(Treize heures)
Mme Guillemette : Donc, bon
après-midi, tout le monde. C'est avec fierté que nous présentons aujourd'hui le
rapport de la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins
de fin de vie. Avant de décrire plus en détail le contenu de notre rapport,
j'aimerais dire quelques mots sur le contexte qui a amené à la mise sur pied de
cette commission.
Depuis son entrée en vigueur en 2015, la
Loi concernant les soins de fin de vie a permis à plus de 7 000 personnes
d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, respectant ainsi leur volonté de
mourir dans la dignité. En 2019, une décision rendue par la Cour supérieure du
Québec a eu pour effet de rendre inopérant le critère de fin de vie, l'une des
principales balises concernant l'accès à ce soin. Des personnes atteintes de
maladies graves et incurables, mais dont la fin de vie n'est pas éminente,
devenaient donc potentiellement admissibles à l'aide médicale à mourir.
En tant que parlementaires, nous sommes
d'avis que tout élargissement à l'accès à un soin aussi important doit faire
l'objet d'un vaste débat de société. Voilà pourquoi la Commission spéciale sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie a été mise sur pied au
mois de mars dernier par une décision unanime de l'Assemblée nationale. Notre
mandat était d'évaluer les enjeux de l'élargissement potentiel de l'aide
médicale à mourir aux personnes en situation d'inaptitude et à celles dont le
seul problème est un trouble de santé mentale.
Je tiens à souligner que nos travaux se
sont déroulés dans un esprit de collaboration, sans a priori ni ligne de parti.
L'approche transpartisane que nous avons adoptée s'imposait vu la complexité et
la délicatesse des enjeux que nous avions à traiter.
Afin de mener à bien son mandat, la
commission a tenu deux phases de consultations particulières. Près de 80
personnes et organismes provenant de toutes les sphères de la société ont
participé à ces auditions. Plus de 3 400 personnes ont également répondu à
un questionnaire dans le cadre d'une consultation en ligne, dont les résultats
apparaissent en annexe de notre rapport. En mon nom personnel, et au nom de mes
collègues, je tiens à remercier toutes celles et ceux qui ont pris le temps de
nous partager leur expertise, leur point de vue et leur expérience.
Tout au long de cette démarche, nous avons
cherché un équilibre entre le droit à l'autodétermination des individus et la
responsabilité qui incombe à l'État de protéger les personnes les plus
vulnérables. Le respect de ces deux principes fondamentaux se trouve au coeur
des 11 recommandations de notre rapport. Chacune d'entre elles a fait
l'objet d'un examen approfondi et rigoureux s'appuyant sur les nombreux
témoignages que nous avons entendus.
Deux grandes orientations se dégagent donc
de notre rapport. Dans un premier temps, la commission recommande que la Loi
concernant les soins de fin de vie soit modifiée pour permettre à des personnes
atteintes de troubles neurocognitifs de pouvoir formuler une demande anticipée
d'aide à mourir en prévision du moment où elles seront inaptes. En revanche,
les membres de la commission se montrent défavorables à ce que l'aide médicale
à mourir puisse être administrée à des personnes dont le seul problème médical
est un trouble de santé mentale.
Je passe maintenant la parole à mes
collègues David Birnbaum, Vincent Marissal et Véronique Hivon, qui vous
expliqueront plus en détail le contenu de nos recommandations pour les deux
volets de ce mandat. David?
M. Birnbaum : L'un des
deux volets du mandat de notre commission portait sur l'élargissement de l'aide
médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème médical est un
trouble mental, comme a dit la présidente. Avant d'en arriver à notre
recommandation, nous avons scruté à la loupe chacun des arguments qui nous ont
été soumis. Devant la divergence des points de vue que nous avons entendus lors
des consultations, cette question fut particulièrement difficile à trancher.
D'emblée, nous devons constater qu'il
n'existe pas un consensus parmi les professionnels de la santé quant à
l'incurabilité des troubles mentaux, pas plus sur le caractère irréversible de
ceux-ci. Or, le critère d'incurabilité tout comme celui d'irréversibilité font
partie des balises fondamentales de la loi actuelle concernant les soins de fin
de vie. Les doutes qui persistent sur l'évaluation de ces deux critères nous
incitent à faire preuve d'une grande prudence.
Nous constatons également qu'il est
souvent difficile de poser le bon diagnostic pour des troubles mentaux. Dans
bien des cas, ce processus peut prendre plusieurs années. Cette donnée nous
semble cruciale puisque les traitements que recevra la personne pour apaiser
ses souffrances dépendent du diagnostic obtenu. Nous estimons que les risques
associés à un élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes
dont le seul problème médical est un trouble mental comportent donc trop de
variants et ne peuvent ainsi être étroitement contrôlés.
Par ailleurs, nous n'avons pas été témoins
de mobilisations particulières, au sein de la société québécoise, en faveur
d'un tel élargissement. Bien au contraire, nous avons plutôt constaté
l'appréhension de plusieurs groupes communautaires oeuvrant dans le domaine de
la santé mentale.
Cette réponse contraste, comme vous allez
entendre, avec celle portant sur la demande anticipée d'aide médicale à mourir,
réclamée par une grande partie de la population et par de multiples organisations.
Plusieurs intervenants du domaine de la prévention du suicide nous ont
également fait part de leur inquiétude sur le message qui pourrait être
véhiculé aux personnes souffrant de troubles mentaux.
Pour ces raisons, la commission recommande
de ne pas élargir l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes dont le
seul problème médical est un trouble mental.
Nous sommes conscients que notre recommandation
pourrait décevoir des personnes atteintes de troubles mentaux pour qui l'aide
médicale à mourir serait peut-être une avenue envisageable. Nous reconnaissons
en effet les conditions difficiles dans lesquelles ces personnes peuvent se
trouver et les grandes souffrances qu'elles doivent tolérer, parfois pendant de
longues périodes.
Ces enjeux d'une grande complexité sont
délicats à traiter. Nous estimons néanmoins en être arrivés à la recommandation
qui s'imposait. Considérant les importants désaccords qui persistent dans la société
et dans la communauté médicale sur le sujet, il s'agit d'une position prudente
faisant écho aux préoccupations entendues par les membres de notre commission.
Merci.
M. Marissal : Merci, David.
Alors, permettez que je vous entretienne des raisons qui justifient la demande
anticipée. Dans le cadre de notre mandat, nous avons eu à nous pencher sur
l'élargissement potentiel de l'aide médicale à mourir aux personnes en
situation d'inaptitude. D'entrée de jeu, il faut dire que l'inaptitude à
consentir aux soins peut se présenter sous différentes formes. Cependant, nos
discussions se sont essentiellement tournées vers les personnes qui deviennent
inaptes à consentir aux soins en raison d'un trouble neurocognitif, par exemple
la maladie d'Alzheimer.
C'est en effet le recours à une demande anticipée
d'aide médicale à mourir pour ces personnes qui a suscité le plus d'échanges au
cours de nos travaux.
Avant de vous présenter nos recommandations
dans le détail, nous tenons à aborder rapidement les raisons qui, à notre avis,
justifient la mise en place de la demande anticipée dans certaines situations.
D'abord, au cours de nos travaux, nous
avons pu constater une mobilisation significative en faveur de cette mesure.
Les principaux ordres professionnels du secteur de la santé, comme le Collège
des médecins et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, se montrent
favorables à cette idée. L'appui à la demande anticipée semble aussi fort au
sein de la population. Bien que, sans prétention scientifique, la consultation
en ligne que nous avons menée dans le cadre de nos travaux indique que plus de
85 % des répondants appuient l'aide… l'idée, pardon, qu'une personne
atteinte d'un trouble neurocognitif puisse obtenir l'aide médicale à mourir si
elle en fait la demande alors qu'elle était apte.
Depuis l'entrée en vigueur de la Loi
concernant les soins de fin de vie, on constate une évolution constante des
perceptions au sujet de l'aide médicale à mourir. Nous croyons, aujourd'hui,
que la population est prête à l'élargissement de l'accès à ce soin pour les
personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Il s'agit, à notre avis, d'une
évolution logique de la loi. En effet, elle reconnaît déjà être une forme de
consentement anticipé en permettant aux personnes d'accepter ou de refuser à
l'avance certains soins par le biais des directives médicales anticipées.
Il faut aussi mentionner que les personnes
atteintes de troubles neurocognitifs sont susceptibles de respecter les
principales conditions d'admission à l'aide médicale à mourir. Les troubles
neurocognitifs sont effectivement des maladies graves et incurables, qui
entraînent inévitablement la mort à plus ou moins long terme. Ces maladies se
caractérisent également par un déclin importance et irréversible des capacités
de la personne. Elles peuvent, en plus, s'accompagner d'importantes souffrances
autant physiques que psychiques.
Plusieurs personnes nous ont d'ailleurs
raconté le parcours parfois difficile de certains de leurs proches aux prises
avec des troubles neurocognitifs. Ces témoignages, souvent bouleversants, ont
mis en lumière les grandes souffrances que peuvent endurer ces personnes,
parfois, pendant de longues périodes. Pour cette raison, nous croyons qu'il est
nécessaire d'offrir une option additionnelle aux personnes qui pourraient se retrouver
dans ces situations.
Nous avons la conviction que la demande
anticipée d'aide médicale à mourir répond à un besoin très présent au sein de
la population. Nous croyons aussi qu'elle permettra de mieux respecter les
volontés de fin de vie des personnes atteintes de troubles neurocognitifs. Je
laisserai maintenant ma collègue, Véronique Hivon, le soin de présenter en
détail nos recommandations d'encadrement.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup, Vincent. Alors, comme l'a bien exposé mon collègue, nous croyons
que la société québécoise non seulement souhaite mais est prête pour la mise en
place de la demande anticipée d'aide médicale à mourir. Avec la proposition,
c'est une véritable avancée que nous mettons de l'avant, et, à nouveau, le Québec
est précurseur sur la voie du respect de la personne malade et de ses volontés.
Mais, pour que cette avancée en soit véritablement une, il faut qu'elle soit extrêmement
bien encadrée. C'est pourquoi nous tenions à faire des recommandations précises
touchant aux différentes étapes d'un éventuel processus de demande anticipée.
D'abord, nous recommandons que seules les
personnes majeures et aptes ayant obtenu un diagnostic de maladie grave et
incurable menant à l'inaptitude puissent formuler une demande anticipée. Par exemple,
une personne qui reçoit un diagnostic de maladie d'Alzheimer, alors qu'elle est
dans les premiers stades de sa maladie et qu'elle est encore apte à consentir
aux soins, pourrait formuler, si elle le souhaite, une telle demande. Ce ne
serait pas le cas, toutefois, d'une personne de 25 ans, par exemple, dans
l'éventualité où, un jour, elle soit frappée par une telle maladie. L'obtention
d'un diagnostic est, à notre avis, une condition essentielle pour faire une
demande anticipée. Cette condition fait en sorte que la personne est bien
informée sur sa maladie et a l'occasion de se renseigner sur son évolution et
sur les possibilités de traitement. Sans toutes ces informations, il nous
apparaît impossible de faire une demande de façon pleinement éclairée.
Nous recommandons aussi que le formulaire
sur lequel serait inscrite la demande soit rempli et signé devant deux témoins.
De cette façon, le médecin pourra s'assurer que le patient ou la patiente prend
une décision libre et éclairée, donc sans pression extérieure. Pour garantir la
validité du document, le formulaire devrait aussi être contresigné, donc, par
des témoins ou être sous forme notariée. La personne aurait indiqué clairement
les manifestations de son état de santé, qui devrait donner ouverture à sa
demande anticipée. Ce sont ces indications qui vont guider l'équipe soignante
au moment où la personne sera devenue inapte à consentir aux soins, et la
demande devra être faite devant le médecin.
La personne aurait aussi à désigner un
tiers de confiance qui sera chargé de signaler l'existence de cette demande au
moment où la personne sera devenue inapte. C'est ce tiers désigné qui aurait la
responsabilité de réclamer le traitement de la demande anticipée au moment
opportun. Il faut préciser qu'il ne s'agit, en aucun cas, d'un consentement
substitué. Ce tiers de confiance ne fait que réclamer le traitement de la
demande anticipée conformément aux volontés de la personne qui l'avait rédigé.
C'est alors au médecin d'évaluer la demande anticipée et de déterminer si la
personne répond aux critères d'admissibilité.
Les critères que nous proposons
s'inspirent d'ailleurs directement de ceux que l'on retrouve actuellement dans
la loi, mais ils ont été modifiés pour tenir compte des particularités propres
aux troubles neurocognitifs.
Ainsi, avant d'administrer l'aide médicale
à mourir, le médecin devra vérifier si la personne respecte les conditions
suivantes :
Elle est atteinte d'une maladie grave et
incurable; la situation de la personne médicale se caractérise par un déclin
avancé et irréversible de ses capacités; sa situation médicale et son état de
santé entraînent des souffrances physiques ou psychiques, y compris
existentielles, constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans
des conditions jugées tolérables. Ces souffrances sont constatées et validées
également par le médecin. Par ailleurs, comme c'est déjà le cas en ce moment,
un second médecin devra confirmer le respect de ces conditions.
En somme, nous avons la conviction que notre
proposition au sujet de la demande anticipée saura répondre aux besoins et aux
souhaits de la population et à notre engagement pour le respect de la dignité
de la personne. Nous sommes aussi convaincus que la solidité et la rigueur des
balises que nous proposons aujourd'hui contreront tout risque de dérive. C'est
ce qui nous a guidés tout au long de nos travaux sur cet enjeu sensible, mais
combien important. Je cède maintenant la parole pour le mot de la conclusion à
la présidente.
Mme Guillemette : Merci. Donc,
les recommandations que nous soumettons aujourd'hui constituent l'aboutissement
d'un long travail de réflexion de notre part. Elles permettent d'atteindre un
juste équilibre entre le respect de l'autodétermination et la protection des
personnes vulnérables. Nous avons bon espoir qu'elles sauront satisfaire la
population québécoise et qu'elles seront mises en oeuvre dans les meilleurs
délais.
Je tiens par ailleurs à inviter l'ensemble
de la population à lire notre rapport et à se l'approprier. En résumer la
teneur en l'espace de quelques minutes tout en faisant les nuances qui
s'imposent est évidemment un grand défi. Donc, en ce sens, la lecture du
rapport nous apparaît essentielle pour bien saisir toute la complexité des
enjeux au coeur de notre réflexion et surtout pour bien comprendre les choix
que nous avons faits.
En terminant, je tiens à remercier à
nouveau sincèrement tous les membres de la commission spéciale qui sont ici
avec nous aujourd'hui, l'ensemble des personnes qui ont pris le temps de venir
participer à nos travaux. Sans votre contribution essentielle, nos discussions
n'auraient pas eu la même profondeur et nous n'aurions pas pu produire un
rapport aussi étoffé. Et un merci tout spécial aux membres de l'Assemblée
nationale qui nous ont accompagnés dans ce mandat, car sans eux on n'aurait pas
pu remettre un mandat dans le court délai qui nous a été émis et avec tout le
sérieux que ça impliquait.
Donc, salutations à Ann-Philippe,
Constance, Félix et Mathieu. C'est ceux que nous rencontrions à chaque rendez-vous,
mais on sait qu'il y avait beaucoup de gens en arrière de vous, donc passez le
message à toute l'équipe.
Donc, nous sommes maintenant disponibles
pour répondre à vos questions. Merci.
Mme Richer (Jocelyne) :
Bonjour, Mme Guillemette. Jocelyne Richer, LaPresse
canadienne. J'aimerais savoir, est-ce que la prochaine étape, c'est que le ministre
de la Santé lise le rapport et dépose un projet de loi? Et est-ce que vous
souhaitez que ce projet de loi là soit déposé et adopté avant la fin du présent
mandat?
Mme Guillemette : Évidemment,
le ministre a eu le rapport entre ses mains ce matin. Il va en prendre connaissance.
Et nous souhaitons dans les meilleurs délais qu'il y ait un projet de loi, mais
cette partie-là n'appartient plus à la commission, elle appartient au ministre,
et ce sera à lui de voir. Mais effectivement on souhaite que ce soit dans les
meilleurs délais.
Mme Richer (Jocelyne) : Maintenant,
est-ce que vous avez songé à étendre l'application de la loi aux enfants, aux
adolescents, qui, eux aussi, peuvent être atteints de cancer, peuvent avoir des
grandes souffrances? Est-ce que ça a été évoqué et ça a été rejeté ou... Quel
est l'argumentaire par rapport à ça?
Mme Guillemette : En
fait, le mandat de la commission était celui des gens qui devenaient inaptes et
pour ceux pour qui les seuls troubles étaient un trouble de santé mentale. Ces
personnes-là ne faisaient pas partie de notre mandat, donc on s'est concentrés
sur les deux objectifs de notre mandat. Merci.
M. Carabin (François) :
Bonjour. François Carabin, excusez-moi, avec Le Devoir. Je voudrais
vous amener sur le plan fédéral. Le gouvernement fédéral a sa loi sur l'aide
médicale à mourir, qui prévoit notamment de réviser la possibilité, là,
d'élargir la loi aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Est-ce
que ça ne risque pas, si le gouvernement devait aller plus loin, de rendre
certains aspects de la loi québécoise caducs?
Mme Guillemette : Vas-y,
David.
M. Birnbaum : Bon, dans
un premier temps, nous avons comblé un mandat qui nous a été confié pour
remplir l'espace qui nous appartient ici, au Québec. Et le mandat était clair,
et il y avait des questions qui s'imposaient, surtout sur la santé mentale et
l'inaptitude. Bon, on est devant une éventualité fédérale en 2023. Ça serait au
législateur de réagir à ce point-là. Mais, de notre lecture, on avait une responsabilité
de nous pencher sur les deux questions qui s'imposaient et qui sont pleinement
dans la compétence du Québec, qui est un précurseur, en quelque part, sur le
plan mondial, dans ce domaine-là. Alors, on a rempli notre mandat.
M. Carabin (François) : O.K.
Mais la loi québécoise a été rouverte, là, ou est sur le point, potentiellement,
d'être ouverte, c'est-à-dire. Est-ce qu'on ne risque pas de la rouvrir, la
refermer, la rouvrir, la fermer si on suit le pas du fédéral? Je ne sais pas si
vous...
M. Birnbaum : Bien, dans un
premier temps, on va en convenir, que c'était un débat évolutif, il n'y aurait
pas... jamais le dernier mot là-dessus, dans un premier temps. Dans un deuxième
temps, le Québec et l'Assemblée nationale se sentaient interpellés par au moins
deux choses : le débat qui évolue, de toute évidence, et nos consultations
publiques — on a bien démontré que la population, ses perceptions et
ses sentiments sur ces questions sont en évolution — et, dans un
deuxième temps, il y avait une décision de la cour qui laissait un certain vide
qui avait besoin d'être comblé, comme je dis, par le Québec qui est précurseur
en tout ce qui a trait à ce débat, c'est-à-dire que le critère de fin de vie
n'existe plus. Alors, en toute responsabilité, l'Assemblée nationale nous a
confié un mandat, et, de façon unanime, on vous présente nos recommandations.
M. Carabin (François) : Peut-être,
Mme Guillemette, une précision sur la question qui a été posée plus tôt.
Vous voulez donc demander... Vous demandez, si on veut, au ministre de la Santé
de déposer un projet de loi le plus rapidement possible, mais est-ce que vous
avez eu, vous, comme membre du gouvernement, des discussions avec certains représentants
du Conseil des ministres? Puis qu'est-ce que vous avez eu comme indication sur
cette loi-là?
Mme Guillemette : Bien, en
fait, moi, je suis ici en tant que présidente, membre de la commission au même
titre que tous mes collègues, même si je fais partie du gouvernement. Donc, on
a remis, nous, le rapport au ministre Dubé, qui va en prendre connaissance, et
ce sera à lui de voir la suite des choses. Mais effectivement, tous les gens de
la commission, on veut que, dans le délai le plus court possible, on puisse
voir apparaître une loi, mais cette partie-là ne nous appartient pas.
M. Carabin (François) :
Merci.
M. Lacroix (Louis) : Bonjour.
Mme Hivon, j'aurais une petite précision sur ce que vous avez dit tout à
l'heure. Lorsque vous parlez des tiers… un tiers de confiance qui va signaler
la demande qui a été faite de façon préalable à un responsable, vous dites :
«au moment jugé opportun». Comment on fait pour déterminer quel est ce
moment-là?
Mme
Hivon
: Oui.
C'est une grande question dont on a débattu. Ce tiers de confiance là, il a
émané d'un rapport, là, d'experts qui s'était penché précisément sur la question
de la demande d'inaptitude, et c'est vraiment une notion d'encadrement qui nous
est apparue fondamentale. D'abord, c'est ce que les gens demandent, qu'il
puisse y avoir un tiers dans leur entourage qui n'est pas là pour juger à leur
place, qui ne donne pas un consentement à leur place, mais qui est juste là,
comme, pour agiter le drapeau pour dire : Écoutez, ma mère, mon conjoint,
mon ami, je pense qu'elle est rendue au stade de ce qu'elle avait prévu dans sa
demande anticipée. Donc, la personne, quand elle fait sa demande anticipée,
elle va indiquer les manifestations de sa maladie qui, selon elle, devrait
donner ouverture non pas à l'exécution de la demande, mais au traitement de la
demande. Il faut bien être conscient de ça.
Donc, le tiers de confiance, son rôle,
c'est de dire : J'accepte le mandat — il doit le faire par
écrit, d'ailleurs, c'est très sérieux comme geste — j'accepte de
porter la voix de mon proche quand cette personne-là va être inapte de le
faire, j'agite le drapeau auprès de l'équipe médicale. Et là, ça enclenche un
processus pas automatiquement de donner l'aide médicale à mourir, mais de voir
est-ce que la personne répond aux critères, en temps réel, qui sont prévus
comme encadrement. C'est ça, la mécanique qui est prévue.
M. Lacroix (Louis) : Donc,
c'est la personne elle-même qui, dans sa demande anticipée, va expliquer ce qui
devient inacceptable pour elle en temps… ou…
Mme
Hivon
:
C'est ça. Ce qu'elle anticipe comme étant inacceptable comme souffrance, comme
état de dégradation physique, mentale, cognitive, évidemment. Donc, par
exemple, quelqu'un qui dirait : Moi, si je deviens alité, grabataire, que
je suis agité, que, de toute évidence, j'ai des souffrances, je veux qu'on
puisse m'aider en me donnant l'aide médicale à mourir. À ce moment-là, le tiers
dirait : Voici, je pense que ma mère, mon proche est rendu à l'étape
qu'elle avait prévue, qu'il avait prévu, et je vous demande donc d'examiner la
demande. Et donc, à partir de ce moment-là, l'équipe soignante, le médecin
regarde la demande, regarde s'il y a concomitance, mais évalue aussi en temps
réel : Est-ce qu'on répond aux autres critères objectifs, dont la présence
de souffrance, le déclin avancé et irréversible? Donc, tout ça doit être
consigné.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que la question… Parce que, tu sais, ça implique que la personne a une perte de
conscience de son état jusqu'à un certain point, là, ces maladies-là.
Mme
Hivon
: Oui,
tout à fait.
M. Lacroix (Louis) : Alors,
je ne sais pas comment poser la question, mais vous êtes-vous questionnée à
savoir, si une personne qui prend une décision consciemment en disant :
Bien là, moi, j'ai encore ma conscience, je sais que je ne veux pas ça, mais
une fois rendu dans son état d'inconscience, si on veut, est-ce que vous vous
êtes posé la question, à savoir si c'est possible que la personne ne veuille
plus ça? Comprenez-vous ce que je veux dire?
Mme
Hivon
: Un
petit peu, pendant de longues et longues heures, oui. Alors, tous mes collègues
pourraient parler, je les invite à compléter ce que je vais dire. Ça a été vraiment
au coeur du débat et de la réflexion très, très intense qu'on a faite sur cette
question-là, c'est : Est-ce que la personne demeure la même personne? Est-ce
qu'elle peut être une nouvelle personne? Est-ce qu'on parle de ce qu'elle
anticipe ou de ce qu'elle va vivre réellement? Et c'est pour ça qu'on pense
qu'on est vraiment arrivé à l'équilibre après toutes ces heures, ces journées
de discussion, de dire que la personne va indiquer les manifestations de son
état qu'elle veut qu'elles soient prises en compte pour un éventuel
déclenchement de la requête, mais ce n'est pas ça qui va donner automatiquement
droit à la requête parce qu'il va falloir qu'il y ait une rencontre en temps
réel avec les critères de la loi.
Donc, vous pourrez bien y dire, quand je
ne reconnaîtrai plus mes proches, je vais avoir l'aide médicale à mourir. Mais
comme nous le disait une experte, rendue au moment, ça se peut très bien qu'une
dame, elle nous expliquait un cas comme ça, ne reconnaît plus son conjoint,
mais elle trouve vraiment formidable tellement qu'elle le drague quotidiennement.
Elle ne sait pas que c'est son conjoint, mais elle l'aurait rechoisi de toute
évidence. Elle n'a pas l'air de souffrir, vous comprenez? Donc, il faudrait quand
même que les critères, en temps réel, soient rencontrés.
M. Lacroix (Louis) : J'ai
juste une autre question aussi sur une autre chose…
M. Marissal : M. Lacroix, vous
avez mis le doigt vraiment sur quelque chose qui a occupé beaucoup, beaucoup de
notre temps, là, à la gang qu'on était. Parce qu'effectivement comment déceler
la réelle volonté de quelqu'un qui n'est plus là pour l'exprimer, il y a quand
même des indicateurs physiques qui existent, le corps médical est capable
d'indiquer par certains avancements de la maladie qu'on est rendu là. On sait, par
ailleurs, que les maladies que l'on vise sont irréversibles et mènent à la
mort. Alors, on le sait que, de toute façon, est-ce que c'est une question d'un
an, de deux ans, de trois ans? On ne le sait pas exactement, mais on sait qu'il
y a des indicateurs qui font que la personne est dans un cheminement très
étroit, un entonnoir qui, de toute évidence et malheureusement, ne mène qu'à
une place, c'est-à-dire à la mort.
Donc, le corps médical, mais l'équipe
médicale, ainsi que le tiers, la tierce personne est très importante, tous ces
gens-là sont très importants dans le cheminement justement pour être capable de
prendre la bonne décision au bon moment, tout en gardant toujours en tête que
cette personne-là, quand elle était apte, elle a dit qu'elle voulait ça. Ça,
c'est le principe d'autodétermination de gens qui veulent prendre la décision
pour eux-mêmes. Alors, on a essayé de réconcilier tout ça, en souhaitant qu'on
y soit arrivé, j'ai bien confiance qu'on a trouvé un équilibre peut-être pas
précis, mais qui permettra d'avancer ce débat-là dans la société.
M. Lacroix (Louis) : Je veux
juste ajouter à mon questionnement, en ce sens que, quand on prend cette
décision-là, anticipée, c'est qu'on est capable… on a une conscience qui fait
en sorte qu'on est capable de sentir la souffrance qu'on pourrait
éventuellement avoir parce qu'on a un état qui est x et on s'en va vers un état
y. Mais, quand on est dans l'état y, on ne peut plus comparer avec l'état x, on
ne l'a plus. Comprenez-vous? C'est peut-être un peu abstrait, mais...
M. Marissal : Ah non! ce
n'est pas... c'est à la fois abstrait et tellement concret que ça a occupé nos
têtes et nos esprits pendant des mois au cours des derniers mois. Je peux vous
dire que, je pense que je parle pour mes collègues aussi, on n'en parlait pas
puis on n'y pensait pas juste quand on était en commission, là. Moi, ça m'a
habité, puis, je pense, c'est pareil pour tous mes collègues, là, ça nous
habitait constamment. C'est quand même des décisions importantes.
Ce pour quoi, je répète, l'accompagnement
est important. À partir du moment où il y a un diagnostic, il y a des
rencontres avec les médecins, avec les spécialistes, avec l'équipe médicale,
avec un tiers, qui va dire : Bon, c'est ça, la séquence, ce qui risque de
se produire, là... parce que c'est ça qui va se produire, vraisemblablement.
Après ça, on va suivre cette personne. Et il est hors de question d'administrer
l'aide médicale à mourir au premier signe, là. On n'en est pas là. On a quand
même des balises qui permettent de déterminer qu'une maladie neurocognitive,
dégénérative, il y a une séquence dans le temps qui mène à la mort.
Il y a des gens qui nous ont dit, dans les
consultations : Moi, si je rentre en CHSLD, je préfère avoir l'aide
médicale à mourir. Ce n'est pas une maladie d'entrer dans un CHSLD. Je peux
comprendre que ça peut faire peur à certaines personnes. Je peux très, très
bien le comprendre. Mais on ne peut pas traiter ça comme une maladie mortelle,
là.
On a donc des balises. Et, je vous répète,
notre rapport, c'est un rapport, ce sont des recommandations, ce n'est pas un
projet de loi. Le projet de loi, on le souhaite le plus tôt possible et on sera
là pour en débattre aussi.
M. Lacroix (Louis) :
Juste une petite dernière, elle va être rapide, rapide. Vous avez dit, et
Mme Hivon l'a répété également, que la société est rendue là, que la... En
fait, ce que vous sous-entendez, c'est que la société a évolué depuis que la
loi sur les soins de fin de vie a été adoptée, puis, à un moment donné, on est
rendus à adopter cette... Alors, c'est quoi, la prochaine étape d'élargissement
de la loi sur les soins de fin de vie à laquelle vous souhaiteriez qu'on
réfléchisse?
M. Marissal : Sur
l'historique, M. Lacroix, je vais laisser Véronique, qui est là depuis le
tout début... Puis j'en profite pour dire à quel point elle nous a été
précieuse dans le cheminement de nos réflexions, réellement. C'est vraiment un
travail transpartisan, tous les collègues ont mis l'épaule à la roue, mais
Véronique est arrivée avec un bagage. Donc, je lui cède la parole volontiers.
Mme
Hivon
:
En fait, on n'est pas dans la prochaine étape, on est dans cette étape-ci. Si
je vous ramène en arrière, puis il y a Francine aussi qui était dans la
première mouture de la commission, on avait eu des débats à savoir si on devait
aller vers la demande anticipée, mais le débat était tellement nouveau, le
Québec était tellement précurseur, on n'était pas capables de franchir ce
pas-là tout en étant certains qu'on allait maintenir le consensus social. Il
fallait franchir le premier pas qui était fondamental, de l'aide médical à
mourir de manière générale, pour voir comment tout ça allait descendre, ceux
qui étaient opposés... il y avait un fort consensus social, mais comment les oppositions
allaient ensuite se révéler. Et aujourd'hui on voit à quel point le fait que ça
a été bien fait, que ça a bien atterri, que la loi était vraiment solide, ça a
fait en sorte qu'il y a des gens qui s'y opposait ne s'opposent plus.
D'ailleurs, c'était extraordinaire, dans
nos travaux, moi, je revoyais des gens qui étaient venus à la première mouture
et qui, maintenant, nous disaient : Bon, pour ça, on n'aura pas le choix,
voici comment on devrait l'encadrer. J'ai évolué, j'ai même accompagné des
patients. Donc, je pense que c'était le bon choix, mais cette question-là est toujours
restée.
Puis quand vous dites : Comment vous
savez que les gens sont rendus là?, c'est parce qu'on parle à nos concitoyens,
c'est parce que, moi, je donne des conférences. C'est le sujet qui revient toujours.
C'est le sujet qui revient toujours. Et je pense qu'aujourd'hui on franchit
vraiment un pas. Et on est précurseurs encore, il faut en être conscient, sur
la demande anticipée, mais c'est parce que ça répond vraiment à un besoin de
respect de la personne. Et autant que ça a été complexe d'y arriver, autant je
pense que c'était la bonne décision.
Mais, justement, on n'est pas en train
déjà de penser à la suite. Puis je pense que la décision qu'on prend aujourd'hui,
puis vous avez vu qu'on n'ouvre pas sur le trouble mental, ça montre que le but,
ce n'est pas d'ouvrir toujours plus, toujours plus grand, le but, c'est
d'ouvrir ce qui est juste pour le respect de la personne tout en protégeant les
personnes vulnérables.
M. Bellerose (Patrick) :
Bonjour à tous. Mme Hivon, vous pouvez rester, peut-être la question
pourrait être pour vous. Juste pour poursuivre dans la lignée de ce que Louis
demandait sur la notion de souffrance, on s'entend qu'ici on change quand même
la notion de souffrance par rapport à ce qui était dans la première mouture de
la loi. Quand vous parlez d'un cancer, par exemple, c'est une souffrance
physique. Là, on parle d'un état dégradant, d'une perte de dignité. Est-ce
qu'il y a une réflexion à avoir sur la notion de souffrance?
Mme
Hivon
: Oui,
ça aussi, ça nous a occupés, vous êtes très perspicaces dans vos questions, là,
ça nous a occupés énormément. En fait, il faut amener une première précision.
Dans la situation actuelle de la loi actuelle, autant les souffrances physiques
que psychiques sont tenues pour compte. Juste la maladie physique, mais la
maladie physique qui entraîne une souffrance psychique, une anxiété
incontrôlable, des crises existentielles, c'est tenu en compte pour pouvoir
avoir accès à l'aide médicale à mourir. Donc, à cet égard-là, il n'y a rien de
neuf. Toutes ces questions-là de sentiments de complète perte de dignité et de
sens, d'anxiété sont déjà là. Il y a des demandes qui sont acceptées sur les
bases de souffrances psychiques. Donc, on va dans la même veine.
Est-ce qu'il y a un degré supplémentaire
de complexité pour évaluer cette souffrance-là, au moment contemporain où on
évalue la demande? Évidemment. Mais les experts sont venus nous dire qu'on voit
aussi l'inconfort d'une personne, même une personne inapte, par ses errances,
par son anxiété, par sa crispation, par le fait qu'elle est totalement alitée.
Donc, on a confiance, puis les médecins nous ont rassurés par rapport à ça,
qu'on pouvait y arriver.
M. Bellerose (Patrick) : Vous
avez choisi... Oui, allez-y, M. Birnbaum.
M. Birnbaum : Votre question
est très pertinente derrière... nous a amené à notre conclusion, qui n'était
pas un automatisme, d'insister sur un diagnostic avant de recommander
l'élargissement et, en quelque part, ne s'adresse pas directement, mais vos
questions... parce que, là, on parle d'une personne, à titre d'exemple, devant
un diagnostic d'Alzheimer, le niveau de recherche de connaissance évolutive
aussi, mais donne à cette personne un aperçu assez intéressant, et j'ose dire
complet, mais pas complet, sur la souffrance réelle qui l'attend. L'aspect
irréversible est bien connu des gens. Alors, vos questions sont tout à fait
pertinentes, elles ont alimenté nos réflexions à la fois sur le suivi très
important au moment identifié où l'équipe médicale a tout son rôle à jouer,
mais aussi ça a confirmé le bien-fondé de notre recommandation, si je peux,
d'insister sur un diagnostic. Parce que c'est une personne devant un diagnostic
irréversible.
M. Bellerose (Patrick) : Sur
le fait d'avoir choisi... peut-être Mme Guillemette, on ne vous a pas beaucoup
entendu, sur le fait d'avoir choisi une personne tiers... un tiers de confiance
pour déclencher la demande d'aide médicale à mourir, on a déjà vu des chicanes
de famille pour moins que ça, disons. Pourquoi ne pas avoir été avec un
professionnel qui aurait pu déterminer puis dire : Bien, écoutez, voici...
il y a un formulaire qui a été rempli pour cette personne qui est en CHSLD, par
exemple?
Mme Guillemette : Bien, en
fait, il y a un tiers de confiance qui est désigné par la personne, et s'il n'y
a pas de tiers de confiance désigné par la personne parce qu'il y a des gens
qui peuvent être seuls ou qui feront tout simplement le choix de prendre quelqu'un
d'autre, ça peut être très bien quelqu'un de l'équipe médicale également qui le
soit. Donc, dans les cas plus litigieux, j'imagine que les familles, les
personnes pourront choisir quelqu'un de l'équipe médicale, quelqu'un rapproché
d'eux, là.
M. Bellerose (Patrick) :
Dernière question. La FMOQ avait soulevé l'idée de faire une demande anticipée
avant même d'être malade, par exemple, pour un cas d'accident de voiture,
accident cardiovasculaire aussi. Ça n'a pas été retenu, je comprends bien,
pouvez-vous expliquer votre choix?
Mme Guillemette : Non, ça n'a
pas été retenu parce qu'on veut vraiment mettre une balise qui est une maladie
dégénérescente qui ait quelque chose... une maladie incurable qui mène vers la
fin de vie. Et la personne doit être apte quand elle fait cette demande-là,
donc quelqu'un qui aurait un AVC ou qui aurait... ne pourrait pas... ne serait
pas apte, là...
M. Bellerose (Patrick) :
Quelqu'un qui est à l'avance, par exemple, moi, aujourd'hui, je dirais, si j'ai
un accident de voiture, traumatisme crânien, un AVC, je souhaite recevoir
l'aide médicale à mourir. C'est ce que la FMOQ proposait. Vous avez choisi de
ne pas aller dans cette direction-là, pourquoi?
Mme Guillemette : Non, on
n'est pas allés dans cette direction-là parce que c'est très dur à baliser. On
ne connaît pas l'état de la personne. Il y a beaucoup d'impondérables dans ces
situations-là. Donc, c'était beaucoup trop complexe, là, à baliser et trop
risqué aussi.
Donc, il y a l'autodétermination de la
personne, mais il faut protéger aussi les personnes vulnérables. Tu sais, comme
vous le disiez tout à l'heure, des fois, on voit des histoires d'horreur. Donc,
je pense qu'on a trouvé un juste équilibre à ce niveau-là également.
Mme
Hivon
:
Juste rappeler que le refus de traitement dans ces cas-là, évidemment, est
souvent très utile. Et aussi les directives médicales anticipées telles
qu'elles existent déjà prévoient ces cas-là. Vous pouvez dire : Je ne veux
pas être branché, je ne veux pas être réanimé, je ne veux pas de soins hors du
commun. Donc, ça répond à beaucoup, beaucoup de situations déjà puis, au moins,
ça élimine le risque de ne pas avoir du tout prévu l'évolution d'une maladie
quand on est parfaitement en santé sans diagnostic, à savoir est-ce que c'est
vraiment ça, la solution.
M. Lavallée (Hugo) : Bonjour.
Peut-être une question pour Mme Hivon, une précision sur… Tout à l'heure, vous
avez dit, bon : On a écarté le trouble mental, il y avait des groupes qui
émettaient des inquiétudes, entre autres. Est-ce que… Parce que la première
fois, lors de la première mouture aussi, il y avait des inquiétudes des
groupes, ça ne vous avait pas empêchés d'aller de l'avant. Pourquoi… J'aimerais
entendre davantage d'explications sur pourquoi vous avez choisi d'écarter le
trouble mental.
M. Birnbaum : Mais ce n'est
pas anodin qu'on parle d'un manque de consensus sur l'aspect d'incurabilité ni
d'irréversibilité de ces troubles mentaux. C'est réel. De plus, la troisième
chose qu'on a mentionnée, qui est réelle aussi, qui ne se présente pas... en
tout cas, tu ne présentes pas de la même ampleur dans les cas physiques, le
processus du diagnostic d'un trouble mental, les experts nous avaient partagé
leur point de vue mitigé là-dessus, ce n'est pas une science exacte.
Alors, devant un manque, en quelque part,
d'un diagnostic précis, comment est-ce qu'on peut même évaluer l'aspect
d'incurabilité, d'irréversibilité? Vous avez besoin de comprendre que ça a été
des discussions, ultimement, qui aboutissaient à une conclusion unanime, mais
déchirante, déchirante. Je l'avais dit dans mes remarques, nous avons eu la
responsabilité, dans chacun de ces cas-là, de faire nos recommandations pour la
population québécoise. Comme le fardeau des législateurs, chaque jour, dans ces
cas-là, je ne veux pas banaliser le terme, mais il y a des dommages
potentiellement collatéraux. Autrement dit, y a-t-il des individus qui
risqueraient de combler les exigences actuelles dans la loi pour avoir accès à
l'aide médicale à mourir, telles que décrites dans la loi actuelle même? J'imagine…
on s'imaginait que, oui, il y a quelques cas, mais la prudence s'imposait, pour
les trois raisons que j'ai énumérées, et on est confiant, avec un sentiment
d'ambivalence, d'être arrivé à la bonne conclusion.
M. Lavallée (Hugo) : Vous
êtes tous d'accord, les quatre, si je comprends bien, sur cette façon de faire
là. Est-ce que… tout à l'heure, on demandait quelle était la prochaine étape justement,
est-ce que ce n'est pas un peu inévitable qu'il y ait, un jour, un autre
élargissement de la loi?
Mme
Hivon
:
Bien, moi, ce que je veux dire, là, c'est que je suis très fière de comment le Québec
avance sur cet enjeu-là qui est vraiment sensible. On prend les devants sur les
tribunaux dans la majorité des cas, la demande anticipée, il n'y a personne qui
est allé de l'avant, mais, nous, on sentait, comme élus, que c'était vraiment
un débat et une demande pressante. C'est ça aussi la différence avec les
troubles mentaux. Juste pour vous dire, on n'a eu aucun témoignage de personnes
atteintes ou de proches qui sont venus nous plaider pour ça, contrairement à la
question des demandes anticipées pour des troubles neurocognitifs, puis, en
plus, il y avait toute la division dans le corps médical puis chez les experts
puis les groupes.
Mais, c'est que, nous, on prend nos responsabilités
comme élus, on a décidé que ce débat-là, sur la demande anticipée, il fait vraiment
rage. Donc, on le prend à bras-le-corps et on prend les devants parce qu'on
pense que c'est en faisant un débat social avec les élus, en consultant la population,
qu'on est capable d'arriver au consensus. Ce n'est pas en s'en lavant les mains
puis en attendant une décision des tribunaux. Donc, c'est pour ça, mais, en
même temps, ça ne veut pas dire que, nous, tout ce qu'on veut, pour être au
diapason de la société, c'est que ça soit ouvert, que ça devienne l'aide sur
demande, mais ce n'est pas ça qu'on veut, ce n'est pas ça que la population
veut. Puis vous regarderez aussi les résultats de notre consultation en ligne,
ce n'est pas ça que les gens veulent, ils comprennent tout à fait la sensibilité
de tout ça. Donc, il faut y aller avec parcimonie puis, nous, on est
responsable de faire atterrir les débats qui se posent dans la société.
M. Marissal : Bien, je ne sais
pas jusqu'à quel point on peut dire que c'est inévitable que la loi soit
élargie de nouveau un jour, ce qui est inévitable, c'est que le débat continue
de se faire dans la société. Il y a 10 ans, on arrivait à la première mouture,
là, on a une deuxième mouture. Le débat se poursuit, puis Nancy l'a dit dans
son introduction, on invite les gens à aller lire le rapport, il faut lire le
rapport, il y a 11 recommandations. Je pense que c'est bien écrit, de façon
digeste, pour que tout le monde puisse participer. Puis ensuite, bien, il y
aura évidemment, on le souhaite, un dépôt de projet de loi, on aura encore des
consultations. Alors, moi, je souhaite, et je pense que c'est le voeu de tout
le monde ici, que la réflexion se poursuive là-dessus, mais on n'a pas le luxe,
dans de tels cas, dans de tels débats, que de tourner les coins ronds, il faut
qu'on fasse ça avec beaucoup de rigueur. Puis je vous assure que c'est ce qui a
été fait ici, là.
Mme Guillemette : Et il ne
faut pas perdre de vue non plus que l'aide médicale à mourir, c'est une
demande, c'est un soin de fin de vie. Personne ne peut exiger un soin. Donc,
dans la lignée de... les demandes pour... toujours en ayant la notion de
souffrance qui est là. Donc, cette notion-là de soin de fin de vie est importante
aussi, là, pour la suite des choses.
M. Chouinard (Tommy) :
Bonjour. Ça a été mentionné, mais est-ce que je comprends que l'ensemble des recommandations,
ça a été adopté à l'unanimité des membres, de tous les membres de la commission?
Mme Guillemette : Le rapport a
été adopté à l'unanimité des membres de la commission, effectivement.
M. Chouinard (Tommy) : Très
bien. Est-ce que la commission s'est penchée sur certaines difficultés quant à
l'accès à l'aide médicale à mourir qui ont été identifiées par la Commission
sur les soins de fin de vie, où on a quand même démontré dans des rapports que
des gens qui avaient droit à l'aide médicale à mourir, selon les critères
actuels, n'y avaient pas eu droit? Puis est-ce que ça vous inquiète qu'avec un
nouvel élargissement potentiel, si une loi est adoptée, que des gens soient
lésés dans leurs droits à ce sujet-là? Par exemple, même si deux médecins se
prononcent, est-ce qu'il y a des droits d'appel de ces décisions-là? Est-ce
qu'il y a des délais à ce sujet-là? Est-ce que ça fait partie de vos
réflexions?
Mme Guillemette : Bien, en
fait, nous, on fait des recommandations, mais, lorsque la loi sera écrite, il y
a probablement, je dirais, des choses dans ce sens-là qui vont être
travaillées. Par contre, ce qu'il est important de savoir, c'est peut-être que,
si ces gens-là n'ont pas eu accès à l'aide médicale à mourir, c'est parce
qu'ils ne respectaient pas toutes les conditions, donc, à l'article 26,
là, qui étaient... Donc, il y a eu 7 000 personnes qui ont eu droit à
l'aide médicale à mourir, 30 %, je crois, qui n'ont pas eu accès, mais
probablement qu'à ce moment-là c'est parce qu'ils ne respectaient pas tous les
critères de la loi. Et ça devra aussi, dans cette mouture-là, être respecté,
là.
M. Chouinard (Tommy) : Très
bien. Je ne crois pas me tromper en disant qu'au cours de la présente
législature on a peut-être eu un record, là, de projets de loi déposés par des
députés qui ne sont pas membres du gouvernement. Est-ce que la commission a
réfléchi à l'idée de présenter elle-même, conjointement, tout le monde
ensemble, un projet de loi à l'Assemblée nationale pour arriver à cet
élargissement?
Mme Guillemette : Bien, en
fait, nous, on a eu un mandat de l'Assemblée nationale de nous pencher sur
cette question-là. Le mandat, c'était de faire des recommandations, et c'est ce
qu'on a fait tout le monde ensemble, les recommandations, suite à un mandat qui
nous a été donné par l'Assemblée nationale.
M. Chouinard (Tommy) :
Donc, ça n'a jamais été ne serait-ce qu'envisagé? Parce que ça serait possible,
là, au-delà du mandat qui a été confié aux membres de la commission, mais... Ce
n'est pas faisable ou...
Mme Guillemette : Non. Ça
n'a pas... On avait beaucoup d'autres choses à discuter. Donc, non, ça n'a pas
fait partie de nos discussions, le fait de déposer nous-mêmes un projet de loi,
et ce n'était pas le mandat qui nous avait été attribué non plus.
M. Carabin (François) : Rapidement,
si je peux bien, là, après le dépôt de la première mouture de la loi, il y a eu
des... vous l'avez mentionné, Mme Hivon, il y a eu des dossiers en cours,
dont Gladu-Truchon, qui est plus connu. Là, évidemment, on écarte la possibilité
d'étendre la loi aux troubles mentaux. Est-ce qu'il n'y a pas un... Est-ce que
ce n'est pas un risque qu'on court que la loi soit encore soumise aux tribunaux
assez rapidement?
Mme
Hivon
:
Je veux dire, les tribunaux existent, donc tout peut être soumis aux tribunaux,
hein? Ça fait qu'il faut partir de cette prémisse-là quand on fait des lois,
quand on dépose des idées.
Mais, nous, ce n'était pas ça, notre
mandat, là. Ce n'était pas un mandat juridico-constitutionnel. Il faut bien
concevoir que notre mandat, c'était d'aller travailler avec la société
québécoise, avec les experts, avec la population pour voir comment on pouvait
avancer pour répondre à des besoins, à des espoirs de certaines personnes qui
souffrent dans des contextes vraiment difficiles et de trouver l'équilibre
entre ça et protéger les personnes vulnérables.
Donc, je veux dire, qu'est-ce qui peut
arriver? Nous, on n'a pas de contrôle là-dessus. Mais ce qui est clair, c'est
qu'on a fait notre bout du travail sur lequel on a du contrôle. Et c'est ça, le
sens de ce qu'on fait aujourd'hui, c'est de dire : Voici où on pense que
doit être tracée la ligne à l'heure actuelle avec les valeurs qui sont
prédominantes, avec les consultations qu'on a faites, avec les expertises qu'on
a eues. Puis le reste, ça ne nous appartient pas.
La Modératrice
: C'est
ce qui met fin à la période de questions. Notez que les membres du comité
directeur sont disponibles pour des entrevues. Merci beaucoup, et bonne
journée.
(Fin à 13 h 50)