(Treize heures trente et une minutes)
Mme David (Gouin) : Alors, bonjour. En ce début de semaine
parlementaire, je tiens à intervenir pour parler du sommet de l'ONU et de
l'attitude de notre premier ministre, M. Couillard, qui n'est pas à l'Assemblée
nationale aujourd'hui, mais ça ne m'empêche pas de critiquer la façon dont il
se comporte à New York.
Évidemment, on dira : Ce qui est bien gênant, c'est que Stephen Harper ne soit
pas là. Moi, je vais vous dire : Compte
tenu de ses opinions, j'aime presque mieux qu'il soit resté chez lui. Mais,
quant à M. Couillard, qui s'en va à New York plaider pour la lutte contre
les changements climatiques et qui nous explique que la bourse du carbone est
une chose formidable, là, il y a un petit peu d'incohérence. Si on veut lutter
contre les changements climatiques, il y a des gestes qu'il faut poser et il y
a surtout des gestes qu'il ne faut pas poser.
Aux États-Unis
et en Colombie-Britannique, par exemple, le passage des pipelines est très loin
de faire l'unanimité. Il y a beaucoup de grogne populaire, et même les gouvernements
sont obligés d'être sensibles à la parole des citoyens. Et, à ce moment même,
qu'est-ce qu'on voit, nous, au Québec? Un super mégapétrolier dans le port de
Sorel. C'est la première fois. Il va transporter du pétrole des sables
bitumineux vers le port de Lévis. C'est la première fois, mais c'est bien
clair, si on en croit M. Couillard, que ce ne sera pas la dernière.
En même temps,
on continue — «on» n'étant pas Québec
solidaire, bien sûr — le gouvernement du Québec continue de
soutenir l'implantation d'une cimenterie à
Port-Daniel, et on apprend que cette cimenterie va utiliser de la coke
de pétrole, qui est le résidu, si vous voulez, le plus inadéquat, là, du
pétrole, ça ressemble presque à du charbon, et c'est ce qui va être utilisé
comme combustible dans cette cimenterie. Alors
là, on se dit : On rêve, là, hein? Pour
du monde… un gouvernement qui dit : On
veut lutter contre les changements climatiques, là, il y a de l'incohérence, ça
ne fonctionne pas.
Port-Daniel, chaque année, c'est
2 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Si on y rajoute les
raffineries, les raffineries du Québec qui vont être forcées de plus en plus à
raffiner du sable bitumineux de l'Alberta, on parle de 1,6 million de
tonnes additionnelles. Autrement dit, juste avec ce pétrole des sables
bitumineux avec la cimenterie, on est certain d'augmenter d'au moins 10 %
les gaz à effet de serre au Québec, alors qu'on a un premier ministre qui dit
qu'il faut lutter contre ça. Incohérence.
Les gens, au Québec, sont inquiets, et je
les comprends, je le suis moi aussi. Je suis inquiète,
et nous sommes inquiets parce que le Québec n'atteindra pas ses objectifs, qui étaient de 20 % de réduction de gaz à
effet de serre en 2020. Avec les projets qu'on a sur la table, là, c'est quasi
impossible. Donc, première inquiétude, on agit très peu,
finalement, dans ce domaine.
Deuxième inquiétude, où sont les retombées
économiques pour le Québec? Outre la phase de
construction… bon, d'accord, on crée des emplois dans la construction,
mais, une fois que c'est terminé, le port, les
pipelines, et tout, l'entretien de ça nécessite très peu d'emplois, donc on en développe
très peu. En fait, on est en train de développer de l'emploi en Alberta, et je
ne crois pas que ça soit la prérogative, que ça
soit la responsabilité du gouvernement du Québec.
Et finalement, et non le moindre, tous ces
passages de pétrole par pipelines et par pétroliers peuvent arriver à des
conséquences environnementales graves pour le Québec. Là, on va se parler
concrètement. Ça peut vouloir dire destruction de certaines agricoles; ça peut
vouloir dire attaque, atteinte à la nappe phréatique, à l'eau potable dont on a
besoin; mais surtout, ce qu'on voit et ce qu'on craint de plus en plus, c'est
un déversement pétrolier dans le fleuve Saint-Laurent. Le fleuve Saint-Laurent,
c'est de l'eau potable pour plus de 1 million d'habitants au Québec, mais
c'est bien d'autre chose que ça. Le fleuve Saint-Laurent, je dirais que c'est
l'emblème du Québec, c'est le symbole, un des symboles-phares de l'identité
québécoise. Le fleuve Saint-Laurent, c'est les terres agricoles autour, c'est les villages patrimoniaux — je pense
à Kamouraska, je pense à Cacouna, je pense à Port-au-Persil sur la rive nord,
tous ces villages historiques qui sont des joyaux au Québec. Imaginez un
déversement pétrolier!
Et
savez-vous quoi? Les plus grands spécialistes nous disent qu'en cas de
déversement pétrolier, et particulièrement en hiver, dans un fleuve
Saint-Laurent très agité, difficile à naviguer, on n'a pas les technologies
pour ramasser ce pétrole qui va être un mélange de pétrole léger et de pétrole
lourd, le pétrole lourd allant se poser au fond du fleuve Saint-Laurent. C'est
donc dramatique. Et, comme il n'y a pas de
retombées économiques, comme il y a peu de retombées pour l'emploi, comme on
est en train de passer complètement à côté l'atteinte de nos cibles pour les gaz
à effet de serre, à Québec solidaire, on dit :
Stop. Stop. Ça n'est pas vrai que les Québécois
dans leur ensemble ont voté pour ce genre de geste précipité, qui se passe trop
vite et qui se passe sans consultations populaires.
Alors, je vais déposer, cet après-midi,
une motion qui va demander qu'en fait le Québec rediscute de la cible à
atteindre sur les gaz à effet de serre.La cible de 20 % nous paraît très conservatrice
et il nous semble qu'il faut aller plus loin. Mais
deuxièmement on veut qu'il y ait consultation large sur les moyens, bien
entendu, d'atteindre la cible qu'on se donnera, et
entre-temps on met un arrêt d'agir sur les mégaprojets, les projets
pharaoniques qui n'apportent que des difficultés au
Québec, et on se tient debout, on se tient debout face au gouvernement
fédéral. La population du Québec a le droit de s'exprimer, elle doit
s'exprimer, et le gouvernement du Québec doit l'entendre. Merci.
(Fin à 13 h 37)