, devait avoir son
propre programme, ça prendrait combien de garanties de prêts, là, actuellement?
M. Roy
: Ça prend des
garanties qui viennent couvrir les pénalités administratives, O.K.? C'était
5 milliards au Canada, lors de la dernière crise, dont Harper a laissé un
milliard sur la table aux Américains pour essayer de clore le conflit, et il
avait dit aussi aux entreprises qu'on ne vous accote plus si vous n'acceptez
pas l'entente.
Ça fait que les entreprises ont été prêtes
à perdre 25 % des pénalités administratives, parce qu'on avait gagné
dans les différents tribunaux. Donc, écoutez, je n'ai pas fait le calcul
pour le Québec, là, mais ça pourrait être de l'ordre de quoi, 25 %, à peu
près? À peu près.
M. Gaudreault : Quoique
l'industrie forestière est plus puissante au Québec qu'ailleurs, là.
M. Roy
: Bien, en
Colombie-Britannique, elle est très puissante.
M. Gaudreault : Bien, c'est
ça, le partage…
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que le Québec a le moyen de se payer ça, ces garanties-là?
M. Roy
: Est-ce que le
Québec avait les moyens de soutenir Bombardieravec la CSeries pour 1 point
quelques milliard, pour le même nombre d'emplois? Là, on parle de l'économie
des régions du Québec, hein? L'économie forestière n'occupe pas juste le
territoire, elle s'en occupe. Et, si on délaisse l'économie forestière, c'est
un paquet de villages qui vont fermer, hein? On va se ramasser avec un nouveau
BAEQ, Bureau d'aménagement de l'Est du Québec là, pour moi, la phase deux va
s'en venir.
Donc, garantie de prêt… le Québec est
capable de fournir une garantie de prêt rétroactive à vendredi passé pour
l'ensemble de la filière forestière parce qu'il y a des gens qui n'ont pas les
reins assez solides pour engranger le 25 %. Ils ne pourront pas, au mois
d'avril, de manière rétroactive, payer la somme. Et là je vous le dis, c'est
des faillites qui s'en viennent. C'est un paquet de petits fournisseurs. Ça
fait qu'ils doivent prendre leurs responsabilités.
M. Ouellet : Puis, juste
peut-être pour préciser, lors de la dernière crise, il y a de ça 10 ans,
c'était l'Ouest canadien qui était affecté par la «pine beetle». Donc, le même
processus, le même schéma s'était exposé, à savoir que le bois de l'Ouest
allait inonder le marché américain, et là on se retrouve avec l'Est du Canada
et donc le Québec qui est touché.
Alors, ce qu'on veut, effectivement, ce
sont des mesures comme l'Ouest canadien a pu bénéficier pour nous assurer qu'il
n'y a pas juste une survie, il y aura une suite à cette entente-là avec les
Américains et que nos communautés vont pouvoir continuer à vivre de l'industrie
forestière.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 45)