(Neuf heures seize minutes)
Mme Labrie : Depuis le
début, le gouvernement de la CAQ nous dit que l'éducation, c'est leur priorité
et que ça leur tient vraiment à coeur. Moi, quand je les regarde aller, je ne
les crois pas. Si ça leur tenait vraiment à coeur, l'éducation, ils
travailleraient en collaboration avec tous les partenaires du réseau. Ils
seraient à l'écoute des besoins du réseau. Ils seraient à l'écoute des
priorités du réseau puis ils travailleraient avec eux pour trouver des
solutions. Là, on a un gouvernement puis un ministre qui ont décidé de choisir eux-mêmes
c'était quoi, les priorités, par exemple la gouvernance, qui ont décidé
d'imposer leurs solutions sans écouter le réseau par rapport à ça. Le ministre
a brisé le lien de confiance avec le réseau parce qu'il n'a pas été à l'écoute
puis il a perdu des alliés qui sont essentiels, notamment les enseignants. Je
ne comprends pas comment il pense réussir à poursuivre son travail de ministre
de l'Éducation après avoir brisé le lien de confiance comme ça avec les
partenaires du réseau.
M. Nadeau-Dubois : De
manière plus générale, ce que des moments comme aujourd'hui démontrent, ce qu'ils
révèlent, c'est la conception de la démocratie qu'a ce gouvernement-là. On a un
gouvernement, de toute évidence, qui considère que le Québec, c'est un business
dont ils sont les P.D.G. Alors, quand ils trouvent qu'une commission
parlementaire dure trop longtemps, bien, ils ferment ça. Ils ferment la shop.
Quand ils trouvent que les élections scolaires, ça ne marche pas à leur goût,
bien, ils ferment ça. C'est l'attitude qui se répète de mois en mois. C'est le quatrième
bâillon en neuf mois.
Bref, c'est un gouvernement qui n'a pas de
considération réelle pour la démocratie. C'est un gouvernement qui lit les
sondages et qui se croit invincible, qui se dit : Ce n'est pas grave, on parle
au nom de tout le monde, et qui gouverne en croyant que 37 % des votes, ça
leur donne le mandat de faire ce qu'ils veulent avec le Québec puis ce qu'ils
veulent avec le Parlement. C'est regrettable. Je ne pense pas que c'est ça, la
culture politique que les Québécois veulent. Je ne pense pas que c'est comme ça
que les Québécois veulent que leur Parlement fonctionne. Et, pour le moment, la
Coalition avenir Québec a les yeux rivés sur les sondages et se dit : Ça
ne nous fera pas mal. Ce sera peut-être vrai, hein, à court terme. Mais je n'ai
aucun doute qu'à long terme les Québécois vont se tanner d'un gouvernement qui
marche sur tout le monde, comme ils se sont tannés de gouvernements semblables
dans le passé.
Mme Plante (Caroline) : Moi,
j'ai une question par rapport à ce que vous dites, la démocratie. Depuis ce
matin qu'on entend, là, que c'est un déni de démocratie. Les partis d'opposition
sont indignés. On dit que le ton du premier ministre Legault est profondément
inquiétant. Est-ce que vous voulez que le président de l'Assemblée nationale
intervienne?
M. Nadeau-Dubois : On va faire
tout ce qu'on peut aujourd'hui pour bloquer ce bâillon-là. On va utiliser tous
les arguments qu'on a. On va tenter de convaincre le président qu'il y a quelque
chose comme une dérive autoritaire depuis les derniers mois au gouvernement du
Québec. Je ne sais pas si on va réussir. Mais moi, je m'en remets aux Québécois.
On va les faire, les arguments auprès du président. On va les faire. Mais moi,
je m'en remets aux Québécois. Je pense que les Québécois, ce n'est pas ça
qu'ils souhaitent, un gouvernement qui marche sur tout le monde puis qui
n'écoute personne. Les Québécois sont un peuple de dialogue. Et je pense qu'à
terme, peut-être pas à court terme, mais à terme, à moyen, long terme, ils vont
finir par se tanner d'un gouvernement qui se pense tout permis et qui pense que
37 % des votes, au Québec, ça donne le droit de faire ce qu'on veut avec
le Québec.
Mme Plante (Caroline) : J'entends
ce que vous dites, mais le président, c'est ça, c'est le grand défenseur du
travail législatif, le grand défenseur de tous les députés. Alors, est-ce qu'il
a un rôle à jouer? Est-ce qu'il faut, à un moment donné, qu'il s'exprime sur
ça?
Mme Labrie : Il s'est déjà
exprimé dans le passé en défaveur des bâillons, hein, le président de l'Assemblée
nationale. Donc, assurément, il doit être assez mal à l'aise avec la dynamique
actuelle du gouvernement.
M. Bovet (Sébastien) : Mais il
était dans l'opposition. Il n'était pas président.
M. Nadeau-Dubois : Oui. Nous, je
vous le répète, on va les faire, les arguments. Puis le président, on va tenter
de le convaincre qu'une procédure d'exception, ça doit être une exception, et
que, quand ça devient la norme, quand ça devient une habitude, il y a une
dérive. On va les faire, ces arguments-là. On va tenter de le convaincre. Mais,
je veux dire, je serais bien mal placé aujourd'hui de dire que c'est la faute
du président de l'Assemblée nationale. C'est un choix politique d'imposer un
bâillon et c'est un choix politique d'imposer un bâillon à répétition.
M. Gagnon (Marc-André) :
Bloquer le bâillon, comment on peut faire ça?
M. Nadeau-Dubois : Comme je
l'ai dit, on va présenter un plaidoyer. On va présenter des arguments au
président de l'Assemblée nationale, tenter de le convaincre qu'il doit envoyer
un message que ce n'est pas acceptable. C'est ce que je voulais dire.
M. Gagnon (Marc-André) : En commission
parlementaire, on vous reproche, aux partis d'opposition, d'avoir fait du
blocage. Puis là, aujourd'hui, donc, il y a un bâillon, puis le jour du
bâillon, vous dites : On va essayer de bloquer le bâillon.
M. Nadeau-Dubois : M. Gagnon,
je pense que vous avez très bien compris ce que je voulais dire, là. Ce que je
voulais dire, c'est présenter un plaidoyer à la rubrique prévue dans le règlement
pour présenter un plaidoyer sur notre désaccord sur le bâillon, et on va
exercer ce droit-là comme opposition. Je pense, c'est très, très, très clair,
ce que je voulais dire.
Sur le fond, maintenant, est-ce que les
oppositions font du blocage en commission parlementaire? Le problème, c'est
que, dans une démocratie parlementaire, le juge de ça, ça ne devrait pas être
le gouvernement. Le gouvernement ne devrait pas dire : Deux heures, ça va,
cinq heures, ça va encore, 10 heures, ça commence à être long, et, bon, là, je
suis tanné, on ferme la shop. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, un
Parlement. Ce n'est pas comme ça que ça a fonctionné dans l'histoire du Québec
puis ce n'est pas comme ça que les Parlements, en général, fonctionnent. On
n'est pas dans une monarchie élective. On est dans une démocratie parlementaire
où les oppositions ont une job à faire. Et ce que François Legault démontre
fois après fois, c'est qu'il n'en a rien à faire, des oppositions. Rendu là, on
peut annuler la période des questions puis on peut fermer le Parlement si ça le
dérange tant que ça. On n'est pas dans une monarchie élective. On est dans une
démocratie. Ça, ça veut dire que les députés, ils ont des choses à dire.
Et M. Legault, oui, hier, il a retiré ses
propos. Il n'avait pas le choix de le faire en vertu de notre règlement. Mais
il a quand même dit une chose très claire. D'abord, ce qui est sorti
spontanément, c'est que les députés à l'Assemblée nationale perdent leur temps
en commission parlementaire. Et des lapsus comme ça, ce n'est pas un lapsus,
c'est révélateur du fond de sa pensée. C'est un premier ministre qui est
dérangé par les oppositions et le Parlement.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Dans
l'attitude, vous dites que, dans le fond, la Coalition avenir Québec n'a pas la
légitimité d'imposer un bâillon. Elle n'a que 37 % des suffrages. Et vous,
vous promettez un blocage parlementaire à l'automne si l'environnement n'est
pas au haut du pavé. Vous, c'est quoi, votre légitimité de faire ça?
M. Nadeau-Dubois : Nous, on va
utiliser nos arguments. On va utiliser ce que le règlement de l'Assemblée nous
permet pour faire valoir nos opinions.
M. Pilon-Larose (Hugo) : M.
Legault aussi utilise que le règlement à l'Assemblée le permet. Le bâillon,
c'est permis. C'est quoi, le problème?
M. Nadeau-Dubois : Le bâillon,
il est permis, en effet, en vertu de notre règlement. Il n'y a personne qui dit
ici que ce que M. Legault fait, c'est illégal. Ce qu'on dit, c'est que c'est
illégitime. C'est que, du point de vue de la légitimité politique, utiliser une
procédure qui est censée être une procédure d'exception sur une base régulière,
c'est peut-être respecter la lettre du règlement, mais ce n'est pas respecter
son esprit.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Mais vous,
promettre un barrage parlementaire, c'est-u légitime?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
pense que les Québécois nous ont élus pour faire de la question des changements
climatiques une priorité politique. C'est le mandat, je pense, qu'on a, à Québec
solidaire, comme opposition. Donc, oui.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Vous
dites qu'à 37 % M. Legault n'a pas la légitimité de faire un bâillon.
M. Nadeau-Dubois : À répétition.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Alors, c'est quoi, votre légitimité de faire un blocage?
Mme Labrie : On a voté ici...
M. Nadeau-Dubois : Nous, notre
légitimité de parler des changements climatiques... Je pense que le mandat, il
a été très clair lors de la dernière élection générale. Utiliser une procédure
d'exception pour bâillonner les oppositions, le faire à répétition, je pense,
c'est détourner l'esprit de cette procédure-là qui est censée être une procédure
d'exception, donc exceptionnelle, quand il y a des situations d'urgence. En ce
moment, même les directions d'établissements le disent, qu'on aurait eu au
moins jusqu'à la mi-mars pour adopter le projet de loi. La raison pour laquelle
le bâillon est utilisé, ce n'est pas parce qu'il y a une nécessité objective, c'est
parce qu'il y a une... On a un ministre et un premier ministre qui sont
indisposés par les arguments des oppositions.
M. Bovet (Sébastien) :
Bloquer le Parlement, ce n'est pas détourner l'esprit du verdict des Québécois?
Mme Labrie : Bien, vous
savez, on a adopté ici, l'automne dernier, à l'unanimité, la déclaration
d'urgence climatique. On a reconnu qu'il y avait une situation d'urgence par rapport
à l'environnement. Tous les partis l'ont reconnu. La population, ici, au Québec,
le reconnaît. Et, face à ça, on a un gouvernement qui n'a posé aucun geste, qui
ne pose aucun geste pour répondre à cette situation d'urgence.
M. Bovet (Sébastien) :
...s'en vient avec un plan réduction des gaz à effet de serre. Vous ne voulez
pas le juger là-dessus avant de décréter qu'il y aura un blocage?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
c'est exactement ce qu'on dit.
Mme Labrie : Assurément,
c'est ce qu'on a dit qu'on ferait.
M. Nadeau-Dubois : C'est une
bonne question.
M. Bovet (Sébastien) :
M. Legault promet une réforme des travaux parlementaires, O.K.? Il dit
essentiellement : Les travaux en commission parlementaire pourraient être
modifiés, moi, je pourrais, en échange, donner plus de temps pour répondre aux
questions des partis d'opposition. Et il dit : L'unanimité est nécessaire
pour aller de l'avant avec la réforme des travaux parlementaires. Est-ce que je
comprends que vous allez défendre le statu quo?
M. Nadeau-Dubois : Jamais
Québec solidaire ne va défendre le statu quo à l'Assemblée nationale du Québec.
Le Parlement québécois a besoin d'une grande réforme, d'une réforme axée sur la
transparence, sur la démocratie, sur la participation citoyenne, sur un
meilleur équilibre des pouvoirs. Et vous allez toujours trouver Québec
solidaire dans les camps qui veulent transformer en profondeur la démocratie
québécoise et l'Assemblée nationale, qui est son institution principale. Alors,
jamais Québec solidaire ne va défendre le statu quo.
Maintenant, qu'est-ce qu'on fait avec la
réforme parlementaire? Est-ce que l'objectif de la réforme parlementaire, c'est
de transformer l'Assemblée nationale en machine à saucisse pour sortir des
projets de loi plus vite? Si c'est ça, l'objectif, nous, on n'est pas
intéressés à aller dans cette direction-là. Si on veut un Parlement plus
transparent, plus démocratique, qui laisse plus de place aux citoyens et aux
citoyennes, qui instaure un meilleur équilibre des pouvoirs, je veux dire, on
va contribuer à ça avec toute notre énergie puis tout notre enthousiasme. Vous
comprendrez que, quand on fait quatre bâillons en neuf mois et qu'après on tend
la main en disant : On veut revoir comment fonctionne le Parlement, ce n'est
pas la meilleure manière de procéder pour placer les oppositions dans des
bonnes dispositions.
Ceci étant dit, on va attendre les
propositions de réforme parlementaire. Nous aurons aussi des propositions de
réforme parlementaire. On va s'asseoir autour de la même table puis on va essayer
d'arriver à un résultat qui va rendre le Parlement plus efficace pas pour le
gouvernement, plus efficace pour les citoyens puis les citoyennes du Québec,
parce que c'est ça, l'important.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Seriez-vous favorables, comme ça se fait au Parlement fédéral à Ottawa, par
exemple, qu'un ministre ne soit pas forcé de se rendre en commission
parlementaire pour débattre pendant des heures d'un projet de loi qu'il dépose,
que son adjoint parlementaire pourrait s'occuper du débat?
M. Nadeau-Dubois : J'ai
entendu cette piste de réflexion là être lancée par le gouvernement et j'ai de
la misère à répondre directement à votre question parce que, quand on fait une
réforme parlementaire, je ne crois pas qu'on peut se positionner sur des
éléments à la pièce, parce que l'important, c'est l'équilibre global, dans le Parlement,
entre le pouvoir, les oppositions, les citoyens, citoyennes. Donc, il faut
envisager la réforme de manière globale. Alors, dire : Est-ce que les ministres
pourraient être remplacés dans certaines commissions parlementaires?, dans
l'absolu, ça pourrait être quelque chose d'intéressant. Mais il ne faut pas que
ça devienne une manière pour les ministres de se dégager de leur responsabilité
de répondre directement aux oppositions.
Donc, c'est pour ça qu'on ne peut pas
faire une réforme à la pièce. C'est pour ça qu'on ne peut pas faire non plus
une réforme à coup de communiqués de presse ou de mêlées de presse. Il faut un
travail collaboratif, global, qui tient en compte l'équilibre général des
pouvoirs. Parce que vous pourriez me poser, par exemple, la même question sur
l'étude des crédits. Est-ce que l'étude des crédits est un exercice efficace et
optimal? Non. Je pense que ça, il y a plutôt un consensus. Mais par quoi on le
remplace? Et comment, dans cette transformation-là, on préserve, puis moi, je
dirais même, on améliore, l'équilibre entre le pouvoir et les oppositions?
Chacun de ces éléments-là ne peut pas être considéré séparément. Il faut le voir
globalement. Puis c'est pour ça que nous, on va s'engager avec énormément
d'enthousiasme dans une réforme parlementaire, dans la mesure où c'est une
réforme qui vise à rendre le Parlement non pas plus efficace pour le seul
gouvernement, mais plus efficace pour la démocratie québécoise en général.
Une voix
: Je suis
désolée, M. Nadeau-Dubois doit retourner rapidement en Chambre. Donc, il a le
temps pour une ou deux questions maximum, rapidement, en anglais, s'il y en a.
Mme Fletcher (Raquel)
: So we're talking about the fourth
closure in our nine months here, and it seems to be the same story every time.
The Government accuses the opposition of blocking. The opposition accuses the
Government of not answering questions. It's dysfunctional, the way the system
is running. We talked about the Speaker of the House, but I'm wondering if the
president of the commission should also take on some of the blame. Isn't that
her job the make sure that the commissions are running efficiently?
M. Nadeau-Dubois :
The job of...
Mme Fletcher (Raquel) : La présidente de la commission.
M. Nadeau-Dubois :
I think the presidents of the parliamentary commissions have a role to make
sure that our rules here are respected, but it's not their job to judge the
arguments that are made by the oppositions or by the Government.
Mme Fletcher (Raquel) : You say it's not the role of the Government either to... So who is
the judge to say... Does there need to be someone there who is appointed to say :
OK, this is when we know for sure that work is stalling?
M. Nadeau-Dubois :
That's going on a pretty slippery slope, you know, because who can be the judge
of what debate has its place and which debate is out of
order? There's a role in the question period. There is a role inside the
parliamentary commissions. But that's once again an
example that those issues cannot be examinated independently from each other.
If we want to reform the Parliament, we will always be on the side for more
democracy, more transparency and more proximity between the citizens and the
political class. But we need to do this in a synthetic way, that we preserve
and we encourage a better equilibrium between the Government and the oppositions
and between the executive power and the legislative branch. Those things have
to be considered as a whole. We cannot slice the issue and have an opinion on
each of them because they're all interrelated.
Mme Fletcher (Raquel) : But, right now, is it dysfunctional?
M. Nadeau-Dubois :
The parliamentary commissions are not dysfunctional right now. What is
dysfunctional is the Government's conception of democracy that finds
oppositions unbearable.
Une voix
:
Une dernière question. Je m'excuse.
Journaliste
: Just very quickly. What is Québec solidaire going to do today to try... I mean, the CAQ is exercising its right
to invoke closure. What is Québec solidaire...
M. Nadeau-Dubois : We're going to exercise our rights to make a plea to the Speaker of
the House, to make arguments to the Speaker of the House and try to sensibilize
him to the fact that a procedure such as closure is meant to be exceptional.
When it is invoked time after time, repeatedly, month after month, I think we
are going away from why this procedure is inside our rules. It's not to
systematically shut down the opposition. It is meant to adopt the bill when
there is an objective necessity to pass that bill rapidly. And that is not the
case right now with this bill today.
Une voix
: Merci
beaucoup.
M. Nadeau-Dubois : Désolé, ça
sonne.
(Fin à 9 h 32)