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Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin

Version finale

Le mardi 21 janvier 2014, 11 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Onze heures quinze minutes)

Mme David : Bon. Donc, je veux rapidement réagir ce matin, évidemment, à l'événement du jour, c'est-à-dire l'autoexclusion ou l'exclusion, ce n'est pas très clair, de Mme Fatima Houda-Pepin du caucus libéral et, face à ça, la réaction de Philippe Couillard. Bon, d'abord, une chose très claire, quand une personne quitte ou, enfin, s'expose, de toute façon, à quitter ou à être exclue d'un caucus et qu'elle le fait pour des raisons de principes, moi, je pense qu'on doit toujours respecter cette personne-là. C'est une décision qui est probablement extrêmement difficile à prendre. Mme Fatima Houda-Pepin était députée libérale depuis fort longtemps, attachée à son parti. Donc, je salue cette intégrité et ce courage qu'a Mme Fatima Houda-Pepin.

J'en profite d'ailleurs, et je le ferai personnellement cet après-midi en lui téléphonant, j'en profite pour l'inviter à venir siéger comme députée indépendante à la Commission des institutions. Mme Houda-Pepin et moi ne partageons pas toujours les mêmes points de vue, que ça soit sur la charte ou sur bien d'autres questions, mais je respecte son intelligence, je respecte sa capacité à débattre. Je pense qu'on a besoin d'elle dans le débat sur toute la question de la laïcité et du port des signes religieux et je souhaite donc qu'elle vienne participer à l'une des commissions les plus importantes qui a lieu en ce moment. Alors, comme je vous l'ai dit, je vais, dès cet après-midi, lui téléphoner pour lui transmettre cette invitation.

Une autre chose me frappe dans le petit psychodrame actuel, et je les renvoie dos à dos : l'intransigeance, l'inflexibilité de Philippe Couillard et de Bernard Drainville. C'est à peu près la seule chose sur laquelle ils sont semblables dans le débat actuel, mais franchement, d'un côté comme de l'autre, visiblement, on n'est pas à la recherche de consensus, et pourtant c'est de ça que le Québec a besoin en ce moment. Pendant qu'on éternise des discussions sur un thème à l'intérieur de toutes les questions qui peuvent toucher la laïcité, un seul thème, celui du port des signes religieux, parce que, sur à peu près tout le reste, tout le monde est d'accord, pendant qu'on fait ça, bien, il y a d'autres choses qui se passent. Il y a des problèmes dans le milieu de la santé. Les Québécois nous disent d'ailleurs que c'est ce qui les interpelle le plus. Il y a des problèmes dans l'éducation, dans les écoles montréalaises atteintes sérieusement de moisissures, par exemple. Il y a des problèmes économiques. Il y a un gouvernement qui veut nous amener allègrement vers un état pétrolier pour le Québec. Il y a toutes sortes de questions majeures, mais, parce qu'il y a deux vieux partis campés chacun dans leur intransigeance, on n'en sort pas et on n'en sortira visiblement pas, à moins, bien sûr, d'aller en élections, ce qui est, de toute façon, je pense, ce que cherche précisément le Parti québécois.

Alors, moi, j'invite les chefs de ces deux partis à plus de flexibilité, à plus d'ouverture, à la recherche de consensus. Il y a de plus en plus de voix qui s'élèvent chez les prochartes comme chez les antichartes — c'est intéressant — de plus en plus de voix qui s'élèvent pour dire : S'il vous plaît, il faut essayer de trouver pour tout le monde, là, une voie de sortie. Et je pense qu'on devrait y arriver, là, dans les prochaines semaines, le temps presse. C'est ce que je voulais vous dire ce matin.

M. Dutrisac (Robert) : On sait qu'au sein de Québec solidaire, justement, les points de vue sur la charte sont partagés. On dit même que c'est quasiment 50-50 chez les militants. Je sais que vous êtes un caucus de deux, donc c'est assez... c'est plus facile à gérer, mais, dans une circonstance pareille, votre point de vue sur la ligne de parti, ce serait quoi?

Mme David : Bon, d'abord, on va mettre les pendules à l'heure. On a tenu, à la fin novembre, un conseil national où toute la place possible a été donnée aux tenants de toutes les positions, là, de débattre autour de la question de la laïcité, et aucune personne présente, aucun délégué n'a remis en question la position qui a été prise par Québec solidaire dans ce dossier. Oui, il y a quelques militants, militantes, il y a un collectif sur la laïcité qui n'est pas d'accord avec ces prises de position. Ça représente tout au plus de 30 à 40 personnes sur 15 000 membres. Alors, il faut juste mettre les pendules à l'heure.

Maintenant, vous me parlez de la ligne de parti. Vous savez, à Québec solidaire, on a une position là-dessus qui est différente des autres partis. Chez nous, la dissidence est inscrite dans nos statuts mêmes. Une personne peut être militante à Québec solidaire, peut même être membre du comité de coordination national et s'exprimer publiquement en désaccord avec la position prise par le parti. Donc, ça ne se pose pas de la même façon chez nous que dans les vieilles formations politiques.

M. Dutrisac (Robert) : ...la question de la charte, là.

Mme David : Ça pourrait. Absolument.

M. Dutrisac (Robert) : Il va y avoir des élections, donc il pourrait y avoir des candidats qui défendent une autre position que celle de...

Mme David : Oui, ça pourrait arriver, absolument, et, chez nous, c'est accepté. Bon, évidemment, si on se rendait compte, dans un débat x, y, z, que les positions, comme vous sembliez le laisser entendre au début, étaient à 50-50, bien, regardez, là, on s'assoirait, puis je pense qu'on discuterait, là, parce qu'il faudrait trouver un chemin pour se comprendre. Mais, à Québec solidaire, ce qui est assez extraordinaire, ça va faire bientôt huit ans qu'on existe, on n'a jamais eu de telle situation. On a toujours adopté nos positions avec des majorités confortables, et donc, la plupart du temps, la minorité s'est ralliée et, quand elle ne s'est pas ralliée… Je vous l'ai dit, il y a un collectif sur la laïcité, ils continuent de s'exprimer, il y a des tables de littérature à nos congrès, les gens peuvent débattre, ça ne nous pose pas de problème.

M. Laforest (Alain) : En excluant Mme Houda-Pepin, est-ce que vous avez l'impression que les libéraux se sont fragilisés?

Mme David : Moi, je pense que les libéraux se sont fragilisés dans ce dossier-là dès le début par l'intransigeance de leur chef. Écoutez, leur chef et, visiblement, le caucus, ils ne sont même pas capables d'accepter les recommandations de la commission Bouchard-Taylor. Moi, ça me dépasse, et, je vous le dis, d'un côté, je trouve qu'ils font preuve de la même intransigeance que celle que j'attribue à M. Drainville qui se dit tout aussi inflexible sur la question du port des signes religieux. Tu sais, c'est à se demander pourquoi il prend la peine de convoquer une commission parlementaire, puisque c'est le seul sujet qui, vraiment, là, vous le savez, finalement, aboutit sur des débats déchirants dans toute la population. Ils jouent la même game tous les deux, et, de cette game-là, le Québec ne sort pas gagnant, à mon avis.

M. Laforest (Alain) : Moins que Bouchard-Taylor, pour vous, ce n'est pas acceptable?

Mme David : Non, non. Quand même, moi, je pense que je suis une des personnes au Québec qui a lu sérieusement le rapport de la commission Bouchard-Taylor. C'est plein de bon matériel. Il y a bien d'autres sujets qui pourraient d'ailleurs être abordés que celui des signes religieux, en passant, mais je pense que ce qu'ils proposent est une sorte de minimum. Les personnes en situation d'autorité coercitive, des gens qui peuvent envoyer des gens en prison — ce n'est pas rien, là — des gens qui gardent des prisonniers, il faut faire attention, parce que, là, c'est tellement fragile, ce rapport de pouvoir. Il faut que, non seulement dans les faits, mais dans l'apparence, les personnes qui occupent des fonctions ayant des conséquences aussi graves sur la vie des personnes, il faut qu'elles soient vues comme entièrement neutres. C'est notre position.

M. Laforest (Alain) : Cette position-là, on la connaît, là. Moi, ce que je vous demande, c'est par rapport aux libéraux. Entre autres, M. Couillard nous a répété à deux reprises hier que des juges et des policiers qui portaient des signes ostentatoires au Québec, il n'y en a pas. Donc, pourquoi?

Mme David : Alors, je réponds à M. Couillard : S'il n'y en a pas, ça ne devrait pas vous poser problème de l'interdire. Voilà. Tout simplement.

Des voix :

Mme David : Une personne à la fois, s'il vous plaît.

M. Robitaille (Antoine) : Tout à l'heure, en commission parlementaire, le Mouvement laïque disait, par exemple : Un agent du fisc est en position d'autorité aussi. Est-ce que vous iriez jusque-là, vous?

Mme David : Non. Vous le savez très bien, nous, nous nous contentons de dire : On doit interdire les signes religieux aux personnes en situation d'autorité coercitive au sens où leurs fonctions font en sorte qu'ils ont vraiment une relation de pouvoir, très grand d'ailleurs, sur la vie, sur la liberté des personnes. C'est à ça qu'on s'arrête et, je l'oubliais, au président de l'Assemblée nationale, qui est la personne qui doit être, à sa face même, la plus neutre qui puisse exister dans l'arène démocratique au Québec puisque le salon bleu est parfois assez compliqué à gérer. Donc, ça, ça nous semble important, qu'on enlève le crucifix qui est en haut et puis que lui ou elle ne porte pas de signe religieux.

M. Dutrisac (Robert) : Mais vous avez dit que c'était un minimum. Vous venez de dire que c'est un minimum, cette position-là. Mme Houda-Pepin, justement, pense la même chose, c'est-à-dire que c'est un minimum. Elle voudrait, je le sais, là, elle voudrait que ça aille plus loin, mais elle dit : La société n'est pas prête, le parti n'est pas prêt, etc. Donc, si c'est un minimum, ça pourrait s'étendre raisonnablement à d'autres corps d'emploi, notamment l'enseignement...

Mme David : La position de Québec solidaire, vous la connaissez, c'est non. Nous ne pensons pas que cela doit s'étendre. Et nous attirons l'attention, en fait, et ça, nous allons le faire de plus en plus dans les prochaines semaines, sur le fait qu'il est très malheureux que le seul débat, en ce moment, audible sur la question de la laïcité porte sur la question d'interdire ou non les signes religieux chez les employés de l'État, alors que, pour nous, là, à la limite, là, c'est un tout petit peu anecdotique.

Je ne veux pas minimiser ce débat, il a sa raison d'être, et nous le faisons. Mais, quand on pense que certains débats structurants en matière de laïcité ne sont même pas abordés, et là je parle ici du financement des écoles privées religieuses, je parle du rapport de l'État avec les Églises, de toutes les exemptions fiscales qui sont consenties aux Églises, y compris au niveau de la taxe foncière, est-ce que ça ne mériterait pas aussi d'être abordé? Et je pose carrément la question au gouvernement du Québec : pourquoi ne l'abordez-vous pas? Pourquoi est-ce que la seule question où vous dites : c'est une question de principe — et, pour moi, ça n'a rien à voir avec un principe — c'est le port ou non de signes religieux par des agents de l'État?

Franchement, si on veut aborder des questions qui structurent les rapports entre l'État et les religions, bien, abordons les questions fiscales et financières.

M. Dougherty (Kevin) : In English?

Mme David : Yes, shortly, please. I have to go in commission.

M. Dougherty (Kevin) : Can you tell us what exactly are you proposing to Mme Houda-Pepin? Would you share your position on the commission, la Commission des institutions, or would she be an additional member? I don't understand exactly what you're proposing.

Mme David : OK. I will propose her to be an additional member. So I will have the same time to express my positions and to ask some questions to the guests, and she will have a little bit of time as me, so like three minutes, but she will have it. So I invite her to come and join the club.

M. Dougherty (Kevin) : OK. And now you're saying that basically this thing could be settled aside from signs… yes, OK, aside from signs, you know, there seems to be a consensus, the CAQ and Québec solidaire, Mme Houda-Pepin, Parizeau, everybody. Bouchard-Taylor seems to be sort of the bottom line and, if the Government went along with that, this would be settled tomorrow. But, that's not going to happen. There's going to be an election on this. And what do you think about an election fought on this issue?

Mme David : I express… Est-ce que je peux le dire en français, parce que, comme c'est pour un journal, je pense que vous pouvez me traduire très bien. Je vous fais confiance.

Une voix : ...

Mme David : O.K., mais c'est parce que c'est tellement important, je voudrais être sûre d'être bien comprise. J'ai exprimé à plusieurs reprises le désir que l'on règle cette question de charte de la laïcité dans une arène démocratique qui soit celle de l'Assemblée nationale. J'ai expliqué, à plusieurs reprises, pourquoi je trouve difficile de régler ce genre de question par une campagne électorale, puisqu'une campagne électorale est le lieu de toutes les partisaneries. C'est le moment où certains veulent... bien, en fait, tout le monde veut gagner, et, pour gagner, il faut que l'autre perde. C'est un combat.

La question de la laïcité, comme celle de l'aide médicale à mourir, doit transcender les lignes partisanes, ne doit pas se faire en campagne électorale. Ça doit se faire par un débat public, qui est d'ailleurs largement amorcé, et par une recherche de consensus à l'Assemblée nationale. Il s'agit ici des droits, rien de moins, des droits collectifs, bien sûr, de la nation québécoise qui veut se développer autour de valeurs communes, mais il s'agit aussi quand même de droits et libertés fondamentales. Et, à ce moment-là, moi, je pense que c'est le genre de débat qu'on doit faire en dehors du combat partisan. Merci beaucoup.

(Fin à 11 h 29)

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