(Neuf heures deux minutes)
Le Modérateur
:
Bonjour, tout le monde. Bienvenue à ce point de presse.
Donc, aujourd'hui, va s'exprimer en
premier M. Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans
pauvreté; suivra ensuite M. Harold LeBel, député de Rimouski; ensuite
Manon Massé, députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques; et finalement Virginie
Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté. Merci.
M. Petitclerc (Serge) : Alors,
bonjour. Voilà maintenant près de 15 ans, c'est-à-dire le
13 décembre 2002, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et
l'exclusion sociale était adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Le Québec
devenait alors un État avant-gardiste en se donnant une cible ambitieuse, soit
de faire du Québec l'une des nations industrialisées comptant le moins de
personnes en situation de pauvreté, une cible qui demeure d'actualité parce que
15 ans après l'adoption de la loi, force est de constater que les progrès en
matière de lutte à la pauvreté ne sont pas impressionnants.
Dans son dernier rapport, le Centre d'étude
sur la pauvreté et l'exclusion qui a été mis en place par le gouvernement pour
faire le suivi de l'état de la pauvreté au Québec nous a appris trois choses.
Si on se compare à nous-mêmes, 15 ans après l'adoption de la loi, on peut
constater qu'il y a encore une personne sur 10 qui ne couvre pas ses besoins de
base. C'était sensiblement la même réalité en 2004, quand la loi... le premier
plan d'action a été mis en place. Si on se compare aux autres provinces et si
le Québec fait partie des provinces les plus performantes en termes de lutte à
la pauvreté et aux inégalités, il n'en demeure pas moins qu'il y a des
provinces qui ont fait plus de progrès que nous. En fait, le Québec a stagné
depuis les 15 dernières années. Et, si on se compare à l'international, on voit
que le Québec n'a tout simplement pas été capable d'atteindre son pari qui
était d'être dans le premier groupe des nations comptant le moins de personnes
en situation de pauvreté. Puis, encore une fois, si le Québec est parmi les
meilleurs élèves, il n'en demeure pas moins qu'on n'a pas beaucoup bougé depuis
le temps.
Alors, dans le fond, le constat, il est un
peu dur, il est un peu amer, et on pourrait se contenter de dire que la Loi
visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale n'a servi à rien.
Mais ce n'est pas notre analyse qu'on en fait au collectif. Le problème, ce
n'est pas la loi elle-même et ce n'est pas les moyens dont dispose l'État pour
agir. Le problème en est un plus de volonté puis de choix politiques, parce
que, dès 2004, le gouvernement du Québec a fait le choix de faire des efforts
pour combattre la pauvreté des familles, puis ça a quand même porté ses fruits
d'une certaine manière.
Ce que les statistiques nous disent, c'est
que, dans le fond, la catégorie de personnes dont les taux de pauvreté, sous
l'angle de la MPC, ont baissé le plus, c'est au niveau des familles avec des
enfants. Pourquoi? Parce qu'à l'époque on a trouvé la volonté politique de
faire le choix politique de dépenser de l'argent pour le bien-être des familles
avec la mesure de soutien aux enfants, notamment. Le problème, et ce qui fait que
globalement on a fait du surplace, c'est qu'on a aussi fait le choix politique
d'abandonner les personnes seules et d'abandonner les couples sans enfant, ce
que les différents ministres de l'Emploi et de la Solidarité sociale des
dernières années ont admis. D'ailleurs, M. Blais, voilà pas si longtemps,
disait que les deux premiers plans ont été un échec pour avoir fait diminuer
les taux de pauvreté.
Alors, c'est pourquoi ce matin on avait
convié les quatre partis politiques présents à l'Assemblée nationale pour les
inviter à réitérer leur engagement dans la lutte à la pauvreté et pour faire en
sorte qu'ils nous expliquent de quelle manière ils entendent faire progresser
cette lutte.
Écoutez, à défaut d'avoir les quatre
partis présents, on en a deux qui ont accepté l'invitation, c'est-à-dire le Parti
québécois et Québec solidaire, alors je leur donnerais la parole. Merci.
M. LeBel : Bonjour. Lors de
l'adoption de cette loi-là, il y avait deux ministres qui portaient la loi. Il
y avait Nicole Léger, ma collègue de Pointe-aux-Trembles, et Linda Goupil, à
l'époque. Moi, j'étais, à ce moment-là, le chef de cabinet de Mme Goupil, ça
fait que j'ai participé à toute l'élaboration de la loi.
Je me souviens de la mobilisation nationale.
Il y a eu une commission parlementaire qui a duré des semaines et des semaines,
des mois, où tout le monde sont venus participer à cette réflexion-là. Je me
souviens aussi des ententes qu'on avait avec le mouvement communautaire, le
mouvement communautaire qui était quand même dans la rue parce qu'il faut
savoir que cette loi-là ne vient pas d'une décision gouvernementale, vient
d'une mobilisation citoyenne. Et, à ce moment-là, on avait réussi, avec la
législation, à rester en contact avec les groupes communautaires. Il y avait
des comités de lecture. On savait qu'il y avait de la mobilisation puis, des
fois, il y avait des manifs qu'il fallait... mais on avait réussi quand même à
garder le contact.
Cette grande réflexion nationale puis ce
contact-là, ils n'existent plus aujourd'hui. On a un ministre qui est... parce
qu'il faut voir, là, la loi a été adoptée, mais les différents plans d'action
qui ont été faits, à la suite de la loi, ont été faits par des gouvernements
libéraux. Aujourd'hui, depuis deux ans, on attend le plan de lutte, mais il n'y
a rien. Il n'y a pas de contact, on ne sait pas, on est dans le néant, tout est
fait derrière des portes fermées. Ce n'est pas une façon de faire. Lutter
contre la pauvreté, c'est une grande mobilisation citoyenne, tout le monde
devrait être interpellé par ça. Et là ce qu'on a, c'est un ministre qui est
enfermé et qui étire, puis il étire, puis il étire le moment où il va déposer
son plan d'action.
Ce que je trouve effrayant, probablement,
il ne le déposera même pas la semaine prochaine, il va attendre que la session
soit finie. Il va nous déposer ça dans l'atmosphère des fêtes ou des guignolées
pour montrer le bon gouvernement qui vient lutter contre la pauvreté. Ça n'a
pas de maudit bon sens, ça frise l'arrogance. Moi, je demande que le plan de
lutte soit déposé rapidement pour qu'on puisse poser des questions ici, à
l'Assemblée nationale, qu'on puisse aller au fond des choses. Puis je répète,
pour lutter contre la pauvreté, ça prend une mobilisation nationale. Il faut
parler au monde, il faut entamer cette discussion-là et une discussion qu'on
n'a pas faite depuis trop longtemps.
Ça fait que je suis d'accord, puis je
participe au mouvement, puis on va continuer à défendre les groupes
communautaires, les groupes de défense de droits qui luttent pour défendre les
droits des gens qui, malheureusement, sont tombés dans la trappe de la
pauvreté.
Mme Massé : Merci, Harold.
Bien, en fait, je suis contente d'être ici et triste, contente parce qu'il y a
15 ans maintenant, quasiment jour pour jour, unanimement, l'Assemblée nationale
s'était donné un objectif, c'est que le Québec assume qu'il est assez riche
pour ne laisser personne derrière, et ça, ça s'est appelé la Loi pour lutter
contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
15 ans plus tard, on a fait des gains,
bon, Serge en a parlé, je ne veux pas y revenir, mais surtout, surtout on a
tardé à déposer le troisième plan de lutte. Ça, c'est comme si on disait à ces
personnes-là : Vous n'êtes tellement pas importantes, ce n'est tellement
pas grave ce que vous vivez, parce que c'est vous autres qui le vivez, ce n'est
pas nous autres, que, dans le fond, on va retarder nos enlignements, nos
actions pour nous assurer de vous sortir de la pauvreté. Et c'est pire que ça. Durant
ces deux ans-là, le ministre a adopté une loi qui fragilise encore plus les
personnes vulnérables, qui exclut encore plus des gens qui sont à la marge de
notre société.
Alors, c'est vraiment décevant parce qu'on
avait un rêve. On avait un rêve d'être fiers de notre Québec, d'être fiers de
ce Québec riche, parce que, oui, il est riche lorsqu'on arrête de laisser fuir
l'argent dans les paradis fiscaux, lorsqu'on met l'ensemble de la société, y
compris les sociétés des compagnies, au service de l'ensemble de notre société.
Quand on fait ça, on est assez riches. Mais non, ils ont priorisé d'autres
choses. Et, dans ce sens-là, vous savez que Québec solidaire, depuis sa
création, la lutte à la pauvreté et à l'exclusion, c'est fondamental. La lutte
aux inégalités, c'est fondamental, et malheureusement, force est de constater
que 15 ans plus tard, les inégalités se sont accrues.
Alors, on nous demandait d'identifier qu'est-ce
qu'on allait faire. Bien, c'est clair que, pour nous, immédiatement, c'est
d'abolir les sanctions du projet de loi n° 70. C'est, en plus, de
rehausser de façon significative, pas 1,30 $, là, de façon significative
les prestations des personnes à l'aide sociale. C'est d'assurer que les
pensions alimentaires pour les enfants soient exclues du calcul du chèque
d'aide sociale du parent gardien. Ça, là, c'est une injustice terrible, et il
faut bien sûr augmenter le salaire minimum rapidement à 15 $ l'heure pour
permettre que les entreprises privées aussi contribuent au rehaussement et à la
lutte à la pauvreté. Alors, voilà, et je laisse la parole à Virginie.
Mme Larivière (Virginie) :
Merci. Bonjour. Alors, aujourd'hui on est le 1er décembre, hein, on commence le
mois de décembre, et il faut savoir que c'est le mois où, dans les médias, on
va entendre le plus parler de pauvreté, hein? C'est le mois où on va solliciter
les gens, on va demander aux gens d'être généreux, on va se rappeler qu'il y a
des gens qui sont en situation de pauvreté. On va demander aux gens, donc, de
faire un effort et d'être généreux avec ces gens-là.
Alors, au Collectif pour un Québec sans
pauvreté, on a le mandat de rappeler que la charité, c'est beau, on ne peut pas
être contre la vertu, mais ça ne suffit pas. Ça prend de la volonté politique.
Alors, depuis cinq ans, le collectif mène une campagne de sensibilisation
pour rappeler les enjeux politiques de la lutte à la pauvreté sous forme de
cartes postales. Et, cette année, les cartes postales sont illustrées par
Mathilde Cinq-Mars, et elle détourne… elle pastiche, en fait, des billets de
loto bien connus. Alors, on invite les députés à venir les regarder et à
gratter. Il y a un petit gratteux sur les cartes, alors il y a une énigme, et
la réponse se trouve sous le gratteux. Alors, on demanderait à… on offrirait,
en fait, à Manon et Harold le plaisir de découvrir la réponse.
Des voix
: ...
Mme Massé : ...avec des cents
noires, en plus. Je pense que ça aurait pris une Zamboni.
Mme Larivière (Virginie) :
Est-ce que la réponse apparaît? C'est un peu pâle, mais...
Mme Massé : Rouge!
Mme Larivière (Virginie) :
Voulez-vous lire la carte?
M. LeBel : Tous les mois, la
famille Tremblay-Diaz court la chance de tomber dans le rouge.
Mme Massé : Rouge.
Mme Larivière (Virginie) :
Voilà. On a une petite explication, juste à l'arrière, de la réalité. Alors,
Marc travaille 30 heures par semaine et gagne 17 $ de l'heure. Anna, elle,
travaille à temps partiel au salaire minimum. Ensemble, ils arrivent donc à
couvrir les besoins de la famille, mais un seul petit imprévu et ils n'y
arrivent plus.
Alors, il y a des gens, au Québec, qui ne
sont pas en situation de pauvreté mais qui sont tout juste, en fait... qui
arrivent tout juste à couvrir leurs besoins de base et à se sortir de ce qu'on
appelle la ligne de pauvreté. Alors, il suffit d'un petit imprévu pour que
cette famille-là tombe dans le rouge.
Est-ce qu'on en gratte une deuxième? Non?
On va aux questions?
Le Modérateur
: Donc,
on va passer à la période de questions. Je vous demanderais des questions et
une sous-question sur le sujet, s'il vous plaît. S'il y a d'autres questions
sur d'autres questions d'actualité, on pourra les prendre après le point de
presse, en mêlée de presse.
M. Dion (Mathieu) : Est-ce
qu'on en comprend, là, que c'est un échec, 15 ans plus tard, du premier plan de
lutte, de la loi qui a été instaurée il y a 15 ans? Est-ce qu'on en comprend
que c'est un échec aujourd'hui, à la lumière des résultats, de la situation?
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
nous, la conclusion qu'on en tire, ce n'est pas tant que la loi est un échec,
mais qu'on a l'impression qu'il y a eu un manque de volonté d'agir de la part
des gouvernements qui ont été en place depuis l'adoption de la loi.
Et, en fait, pourquoi on parle d'un échec?
C'est parce que, lorsqu'on regarde les statistiques, lorsqu'on regarde les taux
de pauvreté selon les différents indicateurs qui ont été choisis par le
gouvernement, c'est : ou bien on a fait du surplace ou bien on a même
reculé dans le cas des inégalités. Dans le cas des taux de pauvreté, on a fait
du surplace. Même si on a amélioré du côté des familles, on a reperdu du côté
des couples sans enfant et des personnes qui vivent seules, et, au niveau des
inégalités, ça a continué à s'accroître.
Alors, en ce sens-là, c'est un échec, mais
on ne croit pas que l'échec, c'est la loi elle-même, c'est les plans d'action
qu'on a mis en... les deux plans d'action, dans le fond, qu'on a mis en place
depuis 2004.
M. LeBel : Il y a des éléments
de la loi, à mon avis, qui n'ont pas été vraiment... qui n'ont pas été mis en
oeuvre. Je me souviens qu'il y avait un gros débat avec les groupes
communautaires sur deux éléments : la clause d'impact, que... dans la loi,
on prévoit qu'il y a une clause d'impact. Je sais que le gouvernement, dans
toutes ses mesures, toutes ses réformes, doit étudier l'impact que ça peut
donner sur la pauvreté. Ça fait que chaque mémoire au Conseil des ministres
doit avoir une clause d'impact, d'impact sur la pauvreté, et je suis certain
que cette clause d'impact n'a jamais été mise en oeuvre. C'est comme l'analyse
différenciée selon les sexes. Il y a des affaires comme ça que le gouvernement
a dit qu'il prenait en considération, mais il ne le fait pas, c'est tellement
clair.
Et il y avait un autre, c'était le barème
plancher. Je me souviens des débats qu'on avait eus avec les groupes
communautaires pour que, dans la loi, on prévoie un barème plancher. Mais c'est
sûr que, quand tu arrives avec un programme comme Objectif emploi, avec des
sanctions qui nous amènent à 400 $, on peut comprendre que ça va à
l'inverse de ce que la loi prévoyait, c'est bien clair. Ça fait que, là-dessus,
je pense que la loi avait donné un cadre, puis c'était... moi, ce que j'appelle
un deal, qu'on avait avec le mouvement populaire, mais il faut quand même que
cette loi-là soit portée par des plans d'action qui réalisent des choses, et ce
qu'on peut voir, c'est qu'il y a eu des trous.
Un trou, entre autres, c'est... on a
toujours dit que, dans le plan d'action, ce qui marchait, c'était des mesures
qui étaient régionalisées, où on donnait aux groupes, dans les régions, la
possibilité de faire des initiatives. Mais, depuis deux ans, on a coupé les
groupes de concertation régionale et on attend le plan d'action depuis deux
ans. Ça fait que, bref, on a laissé le monde en plan.
M. Dion (Mathieu) : Il y a
quand même une volonté politique du gouvernement de sortir 100 000
personnes de la pauvreté. Ce n'est pas rien. Il y a quand même une volonté
politique qui est là.
Mme Larivière (Virginie) :
Bien, il y a un problème éthique assez fondamental à décider de sortir
100 000 personnes de la pauvreté quand, au Québec, on sait qu'il y en a,
bon an, mal an, à peu près 800 000 qui ne couvrent pas leurs besoins de
base. Alors, pour nous, c'est inadmissible que de cibler 100 000
personnes. Qui sont ces 100 000 personnes là? Qui sont les 700 000
personnes qui ne mériteront pas de couvrir leurs besoins de base, hein? Couvrir
les besoins de base, là, ça veut dire manger, se loger, s'habiller, se
déplacer.
Alors, le ministre est en train de nous
dire : On va faire un effort, on va sortir 100 000 personnes de la
pauvreté, mais il reste muet sur les 700 000 autres personnes qui
resteront dans un état de pauvreté qui ne leur permet pas de sortir de l'eau.
Alors, il y a un problème éthique fondamental sur ce chiffre-là, qui est un peu
arbitraire et qui semble impressionner, hein? Ça semble être très ambitieux, un
chiffre mirobolant, 100 000 personnes hors de la pauvreté, mais il faut se
rappeler qu'il y a 800 000 personnes qui ne couvrent pas leurs besoins de
base au Québec. Alors, on trouve que ce n'est pas très ambitieux, en fait,
comme objectif.
Mme Massé : Et c'est tellement
choquant, c'est ça qu'on se disait, c'est tellement choquant, parce que, dans
les faits, des chiffres, là, je peux vous en donner, moi, 100 000,
250 000, 50 000. Regardez, ça fait trois ans que ce gouvernement-là
est là, bientôt quatre, il avait... avec un surplus de 4,5 milliards, il
avait largement l'occasion de pouvoir intervenir pour sortir l'ensemble des
gens qui vivent dans la pauvreté et il ne l'a pas fait. Alors, moi, des... Ça
fait deux ans qu'il est supposé de déposer sa loi pour lutter contre la
pauvreté, il a plutôt travaillé à adopter une loi qui va appauvrir encore plus
les personnes les plus pauvres, les premiers demandeurs.
Alors, moi, les chiffres, là… Moi, je ne
me fie pas sur les paroles, je me fie sur les actions. Et les personnes qui
vivent la situation, ce n'est pas de paroles qu'ils ont besoin, c'est des
actions, et ils ne l'ont pas fait.
M. Bellerose (Patrick) : M.
Petitclerc, bonjour. Bonjour à tous. M. Petitclerc, vous avez invité les quatre
partis à venir participer au point de presse, et il y en a seulement deux qui
sont avec vous aujourd'hui. Qu'est-ce que ça vous dit sur la place que prend la
question de la pauvreté chez les libéraux et à la CAQ?
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
ça laisse entendre que, dans le cas du Parti libéral du Québec, j'ai
l'impression que le ministre ne veut pas trop se retrouver sur la même tribune
que nous, et, dans le cas... peut-être qu'il y a des... il se sent un peu
coupable. Et, dans le cas de la Coalition avenir Québec, écoutez, je ne veux
pas juger, mais c'est certain que, sur les enjeux de pauvreté, on ne les entend
pas beaucoup. Ils s'opposent à la hausse du salaire minimum à 15 $ de
l'heure.
Mais ce qui est malheureux ce matin, c'est
qu'on ne demandait pas aux partis politiques de venir appuyer les
revendications du collectif, on les invitait à venir réitérer leur appui à
l'idée qu'on doit lutter contre la pauvreté au Québec. Ça fait qu'en ce sens-là
c'est triste qu'ils soient absents, mais, écoutez, on va trouver des manières
autres de les rejoindre, et de leur porter des cartes, et puis d'avoir une
discussion avec eux.
M. Bellerose (Patrick) : M.
Blais devrait se sentir coupable de quoi?
M. Petitclerc (Serge) : Bien,
je pense qu'il se sent peut-être un peu coupable de son projet de loi
n° 70 qu'il a adopté, de son projet de règlement pour Objectif emploi
qu'il a déposé en plein été, qui a... en tout cas, supposément consulté dessus
et qui, finalement, l'a redéposé, l'a édicté sans pour ainsi dire aucune
modification, malgré de nombreuses interventions du milieu des groupes qui
travaillent avec les personnes qui vont avoir à subir le programme Objectif
emploi.
On se traîne les pieds sur les questions
de salaire minimum. On se traîne les pieds pour ce qui est du dépôt du plan de
lutte lui-même. Alors, je pense qu'en ce sens-là peut-être qu'il se sent un peu
coupable.
M. Bellerose (Patrick) : Il y
a un comité d'experts récemment qui a mis de côté... en fait, qui a suggéré de
mettre de côté le revenu minimum garanti. Est-ce que vous souhaitez quand même
que M. Blais l'intègre dans son plan de lutte à la pauvreté qu'il devrait
déposer bientôt?
M. Petitclerc (Serge) : Bien, le
collectif n'a jamais eu une position en faveur ou en défaveur du revenu minimum
garanti. Ce qu'on a toujours dit, c'est que, si vous voulez en mettre un en
place, ça doit respecter certaines conditions, puis, parmi ces conditions-là,
par exemple, on considère qu'un revenu minimum garanti doit faire en sorte de
hausser les revenus des plus pauvres, notamment les personnes qui vivent seules
et les couples sans enfant, comme on en parlait tout à l'heure, mais l'ensemble
des personnes en situation de pauvreté. On considère que ça doit combattre les
inégalités, qu'il doit y avoir un objectif de lutte contre les préjugés, et le
problème dans l'étude du comité d'experts, entre autres, c'est dès le début,
dès le mandat qu'on a donné à ces gens-là, il n'était pas question de lutte à
la pauvreté, aux préjugés, à l'exclusion, aux inégalités, et ça, c'est un peu
ridicule.
Et, en fait, ce que le comité d'experts
est venu nous dire, c'est que, sans trop en faire la démonstration, ça va coûter
trop cher. On va se contenter d'augmenter un peu l'aide sociale et on va
surtout faire de l'incitation au travail, parce que le comité d'experts est
tombé dans la même ornière que souvent nos gouvernements, c'est par le travail
que passe la lutte à... uniquement par le travail que passe la lutte à la pauvreté,
tout en refusant d'augmenter le salaire minimum, ce qui est un peu paradoxal.
M. LeBel : J'aimerais juste
rajouter, je fais une tournée du Québec, actuellement, là, avec deux collègues,
avec Catherine Fournier puis Dave Turcotte. On est allés partout en Abitibi,
partout. Il y a... Puis, comme je disais, j'étais là, il y a 15 ans.
Ce que je vois aujourd'hui, ce que je ne
voyais pas il y a 15 ans, un élément, c'est la pauvreté des aînés. Il y a
15 ans, on n'en parlait presque pas. Dans les mobilisations, on n'en
parlait presque pas. Aujourd'hui, je vois beaucoup d'aînés qui vivent dans une
situation de pauvreté et ils sont isolés.
L'autre... Je veux vous dire autre chose,
c'est ma frustration comme porte-parole du dossier de la pauvreté. C'est vrai
qu'il manque deux partis, mais, quand je regarde le nombre de médias qui sont
ici, il y en a beaucoup moins aussi. Là, on va passer le temps des fêtes. On va
aller partout, là, les députés, on le sait, on est interpellés, les guignolées
vont être là. Moi, je vais faire du bénévolat au comptoir alimentaire chez
nous. J'ai des frissons juste à y penser. Je sais ce que je vais voir là, les
gens... Puis là on va en parler pendant les trois prochaines semaines, mais la
pauvreté, elle n'est pas que dans le temps des fêtes. Elle est à l'année. Puis
nous, dans nos bureaux de comté, on le voit à l'année.
Et ce que je trouve vraiment arrogant,
c'est que le ministre, pendant deux ans, nous retarde le plan d'action. Il va
nous déposer ça dans les temps des fêtes, à la veille du temps des fêtes, quand
on est... Je trouve ça vraiment... Je trouve ça frustrant qu'on ne peut pas
parler de cette situation-là. On ne peut pas, au Québec, accepter que des gens
vivent dans la pauvreté comme ils vivent là. Puis quand ils nous parlent de
100 000, 100 000 sur 800 000... sur 800 000, ce n'est pas
le taux de pauvreté, c'est le taux de la misère noire. Et il va nous sortir
100 000 sur 800 000 de la misère noire, puis on pense que c'est un
grand projet de société? Bien, voyons donc! Ça, ça me frustre au bout. Je
voulais le dire.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 23)