(Treize heures quatre minutes)
M. Marissal : Alors, je suis
ici aujourd'hui pour vous parler d'un exercice assez surréaliste qu'on a vécu
ce matin avec la partie gouvernementale, c'est-à-dire à la Commission des
finances publiques. On devait statuer si, oui ou non, le gouvernement allait accepter
d'accorder une mission... un mandat d'initiative, pardon, à la Commission des
finances publiques pour étudier le cas, notamment, le cas de Desjardins, donc
les fuites de près de 3 millions de personnes... de renseignements
personnels de 3 millions de personnes survenues au mois de juin dernier.
En tout cas, on en a entendu parler au mois de juin dernier. L'opposition, donc,
le Parti québécois avait proposé un mandat d'initiative particulier qu'on a
voulu après plus large, en concertation avec les partis d'opposition, puisque
nous jugeons que cibler Desjardins seulement n'est pas suffisant. De un, ça
risquerait de devenir un procès de Desjardins, qui devra se défendre de toute
façon des fuites dont elle a été victime, mais ensuite on a su que d'autres
groupes étaient probablement aussi sujets à des fuites, notamment à Revenu
Québec où il y a eu des problèmes. On veut aussi que d'autres puissent venir
témoigner. Bref, qu'on ne tienne pas seulement ce mandat d'initiative... donc
que les parlementaires puissent aller au fond des choses, poser beaucoup de
questions.
Nous, à Québec solidaire, dès le début, dès
le lendemain, j'ai aussi demandé un mandat d'initiative à une autre commission,
celle des institutions, justement pour qu'on puisse revoir notamment les lois
de protection des renseignements personnels dans le secteur privé, mais aussi
dans le secteur public. Nous voulons aussi aller plus loin sur la question des
sanctions qu'on doit absolument... c'est un sujet qu'on doit absolument aborder
pour les groupes ou les institutions, qu'elles soient privées ou publiques, qui
échappent justement, comme ça s'est passé chez Desjardins, des renseignements
personnels de leurs clients ou des concitoyens. Nous avons plutôt eu droit à un
exercice expéditif de la partie gouvernementale qui a voulu nous rentrer une
petite pilule dans la bouche en disant : Prenez ça puis faites-nous
confiance pour le reste, ça va bien aller, on arrivera plus tard avec un projet
de loi, mais, pour le moment, on ne fait que Desjardins. Or, ce projet de loi,
on ne l'a pas vu, il n'existe pas, on n'en a jamais entendu parler avant et, de
deux, nous croyons qu'en regardant Desjardins seulement, on se colle le nez sur
l'arbre puis on perd de vue la forêt. Et, en ce moment, on devrait viser beaucoup
plus large que moins large.
Il y a eu un consensus parmi les partis de l'opposition.
Nous avons, à QS, demandé aussi un élargissement, un nouveau mandat à la Commission
des institutions. Le gouvernement, visiblement, veut faire vite, veut faire à
sa façon, ne veut pas nous consulter là-dessus, il veut en quelque sorte noyer
le poisson, et nous, on veut vraiment pouvoir aller au fond des choses avec ça.
Journaliste
: Ce qu'on
comprend du gouvernement, c'est qu'ils étaient plutôt d'accord avec la proposition
initiale du Parti québécois, c'est-à-dire Desjardins, l'AMF, et il y avait un
autre intervenant, mais que là, la proposition élargie leur paraît beaucoup
trop élargie. Est-ce que c'est l'écho que vous avez effectivement, et pourquoi ne
pas, dans ce cas-là, faire le compromis de la proposition initiale?
M. Marissal : Moi, je
comprends que le gouvernement ne veut pas élargir pour le moment, et ils
essaient de nous dire : Faites-vous-en pas, là, on a un projet de loi. Or,
ce projet de loi là, on n'en a jamais entendu parler, et je l'ai pas vu, je
suis persuadé que le député de Saint-Jérôme, M. Chassin, qui nous a parlé de
ça, qui était visiblement en mission ce matin, ne l'a pas vu non plus parce que
ce projet de loi n'existe pas. Alors, autrement dit, on essaie de nous demander
de vider une piscine olympique avec une cuillère à thé, ça ne le fera pas, on
n'arrivera pas au fond, on ne sera pas capable de faire vraiment la lumière sur
tout. Et c'est complètement paradoxal de la part du gouvernement parce que M.
Chassin nous dit : On ne veut pas que ça devienne un procès de Desjardins
et on ne veut pas que Desjardins, que la réputation de Desjardins soit
entachée, ce à quoi je réponds : Desjardins a entaché elle-même sa propre
réputation, elle n'a pas eu besoin de nous et, nous, on n'est pas là pour
entacher la réputation de qui que ce soit, on est là pour aller au fond des
choses. Et là où c'est paradoxal, c'est que M. Chassin, en demandant de cibler
seulement Desjardins, va avoir le résultat qu'il dit vouloir éviter parce
qu'évidemment, si on ne parle que de Desjardins, on va parler juste de
Desjardins.
Prenons un petit pas de recul, là, ce pourquoi
ce matin on n'a rien voté, il n'y a même pas eu de motion de déposée, on veut
se retirer, prendre le temps de réfléchir. La commission, elle est souveraine,
elle peut entendre qui elle veut. En ce moment, entendre juste Desjardins,
c'est essayer de noyer le poisson, puis de passer vite, vite, vite à autre
chose, mais il y a beaucoup plus à discuter, notamment de ce qui se passe à
Revenu Québec, notamment des projets du gouvernement dans l'infonuagique et
toutes sortes de projets de privatisation de données personnelles.
Journaliste
: Est-ce
que ce n'est pas tout mélanger ensemble justement, puisque les institutions
bancaires, Revenu Québec, qui est une agence gouvernementale... Est-ce que ce
n'est pas dangereux de tout mélanger?
M. Marissal : Bien, en fait,
tout est sous le parapluie depuis quelques lois qui sont désuètes, la loi
d'accès à l'information, la loi sur les renseignements des... la protection des
renseignements personnels dans le secteur public, mais aussi dans le secteur
privé, ce sont deux lois distinctes, ces lois datent, là, d'avant le fax. Il
faut revoir ces lois-là. Le gouvernement est d'accord d'ailleurs pour revoir la
loi, notamment la loi d'accès à l'information, sauf que tous les signaux qu'on
a, c'est que ça ne sera pas dans ce mandat-ci.
On peut entendre Desjardins et on doit
entendre Desjardins. C'est sûr, ça fait image, il y a la moitié des membres de
Desjardins qui ont été touchés, c'est sûr qu'on doit les entendre. On doit
entendre Equifax. Mais on doit aller plus loin que ça parce que la protection
des renseignements personnels, peu importe à qui vous donnez vos renseignements
personnels, ça doit être sous le même parapluie. Et on doit passer le message
aussi que, si vous demandez des renseignements personnels, que vous soyez une
institution publique, donc, pour le bien public, pour l'administration
publique, ou que vous soyez une institution privée puis que vous faites de l'argent
en plus avec des renseignements personnels des gens, vous avez des
responsabilités. Ça ne suffit pas de faire comme Desjardins, dire : Ah! on
s'excuse, on l'a échappé, on ne le fera plus, puis on engage toutes sortes
d'agences de marketing pour faire du «damage control». Mais, à la fin, il faut
que le gouvernement reconnaisse qu'on a des problèmes avec les lois actuelles.
Journaliste
: Pourquoi
est-ce que la Commission des finances devrait, par exemple, entendre le Service
canadien du renseignement de sécurité?
M. Marissal : C'est une
suggestion qui est venue, cette fois-ci, je crois, du Parti libéral, puis c'est
circonstanciel. En fait, c'est que nous avons, comme parlementaires, eu une
présentation récemment, à laquelle j'ai assisté, à laquelle M. Leitão a
assisté aussi, et il y avait quelqu'un du service de renseignement de sécurité
du Canada qui nous a expliqué un peu à quel point le vol d'identité est une
grave menace sur la démocratie. On le savait. Mais, quand quelqu'un fait ça...
gagne son pain puis son beurre à faire ça puis qu'il traque les fraudeurs... je
vous assure que ça fait froid dans le dos. Et c'est bien, une fois de temps en
temps, pas d'avoir froid dans le dos, mais de se faire mettre les yeux en face
des trois puis que quelqu'un qui est vraiment là-dedans viennent nous expliquer :
Voici les risques. Parce que le vol d'identité, pour bien du monde, c'est un
peu flou. Moi-même, j'ai perdu mon identité... ou, en fait, mes renseignements
personnels avec Desjardins. Je n'ai aucune idée de ce qu'ils peuvent faire
réellement avec ça. Jusqu'où peuvent-ils aller avec ça? Alors, que les services
de renseignements ici et ailleurs, je présume, s'intéressent à ça, ça en dit
long justement sur la menace. Et c'est une menace, oui, à l'intégrité des
individus, mais c'est une menace à la démocratie que de se faire voler notre
identité comme ça. Qui sait après ce que les fraudeurs peuvent faire avec?
Alors, oui, moi, j'ai suggéré qu'on
rencontre aussi les gens de la SQ, qui devaient mettre sur pied en 2011 une
escouade sur la... cybercriminalité, pardon. J'aimerais ça les entendre.
Pourquoi ça n'a pas marché? Vous en êtes où là-dedans? Est-ce que ça vous
préoccupe? Si oui, pourquoi?
Journaliste
: Qu'est-ce
qui est arrivé de votre propre demande de mandat d'initiative auprès de la
Commission des institutions?
M. Marissal : Pour le
moment, rien. J'ai le malheur... j'ai le regret de vous le dire. Elle est toujours
devant la Commission des institutions. Un jour, il faudra qu'on ait une
réponse. Effectivement, ce que j'ai dit ce matin aux collègues en commission, à
la commission des finances, c'est que, pour moi, le lieu n'a pas tant
d'importance. Moi, je pense qu'on peut le faire dans le cadre du mandat
d'initiative à la commission des finances, mais, si ça doit passer plutôt par
la Commission des institutions, je ne m'enfargerai pas dans les fleurs du
tapis, là. Ce qu'on veut, puis on a quand même une certaine harmonie entre les
partis de l'opposition là-dessus, là, ce qu'on veut, c'est faire la lumière
là-dessus.
Journaliste
: Puis, en
même temps, le ministre Girard s'est engagé, il y a deux semaines, à déposer un
projet de loi pour mieux réglementer les agences de crédit. Donc, est-ce que
c'est vraiment un problème que d'attendre que le projet de loi soit déposé pour
entendre toutes sortes de témoins dans des consultations particulières?
M. Marissal : Là, il y a deux
choses, là. Il y a le projet de loi que nous promet ou que nous annonce le
ministre des Finances...
Journaliste
: Il l'a
dit publiquement.
M. Marissal : On a salué le
geste. Ce n'est qu'un geste. Le fameux verrou sur votre dossier de crédit, ce
n'est qu'un geste et, en plus, ça met encore une fois la responsabilité sur le
dos des citoyens et des citoyennes qui vont devoir appeler Equifax ou
communiquer avec Equifax, avec tous les problèmes que ça peut causer. O.K.,
d'accord. Mais, sur le fond, on n'est pas contre, on n'a pas... on a juste dit
qu'il faut aller plus loin.
Maintenant, ce matin, le gouvernement nous
parle d'un autre projet de loi qui réglerait les autres problèmes. Première
nouvelle. Alors, les parlementaires autour de la table...
Journaliste
: Ce que
vous avez compris...
M. Marissal : ...sont un peu
tombés en bas de leur chaise parce que, ce projet de loi là, on n'en a jamais
entendu parler. Pardon, vous disiez?
Journaliste
: ...compris
que c'était un autre projet de loi...
M. Marissal : Absolument.
Journaliste
:
...différent de celui que M. Girard...
M. Marissal : C'est ce que
j'ai compris. Je pourrais me tromper, mais c'est ce que j'ai compris puisque
l'intention du ministre Girard, elle est assez claire. Et elle était assez
ciblée. Ça ne touchait pas le reste. Merci.
(Fin à 13 h 14)