(Onze heures trois minutes)
Mme Massé : Oui, bonjour, tout
le monde. Je ne sais pas si ça fait le même effet, mais je suis tellement
contente de vous voir en personne, pas dans une petite case, vraiment contente
de commencer cette nouvelle session, cette nouvelle année, d'ailleurs, avec
vous. Je vous en souhaite une bonne, la meilleure possible, en se souhaitant
collectivement qu'on aura atteint des plateaux où on pourra se retrouver tout
le monde ensemble parce qu'on est des êtres de socialisation. Alors, écoutez,
non, je ne suis pas venue pour vous raconter ça ce matin, mais je suis quand
même très heureuse d'être là avec vous.
Vous savez, notre première priorité de la
session parlementaire, puis d'ailleurs c'est la priorité numéro un de tout le
Québec, c'est la situation d'urgence dans laquelle on se retrouve, la situation
d'urgence dans laquelle se retrouvent nos hôpitaux. Dans les dernières
semaines, les Québécois et Québécoises ont fait des efforts incommensurables
pour essayer de faire leur bout du contrat moral. Et, oui, la contagion a
baissé, c'est un fait, à l'heure où on se parle. Mais, sur le terrain, dans nos
hôpitaux, la pression, elle, elle ne baisse pas aussi vite. Il manque encore
des milliers de bras. Nos soignantes continuent de tomber au combat. Le
délestage continue puis laisse tomber des patients et des patientes.
Pendant que le premier ministre demande au
monde d'en faire plus, son gouvernement, lui, n'en fait pas assez. Il laisse
des ressources essentielles sur la table. Et ça, ça n'a plus de bon sens, ça ne
peut plus durer. Il refuse d'amener des renforts qui vont… qui pourraient faire
toute la différence sur le terrain. Le monde sur le terrain nous le disent,
qu'ils ont besoin d'aide, qu'ils ont besoin de soutien, qu'ils ont besoin de
renfort.
Alors, j'ai beaucoup de respect pour
M. Legault, mais ce n'est plus en jouant son rôle de bon père de famille
qu'on va sortir le Québec de la situation. Ce qu'on a besoin présentement,
c'est un commandant qui dit au privé, aux entreprises privées : Aïe! gang,
on est en guerre, puis il est temps que vous fassiez votre effort vous aussi.
M. Nadeau-Dubois : C'est dans
esprit-là, la semaine dernière, ou il y a deux semaines, en fait, que Québec
solidaire, vous en avez été témoins, a levé le voile sur le fait qu'il y a
encore beaucoup de capacités médicales qui ne sont pas utilisées, des capacités
médicales dans les cliniques privées. Aujourd'hui, on fait une deuxième
proposition qui va dans la même direction. Tout le monde le sait, là, ce n'est
pas un secret, le talon d'Achille principal du réseau de la santé, à l'heure
actuelle, c'est le manque de personnel. Il faut ajouter des bras à notre effort
de guerre contre la pandémie.
Et il n'y a pas 45 solutions. On ne
peut pas faire pleuvoir des inhalothérapeutes, on ne peut pas faire sortir de
terre des infirmières, on ne peut pas en former non plus en quelques semaines à
peine. Mais ce qu'on peut faire, c'est mieux utiliser les ressources qu'on a
déjà, c'est mettre à contribution tout le monde de manière équitable. Et pour
faire ça, bien, il faut impérativement mettre fin à l'hémorragie de personnel
du public vers les agences privées de placement.
Il y a énormément de voix sur le terrain
qui le disent, je pense notamment au Dr Marquis, à Maisonneuve-Rosemont,
qui a lui-même sonné l'alarme il y a quelques semaines sur cette question-là,
on ne peut plus tolérer que des milliers d'employés de notre réseau public
quittent vers des agences de placement. C'est ce que demande Québec solidaire aujourd'hui.
Il est temps de mettre fin au buffet à volonté des agences de placement. La CAQ
doit adopter un décret pour mettre au pas les agences privées dans le réseau de
la santé. C'est essentiel.
Concrètement, ce décret-là doit faire deux
choses. Premièrement, mettre fin au phénomène de «cherry picking» auquel se
livrent les agences privées. Il faut obliger les agences de placement privées à
assurer une continuité de service dans les établissements de santé. Ce doit
être une condition quand un établissement de santé public signe un contrat avec
une agence. Les agences doivent fournir du personnel quand nos hôpitaux en ont
besoin, pas juste quand ça fait leur affaire, y compris le soir, y compris la
nuit, y compris la fin de semaine.
Cette obligation-là, là, cette obligation
d'assurer une continuité de service, elle figure déjà dans les contrats que
signe le réseau de la santé avec les entreprises de services ambulanciers.
Alors, si on l'exige pour ces entreprises-là, on a le pouvoir de l'exiger
également pour les agences de placement de personnel. Quand on laisse, comme en
ce moment, là, les agences privées faire la fine bouche et choisir seulement
les meilleurs quarts de travail, bien, qui est-ce qui se ramasse avec le temps
supplémentaire? Les soignantes du réseau public, qui sont déjà exténuées.
Deuxièmement, ce décret doit imposer des
contrats d'une durée d'un mois minimum pour le personnel des agences de
placement. Pourquoi? Bien, parce qu'après 10 mois de pandémie il y a
encore des infirmières et des préposés qui changent de lieu de travail à chaque
jour, il y a encore du déplacement de personnel. Les agences de placement en
sont en partie responsables, et c'est un risque de contagion évident en plus de
déstabiliser les équipes de travail puis d'alourdir la charge du personnel de
la santé dans le réseau. Parlez à n'importe qui sur le plancher d'un hôpital ou
d'un CHSLD, et ils vont vous le confirmer. Il faut de toute urgence stabiliser
le réseau de la santé puis arrêter d'agir à la petite semaine. Mettre au pas
les agences privées de placement de personnel, c'est une des manières d'y
arriver.
Troisièmement, pour freiner cette
hémorragie de personnel du public vers les agences privées, on demande à la CAQ
d'envoyer un signal fort qu'il va faire le ménage dans les conditions de
travail et que le gouvernement va les améliorer significativement, notamment
sur le plan des horaires de travail puis de la charge de travail. Parce qu'en
ce moment notre réseau public est enfermé dans un cercle vicieux infernal. Plus
les conditions de travail sont pénibles, plus il y a de travailleurs qui
désertent vers les agences, et plus il y a de travailleurs qui quittent, bien,
plus on a besoin des agences pour les remplacer, et ça instaure un cercle
vicieux absolument infernal. Il faut casser ce cercle vicieux là parce qu'en ce
moment tout le monde y perd, tout le monde est perdant. Le réseau manque de
personnel, les équipes de soins sont constamment déstabilisées, constamment
exténuées, et on envisage encore, au moment où on se parle, des scénarios de
triage avancé tragiques.
Les seuls qui s'en tirent bien dans la
situation en ce moment, là, les seuls qui tirent leur épingle du jeu, c'est les
agences privées, qui vont faire des profits records cette année en louant des
infirmières 150 $ de l'heure au réseau public. Je vous rappelle que, selon
les données du mois de décembre du ministère de la Santé et des Services
sociaux, le Québec achète deux fois plus d'heures aux agences de placement
depuis le début de la pandémie. C'est ça que je veux dire quand je parle
d'hémorragie. L'estimation du ministère en date de décembre, là, c'est que
14 millions d'heures... 13,6 millions d'heures, pour être exact, vont
être achetées aux agences de placement dans la... ont été achetées aux agences
de placement dans la dernière année. Ça, c'est l'équivalent de
7 500 postes à temps plein. C'est énorme. C'est beaucoup trop. Ça
déstabilise nos hôpitaux et nos CHSLD.
Donc, oui, on a un gros problème de
main-d'oeuvre, c'est vrai, mais c'est notamment parce que, depuis 10 mois,
le réseau public finance sa propre compétition. Le gouvernement finance, avec
des fonds publics, des entreprises qui drainent le réseau de son personnel pour
mieux lui relouer en faisant un profit au passage. C'est juste insensé. Avec
Québec solidaire, après la pandémie, nous allons proposer que les agences de
placement soient abolies. La solution à terme, là, c'est ça, c'est l'abolition
des agences de placement. Ça n'a pas sa place dans un réseau de santé public.
En attendant, il faut, au moins, les
empêcher de nuire à notre effort contre la COVID-19, et c'est la proposition
qu'on fait aujourd'hui, un décret d'urgence pour mettre au pas les agences
privées et, au moins, s'assurer qu'elles ne nuisent pas à notre lutte contre la
pandémie. Je pense que c'est une question de gros bon sens.
On a tous vu, d'ailleurs, la nouvelle
publicité du gouvernement où on voit une infirmière exténuée qui demande aux
gens de respecter les règles et elle demande aux gens surtout de ne pas faire
d'exception aux règles. Mais le gouvernement de la CAQ doit être cohérent et
arrêter de faire des exceptions avec le privé en santé, arrêter de faire des
exceptions pour les cliniques privées, notamment les cliniques esthétiques, et
arrêter de faire des exceptions avec les agences de placement privées. C'est
bien et c'est correct de responsabiliser les individus. Ce qu'on demande,
aujourd'hui, au gouvernement, c'est de prendre ses responsabilités à lui. Être
dur avec les itinérants, c'est facile, c'est des gens sans défense. Être dur
avec le réseau privé, avec les entreprises privées, c'est moins dans les
habitudes de François Legault, mais c'est pas mal plus efficace pour lutter
contre la pandémie. Et qu'on soit de droite ou de gauche, en temps de crise, je
pense que c'est la chose à faire. Merci.
Le Modérateur
: Nous en
sommes maintenant à la période de questions. Je cède la parole à Claudie Côté,
TVA.
Mme Côté-Chabot (Claudie) :
Bonjour à vous. Bon, vous avez dit, votre priorité numéro un, c'est la
situation d'urgence sanitaire qu'on vit à l'heure actuelle. J'aimerais vous
entendre sur l'après-8 février. Là, il y a beaucoup de spéculations. Est-ce
qu'on devrait, oui ou non, moduler les mesures en fonction des régions? Selon
vous, quels devraient être les critères, là, pour jeter un peu de leste sur les
mesures sanitaires?
M. Nadeau-Dubois : Les mesures
mur à mur sont rarement une bonne chose sur un territoire aussi vaste que le
territoire québécois. Moi, j'invite le gouvernement à tenir compte des appels
qui viennent de plusieurs régions en ce moment. Je parlais, ce matin, à ma
collègue Émilise Lessard-Therrien, qui est députée de
Rouyn-Noranda—Témiscamingue, et c'est ce qu'elle nous disait aussi, là, il faut
que la CAQ tienne compte des réalités régionales. Moi, j'ai été content
d'entendre le directeur national de la santé publique dire exactement ça hier,
qu'ils envisageaient de moduler par région. Je pense que c'est une bonne
nouvelle.
Mme Côté-Chabot (Claudie) :
J'aimerais aussi vous entendre sur la vente de produits essentiels, là. Il
semble y avoir, bien, certaines incohérences, difficultés pour les Québécois qui
veulent acheter, par exemple… On parlait souvent des mitaines, là, c'est
l'exemple qui est donné. Est-ce que, là aussi, le gouvernement devrait revoir
sa liste de produits essentiels? Est-ce qu'on devrait faciliter la vente de
certains produits?
M. Nadeau-Dubois : Moi, j'ai
entendu, plus tôt aujourd'hui, le ministre Fitzgibbon dire qu'il faisait
confiance aux entreprises pour déterminer ce qui essentiel ou pas. C'est très
révélateur comme déclaration. De toute évidence, ce gouvernement-là a une confiance
infinie pour le secteur privé. C'est au gouvernement de prendre ses
responsabilités puis de donner des règles claires.
Et il y a une chose qui m'apparaît
évidente, c'est que, si on prolonge les mesures après le 8 février, il va
falloir tenir compte des besoins des gens. Mais je ne ferai pas avec vous ce
matin une liste de ce qui est essentiel ou pas. Ce que je pense, c'est que
c'est la responsabilité du gouvernement de faire cette liste, pas au secteur
privé.
Le Modérateur
: Hugo
Pilon-Larose, La Presse.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Bonjour. Concernant la rentrée parlementaire, qui est supposée se tenir la
semaine prochaine, êtes-vous confiants que la période de questions pourra avoir
lieu au salon bleu? Est-ce que, pour vous, c'est un must que ça commence la
semaine prochaine?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
pense que la démocratie ne peut pas être une des victimes de la pandémie. C'est
dans cet esprit-là que je négocie avec mes homologues leaders parlementaires.
Je pense que les Québécois ont des questions, ils s'attendent à ce que
l'opposition joue son rôle démocratique. Il va falloir trouver une manière de
faire fonctionner l'Assemblée nationale pour qu'on joue ce rôle, les
oppositions et les représentants des médias, et je pense qu'un scénario 100 %
virtuel ne le permettrait pas. Je pense qu'il va falloir trouver une formule
hybride avec certaines activités en présentiel, certaines activités en virtuel.
Je pense qu'on est capables de se parler, entre partis politiques, on est
capables de trouver une solution qui va bénéficier à la démocratie québécoise.
Mais, bien sûr, tout ça va se faire en fonction des consignes de la Santé publique,
parce que, ça, c'est une règle d'art qu'il ne devrait pas y avoir d'exception
pour les politiciens. Donc, on va suivre la Santé publique sans sacrifier la
démocratie.
M. Pilon-Larose (Hugo) : Sur
votre annonce...
Mme Massé : Si vous permettez.
Le bureau du leader, effectivement, fait... font leur travail — les
bureaux de leader. Mais je peux vous dire que c'est aussi une question dans
laquelle on a été clairs et fermes, lors de nos discussions avec le bureau du
premier ministre, c'est-à-dire qu'il ne faut pas que ça devienne une façon
simple, pour le gouvernement de la CAQ, de faire disparaître d'un coup de
baguette les oppositions. Au contraire. On l'a démontré, cet automne, que
c'était possible en respectant à la lettre la Santé publique. Si la Santé
publique nous dit qu'il faut rajouter des Plexiglas, on va le faire. Mais je
pense que la démocratie ne peut pas disparaître.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Concernant votre annonce du jour, vous avez décrit le cercle vicieux de
l'utilisation des agences de placement pour les infirmières en disant qu'au
cours de la dernière année, donc, si j'ai bien noté, c'est l'équivalent de
7 500 postes à temps plein, là, vraiment, qui ont été utilisés
avec...
M. Nadeau-Dubois : En termes
d'heures de travail ajoutées, oui.
M. Pilon-Larose (Hugo) : En
termes d'heures de travail ajoutées, exactement. Est-ce que votre décret...
Avez-vous l'assurance que le décret d'urgence que vous souhaitez que le
gouvernement adopte ne pourrait pas créer davantage de nuisance? C'est-à-dire
est-ce que, si on adopte un décret comme ça, on va vraiment ravoir 100 %
des infirmières qui travaillent en agence ou est-ce qu'il n'y en a pas un
nombre qui pourraient dire : Bien, moi, je vais aller faire autre chose
dans la vie, à ce moment-là?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
l'objectif de notre décret, j'ai pris la peine de le préciser. Tu sais, nous,
notre... Je reprends. Nous, notre proposition, à terme, lorsque la crise va
s'être apaisée, c'est l'abolition des agences de placement. C'est une
distorsion dans notre système de santé qui ne sert personne, sauf les
propriétaires d'agences. Mais ça, demain matin, là, ce n'est pas le temps de
faire ça parce que ça va bouleverser les équipes de travail sur le plancher des
hôpitaux. Donc, l'objectif de notre décret, c'est au moins d'égaliser la
situation entre les agences de placement puis le réseau public.
M. Pilon-Larose (Hugo) : La
question est exactement ça. Si on égalise la situation, est-ce qu'il y a des infirmières
qui vont dire : Bien, moi, rendu là, j'ai quitté le réseau public pour ne
plus vivre ça, je vais aller faire autre chose?
M. Nadeau-Dubois : Oui. Moi, je
pense qu'en répartissant mieux la charge de travail tout le monde va s'en
sortir gagnant. Je ne pense pas qu'on va assister à un exode si on va dans ce
sens-là.
D'ailleurs, la demande qu'on fait
aujourd'hui au gouvernement du Québec, la proposition qu'on formule, ça fait
des mois que les travailleurs, travailleuses sur le terrain la réclament. Ça
fait des mois que les infirmières, que les inhalothérapeutes, que les préposés
le disent : Aidez-nous à travailler ensemble, aidez-nous à travailler avec
la main-d'oeuvre qui vient des agences de placement plutôt que l'une contre
l'autre, parce qu'en ce moment, quand il y a du temps supplémentaire
obligatoire, c'est toujours les mêmes qui écopent. En répartissant mieux la
charge de travail, on va pouvoir... on va soulager, je pense, l'ensemble du
réseau puis on va soulager tout le monde.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur
le troisième élément dont je vous ai parlé. On ne peut pas adopter ce décret-là
sans améliorer de manière générale les conditions de travail. Ça tombe bien. Il
y a des négociations en ce moment même entre le gouvernement et les syndicats
dans le réseau de la santé. Donc, nous, ce qu'on demande, c'est un décret pour
freiner l'hémorragie et, en parallèle, un signal clair envoyé au monde que les
conditions générales vont s'améliorer pour tout le monde.
Et je pense qu'en agissant comme ça, on
pourrait dire la carotte et le bâton, bien, on va être capables de mieux
utiliser le personnel dans le réseau de la santé, parce que, moi, ça fait deux
semaines que je suis sur le téléphone à parler, notamment, à des médecins sur
le plancher des urgences, et ce qu'ils nous disent, c'est : L'explosion
des agences dans le réseau, ça nous empêche de faire notre travail. Ça crée
énormément d'instabilité dans les équipes. C'est pour ça qu'on demande un mois
minimum pour le personnel d'agences dans un même établissement, parce que ça
bouleverse toujours les équipes de travail. Vous avez toujours du nouveau monde
qui se présente le matin pour travailler. Il faut, à chaque fois, reprendre la
formation, à chaque fois, réorganiser le travail. Puis, en plus, ça fait porter
le fardeau de la crise sur le personnel qui reste dans le réseau public.
Dans le fond, en ce moment, on désincite
les gens à rester dans le réseau public avec le fonctionnement actuel. Ça fait
que le gouvernement est artisan de son propre malheur en finançant sa propre
compétition.
Le Modérateur
: Mylène
Crête, Le Devoir.
Mme Crête (Mylène) :
Sur un déconfinement modulé en fonction des régions, comment est-ce que ça
devrait fonctionner, selon vous? Quelles mesures est-ce qu'on peut appliquer
où?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je ne
m'improviserai pas directeur national de la santé publique pour dire exactement
dans quelle région il devrait y avoir quelle mesure. Ce que je pense, par
contre, c'est que le mur-à-mur, dans un territoire aussi vaste que le Québec,
ce n'est pas viable. C'est une situation qui évolue rapidement, il faut que la
Santé publique et que le gouvernement du Québec s'adaptent. Puis moi, ce que j'ai
entendu dans les dernières heures, c'est que c'est ce qu'ils envisagent de
faire. Donc, c'est une bonne nouvelle.
Mme Crête (Mylène) :
Sur la levée du couvre-feu, là, qui était initialement prévue le
8 février, est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée de le lever
comme ça à cette date-là? Parce que s'il y avait une autre flambée, est-ce que
même le gouvernement pourrait reprendre une mesure comme ça pour limiter la
propagation du virus? À un moment donné, les Québécois vont se tanner, là.
M. Nadeau-Dubois : Je ne suis
pas sûr de comprendre votre question exactement.
Mme Crête (Mylène) :
C'est : Si on lève le couvre-feu le 8 février, c'est difficile de le
reprendre par la suite, si jamais il y avait une autre flambée de cas de COVID-19.
M. Nadeau-Dubois : Le manque
de transparence de la CAQ fait en sorte que, moi, je n'ai pas accès à des
données qui me permettent de dire s'il faudrait ou non prolonger le couvre-feu
après le 8 février. Ce que je sais, par contre, c'est que c'est primordial
qu'on conserve l'adhésion des gens. Il faut que les gens croient à l'effort de
guerre et sentent que cet effort de guerre, il fonctionne. Donc, quelle que
soit la décision sur le couvre-feu après le 8 février, cette décision-là
doit être mieux expliquée que la dernière fois et mieux justifiée
scientifiquement que la dernière fois.
Parce que j'attire votre attention quand
même sur un certain paradoxe. Quand on a annoncé le couvre-feu, on nous a dit :
On n'a pas de preuve scientifique que ça va fonctionner, et, quelques jours
plus tard, on nous dit qu'on a des preuves que ça fonctionne. Ce n'est pas très
cohérent comme message. Ce qu'on demande, c'est que peu importe ce qui se
passera après le 8 février, il faut que ça soit bien expliqué de manière
transparente puis en s'appuyant sur la science.
Mme Crête (Mylène) :
Merci.
Le Modérateur
: Olivier
Bossé, Le Soleil.
M. Bossé (Olivier) :
M. Nadeau-Dubois, vous le dites, vous-même vous avez demandé des preuves
que le couvre-feu, ça donne quelque chose. On vous a rétorqué que dire ça, c'est
tomber dans le jeu du complot ou... Est-ce que vous avez des réponses sur le
couvre-feu? Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes à mieux de dire : Bien, il y a
des preuves qui appuient ça?
M. Nadeau-Dubois : D'abord, il
y a des données... il existe des données scientifiques préliminaires, certes,
mais quand même, qui permettent d'évaluer l'efficacité de certaines mesures de
confinement. D'ailleurs, dans la lettre ouverte que Manon et moi, on a signée,
on faisait référence à une de ces études-là qui est parue dans la revue
Nature. Donc, ce n'est pas vrai qu'il n'y a aucune indication scientifique,
nulle part sur la planète, de qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qui ne
fonctionne pas.
Moi, ce à quoi je m'attends comme
responsable en matière de santé pour Québec solidaire, c'est que la prochaine
fois qu'on fasse une annonce sur le couvre-feu, ce soit plus clair exactement
sur quel raisonnement scientifique on s'appuie, parce que l'argument de la
communication, l'argument de dire : Ça va envoyer un signal, il est
valide, mais il est incomplet. Je pense que les décisions politiques doivent
s'appuyer sur la science.
Et moi, je m'attends à ce que le gouvernement
fasse un effort supplémentaire pour mieux expliquer scientifiquement ses
décisions, tout en sachant qu'il n'y a pas de recette parfaite, qu'aucun pays
n'est arrivé à la recette miracle pour lutter contre la COVID. Il y a quand
même des travaux scientifiques sur ces questions-là. Puis moi, je m'attends à
ce que le gouvernement, par respect pour l'intelligence des Québécois et des Québécoises,
explique mieux ses décisions.
Mme Massé : Et peut-être que
je rajouterais là-dessus… Il y a notamment des données sur les relations entre
les corps policiers et les itinérants, itinérantes, qui s'appelle le profilage
social. Ça, ça a été démontré. Et, depuis deux semaines et demie maintenant, on
demande clairement au premier ministre d'exclure les itinérants, itinérantes du
décret sur le couvre-feu parce que ça fragilise cette population particulièrement
vulnérable.
Alors, je ne voudrais pas que ma société
fonctionne dans du deux poids, deux mesures. Si, effectivement, et Gabriel l'a
dit, par rapport au couvre-feu, il y a une poursuite quelconque, il va falloir
bien saisir… il va falloir que ce soit argumenté, et ça sera la seule façon
d'avoir une adhésion, vraiment, de la population.
M. Bossé (Olivier) : Vous
disiez tantôt que les seuls gagnants, ce sont les propriétaires des agences
privées. Je voudrais vous dire que les infirmières qui sont au privé, elles
sont gagnantes aussi parce qu'elles ont les horaires qu'elles veulent, alors
que, là, vous dites : Il faut les punir d'être allées au privé.
M. Nadeau-Dubois : Quand on
parle aux gens qui font le choix d'aller vers les agences privées, ce qu'ils
nous disent, c'est que ce n'est pas un choix facile, parce que, oui, il y a
plus de flexibilité au niveau des horaires en agence, mais il y a moins
d'avantages sociaux. Donc, quand les gens quittent vers les agences, ce n'est
pas pour abandonner le public parce qu'ils n'y croient plus, c'est parce que
les conditions sont tellement difficiles que ça devient une bouée de sauvetage.
Ça fait que, pour que cette bouée de sauvetage.
Ça fait que pour que cette bouée de
sauvetage là devienne moins attrayante, la solution, c'est de calmer la tempête
dans le réseau puis envoyer un signal, pendant qu'on est en négociation, qu'on
va améliorer les conditions, qu'on va donner un break à ces femmes-là, qu'on va
leur permettre une charge de travail plus humaine. Bien, c'est une manière de
rendre moins attirantes les agences de placement.
Et l'autre partie de ma réponse, ce serait
de vous dire : C'est quoi, l'alternative? Est-ce que l'alternative, c'est
de continuer l'hémorragie? Est-ce que l'alternative, c'est de continuer à
perdre du monde vers des agences privées?
Les agences privées sont mortes de rire.
Plus les gens sont en détresse, plus leur modèle d'affaires est attirant, puis
plus ils font du profit. Puis c'est qui qui paye pour ça? C'est les
travailleuses puis c'est les contribuables qui financent, par leur argent, la
compétition au réseau public. C'est une logique complètement viciée, et il faut
la briser. D'ailleurs, le ministre de la Santé ne nie pas que les agences de
placement sont un problème, hein? La dernière fois, il a utilisé l'expression
«mal nécessaire». Tout le monde sait que c'est un problème.
Là, qu'est-ce qu'on fait? Nous, on fait
une proposition sérieuse aujourd'hui, applicable demain matin, qui permettrait
de donner un peu d'air aux soignantes qui sont au milieu de la tempête dans
notre réseau de la santé. Puis ces femmes-là en ont besoin. Parce que, oui, il
y a une baisse de cas, mais on n'est pas sortis des turbulences dans le réseau
de la santé. La situation reste critique et elle va l'être un bon moment. Puis
par ailleurs, même quand le taux d'hospitalisations va continuer à descendre, nos
hôpitaux, là, on ne les fermera pas pour donner des vacances à tout le monde,
là. Il va falloir rattraper toutes les chirurgies, notamment, qui ont été
délestées. Les gens dans le réseau de la santé, ces femmes-là, là, elles ne
sont pas sorties du bois. Il faut les aider. Et la proposition qu'on fait aujourd'hui,
c'est en pensant à elles puis en pensant aux gens qui ont des chirurgies
délestées puis qui espèrent un réseau de la santé fonctionnel quand la crise va
s'apaiser.
Le Modérateur
: Valérie
Gamache, Radio-Canada.
Mme Gamache (Valérie) :
J'aimerais ça, vous entendre sur les mesures à prendre envers les voyageurs qui
voyagent à des fins de plaisir et d'agrément. On comprend qu'actuellement… le premier
ministre Trudeau n'a pas, encore aujourd'hui, fait d'annonce en ce sens-là.
Premièrement, qu'est-ce que vous attendez, peut-être, du fédéral, là-dessus?
Mais surtout, devant le fait que ça ne semble pas avancer de ce côté-là,
qu'est-ce qu'on fait au Québec?
Mme Massé : Bien, écoutez, on
a, encore là, un exemple où M. Legault souhaite, demande, implore le
gouvernement Trudeau d'agir, alors que… Bien, il pourrait, par exemple, au-delà
de dire : Bien, vous savez, les voyages non essentiels, vous devriez les
éviter, ce n'est pas une bonne idée, qui est quand même un discours qu'on
entend depuis quelque temps, il pourrait, par exemple, donc, je vous donne un
exemple, dire : Bien, nous, au Québec, on veut même envoyer un signal
fort, ce qu'on souhaite, c'est que... Ce qu'on souhaite, c'est-à-dire que le
gouvernement avance cette idée, de dire : Toutes les entreprises aériennes
ou agences de voyages qui, elles, ne semblent pas tenir compte de cet avis fait
par la Santé publique et par le gouvernement du Québec parce qu'elles offrent
des forfaits vacances pour la semaine de relâche qui s'en vient, qu'elles
offrent des combos réduits pour attirer les gens dans leurs voyages non
essentiels… bien, je pense que le gouvernement du Québec, sous toute sa
légitimité, de compétence, au Québec, devrait dire : Bien, nous, là, ça,
ce n'est pas accepté. On interdit la promotion des voyages dans ces
entreprises-là. On interdit les combos. Et, en fait, ce qu'on dit aux Québécois
et Québécoises, mais surtout aux entreprises : Bien là, vous ne ferez pas
exprès pour ramener le monde en vacances.
Ça fait que ça, tu vois, c'est un geste
que pourrait poser le gouvernement du Québec, qu'il aurait pu poser, et qu'on
souhaite qu'il pose, parce que les semaines de relâche s'en viennent, et on
pense que ça, c'est possible, pas juste attendre après M. Legault, mais
agir sur notre propre base.
Mme Gamache (Valérie) : Et
cette semaine de relâche là, est-ce qu'il faut l'annuler?
Mme Massé : Bien, écoutez, on
le sait, comment toute la situation concernant nos enfants est très
préoccupante, comment les impacts de cette pandémie-là… a eu des impacts sur
nos enfants, etc., sur nos familles, tout ça. La santé mentale, c'est quand
même quelque chose d'important. À cette étape-ci, moi, je n'ai pas de données à
l'effet qu'il faudrait abolir la semaine de relâche, au contraire. Mais, ceci
étant dit, je pense que le gouvernement du Québec, en matière de déplacements à
l'extérieur du Québec, pourrait agir notamment sur les agences et les
compagnies aériennes de la façon dont je vous l'ai dit.
M. Nadeau-Dubois : Et moi,
j'ajoute sur la semaine de relâche… Bon, il faut quand même se rappeler, la
semaine de relâche, ce n'est pas seulement une pause pour les enfants, hein?
C'est aussi une pause pour les enseignantes, des enseignantes qui sont, elles
aussi, exténuées, fatiguées, notamment parce qu'elles ont maintenant un fardeau
supplémentaire, celui de gérer des mesures sanitaires dans leurs classes. Je
pense que ces femmes-là méritent cette semaine pour reprendre leur souffle et,
je pense, ça doit faire partie des critères pour prendre cette décision-là.
Elles méritent une semaine pour reprendre leur souffle. Puis également ce n'est
souvent pas une semaine de congé, hein, pour les enseignantes, c'est souvent
une semaine pour faire de la préparation pour le reste de l'étape. Donc, moi,
je pense également à ces femmes-là puis je pense qu'elles méritent de souffler
un peu.
Le Modérateur
:
Geneviève Lajoie, Journal de Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Bonjour. Vous avez dit... vous vous êtes montrés heureux, tout à l'heure, que
le gouvernement, justement, se montre ouvert à faire... voyons, excusez-moi, à
faire en sorte que certaines régions puissent peut-être avoir moins de mesures
après... à moduler, finalement, c'est le mot que je cherchais, à moduler en
fonction des régions les mesures sanitaires après le 8 février. Mais
justement qu'est-ce qui doit être d'abord rouvert? On doit alléger quoi exactement
d'abord?
M. Nadeau-Dubois : Je
n'ai pas les compétences des responsables de la Santé publique pour faire cette
liste-là. Ce que je pense, c'est que le mur-à-mur sur un territoire aussi grand
que le territoire québécois, ça peut faire un temps, mais qu'inévitablement, à
terme, ça crée des déséquilibres puis des iniquités pour certaines régions.
Donc, moi, je ne m'improviserai pas dessinateur de mesures de confinement, là,
je fais confiance à la Santé publique pour faire ça. Mais le principe de base,
c'est que, là, il y a des régions qui appellent à cette flexibilité, qui
appellent à cette intelligence pour dire : O.K. est-ce qu'on peut voir
comment moduler selon les régions?
Moi, aux dernières nouvelles, ce que j'ai
entendu, c'est que cet appel est en train d'être entendu par le gouvernement.
Puis, oui, c'est une bonne nouvelle. Je pense que c'était la moindre des
choses. Puis on ne va pas se cacher de dire qu'on est d'accord avec le
gouvernement quand on trouve qu'ils font... quand ils font du bon travail.
Puis, là-dessus, de montrer cette ouverture-là envers les régions du Québec, je
pense que c'est une bonne décision.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Mme Massé, vous avez parlé, donc, de punir, d'une certaine façon, les...
ou en tout cas d'interdire la promotion des combos dans le Sud pour la semaine
de relâche, donc punir un peu, d'une certaine façon, les agences de voyages
puis les compagnies aériennes qui se livreraient à ça. Mais de quelle façon le
gouvernement pourrait faire ça?
Mme Massé : Il peut le
faire par décret. Il peut le faire par décret. C'est-à-dire toute la question
de protection du consommateur, et tout ça, c'est vraiment de compétence du Québec.
Alors, il pourrait tout simplement décréter qu'avec, bien sûr, et ça on vous le
dit souvent, des balises claires, je ne sais pas, des... pas juste une question
de dates, mais sur quel... à partir de quel moment il pourrait lever cette
mesure-là. L'idée, ce n'est pas de le faire ad vitam aeternam, là. On le sait,
qu'il y a des moments clés qui s'en viennent, dont, notamment, la semaine de
relâche. Il pourrait, dans le cadre de ces deux semaines là, dire : Bien,
c'est interdit. Et ça se fait par décret.
Mme Lajoie (Geneviève) : Peut-être
juste une précision. Vous ne vouliez pas, vous, M. Nadeau, tout à l'heure, Nadeau-Dubois,
tout à l'heure, nommer les biens essentiels, là, qui devraient peut-être être
disponibles pour les Québécois. Mais est-ce que vous admettez tout de même que
les vêtements pour enfants devraient être dans les biens essentiels?
M. Nadeau-Dubois : La logique
élémentaire serait de dire : Plus les mesures s'étendent dans le temps,
plus c'est possible que des gens aient besoin de certaines choses. Parce que se
priver de faire certains achats pendant deux semaines, ce n'est pas la même
chose que se priver de faire ces achats-là pendant deux mois. Donc, ça, je
pense que c'est une logique élémentaire.
Donc, moi, je m'attends à ce que, si on
prolonge les mesures après le 8 février, on applique cette logique-là puis
qu'on refasse l'exercice pour voir : O.K., là, ça fait maintenant un mois,
qu'est-ce qu'on peut faire entrer dans le panier des biens essentiels? Je pense
que c'est une question de logique, mais c'est aussi une question d'être
connectés sur les gens puis sur leur réalité.
Des fois, il y a certains achats qui
peuvent attendre, des fois, c'est plus compliqué. Je pense que les vêtements
pour enfants, c'est un bon exemple, là. Puis moi, j'invite le gouvernement à se
mettre dans les souliers d'une famille normale, qui a des besoins normaux, puis
de moduler la chose pour que ce soit réaliste pour les gens puis que ce soit
applicable.
Après ça, moi, je suis aussi conscient de
l'importance de conserver une équité entre les grands détaillants puis les
petits commerces indépendants. C'est notamment pour ça qu'on a établi cette
liste-là, et il faut que ça fasse aussi partie des critères. Il faut que ce qui
est bon pour pitou soit bon pour minou, puis que ce qui est fermé à un endroit
ne soit pas disponible ailleurs. Donc, ce n'est pas une équation simple à
résoudre, je le reconnais, mais là il faut penser aux familles ordinaires, qui
ont des besoins normaux, et si on prolonge après le 8 février, refaire
l'exercice pour s'assurer que ce soit logique, là. Puis, oui, les vêtements
pour les enfants, c'est un exemple de biens où, là, plus le temps s'allonge,
plus ça peut devenir compliqué pour les familles, là.
M. Bergeron (Patrice) : Si
vous me permettez, maintenant, une question, Patrice Bergeron de LaPresse
canadienne, avant qu'on passe en mode virtuel, concernant, donc, la
possibilité que le Parlement ne siège qu'en virtuel, qu'est-ce que vous avez
compris de la recommandation de la santé publique, qui, apparemment, suggérait,
donc, que ce soit uniquement virtuel? Et quel est l'état actuel des
négociations qui sont faites entre les leaders?
M. Nadeau-Dubois : Bien, en
effet, là, on a reçu cette recommandation de la part de la Santé publique au
tout début de janvier, là, la première semaine de janvier, puis, à ce
moment-là, on a pris la décision, les quatre formations politiques, que les
travaux parlementaires, pour le mois de janvier, seraient en virtuel. C'est
pour ça que les commissions parlementaires, dans les dernières semaines, se
sont tenues de manière virtuelle. Donc, la recommandation à cet effet-là, elle
a été suivie.
Maintenant, la situation a beaucoup évolué
depuis, pour le mieux, même si on ne se... Même si l'optimisme est prudent, il
y a quand même eu une amélioration, le développement technologique s'est
poursuivi à l'Assemblée. Donc, on continue d'avoir des discussions avec la
Santé publique pour voir maintenant, en fonction de la nouvelle situation
épidémiologique, en fonction des nouvelles capacités technologiques de
l'Assemblée nationale, qu'est-ce qu'on peut faire en virtuel puis qu'est-ce
qu'on peut faire en présentiel en ajoutant des mesures sanitaires. Moi, je ne
vis pas dans un monde où il y aurait deux possibilités, soit du 100 %
virtuel soit du «business as usual». Je pense qu'il y a entre les deux toute
une série de scénarios qui sont possibles.
Puis, nous, on va faire preuve de la
flexibilité maximale pour permettre de trouver un scénario où on a un bel
équilibre entre le respect des directives de la Santé publique puis le
fonctionnement de la démocratie québécoise. Puis moi, je suis convaincu qu'on
va arriver à une entente, je suis confiant qu'on va arriver à trouver cet
équilibre-là, notamment parce que la Santé publique nous a assuré qu'elle
allait nous accompagner dans ce travail-là pour qu'on trouve le meilleur
scénario possible.
M. Bergeron (Patrice) :
Concernant enfin la question du décret sur les agences, est-ce que vous avez
vérifié la validité juridique d'un tel décret qui pourrait être par exemple
contesté?
M. Nadeau-Dubois : Tout à
fait. Dans le fond, il y a deux éléments clés dans ce décret qu'on demande au
gouvernement du Québec. Le premier élément, c'est d'étendre l'obligation
d'assurer une continuité de services aux agences privées. Donc, en ce moment,
cette obligation d'assurer une continuité de services, cette obligation-là pèse
uniquement sur les épaules du personnel du réseau public. Nous, on dit :
Cette obligation-là doit être étendue à tout le monde, elle doit figurer dans
les contrats que signe le réseau public avec les agences de placement. La
raison pour laquelle on est confiants que c'est tout à fait légal et
constitutionnel, c'est que dans les contrats signés entre le réseau public et
les entreprises de services ambulanciers, cette condition-là, elle est là.
Évidemment, on n'accepte pas que les entreprises privées de services
ambulanciers choisissent les quarts de travail où elles fournissent des
ambulances. Ce serait absurde de leur permettre cette flexibilité-là. Ce serait
absurde de leur permettre ce «cherry picking»-là au niveau des horaires. Donc,
nous, on dit : Si c'est légal, et légitime, et normal de le faire pour les
ambulanciers, faisons-le pour les agences de placement. Donc, c'est légal,
c'est une pratique qui existe. C'est juste une question de volonté politique
puis de compassion à l'égard des femmes qui sont sur le terrain.
Deuxième élément de notre décret, c'est
l'obligation d'avoir des contrats d'une durée d'un mois. Donc, ce qu'on
souhaite éviter, c'est quoi? C'est le roulement infernal qu'on voit
actuellement dans le réseau de la santé, où des gens vont travailler un jour
ici, un jour là, puis ça bouleverse constamment les équipes de travail. Ça rend
le travail très compliqué sur le terrain. Nous, on dit : Si les agences
veulent fournir du personnel, qu'elles le fassent, mais qu'elles le fassent
pour des durées minimales d'un mois. C'est des obligations qui existent déjà
dans certains contrats entre certains CISSS, CIUSSS et certaines agences de
placement, sauf qu'en ce moment ce n'est pas obligatoire. Donc, certains CISSS,
certains CIUSSS inscrivent cette obligation-là dans les contrats qu'ils signent
avec des agences, mais pas tout le monde. Nous, on dit : Il faut, par
décret, que ce soit obligatoire. Vous signez un contrat, c'est pour un mois. Ça
suffit, les portes tournantes entre les hôpitaux puis entre les CHLSD.
Donc, c'est des dispositions qui existent
déjà ailleurs. Elles sont légales, elles sont constitutionnelles, elles sont
solides.
Le Modérateur
: Et,
avant de passer à l'anglais, maintenant, une question virtuelle de notre
collègue François Carabin, du Journal Métro, à Montréal.
M. Carabin (François) : Oui,
bonjour à vous deux. Merci de prendre mes questions. J'aimerais vous entendre,
je ne sais pas si ça serait Mme Massé ou M. Nadeau-Dubois, sur les
demandes de l'alliance des professeurs de Montréal. Ce matin, vous avez
peut-être vu qu'ils réclament le départ du ministre de l'Éducation,
Jean-François Roberge. Faites-vous partie de ceux qui pensent également
que M. Roberge a fait son temps comme ministre de l'Éducation?
Mme Massé : Bien non. Écoutez,
ça, ça sera au premier ministre de considérer si son ministre fait de façon
satisfaisante sa job ou non. Mais il y a une chose qui est évidente, c'est que
la relation de confiance entre le ministre de l'Éducation et les gens sur le
terrain, les profs, plusieurs directions aussi, ça, là, ça ne passe plus.
Alors, il y a tout un travail qu'il a à
faire, M. Roberge, pour retrouver la confiance des enseignantes. Puis je
pense qu'entre autres ça réside dans le fait que, vous savez, le réseau de
l'éducation, ça fait quand même un bout, là, qu'on sait qu'il est en déficit de
ressources humaines, au niveau des bâtiments, on en passe, bon, etc. Et, au
moment où les enseignantes, notamment, levaient le flag pour dire au
gouvernement : Vous devez nous aider à reconstruire notre réseau de
l'éducation, bien, la lubie du ministre Roberge, c'étaient les maternelles
quatre ans, c'était la gouvernance des commissions scolaires, alors que les
profs sur le terrain disaient : Non, nous, ce qu'on a besoin, c'est de
professionnels qui nous accompagnent, ce qu'on a besoin, c'est de pouvoir faire
notre job adéquatement.
Alors donc, je pense qu'il y a un travail
de confiance qui est brisé. Et là, bien, c'est au premier ministre d'évaluer
si, effectivement, c'est raccommodable, cette affaire-là, là.
M. Carabin (François) :
Merci. Et, sinon, j'aimerais revenir sur un autre sujet. Vous faisiez, avant
les vacances, beaucoup référence à la santé mentale des Québécois. Vous avez
fait plusieurs demandes sur ce sujet-là. Maintenant qu'on sort, là, d'un mois
et plus de confinement, quel portrait faites-vous de la santé mentale des
Québécois?
M. Nadeau-Dubois : Moi,
je ne suis ni psychologue ni travailleur social, mais je sais lire, et les
statistiques que je lis, elles sont encore extrêmement inquiétantes. Et je
pense qu'il faut se mettre les yeux devant les trous, là. Les conséquences de
cette pandémie sur la santé mentale des Québécois et des Québécoises, elles ne
vont pas s'évanouir au moment où les mesures de confinement vont tomber. Les
pots cassés, on va devoir les réparer dans les prochaines années, pas seulement
dans les prochaines semaines.
Et, en ce moment, on a un gouvernement
qui, d'une part, joue encore sur les mots et refuse de reconnaître qu'il y a
une crise de santé mentale et, d'autre part, propose, comme remède à cette crise
qu'ils ne reconnaissent pas, des choses qui sont sympathiques puis qui ne sont
pas nuisibles mais qui ne sont pas à la hauteur de la situation. Mettre au
coeur de notre approche les fameux autosoins, là, dont on commence à apprendre
l'existence dans l'espace public, c'est essayer de guérir un cancer avec de
l'homéopathie, là. Ça ne marchera pas. Il faut un remède à la hauteur du mal,
et ça, ça veut dire un chantier urgent d'embauche massive de ressources dans le
secteur public, de psychologues dans le réseau public, de professionnels dans
le réseau public pour faire baisser les listes d'attente.
Quand vous parlez aux gens sur le terrain,
là, ce que les psychologues vous disent, là, c'est qu'en ce moment on leur fait
faire des téléphones pour conseiller aux gens de s'inscrire sur la plateforme
Web du gouvernement. Et c'est pratique pour le gouvernement parce qu'à partir
du moment où les gens ont reçu ce coup de téléphone ils ne sont plus
officiellement sur la liste d'attente. Pourtant, ça ne veut pas dire que ces
gens-là vont mieux.
Donc, cette approche-là, elle est à
revoir. Il faut que l'embauche de ressources en santé mentale dans le réseau
public, ce soit une priorité nationale pour 2021 et pour les années
subséquentes. Et on ne fera pas de raccourci là-dessus. On n'y arrivera pas
sans embauche massive.
Le Modérateur
: Nous en
sommes maintenant aux questions en anglais, avec Maya Johnson.
Mme Johnson (Maya) :
Hello. You said that wall-to-wall measures are really a good
idea for a territory as vast as Québec…
M. Nadeau-Dubois :
A bad idea.
Mme Johnson
(Maya) : It's a bad idea, you're saying. But
how, then, do you deal with the problem that's created when people from one
zone then travel to another region and then create outbreaks there?
M. Nadeau-Dubois :
It's a very good question. I don't think it is possible to have a regional
flexibility without addressing the question of the transportation between the
regions. I think those two issues have to be taken together. So, if we want to
have a multilevel approach, a regional approach, the Government needs also to
think about what should be restricted in terms of going from a region to
another. I think it's a pretty simple logic that, if you want to make certain
differences between the regions, well, then, you should give very clear and
coherent indications to the population about what… How do you say
«déplacements»? I'm looking for that word, «déplacements».
Mme Johnson (Maya) : I'm thinking, moving around.
M. Nadeau-Dubois :
Moving around. So, if you want…
Mme Johnson (Maya) : I can't think of one term specifically.
M. Nadeau-Dubois :
It's not transportation. It's a bit too technical. But if you want to have a
multilevel approach and a regional approach, you have also to give very clear
and coherent indications to the people about how can they move around and how
can they move across the territory.
Mme Johnson (Maya) : Do you have any suggestions?
M. Nadeau-Dubois :
It's not my job to do that specific plan. I don't have the competences to do
it. But I do hear, I do hear the calls of the civil society and the elected
officials in a lot of Québec regions. I was talking to my colleague, Émilise
Lessard-Therrien, just a few minutes ago about that, and it is one of the
regions where people are looking towards the Government, and they are expecting
an approach that will, you know, take in consideration their reality. And their
reality is different from the reality of another region. And I think, in a so
vast territory as Québec, now that the stats are little bit better, it's a good
thing to have that flexibility about the regions.
Mme Johnson (Maya) : Yesterday, Paul St-Pierre Plamondon criticized the Government's
communication strategy. He even went so far as to call it propaganda. Where do
you stand on that?
M. Nadeau-Dubois :
Well, you know, when I was talking about the importance of having the National
Assembly working and doing its job in the next weeks, it's a way for us to say
that we also think that democracy is important, and that the counterbalance of
power is important, especially, especially in a crisis such as this one.
But, you know, I think
Québec solidaire has been able, in the last weeks, to do its job. I think we were able to do our job as an Opposition. We were the first to put
the finger on the problem of private clinics still operating business as usual.
We have a very good, I think, and concrete proposition today also. So I think
it's possible for Oppositions to play a role. I think it's possible for us to
have a contribution to the public debate. It's a challenge because of the
unusual circumstances, but I don't think it's impossible for us to do our job
and to have a presence in the public debate.
Le Modérateur
:
Maintenant, question pour Cathy Senay, CBC.
Mme Senay
(Cathy) :Prime
Minister… Well, good day, first of all. Prime Minister Justin Trudeau was just
holding a press conference and he's not ready yet to impose more restrictions
for travellers, for nonessential trips. Looking at the situation with the
variant coming to Canada, how
do you think Québec should
fight, like, the fact that nonessential travellers, perhaps, are coming back
and they are infected by COVID-19? So, what Legault should do today?
M. Nadeau-Dubois : Well, we were not able to watch Mr. Trudeau's press conference
for very obvious reasons, but… And I think we expect the federal Government to do something about
this, and to give clear indications to people, and to say what is forbidden and
what is permitted. But it's beginning to be a habit, from Mr. Legault's part,
to just pray for the federal Government to solve the problems.
First, I hope it will
help him realize the limits of being only a province, but secondly, I think he
has more power than he thinks to solve that problem. For example, he could get
tough on airline companies and on travel agencies, to ask them to stop
promoting behaviors that are clearly discouraged by the Public Health
authorities. Right now, you have businesses doing promotion and trying to
encourage people to travel, so that means encouraging actively people to do
something that public authorities are saying we should not do.
So, once again,
Mr. Legault is very tough on ordinary people, but he seems more hesitant
when it comes to getting tough on private companies that are not contributing
to our collective efforts.
Mme Senay (Cathy) : Yesterday, we learned that the SQ will now have the responsibility
of double-checking the quarantine of travelers coming back, helping the federal
authorities that are in charge already. They are having robocalls, they are
having this form that you have to fill every day when you're coming back. Do
you think it's a good thing or, like definitely, the federal is not doing what
it should be doing now?
M. Nadeau-Dubois : Well... I mean, it's better than nothing, but it's not enough, and
we're seeing it. Health, you know… Public Health authorities in Québec, in Canada and all
over the world are deeply concerned by this new variant of the virus. So that
brings a lot more attention on the issue of non-essential travels. And we know
one thing for sure, the actual model of running behind the people when they
come back from a non-essential travel, that model does not work.
Mme Senay (Cathy) : It's not strict enough?
M. Nadeau-Dubois : It's just not working. We've seen hundreds of personal stories
where people say they haven't been called or they've been called on their
cellphones. I mean, calling someone on a cellphone in 2021 is not a very
effective way to make sure they stay at home.
Le Modérateur
:
J'ai maintenant une toute petite dernière question en anglais de Raquel
Fletcher, en mode virtuel, de Global.
Mme Fletcher (Raquel) :
Bonjour. Good morning. My first question is about the return
to session next week, on February 2nd. What are you envisioning or
what would your ideal be in terms of a combination between in person question
period or in person committees and virtual committees? What are you hoping that
looks like starting next week?
M. Nadeau-Dubois : Hello to the dog who is accompanying you to the press conference.
Mme
Fletcher (Raquel) : Sorry. She's always quiet until I
have to ask a question, and then she is not.
M. Nadeau-Dubois : I have the same problem with my cat but it's more a visual problem
than a sound problem. But to answer your question, I do not… I refuse to think
that there are only two scenarios, a scenario where the Assembly would be 100 % virtual and a scenario where the Assembly would work
business as usual. I think there are a multiplicity of scenarios. We could do
some things, for example, some activities in parliamentary commissions on a
virtual platform. We could do some other activities, for example, the question
period, in presence. And we are, right now, in a very positive and constructive dialogue with the public health authorities and Mr.
Arruda himself to find that middle ground, to make sure that democracy will
work, but public health authorities will be comfortable with the way it works.
So, I am confident that
we will reach an agreement. I think we are on a good track and we are exploring
a lot of scenarios. And we should be able to have a definitive answer in the
next days, because we hope to get back to work here as soon as next week.
Mme Fletcher (Raquel) : My second question is about the February 8th date. I know that
you've said on a couple occasions that you don't have the data and the stats
that you would like, the transparency you would like from the Government. That being said, we do see the
numbers going down. What would you like to hear from the Government, on February 8th, to
determine whether or not the curfew and the other measures should continue? Do
you follow my question? Like, what do we need to know on February 8th? What are
you hoping to hear as a justification for either one of those decisions?
M. Nadeau-Dubois :You know, what we
expect from the Government of
the Coalition avenir Québec is
to be clearer that time than last time. What we expect them to do is to justify
their decisions with scientific data. There is no perfect recipe, but there is
scientific data that is available to justify some decisions and others. And I
think it's a very simple thing to ask, as an Opposition party, in the middle of
such a crisis, for the political decision to be
motivated by scientific reasoning and scientific data. I think it is not an
exaggerated expectation. I think it's completely normal. And we've seen
countries all over the world work in such a way. So, whatever they decide to do
with the curfew, it needs to be better explained than last time and it needs to
be backed by scientific data.
Le Modérateur
:
C'est ce qui met fin à cette conférence de presse. Je vous remercie, tous les
deux.
(Fin à 12 heures)