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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin

Version finale

Le jeudi 24 août 2017, 13 h 20

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures vingt-sept minutes)

M. Nadeau-Dubois : Alors, bonjour. Ce matin, Québec solidaire a déposé... va déposer, en fait, au courant de la journée, une série d'amendements qui visent à bonifier le projet de loi n° 62, qui est actuellement à l'étude. Pour nous, c'est un projet de loi qui, pour plusieurs raisons, est incomplet, ne va pas assez loin, notamment parce qu'il n'accomplit pas, en fait, la nécessaire laïcisation des institutions de l'État. Pour nous, la laïcité au Québec est un chantier inachevé de la Révolution tranquille. On a proposé, donc, deux amendements qui visent à compléter cette laïcisation de l'État québécois.

D'abord, nous allons proposer de retirer le crucifix à l'Assemblée nationale du Québec. Pour nous, l'Assemblée nationale — le salon bleu, en fait — doit être le lieu par excellence de neutralité et de séparation entre l'Église et l'État.

Deuxièmement, nous allons déposer un amendement qui vise à interdire la récitation de prières lors des séances de conseils municipaux ainsi qu'à l'Assemblée nationale du Québec. Ça, pour nous, ça reflète ce que doit être réellement la laïcité pour Québec solidaire, c'est-à-dire la laïcité des institutions de l'État, non pas la chasse aux individus qui choisissent d'afficher leurs convictions religieuses. Cette laïcité-là, cette vraie laïcité, on y croit et on espère, on espère pouvoir compter sur l'appui des partis d'opposition, qui depuis les dernières années se font les défenseurs farouches de la laïcité, pour faire adopter ces amendements-là. Il est temps qu'on aille de l'avant à ce niveau-là.

On espère également que la ministre Vallée va répondre rapidement aux dernières questions, qui sont malheureusement très nombreuses, à l'égard de son projet de loi. Encore ce matin, il y a toute une série d'interrogations qui ont été soulevées et qui n'ont pas été répondues. Ça fait deux ans maintenant que ce projet de loi là est sur la table. Ça a été déposé le 10 juin 2015, on est en août 2017. C'est inconcevable qu'il y ait encore autant de questions sans réponse. Nous, on espère avoir des explications rapidement, on espère avoir des précisions rapidement parce que l'objectif de Québec solidaire c'est qu'enfin l'Assemblée nationale du Québec prenne une décision, tourne la page sur ce débat-là. Je le disais, ça fait deux ans que le projet de loi est discuté. Ça fait 10 ans qu'on débat, au Québec, de la question des signes religieux. Je pense que les gens au Québec sont tannés qu'on en parle et ont envie qu'on agisse. Tout ce qui traîne se salit, comme on dit, et là ce débat-là, il a duré, on connaît les positions de tout le monde, il est le temps d'agir.

M. Dion (Mathieu) : Souhaiteriez-vous qu'il y ait une suspension de l'étude détaillée pour retourner en commission pour clarifier certains éléments, comme le demande le Parti québécois aujourd'hui?

M. Nadeau-Dubois : La solution à l'inaction libérale, ce n'est pas d'éterniser encore plus le débat. Il y a eu une commission Bouchard-Taylor, qui a duré de nombreux mois, qui a parcouru le Québec, qui a consulté les experts. Il y a eu le débat sur la charte des valeurs qui a duré plusieurs mois. Il y a eu une campagne électorale fédérale qui a porté en grande partie sur le port du niqab. Il y a le débat actuel sur le projet de loi n° 62. Il y a eu le dépôt d'une charte de la laïcité par Québec solidaire. Il y en a eu, des débats, il y en a eu, des consultations. Les gens au Québec sont tannés qu'on parle de ça, ils ont envie qu'on agisse. Et donc nous, non, on croit que la solution, ce n'est pas d'éterniser encore plus le débat, c'est de se concentrer sur les consensus qui existent déjà. Ces consensus-là, ils sont clairs, ce sont les recommandations de la commission Bouchard-Taylor. C'est vers ces consensus-là que tout le monde convergeait suite aux attentats de la mosquée de Québec. C'est la position de Québec solidaire depuis le début dans ce débat-là. On a un parti qui a été exemplaire sur le plan de la cohérence dans ce débat-là. On n'a jamais fléchi, jamais changé notre position. Et encore aujourd'hui ça nous apparaît clair que les recommandations de la commission Bouchard-Taylor, c'est ça, le consensus dont on a besoin. Et là il faut que tout le monde fasse preuve de maturité, qu'on arrête d'éterniser le débat par électoralisme ou pour éviter de déplaire à certains. Il faut agir.

Mme Prince (Véronique) : J'aimerais ça vous entendre, étant donné que vous avez été dans les manifestations, et tout ça. Qu'est-ce que vous pensez des propos de Régis Labeaume, de dire : Il faudrait qu'on interdise ça, les masques et les cagoules pendant les manifestations? François Legault, ce matin, a dit : Oui, peut-être que ça peut être une idée aussi.

M. Nadeau-Dubois : Il y a eu des lois, il y a eu des règlements municipaux qui ont tenté de faire ça; toutes ces lois-là, tous ces règlements-là ont été battus devant les tribunaux, notamment le règlement qui avait été mis en place par la ville de Québec. Alors, M. Labeaume a droit à ses opinions, mais les tribunaux ont tranché : ce genre de règlements là ne sont pas recevables. Peut-être l'a-t-il oublié, mais c'est bel et bien arrivé. Et là je pense qu'il faut se concentrer sur le vrai problème actuellement au Québec, c'est la montée de l'extrême droite. Et on pourra interdire tous les accoutrements qu'on veut, ça ne réglera pas le problème. Comment on fait pour que ces groupes-là cessent de prendre de l'importance au Québec? Il n'y a personne qui veut que le Québec se retrouve dans la situation des États-Unis ou même dans la situation de la France. Mais pour ça, il ne faut pas interdire des pièces de vêtement, il faut clore le débat sur les signes religieux, parler d'intégration, parler de racisme et de discrimination.

Mme Prince (Véronique) : Est-ce que c'est vrai que les élus, dont le gouvernement... est responsable de la progression de ces groupes-là?

M. Nadeau-Dubois : Je pense qu'il y a une réflexion collective à avoir au Québec sur comment est-ce qu'on en est rendus là. Mais, si vous faites référence spécifiquement aux propos de M. Labeaume, moi, je ne comprends pas quel poste de télé écoute Régis Labeaume ou quel journal il lit. Ça fait 10 ans qu'on en parle, de l'interdiction des signes religieux. Tous les partis ont pris position. Il y a eu presque une dizaine de projets de loi de déposés. Il y a eu des milliers de points de presse. On en a jasé en masse, de la burqa et du niqab au Québec depuis 10 ans. Ce n'est pas ça, le problème. Le problème, c'est qu'on n'a pas agi. Et là-dessus, oui, le gouvernement et les partis d'opposition partagent une responsabilité. Et là on a l'occasion d'agir en ce moment en remettant de l'avant les consensus du rapport Bouchard-Taylor. Et nous, c'est notre position, à Québec solidaire. Depuis le début, on n'a jamais changé de position, contrairement à à peu près tous les autres partis, qui, à moment ou un autre, selon la direction dans laquelle le vent soufflait, ont changé de position.

M. Dion (Mathieu) : Sur vos amendements, vous semblez viser davantage, comme, la majorité francophone, si on veut, du milieu confessionnel catholique : le crucifix, la prière lors du conseil municipal, on pense au Saguenay—Lac-Saint-Jean. Est-ce que vous pensez aussi aux autres groupes qui ne sont pas francophones avec ces amendements-là?

M. Nadeau-Dubois : Quand on dit que Québec solidaire approuve et recommande l'adoption des recommandations de Bouchard-Taylor, ça veut notamment dire l'interdiction des signes religieux ostentatoires pour les agents de l'État en position de coercition. C'est notre position, je le répète, depuis le début de ce débat-là, et ça, oui ça revient à encadrer certaines pratiques religieuses. Et on pense que c'est une position de compromis qui est acceptable et qui a une grande vertu, celle de nous permettre de tourner la page sur ce débat-là.

Mme Lévesque (Catherine) : J'aimerais vous entendre sur un débat qui a été assez animé tantôt, là, quand on parlait des sectes. Si je ne m'abuse, vous ne vous êtes pas prononcé là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'effectivement les élus ne devraient pas avoir le droit de détourner les gens qui seraient, soi-disant, des extrémistes ou qui feraient partie de sectes ou de groupes religieux?

M. Nadeau-Dubois : Je pense que tous les parlementaires s'entendent sur l'importance de jouer notre rôle de députés sans faire de discrimination sur la base des croyances des gens. Je vois mal un parlementaire, en ce moment, à l'Assemblée nationale du Québec, dire : Oui, je crois que ça devrait être permis pour un député de faire de la discrimination. Le débat n'est pas là. Et Mme Vallée, parfois, semblait insinuer qu'il y avait des députés de l'opposition qui voulaient se donner un droit à discriminer. Ce n'est pas ça, la question. Il n'y a personne qui veut discriminer dans son rapport avec les citoyens et les citoyennes.

En même temps, il faut que les députés conservent leur indépendance puis leur marge de manoeuvre pour décider quels groupes, quels individus ils décident de rencontrer ou pas. Il faut trouver un équilibre entre tout ça. Et actuellement, dans le projet de loi de Mme Vallée, cet équilibre-là, il est flou. En tout cas, il n'est pas précisé, il n'est pas déterminé. Il y a toute une confusion du côté du gouvernement sur comment va s'articuler ce projet de loi là avec le code d'éthique. C'est un peu broche à foin, actuellement. C'est un peu broche à foin pour un projet de loi qui est discuté depuis deux ans. Je le répète, le projet de loi a été déposé le 10 juin 2015. Que ce soit encore aussi flou après deux ans, c'est difficilement concevable. Je pense que la ministre doit retourner à la table à dessin, faire une proposition et le faire rapidement pour qu'on puisse tourner la page.

Mme Lévesque (Catherine) : Donc, vous dites que le projet de loi est broche à foin, mais en même temps vous dites : On ne prend pas de pause, on essaie de faire ça le plus rapidement possible.

M. Nadeau-Dubois : Il faut bien me comprendre, là, cet aspect-là du projet de loi, on l'a vu ce matin. Il y a une immense confusion du côté de la ministre sur exactement ce que ça va permettre, et ce que ça va interdire, puis comment cette disposition-là du projet de loi va interagir avec d'autres éléments législatifs ou d'autres règlements comme le code d'éthique. Il y a confusion, actuellement, je pense que c'est impossible de le nier. Nous, on veut des précisions, on veut savoir exactement c'est quoi, les intentions du gouvernement parce qu'actuellement ce n'est pas clair. Et je suis sûr qu'on est capables de s'entendre, là, sur le fait que, bien sûr, c'est important que les députés ne discriminent personne, mais c'est tout aussi important de s'assurer qu'on garde notre indépendance puis qu'on soit en mesure parfois de dire à un groupe ou à un individu, par exemple : Je vous refuse une rencontre parce que vous prônez certaines pratiques qui sont en contradiction avec les valeurs pour lesquelles j'ai été élu. Parce que c'est ça qu'il faut rappeler, les députés ne sont pas des employés de l'État, ils sont des représentants de la population et ils sont élus en vertu des valeurs qu'ils et elles défendent, et ça, il faut que ça entre en considération quelque part dans le projet de loi. Actuellement, ce n'est pas le cas, et c'est ça, le problème.

M. Dutrisac (Robert) : Mais il y a un privilège parlementaire. L'Assemblée nationale n'est pas soumise aux chartes, il y a des jugements de la Cour suprême là-dessus. Et là on a un projet de loi qui, en dehors du code d'éthique, là — parce que le code d'éthique, c'est adopté par les parlementaires d'un commun accord — veut imposer la neutralité religieuse, par exemple, veut imposer certains principes, certains comportements aux parlementaires. Est-ce que ce n'est pas tout simplement anticonstitutionnel, cette histoire-là?

M. Nadeau-Dubois : Moi, je ne suis pas dans la position de juger si c'est constitutionnel ou non, je ne suis ni juriste ni avocat, mais il y a un flou. Je le répète, il y a un immense flou puis il y a une immense confusion. Et, en toute honnêteté, il semble que, du côté de la ministre, ils n'avaient pas prévu que cette question-là se poserait. Il y a de l'improvisation. Ce qu'on a vu ce matin, je pense, c'était de l'improvisation. Et là, nous, ce qu'on demande, la première chose, c'est des clarifications. C'est bien dur de vouloir juger d'un projet de loi quand c'est aussi flou et aussi broche à foin. Parce que, là, moi, je vais vous le dire, là, comme député qui siège à cette commission parlementaire là, je ne comprends pas les intentions du projet de loi. Alors, il faut les clarifier, il faut les préciser.

Et en effet c'est important, je le répète, que les députés conservent leur indépendance puis conservent leur capacité de faire preuve de discernement quand il est le temps d'accueillir ou non une demande d'un citoyen ou d'une citoyenne. On ne peut pas forcer... Ça n'a pas de sens de forcer un élu de l'Assemblée nationale du Québec à entendre telle ou telle cause s'il juge que c'est en contradiction avec les valeurs qui ont fait en sorte qu'il est élu. Ça, pour moi, c'est très clair. Mais il faut éviter de faire des jugements péremptoires sans savoir au moins c'est quoi, les intentions du projet de loi. Et en ce moment, on l'a vu ce matin, il y a une confusion majeure, là. On ne sait même pas ce sur quoi on est en train de voter.

(Fin à 13 h 40)

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