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Conférence de presse de Mme Guylaine Leclerc, vérificatrice générale

Annonce concernant un audit particulier sur la gestion de la conception et de la construction du traversier NM F.-A-Gauthier

Version finale

Le jeudi 29 octobre 2020, 11 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures cinq minutes)

Le Modérateur : Alors, bienvenue à cette conférence de presse de la Vérificatrice générale du Québec, Mme Guylaine Leclerc. Mme Leclerc va prendre la parole, faire une allocution, et on va prendre... je vais diriger par la suite la période réservée aux journalistes. Mme Leclerc.

Mme Leclerc (Guylaine) : Merci. Alors, mesdames messieurs, bonjour. C'est avec plaisir que je suis avec vous aujourd'hui pour vous présenter les résultats des travaux que nous avons menés au cours des derniers mois, à la demande du gouvernement, concernant la gestion et les agissements de la Société des traversiers du Québec portant sur le navire F.-A.-Gauthier. Vous trouverez les détails de ceux-ci dans notre rapport que nous avons déposé cet avant-midi à l'Assemblée nationale. Pour l'occasion, je suis accompagnée de M. Serge Giguère, sous-vérificateur général, et M. Martin St-Louis, directeur principal.

Notre audit avait pour objectif de déterminer si la STQ a pris les décisions pertinentes et a accompli les actions nécessaires concernant la planification du projet et l'exécution du contrat de construction, de manière à s'assurer de la qualité du navire F.-A.-Gauthier. Je souligne ici que, dans le cadre de nos travaux, nous avons eu recours à l'expertise de deux architectes navals et avons rencontré plusieurs armateurs privés et publics afin de bien connaître les pratiques de l'industrie et être en mesure d'apprécier la gestion du projet effectué par la STQ.

Tout d'abord, force est d'admettre que la STQ n'avait pas toutes les compétences pour mener à bien le projet de construction d'un navire de l'envergure du F.-A.-Gauthier et n'a pas réussi à se doter des ressources nécessaires pour pallier à ce manque. En effet, la structure de gestion du projet s'appuyait sur des ressources externes n'ayant pas les qualifications exigées ou qui n'ont pas pris part à l'ensemble des étapes importantes du chantier. Par exemple, le chargé de projet ne répondait qu'à deux des exigences de l'appel d'offres.

Pour ce qui est de l'architecte naval, la STQ s'est privée d'une expertise importante pour la surveillance des travaux puisqu'ils ont résilié le contrat avec le consortium d'architectes navals sans prendre aucune mesure pour le remplacer au cours de la période de construction. Notre analyse démontre également que l'équipe de la STQ dépêchée en Italie pour surveiller la construction du navire au sein du chantier de l'entreprise Fincantieri était en nombre insuffisant pour suivre la cadence des travaux de construction.

Certains ont pu assister à des étapes importantes du projet qui les concernait, d'autres ont effectué des tâches qui ne faisaient pas partie de leur champ d'expertise. Par conséquent, la STQ a dû s'appuyer sur le processus d'assurance qualité du chantier et sur la certification de la société de classification. Toutefois, se fier uniquement à ces deux mécanismes de contrôle est insuffisant et ne correspond pas aux pratiques observées dans l'industrie navale.

Nous avons également constaté que le processus choisi pour sélectionner le constructeur n'était pas arrimé aux pratiques de l'industrie navale. Le processus d'appel d'offres déterminé par la STQ et approuvé par le Conseil des ministres comportait des écarts importants par rapport aux pratiques de l'industrie. Il incluait des limitations qui ont pu être perçues comme contraignantes par les constructeurs potentiels. Au total, 16 entreprises avaient été identifiées, mais seulement trois ont soumissionné et une seule a été déclarée conforme par la STQ.

Nous avons également constaté que la STQ n'a pas réussi à faire respecter ses droits et tire avantage de plusieurs éléments de négociation avec le constructeur. Nous avons identifié quelques situations pour lesquelles des négociations ont eu cours avec le constructeur. Dans toutes ces situations, la STQ ne s'est pas prévalue de toutes les clauses prévues à son contrat pour faire respecter son devis technique, exiger la correction des problématiques ou respecter la date de livraison. Par exemple, elle a conclu des ententes plutôt que d'utiliser la garantie pour faire corriger certains défauts, tels que des panneaux de cloison fissurés. Ainsi, la date de livraison du navire qui était prévue au contrat a été repoussée de quelques mois. Une pénalité de 3 850 000 $ aurait pu être imposée au constructeur, mais la STQ ne s'en est pas prévalue.

Enfin, plus de 50 défauts jugés non corrigibles par le constructeur n'ont pas été réparés ou compensés financièrement par ce dernier. Plusieurs de ces défauts ont un impact sur la qualité du navire ainsi que sur l'efficacité et la sécurité des opérations. L'acceptation d'un grand nombre de défauts de cette nature représente un manquement aux responsabilités qui incombaient à la STQ afin de s'assurer de la qualité du navire.

Nous avons finalement constaté que les mesures mises en place par la STQ pour atténuer les risques en cas d'arrêt de service pour une traverse essentielle se sont avérées insuffisantes, ces risques étant d'autant plus importants que la STQ avait décidé d'inclure des technologies innovantes à l'intérieur du navire comme des propulseurs adaptés pour répondre aux besoins spécifiques de la STQ. Ces derniers se sont brisés et ont dû être changés pour un coût supérieur à 5 millions de dollars. D'ailleurs, les bris en lien avec ces propulseurs ont occasionné une rupture de service du traversier pendant 13 mois, ce qui a engendré des coûts de 22,2 millions de dollars, en sus du 170 millions de dollars pour l'acquisition du navire.

Je suis maintenant prête à répondre à vos questions en lien avec ma présentation.

Le Modérateur : Alors, on va y aller immédiatement avec Fanny Lévesque, de LaPresse.

Mme Lévesque (Fanny) : Mme Leclerc, qu'est-ce qui vous... Après enquête, on comprend qu'il y a, bon, une série de manquements, mais qu'est-ce qui vous a... qu'est-ce qui vous frappe le plus de cette enquête-là dans la conception et dans votre audit, là? Qu'est-ce qui est plus frappant pour la Vérificatrice générale?

Mme Leclerc (Guylaine) : Ce que j'ai trouvé le plus surprenant, c'est que, pour un navire qui requérait quand même une grande expertise, donc c'est le premier d'une flotte, hein, c'est... il est fait sur mesure, il a une technologie qui est de haut niveau et il se doit de bien fonctionner dans des glaces ici, au Québec, alors qu'on ne se soit pas dotés de personnel compétent, et qu'on ne se soit pas adjoint suffisamment de gens qui puissent inspecter les travaux sur place, et qu'on ait arrêté le contrat avec les architectes navals avant que ceux-ci puissent travailler en Italie avec l'équipe d'inspection…

Et aussi ce qui me surprend aussi beaucoup, c'est le fait qu'il n'y ait pas eu de vérification diligente. On a donné... On a envoyé 16 lettres d'intention. On a reçu 11 groupes, qui se sont manifestés, intéressés. On en a qualifié huit. Et, de ces huit-là, il n'y en a seulement que trois qui ont soumissionné. Et, pour des éléments administratifs, je vous dirais, il y en a deux qui ont été rejetés. Donc, il n'en restait plus qu'un, et le seul qui restait, le chantier n'était pas identifié, donc, et on n'a identifié le chantier seulement que cinq mois après la signature du contrat, et on n'a jamais été faire une vérification sur place pour s'assurer du contrôle de qualité qui était décrit dans l'appel d'offres.

Alors, je vous dirais, là, en gros, là, c'est ce qui me surprend le plus, c'est à quel point on n'a pas mis tous les éléments nécessaires pour s'assurer d'avoir un navire de qualité.

Mme Lévesque (Fanny) : Au moment où on arrive puis il nous reste un soumissionnaire conforme, et dans les conditions que vous venez d'évoquer, qu'est-ce qu'aurait dû faire la STQ à ce moment-là?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, il y a plusieurs solutions qui auraient pu être envisagées. Premièrement, on aurait pu continuer avec lui, mais aussi on aurait pu se poser la question sur les deux autres qui ont été identifiés comme non conformes : est-ce que c'était majeur, O.K.? Dans un des cas, c'est parce qu'on n'avait pas distingué le détail du prix, je vous dirais, là. Donc, il fallait détailler le prix en différentes étapes, ce qu'on n'avait pas fait. Puis, pour l'autre, c'était aussi anodin, je pense, c'était la garantie qui était insuffisante.

Donc, première chose, on aurait pu faire ça. On aurait pu aller voir les deux autres, surtout qu'on avait préqualifié Fincantieri, malgré qu'ils n'avaient pas identifié le chantier spécifique lors de la préqualification, ce qui aurait dû, dès cette étape-là, ne pas être conforme. Alors, je vous dirais que, dans un premier temps, on aurait pu regarder les trois. On aurait pu retourner en appel d'offres aussi pour... et en corrigeant certains éléments, je vous dirais, là. Donc, il y avait d'autres solutions, là. Mais la plus importante, ça aurait été d'aller sur place et de s'assurer du processus de contrôle de qualité et s'assurer que le chantier qui était finalement identifié pouvait bien répondre aux besoins de la STQ.

Le Modérateur : Mylène Crête, du Devoir.

Mme Crête (Mylène) : Vous avez souligné tout à l'heure, dans votre mot d'ouverture, là, que ça avait été approuvé par le Conseil des ministres. Je me demandais est-ce qu'il y avait des drapeaux rouges, par exemple, que le ministre des Transports, à l'époque, aurait pu identifier ou aurait pu...

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, je vous dirais qu'un des principaux problèmes du mode d'appel d'offres qui a été identifié, c'est qu'on est allés avec une approche mixte, c'est-à-dire en partie comme nos contrats au gouvernement du Québec se font et en partie comme ça se fait au niveau de l'industrie navale. Et, de l'audit que nous avons réalisé, ce n'était pas une bonne approche parce que, d'exiger une certaine forme de documentation qu'on exige ici, au Québec, ça pouvait rebuter certains constructeurs d'appliquer pour la construction du navire. Alors, c'était... Donc, dans un premier temps, on aurait peut-être dû s'assurer que ça correspondait à la pratique de l'industrie navale.

Mme Crête (Mylène) :Est-ce que le fait que le chantier était en Italie, ça a contribué... Vous dites qu'il n'y avait pas suffisamment d'employés sur place pour faire les inspections, la surveillance du chantier. Mais est-ce que le fait qu'il était en Europe, ça a contribué à cette situation-là? C'est assez loin.

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, c'est qu'on était à l'époque où le gouvernement a demandé de limiter les déplacements. Alors, on n'a identifié que quatre personnes pour des inspections spécifiques, donc inspections en structure, mécanique, électricité et électronique, et toutes les infrastructures à l'intérieur, là, cuisine et tout ça. Donc, il y avait quatre grandes spécialités. Donc, on avait quatre personnes plus le chargé de projet, ce qui était insuffisant parce que chacune de ces personnes-là revenait au Québec pour huit semaines et deux semaines, qui allaient... et revenaient au Québec pour deux semaines puis allaient en Italie pour huit semaines, ce qui fait que ces personnes-là devaient être remplacées à un certain moment donné puis ne pouvaient pas suivre la cadence.

Donc, il aurait fallu qu'il y ait plus de gens qualifiés sur place pour pouvoir suivre la cadence puis pouvoir se remplacer l'un et l'autre. Et, à cause du niveau de risque que je vous expliquais tout à l'heure, c'est-à-dire que c'est un navire qui est fait sur mesure, avec une technologie innovante, qui est installé... qui va traverser dans des glaces qui sont importantes, bien, c'est important d'avoir un processus d'inspection et de contrôle de qualité, de la Société des traversiers, qui soit suffisant, ce qui ne l'était pas.

Le Modérateur : Charles Lecavalier, Journal de Québec.

M. Lecavalier (Charles) : Oui, bonjour. Juste pour revenir à la question de Mme Lévesque. Dans le fond, si je comprends bien, là, dans l'appel d'offres, il y a eu une espèce de passe-droit qui a été donné à Fincantieri, qui ne répondait pas au processus administratif parce qu'il n'avait pas identifié le chantier, mais on a exclu les deux autres pour des raisons, disons, bureaucratiques semblables. Alors, est-ce que ça ne donne pas l'impression justement qu'il y a un passe-droit qui a été donné à Fincantieri?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne peux pas parler de passe-droit parce que ce n'est pas à la même étape. C'est-à-dire qu'où on aurait dû identifié le chantier, là, on aurait dû exiger l'identification d'un chantier, c'est à la préqualification. Donc, on avait envoyé des lettres d'intention. On a reçu des réponses. C'est dans ces 11 réponses là que Fincantieri était et puis qui avait... où il n'y avait pas identifié adéquatement le chantier, avait présenté tous ses chantiers. Puis là, après ça, là, on a continué le processus, et, à la fin, on a trois soumissions, dont deux qui sont identifiées comme non conformes pour des éléments plus administratifs, là, je vous dirais, et qui n'étaient pas axés la qualité.

M. Lecavalier (Charles) : Un autre élément de votre rapport que j'ai trouvé assez frappant, là, c'est le fait que la STQ avait des garanties qu'elle aurait pu exiger au contrat, des pénalités de retard qu'elle aurait pu exiger au contrat, puis elle ne l'a pas fait. Alors, c'est sûr que, pour nous… Je ne connais pas bien cette industrie-là, je me dis : Si je m'achète une auto neuve, puis que j'en prends possession, puis que le pare-brise est fissuré, puis que le toit se décolle, etc., je vais exiger que le véhicule neuf soit en parfait état. C'est quand même étonnant. Vous, quand vous êtes allée voir, là, les armateurs, que vous avez consulté, etc., vous avez soumis que la STQ n'a pas fait valoir ses droits, comment ont-ils réagi?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, ce qui arrive, c'est qu'il faut comprendre que ça arrive qu'il y ait des problèmes, hein, sur un navire. Mais qu'il y en ait autant, ça, c'est assez imposant, je vous dirais, là. Puis le fait que... c'est plus le manque d'expérience, je vous dirais, de la STQ. Ils n'étaient pas en mesure de bien négocier parce qu'ils n'avaient pas la compétence. Les gens qui négociaient pour régler ces problèmes-là n'avaient pas la compétence, donc, et n'avaient pas, dans certains cas, l'information pour bien négocier. Donc, ou ils n'avaient pas l'information ou ils n'avaient pas la compétence pour bien négocier. Alors, c'est pour ça que, bien, il n'y a eu aucune compensation, à venir jusqu'à maintenant, qui soit acceptable.

M. Lecavalier (Charles) : Mais vous, vous avez consulté des armateurs. Comment ont-ils réagi?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je peux peut-être laisser répondre Martin pour ce... Martin qui est directeur principal, qui était responsable du rapport.

M. St-Louis (Martin) : Bien, c'est certain que la pratique dans l'industrie, c'est lorsqu'il y a plus d'expérience ou plus de connaissance des causes parce que, souvent, le litige… va identifier la cause. Bien là, on présente... pour les moisissures, là. Les moisissures, c'est un exemple parfait. On explique qu'il y a des moisissures qui apparaissent quatre mois après la livraison du navire. On identifie... On devient en litige. Eux, ils disent qu'il y a eu une mauvaise application du contrôle de l'air dans le bateau qui aurait pu être la cause.

Donc, la cause, elle devient un peu litigieuse, Puis, lorsque tu n'as pas la connaissance... Puis, dans ce cas-là, ce qu'on vient dire, c'est qu'il y a eu une expertise qui a été demandée pour identifier les moisissures dans le navire, mais on n'a pas essayé d'avoir toute l'information pour pouvoir appuyer la cause. Est-ce que ça venait du fabricant, du constructeur ou de l'entretien du navire pendant les quatre mois? Quatre mois, c'est quand même assez court. Donc, c'est vraiment la difficulté qui se présentait pour la STQ, manque de connaissances, manque d'information pour pouvoir bien faire valoir ses droits.

M. Lacroix (Louis) : S'il y a d'autres questions, on va continuer parce qu'on n'est pas très nombreux, mais j'ai une question, moi personnellement. Est-ce que le principe du plus bas soumissionnaire dans une situation comme celle-là est nécessairement la meilleure solution, à votre avis, à la lumière de ce que vous constatez, là? Quand on y va avec le plus bas soumissionnaire conforme, est-ce qu'on est sûrs d'avoir le meilleur rapport qualité-prix, mettons?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, dans ce cas-là, premièrement, le plus bas soumissionnaire, ce n'est pas la pratique de l'industrie navale. L'industrie navale, elle va visiter... elle va négocier avant avec les constructeurs. Donc, ça, c'est la première chose. Mais, dans ce cas-ci, ce n'était même pas une question du plus bas soumissionnaire, il y en avait juste un. Il aurait été plus cher que la société en France ou que la société en Finlande, bien, c'était le seul qui a été identifié comme conforme.

M. Lacroix (Louis) : Et vous avez noté... En fait, il y avait 54 défauts, là, qui sont quand même assez importants, là.

Mme Leclerc (Guylaine) : Des défauts non corrigibles.

M. Lacroix (Louis) : Des défauts non corrigibles, c'est ça. À la lumière de ça, est-ce que vous considérez que la STQ en a eu pour son argent avec les 170 millions? D'abord, il y a déjà des dépassements de coûts là. Mais, en plus, avec tout ce que ça a causé, est-ce qu'on en a eu pour notre argent? Et est-ce que c'est un citron, dans le fond, parce que c'est des défauts non corrigibles?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, c'est certain qu'on ne peut pas parler ici de valeur par rapport au prix, mais tout ce qu'on peut dire, c'est qu'à très, très, très court terme, après la mise en service du navire, bien, il y a eu des problèmes majeurs qui ont engendré des coûts très, très importants. Il faut comprendre que les 54 défauts non corrigibles, bien, ça, ça arrive qu'il y ait des défauts non corrigibles, puis ça, on en a parlé aux armateurs, puis ça, c'est des choses qui arrivent. Mais qu'il y en ait autant et qu'on décide d'avoir très, très peu en compensation, alors ça, c'est plus surprenant.

Le Modérateur : Est-ce que, Fanny…

Mme Lévesque (Fanny) : Je veux juste revenir sur l'appel d'offres, là. On ne peut pas parler de passe-droit, là, mais, au-delà du fait que l'appel d'offres n'est pas collé à l'industrie navale, est-ce que vous avez remarqué que... Comment on pourrait décrire ce processus d'appel d'offres là? Est-ce qu'il a été non conforme? Est-ce qu'il a été... Comment vous...

Mme Leclerc (Guylaine) : Le processus d'appel d'offres était conforme. C'est-à-dire, on est allés avec un processus mixte qui a été approuvé par le Conseil des ministres. Donc, on a accepté, via décret, de déroger au processus d'appel d'offres qu'on a au Québec. Mais, plutôt que d'y aller avec ce que fait l'industrie navale, on a décidé d'y aller avec une approche mixte qui exigeait une certaine forme de documentation, je vous dirais, et qui pouvait faire peur aux armateurs.

Mme Lévesque (Fanny) : Puis est-ce que, dans le processus, vous avez noté qu'il y a eu... parce que ça s'est quand même échelonné sur plusieurs mois, est-ce qu'il y a eu un moment où la STQ aurait pu lever la main puis dire : Là, il y a des problèmes? Est-ce qu'ils ont, à un moment donné, noté quelque chose que, là, ça ne se passait pas comme ça devait? Sur le chantier, il manquait de surveillance. Est-ce qu'ils ont fait part à un moment donné de ces préoccupations-là ou pas du tout?

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui. Bien, les inspecteurs sur le chantier faisaient des avis de défectuosité. Dans certains cas, les avis de défectuosité ont été transmis au constructeur pour correction. Dans certains cas, ils ne l'étaient pas. Il y a eu, de la part d'un des inspecteurs, une communication avec l'équipe de gestion de projet qui était à Québec pour aviser que, bien, il y avait un problème, là, avec son chargé de projet — j'ai dit l'équipe de chargés de projet à Québec? L'équipe de gestion de projet de Québec — pour dire qu'il y avait un problème avec le chargé de projet. Et c'est là qu'arrive toute une série d'événements. Là, on rapatrie l'inspecteur au Québec et puis on le met en congé pendant deux semaines. On le rapatrie en Italie et ,finalement, bon, bien, on le congédie. On met fin à son contrat, c'est-à-dire, je devrais dire. Alors, oui, il y a eu des tentatives de mentionner qu'il y avait des problèmes, mais ça n'a pas été entendu.

Mme Lévesque (Fanny) : Est-ce que la STQ a fermé les yeux, à votre avis, sur le problème?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je ne peux pas dire qu'elle a fermé les yeux. Nous, on a très peu de documentation. Puis, peut-être, si tu veux rajouter des choses, tu n'hésites pas, là, mais ce qu'on a constaté, nous, c'est qu'il y avait peu de documentation pour supporter un dossier, pour mettre fin au contrat d'un inspecteur qui, lui, ce qu'il faisait, c'est qu'il... c'est son rôle, hein, de pouvoir identifier des problématiques.

Alors, est-ce que tu veux ajouter quelque chose?

M. St-Louis (Martin) : Bien…

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui? Bien, vas-y.

M. St-Louis (Martin) : Un élément qui est important, c'est qu'on mentionne... c'est dans une section où on parle de la gouvernance. On dit qu'il y a plusieurs... Dans la gestion des risques, il y a des risques qui étaient identifiés… qui étaient fermés sans que les mesures soient prises. Puis on donne l'exemple, là, qui est assez important, c'est lorsqu'on a mis fin au contrat avec l'architecte naval. Avant la construction... Dès le début de la construction, c'était identifié comme un risque majeur, puis on devait retourner en appel d'offres, ce qu'on n'a pas fait puis qu'on n'a pas avisé la gouvernance. Donc, le suivi de la gestion des risques se faisait, mais l'information n'était pas toujours communiquée aux hautes instances, puis là je parle du conseil d'administration. Puis ça, on a une page là-dessus qu'on aborde cet enjeu-là, cette difficulté-là.

Le Modérateur : Charles Lecavalier.

M. Lecavalier (Charles) : Vous avez regardé un peu plus près le suivi que faisait, par exemple, le côté administratif du gouvernement du Québec ou le Conseil des ministres par rapport à la STQ, dans le sens qu'à la STQ c'était une acquisition majeure, ce bateau-là, qui dépassait beaucoup l'ampleur de cet organisme-là. Donc, est-ce qu'il y a eu un suivi adéquat du gouvernement du Québec envers ce projet-là ou ils ont appris ça, là, après deux ans, à la toute fin? Je ne sais pas si vous saisissez ma question?

Mme Leclerc (Guylaine) : Bien, il faut savoir que la Société des traversiers avait monté un bon dossier d'affaires avant de démarrer le projet. Alors, contrairement au dossier RENIR, il y a trois semaines, que je vous ai présenté, où il n'y avait pas de dossier d'affaires, dans ce cas-ci, il y avait un bon dossier d'affaires : identification des besoins, identification des nouvelles technologies qui devraient être utilisées. Donc, c'est basé sur ce dossier d'affaires là que le gouvernement du Québec a pris sa décision. Et, après ça, bon, bien, après, nous, notre travail, c'est… bien, pas c'est limité, là, mais c'est fait auprès de la Société des traversiers. Et, comme vous le savez, là, on a fait notre travail en conséquence.

M. Lecavalier (Charles) : Sur les propulseurs, vous mentionnez aussi dans le rapport que, bon, déjà, la STQ n'était pas présente, là, lors des tests de propulseurs en usine, mais que, par la suite, vous laissez entendre que la STQ n'aurait pas fait correctement l'entretien des propulseurs puis d'autres éléments du bateau. J'aimerais ça que vous me parliez un peu de cet entretien déficient là.

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui. Bien, il y a deux choses, là. C'est vrai que la STQ n'était pas présente, ce qui lui aurait permis de pouvoir poser des questions puis de mieux connaître cet élément qui est fondamental. D'autre part, on n'est pas en mesure de savoir s'il y a eu un changement d'huile lors de... avant le lancement du navire, ce qui aurait permis de s'assurer qu'on a de l'huile propre et qu'on n'ait pas de particules métalliques comme on a trouvé suite à ce qu'on a enlevé les propulseurs. Donc, ça, on n'est pas en mesure de savoir si ça a été fait ou non parce que la documentation est manquante.

Et ensuite la STQ a fait un rapport interne qui dit qu'elle n'a pas suivi les éléments d'entretien préconisés par le fabricant de façon régulière, alors ce qui fait que, si on avait appliqué les éléments d'entretien requis par le fabricant, bien, ça aurait peut-être permis à la STQ d'identifier les particules métalliques avant qu'il y ait trop de bris. Alors, c'est ce qu'on mentionne dans notre rapport.

Le Modérateur : Est-ce que ça va? Est-ce qu'on peut passer en anglais? Vous avez d'autres questions en français? Ça va?

Mme Lévesque (Fanny) : Bien, au final, là, est-ce que vous jugez que la STQ a failli à ses devoirs dans ce dossier-là?

Mme Leclerc (Guylaine) : Je vous dirais que c'est une expérience à ne pas répéter.

M. Lecavalier (Charles) : …question autrement. Est-ce qu'ils ont fait quelque chose de bon?

Mme Leclerc (Guylaine) : Oui, le dossier d'affaires.

M. Lecavalier (Charles) : O.K.

Mme Leclerc (Guylaine) : Le dossier d'affaires, oui, ils avaient un très bon dossier d'affaires avant parce que le choix, O.K., du navire, c'était correct, là, tu sais, puis, pour qu'il réponde aux besoins, alors ça, c'était correct. Donc, ils avaient un très bon dossier d'affaires. C'est après ça. Je vous dirais, c'est à partir du moment où... Tu sais, bon, il y a le courtier, qu'on n'a pas utilisé pour la négociation, qu'on n'a pas utilisé pour la vérification diligente. Il y a l'architecte naval qu'on a mis fin au contrat... Il n'a fait que la première phase, c'est-à-dire les assister pour le devis préliminaire, mais n'a pas été sur place, ne s'est pas assuré de la qualité. Et, troisièmement, bon, bien, il y a le chargé de projet qui n'avait pas l'expertise et la compétence qui étaient requises dans l'appel d'offres pour pouvoir jouer ce rôle-là qui était un rôle très, très important.

Le Modérateur : On va maintenant passer aux questions en anglais avec Cathy Senay, de CBC.

Mme Senay (Cathy) : Good day. Bonjour. I followed this story along the years and I watched Enquête, and you all watched it, I'm sure you did, many times. What I was wondering is the… Well, the STQ is saying what they've done at the end of the report, and you highlighted all the several mistakes that were made along the way and do you have the impression that now the STQ has the qualified staff to oversee the next step and the ongoing repairs that the society has to do for the F.-A. Gauthier and the rest of its fleet? Do you have the impression that they are solid enough now?

Mme Leclerc (Guylaine) : Well, what they mentioned in their comments, because, at the end of our report, there are their comments, they say that they have done a review of the actual F.-A. Gauthier by the firm Hayes & Stuart, and the experts say that it's in good condition, OK? That is the first thing. For the future, what the STQ mentioned is that they have put in place an optimization plan, operational optimization plan that has been elaborated, and they are in the process to put it in place and they took… Ils ont pris acte, they took act of the…

Mme Senay (Cathy) : They're aware now, they've noted your recommendations?

Mme Leclerc (Guylaine) : Yes, they noted our recommendations. And, as you know, the Auditor General, every year, they look at the action plan of the auditees, so, in this case, la Société des traversiers. So we review their action plan and we comment once a year about how it's applied and if it is applied appropriately.

Mme Senay (Cathy) : One thing they say is that they were missing personal staff members for years. So how come… As, like, an auditor, how come… how important it is to basically realize, for the STQ, to say at some point : We should have warned that we don't have the expertise, we should hold the horses?

Mme Leclerc (Guylaine) : But if they don't have the expertise, they have to go, and find it, and get it, and that is what they haven't done. And they had the opportunity to do so because, for example, the naval architect… they should have kept the naval architect or hire another one for the inspection. Most of the inspectors were not employees from the STQ, but they were on contract. So they should have hired or put in contract other inspectors, same thing for the broker. They kept the broker only for the first part, and not for the negotiation, and not for the diligence audit. I don't know if we can say that. So that was their duty to... Even if they didn't have the employees in sufficient number, they should have… It was their duty to go and get outside of the STQ the proper specialist, and that is what they haven't done.

Mme Senay (Cathy) : I don't know for you, as a team, at some point, and this is my last question, how did you feel that this is happening in Québec, this work, the lack of expertise, not asking for it, not putting in place actions to make sure that we were doing things thoroughly, in a good way. Were you saying to yourself : How come is this happening in Québec? And what are your expectations that this report will serve not only the STQ, but other crown corporations?

Mme Leclerc (Guylaine) : Well, the first thing is that they count a lot on the quality control of Fincantieri and on the Lloyd's certification, and it's not sufficient. You cannot count on the person who is the constructor, OK? You can work with them, but you have to follow them. So that's the first thing. They counted a lot... They trusted too much those two elements, quality control from Fincantieri and the certification of Lloyd's. And the certification of Lloyd's, it's mostly to be sure that it's a safe boat that can navigate into the canadian rivers, but it's not their duty to be sure that it's high quality motors or... you know, so they counted... they trusted too much those two elements. So they needed their own quality control and they didn't have it.

Mme Senay (Cathy) : Merci beaucoup.

Le Modérateur : Ça va pour tout le monde? Merci beaucoup.

(Fin à 11 h 36)

Participants

  • Leclerc, Guylaine

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