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Point de presse de M. Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin

Version finale

Le mercredi 15 novembre 2017, 12 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures trente-deux minutes)

M. Nadeau-Dubois : Bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, je présente un projet de loi qui vise à s'attaquer à un des fléaux qui s'abat actuellement sur le monde du travail un peu partout, y compris au Québec. Aujourd'hui, je présente un projet de loi anti-burn-out.

Au cours des 20 dernières années, le nombre d'absences au travail au Canada a augmenté de 24 % dans le secteur privé et de 37 % dans le secteur public. Dans la dernière année, au Québec, c'est une personne sur quatre, qui s'est dite souffrant de détresse psychologique. Bref, notre économie est en crise, et cette crise-là, c'est la crise du burn-out. C'est une situation qui a des impacts graves dans la vie de milliers de travailleurs, travailleuses, et c'est aussi un problème pour l'économie du Québec. Cette épidémie de burn-out, elle nous coûte très, très cher. Le coût de l'épuisement professionnel, c'est évalué à environ 2,4 % de la masse salariale par le Conference Board. Au Québec, ça veut dire, l'an dernier, 3,5 milliards de dollars de perdus parce que les gens s'absentent au travail, parce qu'on les épuise au travail.

Je propose donc aujourd'hui un projet de loi anti-burn-out qui vise à s'attaquer à ce problème-là. Pour y arriver, mon projet de loi modifie les normes du travail avec comme objectif de relever le plancher minimum des conditions de travail pour les travailleurs, travailleuses au Québec, qu'elles soient syndiquées ou non.

Mon projet de loi comporte trois grands volets. Le premier : assurer un horaire de travail décent à tout le monde au Québec. C'est de plus en plus important, au XXIe siècle, dans un contexte où la réalité du travail se transforme, où les horaires sont de plus en plus morcelés, de plus en plus imprévisibles. Ce que mon projet de loi propose, c'est d'obliger les employeurs à donner l'horaire de travail aux gens au moins une semaine à l'avance. Dans une époque où on veut favoriser la conciliation travail-famille, pour nous, c'est la moindre des choses que de s'assurer que les gens connaissent leur horaire de travail une semaine à l'avance. On veut aussi donner le droit aux salariés de refuser de faire du temps supplémentaire. Le temps supplémentaire, c'est une grande cause de stress actuellement et, dans les normes du travail actuelles, les salariés n'ont pas le droit de refuser d'en faire. On veut donner ce droit-là aux salariés du Québec pour que les gens puissent refuser de travailler au-delà de leur horaire de travail prévu, pour des raisons familiales, par exemple.

Le deuxième volet de mon projet de loi porte sur les vacances. On veut redonner aux familles québécoises du souffle, leur redonner du temps pour prendre soin de leur famille, de leurs proches. On le sait, le Québec est à la traîne. Le Québec est un des endroits au monde, dans les pays développés, où il y a le moins de vacances payées. Le Canada est un des six pays développés où il y a le moins de vacances payées. Alors, mon projet de loi propose qu'on passe à quatre semaines de vacances payées après deux ans de service pour un même employeur. Ça, quatre semaines, là, ça peut avoir l'air beaucoup, mais, dans les faits, c'est deux semaines pour les vacances d'été, deux semaines dans le temps des fêtes. En 2017, c'est la moindre des choses pour que les gens aient le temps de vivre un peu, aient le temps de respirer un peu et qu'ils puissent donc reprendre leur souffle et être encore plus productifs, être encore plus assidus au travail lorsqu'ils rentrent après leurs vacances.

Le troisième volet du projet de loi porte sur les congés payés, sur les congés qui sont nécessaires pour qu'on prenne soin de notre famille. On propose deux choses de manière plus particulière. D'abord, d'ajouter deux congés fériés, le 8 mars et le 1er mai. La moyenne, dans l'Union européenne, pour le nombre de congés fériés, c'est 11. Au Québec, il y en a seulement huit. Québec solidaire propose donc de passer à 10. C'est des congés fériés qui sont à l'occasion de fêtes citoyennes, de fêtes sociales. Pour nous, c'est important pour qu'on puisse prendre le temps de s'occuper de notre famille puis célébrer ces moments-là, importants, de notre vie collective.

Deuxième mesure sur les congés, c'est de rendre rémunérés les 10 congés sociaux qui sont déjà prévus dans la Loi sur les normes du travail actuelle. Actuellement, les normes du travail prévoient 10 congés sociaux non rémunérés pour prendre soin de sa famille ou de ses proches en cas d'accident ou de maladie. Nous, on propose que ces congés-là soient dorénavant rémunérés pour faire en sorte que les gens les prennent, ces congés-là, pour qu'ils aient le temps de s'occuper de leurs familles.

Encore une fois, en 2017, dans une société où on prétend valoriser la conciliation travail-famille, selon nous, c'est la moindre des choses que de donner aux gens le droit, le droit, non pas le privilège, de prendre du temps pour s'occuper de leurs proches quand leurs proches ne vont pas bien. Merci.

Le Modérateur : Des questions?

Mme Lévesque (Catherine) : Oui. Bien, en fait les 10 congés que vous voulez rémunérer, en fait ça ne deviendrait pas en quelque sorte des journées de vacances, en fait?

M. Nadeau-Dubois : Non, c'est des congés qui doivent être motivés. Les congés sociaux doivent être motivés auprès de l'employeur. Il faut expliquer à son employeur pourquoi on les prend, parce que le plus jeune est malade, parce que notre père ou notre mère vient de rentrer à l'hôpital. Donc, ce n'est pas automatique. Il faut le demander à l'employeur, il faut fournir une justification. Et, pour nous, ça devrait être un droit, parce qu'actuellement ils existent, ces congés-là, sauf qu'ils ne sont pas payés.

Alors, il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas se priver d'une journée sur leur chèque de paie et qui ne demandent pas ces congés-là, alors qu'ils en auraient besoin. Nous, on pense que ça ne doit pas être seulement un privilège, ça doit être un droit, le fait d'être capable de se dégager du travail sans conséquence financière pour une journée ou deux, le temps de prendre soin de ses proches.

Mme Lévesque (Catherine) : Puis pour les... bon, je comprends le principe d'avoir, dans le fond, un horaire à l'avance, c'est sûr que c'est toujours plus pratique, de refuser du temps supplémentaire, mais...

M. Nadeau-Dubois : Ce n'est pas seulement pratique, l'horaire à l'avance, hein? Dans une logique de conciliation travail-famille, c'est essentiel. On ne peut pas demander aux gens de planifier leur semaine, quand ils vont aller chercher leurs enfants à l'école, tout ça, s'ils ne savent même pas quels jours ils vont travailler.

Mme Lévesque (Catherine) : Mais qu'est-ce qu'on fait pour les PME, par exemple, qui ont juste quelques employés et qui doivent quand même avoir une certaine flexibilité?

M. Nadeau-Dubois : Nous, on pense qu'en 2017 les entreprises doivent faire leur part pour assurer une conciliation travail-famille, et donner l'horaire de travail sept jours à l'avance, ce n'est pas impossible. C'est possible, surtout avec les outils technologiques aujourd'hui, de prévoir, là, l'organisation du travail pour que les gens sachent, au moins en commençant la semaine, s'ils vont travailler ou pas le vendredi après-midi. Je veux dire, c'est la moindre des choses. C'est une question de respect.

Et là actuellement, il faut le dire, il y a une crise dans le monde du travail. Il faut régler cette crise-là. Ce n'est pas comme si les choses allaient bien. Les choses ne vont pas bien. Il y a une épidémie de burn-out, les gens sont vidés. Les gens pètent au fret au travail parce qu'on ne les respecte pas, parce qu'on ne leur donne pas le temps de souffler. Alors, il faut des solutions pour ça, et permettre aux gens d'un peu mieux planifier leur semaine en leur donnant leur horaire de travail à l'avance, pour nous, c'est vraiment la moindre des choses.

Mme Lévesque (Catherine) : Ma question, juste pour être claire, c'est que vous comprenez quand même que ces mesures-là, c'est plus difficile à appliquer pour des PME, là, pour…

M. Nadeau-Dubois : Ça prend un effort des entreprises. Bien sûr, ça prend un effort. Nous, on pense qu'en 2017 les entreprises ont le devoir de faire cet effort-là pour la conciliation travail-famille et elles vont être gagnantes au bout du compte. Elles vont être gagnantes parce que des employés plus reposés, des employés moins stressés, c'est des employés plus productifs. Et ça, c'est démontré par les études, c'est démontré dans de nombreux pays européens où il y a beaucoup plus de congés, beaucoup plus… donc beaucoup moins de stress au travail, et la productivité est augmentée.

Alors, nous, on pense que c'est un pari gagnant pour toute la société québécoise, y compris les entreprises.

M. Poinlane (Pascal) : Quelles sont les chances que le projet de loi soit adopté avant le mois de juin? Qu'est-ce que…

M. Nadeau-Dubois : Ah! Bien, ça, il faut poser la question au gouvernement libéral. Nous, on a entendu le gouvernement libéral et M. Couillard parler de renouveau, de transformation, parler de progressisme. Il se dit être le gouvernement de l'innovation, le gouvernement du XXIe siècle. Bien, si c'est le cas, là, qu'il en fasse la démonstration, qu'il montre qu'il est capable de moderniser les lois sur les normes du travail pour tenir en compte la nouvelle réalité du travail. Parce que, pour ma génération, là, le monde du travail où on rentre de 9 à 5, du lundi au vendredi, ça existe de moins en moins.

On est dans un monde du travail qui se transforme, où les horaires sont de plus en plus variés, de plus en plus difficiles à prévoir, de plus en plus précaires. Et il faut agir. Ça, ça veut dire relever le plancher minimum des conditions de travail pour que les gens puissent avoir une vie de famille en 2017.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Pensez-vous que des mesures comme ça vont avoir un impact négatif sur le PIB?

M. Nadeau-Dubois : Nous, on pense au contraire qu'à moyen terme c'est des mesures qui sont bénéfiques pour l'économie. L'année dernière, en 2016, là, l'absentéisme au travail a coûté à l'économie québécoise 3,5 milliards de dollars. Ça, c'est un chiffre du Conference Board.

Ça, c'est de l'argent collectivement qui nous échappe. On perd de la productivité, on perd de la prospérité parce qu'on vide nos travailleurs, travailleuses. Si on prend un peu plus soin de notre monde, là, les gens vont être plus productifs puis, globalement, on va s'enrichir collectivement. L'exemple de plusieurs pays européens le montre, si on prend davantage soin de la main-d'oeuvre, la main-d'oeuvre est bien plus contente quand elle revient au travail. Elle travaille mieux, elle est plus productive, et toute la société s'en porte mieux.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Donc, non seulement les coûts reliés au fait de donner plus de vacances vont être compensés par la productivité, mais ça va être même augmenté selon vous. On investit, là.

M. Nadeau-Dubois : C'est notre conviction. C'est notre conviction. Notre conviction, notre certitude, c'est que des mesures qui permettent aux travailleurs, travailleuses d'avoir un rythme de travail plus humain, ça va augmenter la productivité. Et les pays, là, actuellement qui sont sont en tête de liste en termes de productivité du travail, c'est des pays qui l'ont compris, ça. Allez dans les pays nordiques, allez en Suède, par exemple, où de plus en plus on passe à la semaine de travail de quatre jours dans des entreprises privées, pas des entreprises publiques, parce qu'on a compris qu'au XXIe siècle, si on veut que les gens soient bien au travail puis performent au travail, il faut prendre soin d'eux, il faut leur permettre de se reposer. Et c'est ce qu'on pense, à Québec solidaire. On pense qu'on est rendu là au Québec, dans un monde du travail qui bouge de plus en plus, qui est de plus en plus déstructuré, il faut relever le plancher minimum.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Dans ces pays-là, le quatre jours-semaine, c'est une législation ou c'est un choix d'entreprise?

M. Nadeau-Dubois : C'est ça qui est intéressant, dans de plus en plus de pays... Bon, il y a des pays dans le monde... je l'ai dit, là, le Québec, au sein de l'OCDE, on est un cancre, on est vraiment en queue de peloton, en termes de nombre de congés payés. Il faut le rappeler, la moyenne, en Europe, c'est entre cinq et six semaines de congés payés. Au Québec, on est à deux semaines. Donc, on est en retard, on vit dans un autre siècle, en termes de vacances au Québec. Nous, on dit : Là, il est temps qu'on arrive en ville, il est temps qu'on arrive dans le XXIe siècle, il faut qu'on remonte le niveau des congés payés. Ça n'a pas d'allure.

Même chose pour les horaires de travail. En fait, même chose pour les congés, la moyenne dans l'Union européenne, c'est 11 congés, on est à huit au Québec. Encore une fois, on est en retard.

Même chose sur le nombre d'heures de travail par semaine. Dans énormément pays européens, le nombre d'heures de travail par semaine est beaucoup plus bas, et la conséquence combinée de toutes ces mesures-là, c'est une meilleure productivité au travail. Pour ce qui est du quatre jours-semaine, il y a certains pays où c'est appliqué dans les services publics. En Suède, c'est de plus en plus les entreprises privées elles-mêmes qui le font, parce qu'elles se rendent compte que c'est profitable, et on parle de grandes entreprises.

Donc, il y a un momentum à travers le monde, là, tout le monde est en train de s'en rendre compte, des États et des entreprises privées, et nous, on dit : Il faut que le Québec soit un leader en matière aussi et redonne du temps aux employés.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : Vous n'avez pas voulu vous rendre jusqu'à obliger quatre jours-semaine dans votre projet de loi? Ce serait un peu extrême pour la situation où on est?

M. Nadeau-Dubois : Non, bien, c'est-à-dire qu'on a quand même des mesures qui sont audacieuses ici, on le reconnaît puis on en est fiers, mais oui, c'est, comment dire, c'est un «work in progress», c'est une amélioration progressive qu'il faut faire au Québec. Il y a quand même l'élément des heures supplémentaires sur lequel j'attire votre attention. Parce qu'actuellement en théorie on est à 40 heures par semaine, mais, étant donné que le temps supplémentaire est obligatoire quand un employeur le demande, dans les faits, on le contourne très souvent, le 40 heures par semaine. Et ce que ça crée, puis c'est documenté, là, c'est une augmentation du stress et des maladies liées au stress, maladies cardiovasculaires, ACV, etc.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : C'est quoi, les deux jours fériés que vous proposez?

M. Nadeau-Dubois : Le 8 mars et le 1er mai.

M. Dugas Bourdon (Pascal) : O.K. Puis pourquoi ces dates-là?

M. Nadeau-Dubois : Bien, le 8 mars, c'est la Journée internationale de la femme; 1er mai, Journée internationale des travailleurs, travailleuses. Dans plusieurs pays dans le monde, ce sont des jours fériés, hein? Je pense que, pour le 8 mars, si vous me donnez un petit instant, le 8 mars, c'est férié dans 29 pays, le 1er mai est férié dans 97 pays. Donc, on ne les a pas tirés dans un chapeau, là, on prend des jours fériés qui sont déjà fériés dans plusieurs autres législations à travers le monde et on trouve ça intéressant que ce soit des fêtes sociales et citoyennes.

On est dans un processus de laïcisation de la société québécoise, bien, nous, on trouve ça logique d'accorder des jours fériés pour autre chose que des congés religieux.

Mme Lévesque (Catherine) : Est-ce que votre projet de loi prévoit le droit à la déconnexion? C'est quand même un problème, là, relié au stress...

M. Nadeau-Dubois : C'est une excellente question, et, non, ce projet de loi là ne s'attaque pas à ce problème. Ceci étant dit, c'est un dossier qu'on suit avec beaucoup d'attention. On a vu, notamment en Allemagne, les mesures qui ont été prises par les gouvernements pour donner ce droit à la déconnexion, donc interdire aux employeurs de contacter les salariés à toute heure du jour et de la nuit via le Web, et on suit ça de près, et on va travailler des propositions parce que c'est vraiment un problème grandissant dans le monde du travail au XXIe siècle. Ce projet de loi ci ne contient pas de mesure sur cette question-là par contre. Merci beaucoup.

(Fin à 12 h 46)

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