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Point de presse de M. François Legault, chef du deuxième groupe d'opposition, et de Mme Nathalie Roy, porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour la Charte de la langue française

Version finale

Le mercredi 24 avril 2013, 15 h

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Quinze heures deux minutes)

M. Legault: Bonjour, tout le monde. Nous avons participé, comme les autres partis, à la consultation publique des six dernières semaines sur le projet de loi n° 14. Il y a eu un grand nombre de participants et de mémoires déposés, et le processus a été très instructif.
La protection du français au Québec a toujours été très importante pour la Coalition avenir Québec. Il faut protéger et faire la promotion du français partout, de manière intelligente, mais particulièrement dans les milieux de travail où s'intègrent les nouveaux arrivants au Québec. Avec l'éducation primaire et secondaire, le milieu de travail est le nerf de la guerre pour l'intégration et la francisation des immigrants au Québec. Mais encore faut-il le faire d'une manière moderne, constructive, sans nuire à des entreprises en leur imposant de nouvelles obligations.
Le débat sur la langue soulève des passions au Québec. On trouve des gens fermés dans les deux camps. Au Parti québécois, il y a des militants qui voudraient privilégier une approche plus punitive. Ce n'est pas comme ça qu'on va s'assurer que le français survive au Québec et qu'il demeure attirant pour nos enfants et les nouveaux arrivants. Mais ce qu'on a constaté aussi, au cours des dernières semaines puis des derniers jours, c'est que le Parti libéral est lui aussi prisonnier de certains groupes qui sont complètement fermés à toute révision de la loi 101, 40 ans après son adoption. M. Couillard a même dû revenir sur sa promesse d'ouverture à des amendements au projet de loi n° 14, il a dû fermer la porte au principe même de la loi pour plaire à certains de son parti. Je ne crois pas que ce soit l'attitude que les Québécois souhaitent voir chez le chef du Parti libéral du Québec qui a aussi la responsabilité de protéger et de promouvoir le français au Québec. M. Couillard ne peut pas aspirer au poste de premier ministre du Québec, de la seule province qui représente une majorité de francophones, sans défendre le français et en faire la promotion.
De notre côté, j'annonce aujourd'hui que nous voterons, à la coalition, en faveur de la première lecture du projet de loi n° 14 parce que nous voulons donner une dernière chance au gouvernement de proposer des amendements qui rendraient la loi acceptable. Ce matin, la ministre De Courcy a convoqué un point de presse en catastrophe pour annoncer qu'elle reculait sur certaines dispositions de son projet de loi qui posaient problème. Ce qu'on retient pour l'instant, c'est que le PQ recule encore.
Nous avions indiqué trois problèmes majeurs dès le départ, mais, au terme des six semaines de consultation, nous avons d'autres objections, notamment sur la question des cégeps et en réponse aux préoccupations du Barreau et de la Commission des droits de la personne. Donc, maintenant, Nathalie Roy vous présentera les objections et les problèmes spécifiques que nous voyons dans le projet de loi, à l'heure actuelle.

Mme Roy (Montarville): Merci, M. Legault. Alors, je vais mettre mes lunettes pour être précise. Je vais lire ce qui est ici parce que c'est important et il faut être très précis. Alors, comme vient tout juste de le dire M. Legault, au départ nous avions immédiatement dénoncé trois mesures contenues dans ce projet de loi. Nous avions dénoncé les nouvelles mesures coercitives visant les PME, le retrait du statut bilingue de certaines municipalités et l'abolition de l'exemption à la loi 101 visant les enfants de militaires. Alors, ces objections demeurent pour nous aujourd'hui, vous les connaissez bien, on en a discuté d'ailleurs amplement.
Mme De Courcy a indiqué qu'elle était prête, ce matin, à reculer sur ces questions, mais on ne sait toujours pas ce qu'elle propose concrètement. Par ailleurs, au cours des six dernières semaines de consultation, il y a deux nouveaux problèmes majeurs qui se sont ajoutés.
Le premier, c'est la limitation de l'accès aux cégeps anglophones pour les francophones, qui aurait pour effet d'exclure les francophones des programmes contingentés des cégeps anglophones. Alors, c'est retirer des droits aux francophones. Alors, nous partageons, sur ce point-là, l'avis de la Fédération des cégeps du Québec, à l'effet que les jeunes qui fréquentent le cégep sont des adultes qui ont le droit de choisir l'établissement d'enseignement de leur choix - et on parle ici d'enseignement supérieur - un établissement correspondant le mieux à leurs aspirations scolaires et professionnelles.
L'autre problème majeur que nous avons vu durant ces audiences concerne les préoccupations qui ont été soulevées par le Barreau du Québec et la Commission des droits de la personne. Ce sont des points très importants, des points légaux, assez techniques, mais sur lesquels la ministre devra procéder à des amendements, et vous allez comprendre pourquoi.
D'abord, il y a l'élimination des mises en demeure par l'Office québécois de la langue française et donc le déclenchement automatique de poursuite qui s'en suit. C'est une approche coercitive et ce n'est absolument pas justifié. Si vous cherchez l'article, c'est l'article 52 du projet de loi n° 14.
Et, dans la même foulée - ça fait partie des enquêtes de la ministre, de ses pouvoirs d'enquête en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête - eh bien, dans la même foulée, cette abolition des mises en demeure dont... nous sommes contre... il y a également des mesures, des mesures légales, entre autres la saisie sans mandat, à laquelle nous nous opposons. Ce qui est important de dire, c'est que lorsqu'il y a mise en demeure, donc lorsqu'un commerçant, un employé reçoit cette mise en demeure, dans 98 % des cas, la mise en demeure qui a été envoyée par l'Office québécois de la langue française va faire en sorte que le commerçant va se conformer à la loi. Donc, si on abolit ces mises en demeure, ça signifie qu'on s'en va directement au processus judiciaire, qu'on s'en va devant les tribunaux. C'est coercitif. Alors, encore une fois, c'est une approche coercitive qui n'est pas justifiée, pour nous.
Il y a aussi le remplacement de l'expression «minorité ethnique» par «communauté culturelle» dans la Charte québécoise des droits et libertés. Alors, ce changement-là qui est projeté par le projet de loi n° 14 est inutile parce qu'il remplace une expression associée à une jurisprudence, qui est déjà reconnue, par une expression qui n'a pas de sens juridique précis. Et ça, ce n'est pas moi qui vous le dis, ce sont les juristes, le Barreau, la Commission des droits de la personne. Alors, c'est important de faire des amendements à cet égard-là.
Finalement, il est important de dire que nous appuyons la volonté du gouvernement d'inscrire le droit de vivre et de travailler en français dans une charte, mais là, attention, pas dans celle des droits et libertés. Nous préférons l'inscription de ce droit dans la Charte de la langue française, et ça, cette recommandation-là, ce n'est pas la coalition qui la faisons, c'est la Commission des droits de la personne qui nous dit que le droit de vivre et de travailler en français n'est pas un droit inhérent aux droits de la personne, mais devrait se retrouver dans la Charte de la langue. Alors, ça, c'est une position à laquelle nous souscrivons.
Nous aimerions aussi, cependant - et ça, ça va vous intéresser, probablement - avoir une étude détaillée et indépendante du coût engendré pour l'État québécois pour l'application du projet de loi n° 14. Rappelez-vous, le gouvernement avait avancé le chiffre de 20 millions de dollars en décembre dernier, lors du dépôt de son projet de loi. Alors, on voudrait savoir maintenant... et je pense que c'est bien légitime de vouloir savoir sur quoi on s'est basés pour arriver à ce 20 millions de dollars, quelles sont les études et d'où nous provient ce chiffre.
Alors, si toutes ces conditions ne sont pas rencontrées, puisque ce sont des demandes que nous ajoutons à la lumière de tous ces mémoires que nous avons entendus et de tous ces spécialistes que nous avons écoutés, si toutes ces conditions ne sont pas rencontrées, les trois obstacles initiaux plus ceux qui s'ajoutent au terme de cette consultation publique, eh bien, nous ne pourrons pas appuyer le projet de loi à sa toute fin. Voilà.

Le Modérateur : On va passer à la période de...

M. Legault: Il y avait une conclusion, une courte conclusion. Donc, je conclus en rappelant que les mesures de francisation des nouveaux arrivants sont les plus importantes pour nous. Nous appuierons sans condition les mesures positives, incitatives, entre autres pour les petites entreprises, de même que toutes les mesures pour augmenter l'offre de cours de français puis l'intégration au marché du travail pour les immigrants du Québec. Nous croyons que c'est important de faire la promotion du français au Québec, en faire une langue qui est attirante, fonctionnelle, mais on pense aussi que c'est se tirer dans le pied que d'avoir une approche coercitive, avec des mesures inutiles comme on a dans le projet de loi n° 14.
Donc, la balle est dans le camp du Parti québécois. S'il propose les amendements nécessaires, nous pourrons adopter cette loi, et sinon, bien, le Parti québécois n'aura que lui-même à blâmer.

Le Modérateur: On va passer à la période de questions. Une question et une sous-question, s'il vous plaît. Martin Ouellet.

M. Ouellet (Martin): ...M. Legault. Je vous entends sur les PME...

M. Legault: ...la cloche ou quoi?

Le Modérateur: Bien, ça peut être long, ça fait qu'on va continuer.

M. Ouellet (Martin): O.K. Alors, je vous entends sur les PME, sur l'accès au cégep, sur les militaires, sur l'inscription, là, du droit de vivre et de travailler en français, que vous ne voulez pas qu'il soit dans la charte des droits, mais plutôt dans la Charte de la langue française. Mais à quoi bon présenter un projet de loi si on enlève toute contrainte pour les PME pour protéger la langue? Qu'est-ce qui... Au fond, vous voulez l'émasculer complètement, là.

M. Legault: Non, pas vraiment. Ce qu'on veut, c'est d'abord s'assurer qu'on fasse la promotion du français, qu'on ait des mesures...

M. Ouellet (Martin): Pas besoin de projet de loi pour ça.

M. Legault: ...qu'on ait des mesures positives, qu'on ait un signal d'envoyé, entre autres, aux petites et moyennes entreprises, qu'on donne certains pouvoirs pour aller parler aux entreprises qui ne respectent pas la loi 101. Il faut quand même être capable aussi de se dire que... d'améliorer les exigences en matière de français, entre autres dans les cégeps, on est d'accord avec ces mesures. Par contre, s'il s'agit d'ajouter à la paperasserie des PME, on pense que c'est contreproductif.
Mais, oui, il y a du travail à faire pour améliorer le français, l'utilisation du français dans les milieux de travail, puis on pense que, je l'ai dit tantôt, c'est un aspect très important. Quand un nouvel arrivant a à choisir la langue qu'il va utiliser couramment, bien, le travail, la langue dans laquelle il peut travailler, ça devient très important. Donc, oui, on a une loi qui fonctionne bien au primaire, au secondaire, à part peut-être les écoles passerelles, avec... nous, on est d'accord, d'ailleurs, qu'il faut les abolir. Par contre, au niveau de la langue du travail, il y a du travail à faire, puis on pense que la loi peut y arriver, mais actuellement il y a des amendements importants qui doivent être faits.

M. Ouellet (Martin): Oui. Sur un autre aspect, en sous-question, vous parlez, vous voulez avoir le coût, pour l'État, du projet de loi n° 14. Vous voulez en venir où là? Le message, la nature de votre préoccupation, c'est quoi? C'est que ça coûte trop cher protéger la langue?

M. Legault: Non, non, mais ce qu'on voit actuellement, c'est qu'il y a beaucoup de mesures coercitives. Si on arrive à un montant très élevé, à un moment donné, il y a des limites, puis il y a une question de priorité. Est-ce que cet argent-là ne devrait pas être utilisé pour améliorer l'offre de cours de français? Donc, c'est important de savoir quels sont les fonds qui seront utilisés pour l'application du projet de loi puis quels sont les choix qu'on fait. On n'est pas d'accord avec les choix, là, très punitifs et coercitifs qui sont proposés par le Parti québécois.

Le Modérateur: Martine Biron.

Mme Biron (Martine): Bonjour, M. Legault. Bonjour, Nathalie. J'aimerais ça que vous... sur le troisième point, sur un des points, des trois points, là, au point de départ, qui bloquaient, l'application aux petites entreprises, 26 à 49, ce qu'a dit Mme De Courcy aujourd'hui, c'est qu'elle y tenait, que c'était le... c'était fondamental dans le projet de loi, que, tout au plus, elle était prête à certains aménagements, mais que, sur la mesure elle-même, elle demeurait. Est-ce que ça vous satisfait, ça? Est-ce que vous pouvez vivre avec ça?

M. Legault: Bien, on va regarder les amendements, mais je suis d'accord avec elle que l'application de la loi 101 aux entreprises de 26 à 49 employés, c'est très important dans ce projet de loi. Mais actuellement, la loi 101 s'applique à ces entreprises-là, sauf qu'il n'y a pas d'exigence en termes de paperasserie. Et là, le danger, c'est qu'on passe d'un extrême à l'autre. Là, on dit: À partir de maintenant, vous allez devoir remplir les formulaires, vous allez devoir former des comités, vous allez devoir mettre en place toutes sortes de mesures, là, franchement, qui sont disproportionnées par rapport aux moyens des petites et moyennes entreprises. Mais, sur l'objectif de s'assurer qu'on utilise davantage le français dans les entreprises de 26 à 49 employés, on est d'accord avec cet objectif.

Mme Biron (Martine): Mais ça peut rester dans le projet de loi tel quel, avec...

M. Legault: Oui, ça peut rester dans le projet de loi, mais il faut enlever la paperasserie qui, actuellement, est obligatoire mur à mur pour toutes les entreprises, alors qu'on sait que, dans la majorité des cas, il n'y en a pas de problème. Donc, qu'on choisisse bien les cibles qu'on vise, mais qu'on n'ajoute pas dans la paperasserie de toutes les PME pour être capables d'aller régler un problème qui est dans une petite partie des entreprises.

Mme Biron (Martine): Compte tenu de l'importance que le gouvernement porte à ce projet de loi là, c'est une promesse électorale, compte tenu que c'est minoritaire, c'est plus difficile, vous vous retrouvez dans une situation, finalement, où vous avez droit de vie ou de mort sur ce projet-là puisque les libéraux... Est-ce que vous êtes conscient de la puissance que vous avez sur la survie de ce projet de loi là?

M. Legault: Bien, écoutez, d'abord, je l'ai dit tantôt, je trouve totalement irresponsable la position de M. Couillard. Ce n'était pas sa position il y a quelques semaines. Il y a quelques semaines, il nous avait dit qu'il était ouvert à discuter des amendements. Là, il ne veut même plus que son groupe parlementaire vienne discuter d'amendements, il est carrément contre. Il a cédé à certains groupes dans son parti. C'est pour ça que je disais: Il n'y a pas juste le Parti québécois qui a des groupes de personnes, là, fermées, il y en a aussi au Parti libéral. Mais M. Couillard ne peut pas aspirer à être premier ministre du Québec puis ne pas comprendre, comme chef de la seule... du seul gouvernement qui représente une majorité de francophones... qu'il ne défende pas l'application de la loi 101. La loi 101, là, est là depuis 40 ans. M. Couillard ne peut sûrement pas prétendre qu'il n'y a rien à moderniser après 40 ans. Donc, par défaut, effectivement, nous, on va agir de façon responsable et puis on va essayer de trouver des compromis avec le Parti québécois.

Le Modérateur: Jean-Marc Salvet.

M. Salvet (Jean-Marc): Bonjour, M. Legault. Est-ce qu'il n'y a pas un élément tactique, un peu, dans votre position? Vous vous êtes presque réjoui des reculs annoncés ce matin du gouvernement, vous formulez de nouvelles demandes. Est-ce que ce n'est pas aussi pour vous réjouir, en bout de ligne, de d'autres éventuels reculs, sachant que c'est un mot qui hérisse le gouvernement du Parti québécois?

M. Legault: Non, je ne pense pas, là. Déjà, les reculs ont été annoncés, donc on aurait pu dire: Bien, on arrête là. Actuellement, là, je pense que, quand le Barreau puis la Commission des droits de la personne viennent dire: Il y a des problèmes techniques, légaux majeurs, on ne peut pas faire autrement d'en prendre acte puis de dire au Parti québécois: Allez refaire vos devoirs de ce côté-là.
Ce qu'on s'est rendu compte aussi, concernant les cégeps, bien honnêtement, je ne l'avais pas vu au début, mais on se souvient tous que Pierre Curzi aurait souhaité que la loi 101 soit étendue aux cégeps. Moi, je croyais que le Parti québécois avait décidé de mettre ça de côté, mais là ce qu'on se rend compte, c'est qu'en limitant le nombre de places dans les cégeps anglophones puis en disant: Les anglophones seront les premiers appelés, bien, indirectement, on se donne le moyen de contrôler l'accès des francophones aux cégeps anglophones. Ça, là, j'avoue, là, que c'est inacceptable pour nous autres.

M. Salvet (Jean-Marc): Quelle sera votre position sur le projet sur les écoles passerelles, dès lors que la disposition sur les enfants des militaires va se retrouver dans ce projet de loi?

M. Legault: Bon. D'abord, il n'y a aucune... je ne pense pas qu'on puisse faire un parallèle entre les deux dossiers. Dans le dossier des militaires, on enlève des droits, qui étaient dans la loi 101, à des personnes qui ont à voyager d'une province à l'autre. Dans les écoles passerelles, ce qu'on parle, c'est que des enfants qui sont dans des familles riches ont le droit se s'acheter un droit d'aller à l'école en anglais. Ce n'est pas la même chose, là.

M. Salvet (Jean-Marc): Donc, ce futur projet de loi ne sera pas acceptable à vos yeux s'il inclut des dispositions sur les enfants des militaires?

M. Legault: Bien non, pas du tout, pas du tout.

Le Modérateur: Robert Dutrisac, Le Devoir.

M. Dutrisac (Robert): Bonjour, M. Legault. Bonjour, Mme Roy. Sur la question du bilinguisme, M. Couillard dit que c'est un atout indispensable pour tous les Québécois que d'être bilingue. Je pense que vous avez la même position.

M. Legault: Absolument.

M. Dutrisac (Robert): Et dans le... c'est l'intention de la ministre, justement, de limiter l'exigence de bilinguisme au sein des entreprises, surtout à Montréal. Vous êtes contre cette position-là aussi.

M. Legault: Oui. Écoutez, là, c'est un faux argument de M. Couillard, parce que, s'il y en a un qui comprend que c'est important, le bilinguisme, c'est bien moi, là. J'ai été dans le monde des affaires. Je comprends, quand on a une compagnie qui est le moindrement internationale, qu'il faut parler anglais. Je le vois continuellement quand on sort de Montréal. Par exemple, ici, à Québec, les parents souhaiteraient qu'on enseigne mieux l'anglais dans les écoles francophones.
Donc, pour moi, là, c'est deux dossiers différents. On peut très bien protéger le français et aussi s'assurer que nos enfants soient davantage bilingues. Il ne faut pas essayer, là, de faire de la petite politique en mêlant les deux dossiers, comme le fait M. Couillard.

M. Dutrisac (Robert): Mais sur la position de Mme Courcy, sur l'exigence du bilinguisme au... pour l'embauche... Mme Courcy veut...

M. Legault: Bien, on peut le prendre d'un côté comme de l'autre. Moi, je trouve ça un peu plus clair que, dans le projet de loi n° 14, on dise: Quand... Parce que déjà, là, on a le droit de travailler en français, même dans les PME, dans la loi 101 actuelle. Mais là on vient dire, là: Quand il vient le temps de savoir, est-ce que l'employeur peut exiger ou non le bilinguisme? Il y a des critères qui s'appliquent. Moi, je comprends qu'une entreprise, comme je viens de le dire, qui a des clients ou des fournisseurs à l'international, peut exiger le bilinguisme. Mais, dans d'autres cas, une entreprise qui travaille seulement localement, ici, ne devrait pas l'exiger. Donc, on vient comme éclaircir les cas où on peut puis les cas où on ne peut pas exiger le bilinguisme.

M. Dutrisac (Robert): Sur la question de la charte maintenant, la Charte de la langue française assure déjà le droit de travailler en français, le fait, finalement...

M. Legault: Il n'y a comme, actuellement, pas de poignée pour les petites entreprises. C'est que les petites entreprises n'ont pas besoin d'obtenir le certificat, de remplir les formulaires, de former un comité. Mais là il ne faut pas passer à l'autre extrême, où on demande à toutes les PME de remplir cette bureaucratie, cette paperasserie. Donc, c'est pour ça qu'on dit: Nous, on veut essayer de trouver un compromis où on envoie un message clair aux petites entreprises qu'on doit travailler en français au Québec, mais sans alourdir la bureaucratie qui est déjà trop grande dans les petites et moyennes entreprises au Québec.

Le Modérateur: Régys Caron.

M. Caron (Régys): Bonjour, M. Legault, Mme Roy. Je veux bien vous comprendre, M. Legault, sur la position de votre adversaire libéral. Vous dites: C'est un faux argument quand il dit que le projet de loi n° 14 a des... contient des entraves au bilinguisme. Votre position, à vous, c'est quoi au juste par rapport à faire progresser le français et le bilinguisme? Comment vous voyez ça?

M. Legault: Bien, écoutez, moi, d'abord, puis je l'ai appliqué pendant trois ans, lorsque j'étais ministre de l'Éducation, je pense que l'anglais intensif en cinquième ou sixième année, c'est une des seules façons de s'assurer que les jeunes soient capables de sortir avec un anglais, disons, fonctionnel. Mais actuellement, ce n'est pas offert dans toutes les écoles. Le Parti québécois l'a promis pour deux ans, pour trois ans, pour quatre ans. C'est toujours repoussé aux calendes grecques. Mais ça, c'est une chose.
Maintenant, s'assurer, par exemple, qu'on travaille en français dans les entreprises de 26 à 49 employés, ça, c'est une autre chose. Puis je ne pense pas qu'on devrait mêler les deux dossiers comme le fait M. Couillard, dans le fond, pour plaire à un groupe de personnes, là, très fermées, qui n'ont jamais digéré la loi 101 depuis 40 ans, puis que là ils ne sont pas ouverts, même pas à discuter d'amendements aujourd'hui, en 2013.

M. Caron (Régys): Sur le principe, M. Legault, on fait grand état, là, de mesures coercitives contenues dans le projet de loi n° 14. Un projet de loi visant à faire progresser le français au Québec peut-il faire l'économie des mesures coercitives, quelles qu'elles soient?

M. Legault: Bien, ça dépend de jusqu'où on va. O.K.? Mais il y a d'abord un signal. Ce que les petites entreprises nous disent bien souvent, c'est qu'ils souhaiteraient que leurs cadres, qui ne parlent pas français, suivent des cours de français, mais les cours de français ne sont pas disponibles. Donc, je pense qu'on doit d'abord faire preuve d'ouverture en disant aux petites entreprises: On va vous donner les services, on va vous offrir les services, on va faire le suivi avant de commencer à dire: On va tout de suite, demain matin, pénaliser les entreprises qui sont de bonne foi mais qui n'ont pas les outils pour bien se franciser.

Le Modérateur: On va passer à une dernière question en français, suivie des questions en anglais. Michel Pépin.

M. Pépin (Michel): Merci, c'est gentil. On va aller un peu dans le même sens. La coercition... la loi 101 avait de nombreux aspects coercitifs, vraiment. Est-ce que c'est vraiment complètement dépassé? Vous dites, là, si je comprends bien, plutôt dernier recours, mais, dans une loi, il faut prévoir les choses. Est-ce qu'il y a quand même des éléments de coercition qui devraient être mis en place pour s'assurer que ça marche pour les entreprises de 26 à 49 employés ou c'est exclu pour vous?

M. Legault: Mais nous, on pense, là... Prenons encore une fois, parce que je pense que c'est très important, les entreprises de 26 à 49 employés. De demander la même lourdeur administrative à ces entreprises que ce qu'on demande aux entreprises de 50 employés et plus, on trouve que c'est vraiment exagéré, vraiment exagéré et on pense que, d'abord, la majorité de ces entreprises fonctionnent déjà en français. Donc, pourquoi aller ajouter des formulaires, des comités et tout ce qu'on voudra? Donc, essayons de se concentrer d'abord à offrir des services, à avoir des mesures incitatives, à envoyer un message, à avoir des gens de l'office qui puissent aller accompagner, aider. Faisons la promotion du français avant de donner une image punitive à nos mesures.

M. Pépin (Michel): Je reviens sur la question du bilinguisme. Il y a quand même des liens, peut-être, entre le français...

M. Legault: Lesquels?

M. Pépin (Michel): Par exemple, si, effectivement, dans beaucoup d'entreprises, on exige le bilinguisme, ceux qui ne parlent pas... parce qu'il y a des Québécois qui ne parlent que français, hein? Il y en a un bon nombre. Est-ce qu'à cet égard-là... quel genre de protection... Est-ce qu'on doit accorder une protection, justement, à ces Québécois qui ne parlent que français? C'est une réalité pour bon nombre d'entre eux...

M. Legault: Oui. Bien déjà, là...

M. Pépin (Michel): S'il y a seulement des postes bilingues dans les entreprises, évidemment, pour eux, ça devient difficile de travailler dans ces...

M. Legault: Bien, déjà, ces employés sont protégés par la loi 101 actuelle, même dans les entreprises de moins de 50 employés. Par contre, là, on vient baliser. Quand peut-on exiger le bilinguisme? Quand ne peut-on pas le faire? C'est ça qu'on vient faire dans le projet de loi. À mon avis, c'est bon pour les deux côtés, là.

M. Pépin (Michel): Donc, ça vous convient à cet égard-là, les dispositions qui sont dans la loi, sur cet aspect.

M. Legault: Oui, oui.

Le Modérateur: Questions in English. Kevin?

M. Dougherty (Kevin): Yes. Mrs. De Courcy indicated that what's really essential in Bill 14 is the working language. So, do you see... and you have... maybe you could describe those irritants, you know, think about the children of military personal, municipalities, and so. Do you think you can get her to drop what you see as irritants and questions raised by the board as well and focus on working language and get rid of the red tape and so the CAQ would support Bill 14 as amended?

M. Legault: OK. Today, we are announcing that we will support the principle of draft bill 14, but that there's no way we can support the bill in its current form. So, in other words, without significant amendments, this bill will not pass.
But at the outset, we have identified three major problems: One, the application of Bill 101 to small businesses; second, the removal of bilingual status to municipalities; and third, the elimination of the exception to Bill 101 for children of military families. These three conditions, they remain unchanged.
But, after six weeks of consultation, two new problems have emerged. The first is the restriction on French students applying to English cegeps and the second is a series of more technical or legal problems that were flagged by the Québec Bar and the Commission des droits de la personne. These include the elimination of prior notice, the new power of inquiry for the minister and the change of the expression «ethnic minorities» for «cultural communities». So, in summary, we are willing to give the Government a chance to make amendments to this bill, but, if significant changes are not made to address our initial problems and the new ones that came up after six weeks, we will vote against the bill.

M. Dougherty (Kevin): Now, the Liberals seem to indicate they will filibuster the process, because it goes to committee and... Do you think... What do you think about that? What would your party do in that case?

M. Legault: I think the position of Mr. Couillard is unacceptable. We have some groups in the Parti québécois who would like to see the Bill 14 punish and have more requirements. But, at the opposite, there are some groups also who never accepted the Bill 101 that was passed 40 years ago. I think it's normal, after 40 years, that we discuss amendments and it's unacceptable to see somebody like Mr. Couillard, who's wishing to be Prime Minister, against discussion about a very important matter in Québec.

Le Modérateur: Angelica Montgomery.

Mme Montgomery (Angelica): Yes. You're talking about having an independent economic study for the impact. Now, Mme De Courcy has already submitted an impact study. Did you not consider that to be independent enough?

M. Legault: I think, right now, it's not complete. We think that... there was an estimate of $20 million, but maybe Nathalie can explain the difference or...

Mme Roy (Montarville): What we are asking for, as you know, they submit one study but it was the impact on the businesses, and the impact for the businesses will be between $25 and $30 million to apply the bill as his. But what we ask the minister is... you told us that it's going to cost around $20 million to apply it to the entire government, to the «l'appareil gouvernemental». And what you ask Mme De Courcy is: OK, on what base do you say that and, please, can we have the numbers? And is it really $20 million that it's going to cost? That's what we want to know. What is going to be the cost for the entire government to apply the bill? That's a legit question, I think.

Mme Montgomery (Angelica): Also, Mme De Courcy came out and said she would be willing to negotiate terms with you in terms of new measures on small businesses, deal with the recommendations from the business community as well as the status for municipalities. Are these things that you think you can negotiate and compromise on?

M. Legault: I think that Mrs. De Courcy is trying, since a couple of days, to reach us and negotiate with us. What we said last Thursday, at the end of the consultation, is that we would have a caucus today. Every Wednesday, we have a caucus, so we discuss together the position of the CAQ, and, right now, I think that the ball is in her court. She has to show us the amendments.

Le Modérateur: And the last but not least, Max.

M. Harrold (Max): Mr. Legault, why did you pass on the chance, the opportunity to kill this bill?

M. Legault: Because we think that after 40 years it's normal that we modernize this very important law we have in Québec, and I think that right now we have, for example, to improve the way we teach French to all students, French and English. So there are some good reasons to... before the bill, but we have something like five conditions that need to be addressed if we are going to vote for the Bill.

M. Harrold (Max): And if I can just ask you to be precise, so you are in favor of more stricter rules for usage of French in small businesses that only do business in Québec. For example, a grocery store in an English area of Montréal could not say they need bilingual employees?

M. Legault: No, I don't think so. I think that right now... First, it's important to know that the Bill 101 already applies to small businesses under 50 employees. All right? But right now there's no way that we can change somebody who's not acting correctly, but you have, in your examples, two sides: you have about the employees, but also about the service to customers.
So I think that, right now, what we're trying to say is that we should... we must work in French in Montréal, in Québec, but you have many exceptions. You can ask for bilingual people when you have to, for example, negotiate with suppliers or customers who speak English. So I think that, right now, what we need to have is to have a balanced bill, and it's not the case right now. So that's why we say: We have five conditions. But, I think, to say that all that is not important and we vote against the principle of the Bill, it's not responsible. Merci.

(Fin à 15 h 34)

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