(Quinze heures cinq minutes)
Mme Fiset (Lucie) : Bonjour à
tous. Merci beaucoup d'être parmi nous, d'avoir accepté l'invitation de la Commission
de la représentation électorale afin de vous dévoiler sa proposition d'une
nouvelle carte électorale pour le Québec.
Donc, permettez-moi tout d'abord de vous
présenter mes collègues commissaires avec qui j'ai travaillé durant les
derniers mois pour mettre au point notre proposition. À ma droite, je vous
présente M. Serge Courville, géographe et professeur émérite de l'Université
Laval; à ma gauche, M. Bruno Jean, sociologue et professeur à l'Université du
Québec à Rimouski. Je vous rappelle que MM. Courville et Jean ont été nommés
par les membres de l'Assemblée nationale. Quant à moi, je suis d'office la
présidente de la Commission de la représentation électorale de par mes
fonctions à titre de Directrice générale des élections du Québec.
Alors, avant de vous présenter les
changements que nous proposons aujourd'hui, j'aimerais que nous prenions un
moment pour vous expliquer le mandat de la commission et les principes qui la
guident. Cela mettra en perspective ce que nous vous proposons aujourd'hui.
Alors, M. Courville.
M. Courville (Serge) : Alors, c'est
en 1979 que l'Assemblée nationale institue la Commission de la représentation
électorale, un organisme indépendant et décisionnel. Le processus d'adoption de
la carte électorale devient alors plus ouvert puisque l'on informe davantage
les électeurs en plus de les inviter à se prononcer lors d'auditions publiques.
Par ailleurs, on réserve aux élus un espace privilégié qui leur permet de
réagir aux propositions de la commission.
Bien que la commission intervienne aux
niveaux municipal et scolaire, sa principale tâche est de réviser, à toutes les
deux élections provinciales, la carte électorale du Québec, soit celle des
125 circonscriptions représentées par autant de députés à l'Assemblée
nationale. Rappelons que la carte actuelle, adoptée en 2011 et ayant servi aux
deux dernières élections générales, a été établie à partir du nombre
d'électeurs de novembre 2007, soit il y a sept ans.
Au cours de la dernière année, nous avons
donc examiné attentivement toutes les régions du Québec de façon à comprendre
les mouvements de population et les réalités territoriales depuis la dernière
révision. C'est un travail qui exige rigueur et minutie et qui fait appel à la
démographie, à la géographie et à la sociologie. Nous avons ainsi considéré
l'histoire régionale, les barrières géographiques, les taux de croissance et
les caractéristiques de la population.
Il est important de mentionner que les
données sur les électeurs avec lesquelles nous avons travaillé sont celles du
30 novembre 2014. Cette date a été déterminée par la commission en vue de
produire le rapport préliminaire que nous déposons aujourd'hui. Notre
proposition est plus qu'un simple exercice mathématique appliqué à la carte
électorale.
Je donne maintenant la parole à
M. Jean qui vous expliquera les règles qui ont encadré notre travail au
cours des derniers mois.
M. Jean (Bruno) : Oui. En
effet, il convient de rappeler quelles sont ces règles et surtout ce qu'elles
visent. D'abord, la loi impose un critère numérique pour assurer une équité
entre les circonscriptions. Au Québec, dans le cadre du présent exercice, la
moyenne par circonscription est d'environ 48 000 électeurs. En vertu
de la loi, la population électorale d'une circonscription ne peut dépasser
cette moyenne de plus ou de moins 25 %. Ainsi, le nombre d'électeurs
permis se situe, grosso modo, entre 36 000 et 60 000 électeurs
par circonscription. La commission a le pouvoir de déroger à ce critère
numérique, mais celui-ci ne peut être utilisé que dans des cas exceptionnels. De
plus, la décision de déroger à ce critère doit être motivée. Cela démontre la
volonté du législateur de limiter le nombre de circonscriptions en situation
d'exception.
La loi précise aussi que les
circonscriptions électorales doivent représenter des communautés naturelles. La
densité de population, son taux relatif de croissance, la configuration des
régions, leur accessibilité, leur superficie, des frontières naturelles du
milieu et les territoires des municipalités sont autant d'éléments dont la commission
doit tenir compte au moment de la délimitation des circonscriptions. Le sentiment
d'appartenance des résidents, la façon dont la vie est organisée sur le territoire,
la présence de pôles régionaux ou de communautés d'intérêts économiques sont
également des facteurs que nous avons considérés. Au-delà de la mathématique,
les règles de la Loi électorale sont porteuses d'équité et de justice pour l'ensemble
des électrices et électeurs du Québec, et c'est ainsi que l'on peut établir un
équilibre entre les différentes régions.
Ainsi donc, après avoir considéré la
réalité du terrain à la lumière des critères prévus par la loi, nous en sommes
arrivés à un projet de carte que nous déposons aujourd'hui.
Mme Fiset (Lucie) : Alors,
maintenant, la proposition de la nouvelle carte électorale. Dans le cadre de
cette conférence, vous comprendrez qu'il me sera impossible de détailler l'ensemble
des modifications que nous suggérons. Je vais donc m'en tenir aux principaux
changements de notre proposition.
Mentionnons en débutant que, sur les
125 circonscriptions électorales, 36 font l'objet de changements ou
d'ajustements. Cette révision touche ainsi environ 30 % des
circonscriptions. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que, depuis l'adoption
de la dernière carte, l'évolution démographique du Québec s'est poursuivie,
plus fortement dans certaines régions. Les changements que l'on propose
touchent, en fait, huit régions du Québec, mais trois de façon plus importante,
soient les régions Laurentides-Lanaudière, l'île de Montréal et la Mauricie.
Commençons par la région des
Laurentides-Lanaudière. L'ajout de deux nouvelles circonscriptions y est requis
en raison de l'augmentation considérable du nombre d'électeurs sur ce
territoire. En fait, c'est la région qui a connu la plus forte croissance au
Québec quant à son nombre d'électeurs. On en compte près de
100 000 de plus qu'en 2007, et cette région est présentement la plus
sous-représentée du Québec. Par conséquent, la commission lui attribue un
nombre de circonscriptions qui est plus représentatif de son poids électoral.
Elle propose d'y ajouter deux circonscriptions.
La première circonscription, située dans
la partie sud de la région, comprend des territoires des circonscriptions
actuelles de Blainville, de Masson et de Mirabel. Cette nouvelle
circonscription permet d'abord de corriger le fait que le nombre d'électeurs
dans Mirabel dépasse le nombre maximal permis par la loi électorale. Aussi,
cela permet d'éviter que cette même situation se reproduise prochainement dans
la circonscription de Blainville. Le toponyme proposé pour cette nouvelle circonscription
est Les Plaines. Sa délimitation a été réalisée dans le respect de la
limite administrative de la Communauté métropolitaine de Montréal.
La deuxième circonscription que la
commission propose d'ajouter se situe au nord de la ville de Saint-Jérôme. Elle
est formée de municipalités des circonscriptions de Bertrand et de Rousseau. Le
toponyme proposé pour cette nouvelle circonscription est Prévost. Cet ajout
contribue à corriger la situation d'exception positive de Rousseau ainsi que la
situation critique de celle de Bertrand dont le nombre d'électeurs pourrait
rapidement dépasser le nombre maximal permis par la loi.
Notre proposition contient également des
ajustements supplémentaires qui permettent, entre autres, de réduire le nombre
d'électeurs de la circonscription de Joliette. Au total, la proposition de
délimitation pour les Laurentides-Lanaudière modifiera huit circonscriptions.
Sur l'île de Montréal, le nombre
d'électeurs a crû à un rythme inférieur à celui de la province. Actuellement,
cette région se trouve en situation de surreprésentation par rapport à d'autres
régions du Québec. Précisons que 17 de ses 28 circonscriptions comptent un
nombre d'électeurs inférieur à la moyenne québécoise. Devant cette réalité la
commission a établi 27 circonscriptions sur l'île de Montréal, plutôt que 28,
afin de respecter l'égalité relative du vote des électeurs.
Nous proposons ce retrait à un endroit où
se concentrent des circonscriptions ayant un faible nombre d'électeurs, soit au
centre de l'île. La proposition regroupe essentiellement, à l'intérieur d'une
même circonscription, les circonscriptions de Mont-Royal et d'Outremont. Le
toponyme proposé est Mont-Royal—Outremont. Ensuite, des ajustements sont
proposés aux circonscriptions de Bourassa-Sauvé et de Crémazie afin d'ajuster
leurs limites à celles de l'arrondissement de Montréal-Nord. Enfin, des
ajustements sont apportés dans le but d'agrandir la circonscription de
Westmount—Saint-Louis à même celle de Saint-Henri—Sainte-Anne. Au total, ce
sont neuf circonscriptions qui sont touchées par ces changements. Nous tenons à
mentionner que, tout au long de notre analyse, nous avons maintenu un haut
degré de respect des limites des municipalités et des arrondissements.
En Mauricie, l'objectif visé est de faire
correspondre son nombre de circonscriptions à son poids électoral. Également,
la commission corrige le faible nombre d'électeurs dans Laviolette car celle-ci
dépasse le seuil minimal prévu par la loi. La région passe ainsi de cinq à
quatre circonscriptions. Celle portant le toponyme Saint-Maurice est retirée et
de nouvelles délimitations suggérées par la commission permettent d'équilibrer
le nombre d'électeurs dans chacune des quatre autres circonscriptions de la
région. Il faut mentionner que la faible évolution de la population entre 2007
et 2014 a amplifié la situation de surreprésentation électorale de la Mauricie.
Par ailleurs, dans cinq autres régions du Québec,
nous proposons d'ajuster la délimitation de 14 circonscriptions électorales
afin d'établir un meilleur équilibre de leur population électorale. Il s'agit
des régions suivantes : Montérégie, Outaouais, Laval, Capitale-Nationale
et Estrie—Centre-du-Québec. En quelques mots, je vous résume les changements
suggérés pour chacune de ces régions.
Donc, en Montérégie, deux situations sont
à corriger. D'abord, il est nécessaire de réviser la situation de La Pinière,
dont le nombre d'électeurs est supérieur à la limite permise. Notre proposition
vise à déplacer deux quartiers de la ville de Brossard de la circonscription de
La Pinière à celle de Laporte. Cette proposition préserve l'intégrité des
deux quartiers touchés de la ville de Brossard.
Ensuite, il s'avère nécessaire de corriger
la situation de Vaudreuil, dont le nombre d'électeurs pourrait rapidement
dépasser le seuil maximal permis. Nous transférons la ville de Hudson et une
partie de la ville de Vaudreuil-Dorion dans la circonscription de Soulanges. Le
nombre d'électeurs des circonscriptions électorales de Vaudreuil et de
Soulanges est ainsi mieux équilibré.
En ce qui a trait à la région de
l'Outaouais maintenant, des ajustements sont apportés aux circonscriptions de
Hull, Gatineau, Chapleau et Papineau. L'objectif est de rééquilibrer les circonscriptions
de Gatineau et de Papineau dont le nombre d'électeurs pourrait dépasser le
seuil maximal permis. Notre proposition prévoit le transfert de la municipalité
de Chelsea de la circonscription de Gatineau vers celle de Hull. Ensuite, nous
apportons un léger ajustement de la limite entre Chapleau et Papineau.
À Laval, un seul ajustement est apporté,
impliquant deux circonscriptions électorales, soit Chomedey et Fabre. L'objectif
est d'éviter que Chomedey ne dépasse, au cours des prochaines années le seuil
maximal prévu par la loi. Donc, un secteur résidentiel de Chomedey, situé à
l'est de l'autoroute 13, est déplacé vers Fabre.
Dans la région de la Capitale-Nationale,
là aussi, une seule modification est apportée. Elle touche les circonscriptions
de Chauveau et de Charlesbourg. La commission corrige la situation critique de
Chauveau, qui pourrait se retrouver en situation d'exception positive. Une
petite partie de son territoire, située au sud, est donc déplacée dans la
circonscription de Charlesbourg.
Quant à la région de l'Estrie‑Centre-du-Québec, la
circonscription de Richmond doit être modifiée afin d'éviter que son nombre
d'électeurs ne devienne supérieur à la limite permise. Ainsi, la commission
regroupe les municipalités du secteur de Valcourt au sein de la circonscription
d'Orford. Je tiens à mentionner qu'aucun changement n'est proposé dans la
région administrative du Centre-du-Québec.
Voilà pour les principaux changements
proposés par la commission. M. Jean.
M. Jean (Bruno) : Maintenant,
il est important de préciser que la commission a décidé de maintenir la
délimitation actuelle des circonscriptions dans sept régions du Québec :
l'Abitibi-Témiscamingue, le Bas-Saint-Laurent, la région de Chaudière-Appalaches,
la Côte-Nord, la Gaspésie, le Nord-du-Québec et le Saguenay—Lac-Saint-Jean.
Actuellement, le Bas-Saint-Laurent, la
région de Chaudière-Appalaches et le Saguenay—Lac-Saint-Jean détiennent un
nombre d'électeurs ainsi qu'un poids électoral équilibré. C'est pourquoi aucun
changement n'est proposé pour ces régions.
Quant aux régions qui présentent l'une ou
l'autre… qui présentent une ou plusieurs circonscriptions dont le nombre
d'électeurs est inférieur à la limite permise — c'est le cas de
l'Abitibi-Témiscamingue, de la Côte-Nord, de la Gaspésie et
d'Ungava — la commission juge que les solutions qui permettraient de
rétablir leur situation ne favoriseraient pas le respect des communautés en
place. La commission justifie donc la situation d'exception négative de six
circonscriptions : Abitibi-Est, Abitibi-Ouest, Ungava, René-Lévesque,
Gaspé et Bonaventure. À l'exception de cette dernière, la commission avait
reconnu un statut particulier à ces circonscriptions lors de sa dernière
réforme de la carte électorale.
Rappelons que, dans notre proposition
actuelle, 89 circonscriptions électorales ne sont pas modifiées. Je cède à
présent la parole à mon collègue Serge Courville, qui vous donnera un aperçu de
la suite des choses.
M. Courville (Serge) : Alors,
la prochaine étape dans le processus de révision de la carte électorale est
d'inviter la population, les organismes et les élus à consulter notre
proposition de délimitation. La commission tiendra une dizaine d'auditions
publiques, du 21 avril au 21 mai prochain, dans chacune des régions
où des changements sont apportés. Nous irons écouter attentivement les
commentaires de toutes les personnes intéressées à nous rencontrer. Cette étape
est importante pour nous. Elle nous permet de connaître le point de vue des
gens, de constater la réalité du terrain et d'obtenir des renseignements
supplémentaires pouvant enrichir nos travaux.
Par la suite, la Commission de l'Assemblée
nationale étudiera la proposition de carte électorale. Les élus auront donc
ainsi une nouvelle occasion de la commenter. Durant les mois suivants, nous
analyserons tous les commentaires que nous aurons reçus et, dans le respect des
critères établis à la Loi électorale, nous en tiendrons compte dans la mesure
du possible. Ensuite, un nouveau document sera déposé à l'Assemblée nationale,
où il fera l'objet d'un débat limité à cinq heures, tel que prévu par la loi.
En 2016, la Commission de la
représentation électorale rendra une décision finale sur la carte électorale.
Cette décision sera publiée à la Gazette officielle du Québec. Trois
mois après cette publication, la nouvelle carte électorale pourra entrer en
vigueur. En fait, cela se produira à la dissolution de l'Assemblée nationale.
Toute personne souhaitant en savoir
davantage sur l'ensemble des modifications proposées à la carte électorale peut
prendre connaissance de notre rapport préliminaire. Notre site Web est
d'ailleurs un excellent moyen de consulter notre proposition.
Mme Fiset (Lucie) : Alors,
nous réitérons notre invitation à la population à participer aux auditions
publiques de la commission, dont nous publions l'horaire aujourd'hui. Ce
dernier fera l'objet de rappel, évidemment, dans les différentes régions
visitées, au fur et à mesure de la tournée des auditions publiques.
En conclusion, ce dont il faut se
rappeler, c'est que les changements que nous proposons à la carte électorale
reflètent l'évolution démographique du Québec. Il importe que cette carte soit
à son image. Pour la Commission de la représentation électorale, il est
nécessaire d'établir des constats et de leur traduire... de les traduire,
excusez, dans une délimitation juste et équitable pour l'ensemble des
électrices et des électeurs du Québec.
Donc, je vous remercie, et nous sommes
évidemment disponibles pour recevoir vos questions, le cas échéant.
Le Modérateur
: Alors,
je vous demanderais de vous signaler. On va commencer par Martine Biron.
Mme Biron (Martine)
:
Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu
pourquoi vous avez décidé de faire des exceptions avec certaines régions,
notamment la Gaspésie. Je me rappelle, avant l'élection de 2012, ça avait fait
d'âpres débats, là. Bonaventure qui montre des chiffres de moins 25... qui
dépasse la limite. Même chose pour Gaspé. Je vois qu'en Abitibi c'est la même
chose. Pourquoi est-ce que vous avez décidé de mettre de côté les
réaménagements de ces circonscriptions-là?
Mme Fiset (Lucie) : Dans un
premier temps, on se rappellera que les situations d'exception avaient déjà été
reconnues dans le cadre du rapport 2011. La circonscription que nous reconnaissons
par le présent rapport est la circonscription de Bonaventure. Maintenant, je
vous dirais que les motifs qui avaient été analysés et invoqués à l'époque sont
les mêmes qui justifient, encore une fois, les recommandations que nous faisons
de maintenir les situations d'exception dans ces régions.
Donc, évidemment, on se rappelle, en
résumé, les motifs : un grand territoire, une densité de population très faible,
des réseaux routiers, je dirais, limités, rendant plus difficile
l'accessibilité au territoire, et donc, dans le respect, encore une fois, du
critère qui, je dirais, qui entoure l'ensemble de nos travaux, la représentation
effective des électeurs, donc nous considérons l'ensemble de ces critères et
nous avons déterminé que, cette fois-ci, l'ensemble de ces circonscriptions
devait recevoir le statut d'exception.
Mme Biron (Martine)
:
Mais est-ce que la situation n'est pas… parce que la situation s'aggrave, si je
comprends bien les chiffres que vous avez ici. Ça ne s'améliorera pas. Est-ce
que c'est un souci d'équilibre entre la ville et les régions qui… la ville,
qui, finalement… bon, pas dans ce cas-ci, là, n'aura pas plus de
circonscriptions, mais, quand même, on voit que les couronnes autour de la
ville vont avoir plus de circonscriptions. Est-ce qu'on s'inquiète, au sein de
votre commission, de cet équilibre-là entre les régions plus urbaines et les
régions?
Mme Fiset (Lucie) : Je
répondrais en précisant que les critères retenus par la commission pour faire
ses travaux sont définis par la loi. Donc, critères numériques, d'une part,
mais également le respect des communautés naturelles, et nous devons trouver un
juste équilibre à travers l'ensemble de la province, donc pour les 125
circonscriptions électorales. Nous ne pouvons pas avoir plus de 125
circonscriptions électorales, selon la Loi électorale actuellement. Donc, nous
devons faire des choix qui concernent l'ensemble du territoire. Donc, la représentation
de l'ensemble des électeurs doit être prise en considération.
Mme Biron (Martine)
:
J'aimerais juste ça que vous précisiez… parce que vous dites : Les
critères sont dictés par la loi, mais, si vous appliquez la loi, normalement,
vous feriez des aménagements en région, n'est-ce pas?
Mme Fiset (Lucie) : Est-ce
que M. Courville… J'espère que M. Courville voudrait ajouter quelque chose,
oui.
M. Courville (Serge) :
J'aimerais peut-être attirer votre attention sur un fait, quand même, c'est qu'on
doit éviter la démesure. À partir du moment où vous avez une population qui est
peu dense, clairsemée, etc., distribuée, on ne peut pas non plus, pour arriver
à maintenir un écart suffisant par rapport à la moyenne, là, de faire des
territoires démesurés.
Alors, dans le cas, par exemple, de Gaspé,
si vous vous souvenez bien, à la dernière carte, on avait proposé d'étendre le
territoire de Gaspé du côté de Matane, et ça avait fait une levée de boucliers
dans la région, à juste titre, parce que ça circonvenait à un des critères de
la représentation effective, c'est qu'on doit donner accès aux députés à
l'ensemble de la population, et la population doit avoir facilement accès à son
député. Et ces critères-là ne changent pas, et les situations non plus ne changent
pas.
De la même façon, du côté de Bonaventure,
il aurait fallu étendre démesurément vers l'ouest, et on nous avait fait
comprendre sur le terrain — moi, j'y étais, à ce moment-là — que
ça n'avait pas de sens parce qu'effectivement ça faisait des territoires trop
grands.
Donc, ce sont des modifications qui
étaient requises, des exceptions requises, mais des exceptions qui respectent tout
à fait le principe de la représentation effective, donc égalité relative du
vote, on dit bien «relative», aussi tenir compte aussi des communautés
naturelles. Alors, si on étendait trop vers l'ouest, on irait à l'encontre de
ce deuxième critère là. Donc, c'est un juste équilibre pour en arriver à une
situation, je dirais, équilibrée et équitable envers tout le monde.
Mme Biron (Martine)
:
Ma question, c'est : Est-ce qu'on interprète la loi, dans ce cas-là, pour…
M. Courville (Serge) : Oui,
mais il n'y a aucune situation au Québec qui est figée dans le béton, c'est-à-dire
que nous regardons, à la commission, l'évolution des choses, en termes de
démographie, et nous proposons une carte la plus juste et la plus équitable
possible et, dans ce cas, nous avons choisi de maintenir la situation
d'exception. Est-ce que ça va être comme ça dans le futur? Bien, on verra
comment l'évolution va se faire du côté de la population électorale du Québec.
Le Modérateur
: Martin
Croteau.
M. Croteau (Martin)
:
Bonjour. Je fais suite aux questions de ma collègue. Vous semblez convenir que
l'écart continue de se creuser entre ces circonscriptions qui bénéficient d'un
statut d'exception et d'autres circonscriptions, là, je pense entre autres au
450, où il y a une population qui est toujours plus grande. Donc, jusqu'où
allez-vous laisser cet écart ou jusqu'où est-ce que la commission est prête à
laisser cet écart se creuser avant qu'on… Qu'est-ce que ça va prendre pour que,
finalement, on cesse d'accorder des statuts d'exception à des circonscriptions?
Mme Fiset (Lucie) : Bien,
encore une fois, on n'a pas une boule de cristal, on ne peut pas être capable
de répondre pour l'avenir. Pour l'instant, l'exercice qui a été fait a été fait
pour l'ensemble, je dirais, pour correspondre au respect du principe, mais pour
qu'il reflète pour l'ensemble des électeurs du Québec. Donc, oui, il y a un
écart, effectivement, considérable, mais, on ne se le cachera pas, dans les
milieux urbains, vous avez une concentration qui est là de la population, et
cette concentration-là, nous devons la considérer au même titre que dans les
régions davantage périphériques. La densité est beaucoup plus faible, beaucoup
moindre.
Mais, d'autre part, outre le critère
numérique, M. Courville vous l'a mentionné, il y a d'autres considérations
qui rentrent en ligne de compte, et l'exercice que nous faisons, on doit le
considérer pour l'ensemble des électeurs de la province. Donc, l'écart que nous
constatons aujourd'hui, en appliquant les critères reconnus par la loi, se
justifie, parce qu'encore une fois on le répète, il doit y avoir une facilité
pour les électeurs de pouvoir rejoindre leur député, leur élu, et vice et
versa. Donc, on ne peut pas, justement créer des territoires trop grands, qui
ne permettraient pas d'atteindre cette égalité, on le répète, égalité relative
du vote des électeurs, de l'ensemble des électeurs de la province de Québec.
M. Croteau (Martin)
:
Pardon.
M. Courville (Serge) : Me
permettez-vous, madame...
Mme Fiset (Lucie) : Bien sûr.
M. Courville (Serge) : J'aimerais
peut-être attirer votre attention. Quand on parle d'égalité relative du vote,
les régions densément occupées au Québec, avec la proposition qui est là, ne
sont pas lésées d'aucune façon. Alors, la représentation, elle est effective
dans toutes les régions. Et, quand on dit : On va ajouter deux
circonscriptions sur la couronne nord de Montréal, bien, c'est parce qu'on a
100 000 électeurs de plus, donc l'équivalent de deux
circonscriptions. Quand on dit : On va en enlever une sur l'île de
Montréal, c'est parce qu'on a un poids électoral qui ne fonctionne plus, la
même chose en Mauricie. Et, quand on rétablit cet équilibre-là, bien, on se
rend compte que la zone densément occupée du Québec, quand je prends la
perspective Québec dans son ensemble, n'est pas lésée d'aucune façon parce
qu'il y a une exception en Gaspésie ou deux, ou parce qu'il y a des exceptions
dans le Nord-Ouest québécois, ou parce que... etc. Alors, c'est l'équilibre
relatif de l'ensemble de la province des 125 circonscriptions qui est à
considérer et c'est ce que la commission considère à travers tous ces
critères-là.
M. Croteau (Martin)
:
Dans les... Pardon, voulez-vous...
Mme Fiset (Lucie) : Non,
c'est...
M. Croteau (Martin)
:
Dans les facteurs qui sont invoqués, c'est d'abord, bon, le poids relatif de
chaque circonscription, et vous avez parlé aussi de l'aspect de maintenir
l'accès de la population à leurs élus, notamment dans les circonscriptions de
grande taille. Mais, étant donné les écarts démographiques qui continuent de se
creuser, est-ce qu'on doit envisager au Québec, à vos yeux, d'augmenter le
nombre de circonscriptions comme il s'est fait à Ottawa, pour maintenir un équilibre
à l'avenir?
Mme Fiset (Lucie) : Je vous
dirais que le choix du 125 circonscriptions… c'est 122 à 125, d'ailleurs,
que le législateur a prévu dans la loi, alors le choix est un choix du législateur.
Donc, la commission ne propose pas d'augmentation. La commission n'a pas non
plus à défendre, je dirais, cette position, puisque, selon les critères
actuels, nous sommes capables d'accomplir, je dirais, le mandat qui nous a été
confié. Donc, nous sommes encore capables de pouvoir assurer une juste
représentation, donc, des électeurs pour l'ensemble du territoire.
M. Croteau (Martin)
:
Mais le fait que vous deviez accorder un statut d'exception à six nouvelles...
pas nouvelles, là, mais six circonscriptions, est-ce que ça ne dit pas qu'à
quelque part, et toujours en respectant les critères que vous souhaitez
imposer, est-ce que ça ne dit pas qu'il ne faudrait pas réaménager le
nombre de circonscriptions éventuellement?
M. Courville (Serge) : Dans le
rapport... Pardon. Dans le deuxième rapport final de 2010, on avait abordé ces
questions-là et on s'est rendu compte que, si on augmentait démesurément… il
faudrait l'augmenter démesurément, le nombre de députés ou de circonscriptions,
pour maintenir des circonscriptions en régions. Autrement dit, on n'est pas devin,
on ne sait pas comment ça va se produire. Nous, ce qu'on a à assurer, c'est,
les deux prochaines élections, l'équilibre va être là jusque-là, donc la carte
actuelle va tenir la route jusque-là.
Cela étant dit, on verra comment la population
va se comporter. C'est le mandat de la commission de faire l'analyse des
données démographiques et de proposer une carte conséquente. Et donc, à cet
égard-là, c'est difficile de répondre à votre question autrement qu'en vous
disant : Bien, écoutez, ça a été analysé. On avait plusieurs modèles qui
nous avaient été suggérés à l'époque, et aucun, finalement, ne permettait de
maintenir une circonscription qui ou devait disparaître ou, en tout cas, pouvait
être considérée comme exception. Maintenant, si la population du Québec évolue
dans tel ou dans tel sens, bien, on en jugera dans 10, 11 ans d'ici, quoi.
Mme Fiset (Lucie) : M. Jean,
voulez-vous rajouter quelque chose?
M. Jean (Bruno) : Bien, juste,
techniquement, là-dessus, comme c'est une moyenne, si on travaille avec 125
comtés, on le voit de carte électorale en carte électorale, la moyenne
d'électeurs par circonscription augmente, donc… et je pense qu'au fédéral cette
moyenne-là est beaucoup plus élevée, par ailleurs, donc…
Mais je voulais juste ajouter quelque
chose sur, peut-être… Moi, je trouve que c'est un projet qui prend en compte
pas mal toutes les situations. Créer deux comtés dans la couronne nord, je ne
sais pas comment on devrait l'appeler, Laurentides-Lanaudière, c'est être
capable de constater la réalité des 100 000 habitants, comme on a dit, qui
se sont installés, qui sont arrivés, donc tenir compte de cette réalité-là.
Pour ce qui est des régions éloignées, c'est sûr que la question, comme mon
collègue Courville a mentionné, de l'aspect de l'accès aux députés… mais c'est
qu'il n'y a pas de circonscription alentour, alors, ou vous avez deux
circonscriptions qui sont en situation négative; si vous les fusionnez
ensemble, ils sont en situation d'exception positive. Il y a une mathématique
qui est presque impossible à gérer, d'une certaine manière, alors que dans
d'autres régions il y a plusieurs circonscriptions, ce qui fait que je trouve
que la commission a fait un travail excellent d'ajuster, de faire des petits
ajustements, finalement, qui rendent justice aux électeurs, là, un équilibre du
vote.
M. Robillard (Alexandre)
:
Donc, bien, je vais me permettre une question. Justement, est-ce que vous
pensez que le projet actuel va être accepté plus facilement que le dernier qui
avait nécessité, là, trois ans de travaux, finalement? La version initiale
avait été proposée en 2008 avant d'être adoptée en 2011. Là, vous fixez
l'échéancier, je pense, à 2016, donc c'est dans un peu plus d'un an. Donc,
qu'est-ce qui vous permet de croire qu'on est capable, avec la proposition que
vous faites sur la table, là, d'éviter les débats qui ont prolongé le
processus?
Mme Fiset (Lucie) : Bien,
écoutez, on a entamé un processus, on devait l'entamer, de par la loi, après
les deux élections générales que nous avons vécues en 2012, 2014, dépôt du
rapport préliminaire. La loi prévoit les différentes étapes à rencontrer, alors
nous allons suivre les prochaines étapes à rencontrer. Prochaine étape, les
auditions publiques. Par la suite, il y aura l'étude par la Commission de
l'Assemblée nationale, et, par la suite, un deuxième rapport devra être fait
dans les… je dirais, la réception des commentaires, des représentations,
l'analyse que nous en ferons, et le deuxième rapport sera déposé; débat à
l'Assemblée nationale, un cinq heures maximum. Après ça, on devra déterminer la
carte. Alors, pour nous, nous suivons le processus tel qu'établi par la loi.
M. Robillard (Alexandre)
:
Et est-ce qu'il y a des éléments du dernier débat sur la refonte de la carte
électorale qui vous permettent de croire que cette mouture-là va passer plus
facilement?
Mme Fiset (Lucie) : Encore
là, je vous répondrais que je ne suis pas divin. Je ne sais pas de quelle façon
va être accueillie notre proposition, mais il s'agit d'une proposition, et
puis, pour nous, les auditions publiques vont être vraiment… être d'un grand
intérêt pour voir justement l'accueil qui sera accordé à celle-ci.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais est-ce qu'il y a des critères, dans le dernier débat, qui ont changé un
peu la façon d'analyser de la commission ou c'est encore la même…
Mme Fiset (Lucie) : La
commission a effectivement fait l'exercice selon les critères de la loi et de
la même façon, je vous dirais, que les exercices précédents. Évidemment, je
n'étais pas là personnellement, mais les équipes qui appuient les travaux de la
commission ont effectué le travail dans le même objectif et avec les mêmes
orientations, je vous dirais, afin d'avoir une représentation la plus juste et
équitable pour l'ensemble des électeurs du Québec. Donc, c'est l'objectif
poursuivi.
Le Modérateur
: Merci.
Marco Bélair-Cirino.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Bonjour. Je vais poser ma question à M. Courville et M. Jean parce que
peut-être que vous avez un devoir de réserve un peu moins grand que Mme Fiset.
Je voulais savoir…
Mme Fiset (Lucie) : Je ne
suis pas d'accord avec ça, moi.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Ah
bon! Quand sera-t-il temps de considérer l'ajout de circonscriptions au Québec?
Parce que je comprends, là, que vous êtes unanimes. Il n'est pas temps aujourd'hui
de penser inviter le législateur prudemment à ajouter des circonscriptions
québécoises? En fait…
M. Courville (Serge) :
Écoutez, c'est le rôle du législateur, ça découle d'un débat de société. Notre
rôle de commission, c'est de faire ce qu'on a à faire. Cela étant dit, M.
Courville, et M. Jean, et Me Fiset, c'est la même voix, c'est la même chose.
Vous nous posez…
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Comme professeur, vous ne pouvez pas nous…
M. Courville (Serge) : Non, je
ne me sens pas moins lié ou plus lié. Je suis membre de la commission et, à ce
titre-là, j'applique une loi qui est la Loi électorale du Québec.
Cela étant dit, nous demeurons confiants
dans le processus parce que la loi québécoise est assez extraordinairement
faite. C'est une loi qui est beaucoup plus permissive que restrictive. C'est
une loi qui est fondamentalement démocratique, c'est une loi qui permet des
écarts à la moyenne de plus ou moins 25 %. Ce n'est pas tous les pays qui
ont ça. Si vous allez en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, c'est le plus près
possible de la moyenne. Alors imaginez-vous ce qui se passerait, dans les
régions dites éloignées du Québec, s'il fallait jouer avec des 5 % ou
1 % ou 2 %.
Alors, c'est une loi, au fond, avec
laquelle moi, personnellement, je suis extrêmement confortable non seulement
comme scientifique, mais aussi et fondamentalement comme commissaire.
Mais comme je vous dis, que vous nous
posiez la question à nous, Bruno, ou moi, ou Mme Fiset, c'est la même voix, c'est
la même chose. Nous appliquons la même loi.
Mme Fiset (Lucie) :
Effectivement, lorsqu'on compare avec les juridictions — je
m'excuse — avec les juridictions similaires autres que la nôtre, on
voit que notre loi est effectivement très flexible. Elle est très généreuse
dans l'exercice que nous devons faire, et puis on bénéficie même, et je trouve
ça important de le mentionner, on bénéficie même de la liste électorale
permanente qui nous permet finalement d'avoir quotidiennement l'ensemble du
déplacement de la population québécoise, donc qui nous permet d'avoir vraiment
une vision, là, la meilleure possible, je dirais, de la réalité du terrain
conjuguée avec les auditions publiques. Donc, le législateur a prévu également
qu'on aille chercher le pouls sur le terrain pour voir comment les citoyens,
eux, se sentaient au sein de leur milieu pour effectuer nos travaux. Ça fait
qu'effectivement on a une loi très flexible, qui nous permet, je crois,
d'accomplir adéquatement le mandat qui nous a été confié.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Votre exercice doit être complètement imperméable à toute partisanerie
politique, mais, selon les observations des dernières expériences, là, est-ce
que les partis politiques cherchent à faire des gains auprès de la commission,
habituellement, là, dans ce...
Mme Fiset (Lucie) : Bien, je
répondrais de façon très, très affirmative. Effectivement, vous avez raison, nous
devons être complètement indépendants et neutres, impartiaux. Nous avons un
code de déontologie d'ailleurs qui s'applique à l'égard des trois commissaires
et même de la secrétaire de la commission. Mais d'aucune façon, d'aucune façon,
de toute façon, nous n'accepterions d'avoir quelque pression politique que ce
soit. Donc, le travail est fait...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous avez senti une pression politique? Est-ce que vous en sentez
une? Aux États-Unis, là, c'est...
Mme Fiset (Lucie) : Allez, M.
Courville.
M. Courville (Serge) : Bon,
j'allais dire : Dieu merci, nous ne sommes pas aux Etats-Unis en ce qui
concerne la Loi électorale. Moi, j'étais là à la dernière carte provinciale, et
honnêtement, jamais, jamais, jamais il n'y a eu, au grand jamais, de pression
sur les commissaires. D'ailleurs, ce serait tellement malvenu que... hein? C'est
inacceptable. Alors, non.
Je pense qu'on est confiants dans le
processus parce que, le processus, il y a beaucoup d'étapes. On l'a
mentionné tantôt, je réinsiste là-dessus, il y a des étapes. Il y a un
rapport préliminaire, il y a des auditions publiques, il y a la Commission de
l'Assemblée nationale. Après ça, bon, on fait un deuxième rapport, on revient
avec un débat de cinq heures à l'Assemblée. Ceux qui ont des choses à dire ne
se gêneront certainement pas pour les dire. Nous, nous sommes là pour écouter,
voir s'il y a des choses auxquelles nous pouvons faire droit sans atteindre les
critères fondamentaux de la loi. Si oui, nous faisons droit. Et, à chaque fois qu'il
y a eu des auditions publiques au Québec, on a toujours fait droit à des
recommandations qui étaient faites par les gens du milieu. En autant que le
critère numérique, le critère communautés naturelles, le critère accès sont
sauvegardés, je veux dire, on va faire droit à la population. C'est une
commission qui écoute, hein? Il faut bien voir ça.
Alors, je pense que, non, il n'y a jamais
eu de pression, puis ça m'étonnerait beaucoup qu'il y en ait, en ce qui me
concerne.
M. Jean (Bruno) : Si je peux
ajouter, je suis là depuis quelques années, quand même, je n'ai pas vécu les
autres péripéties, si on peut appeler ça ainsi, d'étapes d'une carte, mais moi,
je n'ai pas du tout, du tout… Je pense qu'il y a une maturité aussi à quelque
part qui fait en sorte que les partis politiques savent qu'il y a une
commission, et on n'a pas vraiment… même, pas du tout, donc… Et c'est heureux,
d'ailleurs, parce que ce n'est pas dans les critères du tout de nos exercices,
là. C'était plutôt la question de démographie, les évolutions et tout ça qui a
permis d'établir une carte qui nous semble la meilleure dans les circonstances,
là.
M. Courville (Serge) : Si vous
me permettez, juste un petit mot. C'est quand même une commission qui a été
créée par le législateur, puis l'esprit de la loi, c'était justement de se
départir de ce fardeau avec une commission indépendante.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, il n'y a pas de politique, je le comprends bien.
Juste une rapide question. À la lumière,
disons, des progrès technologiques, des technologies de l'information,
notamment, est-ce que le concept, là, de territoire a changé, là? Vous dites
qu'on a atteint un… Il ne faut pas qu'il y ait un territoire démesuré. Vous
parlez de grands territoires, notamment en Gaspésie, dans le Bas-du-Fleuve.
Est-ce que, pour vous, là, avec, maintenant… un député, un élu peut rentrer
facilement en contact avec les membres de sa circonscription sans se déplacer.
Est-ce que, pour vous…
M. Courville (Serge) : Est-ce
que je peux vous répondre, si vous me… Je vais vous répondre comme géographe-historien.
Ça, c'est ma fonction, là. Au XIXe siècle, il y avait deux circonscriptions en
Gaspésie, puis la technologie n'était pas celle qu'on a aujourd'hui. On se
promenait en bateau à voile, à cheval. Aujourd'hui, on a l'avion, on a
l'Internet, on a l'automobile, on a le bateau, qui est non seulement pas à
vapeur, mais il est autrement. Alors, je veux dire, la technologie, au fond,
nous sert.
Ce que je voulais simplement dire tantôt,
c'est que la règle d'accès du député à sa population et de la population à son
député, ça nous impose aussi de considérer certaines limites. On pourrait… Bon,
on s'assure que c'est possible. Alors, ça n'a rien à voir avec la technologie,
là, si vous me le permettez, en tout respect.
Le Modérateur
:
Marc-André Gagnon.
M. Gagnon (Marc-André) : Parmi
les régions qui ne seront pas touchées, vous l'avez mentionné, il y a
Chaudière-Appalaches. Pourtant, dans le comté de Chutes-de-la-Chaudière — donc,
on est à l'ouest de la ville de Lévis — on sait que ce secteur-là est
en train de se développer quand même pas mal puis, en termes de chiffres, on
n'est pas loin de ce qu'on observe à Gatineau, la croissance est importante. Si
on va un petit peu plus à l'ouest, Lotbinière-Frontenac, encore là, on
s'approche des 60 000. À partir de combien vous vous dites : Là, on
risque de se retrouver en surnombre?
M. Jean (Bruno) : Bien,
d'après les chiffres d'aujourd'hui, la moyenne c'est 48 000, la limite
supérieure donne 60 000. Moi, je vois, dans Chaudière-Appalaches, entre
42 000, 48 000, 55 000, 54 000. Je ne vois aucun comté en
situation d'exception positive. Probablement qu'ils s'en approchent
tranquillement, là…
M. Gagnon (Marc-André) : Donc,
ce serait pour la prochaine fois.
M. Jean (Bruno) : …vu le
peuplement de la rive sud de Québec ou dans tout ce secteur-là, mais pour le
moment, 15 % étant la norme, le chiffre plus élevé pour
Chutes-de-la-Chaudière, justement, qui se développe pas mal, bien, ça nous
donne une marge pour les deux prochaines élections, ça devrait… on a jugé pas
trop dangereuses.
M. Courville (Serge) : Si vous
me permettez, vous avez raison, Chutes-de-la-Chaudière, ça bouge beaucoup. Je
vous donne quelques données qui vont vous intéresser. Chutes-de-la-Chaudière,
l'évolution depuis 2007, novembre 2007, 2014, c'est de l'ordre de 8,1 %,
donc c'est plus élevé que la province. La province, c'est une évolution du
nombre de population générale d'autour de 7 %, alors que là, on est à
8 %. Donc, il y a vraiment une progression. Cependant, l'écart à la
moyenne, avec 55 000 et quelques 700 électeurs, bien, l'écart à la moyenne
n'est que de 15 %. Donc, à 15 %, on est tout à fait dans la fourchette
du moins 25 % à plus 25 % autour de la moyenne, là.
M. Gagnon (Marc-André) : Et
une question toute simple : Donc, il y aura un député de moins pour
représenter l'île de Montréal. Est-ce que j'ai raison de comprendre que c'est
parce que l'île se vide?
Mme Fiset (Lucie) : Je ne
dirais pas que l'île se vide parce qu'on voit quand même qu'il y a un taux de
croissance, mais le taux de croissance est inférieur cependant, encore là, au
taux de croissance de la province, comme on l'a dit, qui est de 7 %. Sur
l'île, le taux de croissance est de 3,3 %, de mémoire, donc je ne dirais
pas qu'elle se vide. Cependant, évidemment, l'exercice que nous avons fait a à
considérer le poids démographique, justement, de… le poids électoral, je
devrais plutôt dire, de la région de l'île de Montréal où le poids électoral,
effectivement, on voit qu'il représente davantage 27 circonscriptions plus que
28. Donc, c'est le calcul que nous avons fait pour décider de retrancher une
circonscription dans notre proposition.
Le Modérateur
: En
rappel maintenant, Martin Croteau.
M. Croteau (Martin)
:
Pardonnez-moi, j'avais juste une dernière question à vous poser, j'ai oublié de
la faire tantôt. Mais quand on glane rapidement les chiffres, là, à Gaspé, il
va y avoir 30 593 électeurs et, quand on regarde à Arthabaska, il va y
avoir 59 000 électeurs. Qu'est-ce que vous aimeriez dire aux citoyens
d'Arthabaska qui seraient tentés de penser que leur vote pèse deux fois moins
lourd que ceux de Gaspé?
Mme Fiset (Lucie) : Bien,
encore une fois, on vous a donné un peu la moyenne, justement, pour l'ensemble
du territoire de la province, et puis le plus ou moins 25 % représente une
bracket de population qui fait en sorte qu'on peut, à l'intérieur de cette bracket,
faire des choix, je dirais. Et, dès le moment où nous sommes à l'intérieur de
cette bracket, comme je vous ai mentionné, il faut se référer à l'ensemble du
territoire, encore une fois.
Donc, dans la situation où... Arthabaska,
l'analyse que nous avons faite, donc, démontre effectivement qu'il y a un
nombre d'électeurs qui correspond à son poids électoral. Donc, nous avons pris
la décision de maintenir cette limite.
M. Croteau (Martin)
:
Mais c'est du simple au double, là. C'est quand même un écart... je veux dire,
est-ce que ça n'a pas un effet sur le droit démocratique des électeurs
d'Arthabaska d'exprimer leur suffrage? Est-ce que ce n'est pas
philosophiquement quelque chose qui devrait être... Pardon.
Mme Fiset (Lucie) : M.
Courville.
M. Courville (Serge) : C'est
parce que là vous comparez deux sous-ensembles de deux ensembles différents. Si
je reviens à Estrie, Centre-du-Québec, où est Arthabaska, si je joue dans
Arthabaska, je touche 35 municipalités autour et je regroupe, au sein
d'une même circonscription, pour faire droit à votre point de vue, trois MRC. Alors
là, vous voyez tout de suite le problème. Et, en partant, je prolonge
Drummundville jusque dans... le comté de Drummond jusque dans la périphérie de
Drummundville.
Alors là, on regarde l'ensemble de la
situation dans la région, et ce qu'on constate, bien, c'est que, finalement,
dans le moyen et le long terme — pour nous, le moyen puis le long
terme, c'est deux élections, on s'entend — bien, il n'y aura pas de
changement notable dans Arthabaska.
Mme Fiset (Lucie) : C'est
stable.
M. Courville (Serge) : C'est
stable. Donc, à ce moment-là... On ne modifie pas pour le plaisir de modifier.
On n'augmente pas puis on ne retranche pas pour le plaisir des choses. On le
fait quand on n'a pas le choix. Mais là on a un choix, c'est-à-dire, comme la
progression va être stable, parce qu'on fait quand même des évaluations, même
si ce n'est pas des projections démographiques au sens pur et strict du terme,
on fait quand même... on s'assure que la carte va tenir la route pendant deux
élections. Mais, dans le cas d'Arthabaska, il n'y a pas de problème.
Donc, je ne peux pas comparer Arthabaska à
Gaspé, par exemple, ou à d'autres circonscriptions, même si le nombre est... Et
c'est bien la preuve que la commission fait bien ses devoirs, parce que, si la
commission ne tenait pas compte du principe de représentation effective, donc
d'égalité relative du vote, de tenir compte des circonscriptions, etc., des
communautés naturelles, bien, on aurait une belle carte à 0 % de variation
d'un bord ou de l'autre de la moyenne. Ce n'est pas ça qu'on a. On a une carte
où des variations sont là, justement, parce qu'on tient compte des critères que
je mentionne.
Mme Fiset (Lucie) : Le
critère numérique n'est pas exclusif. Je pense, c'est ça qu'il faut considérer.
Le critère numérique n'est pas exclusif, et, au contraire, ce n'est pas pour
rien qu'on parle d'égalité relative du vote parce qu'on doit considérer
d'autres facteurs qui prennent…
M. Jean (Bruno) : Je dirais
qu'Arthabaska, pour prendre cet exemple-là, on peut l'examiner aussi dans son
ensemble plus large, qui est la région Estrie—Centre-du-Québec. D'après nos
calculs, bien, le poids électoral de cette région, c'est 9,3, puis il y a neuf
circonscriptions. Moi, je me dis : On n'est pas loin du compte, et donc,
globalement, cette région-là compte pour son poids à peu de choses près. Je
pense que ce n'est pas si mal.
Le Modérateur
: Bien,
je pense que c'est ce qui met fin à nos émissions. Merci.
(Fin à 15 h 52)