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Point de presse de Mme Catherine Dorion, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de culture, de communications et de langue française

Version finale

Le lundi 26 août 2019, 9 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures trente quatre minutes)

Mme Dorion : Bonjour, tout le monde. J'espère que vous allez bien. Ce qui se commence aujourd'hui, c'est un... C'est super important, en fait, et moi, je vais en faire une de mes priorités pour la rentrée. C'est un enjeu, la crise des médias, qui est... en fait, j'ai lu tous les mémoires, c'est une crise du financement des médias, puis c'est ça, le gros noeud. Mais c'est couplé aussi à un droit citoyen, un droit, un besoin essentiel de toute société, qui est un droit à une information fiable, de qualité et accessible.

Et donc comment on peut en arriver à régler ce problème de financement là? Il n'y a évidemment pas un million de solutions. Il y a plusieurs solutions. On peut aller chercher le financement nécessaire pour financer ce service essentiel dans les poches des contribuables québécois. Vous comprendrez que ce n'est vraiment pas là où je pense qu'il faut aller. On peut aller chercher ça... on peut espérer des grands groupes de presse qu'ils continuent à se concentrer et à concentrer l'information dans les mains d'un même groupe privé et à obliger finalement les journalistes à avoir toujours en tête l'idée de profit, et on peut aller chercher cet argent-là dans les poches des grosses compagnies de la Silicon Valley qui font des centaines de millions chez nous, au Québec, sans payer aucun impôt, qui profitent finalement de l'économie québécoise sans redonner à l'économie québécoise. Donc, moi, vous aurez compris, depuis que j'en parle, que c'est l'enjeu que je priorise, qui est pour moi le plus évident.

Malheureusement, quand on a discuté avec les autres députés qui sont sur la commission de quel serait le libellé, quel serait le mandat de cette commission-là, quelles questions on poserait aux gens qui viendraient, la partie gouvernementale a refusé d'inclure, dans ce qu'on étudierait pendant cette commission-là, les GAFAM, les entreprises de la Silicon Valley, a refusé finalement qu'on puisse en discuter ouvertement, ce qui veut dire qu'on n'aura pas d'expert en taxation des GAFAM ou en imposition des GAFAM, on n'aura personne qui va, par exemple, pouvoir nous expliquer plus précisément comment ils ont implanté ça en France, comment ils prévoient d'implanter ça en Nouvelle-Zélande.

Moi, j'aurais aimé, parce qu'on a une culture à protéger, parce qu'on est vraiment différents en Amérique du Nord, qu'on soit cette espèce de locomotive en Amérique du Nord qui dit : Bon, bien, ça y est! C'est le moment, on va imposer le revenu des GAFAM chez nous pour le renvoyer au monde culturel et au monde journalistique, qui sont les principales victimes finalement de l'arrivée des GAFAM chez nous. On aurait pu être, comme la France en Europe, la locomotive de ce qui doit arriver, où ils ont... rappelons-nous que la Nouvelle-Zélande a décidé de le faire. Ils sont 4 millions, 5 millions d'habitants. Ils ne sont pas vraiment plus forts que nous. On peut le faire, si on veut.

Et je sens donc, là... C'est ce qui me déçoit : on ne pourra pas poser ces questions-là. Donc, on va comprendre quels sont les problèmes. Il faut se rappeler que le rapport Payette avec le groupe de travail sur... quelque chose comme l'avenir des médias, là — comment ça s'appelait? — le Groupe de travail sur le journalisme et l'avenir de l'information au Québec avaient déjà, en 2010, souligné, fait ressortir tous les problèmes dont on va parler. Ça fait que là, moi, j'ai hâte qu'on puisse aller plus loin. Malheureusement, je suis déçue parce qu'on ne pourra pas parler des GAFAM précisément à des experts.

Ça fait qu'on va quand même suivre ça de près, on va questionner les groupes là-dessus, puis je vais avoir des attentes et des... j'espère que la ministre Roy va écouter ça de près, va suivre ça, puis moi, je vais avoir des attentes et des questions à lui poser. Ce n'est plus admissible que la réponse, ce soit toujours : Ce n'est pas nous, c'est le gouvernement d'Ottawa, surtout dans un contexte comme le nôtre, on est une culture différente, à part, qui doit absolument avoir son information locale, on ne peut pas attendre après Ottawa qui, en ce moment, a les bras croisés. Il n'y a aucun des grands partis qui proposent quelque chose de vraiment intéressant par rapport au GAFAM en ce moment.

Donc, ce n'est pas normal qu'on ne soit pas, surtout en campagne électorale fédérale, en train de talonner les partis qui risquent de prendre le pouvoir à Ottawa pour leur demander : Qu'est-ce que vous pensez faire? Allez-vous nous donner plus de souveraineté culturelle pour qu'on puisse faire ce qu'on veut faire ou bien allez-vous vous engager à faire quelque chose qui va nous permettre de faire survivre nos médias et notre culture en général? Ça fait depuis les années 80 qu'on parle de souveraineté culturelle au Québec, les libéraux y étaient avec Bourassa, et les problèmes ne font que s'intensifier. Donc, voilà.

M. Laforest (Alain) : J'ai un petit peu de difficultés à comprendre une chose, Mme Dorion, et vous-même, vous êtes embarquée dans ce piège-là, là, vous dites : C'est Ottawa qui est responsable. De mémoire, j'étais ici, Carlos Leitão, il a imposé Netflix, là.

Mme Dorion : Il a mis une taxe, effectivement.

Journaliste : Il n'a pas attendu le fédéral, là.

Mme Dorion : Effectivement.

M. Laforest (Alain) : Ça fait que qu'est-ce que vous avez tous à dire : On doit attendre le fédéral, alors qu'il y a un ministre des Finances du Québec qui l'a fait?

Mme Dorion : Effectivement. Bien, en fait, je ne suis justement pas dans le piège parce que ce que je dis, c'est que la CAQ, en ce moment, c'est un de ses arguments, alors qu'il y a énormément de choses qu'on peut faire d'avance. On a taxé... bien, on a taxé... on taxe les GAFAM, mais pourquoi Ottawa ne met pas de TPS? Est-ce qu'on peut, nous, la percevoir à sa place? Maintenant, nous, on peut imposer les revenus au Québec, mais au Canada, est-ce qu'ils vont imposer aussi? Puis après, il y a toutes les règles du CRTC, il y a toutes les règles de tout ce qui est géré à Ottawa par rapport... qui dit : Bon, Internet est de compétence fédérale puisque ce n'est pas nommé dans les deux plans... les deux... la séparation des compétences dans la constitution.

Oui, bien, là, Internet, c'est devenu assez gros, c'est devenu assez révolutionnaire dans notre vie, finalement, dans les dernières années, ça a changé et bousculé énormément de milieux, ce n'est pas normal qu'on dise : Ah! bien, c'est écrit comme ça, c'est à Ottawa, puis qu'on ne se batte pas, surtout en campagne électorale puis surtout de la part d'un gouvernement, donc, qui s'est présenté comme autonomiste.

M. Laforest (Alain) : Ce n'est pas là-dessus que je vais, là, c'est... D'après vous, qu'est-ce qui empêche le ministre des Finances, Eric Girard, de dire : À partir d'aujourd'hui, tous ces géants du Web, on les taxe, comme ça a été fait pour Netflix? Parce que c'est fait actuellement.

Mme Dorion : Oui, mais là, moi, je parle aussi d'imposer le revenu. Ça, c'est ce que... (Interruption) ... Pardon? O.K.

Je parle aussi d'imposer le revenu, donc d'imposer le revenu... C'est des centaines de millions qu'ils font au Québec. La France, ce qu'elle a amené, elle a dit : Bon, bien, on va prendre le revenu qui est fait en France, on va prendre 3 % du revenu qui va aller au gouvernement et qui va être injecté. Donc, ça, on peut faire ça effectivement au Québec.

Mais il y a d'autres trucs, d'autres avenues, d'autres possibilités, comme, par exemple, demander aux fournisseurs d'accès Internet, et ça, c'est de compétence fédérale, comme les câblodistributeurs le faisaient avant, de prélever... Parce que, tu sais, les gens, pourquoi ils se branchent sur Internet? C'est pour avoir accès au contenu. Donc, il faut que les fournisseurs d'accès Internet, qui ramassent le pactole, puissent redonner à ceux qui créent le contenu, qui sont la raison principale pour laquelle les gens se branchent sur Internet. On le faisait avant à travers le câble, pourquoi on ne le fait plus avec Internet? C'est bizarre, puis ça, c'est de compétence fédérale, ça fait que c'est le moment d'insister.

M. Robitaille (Antoine) : La crise actuelle change-t-elle votre rapport, vous, au GAFAM? C'est-à-dire qu'on a vu la ministre, en Chambre, vous dire, une fois : Où mettez-vous, vous, vos petits vidéos?

Mme Dorion : Oui. Bien, oui.

M. Robitaille (Antoine) : Donc, sur YouTube, sur Facebook. Est-ce que ça change, vous, votre façon de diffuser votre message, vous qui voulez justement passer à côté des médias, souvent, donc de nous?

Mme Dorion : En fait, il y a une grosse erreur. Il y a une grosse erreur qui... Les gens ne sont pas... Beaucoup de personnes, même qui s'intéressent de près à ça, ne réalisent pas que tu ne peux pas comparer Facebook et Le Devoir. Facebook, ce n'est pas un média. Facebook est une plateforme, comme autrefois le papier était une plateforme, et c'est clair : on ne réussira pas, à nous 10 ici, là, à empêcher cette révolution mondiale, qui quitte le papier et la distribution dans la rue et qui s'en va sur Internet. On ne réussira pas. Ça, là, ça serait complètement irréaliste de dire : Arrêtez d'être sur Facebook. Vous pouvez essayer, essayer de... tu sais... Mais ça ne marchera pas. Ça nous ferait perdre des années.

M. Robitaille (Antoine) : Donc, vous allez continuer de diffuser du contenu sur Facebook?

Mme Dorion : Est-ce que La Presse va arrêter de diffuser du contenu sur Facebook? Est-ce que Le Devoir va arrêter?

M. Robitaille (Antoine) : Mais je vous pose la question à vous, vous comme politicienne.

Mme Dorion : Bien, évidemment.

M. Robitaille (Antoine) : Donc, vous allez continuer à faire ça.

Mme Dorion : Comme tous les politiciens et tous les journaux.

M. Robitaille (Antoine) : Est-ce que Québec solidaire va prendre de la pub sur Facebook aussi?

Mme Dorion : Oui, oui, on prend de la pub sur Facebook, comme, d'ailleurs, le gouvernement du Québec, comme tout le monde. Puis, tu sais, je veux dire, pensez à ça : vous voulez faire une publicité pour inciter les jeunes à aller voter. Vous allez mettre ça où? Au téléjournal, où l'âge moyen qui le regarde, c'est 60 ans? Vous allez mettre ça où? Il faut prendre acte de la société où on est rendus en ce moment, et on a... Internet est devenu partie de nos vies, tellement que les gens se mettent à en parler comme d'un service essentiel.

Et les plateformes ont changé. Facebook n'est pas un média, c'est une plateforme. Comment on fait pour que les producteurs de contenu — Facebook n'en est pas un, là, c'est de ça dont on parle — les producteurs de contenu local québécois puissent survivre? Puis moi, les grandes entreprises de presse, je n'y tiens pas. Mais les travailleurs de l'information, tous ceux qui sont des artisans, des recherchistes, des gens qui vont sur le terrain, qui vont faire émerger de nouvelles informations, il faut qu'ils puissent survivre au Québec, sinon on est foutus. Ce n'est pas la Silicon Valley qui va s'intéresser à nous puis faire des beaux petits reportages sur ce qui se passe au Québec.

M. Laforest (Alain) : Alors, on les sauve comment?

Mme Dorion : Il y a toutes sortes de moyens.

M. Laforest (Alain) : Parce que c'est les grandes entreprises de presse qui font vivre les journalistes.

Mme Dorion : C'est ça. Et ce modèle-là... C'est pour ça que moi, je vois la crise des médias comme non seulement quelque chose de malheureux, mais aussi une occasion de repenser tout ça. Les gens, dans la dernière décennie — et ça, vous questionnerez les Québécois — ils ont perdu confiance dans leurs médias. Et la concentration des groupes de presse n'est pas étrangère à ce phénomène-là. Ils se sont dit : Bien, on sait bien, c'est elle, le boss. Bien, on sait bien, c'est toute la même compagnie. Quand on voit, en première page d'un journal, une nouvelle qui est en fait une publicité pour une autre de ses compagnies soeurs... Les gens ne sont pas dupes. Donc, ça, ça fait qu'on a perdu confiance, puis il faut retrouver confiance, on a absolument besoin...

M. Robitaille (Antoine) : Est-ce que les journaux ont ce qu'ils méritent? Dans le fond, c'est ce que vous me dites.

Mme Dorion : Les journaux étant qui? Les propriétaires, les travailleurs? Il y a plein de monde, là-dedans.

M. Robitaille (Antoine) : Les médias. Les médias actuels ont-ils ce qu'ils méritent parce qu'ils ont joué le jeu de la convergence des grands groupes de presse?

Mme Dorion : Bien, en fait, ils ne méritent pas de se faire rentrer dedans par des groupes encore plus grands, plus dangereux pour la démocratie, puis je parle des GAFAM, encore une fois, puis des compagnies de la Silicon Valley. Tu sais, si Facebook décide qu'il ne veut pas qu'un gouvernement rentre dans tel pays, s'il le décide, il est capable de faire bien des dommages, là, puis d'influencer les... tu sais, c'est dangereux pour la démocratie parce que c'est énorme, et tout groupe possédé par une entité privée qui est énorme... puis on parle beaucoup de l'indépendance des médias. Ah! si l'État paie, est-ce qu'ils vont être indépendants? Aïe! Attendez, là, tu as des groupes de presse énormes qui ont des intérêts, des intérêts financiers, on ne peut pas faire comme si ça n'existait pas.

Est-ce que... Je ne dirais pas : Les médias ont ce qu'ils méritent, parce que les médias, c'est trop multiforme, il y a énormément de gens, il y a énormément de travailleurs de talent, et qui sortent de l'école en disant : Moi, je vais faire de la bonne nouvelle, puis qui se retrouvent dans les dédales d'un milieu qui est organisé de façon à ne pas servir la qualité de l'information et le droit à l'information locale des Québécois au mieux.

M. Robitaille (Antoine) : Donc, il y a un problème systémique.

Mme Dorion : Bien, oui, il y a un problème systémique, sinon on n'en serait pas là aujourd'hui, avec la semaine qu'on va passer.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais est-ce que la clé est de financer un réseau totalement public et indépendant?

Mme Dorion : Bien, l'indépendance est super importante, ça, c'est sûr. Puis on le sait, là, à travers le monde, on le voit, puis même chez nous, on est capable de financer avec de l'argent, par exemple, qui viendrait des entreprises de la Silicon Valley qui passerait par l'État puis qui irait à des travailleurs de l'information. On est capable de mettre des pare-feu qui rendent ça complètement indépendant de l'État.

M. Dion (Mathieu) : ...syndicats, de créer un fonds, là, financé par la TVQ, vous en pensez quoi?

Mme Dorion : Oui. Bien, évidemment, nous autres, on a toujours été pour les travailleurs, puis c'est une idée que je trouve excellente. On est super forts, hein, au Québec, pour le modèle coopératif. L'économie sociale, c'est... Au Québec, on se démarque par ça à travers le monde. Donc, on a l'expertise, on a l'expérience, on a le passé, on a tout... on a tout ce qu'il faut, en fait. Et ce qui serait vraiment exceptionnel, avec une coopérative de travailleurs, et il y aurait toutes sortes de manières d'aider ça à tenir debout, c'est que ça serait encore plus indépendant que ce qu'on voit aujourd'hui parce que tu ne serais plus dépendant du profit, des publicitaires. Tu sais, c'est difficile de parler contre l'automobile, par exemple, quand tous tes annonceurs sont des vendeurs d'automobiles. Donc, il y aurait possibilité d'avoir... d'être libéré à la fois de la nécessité de profit puis que ce soit vraiment indépendant, que nos médias soient vraiment indépendants, puis, bien, ça appartiendrait aux travailleurs, donc ce serait plus solide à travers le temps, comme on le sait, pour toutes les entreprises d'économie sociale. C'est ce qu'on souhaite.

M. Laforest (Alain) : Mais est-ce qu'une coopérative peut maintenir tous les médias? Il y en a beaucoup, là. Il y a la radio, il y a les télés, il y a les journaux, il y a les hebdos...

Mme Dorion : Vous voulez dire : Est-ce que ça...

M. Laforest (Alain) : Là, il y a Capitales Médias qui est en crise, qui se cherche un acquéreur, un ou des acquéreurs, mais il y a les autres aussi, là, ça va arriver, là.

Mme Dorion : Oui, c'est sûr. Moi, ce que je pense, c'est que tous les travailleurs d'information en ce moment au Québec sont capables de continuer à travailler parce qu'on en a besoin. Il y a des gens qui parlent de la pénurie de travailleurs de l'information en région, hein, les localités. Beaucoup de monde parle du fait qu'on n'en a plus, de nouvelles locales, qu'on ne sait plus comment aller les chercher, qu'on ne sait pas ce qui se passe chez nous. Il faut aller voir sur Facebook, puis c'est totalement inadéquat, mettons. Donc, oui, on en a besoin, c'est juste que, comme gouvernement, est-ce qu'on a un gouvernement qui va être à la hauteur et qui va dire : On a besoin de ces gens-là, il faut absolument sauver leurs jobs, il faut absolument qu'ils puissent continuer à faire leur travail? Maintenant, sous quelle forme pour que ce soit rentable à long terme? C'est la question qu'on va se poser toute la semaine.

Mme Plante (Caroline) : On parlait de publicité gouvernementale. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans le message de M. Legault, qui se dit... qui urge les Québécois de s'abonner à leurs journaux, mais, du même souffle, qui refuse de réacheminer la publicité gouvernementale dans les médias québécois?

Mme Dorion : Il faut savoir... Moi, je ne veux pas lancer la pierre au gouvernement pour ça. Il faut savoir que ce n'est pas le même public. Et là, on a affaire à... c'est... quand on parle d'une révolution, c'est une révolution générationnelle aussi. La plateforme sur laquelle les gens consomment leurs médias va changer selon l'âge. Ça fait que si on dit : Le gouvernement ne publie que dans les journaux, bien, le gouvernement se coupe d'une partie de sa population quand il veut faire ses publicités. Puis, des fois, certaines publicités s'adressent principalement à des gens d'âges qui ne consomment pas les médias traditionnels. Ça fait qu'on est face à une espèce de tsunami qui n'arrêtera pas. Ça va continuer. Ça fait qu'il faut plutôt penser comment on intègre le fait que tout le monde est sur Internet maintenant avec la nécessité pour les médias locaux de survivre. Il y a toutes sortes d'autres manières plus intelligentes que l'État peut utiliser pour permettre aux médias ou aux travailleurs journalistes de survivre. Et ça, il y en a plein, puis dans les mémoires, il y en a beaucoup, beaucoup, beaucoup. Puis celle-là, elle revient, puis est à étudier, mais ce n'est pas une solution à long terme, selon moi, à mon humble avis.

M. Dion (Mathieu) : Est-ce que les médias devraient cesser d'offrir gratuitement leur contenu sur les réseaux sociaux, sur Internet?

Mme Dorion : Ça, encore, c'est une question qui... bien, on voit avec l'expérience que, bon, Le Devoir, ça ne va pas si mal, et c'est ce qu'il a décidé de faire. Il y a d'autres exemples. Mais il va falloir passer la semaine, puis que les gens nous expliquent. Parce que, quand on dit : L'information de qualité est un droit essentiel, un service essentiel, puis un droit, puis un besoin démocratique, ça veut dire qu'il faut qu'il y ait au moins quelques endroits où ce soit accessible gratuitement, mais là, après, est-ce que tous les journaux peuvent survivre comme ça? Puis, bon, il y en a qui... il y a toutes sortes d'avenues vraiment intéressantes, les niches plus précises, là, puis ça, vous allez l'entendre toute la semaine. Ça fait que...

M. Laforest (Alain) : Est-ce que, selon vous, c'est uniquement une crise des journaux?

M. Bélair-Cirino (Marco) : L'exercice qui s'amorce aujourd'hui est-il utile même si les GAFAM n'y sont pas invités, ou des experts? Est-ce que c'est quand même utile ou on rate la cible?

Mme Dorion : Non, non, c'est extrêmement utile, surtout si la ministre est là, puis si le gouvernement porte attention à ça. Je pense que ça va être peut-être des arguments qu'on commence à avoir entendus pas mal et des constats douloureux qu'on a entendus pas mal, mais qui n'ont pas été écoutés, qui n'ont pas été pris comme... l'urgence qui venait avec eux n'a pas été considérée. Donc, ce que j'espère, c'est que, cette semaine, on va... cet élément d'urgence là, puis de... tu sais, dans les mémoires, là, ce n'est pas juste des plaintes puis des... c'est toutes sortes de médias qui disent : Voici ce qu'on pourrait faire : ça, ou ça, ou ça, ou ça. C'est de gens qui proposent, qui se retroussent les manches. Moi, j'ai très, très hâte de les écouter, je ne trouve pas ça du tout inutile, ça va nous permettre d'être au même diapason tout le monde, puis de prendre une direction, en espérant que les résultats de cette semaine-là ne seront pas mis de côté, un peu comme le rapport Payette : Ah! bien, merci beaucoup, on comprend qu'il y a un problème, puis on verra.

M. Laforest (Alain) : Est-ce que, pour vous, c'est essentiellement une crise des journaux? Parce que vous parlez beaucoup de journaux.

Mme Dorion : Moi, je dirais plus que c'est une crise de la révolution numérique parce que j'arrive du milieu de la culture. Tout ce que vivent les journaux, les artistes l'ont vécu, qui, eux, en plus, n'avaient pas vraiment de sécurité d'emploi ni nécessairement la capacité pour faire se rendre ça dans les médias bien haut, et c'est quelque chose de grave, là. Tu sais, tout ce... parce que les... pour moi, les journalistes, c'est des travailleurs de la culture, ils ramènent ce qui se passe chez nous, des fois en font une analyse poussée, ils font des recherches sur ce qui se passe chez nous. Sans ça, côté culturel... Ça fait que c'est le même problème pour les deux, puis c'est une crise de la révolution numérique. Si on avait été intelligent, on aurait commencé ça à mesure que ça se passait. Puis là, bien, il est tard, mais il n'est pas trop tard, ça fait que c'est l'occasion.

M. Laforest (Alain) : Selon toute vraisemblance, la ministre ne serait pas là, là, ce serait de ses collègues qui seraient là, parce qu'elle veut garder une certaine distance. Tu sais, je veux dire, on a hâte de voir. Est-ce que la ministre va être là pour entendre? Il semble qu'elle ne soit pas là.

Mme Dorion : Bien, écoutez, c'est public, les auditions, là, elle peut écouter ça à la télé, elle peut s'asseoir...

Journaliste : Oui. Mais est-ce que ça vous dérange qu'elle ne vienne pas s'asseoir dans la salle pour écouter?

Mme Dorion : Bien, si elle nous dit qu'elle écoute ça puis qu'elle suit ça, moi, je m'en fous, de quelle manière qu'elle écoute ça, mais, je veux dire, il faut que... ça ne se peut pas, là, que ce ne soit pas dans le collimateur, là. Il faut que le gouvernement, en ce moment, se penche là-dessus maintenant, puis il faut qu'il...

M. Laforest (Alain) : ...il y a déjà un comité ministériel qui a été créé...

Mme Dorion : Oui, oui, mais est-ce que c'est : On va donner tant puis tant à tel média? Ça ne marche pas, ça, là. La révolution numérique dont on parle, là, ce n'est pas juste... ça va continuer, là, ce n'est pas fini, là, ça va aller de pire en pire, puis ceux qui tombent maintenant ne seront considérés plus tard que comme les premiers à être tombés si on ne fait rien. Il va y en avoir d'autres.

Mme Plante (Caroline) : Est-ce que la ministre saisit toute l'ampleur de la crise, d'après vous?

Mme Dorion : Je ne peux pas parler à sa place, là, je ne suis pas dans son coeur ni dans sa tête, mais j'espère.

Mme Plante (Caroline) : Êtes-vous satisfaite de son travail jusqu'à présent?

Mme Dorion : Moi, depuis que je suis en poste, là, puis je suis une jeune députée, je suis toute nouvelle, là, puis ce que j'ai fait depuis que je suis là, c'est lui parler, en tout cas, dans la période de questions, pas mal juste de ça. Puis la ministre est bonne pour faire des constats — donc, elle répète ce qu'on entend tout le temps, il se passe ci, il se passe ça — puis ensuite pour dire : On pourrait peut-être.

Maintenant, je m'attends à des engagements. Est-ce qu'on va avoir quelque chose? Ça va être quoi, la réponse face au fédéral? Ça va être quoi, la réponse face à l'idée qui commence à être martelée de partout d'imposer les revenus des GAFAM chez nous? C'est quoi? Vous allez faire quoi, puis quand? Ça peut-u être concret, tu sais? Ça, je vais m'y attendre, puis on va continuer ça en Chambre, puis j'espère qu'on va avoir les... qu'on va être capables d'analyser qu'il y a eu une réponse ou qu'il n'y a pas eu de réponse, parce que ça devient fâchant.

La Modératrice :

Mme Senay (Cathy) : Good morning.

Mme Dorion : Good morning.

Mme Senay (Cathy) : You said that you were disappointed that the giants Amazon, Apple, Facebook were not studied specifically with the tax that France has imposed in July and what New Zealand is going to do. What did you do to make sure that those experts or some experts were heard during this commission, this committee on the future of the news media?

Mme Dorion : So, when we're talking about what would the goal of the commission be, I suggested, many times, and I insisted with the other MPs around the table to include a study, some people who would come and make us understand how it works, the Google tax in France, in New Zealand, how it is, maybe, one of the best solutions, or not, or... You know, people that know about it way better than we do, you know. We don't really know how... you know, how we can apply that, so we won't be able to listen to them because...

Mme Senay (Cathy) : And what does that tell you about de CAQ understanding what's happening?

Mme Dorion : The CAQ?

Mme Senay (Cathy) : What do you... The CAQ, the Government.

Mme Dorion : Ah! OK, OK.

Mme Senay (Cathy) : What does that tell you about... What does that tell you about their... the Government's understanding about what's happening right now, the emergency?

Mme Dorion : The thing that I see is that, from the beginning, with Uber, with Airbnb, with other GAFAMs, they just don't really feel like they can do that or like they want to do that, tax these companies on their revenues in Québec. So, why? Why? They are not Quebeckers. It's not in our interest to just ignore that these people come here, make a lot of money, a huge amount of money, transform completely our societies and don't contribute to some needs that we have that are pretty, you know, acute, and that are caused by them. Why do you just dismiss it as a potential solution every time that we have to insist?

Mme Senay (Cathy) : Even though Québec, the Liberals, did that, impose the tax on Netflix, like... so you don't...

Mme Dorion : Yes, but it's just a tax, you know, it's not a lot, it's just... it's not like imposing the companies on their revenues. It's different. It's really different. You know, you can have a lot more money from that, and that is what France is doing, and we need more countries doing that, especially the countries that are trying to protect their culture.

Mme Fletcher (Raquel) : OK. So, just to be clear, the Netflix tax

is not a Netflix tax, right? It's imposing that Netflix collects PST and turn that over to the provincial government. What you are saying… When you're saying taxing revenue, are you talking about income tax, that you want the provincial government to tax the income of the GAFA and use that money?

Mme Dorion : Because it's hard to have... Well, it's pretty technical, but it's hard to know exactly how... You know, when they tax the companies here, they can't do the same thing with them because they don't have all the numbers, and the companies, they don't want to tell them : That is my profit, that is my investment, that is my... in your country. They are based in, sometimes, places where they don't have to pay a lot of taxes, in tax heavens. So, it's very hard for us to know.

So, what France decided is : Because I am not able to know exactly what are your numbers, I'm going to impose you on... so, a small tax, 3%, on all your revenues in France. That is the way they thought about it, and that is way... like the OECD — is it that in English? — the OECD is talking about it, but really, you know, reluctantly for now. So, that is what they decided to do, that is what New Zealand decided to do too. That is the most intelligent thing to do from now, as I understand the thing.

Mme Fletcher (Raquel) :OK. And why do you say that that is... Why are you focusing on taxing GAFA as opposed to looking at some of the other solutions that have been brought forth? Like, last week, Mr. Legault said the best solution is to have government grants similar to what the federal media...

Mme Dorion : Yes. No, I will insist on that too because these are pretty good ideas. We are going to know this week what the media thinks about it, but the reason why I insist on that is that... it's because we are not going to be able to study that during the commission this week. It's dismissed, and it's the most important thing we have to see because that is where a huge amount of money can come from, and that's the way to save our media on a long-term basis.

Mme Senay (Cathy) : And especially that there is an action plan that should come out from this.

Mme Dorion : Yes. So, we are not going to talk about that or what is going to happen, but we're still... I'm going to ask about that to everyone in the commission, so...

Mme Senay (Cathy) : How do you see personally this committee on the future of news media coming from the cultural sector in Québec?

Mme Dorion : What do you mean?

Mme Senay (Cathy) : I mean, the culture is also facing such a transformation throughout the digital era. So, how do you see this, what is starting today? And what should... I mean, like, you're the leaders of the National Assembly. You're the politicians, you should... the expectations are really, really high, aren't they?

Mme Dorion : Yes. My expectations are really high too. I mean, we've been talking about that for decades now in the cultural sector. You know, people are losing the way they can live, they have to give their music for free, they have to let their books go for free sometimes, they have to... you know, it's... all the «droits d'auteur»... what do you call it?

Mme Fletcher (Raquel) : Publisher's rights, author's right...

Mme Dorion : Yes, author's rights, yes. They've lost it all, so it's the same thing that is... No, not all, but, I mean, they lost a huge part of it to the Internet. So, it's pretty much the same, but in another... You know, because our cultural, artistic role is separated from our... the media world, it's considered different things, but it's the same, it's... they are victims of how the Internet came and destroyed our structures. But the workers are still there.

Mme Fletcher (Raquel) : But it's theft, right? Facebook is publishing articles from Le Devoir and not paying anything to the Devoir...

Mme Dorion : Exactly. Yes. We are going to talk about that during the week, if it's a good idea to do that or not.

M. Laforest (Alain) : Juste une petite question sur un dossier qui vous passionne aussi, le troisième lien. Avez-vous été surprise sur le résultat du sondage où on dit : Réparez les routes plutôt que de construire un tunnel?

Mme Dorion : Bien non, pas du tout. En fait, ce qui est intéressant, de ça, c'est que... Moi, je me rendais bien compte que les gens qui tripaient sur le troisième lien étaient les seuls qui savaient à peu près c'était quoi, ce projet-là. On a participé, nous, puis il y a une mobilisation qui s'est faite, à Québec, puis il y a une conscientisation qui s'est faite, à Québec, puis il y a des informations venues de journalistes qui justement ont été chercher loin de nouvelles infos qui ont montré : bien, regardez le projet, tous ceux qui n'en ont pas entendu parler, tous ceux qui ne savaient à peu près pas c'est quoi, à part que ça va passer par-dessus le fleuve, voici ce que ça implique. Puis là ce que je trouve intéressant, c'est que le monde commence à virer de bord puis à dire : Bien, non, en fait, ce n'est pas intéressant. Tout le monde aimerait ça, avoir une maison plus grosse, puis une piscine, puis toutes sortes d'affaires, mais quand tu regardes que, si tu fais ça, tu ne pourras plus rien faire d'autre puis tu vas être endetté, puis tu vas être mal pris, puis tu ne pourras même pas réparer ton entrée de garage, ça te tente moins. Ça fait que — les Québécois sont intelligents — moi, je suis assez convaincue que ce projet-là va finir aux oubliettes.

M. Laforest (Alain) : Vous dites quoi, au gouvernement, d'un résultat... à la lueur des résultats qu'on a eus en fin de semaine?

Mme Dorion : Ce que je dis au gouvernement?

M. Laforest (Alain) : Oui, c'est quoi, le message que vous lui envoyez, au gouvernement, là?

Mme Dorion : Bien, laisse tomber le troisième lien, concentre-toi sur les vrais besoins des Québécois.

La Modératrice : Merci.

(Fin à 10 heures)

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