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Conférence de presse de Mme Pauline Marois, première ministre et de Mme Diane De Courcy, ministre responsable de la Charte de la langue française

Dépôt du projet de loi modifiant la Charte de la langue française

Version finale

Le mercredi 5 décembre 2012, 12 h 30

Salle du Conseil législatif (1.183), hôtel du Parlement

(Douze heures quarante minutes)

Mme Barrette (Marie): Alors, merci à tous de votre présence à cet événement pour la présentation des modifications à la Charte de la langue française. Je suis Marie Barrette, attachée de presse de la première ministre. Je serai votre maître de cérémonie pour cet événement.
Nous débuterons cette conférence par une allocution de Mme Diane De Courcy, ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Mme la ministre.

Mme De Courcy: Alors, bien sûr qu'en son nom, notre première ministre, et en mon nom, bien, je me joins à tous pour vous souhaiter la bienvenue au salon rouge de l'Assemblée nationale pour la présentation du projet de loi modifiant la Charte de la langue française et un certain nombre de lois et règlements qui renforcent le français comme langue partagée par tous les Québécois et Québécoises.
Le père de la loi 101, le Dr Camille Laurin, a dit un jour: «La langue est le fondement même d'un peuple, ce par quoi il se reconnaît et il est reconnu.» Inspirée par ces paroles et les actions du Dr Laurin, j'ai abordé le mandat que m'a confié la première ministre avec beaucoup d'humilité et avec la volonté de faire honneur au travail du premier gouvernement de René Lévesque et au gouvernement actuel.
La charte a 35 ans. Elle n'a pas nécessairement évolué au même rythme que la société québécoise. Les années de progrès marqué du français sont malheureusement derrière nous. On constate, surtout depuis une quinzaine d'années, un glissement du français sur le territoire québécois, particulièrement à Montréal. Nous pensons qu'il faut agir maintenant.
Comme nous nous étions engagés à le faire, nous avons déposé ce matin un projet de loi équilibré et responsable, qui se veut une refonte de la Charte de la langue française afin de renforcer le statut du français au Québec. Ce projet touche à l'emploi du français dans les entreprises, les municipalités, les hôpitaux, les services de garde, les institutions d'enseignement, l'administration gouvernementale et comporte des mesures pour assurer une intégration réussie en français des personnes immigrantes.
La langue française est délicate et précieuse. Je pense que nous devons être souples sur les moyens à prendre pour la protéger, mais fermes sur les objectifs à atteindre, soit sa pérennité, sa vitalité. Comme l'a dit notre première ministre lors de l'ouverture de la 40e législature, nous proposons d'inscrire, dans le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne, que le français est la langue officielle du Québec et qu'il constitue un élément essentiel de sa cohésion sociale. La charte consacrera aussi le droit de vivre et de travailler en français. Rappelons que la Charte des droits et libertés de la personne est un projet qui nous permet d'imaginer le Québec souverain de demain, d'où l'importance de consacrer ces deux droits.
Parlons justement du français au travail. Un glissement du français au travail s'est amorcé depuis un certain nombre d'années. Selon les dernières études dévoilées par l'Office québécois de la langue française, 63 % des travailleurs à l'échelle du Québec et 82 % à Montréal utilisent l'anglais au travail. Il s'agit d'une alerte qui indique au gouvernement qu'il faut agir.
La loi 101 a donné aux Québécois le droit de travailler en français au Québec, mais c'est un acquis historique qui s'effrite. Il est normal d'utiliser une autre langue dans certaines circonstances, par exemple, pour faire des affaires avec l'extérieur du Québec et/ou parce que l'on utilise la langue numérique, qui est essentiellement anglaise, mais il est inquiétant que l'anglais soit utilisé de façon systématique dans les lieux de travail.
Nous avons tous une responsabilité d'assurer la protection du français. Je suis d'avis qu'il est tout à fait approprié que les petites et moyennes entreprises participent à l'effort collectif pour généraliser l'usage du français en milieu de travail au Québec. Chacune à leur mesure, les entreprises du Québec doivent contribuer au renforcement du français au travail. Le nouveau projet de loi 101 du gouvernement permettra d'assurer que le français est la langue normale et habituelle du travail pour plus de 8 000 entreprises au Québec comptant de 26 à 49 employés.
Il y a près de 20 000 entreprises de cette taille au Québec, mais plusieurs sont à charte fédérale et ne peuvent être assujetties à notre loi. Le respect le plus élémentaire de la nation québécoise demanderait qu'elles en appliquent l'esprit, sinon la lettre. Les entreprises assujetties devront s'assurer que les documents de travail soient disponibles en français, tout comme les formulaires de demande d'emploi et les contrats de travail. Les travailleuses et travailleurs auront le droit d'être informés des mesures de francisation qu'aura adopté leur employeur et disposeront de nouveaux recours afin de faire respecter leur droit de travailler en français. Les entreprises de 50 employés et plus sont déjà tenues de répondre à ces exigences mais nous nous assurerons que l'Office québécois de la langue française effectue un suivi diligent auprès de ces entreprises.
S'inspirant d'une réglementation intelligente, les nouvelles mesures prévues viseront des obligations de résultats en laissant de la souplesse sur le choix des moyens. Le gouvernement soutiendra les employeurs pour la mise en place des mesures de francisation qu'ils devront adopter lorsque cela sera nécessaire et valorisera une approche flexible. Les employeurs pourront être accompagnés dans cette démarche par leurs comités sectoriels de main-d'oeuvre ou leurs associations qui connaissent les nuances et le contexte dans lequel évoluent leurs membres. Les employeurs visés devront se doter de mesures de francisation qui pourront s'inspirer d'un modèle proposé afin de préciser, entre autres, les moyens de rendre disponible en français les biens et services offerts, l'utilisation du français dans leurs communications internes ainsi que la description des postes qui requièrent la connaissance d'une autre langue que le français. Les entreprises de 10 employés et plus devront afficher bien en vue les principaux droits linguistiques de leurs employés. Je rappelle également que l'ensemble des entreprises doit pouvoir offrir du service à la clientèle en français.
Tous les citoyens et les travailleurs qui constateront des écarts pourront porter plainte et suivre le cheminement de leur plainte en ligne. La liste des entreprises contrevenantes fera l'objet d'une publication périodique. Les entreprises, incluant celles à charte fédérale, devront aussi respecter les différentes exigences de la charte pour pouvoir obtenir des contrats des organismes publics et parapublics. Cette disposition était présente pour les entreprises de 50 employés et plus, mais elle était rarement appliquée. Dorénavant, je le répète, pour avoir des contrats, toutes les entreprises devront s'y conformer. Le président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, avec toute sa rigueur, y veillera.
Pour une intégration réussie en français, comme vous le constaterez, le projet de loi accorde beaucoup d'importance au milieu de travail, parce que c'est en grande partie par le travail que les personnes immigrantes mais aussi toutes les Québécoises et Québécois s'intègrent à la société. Réaffirmer le français comme langue de travail, c'est aussi permettre aux nouveaux arrivants de mieux s'intégrer. Le taux de chômage des personnes immigrantes est une source de préoccupation pour le gouvernement. Pour expliquer leurs difficultés sur le marché du travail, des personnes immigrantes m'ont confié que l'exigence du bilinguisme comme critère d'embauche leur nuisait grandement. Rappelons-nous que nous avons promis à ces personnes qu'elles allaient pouvoir vivre et travailler en français au Québec. C'est inacceptable que tant de nouveaux arrivants francophones aient à suivre des cours d'anglais pour espérer trouver du travail au Québec.
C'est pourquoi notre position consiste à dire que les employeurs ne devraient pas exiger systématiquement le bilinguisme. Par conséquent, j'ai inclus, dans le projet de loi, l'interdiction à un employeur d'exiger d'un travailleur la connaissance d'une autre langue que le français, à moins que l'accomplissement de sa tâche ne le nécessite. En ayant inscrit, dans la Charte des droits et libertés, le droit de travailler en français et en permettant de recourir à la Commission des normes du travail si ce droit n'est pas respecté, nous croyons que les entreprises et les employés seront plus enclins à exercer leur jugement plutôt qu'à faire du bilinguisme un automatisme.
Par ailleurs, même si près des deux tiers des personnes immigrantes ont une connaissance du français, des progrès restent à accomplir dans ce domaine. Afin d'améliorer et de perfectionner la maîtrise du français des candidates et des candidats sélectionnés, le gouvernement québécois modifiera la grille de sélection des travailleurs qualifiés pour accorder plus d'importance à la maîtrise du français. Cette modification entrera en vigueur en 2013. Nous entendons aussi consolider et élargir le réseau des partenaires de la francisation à l'étranger et enrichir notre offre de service en francisation, notamment par la francisation en ligne et par d'autres médias, comme la télévision ici et à l'étranger.
La francisation des personnes immigrantes est très importante et doit être renforcée. Rappelons que nous ne rejoignons actuellement que 60 % des personnes immigrantes ayant besoin de francisation. Les services offerts dès l'étranger seront aussi mis à contribution pour convaincre un plus grand nombre d'immigrants de s'installer à l'extérieur de la région de Montréal. Par ailleurs, ma collègue Agnès Maltais et moi, nous assurerons que nos ministères respectifs implantent dès 2013 des services qui favoriseront l'intégration en emploi des personnes immigrantes partout au Québec. Je remercie ma collègue Agnès Maltais de croire et de collaborer à la régionalisation de l'immigration.
En ce qui a trait à la langue d'enseignement maintenant, s'il est vrai que c'est au travail que les immigrants adultes s'intègrent à la société québécoise, les petits, quant à eux, commencent à le faire dans les centres de la petite enfance, les garderies en milieu familial et les garderies privées. Les échanges entre les enfants et les éducatrices ou éducateurs se font généralement dans la langue maternelle de l'enfant et cela est tout à fait normal. Toutefois, chez les non francophones, il est important que les enfants se familiarisent progressivement avec le français afin de bien préparer leur entrée à l'école.
En conséquence, le nouveau projet de loi prévoit l'ajout d'activités de familiarisation à la langue française dans les services de garde afin de permettre une transition harmonieuse des enfants vers l'école. De plus, les différents services de garde doivent démontrer leur capacité à communiquer en français avec les parents pour obtenir et renouveler leurs permis. Bien entendu, en collaboration avec ma collègue Nicole Léger, nous nous assurerons d'offrir le soutien nécessaire, notamment aux responsables des services de garde en milieu familial qui ne maîtrisent pas le français, afin qu'elles puissent parfaire leur connaissance du français lorsque cela est nécessaire. Je la remercie, elle aussi, de permettre cette avancée.
Le projet de refonte de la Charte de la langue française propose aussi d'enrichir l'enseignement du français au primaire, au secondaire et au collégial, tant du côté du secteur francophone qu'anglophone. Nous devons rehausser de manière significative la qualité de la langue écrite et parlée, notamment par nos futurs enseignantes et enseignants ainsi que par tous ceux qui communiquent dans la sphère publique. De même, les connaissances des étudiants relativement à l'histoire du Québec et le niveau de culture générale devront être améliorés.
L'application de la loi 101 au niveau primaire et secondaire a permis aux enfants issus de l'immigration de socialiser avec leurs compatriotes francophones et de découvrir la culture québécoise. Il nous faut prolonger ce formidable élan au niveau collégial par des moyens qui susciteront l'adhésion le plus largement possible. Le moyen retenu pour y arriver tient compte des attentes des Québécoises et Québécois de préserver la langue française et de mieux apprendre leur langue seconde. À l'avenir, il devra être possible d'atteindre ces objectifs, qu'on choisisse d'étudier en anglais ou en français au cégep. Tant au secondaire qu'au collégial, pour obtenir leur diplôme, les étudiants anglophones devront réussir une épreuve de français comme les francophones le font déjà. Comme convenu, mon collègue Pierre Duchesne aura l'obligation de s'assurer du niveau de maîtrise du français par les étudiants lorsqu'ils terminent leur parcours au collégial anglophone. Sa grande capacité d'écoute permettra au milieu collégial d'introduire ces changements sans heurt.
Je suis consciente des inquiétudes que pourrait entraîner le dépôt de ce projet de loi chez les anglophones. Je veux être claire et les rassurer La communauté anglo-québécoise est ici chez elle, et sa riche contribution au développement du Québec est reconnue. Cela me demande des efforts de m'exprimer en anglais, pas par principe, mais parce que, comme beaucoup de Québécoises et Québécois de ma génération, même si je m'y applique, je ne possède pas tout à fait bien cette langue. Par respect pour la communauté anglophone, je dirai tout de même quelques mots en anglais.
I am aware of the concerns that could arise in the Anglophone community due to the introduction of the bill. We must be clear: The Anglophone minority in Québec is at home here, and its contribution to Québec's development is recognized. Its intent to preserve the dynamic nature of the institution is legitimate. We wish to reestablish a linguistic balance that will allow the Anglophone community to take its full place in a Québec that has French as its official and common language. Today, we are proposing measures that are for French. Nothing of what we wish for Québec goes against English or any other language.
Qui plus est, sachez que mon collègue Jean-François Lisée et moi sommes particulièrement désireux de développer des relations constructives avec les membres de la communauté anglophone montréalaise. Le dialogue que nous avons déjà entamé se poursuivra. D'ailleurs, dans la foulée de mes discussions avec des membres de la communauté anglophone, j'ai constaté que certains d'entre eux étaient inquiets quant à l'avenir de leurs institutions. Les établissements d'enseignement collégial anglophone ont été constitués pour servir en priorité notre minorité anglo-québécoise. Cependant, le processus de sélection désavantage parfois de jeunes anglophones. Par souci d'équité et pour garantir leurs droits, les collèges anglophones devront s'assurer de favoriser la sélection d'étudiants anglophones parmi les places actuellement octroyées.
J'ai aussi prêté une oreille attentive aux parents qui souhaitent que leurs enfants soient bilingues et même qu'ils acquièrent la connaissance d'une troisième langue. Cette aspiration est tout à fait légitime. C'est pourquoi l'offre de cours en anglais sera également à la hausse dans les écoles francophones au secondaire et au collégial. Des cours optionnels seront ajoutés dans le réseau collégial, faisant en sorte qu'il sera possible de perfectionner sa connaissance de l'anglais dans les collèges francophones, les rendant ainsi plus attirants pour certains.
Le Québec est résolument ouvert sur le monde. La possibilité d'apprendre plusieurs langues, du mandarin à l'arabe en passant par l'espagnol, doit être facilitée. Par ailleurs, plusieurs s'interrogent sur la pertinence d'introduire l'enseignement de l'anglais dès la première année et d'imposer l'anglais intensif en sixième année peu importent les difficultés d'apprentissage ou le niveau de bilinguisme des enfants. Ma collègue Marie Malavoy, dont la compréhension du continuum en éducation m'est précieuse, précisera bientôt sa proposition à ce sujet.
En complément, toujours dans une perspective d'équilibre et d'équité, le projet de loi déposé aujourd'hui ferme la porte à certaines voies de contournement, notamment le détour par une école anglaise située hors Québec pour ensuite accéder au réseau anglophone régulier d'ici. Dans l'état actuel des choses, les écoles privées non subventionnées permettent à un élève non anglophone de contourner la loi sous réserve d'avoir effectué un parcours authentique. Je considère qu'il est tout à fait inacceptable qu'on puisse, au Québec, acheter un droit constitutionnel pour les enfants. Il s'agit d'une question qui mérite d'être traitée de façon distincte. Nous allons agir, agir avec un projet de loi, dès la prochaine session parlementaire, à ce sujet.
Concernant le français dans les institutions publiques, le gouvernement constate également avec inquiétude le glissement vers un bilinguisme institutionnel dans les municipalités, les hôpitaux, les sociétés d'État, les ministères et les organismes gouvernementaux. Nos institutions doivent donner l'exemple et revenir au français comme langue normale et habituelle. Bien que nous soyons en faveur du bilinguisme individuel, nos institutions doivent être francophones d'abord et avant tout. Nous ne devons pas bilinguiser l'État tout en nous assurant de remplir nos obligations auprès de nos concitoyens anglophones. L'État québécois ne doit pas communiquer de façon systématique et continue en anglais avec des nouveaux arrivants. Le message qu'on leur lance doit être cohérent: Au Québec, la langue d'intégration et la langue commune, c'est le français.
Le gouvernement considère aussi que les municipalités, en raison de leur proximité avec les citoyens, sont des acteurs clés dans la promotion du français comme langue du travail et langue d'usage public. Il a été constaté que certaines municipalités qui n'ont pas de statut bilingue développent des pratiques qui généralisent une forme de bilinguisme. Le bilinguisme institutionnel doit redevenir l'exception plutôt que la norme. Les municipalités dont le statut bilingue est fondé pourront continuer à fonctionner dans les deux langues. Toutefois, le ou la ministre responsable de la Charte de la langue française pourra demander aux municipalités francophones qui ont glissé vers le bilinguisme institutionnel de corriger le tir. Ce travail sera fait de concert avec mon collègue Sylvain Gaudreault qui, j'en suis certaine, a prouvé à tous sa connaissance fine du milieu municipal.
Dans le réseau de la santé et des services sociaux, il arrive qu'un professionnel de la santé rédige ses notes cliniques en anglais. Cela pose problème, par exemple, lorsque le patient est francophone et qu'il souhaite prendre connaissance de son dossier. Afin de solutionner ce problème, mon collègue le Dr Réjean Hébert et moi proposons de modifier la loi pour que l'établissement de santé ou de services sociaux fournisse, au besoin et sans frais, la version française des documents pertinents.
De plus, mon collègue Bertrand St-Arnaud et moi allons resserrer les règles encadrant l'exigence de maîtriser le français pour accéder à un ordre professionnel. Cela facilitera l'accès par tous les patients aux services en français auxquels ils ont droit. Cela touchera aussi les ingénieurs, les architectes et les autres professionnels régis par un ordre. Mes deux collègues sauront mener à bon port ces changements. Je compte sur eux.
Depuis mon entrée en poste, j'ai personnellement rencontré près de 300 groupes et personnes de tous les horizons politiques et idéologiques au Québec. J'ai fait cela pour connaître leurs préoccupations par rapport à la langue et pour entendre leurs suggestions pour renforcer le français au Québec. Je tiens à les remercier pour leur générosité de points de vue et leur grande honnêteté. Je tiens aussi à remercie l'ensemble des députés et ministres qui ont enrichi nos travaux, notamment ceux du Comité ministériel sur l'identité que préside mon collègue Bernard Drainville et auquel participent mes collègues Alexandre Cloutier, Pierre Duchesne, Jean-François Lisée et Maka Kotto.
Avec seulement 75 jours de travail comme ministre responsable de la charte, je suis consciente que notre proposition n'aborde pas certains thèmes importants, tels les traductions incompréhensibles de certains manuels d'instruction, sites Internet ou la question de l'accès aux versions françaises de produits culturels. J'ai toutefois la conviction que les mesures proposées nous feront progresser dans l'atteinte de nos objectifs tout en respectant les contraintes et les capacités des organisations qui devront les mettre en oeuvre.
Les représentants de ces organisations et les citoyens pourront encore faire entendre leurs points de vue en début 2013. Je vous informe qu'au cours des prochains mois, si mes collègues de l'Assemblée nationale en conviennent, les Québécoises et Québécois seront conviés à une commission parlementaire itinérante. Les renseignements concernant la consultation générale seront annoncés très prochainement.
Pour conclure, ce n'est qu'en travaillant ensemble que le Québec pourra avancer, aller plus loin et réaliser ses rêves et ses ambitions. J'espère vous avoir convaincus de l'urgence d'agir et de la pertinence des mesures que nous proposons. Vous savez, adopter, embrasser, maîtriser notre langue, c'est s'ouvrir sur le monde, c'est avoir accès à un patrimoine culturel extraordinaire, c'est parler une langue qui est enseignée dans tous les pays du monde, qui est langue officielle sur tous les continents et qui est l'une des langues des grandes institutions internationales et des entreprises planétaires.
J'invite mes collègues députés actuels et futurs de l'Assemblée nationale à ne pas laisser dormir la Charte de la langue française un autre 35 ans. Avec mon collègue Pierre Duchesne, nous travaillerons à l'élaboration d'outils de vigie pour nous donner... doter d'indicateurs fiables et objectifs pour suivre l'évolution du français dans notre société.
La grande aventure du Québec est forte de siècles de persévérance, de décennies de progrès puis d'années de piétinement. Au cours des prochains mois, il nous faut passer efficacement à l'action pour améliorer l'intégration des personnes immigrantes et donner un nouvel élan à la langue française au Québec. L'identité québécoise, qu'on en hérite ou qu'on l'adopte, est celle d'une nation rassembleuse avec sa langue, ses valeurs et son histoire. Il est de notre conviction que de nombreuses avancées peuvent et doivent être faites dès maintenant pour faire du Québec un endroit où toutes et tous peuvent vivre, réussir et travailler en français.
Je ne peux conclure cette présentation sans remercier profondément notre première ministre quant au privilège qu'elle m'a accordé en me confiant le mandat d'élaborer ce projet de loi. Merci, Mme la première ministre pour votre vision et votre confiance en moi, en nous tous et au Québec. Merci beaucoup.

Mme Barrette (Marie): Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant la première ministre du Québec, Mme Pauline Marois, à vous adresser la parole. Madame.

Mme Marois: Alors, merci beaucoup. Bonjour à vous tous et à vous toutes. Je dois vous dire que c'est avec une très grande fierté que le gouvernement du Parti québécois dépose aujourd'hui un projet de loi majeur, vital pour l'avenir de notre nation. Ce projet de loi vise à renforcer la loi 101, notre Charte de la langue française.
D'entrée de jeu, je voudrais souligner le travail exceptionnel accompli par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles et ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane De Courcy. Pour arriver à ce résultat, Diane a consulté et écouté beaucoup de monde, comme elle vient de vous le dire. Elle a fait preuve d'un grand sens des responsabilités, de pragmatisme, mais aussi d'une volonté ferme de nous faire avancer en tant que nation, une nation qui valorise sa langue partout, tout le temps, une nation francophone. Nous savons tous à quel point l'adoption de la loi 101 par le gouvernement de René Lévesque en 1971 fut déterminante pour la nation québécoise.
Notre Charte de la langue française a maintenant 35 ans. Au fil du temps, elle a subi des modifications qui l'ont affaiblie, tandis que le contexte dans lequel évolue le Québec, lui, a changé. Il était de notre devoir de revisiter et de renforcer la Charte de la langue française. C'est un des devoirs les plus importants des élus de l'Assemblée nationale que d'affirmer avec détermination le droit des Québécois de grandir, de vivre et de travailler en français au Québec.
Ce projet de loi comporte d'importantes modifications à la charte ainsi qu'à d'autres lois qui ont une incidence sur la langue française et sur l'intégration linguistique et professionnelle des personnes immigrantes. Ce dont il est question ici, c'est de l'avenir même de la nation québécoise.
Après plus de 400 ans d'existence, après tous ces combats menés par nos prédécesseurs, c'est à notre tour de protéger et de promouvoir la langue française au Québec. Camille Laurin, qui a réussi l'exploit de vaincre toutes les résistances à l'époque, a légué une oeuvre fondamentale.
Aujourd'hui, la Charte de la langue française est devenue un symbole de rassemblement. Grâce à elle, des millions de jeunes Québécois de toutes les origines se sont retrouvés, ont grandi ensemble sans s'arrêter à ce qui les différencie les uns des autres. C'est ce que nous voulons faire de la langue française: un lieu de partage, une langue commune. Dans cette optique, j'invite tous les parlementaires et la société civile à participer à ce débat avec ouverture et sérénité.
Maintenant, pourquoi fallait-il une nouvelle loi? La raison, elle est fort simple. La place du français recule au Québec depuis des années, autant dans les lieux de travail que dans l'espace public. De plus, les transferts linguistiques continuent de se faire de façon disproportionnée vers une autre langue que le français.
Il faut dire que la force d'attraction de la langue anglaise est plus grande que jamais en cette ère de mondialisation. De plus en plus de gens désirent, avec raison, apprendre et parler anglais. Mais il y a une différence fondamentale entre un bilinguisme individuel et la langue commune d'une nation.
Le fait que la Canada fasse la promotion du bilinguisme officiel envoie un signal fort aux nouveaux arrivants, un signal qui légitime l'adoption de l'anglais comme langue d'usage au Québec. Et puis, les années passant, la charte fut affaiblie par les décisions de la Cour suprême. Dans ces circonstances, il serait irresponsable pour l'Assemblée nationale de perpétuer le statu quo. Il était de notre devoir d'agir, et nous agissons.
Je veux dire un mot aux Québécois de la communauté anglophone. Le travail pour renforcer la Charte de la langue français s'est fait avec le souci constant de ne pas nuire aux droits de votre communauté. La communauté anglophone est une richesse pour le Québec, une richesse à laquelle nous tenons. Cette langue française, qui nous rend uniques en Amérique du Nord, c'est une richesse pour vous aussi.
L'objectif du gouvernement consiste à renforcer la place du français au Québec, ni plus ni moins. Je vous invite à participer à cet effort avec la même ardeur que celle que je mettrai à défendre vos droits. Notre souhait, comme nation, c'est d'intégrer à la majorité francophone celles et ceux qui, venant des quatre coins du monde, font le choix de se joindre à nous. Nous voulons continuer à bâtir une société au sein de laquelle tous les citoyens sont des Québécois à part entière, qu'ils soient originaires de La Sarre ou de Dakar. Une nation, mais tissée serré, avec le français comme fil de trame. Ce que nous voulons bâtir, c'est un Québec français pour tous.
Je vais donc maintenant, avec la ministre responsable de la Charte de la langue française, nous rendre disponibles pour répondre à vos questions.

Mme Barrette (Marie): Avant de débuter la période de questions, j'aimerais rappeler quelques petites modalités. La période de questions, elle est réservée aux médias. Je demanderais aux gens présents dans la salle de ne pas applaudir, s'il vous plaît. Les médias, on va procéder en alternance, un micro à l'autre, et vous avez droit à une question et une sous-question. On débute en français, par la suite en anglais, et on demeure sur le sujet, s'il vous plaît. Merci. M. Ouellet.

M. Ouellet (Martin): Mme la première ministre, madame, une simple question. Je voudrais savoir pourquoi avoir renoncé à respecter votre engagement d'étendre au collégial l'application de la 101. Est-ce que ce n'est pas là un recul majeur?

Mme De Courcy: C'est une question de point de vue, hein, quant à un recul. À mon avis, les dispositions que nous mettons de l'avant répondent à des demandes qui avaient justifié, dans notre programme politique, les affirmations que nous faisons. Nous avions choisi un certain nombre de moyens. Pour faire court, on disait loi 101 au cégep. Mais qu'est-ce qui était derrière cette demande-là? C'était de s'assurer que la maîtrise du français soit très importante du côté des étudiants du collégial anglophones et que, surtout, ils puissent s'intégrer à la société québécoise francophone à la suite de leur parcours.
Quelle était la deuxième demande qui était derrière aussi? C'était le désir légitime de nos concitoyens d'apprendre l'anglais. Je n'ai jamais considéré que les étudiants qui traversent du côté anglophone sont dans un complot anti-français, absolument pas. Ils sont dans le désir d'apprendre l'anglais.
Et troisièmement, ce qui m'a beaucoup préoccupée, c'est quand, à partir des consultations que j'ai faites avec la communauté anglophone, que j'ai constaté que des gens de cette communauté étaient inquiets pour leurs institutions. Alors, ces trois demandes provenant de nos concitoyens m'ont indiqué que le moyen était celui que je propose aujourd'hui.
Par ailleurs, il faut être très au clair, j'ai bien indiqué aussi que nous allons être très vigilants et qu'entre trois et cinq ans on verra en commission parlementaire, avec les travaux aussi de mon collègue Pierre Duchesne, on va examiner les résultats. Et si, dans trois ou cinq ans, ça n'a pas donné les résultats escomptés, bien, il faudra probablement envisager d'autres moyens. Voilà donc ma réponse.

M. Ouellet (Martin): Mais, Mme la première ministre, est-ce qu'on ne peut pas reconnaître qu'il s'agit tout de même d'un recul, parce que ce que les gens avaient compris, c'est que votre intention était d'étendre l'application de la charte au niveau collégial.

Mme Marois: Alors, ce que nous voulions, c'est que le français reprenne ses lettres de noblesse au Québec, que le français recommence à avancer. C'est ce que nous faisons. Nous allons assez loin, ma collègue vous l'a dit dans son intervention de départ, nous allons assez loin quant à des exigences que l'on va d'abord demander au cégep, aux institutions anglophones, et je crois que ce que nous proposons atteint les objectifs que nous nous étions fixés.
Et je reprends la dernière phrase de Diane De Courcy: Nous allons être très vigilants, nous allons agir avec rigueur. Si, à la... je dirais, une fois ces mesures appliquées, au bout de trois, quatre, cinq ans, nous constatons que les progrès souhaités ne sont pas au rendez-vous, nous pourrons revenir avec une proposition différente.

Le Modérateur: Alain Laforest.

M. Laforest (Alain): Mme Marois, je me souviens très bien de cette chaude journée du mois d'août lorsque vous avez annoncé une loi costaude. Ce que je note dans ce projet de loi, c'est que se faire servir en français à Montréal, qui était le principal problème que vous aviez décrié, pas de changement.

Mme Marois: Bien, à ce que je sache, dans la loi, il sera fait une obligation, par la loi ou par voie réglementaire, à toutes les entreprises d'offrir des services en français.

M. Laforest (Alain): Mais c'était déjà obligatoire dans la loi, non?

Mme De Courcy: On va regarder ça autrement. Oui, il y avait cette obligation-là, mais, vous l'avez bien dit, la charte était comme endormie. Qu'est-ce qui va permettre maintenant à un citoyen de s'assurer que ceci puisse se faire correctement, c'est d'abord dans des entreprises qui sont de 26 à 49 employés. Il faudra, hein, il faudra, là, s'assurer, là, qu'il y ait ce service-là à tous et toutes. Mais surtout, il y aura la possibilité pour le citoyen et le travailleur, s'il constate que ça ne fonctionne pas, d'avoir recours, pour le travailleur, aux normes du travail et de dire que, dorénavant, je peux, moi, comme travailleur, vivre et travailler en français à cause du droit qu'on installe dans la charte. Donc, il pourra aller aussi loin qu'il le voudra dans ce mécanisme de plainte là, et, pour le citoyen, dorénavant sa plainte va être effective en ligne.
Et, en plus de ça, normalement, l'entreprise qui est contrevenante, toutes les entreprises, même les petites, bien, ça va être connu de façon très précise au moment de la plainte par Internet. Alors, il me semble que c'est... l'ensemble de ces mesures correspond au désir des gens de s'assurer d'une vigie et de s'assurer que ça se fasse. L'autre façon... On a cherché différentes façons de dire: Bien, comment on pourrait s'y prendre, là, pour s'assurer de... Il n'y a que la vigie des citoyens qui peut donner un vrai résultat. Et l'obligation pour un certain nombre d'entreprises - et on a parlé des 26 à 49 employés - pour un certain nombre d'entreprises d'avoir une politique linguistique qui sera faite à partir de toutes les mesures que j'ai décrites.

À part ça, ce qui nous amènerait à dire: Bien, il faudrait avoir autant d'inspecteurs que les 22 000 entreprises ou 8 000 entreprises, ce qui n'est pas possible. Alors, il faut donc avoir des dispositifs de renforcement comme ceux-là, à mon avis, qui devraient donner du résultat.

M. Laforest (Alain): Vous avez promis l'abolition des écoles passerelles; elles demeurent.

Mme Marois: Cela se fera. Cela se fera dès le printemps prochain. Nous avons mis l'accent et l'effort sur une modification en profondeur de la charte actuelle, la Charte de la langue française. Déjà, il y a des mesures dans la loi qui prévoient d'être encore plus exigeants du côté de l'accès à ces écoles passerelles. Mais notre intention n'a pas changé, nous respecterons donc notre engagement.

La Modératrice: Denis Lessard.

M. Lessard (Denis): Mme la première ministre, j'aimerais que vous élaboriez un peu sur la question de l'admission au réseau collégial anglophone. Vous étiez là au...

Mme Marois: Je n'ai pas compris.

M. Lessard (Denis): Les questions sur l'admission au réseau collégial anglophone. Vous étiez là au congrès d'avril 2011. Il y a 2 000 militants qui ont mis ça dans le programme. Vous avez décidé de le mettre aussi dans la plateforme électorale du parti. Vous avez été élue sur cette plateforme-là. Comment vous expliquez qu'on renonce encore une fois à un engagement de campagne?

Mme Marois: Bon. Alors, d'abord, Mme De Courcy vous a très bien expliqué les raisons, les gestes qui vont être posés pour nous assurer qu'on renforce la connaissance et l'apprentissage du français dans les cégeps anglophones, que priorité sera donnée...

M. Lessard (Denis): ...n'est pas respectée.

Mme Marois: Pardon?

M. Lessard (Denis): Il y avait une parole donnée qui n'est pas respectée.

Mme Marois: Attention. Nous sommes aussi... Et ça, c'est la réelle politique, nous sommes dans gouvernement minoritaire, nous tenons à ce que cette loi soit adoptée. Les consultations menées par ma collègue - elle vous l'a dit, elle a vu plus de 300 groupes et personnes - nous ont amenés à conclure qu'il y était... qu'il n'y avait aucune unanimité sur cette question. Cependant, ce qui n'empêche pas qu'encore une fois nous prendrons le temps, avec les mesures que nous annonçons aujourd'hui et que nous appliquerons, nous prendrons le temps d'en mesurer les effets. Et, si les effets ne sont pas au rendez-vous, nous reviendrons sur cette question plus tard, dans les années qui viennent.

M. Lessard (Denis): Il y a des obligations supplémentaires de contrôle à l'Office québécois de la langue, par exemple, d'avoir des modules de francisation au niveau des CPE. Est-ce qu'on va ajouter des effectifs? Est-ce que ça va apparaître dans les crédits déposés demain ou...

Mme De Courcy: Vous allez le constater. Vous allez le constater qu'on a renforcé le rôle de l'Office québécois de la langue française, et, à cet égard-là, le gouvernement, le président du Conseil du trésor a été très sensible à cette question-là. Cependant, comme tous les ministères, j'ai, moi aussi, à fournir un effort collectif. Alors, il y aura aussi des réaménagements au sein même du ministère pour parvenir à réaliser une partie des engagements que nous prenons et qui doivent être effectifs, notamment la francisation des personnes immigrantes. Tout le monde considère que c'est absolument important à mettre de l'avant et à renforcer.

Mme Barrette (Marie): Merci. Monsieur, ici.

M. Lavallée (Hugo): Hugo Lavallée, Radio-Canada. Mme Marois, pour être certain de bien comprendre sur la question des écoles passerelles, donc, pour l'instant, vous resserrez un peu les critères d'admission, mais, si je comprends bien, la notion de parcours authentique demeure. Mais là, tout à l'heure, vous disiez que ce n'était qu'une première étape. Est-ce que vous comptez toujours utiliser le dispositif dérogatoire pour fermer la porte définitivement?

Mme Marois: Je vais demander à Diane de répondre sur les mesures concrètes qu'on a dans la loi, mais je peux... je vous réaffirme ce que j'ai dit: Nous abolirons les écoles passerelles, nous prendrons les moyens utiles pour y arriver, et ça se fera au printemps prochain.

Mme De Courcy: Bon, on va juste se rappeler la séquence, hein, des événements en la simplifiant un peu. Une loi n° 104 qui faisait l'unanimité partout. On disait: Ce n'est pas possible, là, qu'on puisse acheter un droit constitutionnel et ainsi passer outre à la réglementation de la loi 101. Tout ceci a été défait. Tout ceci a été défait par un jugement de la Cour suprême, ce qui a occasionné le parcours authentique. Alors, dorénavant, donc, nous sommes soumis, même si je le regrette de le dire, nous sommes soumis à la question du parcours authentique.
Il y avait quelques éléments que j'ai profité de l'occasion qu'on ouvrait la charte pour être en mesure de resserrer un peu, par exemple, ceux et celles qui voulaient faire un parcours à Toronto, être de Montréal, faire un parcours d'un an à Toronto, et que ceci soit considéré comme un parcours authentique. On resserre un certain nombre de critères sur le parcours authentique. Et d'ailleurs, dans ce qui nous avait été prescrit par la Cour suprême, c'était sur le parcours authentique qu'on pouvait agir.
Mais ceci, somme toute, ne corrige pas le problème fondamental, c'est-à-dire le fait qu'on puisse s'acheter un droit, compte tenu des 70 jours que nous avions, préparer deux législations en même temps avec toutes sortes de ramifications, voir aussi les résultats, hein? Il y a eu la loi n° 104, il y a eu la loi n° 115. Où en sommes-nous exactement maintenant quand à l'exercice de ce droit? Qui se prévaut maintenant du parcours authentique et etc.? Il fallait nous laisser un peu plus de temps.
Mais notre première ministre a été très claire, le Conseil des ministres est très clair, l'ensemble de la députation est très clair, il faut que cette situation-là soit réglée avant le mois de juin. Alors, c'est... Et donc il n'y a pas de renoncement, il y a un décalage, parce que vous comprenez que la législation qu'on a déposée aujourd'hui demandait un certain nombre d'efforts en 70 jours. Alors, on va donc revenir au mois de juin. Est-ce qu'on va agir sur le parcours authentique, sur différents moyens pour corriger la situation? Bien là, c'est à voir. Il faut nous laisser travailler encore un peu autour de cette question-là.

M. Lavallée (Hugo): Et pour Mme Marois cette fois-ci. Vous parliez, tout à l'heure, de réelles politiques, le fait que vous n'ayez peut-être pas été capables de réaliser tout ce à quoi vous vous étiez engagés. Est-ce à dire que la situation minoritaire dans laquelle vous êtes vous pousse à proposer un projet de loi que, vous-même, vous jugez un peu décevant ou insuffisant?

Mme Marois: Non, non. Là, il ne faut pas interpréter mes propos comme ça. Non. Je suis très fière du projet que nous déposons aujourd'hui. Je crois que le Québec va relever la tête sur la question de l'utilisation du français. On reconnaît un droit dans la Charte des droits et libertés, ce qui n'est quand même pas rien. Ça donne un signal très clair, il n'y a aucune ambiguïté. C'est une très bonne... Nous croyons que c'est un très bon projet de loi.
Il va être soumis à consultation à travers tout le Québec. D'ailleurs, on propose une commission itinérante qui va permettre à tous les citoyens de venir s'exprimer, et, notre objectif, c'est que ce projet soit adopté, qu'on puisse l'appliquer et que le français redevienne vraiment la langue commune, la langue publique au Québec, qu'on puisse, encore une fois, étudier, vivre, grandir, travailler en français au Québec et être servis en français.

Mme Barrette (Marie): Merci. Rhéal Séguin.

M. Séguin (Rhéal): Oui. Mme De Courcy, pourquoi avoir évacué du projet de loi des mesures plus coercitives pour renforcer le français dans les commerces?

Mme De Courcy: Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Évacué du projet de loi?

M. Séguin (Rhéal): Pas de mesures, là, plus strictes, plus sévères pour... imposées sur les commerçants pour s'assurer que les Québécois soient mieux servis en français.

Mme De Courcy: Bien, écoutez, moi, je considère qu'on... allant aussi loin que de donner un droit dans la Charte des droits et libertés de la personne pour tous les citoyens, et pas un droit, là, sous le vocable des droits économiques qui sont souvent vus comme des droits symboliques, mais là, non, un vrai droit qui dit: Vous avez le droit de vivre, travailler, réussir en français. À partir de là, tout le monde peut exercer ce droit-là. Pour les commerçants, ils ont tous l'obligation de servir en français. On assure, hein, qu'il y ait toujours et en tout temps un service en français.
Mais vous comprendrez - puis l'exemple, je ne le voudrais pas péjoratif à l'égard de l'ensemble de l'industrie des dépanneurs - mais on comprend qu'un tout petit commerce qui, bon, qui vient de s'installer, peut-être par une personne immigrante qui a eu de la difficulté à apprendre le français, pas parce qu'elle était sélectionnée par le Québec mais parce que c'est une personne réfugiée que nous avons accueillie et qui, finalement, s'en sort grâce à l'humanisme de la société québécoise, bien, cette personne-là, elle saura dorénavant qu'il faut qu'elle donne un service en français.
Le citoyen, quant à lui, a beaucoup, maintenant... a maintenant ce droit-là. Et je suis certaine que les petits commerces, sachant dorénavant qu'il y a ce droit-là, vont exercer leur jugement et vont faire en sorte que ce service-là soit donné. Mais comme dans tous les autres cas, il n'y a pas de police de la langue. Ce n'est pas possible, ça, d'organiser ça au Québec. Ce qui est possible, c'est que tous les citoyens québécois soient les sentinelles de la langue et qu'on puisse accompagner les commerces.
J'ai eu l'occasion de pouvoir travailler avec le monde des affaires qui m'ont demandé la chose suivante, et j'en ai vu beaucoup, du monde des affaires: une réglementation intelligente qui va faire en sorte que nous puissions accompagner des entreprises. Et, à cet égard-là, les comités sectoriels de main-d'oeuvre, la Commission des partenaires du marché du travail, l'ensemble des entreprises, les groupes syndicaux et associations vont tous nous aider à faire progresser cette langue du commerce et puis cette langue aussi au niveau du travail, au niveau des entreprises.
Alors, ça m'apparaît une nette avancée par rapport à ce que nous avions, d'autant plus qu'il faudra, pour les petites entreprises... Mais, quand on est au centre-ville de Montréal, ce n'est pas rare, un magasin, là, qui a 26 personnes, 30 personnes, 40 personnes à son emploi. Mais là il y a des dispositions qui sont un peu plus exigeantes à sa face même, là. Il faudra prouver les postes, avoir des politiques de mutation, avoir une politique linguistique. Mais ceci, on doit donner du temps au temps un peu, pas trop, mais donner du temps au temps, et la commission parlementaire va nous permettre de nous ajuster avec tout le monde des affaires pour prendre la juste mesure, des bonnes mesures et du temps.

M. Séguin (Rhéal): Et Mme Marois, avec le recul, étant donné la situation du français au Québec, à ce moment-ci, est-ce que ça a été une erreur, en 1996, du gouvernement Bouchard, d'avoir refusé de renforcer la loi 101?

Mme Marois: Bon, je ne porterai pas de jugement sur 1996. Mais il y a une différence entre un gouvernement qui avait la volonté, en 1996, de protéger, de défendre la langue française et un gouvernement qui a suivi et qui a été laxiste à l'égard de la langue française et de l'application de la loi, alors que le gouvernement de Lucien Bouchard n'était pas laxiste à l'égard de l'application de la loi.

Mme Barrette (Marie): Michel Pépin.

M. Pépin (Michel): Merci, Mme Barrette. Mesdames, bonjour. Mme De Courcy, tout d'abord, puisque vous avez abordé à plusieurs reprises la modification de la Charte québécoise de la langue française. Donc, c'est une clause interprétative, si on se comprend bien, qui incite les tribunaux à bien comprendre le statut de la langue française au Québec. Et on a entendu et on peut lire, même, dans le programme du Parti québécois... On a entendu de nombreux ténors du Parti québécois dénoncer la Cour suprême et ses différentes décisions, à l'égard de la loi 101 plus spécifiquement. Est-ce que vous croyez que cette clause interprétative va faire changer, de quelque manière que ce soit, les approches qu'on a eues à la Cour suprême?

Mme De Courcy: Bien, je le souhaite. Je le souhaite, mais je ne peux pas présumer de comment la Cour suprême va dorénavant interpréter.
Mais il est clair que ce que le gouvernement du Québec propose, puis j'espère que tous mes collègues de l'Assemblée nationale vont être presque unanimement d'accord, je le souhaite, qu'on puisse vraiment indiquer très clairement, oui, au gouvernement fédéral bien sûr, à la Cour suprême bien sûr, mais surtout aux citoyens et aux citoyennes du Québec, qui sont ici et qui viennent d'ailleurs, que c'est un droit, un droit réel. Ça m'apparaît ce qui donne toute la force aux nouvelles mesures aussi qu'on vient de mettre de l'avant. Mais j'espère, comme vous le suggérez dans votre question, que ça aura de l'influence.

M. Pépin (Michel): Je ne suggère rien. Rassurons-nous.

Mme De Courcy: Ah! J'avais cru comprendre...

M. Pépin (Michel): Mme Marois, Mme la première ministre, vous avez évoqué la mémoire de Camille Laurin qui... J'aimerais que vous mettiez dans la balance le projet de loi que vous présentez aujourd'hui avec, quand même, l'importance de la loi 101, l'importance du geste posé par Camille Laurin, sans doute son audace également. Par rapport à ce que vous faites maintenant et par rapport à ce qui a été fait il y a 35 ans, comment est-ce que vous voyez l'exercice?

Mme Marois: Bon, d'abord, nous nous inscrivons en droite ligne dans ce qu'a fait le Dr Camille Laurin et le gouvernement de René Lévesque. Comme je l'ai dit dans mon intervention - Diane l'a dit aussi - le Québec a changé, le contexte a changé. Et donc, ce contexte ayant changé, nous devons maintenant revoir un bon nombre des mesures qui avaient été prévues initialement dans la loi 101 et qui ont aussi été contestées, qui ont été remises en cause, etc.
Donc, moi, je crois que c'est une loi tout aussi audacieuse, adaptée à la réalité de 2012 et qui veut refaire du français vraiment notre langue commune, notre langue officielle, et qui crée un nouveau droit encore plus grand que ce qui était introduit déjà dans la charte dans le passé. Et ça, à mon point de vue, ça va plus loin que là où était allée la première loi 101 du Dr Laurin.

Mme Barrette (Marie): Merci. Gilbert Lavoie.

M. Lavoie (Gilbert): Bonjour. Mme Marois, Mme De Courcy, vous savez, c'est une chose légiférer, c'en est une autre que de faire vivre sa loi, de lui donner les moyens de vivre. Mme De Courcy a mentionné tout à l'heure, d'une part, qu'elle devrait faire son effort budgétaire elle aussi, mais, d'autre part, qu'il faudrait des ressources accrues dans certains domaines comme la francisation des immigrants.
Est-ce que ces changements législatifs là - à long terme, là, je ne parle pas à court terme - à long terme, c'est à coût nul, simplement en... ou si le gouvernement va mettre davantage d'efforts financiers sur les questions linguistiques?

Mme De Courcy: D'accord. Alors, bien sûr que, pour les prochains 18 mois, on doit réaffecter des sommes au sein du ministère, quoique, et je le répète, le président du Conseil du trésor a été très compréhensif à l'égard du ministère de l'Immigration et à l'égard des différents organismes que j'ai sous ma responsabilité. Ceci étant dit, je vais faire un effort.
L'ensemble des mesures qui sont contenues, oui, dans le projet de loi mais aussi dans l'allocution, il faut faire attention, parce qu'il y a des mesures administratives, il y a des mesures incitatives, il y a toutes sortes de choses, là, qui ont été nommées et qui ne sont pas inscrites dans la charte, mais qui vont devoir se réaliser, notamment toute la question de la francisation.
Les coûts globaux, dans une... quand on est autour des années 2014-2015, 2015-2016, ça devrait être autour de 20 millions. Je dis «autour de 20 millions», parce que c'est un...

Mme Marois: De plus que ce qui se fait déjà.

Mme De Courcy: Exact, exact. Et c'est un premier calcul. C'est un premier calcul. On a encore du temps. La commission parlementaire aussi va nous permettre, surtout la commission parlementaire itinérante, de mesurer la question de la régionalisation de l'immigration. Est-ce que ça va demander des moyens supplémentaires? Vous vous souvenez que cette régionalisation-là nous impose, là, de travailler très étroitement avec Emploi-Québec. On ne peut pas ignorer qu'il n'y aura pas des ressources, là, qui devront être déployées.
Et, quand on parle d'utiliser les technologies de l'information pour l'apprentissage du français - apprentissage en ligne, apprentissage à partir de la télé, etc. - bien, ça prend aussi un certain déploiement. Alors, on est autour de ces sommes là. Je vous remercie.

Mme Barrette (Marie): Michel David.

M. David (Michel): Oui, bonjour, mesdames. Votre projet propose en quelque sorte de judiciariser le droit pour un immigrant de recevoir une formation en français. À partir du moment où vous reconnaissez vous-mêmes qu'il y a, quoi, 60 % de gens qui ont besoin d'une formation qui ne sont pas rejoints, est-ce qu'il n'aurait pas été beaucoup plus efficace de voir le problème d'une autre façon, à l'inverse, et d'imposer une formation en français à tous les immigrants, d'en faire une obligation pour eux?

Mme De Courcy: Écoutez, déjà, on a, lorsque les personnes immigrantes viennent chez nous, elles signent une déclaration qui est un contrat où elles s'engagent à se franciser, hein? Ça fait déjà partie de nos règles. Je vous dirais que, si l'obligation est bonne pour les personnes immigrantes, bien, elle devient bonne, cette fois-ci, pour le gouvernement. Là, cette fois-ci... Il est vrai, là, qu'on ne serre pas la vis qu'à tout le monde, mais à nous-mêmes en disant: En donnant ce droit, nous devrons mettre en place les dispositifs complets.
Sans vouloir vous reprendre, c'est 40 %, les personnes immigrantes que nous ne rejoignons pas. Nous en rejoignons 60 %. Ces personnes que nous ne rejoignons pas dans les mécanismes traditionnels que nous avons: classes à l'immigration, cégeps, commissions scolaires, même francisation, groupes communautaires, francisation en milieu de travail, les personnes que nous ne rejoignons pas vont demander, là, des façons de faire différentes, entre autres... Entre autres, j'ai fait allusion aux garderies en milieu familial dans notre allocution. Plusieurs de ces responsables sont des mamans, très souvent des mamans réfugiées ou bien des mamans qui n'ont pas eu l'occasion d'aller se franciser parce qu'elles devaient garder les enfants pendant que le premier requérant, pour prendre le langage technique, lui, s'occupait de trouver le pain et le beurre pour la famille.
Donc, c'est comme si on interprétait toujours que c'est la faute des personnes immigrantes si elles ne se francisent pas. Attention! Plusieurs d'entre elles veulent se franciser, mais nous n'avons pas toujours organisé suffisamment bien et efficacement la disponibilité de la francisation.

M. David (Michel): Maintenant, le projet prévoit de vous donner de nouveaux pouvoirs, notamment celui de réviser le statut des municipalités qui sont désignées en vertu de l'article 29 et aussi celui d'exiger des municipalités qu'elles se donnent une politique linguistique.
D'abord, est-ce que vous entendez faire une révision systématique des municipalités qui sont concernées et qui ne se qualifieraient plus? Et, d'autre part, est-ce que vous entendez exiger de la ville de Montréal qu'elle se donne une politique linguistique?
Mme De Courcy: Bon, je pense qu'on est au royaume, là, de l'exigence, quand vous m'en parlez. Je vous dirais qu'il est très important pour moi qu'à terme les municipalités se dotent de politiques linguistiques raisonnables et tout à fait explicites. Maintenant, avec mon collègue Sylvain Gaudreault, nous avons choisi de travailler progressivement. Avec sa collaboration, on va identifier au Québec là où il y a des problèmes, puis on ne s'éloignera pas, bien sûr, dans certains cas, des grands centres, dans... ou dans certaines régions du Québec où, vraiment, cette question-là de la bilinguisation des municipalités est présente. Donc, on va commencer par cela.
Ensuite, bien sûr que nous savons qu'il y a des villes qui ont un statut bilingue et qui, au fil des années, parce qu'il n'y avait pas d'obligation, parce qu'on n'a pas surveillé, parce que, parce que, bien, on sait aussi, là, qu'il faut qu'il y ait une révision. Puis, après toutes ces choses, bien là, naturellement, avec la collaboration de l'UMQ et la FMQ, l'Union municipale des...

Mme Marois: L'Union des municipalités.

Mme De Courcy: ...des municipalités du Québec et la fédération des municipalités du Québec, c'est avec les deux organisations que nous allons convenir d'une façon de procéder. Mais, encore là, comme pour toutes les autres mesures, il n'est pas question d'être dans un délai qui va faire en sorte qu'on va échouer, mais il est aussi question de se hâter lentement, et, en commission parlementaire, on va préciser les délais. Je juge, à ce stade-ci, que, quand on est dans un espace de trois ans à cinq ans, on est toujours dans le bon espace. En ce qui concerne des villes comme la ville de Montréal, bien, avec mon collègue responsable de la métropole, je vais regarder qu'est-ce qu'on peut faire le plus rapidement possible.

M. David (Michel): Ça fait quand même 10 ans que la ville de Montréal a promis de s'en donner une?

Mme De Courcy: Excusez-moi, je ne vous ai pas...

M. David (Michel): Ça fait quand même 10 ans que la ville de Montréal s'était engagée à se donner une politique linguistique.

Mme De Courcy: En effet, et je le sais pertinemment. Je pense que tout ce mouvement-là que nous inscrivons va sûrement... va engager les gens à passer à l'action comme nous le faisons. Merci.

La Modératrice: Monsieur.

M. Lecavalier (Charles): Bonjour. Mme De Courcy, par rapport à cette demande qui est faite aux collèges anglophones de modifier leurs grilles de sélection pour favoriser les étudiants anglophones, est-ce que ce n'est pas une façon de faire par en arrière ce qu'il n'est pas possible de faire par en avant, c'est-à-dire restreindre l'accès aux collèges anglophones pour les francophones et les allophones? Parce que ça va être une des conséquences.

Mme De Courcy: Bien, en fait, de deux façons... Répondons de deux façons. D'abord, c'est une façon certaine de rassurer ceux et celles qui sont inquiets, dans la communauté anglophone, que leurs institutions jusqu'au collégial, bien, qu'il y a de la place. Prenons un exemple en termes de discrimination positive. À compétences égales, je dirais qu'un jeune qui veut... qui est un ayant droit du collège anglophone devrait avoir le droit. Je suis certaine que les fédérations de cégep, là, vont trouver les mécanismes et, avec Pierre Duchesne, comment y travailler.
Quand vous dites: Est-ce que nous allons faire ce que nous ne voulions pas faire par cégep 101, j'ai bien dit que je ne renonçais pas à aucun de ces engagements-là, à savoir qu'il faille trouver une façon de rendre le cégep francophone attractif. Donc, oui, il est question de protéger les cégeps anglophones pour les anglophones, de ne pas bloquer l'accès complètement tant et aussi longtemps qu'on n'est pas attractifs et peut-être jamais. On verra ce que ça donnera comme mesure. Mais une chose est certaine, c'est qu'il faut absolument répondre à la demande, à mon avis, de la société: Bien apprendre le français, être sûrs que tout le monde puisse s'intégrer, bien, en français, quels que soient les deux réseaux qu'on utilise, et posséder une langue, voire deux, voire trois, voire quatre, voire cinq, selon son choix. Il me semble que ça, c'est la modernisation à laquelle notre première ministre nous invite ici, maintenant.

M. Lecavalier (Charles): Et est-ce qu'il va y avoir une augmentation de, disons, de ressources en français dans les écoles anglophones pour répondre à cette exigence-là d'une épreuve uniforme de français?

Mme De Courcy: On va voir avec l'ensemble des cégeps ce qu'il y a de disponible présentement... et des échanges, hein? On a toujours l'impression qu'il faut vivre dans deux solitudes pour bien réussir. Mais j'entendais certains de ces milieux me dire: Il serait tellement facile d'avoir des échanges interétablissements pour nous permettre, justement, de mettre au service des élève, qu'ils soient du secondaire, qu'ils soient du collégial, des méthodes pédagogiques éprouvées pour apprendre les langues. Je crois qu'il faut sortir un peu de nos carcans habituels pour essayer de voir qu'un problème identifié - bien identifié, d'ailleurs, dans le programme du Parti québécois - bien, il peut connaître diverses solutions. Et c'est ça aussi, une nouvelle gouvernance, je dirais. Merci.

Mme Barrette (Marie): Robert Dutrisac.

M. Dutrisac (Robert): Bonjour, Mme Marois. Bonjour, Mme De Courcy. Concernant les cégeps, justement, pourquoi avez-vous écarté l'idée d'imposer certains quotas aux cégeps anglophones? On connaît leur popularité ces dernières années, et il n'y a rien, dans votre projet de loi, qui empêche les cégeps de poursuivre... anglophones de poursuivre sur leur lancée et d'augmenter la proportion d'étudiants qu'ils peuvent recevoir au Québec.

Mme De Courcy: En effet, vous avez raison. Une charte, ce n'est pas des mesures administratives, ce n'est pas des mesures réglementaires. Puis ce que nous vous annonçons ce matin, c'est notre ferme intention d'améliorer l'intégration, entre guillemets, des jeunes anglophones qui sont dans les cégeps anglophones, à la société québécoise, montréalaise, francophone, donc de s'assurer qu'ils apprennent très, très bien le français, et ce, jusqu'à la fin du parcours. Et puis, de notre côté, du côté francophone, bien, de s'assurer que la maîtrise de l'anglais est là.
Maintenant, est-ce que nous voulons poursuivre indéfiniment la progression ou l'agrandissement de tous les cégeps au Québec, sachant, et les gens des cégeps vous le diront, que les courbes démographiques, là, que nous allons connaître vers l'arrivée au collégial aux francophones... chez les francophones, ça va prendre un grand moment, là, avant qu'il y ait des cohortes d'étudiants, là, aussi importantes que ce qu'on a connu dans le passé.
La commission parlementaire va nous instruire sur les façons de faire. Je suis certaine que les cégeps vont venir nous indiquer ce qu'ils veulent: options particulières, pas d'option particulière, que fait-on dans ces cas-là. Non, c'est clair que la charte, aujourd'hui, ne prévoit pas ça, mais nous serons très préoccupés par le fait de nous assurer que les élèves anglophones ayant droit puissent avoir accès à leurs institutions. Alors, si d'autres moyens sont requis, bien, on va le faire.

M. Dutrisac (Robert): Concernant les municipalités, juste pour poursuivre la question de mon collègue, est-ce que vous vous engagez, justement, est-ce que c'est votre intention de retirer à des municipalités leur statut bilingue, alors qu'elles ne correspondent plus aux critères et d'en donner de... un statut bilingue à certaines autres municipalités qui, elles, vu les...

Mme De Courcy: Notre intention, c'est de rendre le plus près possible de la réalité les statuts des municipalités. C'est ça notre intention. Donc, tout est possible dans ces contextes-là, mais il n'y a pas d'agression aux municipalités anglophones en aucune façon. En aucune façon. Mais on sera toujours vigilants, et il faut l'être, vigilants, à savoir est-ce que nous sommes dans nos... cohérents par rapport aux populations. Ce n'est pas pour nous faire plaisir, ce n'est pas pour répondre aux besoins de la charte. C'est être cohérent par rapport aux populations, donc ce sont les instruments, là, pour avoir une prise sur la politique municipale ou la gouvernance municipale.

La Modératrice: Merci. Antoine Robitaille.

M. Robitaille (Antoine): Dans Agir en toute liberté, il y avait 17 éléments concernant le français seule langue officielle du Québec. Vous jugez, Mme Marois, avoir rempli combien de promesses dans ces 17-là? Il y en avait, a, b, c, jusqu'à q.

Mme Marois: Écoutez, quant à moi, je crois que nous avons respecté, dans l'esprit sûrement, les 17 éléments de notre programme et que, comme je le disais d'entrée de jeu - Diane le rappelait aussi, Mme De Courcy le rappelait aussi - il y a certains aspects, c'est-à-dire de la loi que nous déposons aujourd'hui, qui vont nous permettre, encore une fois, d'atteindre les objectifs qui est de remettre la langue française au coeur de la vie québécoise. Et, si certaines de ces mesures n'obtenaient pas tous les résultats escomptés, nous pourrions passer à d'autres gestes encore plus importants.

Mme De Courcy: J'ajoute, si vous permettez, M. Robitaille, que j'ai... lorsque j'ai débuté le travail il y a 70 jours, bien sûr que j'ai pris connaissance de ces mesures, mais pas seulement que celles du Parti québécois. J'ai regardé au niveau du Parti libéral, j'ai regardé au niveau de toutes les composantes de l'Assemblée nationale et j'ai recherché, puisque nous sommes dans un gouvernement minoritaire, j'ai recherché ce qui, à mon avis, nous rassemblait tous, je vous dirais, au-dessus des intérêts partisans. Et j'ai la prétention de penser, mais l'avenir va me le dire, l'avenir va me le dire à l'Assemblée nationale, j'ai la prétention de penser qu'on a réussi à aller vers les plus forts consensus interpartis et de ce que j'ai pu observer à partir de mon humble échantillon, là, de 300 quelques groupes et personnes.

M. Robitaille (Antoine): Le premier alinéa, l'alinéa a, c'était: «Exigera que le Québec ait la compétence exclusive en matière linguistique sur son territoire.» Est-ce que vous allez entamer des négociations prochainement avec le fédéral sur cette question?

Mme Marois: Alors, comme je vous l'ai dit déjà à quelques reprises, nous avons... Pour l'instant, nous sommes au gouvernement depuis trois mois, même pas trois mois complets, et il y a beaucoup de démarches que nous allons faire auprès d'Ottawa, que ce soit en matière culturelle, en matière linguistique et sur d'autres projets aussi. Pensez aux questions, entre autres, qui nous... sur la question de l'aide apportée, par exemple, à Terre-Neuve pour son projet de transport d'électricité. Je pense qu'il y a pas mal de plats au feu en ces matières.

La Modératrice: Merci, M. Robitaille. Dernière en français, Martine Biron.

Mme Biron (Martine): Oui, bonjour, Mme De Courcy, Mme Marois. Pourquoi, Mme Marois, attendre au printemps pour abolir les écoles passerelles, alors que vous auriez pu le faire maintenant et que vous l'avez promis?

Mme Marois: Je vais vous dire très simplement, ce que Diane d'abord a dit: On avait plein les bras, là, pour préparer ce projet de loi, et nous ne voulions pas - je vous le dis, là - nous ne voulions pas que toute l'attention soit sur cela et que, finalement, on oublie tout le reste de la charte et de ses modifications, parce que ce que nous faisons aujourd'hui a pas mal plus d'importance et a pas mal plus d'impact que la question des écoles passerelles.
Donc, faisons le plus important, le plus majeur comme actions, et, ensuite, nous nous attaquerons à cette question. Il ne s'agit pas de renoncer à notre engagement, il s'agit de le faire au bon moment. Et, encore une fois, toutes les énergies aussi qui devaient être mises pour préparer ce projet de loi ont été mises sur le fond des choses.

Mme Biron (Martine): Ma deuxième question porte sur l'importance de la langue au sein de votre parti et de tous les débats qu'il y a eus. Vous avez dit souvent au cours du point de presse: On reviendra si ce n'est pas suffisant. Mais est-ce que vous pensez que c'est suffisant pour inverser la vapeur et changer cette tendance du glissement du français, particulièrement à Montréal?

Mme Marois: Oui, nous avons... Oui, j'ai très... Merci beaucoup, Martine, c'est une question tout à fait pertinente, comme toutes les autres. Mais nous avons le sentiment que ce projet de loi est suffisamment fort pour changer la trajectoire. Sinon, je vous dis, on en aurait ajouté.

La Modératrice: Caroline Plante.

Mme Plante (Caroline): Premier - excuse me - how will you enforce these new measures? Will you hire more inspectors?

Mme Marois: Je n'ai pas compris parce que c'est par le son... J'ai de la difficulté à vous entendre.

Mme Plante (Caroline): How will you enforce these new measures? Will you hire more inspectors?

Mme Marois: We could add new inspectors, but that is not the major measures which are in the project. The major measure is the application of the law to the small business organization. It is the obligation to implement a policy about the learning of the French in... for the new Quebeckers. One of the major... one of the major measures... not measures, orientations, which is in the law, is the creation of a right to speak French in Québec, to have access to services, to work in French in Québec. And I think that is the major decision, which is implied in this project of law.

Mme Plante (Caroline): Do you think you are pitting Quebeckers against one another when Mme De Courcy talked about having «sentinelles», having Quebeckers complain, basically? Do you think that it's pitting Quebeckers against one another?

Mme Marois: Si ça pénalise les Québécois? Si ça... J'ai de la difficulté, je m'excuse.

Mme Plante (Caroline): Dans le fond...

Une voix: ...

Mme Marois: Ah oui! En fait, what we are doing, it is to permit to the citizen to make a complaint about access to services in French, about to have service in French, about to be able to work in French. And this complaint will be public and that will be on Internet. So, if the company, if the business, if the commerce knows that, we hope they will change their way to do the things.

Mme Plante (Caroline): ...enough compromises in this bill that you think Opposition parties will help you adopt it?

Mme Marois: I hope the Opposition party will help us to adopt this law, because, as Mrs. De Courcy said one moment ago, she has consulted all the other parties of the Opposition, and their principal measures are in the law now. Their proposals are in the law.

M. Duboyce (Tim): ...Premier. What's your message today to Anglophone Quebeckers, but all Quebeckers who feel that this piece of legislation takes something away from them, that they are losing something?

Mme Marois: No. The Québec community, the Anglo-Quebeckers are not losing anything. «Au contraire», I think we recognize their right to have access to the services about health, about municipal services, about any other services in their language, and we will respect these rights. And we are not doing something against anybody, we are doing something for the French Quebeckers and for the... all the population of Québec.

M. Duboyce (Tim): If you were leading a majority Government right now, what measures would be in this legislation that are not today?

Mme Marois: I don't think we will add any other measures than these ones who are in the project now, because we think that is the most important things to do now. But, when we will implement the law, we will watch what will be the results and, if we have some change to do, we will do.

Mme Barrette (Marie): Une dernière. Angelica Montgomery.

Mme Montgomery (Angelica): Yes. Why did you feel it was necessary to introduce a mastery of French for graduates from English high schools and English cégeps?

Mme Marois: Because we want to offer the possibility to the English students to be integrated, to have a «meilleur», a best integration in the French community. And we think, if you live in Québec, you have to understand and to speak French. So it is why we will ask to the students at the cégep level to learn and to be able to speak French.

Mme Montgomery (Angelica): And on the bilingual municipalities, there's also requirement for municipalities to adopt a policy to prevent institutional bilingualism. Is this something that you feel that municipalities like Westmount and Pointe-Claire, they should stop being bilingual to their citizens?

Mme Marois: No. If they have the bilingual status, we will respect this bilingual status. But some French municipalities decided to go through a bilingualisation of their services and we will ask question. But even if you have a status of bilingual municipality, that will be possible, if some citizens ask the question, if there is a problem because that is not the reality for these municipalities, that will be possible to change their status.

Mme Barrette (Marie): Merci à tous de votre présence et bonne fin de journée.

(Fin à 13 h 56)

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