(Onze heures cinq minutes)
Le Modérateur
: Alors,
bienvenue à cette conférence de presse de la Vérificatrice générale du Québec,
Mme Guylaine Leclerc. Mme Leclerc va prendre la parole, faire une allocution,
et on va prendre... je vais diriger par la suite la période réservée aux
journalistes. Mme Leclerc.
Mme Leclerc (Guylaine) :
Merci. Alors, mesdames messieurs, bonjour. C'est avec plaisir que je suis avec
vous aujourd'hui pour vous présenter les résultats des travaux que nous avons
menés au cours des derniers mois, à la demande du gouvernement, concernant la
gestion et les agissements de la Société des traversiers du Québec portant sur
le navire F.-A.-Gauthier. Vous trouverez les détails de ceux-ci dans notre
rapport que nous avons déposé cet avant-midi à l'Assemblée nationale. Pour
l'occasion, je suis accompagnée de M. Serge Giguère, sous-vérificateur général,
et M. Martin St-Louis, directeur principal.
Notre audit avait pour objectif de
déterminer si la STQ a pris les décisions pertinentes et a accompli les actions
nécessaires concernant la planification du projet et l'exécution du contrat de
construction, de manière à s'assurer de la qualité du navire F.-A.-Gauthier. Je
souligne ici que, dans le cadre de nos travaux, nous avons eu recours à
l'expertise de deux architectes navals et avons rencontré plusieurs armateurs
privés et publics afin de bien connaître les pratiques de l'industrie et être
en mesure d'apprécier la gestion du projet effectué par la STQ.
Tout d'abord, force est d'admettre que la
STQ n'avait pas toutes les compétences pour mener à bien le projet de
construction d'un navire de l'envergure du F.-A.-Gauthier et n'a pas réussi à
se doter des ressources nécessaires pour pallier à ce manque. En effet, la
structure de gestion du projet s'appuyait sur des ressources externes n'ayant
pas les qualifications exigées ou qui n'ont pas pris part à l'ensemble des
étapes importantes du chantier. Par exemple, le chargé de projet ne répondait
qu'à deux des exigences de l'appel d'offres.
Pour ce qui est de l'architecte naval, la
STQ s'est privée d'une expertise importante pour la surveillance des travaux
puisqu'ils ont résilié le contrat avec le consortium d'architectes navals sans
prendre aucune mesure pour le remplacer au cours de la période de construction.
Notre analyse démontre également que l'équipe de la STQ dépêchée en Italie pour
surveiller la construction du navire au sein du chantier de l'entreprise
Fincantieri était en nombre insuffisant pour suivre la cadence des travaux de
construction.
Certains ont pu assister à des étapes
importantes du projet qui les concernait, d'autres ont effectué des tâches qui
ne faisaient pas partie de leur champ d'expertise. Par conséquent, la STQ a dû
s'appuyer sur le processus d'assurance qualité du chantier et sur la
certification de la société de classification. Toutefois, se fier uniquement à
ces deux mécanismes de contrôle est insuffisant et ne correspond pas aux
pratiques observées dans l'industrie navale.
Nous avons également constaté que le
processus choisi pour sélectionner le constructeur n'était pas arrimé aux
pratiques de l'industrie navale. Le processus d'appel d'offres déterminé par la
STQ et approuvé par le Conseil des ministres comportait des écarts importants
par rapport aux pratiques de l'industrie. Il incluait des limitations qui ont
pu être perçues comme contraignantes par les constructeurs potentiels. Au
total, 16 entreprises avaient été identifiées, mais seulement trois ont
soumissionné et une seule a été déclarée conforme par la STQ.
Nous avons également constaté que la STQ
n'a pas réussi à faire respecter ses droits et tire avantage de plusieurs
éléments de négociation avec le constructeur. Nous avons identifié quelques
situations pour lesquelles des négociations ont eu cours avec le constructeur.
Dans toutes ces situations, la STQ ne s'est pas prévalue de toutes les clauses
prévues à son contrat pour faire respecter son devis technique, exiger la
correction des problématiques ou respecter la date de livraison. Par exemple,
elle a conclu des ententes plutôt que d'utiliser la garantie pour faire
corriger certains défauts, tels que des panneaux de cloison fissurés. Ainsi, la
date de livraison du navire qui était prévue au contrat a été repoussée de
quelques mois. Une pénalité de 3 850 000 $ aurait pu être
imposée au constructeur, mais la STQ ne s'en est pas prévalue.
Enfin, plus de 50 défauts jugés non
corrigibles par le constructeur n'ont pas été réparés ou compensés
financièrement par ce dernier. Plusieurs de ces défauts ont un impact sur la
qualité du navire ainsi que sur l'efficacité et la sécurité des opérations.
L'acceptation d'un grand nombre de défauts de cette nature représente un
manquement aux responsabilités qui incombaient à la STQ afin de s'assurer de la
qualité du navire.
Nous avons finalement constaté que les
mesures mises en place par la STQ pour atténuer les risques en cas d'arrêt de
service pour une traverse essentielle se sont avérées insuffisantes, ces
risques étant d'autant plus importants que la STQ avait décidé d'inclure des
technologies innovantes à l'intérieur du navire comme des propulseurs adaptés
pour répondre aux besoins spécifiques de la STQ. Ces derniers se sont brisés et
ont dû être changés pour un coût supérieur à 5 millions de dollars.
D'ailleurs, les bris en lien avec ces propulseurs ont occasionné une rupture de
service du traversier pendant 13 mois, ce qui a engendré des coûts de
22,2 millions de dollars, en sus du 170 millions de dollars pour
l'acquisition du navire.
Je suis maintenant prête à répondre à vos
questions en lien avec ma présentation.
Le Modérateur
: Alors,
on va y aller immédiatement avec Fanny Lévesque, de LaPresse.
Mme Lévesque (Fanny) :
Mme Leclerc, qu'est-ce qui vous... Après enquête, on comprend qu'il y a,
bon, une série de manquements, mais qu'est-ce qui vous a... qu'est-ce qui vous
frappe le plus de cette enquête-là dans la conception et dans votre audit, là?
Qu'est-ce qui est plus frappant pour la Vérificatrice générale?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Ce que j'ai trouvé le plus surprenant, c'est que, pour un navire qui requérait
quand même une grande expertise, donc c'est le premier d'une flotte, hein,
c'est... il est fait sur mesure, il a une technologie qui est de haut niveau et
il se doit de bien fonctionner dans des glaces ici, au Québec, alors qu'on ne
se soit pas dotés de personnel compétent, et qu'on ne se soit pas adjoint
suffisamment de gens qui puissent inspecter les travaux sur place, et qu'on ait
arrêté le contrat avec les architectes navals avant que ceux-ci puissent
travailler en Italie avec l'équipe d'inspection…
Et aussi ce qui me surprend aussi
beaucoup, c'est le fait qu'il n'y ait pas eu de vérification diligente. On a
donné... On a envoyé 16 lettres d'intention. On a reçu 11 groupes,
qui se sont manifestés, intéressés. On en a qualifié huit. Et, de ces huit-là,
il n'y en a seulement que trois qui ont soumissionné. Et, pour des éléments
administratifs, je vous dirais, il y en a deux qui ont été rejetés. Donc, il
n'en restait plus qu'un, et le seul qui restait, le chantier n'était pas
identifié, donc, et on n'a identifié le chantier seulement que cinq mois après
la signature du contrat, et on n'a jamais été faire une vérification sur place
pour s'assurer du contrôle de qualité qui était décrit dans l'appel d'offres.
Alors, je vous dirais, là, en gros, là,
c'est ce qui me surprend le plus, c'est à quel point on n'a pas mis tous les
éléments nécessaires pour s'assurer d'avoir un navire de qualité.
Mme Lévesque (Fanny) : Au moment
où on arrive puis il nous reste un soumissionnaire conforme, et dans les
conditions que vous venez d'évoquer, qu'est-ce qu'aurait dû faire la STQ à ce
moment-là?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
il y a plusieurs solutions qui auraient pu être envisagées. Premièrement, on
aurait pu continuer avec lui, mais aussi on aurait pu se poser la question sur
les deux autres qui ont été identifiés comme non conformes : est-ce que
c'était majeur, O.K.? Dans un des cas, c'est parce qu'on n'avait pas distingué
le détail du prix, je vous dirais, là. Donc, il fallait détailler le prix en
différentes étapes, ce qu'on n'avait pas fait. Puis, pour l'autre, c'était
aussi anodin, je pense, c'était la garantie qui était insuffisante.
Donc, première chose, on aurait pu faire
ça. On aurait pu aller voir les deux autres, surtout qu'on avait préqualifié
Fincantieri, malgré qu'ils n'avaient pas identifié le chantier spécifique lors
de la préqualification, ce qui aurait dû, dès cette étape-là, ne pas être
conforme. Alors, je vous dirais que, dans un premier temps, on aurait pu
regarder les trois. On aurait pu retourner en appel d'offres aussi pour... et
en corrigeant certains éléments, je vous dirais, là. Donc, il y avait d'autres
solutions, là. Mais la plus importante, ça aurait été d'aller sur place et de
s'assurer du processus de contrôle de qualité et s'assurer que le chantier qui
était finalement identifié pouvait bien répondre aux besoins de la STQ.
Le Modérateur
: Mylène
Crête, du Devoir.
Mme Crête (Mylène) :
Vous avez souligné tout à l'heure, dans votre mot d'ouverture, là, que ça avait
été approuvé par le Conseil des ministres. Je me demandais est-ce qu'il y avait
des drapeaux rouges, par exemple, que le ministre des Transports, à l'époque,
aurait pu identifier ou aurait pu...
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
je vous dirais qu'un des principaux problèmes du mode d'appel d'offres qui a
été identifié, c'est qu'on est allés avec une approche mixte, c'est-à-dire en
partie comme nos contrats au gouvernement du Québec se font et en partie comme
ça se fait au niveau de l'industrie navale. Et, de l'audit que nous avons
réalisé, ce n'était pas une bonne approche parce que, d'exiger une certaine
forme de documentation qu'on exige ici, au Québec, ça pouvait rebuter certains
constructeurs d'appliquer pour la construction du navire. Alors, c'était...
Donc, dans un premier temps, on aurait peut-être dû s'assurer que ça
correspondait à la pratique de l'industrie navale.
Mme Crête (Mylène) :Est-ce que le fait que le chantier était en Italie, ça a
contribué... Vous dites qu'il n'y avait pas suffisamment d'employés sur place
pour faire les inspections, la surveillance du chantier. Mais est-ce que le
fait qu'il était en Europe, ça a contribué à cette situation-là? C'est assez loin.
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
c'est qu'on était à l'époque où le gouvernement a demandé de limiter les
déplacements. Alors, on n'a identifié que quatre personnes pour des inspections
spécifiques, donc inspections en structure, mécanique, électricité et
électronique, et toutes les infrastructures à l'intérieur, là, cuisine et tout
ça. Donc, il y avait quatre grandes spécialités. Donc, on avait quatre
personnes plus le chargé de projet, ce qui était insuffisant parce que chacune
de ces personnes-là revenait au Québec pour huit semaines et deux semaines, qui
allaient... et revenaient au Québec pour deux semaines puis allaient en Italie
pour huit semaines, ce qui fait que ces personnes-là devaient être remplacées à
un certain moment donné puis ne pouvaient pas suivre la cadence.
Donc, il aurait fallu qu'il y ait plus de
gens qualifiés sur place pour pouvoir suivre la cadence puis pouvoir se
remplacer l'un et l'autre. Et, à cause du niveau de risque que je vous
expliquais tout à l'heure, c'est-à-dire que c'est un navire qui est fait sur
mesure, avec une technologie innovante, qui est installé... qui va traverser
dans des glaces qui sont importantes, bien, c'est important d'avoir un
processus d'inspection et de contrôle de qualité, de la Société des traversiers,
qui soit suffisant, ce qui ne l'était pas.
Le Modérateur
: Charles
Lecavalier, Journal de Québec.
M. Lecavalier (Charles) :
Oui, bonjour. Juste pour revenir à la question de Mme Lévesque. Dans le
fond, si je comprends bien, là, dans l'appel d'offres, il y a eu une espèce de
passe-droit qui a été donné à Fincantieri, qui ne répondait pas au processus
administratif parce qu'il n'avait pas identifié le chantier, mais on a exclu
les deux autres pour des raisons, disons, bureaucratiques semblables. Alors,
est-ce que ça ne donne pas l'impression justement qu'il y a un passe-droit qui
a été donné à Fincantieri?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne
peux pas parler de passe-droit parce que ce n'est pas à la même étape.
C'est-à-dire qu'où on aurait dû identifié le chantier, là, on aurait dû exiger
l'identification d'un chantier, c'est à la préqualification. Donc, on avait
envoyé des lettres d'intention. On a reçu des réponses. C'est dans ces
11 réponses là que Fincantieri était et puis qui avait... où il n'y avait
pas identifié adéquatement le chantier, avait présenté tous ses chantiers. Puis
là, après ça, là, on a continué le processus, et, à la fin, on a trois
soumissions, dont deux qui sont identifiées comme non conformes pour des
éléments plus administratifs, là, je vous dirais, et qui n'étaient pas axés la
qualité.
M. Lecavalier (Charles) : Un
autre élément de votre rapport que j'ai trouvé assez frappant, là, c'est le
fait que la STQ avait des garanties qu'elle aurait pu exiger au contrat, des
pénalités de retard qu'elle aurait pu exiger au contrat, puis elle ne l'a pas
fait. Alors, c'est sûr que, pour nous… Je ne connais pas bien cette industrie-là,
je me dis : Si je m'achète une auto neuve, puis que j'en prends
possession, puis que le pare-brise est fissuré, puis que le toit se décolle,
etc., je vais exiger que le véhicule neuf soit en parfait état. C'est quand
même étonnant. Vous, quand vous êtes allée voir, là, les armateurs, que vous
avez consulté, etc., vous avez soumis que la STQ n'a pas fait valoir ses
droits, comment ont-ils réagi?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
ce qui arrive, c'est qu'il faut comprendre que ça arrive qu'il y ait des problèmes,
hein, sur un navire. Mais qu'il y en ait autant, ça, c'est assez imposant, je
vous dirais, là. Puis le fait que... c'est plus le manque d'expérience, je vous
dirais, de la STQ. Ils n'étaient pas en mesure de bien négocier parce qu'ils
n'avaient pas la compétence. Les gens qui négociaient pour régler ces problèmes-là
n'avaient pas la compétence, donc, et n'avaient pas, dans certains cas, l'information
pour bien négocier. Donc, ou ils n'avaient pas l'information ou ils n'avaient
pas la compétence pour bien négocier. Alors, c'est pour ça que, bien, il n'y a
eu aucune compensation, à venir jusqu'à maintenant, qui soit acceptable.
M. Lecavalier (Charles) :
Mais vous, vous avez consulté des armateurs. Comment ont-ils réagi?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
peux peut-être laisser répondre Martin pour ce... Martin qui est directeur
principal, qui était responsable du rapport.
M. St-Louis (Martin) : Bien,
c'est certain que la pratique dans l'industrie, c'est lorsqu'il y a plus
d'expérience ou plus de connaissance des causes parce que, souvent, le litige…
va identifier la cause. Bien là, on présente... pour les moisissures, là. Les
moisissures, c'est un exemple parfait. On explique qu'il y a des moisissures
qui apparaissent quatre mois après la livraison du navire. On identifie... On
devient en litige. Eux, ils disent qu'il y a eu une mauvaise application du
contrôle de l'air dans le bateau qui aurait pu être la cause.
Donc, la cause, elle devient un peu
litigieuse, Puis, lorsque tu n'as pas la connaissance... Puis, dans ce cas-là,
ce qu'on vient dire, c'est qu'il y a eu une expertise qui a été demandée pour
identifier les moisissures dans le navire, mais on n'a pas essayé d'avoir toute
l'information pour pouvoir appuyer la cause. Est-ce que ça venait du fabricant,
du constructeur ou de l'entretien du navire pendant les quatre mois? Quatre
mois, c'est quand même assez court. Donc, c'est vraiment la difficulté qui se
présentait pour la STQ, manque de connaissances, manque d'information pour
pouvoir bien faire valoir ses droits.
M. Lacroix (Louis) : S'il y a
d'autres questions, on va continuer parce qu'on n'est pas très nombreux, mais j'ai
une question, moi personnellement. Est-ce que le principe du plus bas
soumissionnaire dans une situation comme celle-là est nécessairement la
meilleure solution, à votre avis, à la lumière de ce que vous constatez, là?
Quand on y va avec le plus bas soumissionnaire conforme, est-ce qu'on est sûrs
d'avoir le meilleur rapport qualité-prix, mettons?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
dans ce cas-là, premièrement, le plus bas soumissionnaire, ce n'est pas la
pratique de l'industrie navale. L'industrie navale, elle va visiter... elle va
négocier avant avec les constructeurs. Donc, ça, c'est la première chose. Mais,
dans ce cas-ci, ce n'était même pas une question du plus bas soumissionnaire,
il y en avait juste un. Il aurait été plus cher que la société en France ou que
la société en Finlande, bien, c'était le seul qui a été identifié comme
conforme.
M. Lacroix (Louis) : Et vous
avez noté... En fait, il y avait 54 défauts, là, qui sont quand même assez
importants, là.
Mme Leclerc (Guylaine) : Des
défauts non corrigibles.
M. Lacroix (Louis) : Des
défauts non corrigibles, c'est ça. À la lumière de ça, est-ce que vous
considérez que la STQ en a eu pour son argent avec les 170 millions? D'abord,
il y a déjà des dépassements de coûts là. Mais, en plus, avec tout ce que ça a
causé, est-ce qu'on en a eu pour notre argent? Et est-ce que c'est un citron, dans
le fond, parce que c'est des défauts non corrigibles?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Bien, c'est certain qu'on ne peut pas parler ici de valeur par rapport au prix,
mais tout ce qu'on peut dire, c'est qu'à très, très, très court terme, après la
mise en service du navire, bien, il y a eu des problèmes majeurs qui ont
engendré des coûts très, très importants. Il faut comprendre que les
54 défauts non corrigibles, bien, ça, ça arrive qu'il y ait des défauts
non corrigibles, puis ça, on en a parlé aux armateurs, puis ça, c'est des
choses qui arrivent. Mais qu'il y en ait autant et qu'on décide d'avoir très,
très peu en compensation, alors ça, c'est plus surprenant.
Le Modérateur
: Est-ce
que, Fanny…
Mme Lévesque (Fanny) :
Je veux juste revenir sur l'appel d'offres, là. On ne peut pas parler de
passe-droit, là, mais, au-delà du fait que l'appel d'offres n'est pas collé à
l'industrie navale, est-ce que vous avez remarqué que... Comment on pourrait
décrire ce processus d'appel d'offres là? Est-ce qu'il a été non conforme?
Est-ce qu'il a été... Comment vous...
Mme Leclerc (Guylaine) :
Le processus d'appel d'offres était conforme. C'est-à-dire, on est allés avec
un processus mixte qui a été approuvé par le Conseil des ministres. Donc, on a
accepté, via décret, de déroger au processus d'appel d'offres qu'on a au
Québec. Mais, plutôt que d'y aller avec ce que fait l'industrie navale, on a
décidé d'y aller avec une approche mixte qui exigeait une certaine forme de
documentation, je vous dirais, et qui pouvait faire peur aux armateurs.
Mme Lévesque (Fanny) :
Puis est-ce que, dans le processus, vous avez noté qu'il y a eu... parce que ça
s'est quand même échelonné sur plusieurs mois, est-ce qu'il y a eu un moment où
la STQ aurait pu lever la main puis dire : Là, il y a des problèmes?
Est-ce qu'ils ont, à un moment donné, noté quelque chose que, là, ça ne se
passait pas comme ça devait? Sur le chantier, il manquait de surveillance.
Est-ce qu'ils ont fait part à un moment donné de ces préoccupations-là ou pas
du tout?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Oui. Bien, les inspecteurs sur le chantier faisaient des avis de défectuosité.
Dans certains cas, les avis de défectuosité ont été transmis au constructeur
pour correction. Dans certains cas, ils ne l'étaient pas. Il y a eu, de la part
d'un des inspecteurs, une communication avec l'équipe de gestion de projet qui
était à Québec pour aviser que, bien, il y avait un problème, là, avec son
chargé de projet — j'ai dit l'équipe de chargés de projet à Québec? L'équipe
de gestion de projet de Québec — pour dire qu'il y avait un problème
avec le chargé de projet. Et c'est là qu'arrive toute une série d'événements.
Là, on rapatrie l'inspecteur au Québec et puis on le met en congé pendant deux
semaines. On le rapatrie en Italie et ,finalement, bon, bien, on le congédie.
On met fin à son contrat, c'est-à-dire, je devrais dire. Alors, oui, il y a eu
des tentatives de mentionner qu'il y avait des problèmes, mais ça n'a pas été
entendu.
Mme Lévesque (Fanny) : Est-ce
que la STQ a fermé les yeux, à votre avis, sur le problème?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne
peux pas dire qu'elle a fermé les yeux. Nous, on a très peu de documentation.
Puis, peut-être, si tu veux rajouter des choses, tu n'hésites pas, là, mais ce
qu'on a constaté, nous, c'est qu'il y avait peu de documentation pour supporter
un dossier, pour mettre fin au contrat d'un inspecteur qui, lui, ce qu'il
faisait, c'est qu'il... c'est son rôle, hein, de pouvoir identifier des
problématiques.
Alors, est-ce que tu veux ajouter quelque
chose?
M. St-Louis (Martin) : Bien…
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui?
Bien, vas-y.
M. St-Louis (Martin) : Un
élément qui est important, c'est qu'on mentionne... c'est dans une section où
on parle de la gouvernance. On dit qu'il y a plusieurs... Dans la gestion des
risques, il y a des risques qui étaient identifiés… qui étaient fermés sans que
les mesures soient prises. Puis on donne l'exemple, là, qui est assez important,
c'est lorsqu'on a mis fin au contrat avec l'architecte naval. Avant la
construction... Dès le début de la construction, c'était identifié comme un
risque majeur, puis on devait retourner en appel d'offres, ce qu'on n'a pas
fait puis qu'on n'a pas avisé la gouvernance. Donc, le suivi de la gestion des
risques se faisait, mais l'information n'était pas toujours communiquée aux
hautes instances, puis là je parle du conseil d'administration. Puis ça, on a
une page là-dessus qu'on aborde cet enjeu-là, cette difficulté-là.
Le Modérateur
: Charles
Lecavalier.
M. Lecavalier (Charles) :
Vous avez regardé un peu plus près le suivi que faisait, par exemple, le côté
administratif du gouvernement du Québec ou le Conseil des ministres par rapport
à la STQ, dans le sens qu'à la STQ c'était une acquisition majeure, ce
bateau-là, qui dépassait beaucoup l'ampleur de cet organisme-là. Donc, est-ce
qu'il y a eu un suivi adéquat du gouvernement du Québec envers ce projet-là ou
ils ont appris ça, là, après deux ans, à la toute fin? Je ne sais pas si vous
saisissez ma question?
Mme Leclerc (Guylaine) : Bien,
il faut savoir que la Société des traversiers avait monté un bon dossier
d'affaires avant de démarrer le projet. Alors, contrairement au dossier RENIR,
il y a trois semaines, que je vous ai présenté, où il n'y avait pas de dossier
d'affaires, dans ce cas-ci, il y avait un bon dossier d'affaires :
identification des besoins, identification des nouvelles technologies qui
devraient être utilisées. Donc, c'est basé sur ce dossier d'affaires là que le
gouvernement du Québec a pris sa décision. Et, après ça, bon, bien, après,
nous, notre travail, c'est… bien, pas c'est limité, là, mais c'est fait auprès
de la Société des traversiers. Et, comme vous le savez, là, on a fait notre
travail en conséquence.
M. Lecavalier (Charles) : Sur
les propulseurs, vous mentionnez aussi dans le rapport que, bon, déjà, la STQ
n'était pas présente, là, lors des tests de propulseurs en usine, mais que, par
la suite, vous laissez entendre que la STQ n'aurait pas fait correctement
l'entretien des propulseurs puis d'autres éléments du bateau. J'aimerais ça que
vous me parliez un peu de cet entretien déficient là.
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui.
Bien, il y a deux choses, là. C'est vrai que la STQ n'était pas présente, ce
qui lui aurait permis de pouvoir poser des questions puis de mieux connaître
cet élément qui est fondamental. D'autre part, on n'est pas en mesure de savoir
s'il y a eu un changement d'huile lors de... avant le lancement du navire, ce
qui aurait permis de s'assurer qu'on a de l'huile propre et qu'on n'ait pas de
particules métalliques comme on a trouvé suite à ce qu'on a enlevé les
propulseurs. Donc, ça, on n'est pas en mesure de savoir si ça a été fait ou non
parce que la documentation est manquante.
Et ensuite la STQ a fait un rapport interne
qui dit qu'elle n'a pas suivi les éléments d'entretien préconisés par le
fabricant de façon régulière, alors ce qui fait que, si on avait appliqué les
éléments d'entretien requis par le fabricant, bien, ça aurait peut-être permis
à la STQ d'identifier les particules métalliques avant qu'il y ait trop de
bris. Alors, c'est ce qu'on mentionne dans notre rapport.
Le Modérateur
: Est-ce
que ça va? Est-ce qu'on peut passer en anglais? Vous avez d'autres questions en
français? Ça va?
Mme Lévesque (Fanny) : Bien,
au final, là, est-ce que vous jugez que la STQ a failli à ses devoirs dans ce
dossier-là?
Mme Leclerc (Guylaine) : Je
vous dirais que c'est une expérience à ne pas répéter.
M. Lecavalier (Charles) :
…question autrement. Est-ce qu'ils ont fait quelque chose de bon?
Mme Leclerc (Guylaine) : Oui,
le dossier d'affaires.
M. Lecavalier (Charles) : O.K.
Mme Leclerc (Guylaine) : Le
dossier d'affaires, oui, ils avaient un très bon dossier d'affaires avant parce
que le choix, O.K., du navire, c'était correct, là, tu sais, puis, pour qu'il
réponde aux besoins, alors ça, c'était correct. Donc, ils avaient un très bon
dossier d'affaires. C'est après ça. Je vous dirais, c'est à partir du moment
où... Tu sais, bon, il y a le courtier, qu'on n'a pas utilisé pour la
négociation, qu'on n'a pas utilisé pour la vérification diligente. Il y a
l'architecte naval qu'on a mis fin au contrat... Il n'a fait que la première
phase, c'est-à-dire les assister pour le devis préliminaire, mais n'a pas été
sur place, ne s'est pas assuré de la qualité. Et, troisièmement, bon, bien, il
y a le chargé de projet qui n'avait pas l'expertise et la compétence qui
étaient requises dans l'appel d'offres pour pouvoir jouer ce rôle-là qui était
un rôle très, très important.
Le Modérateur
: On va
maintenant passer aux questions en anglais avec Cathy Senay, de CBC.
Mme Senay
(Cathy) : Good day. Bonjour. I followed this
story along the years and I watched Enquête, and you all watched it, I'm
sure you did, many times. What I was wondering is the… Well, the STQ is saying
what they've done at the end of the report, and you highlighted all the several
mistakes that were made along the way and do you have
the impression that now the STQ has the qualified staff to oversee the next
step and the ongoing repairs that the society has to do for the F.-A. Gauthier and the rest of its fleet? Do you
have the impression that they are solid enough now?
Mme Leclerc (Guylaine) : Well, what they mentioned in their comments, because, at the end of
our report, there are their comments, they say that they have done a review of
the actual F.-A. Gauthier by the firm Hayes & Stuart, and the experts say
that it's in good condition, OK? That is the first
thing. For the future, what the STQ mentioned is that they have put in place an
optimization plan, operational optimization plan that has been elaborated, and
they are in the process to put it in place and they took… Ils ont pris acte,
they took act of the…
Mme Senay (Cathy) : They're aware now, they've noted your recommendations?
Mme Leclerc (Guylaine) :
Yes, they noted our recommendations. And, as you know, the Auditor General,
every year, they look at the action plan of the auditees, so, in this case, la
Société des traversiers. So we review their action plan and we comment once a
year about how it's applied and if it is applied appropriately.
Mme Senay (Cathy) : One thing they say is that they were missing personal staff members
for years. So how come… As, like, an auditor, how come… how important it is to
basically realize, for the STQ, to say at some point : We should have
warned that we don't have the expertise, we should hold the horses?
Mme Leclerc (Guylaine) :
But if they don't have the expertise, they have to go, and find it, and get it,
and that is what they haven't done. And they had the opportunity to do so
because, for example, the naval architect… they should have kept the naval
architect or hire another one for the inspection. Most of the inspectors were
not employees from the STQ, but they were on contract. So they should have
hired or put in contract other inspectors, same thing for the broker. They kept
the broker only for the first part, and not for the negotiation, and not for
the diligence audit. I don't know if we can say that.
So that was their duty to... Even if they didn't have the employees in
sufficient number, they should have… It was their duty to go and get outside of
the STQ the proper specialist, and that is what they haven't done.
Mme Senay (Cathy) : I don't know for you, as a team, at some point, and this is my last
question, how did you feel that
this is happening in Québec,
this work, the lack of expertise, not asking for it, not putting in place
actions to make sure that we were doing things thoroughly, in a good way. Were
you saying to yourself : How come is this happening in Québec? And what are your expectations that
this report will serve not only the STQ, but other crown corporations?
Mme Leclerc
(Guylaine) : Well, the first thing is that
they count a lot on the quality control of Fincantieri and on the Lloyd's
certification, and it's not sufficient. You cannot count on the person who is
the constructor, OK? You can
work with them, but you have to follow them. So that's the first thing. They
counted a lot... They trusted too much those two elements, quality control from
Fincantieri and the certification of Lloyd's. And the certification of Lloyd's,
it's mostly to be sure that it's a safe boat that can navigate into the
canadian rivers, but it's not their duty to be sure that it's high quality
motors or... you know, so they
counted... they trusted too much those two elements. So they needed their own
quality control and they didn't have it.
Mme
Senay (Cathy) : Merci beaucoup.
Le Modérateur
: Ça va
pour tout le monde? Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 36)