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Home > News and Press Room > Press Conferences and Scrums > Point de presse de Mme Nancy Guillemette, présidente de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, M. David Birnbaum, vice-président de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, M. Vincent Marissal, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de santé, et Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de soins de fin de vie

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Point de presse de Mme Nancy Guillemette, présidente de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, M. David Birnbaum, vice-président de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, M. Vincent Marissal, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de santé, et Mme Véronique Hivon, porte-parole du troisième groupe d’opposition en matière de soins de fin de vie

Dépôt du rapport de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Version finale

Wednesday, December 8, 2021, 13 h

Agora du pavillon d’accueil, pavillon

(Treize heures)

Mme Guillemette : Donc, bon après-midi, tout le monde. C'est avec fierté que nous présentons aujourd'hui le rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie. Avant de décrire plus en détail le contenu de notre rapport, j'aimerais dire quelques mots sur le contexte qui a amené à la mise sur pied de cette commission.

Depuis son entrée en vigueur en 2015, la Loi concernant les soins de fin de vie a permis à plus de 7 000 personnes d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, respectant ainsi leur volonté de mourir dans la dignité. En 2019, une décision rendue par la Cour supérieure du Québec a eu pour effet de rendre inopérant le critère de fin de vie, l'une des principales balises concernant l'accès à ce soin. Des personnes atteintes de maladies graves et incurables, mais dont la fin de vie n'est pas éminente, devenaient donc potentiellement admissibles à l'aide médicale à mourir.

En tant que parlementaires, nous sommes d'avis que tout élargissement à l'accès à un soin aussi important doit faire l'objet d'un vaste débat de société. Voilà pourquoi la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a été mise sur pied au mois de mars dernier par une décision unanime de l'Assemblée nationale. Notre mandat était d'évaluer les enjeux de l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude et à celles dont le seul problème est un trouble de santé mentale.

Je tiens à souligner que nos travaux se sont déroulés dans un esprit de collaboration, sans a priori ni ligne de parti. L'approche transpartisane que nous avons adoptée s'imposait vu la complexité et la délicatesse des enjeux que nous avions à traiter.

Afin de mener à bien son mandat, la commission a tenu deux phases de consultations particulières. Près de 80 personnes et organismes provenant de toutes les sphères de la société ont participé à ces auditions. Plus de 3 400 personnes ont également répondu à un questionnaire dans le cadre d'une consultation en ligne, dont les résultats apparaissent en annexe de notre rapport. En mon nom personnel, et au nom de mes collègues, je tiens à remercier toutes celles et ceux qui ont pris le temps de nous partager leur expertise, leur point de vue et leur expérience.

Tout au long de cette démarche, nous avons cherché un équilibre entre le droit à l'autodétermination des individus et la responsabilité qui incombe à l'État de protéger les personnes les plus vulnérables. Le respect de ces deux principes fondamentaux se trouve au coeur des 11 recommandations de notre rapport. Chacune d'entre elles a fait l'objet d'un examen approfondi et rigoureux s'appuyant sur les nombreux témoignages que nous avons entendus.

Deux grandes orientations se dégagent donc de notre rapport. Dans un premier temps, la commission recommande que la Loi concernant les soins de fin de vie soit modifiée pour permettre à des personnes atteintes de troubles neurocognitifs de pouvoir formuler une demande anticipée d'aide à mourir en prévision du moment où elles seront inaptes. En revanche, les membres de la commission se montrent défavorables à ce que l'aide médicale à mourir puisse être administrée à des personnes dont le seul problème médical est un trouble de santé mentale.

Je passe maintenant la parole à mes collègues David Birnbaum, Vincent Marissal et Véronique Hivon, qui vous expliqueront plus en détail le contenu de nos recommandations pour les deux volets de ce mandat. David?

M. Birnbaum : L'un des deux volets du mandat de notre commission portait sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental, comme a dit la présidente. Avant d'en arriver à notre recommandation, nous avons scruté à la loupe chacun des arguments qui nous ont été soumis. Devant la divergence des points de vue que nous avons entendus lors des consultations, cette question fut particulièrement difficile à trancher.

D'emblée, nous devons constater qu'il n'existe pas un consensus parmi les professionnels de la santé quant à l'incurabilité des troubles mentaux, pas plus sur le caractère irréversible de ceux-ci. Or, le critère d'incurabilité tout comme celui d'irréversibilité font partie des balises fondamentales de la loi actuelle concernant les soins de fin de vie. Les doutes qui persistent sur l'évaluation de ces deux critères nous incitent à faire preuve d'une grande prudence.

Nous constatons également qu'il est souvent difficile de poser le bon diagnostic pour des troubles mentaux. Dans bien des cas, ce processus peut prendre plusieurs années. Cette donnée nous semble cruciale puisque les traitements que recevra la personne pour apaiser ses souffrances dépendent du diagnostic obtenu. Nous estimons que les risques associés à un élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental comportent donc trop de variants et ne peuvent ainsi être étroitement contrôlés.

Par ailleurs, nous n'avons pas été témoins de mobilisations particulières, au sein de la société québécoise, en faveur d'un tel élargissement. Bien au contraire, nous avons plutôt constaté l'appréhension de plusieurs groupes communautaires oeuvrant dans le domaine de la santé mentale.

Cette réponse contraste, comme vous allez entendre, avec celle portant sur la demande anticipée d'aide médicale à mourir, réclamée par une grande partie de la population et par de multiples organisations. Plusieurs intervenants du domaine de la prévention du suicide nous ont également fait part de leur inquiétude sur le message qui pourrait être véhiculé aux personnes souffrant de troubles mentaux.

Pour ces raisons, la commission recommande de ne pas élargir l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental.

Nous sommes conscients que notre recommandation pourrait décevoir des personnes atteintes de troubles mentaux pour qui l'aide médicale à mourir serait peut-être une avenue envisageable. Nous reconnaissons en effet les conditions difficiles dans lesquelles ces personnes peuvent se trouver et les grandes souffrances qu'elles doivent tolérer, parfois pendant de longues périodes.

Ces enjeux d'une grande complexité sont délicats à traiter. Nous estimons néanmoins en être arrivés à la recommandation qui s'imposait. Considérant les importants désaccords qui persistent dans la société et dans la communauté médicale sur le sujet, il s'agit d'une position prudente faisant écho aux préoccupations entendues par les membres de notre commission. Merci.

M. Marissal : Merci, David. Alors, permettez que je vous entretienne des raisons qui justifient la demande anticipée. Dans le cadre de notre mandat, nous avons eu à nous pencher sur l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude. D'entrée de jeu, il faut dire que l'inaptitude à consentir aux soins peut se présenter sous différentes formes. Cependant, nos discussions se sont essentiellement tournées vers les personnes qui deviennent inaptes à consentir aux soins en raison d'un trouble neurocognitif, par exemple la maladie d'Alzheimer.

C'est en effet le recours à une demande anticipée d'aide médicale à mourir pour ces personnes qui a suscité le plus d'échanges au cours de nos travaux.

Avant de vous présenter nos recommandations dans le détail, nous tenons à aborder rapidement les raisons qui, à notre avis, justifient la mise en place de la demande anticipée dans certaines situations.

D'abord, au cours de nos travaux, nous avons pu constater une mobilisation significative en faveur de cette mesure. Les principaux ordres professionnels du secteur de la santé, comme le Collège des médecins et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, se montrent favorables à cette idée. L'appui à la demande anticipée semble aussi fort au sein de la population. Bien que, sans prétention scientifique, la consultation en ligne que nous avons menée dans le cadre de nos travaux indique que plus de 85 % des répondants appuient l'aide… l'idée, pardon, qu'une personne atteinte d'un trouble neurocognitif puisse obtenir l'aide médicale à mourir si elle en fait la demande alors qu'elle était apte.

Depuis l'entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie, on constate une évolution constante des perceptions au sujet de l'aide médicale à mourir. Nous croyons, aujourd'hui, que la population est prête à l'élargissement de l'accès à ce soin pour les personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Il s'agit, à notre avis, d'une évolution logique de la loi. En effet, elle reconnaît déjà être une forme de consentement anticipé en permettant aux personnes d'accepter ou de refuser à l'avance certains soins par le biais des directives médicales anticipées.

Il faut aussi mentionner que les personnes atteintes de troubles neurocognitifs sont susceptibles de respecter les principales conditions d'admission à l'aide médicale à mourir. Les troubles neurocognitifs sont effectivement des maladies graves et incurables, qui entraînent inévitablement la mort à plus ou moins long terme. Ces maladies se caractérisent également par un déclin importance et irréversible des capacités de la personne. Elles peuvent, en plus, s'accompagner d'importantes souffrances autant physiques que psychiques.

Plusieurs personnes nous ont d'ailleurs raconté le parcours parfois difficile de certains de leurs proches aux prises avec des troubles neurocognitifs. Ces témoignages, souvent bouleversants, ont mis en lumière les grandes souffrances que peuvent endurer ces personnes, parfois, pendant de longues périodes. Pour cette raison, nous croyons qu'il est nécessaire d'offrir une option additionnelle aux personnes qui pourraient se retrouver dans ces situations.

Nous avons la conviction que la demande anticipée d'aide médicale à mourir répond à un besoin très présent au sein de la population. Nous croyons aussi qu'elle permettra de mieux respecter les volontés de fin de vie des personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Je laisserai maintenant ma collègue, Véronique Hivon, le soin de présenter en détail nos recommandations d'encadrement.

Mme Hivon : Merci beaucoup, Vincent. Alors, comme l'a bien exposé mon collègue, nous croyons que la société québécoise non seulement souhaite mais est prête pour la mise en place de la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Avec la proposition, c'est une véritable avancée que nous mettons de l'avant, et, à nouveau, le Québec est précurseur sur la voie du respect de la personne malade et de ses volontés. Mais, pour que cette avancée en soit véritablement une, il faut qu'elle soit extrêmement bien encadrée. C'est pourquoi nous tenions à faire des recommandations précises touchant aux différentes étapes d'un éventuel processus de demande anticipée.

D'abord, nous recommandons que seules les personnes majeures et aptes ayant obtenu un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude puissent formuler une demande anticipée. Par exemple, une personne qui reçoit un diagnostic de maladie d'Alzheimer, alors qu'elle est dans les premiers stades de sa maladie et qu'elle est encore apte à consentir aux soins, pourrait formuler, si elle le souhaite, une telle demande. Ce ne serait pas le cas, toutefois, d'une personne de 25 ans, par exemple, dans l'éventualité où, un jour, elle soit frappée par une telle maladie. L'obtention d'un diagnostic est, à notre avis, une condition essentielle pour faire une demande anticipée. Cette condition fait en sorte que la personne est bien informée sur sa maladie et a l'occasion de se renseigner sur son évolution et sur les possibilités de traitement. Sans toutes ces informations, il nous apparaît impossible de faire une demande de façon pleinement éclairée.

Nous recommandons aussi que le formulaire sur lequel serait inscrite la demande soit rempli et signé devant deux témoins. De cette façon, le médecin pourra s'assurer que le patient ou la patiente prend une décision libre et éclairée, donc sans pression extérieure. Pour garantir la validité du document, le formulaire devrait aussi être contresigné, donc, par des témoins ou être sous forme notariée. La personne aurait indiqué clairement les manifestations de son état de santé, qui devrait donner ouverture à sa demande anticipée. Ce sont ces indications qui vont guider l'équipe soignante au moment où la personne sera devenue inapte à consentir aux soins, et la demande devra être faite devant le médecin.

La personne aurait aussi à désigner un tiers de confiance qui sera chargé de signaler l'existence de cette demande au moment où la personne sera devenue inapte. C'est ce tiers désigné qui aurait la responsabilité de réclamer le traitement de la demande anticipée au moment opportun. Il faut préciser qu'il ne s'agit, en aucun cas, d'un consentement substitué. Ce tiers de confiance ne fait que réclamer le traitement de la demande anticipée conformément aux volontés de la personne qui l'avait rédigé. C'est alors au médecin d'évaluer la demande anticipée et de déterminer si la personne répond aux critères d'admissibilité.

Les critères que nous proposons s'inspirent d'ailleurs directement de ceux que l'on retrouve actuellement dans la loi, mais ils ont été modifiés pour tenir compte des particularités propres aux troubles neurocognitifs.

Ainsi, avant d'administrer l'aide médicale à mourir, le médecin devra vérifier si la personne respecte les conditions suivantes :

Elle est atteinte d'une maladie grave et incurable; la situation de la personne médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; sa situation médicale et son état de santé entraînent des souffrances physiques ou psychiques, y compris existentielles, constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables. Ces souffrances sont constatées et validées également par le médecin. Par ailleurs, comme c'est déjà le cas en ce moment, un second médecin devra confirmer le respect de ces conditions.

En somme, nous avons la conviction que notre proposition au sujet de la demande anticipée saura répondre aux besoins et aux souhaits de la population et à notre engagement pour le respect de la dignité de la personne. Nous sommes aussi convaincus que la solidité et la rigueur des balises que nous proposons aujourd'hui contreront tout risque de dérive. C'est ce qui nous a guidés tout au long de nos travaux sur cet enjeu sensible, mais combien important. Je cède maintenant la parole pour le mot de la conclusion à la présidente.

Mme Guillemette : Merci. Donc, les recommandations que nous soumettons aujourd'hui constituent l'aboutissement d'un long travail de réflexion de notre part. Elles permettent d'atteindre un juste équilibre entre le respect de l'autodétermination et la protection des personnes vulnérables. Nous avons bon espoir qu'elles sauront satisfaire la population québécoise et qu'elles seront mises en oeuvre dans les meilleurs délais.

Je tiens par ailleurs à inviter l'ensemble de la population à lire notre rapport et à se l'approprier. En résumer la teneur en l'espace de quelques minutes tout en faisant les nuances qui s'imposent est évidemment un grand défi. Donc, en ce sens, la lecture du rapport nous apparaît essentielle pour bien saisir toute la complexité des enjeux au coeur de notre réflexion et surtout pour bien comprendre les choix que nous avons faits.

En terminant, je tiens à remercier à nouveau sincèrement tous les membres de la commission spéciale qui sont ici avec nous aujourd'hui, l'ensemble des personnes qui ont pris le temps de venir participer à nos travaux. Sans votre contribution essentielle, nos discussions n'auraient pas eu la même profondeur et nous n'aurions pas pu produire un rapport aussi étoffé. Et un merci tout spécial aux membres de l'Assemblée nationale qui nous ont accompagnés dans ce mandat, car sans eux on n'aurait pas pu remettre un mandat dans le court délai qui nous a été émis et avec tout le sérieux que ça impliquait.

Donc, salutations à Ann-Philippe, Constance, Félix et Mathieu. C'est ceux que nous rencontrions à chaque rendez-vous, mais on sait qu'il y avait beaucoup de gens en arrière de vous, donc passez le message à toute l'équipe.

Donc, nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions. Merci.

Mme Richer (Jocelyne) : Bonjour, Mme Guillemette. Jocelyne Richer, LaPresse canadienne. J'aimerais savoir, est-ce que la prochaine étape, c'est que le ministre de la Santé lise le rapport et dépose un projet de loi? Et est-ce que vous souhaitez que ce projet de loi là soit déposé et adopté avant la fin du présent mandat?

Mme Guillemette : Évidemment, le ministre a eu le rapport entre ses mains ce matin. Il va en prendre connaissance. Et nous souhaitons dans les meilleurs délais qu'il y ait un projet de loi, mais cette partie-là n'appartient plus à la commission, elle appartient au ministre, et ce sera à lui de voir. Mais effectivement on souhaite que ce soit dans les meilleurs délais.

Mme Richer (Jocelyne) : Maintenant, est-ce que vous avez songé à étendre l'application de la loi aux enfants, aux adolescents, qui, eux aussi, peuvent être atteints de cancer, peuvent avoir des grandes souffrances? Est-ce que ça a été évoqué et ça a été rejeté ou... Quel est l'argumentaire par rapport à ça?

Mme Guillemette : En fait, le mandat de la commission était celui des gens qui devenaient inaptes et pour ceux pour qui les seuls troubles étaient un trouble de santé mentale. Ces personnes-là ne faisaient pas partie de notre mandat, donc on s'est concentrés sur les deux objectifs de notre mandat. Merci.

M. Carabin (François) : Bonjour. François Carabin, excusez-moi, avec Le Devoir. Je voudrais vous amener sur le plan fédéral. Le gouvernement fédéral a sa loi sur l'aide médicale à mourir, qui prévoit notamment de réviser la possibilité, là, d'élargir la loi aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Est-ce que ça ne risque pas, si le gouvernement devait aller plus loin, de rendre certains aspects de la loi québécoise caducs?

Mme Guillemette : Vas-y, David.

M. Birnbaum : Bon, dans un premier temps, nous avons comblé un mandat qui nous a été confié pour remplir l'espace qui nous appartient ici, au Québec. Et le mandat était clair, et il y avait des questions qui s'imposaient, surtout sur la santé mentale et l'inaptitude. Bon, on est devant une éventualité fédérale en 2023. Ça serait au législateur de réagir à ce point-là. Mais, de notre lecture, on avait une responsabilité de nous pencher sur les deux questions qui s'imposaient et qui sont pleinement dans la compétence du Québec, qui est un précurseur, en quelque part, sur le plan mondial, dans ce domaine-là. Alors, on a rempli notre mandat.

M. Carabin (François) : O.K. Mais la loi québécoise a été rouverte, là, ou est sur le point, potentiellement, d'être ouverte, c'est-à-dire. Est-ce qu'on ne risque pas de la rouvrir, la refermer, la rouvrir, la fermer si on suit le pas du fédéral? Je ne sais pas si vous...

M. Birnbaum : Bien, dans un premier temps, on va en convenir, que c'était un débat évolutif, il n'y aurait pas... jamais le dernier mot là-dessus, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, le Québec et l'Assemblée nationale se sentaient interpellés par au moins deux choses : le débat qui évolue, de toute évidence, et nos consultations publiques — on a bien démontré que la population, ses perceptions et ses sentiments sur ces questions sont en évolution — et, dans un deuxième temps, il y avait une décision de la cour qui laissait un certain vide qui avait besoin d'être comblé, comme je dis, par le Québec qui est précurseur en tout ce qui a trait à ce débat, c'est-à-dire que le critère de fin de vie n'existe plus. Alors, en toute responsabilité, l'Assemblée nationale nous a confié un mandat, et, de façon unanime, on vous présente nos recommandations.

M. Carabin (François) : Peut-être, Mme Guillemette, une précision sur la question qui a été posée plus tôt. Vous voulez donc demander... Vous demandez, si on veut, au ministre de la Santé de déposer un projet de loi le plus rapidement possible, mais est-ce que vous avez eu, vous, comme membre du gouvernement, des discussions avec certains représentants du Conseil des ministres? Puis qu'est-ce que vous avez eu comme indication sur cette loi-là?

Mme Guillemette : Bien, en fait, moi, je suis ici en tant que présidente, membre de la commission au même titre que tous mes collègues, même si je fais partie du gouvernement. Donc, on a remis, nous, le rapport au ministre Dubé, qui va en prendre connaissance, et ce sera à lui de voir la suite des choses. Mais effectivement, tous les gens de la commission, on veut que, dans le délai le plus court possible, on puisse voir apparaître une loi, mais cette partie-là ne nous appartient pas.

M. Carabin (François) : Merci.

M. Lacroix (Louis) : Bonjour. Mme Hivon, j'aurais une petite précision sur ce que vous avez dit tout à l'heure. Lorsque vous parlez des tiers… un tiers de confiance qui va signaler la demande qui a été faite de façon préalable à un responsable, vous dites : «au moment jugé opportun». Comment on fait pour déterminer quel est ce moment-là?

Mme Hivon : Oui. C'est une grande question dont on a débattu. Ce tiers de confiance là, il a émané d'un rapport, là, d'experts qui s'était penché précisément sur la question de la demande d'inaptitude, et c'est vraiment une notion d'encadrement qui nous est apparue fondamentale. D'abord, c'est ce que les gens demandent, qu'il puisse y avoir un tiers dans leur entourage qui n'est pas là pour juger à leur place, qui ne donne pas un consentement à leur place, mais qui est juste là, comme, pour agiter le drapeau pour dire : Écoutez, ma mère, mon conjoint, mon ami, je pense qu'elle est rendue au stade de ce qu'elle avait prévu dans sa demande anticipée. Donc, la personne, quand elle fait sa demande anticipée, elle va indiquer les manifestations de sa maladie qui, selon elle, devrait donner ouverture non pas à l'exécution de la demande, mais au traitement de la demande. Il faut bien être conscient de ça.

Donc, le tiers de confiance, son rôle, c'est de dire : J'accepte le mandat — il doit le faire par écrit, d'ailleurs, c'est très sérieux comme geste — j'accepte de porter la voix de mon proche quand cette personne-là va être inapte de le faire, j'agite le drapeau auprès de l'équipe médicale. Et là, ça enclenche un processus pas automatiquement de donner l'aide médicale à mourir, mais de voir est-ce que la personne répond aux critères, en temps réel, qui sont prévus comme encadrement. C'est ça, la mécanique qui est prévue.

M. Lacroix (Louis) : Donc, c'est la personne elle-même qui, dans sa demande anticipée, va expliquer ce qui devient inacceptable pour elle en temps… ou…

Mme Hivon : C'est ça. Ce qu'elle anticipe comme étant inacceptable comme souffrance, comme état de dégradation physique, mentale, cognitive, évidemment. Donc, par exemple, quelqu'un qui dirait : Moi, si je deviens alité, grabataire, que je suis agité, que, de toute évidence, j'ai des souffrances, je veux qu'on puisse m'aider en me donnant l'aide médicale à mourir. À ce moment-là, le tiers dirait : Voici, je pense que ma mère, mon proche est rendu à l'étape qu'elle avait prévue, qu'il avait prévu, et je vous demande donc d'examiner la demande. Et donc, à partir de ce moment-là, l'équipe soignante, le médecin regarde la demande, regarde s'il y a concomitance, mais évalue aussi en temps réel : Est-ce qu'on répond aux autres critères objectifs, dont la présence de souffrance, le déclin avancé et irréversible? Donc, tout ça doit être consigné.

M. Lacroix (Louis) : Est-ce que la question… Parce que, tu sais, ça implique que la personne a une perte de conscience de son état jusqu'à un certain point, là, ces maladies-là.

Mme Hivon : Oui, tout à fait.

M. Lacroix (Louis) : Alors, je ne sais pas comment poser la question, mais vous êtes-vous questionnée à savoir, si une personne qui prend une décision consciemment en disant : Bien là, moi, j'ai encore ma conscience, je sais que je ne veux pas ça, mais une fois rendu dans son état d'inconscience, si on veut, est-ce que vous vous êtes posé la question, à savoir si c'est possible que la personne ne veuille plus ça? Comprenez-vous ce que je veux dire?

Mme Hivon : Un petit peu, pendant de longues et longues heures, oui. Alors, tous mes collègues pourraient parler, je les invite à compléter ce que je vais dire. Ça a été vraiment au coeur du débat et de la réflexion très, très intense qu'on a faite sur cette question-là, c'est : Est-ce que la personne demeure la même personne? Est-ce qu'elle peut être une nouvelle personne? Est-ce qu'on parle de ce qu'elle anticipe ou de ce qu'elle va vivre réellement? Et c'est pour ça qu'on pense qu'on est vraiment arrivé à l'équilibre après toutes ces heures, ces journées de discussion, de dire que la personne va indiquer les manifestations de son état qu'elle veut qu'elles soient prises en compte pour un éventuel déclenchement de la requête, mais ce n'est pas ça qui va donner automatiquement droit à la requête parce qu'il va falloir qu'il y ait une rencontre en temps réel avec les critères de la loi.

Donc, vous pourrez bien y dire, quand je ne reconnaîtrai plus mes proches, je vais avoir l'aide médicale à mourir. Mais comme nous le disait une experte, rendue au moment, ça se peut très bien qu'une dame, elle nous expliquait un cas comme ça, ne reconnaît plus son conjoint, mais elle trouve vraiment formidable tellement qu'elle le drague quotidiennement. Elle ne sait pas que c'est son conjoint, mais elle l'aurait rechoisi de toute évidence. Elle n'a pas l'air de souffrir, vous comprenez? Donc, il faudrait quand même que les critères, en temps réel, soient rencontrés.

M. Lacroix (Louis) : J'ai juste une autre question aussi sur une autre chose…

M. Marissal : M. Lacroix, vous avez mis le doigt vraiment sur quelque chose qui a occupé beaucoup, beaucoup de notre temps, là, à la gang qu'on était. Parce qu'effectivement comment déceler la réelle volonté de quelqu'un qui n'est plus là pour l'exprimer, il y a quand même des indicateurs physiques qui existent, le corps médical est capable d'indiquer par certains avancements de la maladie qu'on est rendu là. On sait, par ailleurs, que les maladies que l'on vise sont irréversibles et mènent à la mort. Alors, on le sait que, de toute façon, est-ce que c'est une question d'un an, de deux ans, de trois ans? On ne le sait pas exactement, mais on sait qu'il y a des indicateurs qui font que la personne est dans un cheminement très étroit, un entonnoir qui, de toute évidence et malheureusement, ne mène qu'à une place, c'est-à-dire à la mort.

Donc, le corps médical, mais l'équipe médicale, ainsi que le tiers, la tierce personne est très importante, tous ces gens-là sont très importants dans le cheminement justement pour être capable de prendre la bonne décision au bon moment, tout en gardant toujours en tête que cette personne-là, quand elle était apte, elle a dit qu'elle voulait ça. Ça, c'est le principe d'autodétermination de gens qui veulent prendre la décision pour eux-mêmes. Alors, on a essayé de réconcilier tout ça, en souhaitant qu'on y soit arrivé, j'ai bien confiance qu'on a trouvé un équilibre peut-être pas précis, mais qui permettra d'avancer ce débat-là dans la société.

M. Lacroix (Louis) : Je veux juste ajouter à mon questionnement, en ce sens que, quand on prend cette décision-là, anticipée, c'est qu'on est capable… on a une conscience qui fait en sorte qu'on est capable de sentir la souffrance qu'on pourrait éventuellement avoir parce qu'on a un état qui est x et on s'en va vers un état y. Mais, quand on est dans l'état y, on ne peut plus comparer avec l'état x, on ne l'a plus. Comprenez-vous? C'est peut-être un peu abstrait, mais...

M. Marissal : Ah non! ce n'est pas... c'est à la fois abstrait et tellement concret que ça a occupé nos têtes et nos esprits pendant des mois au cours des derniers mois. Je peux vous dire que, je pense que je parle pour mes collègues aussi, on n'en parlait pas puis on n'y pensait pas juste quand on était en commission, là. Moi, ça m'a habité, puis, je pense, c'est pareil pour tous mes collègues, là, ça nous habitait constamment. C'est quand même des décisions importantes.

Ce pour quoi, je répète, l'accompagnement est important. À partir du moment où il y a un diagnostic, il y a des rencontres avec les médecins, avec les spécialistes, avec l'équipe médicale, avec un tiers, qui va dire : Bon, c'est ça, la séquence, ce qui risque de se produire, là... parce que c'est ça qui va se produire, vraisemblablement. Après ça, on va suivre cette personne. Et il est hors de question d'administrer l'aide médicale à mourir au premier signe, là. On n'en est pas là. On a quand même des balises qui permettent de déterminer qu'une maladie neurocognitive, dégénérative, il y a une séquence dans le temps qui mène à la mort.

Il y a des gens qui nous ont dit, dans les consultations : Moi, si je rentre en CHSLD, je préfère avoir l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas une maladie d'entrer dans un CHSLD. Je peux comprendre que ça peut faire peur à certaines personnes. Je peux très, très bien le comprendre. Mais on ne peut pas traiter ça comme une maladie mortelle, là.

On a donc des balises. Et, je vous répète, notre rapport, c'est un rapport, ce sont des recommandations, ce n'est pas un projet de loi. Le projet de loi, on le souhaite le plus tôt possible et on sera là pour en débattre aussi.

M. Lacroix (Louis) : Juste une petite dernière, elle va être rapide, rapide. Vous avez dit, et Mme Hivon l'a répété également, que la société est rendue là, que la... En fait, ce que vous sous-entendez, c'est que la société a évolué depuis que la loi sur les soins de fin de vie a été adoptée, puis, à un moment donné, on est rendus à adopter cette... Alors, c'est quoi, la prochaine étape d'élargissement de la loi sur les soins de fin de vie à laquelle vous souhaiteriez qu'on réfléchisse?

M. Marissal : Sur l'historique, M. Lacroix, je vais laisser Véronique, qui est là depuis le tout début... Puis j'en profite pour dire à quel point elle nous a été précieuse dans le cheminement de nos réflexions, réellement. C'est vraiment un travail transpartisan, tous les collègues ont mis l'épaule à la roue, mais Véronique est arrivée avec un bagage. Donc, je lui cède la parole volontiers.

Mme Hivon : En fait, on n'est pas dans la prochaine étape, on est dans cette étape-ci. Si je vous ramène en arrière, puis il y a Francine aussi qui était dans la première mouture de la commission, on avait eu des débats à savoir si on devait aller vers la demande anticipée, mais le débat était tellement nouveau, le Québec était tellement précurseur, on n'était pas capables de franchir ce pas-là tout en étant certains qu'on allait maintenir le consensus social. Il fallait franchir le premier pas qui était fondamental, de l'aide médical à mourir de manière générale, pour voir comment tout ça allait descendre, ceux qui étaient opposés... il y avait un fort consensus social, mais comment les oppositions allaient ensuite se révéler. Et aujourd'hui on voit à quel point le fait que ça a été bien fait, que ça a bien atterri, que la loi était vraiment solide, ça a fait en sorte qu'il y a des gens qui s'y opposait ne s'opposent plus.

D'ailleurs, c'était extraordinaire, dans nos travaux, moi, je revoyais des gens qui étaient venus à la première mouture et qui, maintenant, nous disaient : Bon, pour ça, on n'aura pas le choix, voici comment on devrait l'encadrer. J'ai évolué, j'ai même accompagné des patients. Donc, je pense que c'était le bon choix, mais cette question-là est toujours restée.

Puis quand vous dites : Comment vous savez que les gens sont rendus là?, c'est parce qu'on parle à nos concitoyens, c'est parce que, moi, je donne des conférences. C'est le sujet qui revient toujours. C'est le sujet qui revient toujours. Et je pense qu'aujourd'hui on franchit vraiment un pas. Et on est précurseurs encore, il faut en être conscient, sur la demande anticipée, mais c'est parce que ça répond vraiment à un besoin de respect de la personne. Et autant que ça a été complexe d'y arriver, autant je pense que c'était la bonne décision.

Mais, justement, on n'est pas en train déjà de penser à la suite. Puis je pense que la décision qu'on prend aujourd'hui, puis vous avez vu qu'on n'ouvre pas sur le trouble mental, ça montre que le but, ce n'est pas d'ouvrir toujours plus, toujours plus grand, le but, c'est d'ouvrir ce qui est juste pour le respect de la personne tout en protégeant les personnes vulnérables.

M. Bellerose (Patrick) : Bonjour à tous. Mme Hivon, vous pouvez rester, peut-être la question pourrait être pour vous. Juste pour poursuivre dans la lignée de ce que Louis demandait sur la notion de souffrance, on s'entend qu'ici on change quand même la notion de souffrance par rapport à ce qui était dans la première mouture de la loi. Quand vous parlez d'un cancer, par exemple, c'est une souffrance physique. Là, on parle d'un état dégradant, d'une perte de dignité. Est-ce qu'il y a une réflexion à avoir sur la notion de souffrance?

Mme Hivon : Oui, ça aussi, ça nous a occupés, vous êtes très perspicaces dans vos questions, là, ça nous a occupés énormément. En fait, il faut amener une première précision. Dans la situation actuelle de la loi actuelle, autant les souffrances physiques que psychiques sont tenues pour compte. Juste la maladie physique, mais la maladie physique qui entraîne une souffrance psychique, une anxiété incontrôlable, des crises existentielles, c'est tenu en compte pour pouvoir avoir accès à l'aide médicale à mourir. Donc, à cet égard-là, il n'y a rien de neuf. Toutes ces questions-là de sentiments de complète perte de dignité et de sens, d'anxiété sont déjà là. Il y a des demandes qui sont acceptées sur les bases de souffrances psychiques. Donc, on va dans la même veine.

Est-ce qu'il y a un degré supplémentaire de complexité pour évaluer cette souffrance-là, au moment contemporain où on évalue la demande? Évidemment. Mais les experts sont venus nous dire qu'on voit aussi l'inconfort d'une personne, même une personne inapte, par ses errances, par son anxiété, par sa crispation, par le fait qu'elle est totalement alitée. Donc, on a confiance, puis les médecins nous ont rassurés par rapport à ça, qu'on pouvait y arriver.

M. Bellerose (Patrick) : Vous avez choisi... Oui, allez-y, M. Birnbaum.

M. Birnbaum : Votre question est très pertinente derrière... nous a amené à notre conclusion, qui n'était pas un automatisme, d'insister sur un diagnostic avant de recommander l'élargissement et, en quelque part, ne s'adresse pas directement, mais vos questions... parce que, là, on parle d'une personne, à titre d'exemple, devant un diagnostic d'Alzheimer, le niveau de recherche de connaissance évolutive aussi, mais donne à cette personne un aperçu assez intéressant, et j'ose dire complet, mais pas complet, sur la souffrance réelle qui l'attend. L'aspect irréversible est bien connu des gens. Alors, vos questions sont tout à fait pertinentes, elles ont alimenté nos réflexions à la fois sur le suivi très important au moment identifié où l'équipe médicale a tout son rôle à jouer, mais aussi ça a confirmé le bien-fondé de notre recommandation, si je peux, d'insister sur un diagnostic. Parce que c'est une personne devant un diagnostic irréversible.

M. Bellerose (Patrick) : Sur le fait d'avoir choisi... peut-être Mme Guillemette, on ne vous a pas beaucoup entendu, sur le fait d'avoir choisi une personne tiers... un tiers de confiance pour déclencher la demande d'aide médicale à mourir, on a déjà vu des chicanes de famille pour moins que ça, disons. Pourquoi ne pas avoir été avec un professionnel qui aurait pu déterminer puis dire : Bien, écoutez, voici... il y a un formulaire qui a été rempli pour cette personne qui est en CHSLD, par exemple?

Mme Guillemette : Bien, en fait, il y a un tiers de confiance qui est désigné par la personne, et s'il n'y a pas de tiers de confiance désigné par la personne parce qu'il y a des gens qui peuvent être seuls ou qui feront tout simplement le choix de prendre quelqu'un d'autre, ça peut être très bien quelqu'un de l'équipe médicale également qui le soit. Donc, dans les cas plus litigieux, j'imagine que les familles, les personnes pourront choisir quelqu'un de l'équipe médicale, quelqu'un rapproché d'eux, là.

M. Bellerose (Patrick) : Dernière question. La FMOQ avait soulevé l'idée de faire une demande anticipée avant même d'être malade, par exemple, pour un cas d'accident de voiture, accident cardiovasculaire aussi. Ça n'a pas été retenu, je comprends bien, pouvez-vous expliquer votre choix?

Mme Guillemette : Non, ça n'a pas été retenu parce qu'on veut vraiment mettre une balise qui est une maladie dégénérescente qui ait quelque chose... une maladie incurable qui mène vers la fin de vie. Et la personne doit être apte quand elle fait cette demande-là, donc quelqu'un qui aurait un AVC ou qui aurait... ne pourrait pas... ne serait pas apte, là...

M. Bellerose (Patrick) : Quelqu'un qui est à l'avance, par exemple, moi, aujourd'hui, je dirais, si j'ai un accident de voiture, traumatisme crânien, un AVC, je souhaite recevoir l'aide médicale à mourir. C'est ce que la FMOQ proposait. Vous avez choisi de ne pas aller dans cette direction-là, pourquoi?

Mme Guillemette : Non, on n'est pas allés dans cette direction-là parce que c'est très dur à baliser. On ne connaît pas l'état de la personne. Il y a beaucoup d'impondérables dans ces situations-là. Donc, c'était beaucoup trop complexe, là, à baliser et trop risqué aussi.

Donc, il y a l'autodétermination de la personne, mais il faut protéger aussi les personnes vulnérables. Tu sais, comme vous le disiez tout à l'heure, des fois, on voit des histoires d'horreur. Donc, je pense qu'on a trouvé un juste équilibre à ce niveau-là également.

Mme Hivon : Juste rappeler que le refus de traitement dans ces cas-là, évidemment, est souvent très utile. Et aussi les directives médicales anticipées telles qu'elles existent déjà prévoient ces cas-là. Vous pouvez dire : Je ne veux pas être branché, je ne veux pas être réanimé, je ne veux pas de soins hors du commun. Donc, ça répond à beaucoup, beaucoup de situations déjà puis, au moins, ça élimine le risque de ne pas avoir du tout prévu l'évolution d'une maladie quand on est parfaitement en santé sans diagnostic, à savoir est-ce que c'est vraiment ça, la solution.

M. Lavallée (Hugo) : Bonjour. Peut-être une question pour Mme Hivon, une précision sur… Tout à l'heure, vous avez dit, bon : On a écarté le trouble mental, il y avait des groupes qui émettaient des inquiétudes, entre autres. Est-ce que… Parce que la première fois, lors de la première mouture aussi, il y avait des inquiétudes des groupes, ça ne vous avait pas empêchés d'aller de l'avant. Pourquoi… J'aimerais entendre davantage d'explications sur pourquoi vous avez choisi d'écarter le trouble mental.

M. Birnbaum : Mais ce n'est pas anodin qu'on parle d'un manque de consensus sur l'aspect d'incurabilité ni d'irréversibilité de ces troubles mentaux. C'est réel. De plus, la troisième chose qu'on a mentionnée, qui est réelle aussi, qui ne se présente pas... en tout cas, tu ne présentes pas de la même ampleur dans les cas physiques, le processus du diagnostic d'un trouble mental, les experts nous avaient partagé leur point de vue mitigé là-dessus, ce n'est pas une science exacte.

Alors, devant un manque, en quelque part, d'un diagnostic précis, comment est-ce qu'on peut même évaluer l'aspect d'incurabilité, d'irréversibilité? Vous avez besoin de comprendre que ça a été des discussions, ultimement, qui aboutissaient à une conclusion unanime, mais déchirante, déchirante. Je l'avais dit dans mes remarques, nous avons eu la responsabilité, dans chacun de ces cas-là, de faire nos recommandations pour la population québécoise. Comme le fardeau des législateurs, chaque jour, dans ces cas-là, je ne veux pas banaliser le terme, mais il y a des dommages potentiellement collatéraux. Autrement dit, y a-t-il des individus qui risqueraient de combler les exigences actuelles dans la loi pour avoir accès à l'aide médicale à mourir, telles que décrites dans la loi actuelle même? J'imagine… on s'imaginait que, oui, il y a quelques cas, mais la prudence s'imposait, pour les trois raisons que j'ai énumérées, et on est confiant, avec un sentiment d'ambivalence, d'être arrivé à la bonne conclusion.

M. Lavallée (Hugo) : Vous êtes tous d'accord, les quatre, si je comprends bien, sur cette façon de faire là. Est-ce que… tout à l'heure, on demandait quelle était la prochaine étape justement, est-ce que ce n'est pas un peu inévitable qu'il y ait, un jour, un autre élargissement de la loi?

Mme Hivon : Bien, moi, ce que je veux dire, là, c'est que je suis très fière de comment le Québec avance sur cet enjeu-là qui est vraiment sensible. On prend les devants sur les tribunaux dans la majorité des cas, la demande anticipée, il n'y a personne qui est allé de l'avant, mais, nous, on sentait, comme élus, que c'était vraiment un débat et une demande pressante. C'est ça aussi la différence avec les troubles mentaux. Juste pour vous dire, on n'a eu aucun témoignage de personnes atteintes ou de proches qui sont venus nous plaider pour ça, contrairement à la question des demandes anticipées pour des troubles neurocognitifs, puis, en plus, il y avait toute la division dans le corps médical puis chez les experts puis les groupes.

Mais, c'est que, nous, on prend nos responsabilités comme élus, on a décidé que ce débat-là, sur la demande anticipée, il fait vraiment rage. Donc, on le prend à bras-le-corps et on prend les devants parce qu'on pense que c'est en faisant un débat social avec les élus, en consultant la population, qu'on est capable d'arriver au consensus. Ce n'est pas en s'en lavant les mains puis en attendant une décision des tribunaux. Donc, c'est pour ça, mais, en même temps, ça ne veut pas dire que, nous, tout ce qu'on veut, pour être au diapason de la société, c'est que ça soit ouvert, que ça devienne l'aide sur demande, mais ce n'est pas ça qu'on veut, ce n'est pas ça que la population veut. Puis vous regarderez aussi les résultats de notre consultation en ligne, ce n'est pas ça que les gens veulent, ils comprennent tout à fait la sensibilité de tout ça. Donc, il faut y aller avec parcimonie puis, nous, on est responsable de faire atterrir les débats qui se posent dans la société.

M. Marissal : Bien, je ne sais pas jusqu'à quel point on peut dire que c'est inévitable que la loi soit élargie de nouveau un jour, ce qui est inévitable, c'est que le débat continue de se faire dans la société. Il y a 10 ans, on arrivait à la première mouture, là, on a une deuxième mouture. Le débat se poursuit, puis Nancy l'a dit dans son introduction, on invite les gens à aller lire le rapport, il faut lire le rapport, il y a 11 recommandations. Je pense que c'est bien écrit, de façon digeste, pour que tout le monde puisse participer. Puis ensuite, bien, il y aura évidemment, on le souhaite, un dépôt de projet de loi, on aura encore des consultations. Alors, moi, je souhaite, et je pense que c'est le voeu de tout le monde ici, que la réflexion se poursuive là-dessus, mais on n'a pas le luxe, dans de tels cas, dans de tels débats, que de tourner les coins ronds, il faut qu'on fasse ça avec beaucoup de rigueur. Puis je vous assure que c'est ce qui a été fait ici, là.

Mme Guillemette : Et il ne faut pas perdre de vue non plus que l'aide médicale à mourir, c'est une demande, c'est un soin de fin de vie. Personne ne peut exiger un soin. Donc, dans la lignée de... les demandes pour... toujours en ayant la notion de souffrance qui est là. Donc, cette notion-là de soin de fin de vie est importante aussi, là, pour la suite des choses.

M. Chouinard (Tommy) : Bonjour. Ça a été mentionné, mais est-ce que je comprends que l'ensemble des recommandations, ça a été adopté à l'unanimité des membres, de tous les membres de la commission?

Mme Guillemette : Le rapport a été adopté à l'unanimité des membres de la commission, effectivement.

M. Chouinard (Tommy) : Très bien. Est-ce que la commission s'est penchée sur certaines difficultés quant à l'accès à l'aide médicale à mourir qui ont été identifiées par la Commission sur les soins de fin de vie, où on a quand même démontré dans des rapports que des gens qui avaient droit à l'aide médicale à mourir, selon les critères actuels, n'y avaient pas eu droit? Puis est-ce que ça vous inquiète qu'avec un nouvel élargissement potentiel, si une loi est adoptée, que des gens soient lésés dans leurs droits à ce sujet-là? Par exemple, même si deux médecins se prononcent, est-ce qu'il y a des droits d'appel de ces décisions-là? Est-ce qu'il y a des délais à ce sujet-là? Est-ce que ça fait partie de vos réflexions?

Mme Guillemette : Bien, en fait, nous, on fait des recommandations, mais, lorsque la loi sera écrite, il y a probablement, je dirais, des choses dans ce sens-là qui vont être travaillées. Par contre, ce qu'il est important de savoir, c'est peut-être que, si ces gens-là n'ont pas eu accès à l'aide médicale à mourir, c'est parce qu'ils ne respectaient pas toutes les conditions, donc, à l'article 26, là, qui étaient... Donc, il y a eu 7 000 personnes qui ont eu droit à l'aide médicale à mourir, 30 %, je crois, qui n'ont pas eu accès, mais probablement qu'à ce moment-là c'est parce qu'ils ne respectaient pas tous les critères de la loi. Et ça devra aussi, dans cette mouture-là, être respecté, là.

M. Chouinard (Tommy) : Très bien. Je ne crois pas me tromper en disant qu'au cours de la présente législature on a peut-être eu un record, là, de projets de loi déposés par des députés qui ne sont pas membres du gouvernement. Est-ce que la commission a réfléchi à l'idée de présenter elle-même, conjointement, tout le monde ensemble, un projet de loi à l'Assemblée nationale pour arriver à cet élargissement?

Mme Guillemette : Bien, en fait, nous, on a eu un mandat de l'Assemblée nationale de nous pencher sur cette question-là. Le mandat, c'était de faire des recommandations, et c'est ce qu'on a fait tout le monde ensemble, les recommandations, suite à un mandat qui nous a été donné par l'Assemblée nationale.

M. Chouinard (Tommy) : Donc, ça n'a jamais été ne serait-ce qu'envisagé? Parce que ça serait possible, là, au-delà du mandat qui a été confié aux membres de la commission, mais... Ce n'est pas faisable ou...

Mme Guillemette : Non. Ça n'a pas... On avait beaucoup d'autres choses à discuter. Donc, non, ça n'a pas fait partie de nos discussions, le fait de déposer nous-mêmes un projet de loi, et ce n'était pas le mandat qui nous avait été attribué non plus.

M. Carabin (François) : Rapidement, si je peux bien, là, après le dépôt de la première mouture de la loi, il y a eu des... vous l'avez mentionné, Mme Hivon, il y a eu des dossiers en cours, dont Gladu-Truchon, qui est plus connu. Là, évidemment, on écarte la possibilité d'étendre la loi aux troubles mentaux. Est-ce qu'il n'y a pas un... Est-ce que ce n'est pas un risque qu'on court que la loi soit encore soumise aux tribunaux assez rapidement?

Mme Hivon : Je veux dire, les tribunaux existent, donc tout peut être soumis aux tribunaux, hein? Ça fait qu'il faut partir de cette prémisse-là quand on fait des lois, quand on dépose des idées.

Mais, nous, ce n'était pas ça, notre mandat, là. Ce n'était pas un mandat juridico-constitutionnel. Il faut bien concevoir que notre mandat, c'était d'aller travailler avec la société québécoise, avec les experts, avec la population pour voir comment on pouvait avancer pour répondre à des besoins, à des espoirs de certaines personnes qui souffrent dans des contextes vraiment difficiles et de trouver l'équilibre entre ça et protéger les personnes vulnérables.

Donc, je veux dire, qu'est-ce qui peut arriver? Nous, on n'a pas de contrôle là-dessus. Mais ce qui est clair, c'est qu'on a fait notre bout du travail sur lequel on a du contrôle. Et c'est ça, le sens de ce qu'on fait aujourd'hui, c'est de dire : Voici où on pense que doit être tracée la ligne à l'heure actuelle avec les valeurs qui sont prédominantes, avec les consultations qu'on a faites, avec les expertises qu'on a eues. Puis le reste, ça ne nous appartient pas.

La Modératrice : C'est ce qui met fin à la période de questions. Notez que les membres du comité directeur sont disponibles pour des entrevues. Merci beaucoup, et bonne journée.

(Fin à 13 h 50)