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Point de presse de Mme Catherine Dorion, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de culture, de communications et de langue française

Version finale

Le lundi 19 août 2019, 16 h 40

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Seize heures quarante-cinq minutes)

Mme Dorion : Salut à tous. Je voulais réagir à ce qu'on vient d'entendre à propos de Capitales Médias. Ça fait partie, il faut le savoir, d'une forme d'hécatombe qui va continuer de se produire avec les médias, nos médias nationaux de tous types, là, puis on sait d'où vient. On sait c'est quoi, l'origine de cette hécatombe-là. Il y a des transformations majeures qui sont arrivées à cause de grosses compagnies multinationales, celles de la Silicon Valley. On parle de Google, Facebook, Apple, et il y en a plein d'autres, qui, finalement, sont arrivées chez nous, font de l'argent chez nous, et nous, on ne les impose pas, on ne les taxe pas à la valeur dont on devrait les taxer. Et ce que je trouve décevant, dans toute la discussion publique en ce moment de nos gouvernements par rapport à cet enjeu-là, c'est que c'est comme si ça n'existait pas.

Ces grandes entreprises là, américaines, de la Silicon Valley, qui sont en train de détruire et de finalement prendre tout le cash de nos médias nationaux à tel point qu'ils en meurent, c'est comme si elles n'existaient pas puis qu'il n'y avait pas de cause là-dedans. La France, en ce moment, impose Google et les GAFAM à hauteur de 3 %. Elle va ramasser 500 millions d'euros par année à peu près. La Nouvelle-Zélande, qui est quand même un pays de 4, 5 millions d'habitants, là, tu sais, je veux dire, ils ne sont pas plus fins que nous, là, ont décidé de faire la même chose en 2019. Est-ce qu'on va décider, nous autres, qu'on va faire partie des États qui, finalement, disent : Ah non! Google, Facebook, Apple, c'est trop gros, on a peur d'eux autres, on ne veut pas se les mettre à dos en les imposant? Ou est-ce qu'on va faire partie des États qui se tiennent debout puis qui se battent pour ça?

Puis c'est essentiel parce que ce que ça va faire si on arrive à aller rechercher l'argent qu'on a perdu aux mains de ces compagnies-là, ça va permettre un financement local de nos médias, puis c'est essentiel. C'est toute notre conversation nationale, régionale, locale, qu'on a vu s'amenuiser à travers les années, qui est menacée de ne pas survivre. C'est majeur, là. C'est notre dialogue, notre conversation collective d'un peuple. C'est comme la base, d'être capable de comprendre ce qui se passe chez nous. On va tout le temps penser : Il nous faut des investisseurs, il nous faut du gros cash. Mais la concentration de la presse puis les gros conglomérats de presse, ce n'est pas nécessairement ça qui a le mieux servi la qualité de l'information au Québec, comme ailleurs, dans les dernières décennies. Je pense que tout le monde est conscient de ça.

Donc, ça peut être aussi l'occasion, ce grand bouleversement là, de revoir comment les médias sont financés, comment les médias fonctionnent. Il y a toutes sortes de façons qu'on peut imaginer de faire survivre pas nos grands groupes de presse nécessairement, mais les travailleurs du journalisme, les journalistes, les recherchistes, tous ces gens-là qui font un travail extraordinaire. Au Québec, on est forts en économie sociale. Est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer des coops de travailleurs? Tu sais, il y a toutes sortes de choses qui se peuvent. À Québec, ici, on a la Librairie Pantoute qui a failli fermer. C'est les travailleurs qui l'ont rachetée puis ça fonctionne super bien. C'est un succès comme jamais.

Donc, on peut imaginer toutes sortes de choses comme ça puis on peut être à la hauteur des États dont certains ne sont pas plus forts que nous puis dire à Google, dire à Facebook : Bien, écoute, l'argent que tu as enlevé aux médias de chez nous, qui travaillent chez nous puis qui nous parlent de nous, tu vas nous le redonner sous forme de taxe ou d'impôt sur ton revenu que tu fais au Québec comme n'importe quelle autre compagnie fait ici, puis ce n'est pas parce que tu es gros que tu ne te soumets pas finalement à cet ordre des choses là.

M. Cormier (François) : Il y a le financement, oui, mais est-ce qu'il y aurait le lectorat pour... Est-ce que ce ne serait pas... Prendre le financement des GAFA puis le donner à des publications comme celles-là, s'il n'y a pas de lectorat, est-ce que ça donne vraiment quelque chose?

Mme Dorion : Bien, en fait, c'est pour ça qu'on dit : C'est une occasion... Moi, je trouve... Tu sais, puis on va avoir, là, un mandat d'initiative. On va passer des journées complètes à écouter toute sorte de monde qui travaille dans le milieu des médias, ceux qui le savent vers où il faut aller, qu'est-ce qui fonctionne puis qu'est-ce qui ne fonctionne pas, tout en ayant en tête l'idée d'une qualité de l'information puis d'une information qui ne soit pas juste nationale mais régionale aussi. Eux le savent. Ils ont un instinct. Ils sont au courant. Vous êtes au courant. Vous savez bien des affaires que la CAQ ne sait pas, là.

Puis ça, c'est essentiel, donc, qu'on passe à travers ces écoutes-là — comment on appelle ça? — bref, tous ces gens qui vont venir nous dire comment ça fonctionne dans leur milieu. Mais tout le monde est au courant, puis tu as de toutes les générations, de la transformation de l'information. Est-ce qu'un journal sous forme de journal va survivre? Bien, l'important, c'est que les travailleurs qui y travaillent puissent continuer à faire de l'information qui soit de qualité. Après ça, le médium, la façon dont ça va se vendre, s'acheter, être gratuit mais vendre de la pub, tout ça, ça peut être une belle occasion, en ce moment, ce bouleversement-là, de repenser ça, mais il faut le faire intelligemment. Puis l'important, ce n'est pas le groupe de médias. L'important, c'est que les travailleurs puissent travailler de chez nous, tu sais.

M. Bergeron (Patrice) : L'opposition officielle avait soulevé aussi des questions concernant, donc, la concentration de la presse advenant le cas où justement un grand groupe de presse, que je ne nommerai pas ici, rachèterait les cinq journaux, à savoir s'il n'y aurait pas un risque qu'il n'y ait pas justement une concentration de la presse, un manque de diversité des voix. Est-ce que vous soumettez les mêmes inquiétudes?

Mme Dorion : Avant qu'arrive cette hécatombe-là de nos médias nationaux, on était déjà dans une situation de concentration de la presse qui n'était pas bonne pour la qualité de l'information indépendante, une information vraiment indépendante, au Québec. Si on concentre encore plus ça sous prétexte que, sinon, ils vont mourir, on n'est pas plus avancés. Ça, c'est fondamental, là. Puis, comme je dis, je répète, c'est les journalistes, c'est les travailleurs du milieu des médias qu'il faut absolument qu'ils continuent à travailler de façon indépendante au Québec puis qu'ils puissent... Puis ils ont perdu beaucoup dans les dernières années, là. Tu sais, finalement, ils se retrouvent avec de moins en moins d'effectifs, avec de moins en moins bonnes conditions. Ça joue sur la qualité de l'information. On a vu tous les reportages de qualité et les questionnements de qualité disparaître pour être remplacés par des gens qui font juste dire leur opinion après avoir lu un texte pendant 10 minutes parce que ça coûte moins cher. On a vu ça puis ce n'est pas vers là qu'on veut aller. Ça fait que c'est l'occasion en ce moment de se poser des questions sur comment on fait pour préserver la job des gens qui ont envie... Les journalistes, moi, tous ceux que je rencontre ont envie de faire un travail de qualité, là, puis ça, tu sais, moi, je trouve ça vraiment important.

M. Bergeron (Patrice) : Est-ce que le gouvernement caquiste a réagi avec suffisamment de rapidité? Parce qu'il avait été déjà mis au courant des problèmes en avril du Groupe Capitales Médias. Bon, il a parlé d'un comité interministériel dont on n'a toujours pas vu les travaux. Est-ce que le gouvernement caquiste a suffisamment réagi, avec célérité?

Mme Dorion : Bien, le gouvernement caquiste a dit : On va prendre des gros morceaux, on va faire avancer ce qui est populaire pour l'instant, on va faire augmenter notre cote de popularité, puis ils ont laissé... Toutes les vraies choses urgentes au Québec ont été laissées en plan pendant cette première période de gouvernement. Bien là, on en voit un exemple aujourd'hui avec le Groupe Capitales Médias. C'est ça qui arrive.

M. Cormier (François) : Vous avez entendu l'intérêt de M. Péladeau. Bon, évidemment qu'il y a une question qui se pose particulièrement dans la région de Québec qui ne se pose pas dans les autres régions, c'est celui d'avoir les deux journaux de la région de Québec. Est-ce que vous pensez vraiment que deux journaux peuvent coexister avec le même propriétaire?

Mme Dorion : Ce n'est vraiment pas souhaitable, là, qu'ils aient le même propriétaire. C'est deux journaux... Moi, depuis que je lis les journaux... Je veux dire, on est capables de comparer et d'avoir des voix différentes. Je pense que ce n'est pas une bonne idée. Je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui pense que c'est une bonne idée, honnêtement, pour la qualité de notre information puis la confiance qu'on peut avoir envers nos médias.

M. Cormier (François) : Mais, si on a le choix à faire, entre sauver les emplois puis être du même propriétaire?

Mme Dorion : Bien, est-ce que le fait de sauver les emplois va permettre aux travailleurs dont l'emploi est sauvé de faire la job qu'ils veulent faire? Puis, comme j'ai dit tantôt, ce n'est pas juste de les sauver, c'est de profiter de ce bouleversement-là pour faire mieux. On peut vraiment aller plus loin pour que les journalistes et tous les travailleurs du milieu des médias puissent faire la job comme ils ont envie de la faire, tu sais, mais, bon, il va falloir qu'on ose faire face... Puis ça, je le redis encore parce que c'est évacué de la plupart des discussions puis ça n'a pas de bon sens, si on veut être dans les États qui sont capables d'avancer puis de sauver nos journalistes, il va falloir se poser la question de l'impôt sur le revenu des GAFAM au Québec : Google, Facebook, Apple et tous ceux-là. Ça n'a pas de bon sens qu'on ne se tienne pas debout face à ces gens-là. Pourquoi? Pourquoi les gouvernements n'en parlent pas? C'est vraiment... Pour moi, c'est un grand mystère. Je ne comprends pas. Puis ce n'est pas comme si j'étais folle, on en parle ailleurs, là. Puis, comme je rappelle, la Nouvelle-Zélande, ils sont 4, 5 millions d'habitants.

M. Bergeron (Patrice) : Mais quelles sont les solutions, selon vous, pour garantir l'indépendance des médias à partir du moment où l'État finance les médias? Quelles sont les... Quelle distance... Comment on peut définir des pare-feux, par exemple, pour garantir aux gens que ces journalistes-là ou ces médias-là ne sont pas achetés par l'État? Parce que c'est ça, l'inquiétude aussi du grand public, là.

Mme Dorion : Oui. Puis effectivement il ne faut absolument pas que l'État ait à voir avec le travail des journalistes, comme il ne faut pas non plus que les grands groupes de presse, qui sont là pour faire du profit, aient à voir avec le travail des journalistes. Et là on se retrouverait avec un problème qui pouvait se rapprocher de celui-là dans la situation actuelle. Il y a toutes sortes de façons de s'organiser pour mettre des pare-feux efficaces. Ça, ça existe. Ce qu'il faut faire, puis là on va en parler la semaine prochaine avec le mandat d'initiative sur l'avenir des médias, c'est se pencher de façon intelligente, non partisane... Et non partisane, ce n'est pas juste selon les partis politiques, c'est selon qui sont les grandes entreprises amies des gouvernements aussi. Tu sais, il faut y aller de façon complètement indépendante puis être capable de s'entendre pour dire : Bien, ce qu'on va sauver en premier, c'est la job des gens des médias, leur capacité à fournir une information de qualité, indépendante, régionale, pas juste nationale. Finalement, toute la qualité de notre dialogue collectif va dépendre de ça. Puis ça, c'est essentiel, là, tu sais, on ne le rappellera jamais assez, là.

(Fin à 16 h 54)

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