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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Le jeudi 2 octobre 2014, 9 h 45

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures quarante-six minutes)

M. Khadir : Alors, bonjour et merci. Nous sommes aujourd'hui jeudi le 2 octobre, et, au moment où on se parle, ça fait déjà une semaine que le gouvernement canadien a annoncé la signature d'un accord avec les pays européens, qu'on appelle l'accord de libre-échange Canada-Europe, ou l'AECG pour les avertis.

Je dépose une motion aujourd'hui en Chambre, parce que l'AECG comporte malheureusement des clauses qui vont faire très mal au gouvernement du Québec et au gouvernement canadien, à tous les gouvernements provinciaux et au gouvernement canadien. Pourquoi? Parce que, derrière ces négociations, qui ont différentes dimensions… on en a entendu parler alentour du fromage, parce que le fromage lourdement subventionné européen va trouver une plus grande ouverture au Québec et faire une concurrence déloyale aux fromages québécois. Mais il y a un enjeu caché, qui est excessivement important, un enjeu qui fait ressembler l'AECG, l'accord de libre-échange… et ce que l'Accord de libre-échange nord-américain avait de plus révoltant et qui a fait qu'un député du Bloc québécois, si on se rappelle, il y a une dizaine d'années… plus qu'une dizaine d'années, Stéphan Tremblay, était sorti de la Chambre des communes avec sa chaise pour dire qu'il n'est pas question pour lui, comme député, d'accepter que des entreprises étrangères poursuivent des gouvernements, au Québec et au Canada, des gouvernements qui pourraient introduire des droits pour protéger la culture, pour protéger l'environnement, pour protéger des droits sociaux.

Or, on a exactement le même problème avec l'accord Canada-Europe. Cet accord, que vous voyez, est un accord complexe et très élaboré. Ça, c'est une version écourtée du rapport, c'est 500 pages.

Jamais l'Assemblée nationale du Québec ni les parlementaires canadiens n'ont été mis au courant des clauses de l'essentiel de ce rapport et de ce que ça va impliquer pour la société canadienne. C'est un rapport taillé sur mesure pour donner tous les droits pratiquement aux entreprises, pour faire librement commerce, pour investir librement sans entrave et, en plus, pour pouvoir poursuivre les gouvernements si, par exemple, on s'avise d'instaurer un règlement sur l'eau.

Je vous donne un exemple, parce que c'est très concret, et on est déjà pris avec des problèmes similaires avec des compagnies américaines : lorsque le gouvernement du Québec, parce que la population du Québec l'exigeait, sous pression de la population, il y a à peine quelques années, a introduit un moratoire sur les gaz de schiste, il y a une compagnie américaine du nom de Lone Pine Resources qui a poursuivi le gouvernement pour 250 millions de dollars.

Alors, au moment où on coupe partout, au moment où le gouvernement demande aux contribuables des sacrifices inouïs, au moment où on coupe dans l'aide aux devoirs, dans les services essentiels, ce n'est pas le temps, ce n'est vraiment pas le temps que le gouvernement ajoute une couche de vulnérabilité aux finances publiques, qui est de devoir s'engager dans des recours très coûteux à l'État et surtout de devoir payer éventuellement des centaines de millions de dollars à des compagnies qui s'estiment lésées parce que le peuple québécois, souverainement, démocratiquement, a décidé de se donner les conditions de vie appropriées, qu'on juge appropriées pour nous.

Je vous rappelle, donc c'était le moratoire sur les gaz de schiste, question environnementale. On se rappellera des problèmes que vit Ristigouche avec des poursuites pour avoir introduit un règlement sur la municipalité pour protéger son eau potable. Alors là, on fait face à cette rapacité des entreprises pétrolières, surtout d'extraction de ressources et surtout les gros investisseurs de cet ordre qui font ce genre de choses, et nous, on pense qu'il faut absolument dénoncer ça, et le gouvernement du Québec a, là-dedans, un allié considérable, c'est le gouvernement allemand.

Vous n'avez peut-être pas suivi le dossier en détail, mais le gouvernement allemand, qui est pourtant un gouvernement d'une grande ouverture, qui travaille activement à la communauté européenne, donc qu'on ne peut pas accuser de protectionnisme outrancier, mais le gouvernement allemand s'oppose également à cette clause dans l'accord qui permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements démocratiquement élus et qui ont décidé, en vertu de la protection de la qualité de vie et de l'environnement de leurs citoyens, d'introduire des lois qui pourraient éventuellement restreindre la liberté de commerce et de capital.

Alors, dans ce cadre-là, je pense que c'est important que le gouvernement le fasse. On a un allié important, je le répète, c'est l'Allemagne, mais on a d'autres alliés, sans doute. Le gouvernement libéral nouvellement élu au Nouveau-Brunswick a été élu, si vous avez suivi les élections au Nouveau-Brunswick, essentiellement sur la base de sa promesse d'introduire un moratoire sur l'exploitation des gaz de schiste également. Mais là, le gouvernement du Nouveau-Brunswick réalise que la poursuite de Lone Pine, pour le moratoire du Québec, c'est une entrave. Donc, la volonté démocratique exprimée, hein… les peuples, les gens du Nouveau-Brunswick ont élu leur gouvernement sur la base d'une promesse majeure qui est d'instaurer un moratoire sur les gaz de schiste. C'était l'élément central, donc c'est la volonté de la population du Nouveau-Brunswick, et, à cause de ces poursuites de gouvernement, le gouvernement, qui a le mandat démocratique de le faire, est entravé dans l'exercice de sa souveraineté et de son autorité. Et c'est donc l'objet de notre motion d'aujourd'hui.

Mme Lajoie (Geneviève) : Parlez-nous des médicaments génériques aussi. Je pense que l'accord de libre-échange a aussi un effet sur les médicaments génériques.

M. Khadir : Merci de me le rappeler. Les médicaments génériques permettent, même si leur prix est déjà un peu exagéré par rapport au coût... Habituellement, c'est 10 à 12 fois le coût de production qui sont imposés, mais, même à ce prix-là, les médicaments génériques sont 50 %... auparavant, c'était 30 %, maintenant, c'est rendu à 50 %, parfois 60 % moins cher que les médicaments brevetés. Pour la facture de nos médicaments au Québec, pour ce qu'on peut transférer, parce qu'on ne peut pas tout transférer de breveté au générique, mais, pour la partie des médicaments qu'on achète pour lesquels on a des génériques, ça pourrait représenter une économie, pour le Québec, de 1 milliard de dollars. 1 milliard.

Là, là, dans les coupures qu'on nous annonce dans les écoles puis dans les hôpitaux, parfois c'est quelques dizaines de millions. Là, on parle de 1 milliard, de 1 000 millions de dollars qui est à la portée du gouvernement du Québec pour la facture de la RAMQ, mais on ne pourra pas l'obtenir si on signe cet accord de libre-échange avec l'Europe parce que l'accord prévoit un prolongement des brevets.

Je rappelle que l'industrie du médicament, avec l'industrie pétrolière, c'est probablement les deux industries qui ont les lobbys les plus efficaces, les plus chevronnés, les mieux huilés qui opèrent aux États-Unis, au Canada et en Europe. Il y a de nombreux rapports là-dessus, sur la puissance du lobby de l'industrie du médicament. J'invite ceux qui en doutent à regarder l'excellent documentaire Sicko de Michael Moore, si vous vous rappelez, il y a quelques années. Au Québec, nous, on a déjà fait un rapport là-dessus également.

Donc, cet accord de libre-échange, malheureusement, vient enchâsser à nouveau, alors qu'on s'est débarrassés de la période de prolongation qu'on accordait au Québec et qui nous a coûté, la dernière année où ça a été facturé, 192 millions de dollars aux contribuables, ce cadeau fait aux pharmaceutiques multinationales étrangères qui ont tout délocalisé la production, là, juste la dernière année, c'était en 2011, je crois, a coûté 192 millions.

Là, on est en train de retomber dans le piège de prolonger les brevets. Aux frais de qui? Aux frais des contribuables québécois, qui paient actuellement... On paie actuellement, au Québec, le plus... On est un des endroits où on paie le plus cher nos médicaments à travers le monde.

Mme Richer (Jocelyne) : M. Khadir, sur un autre sujet, on a vu, ces…

M. Khadir : Est-ce qu'on a terminé pour l'accord? Oui.

Mme Richer (Jocelyne) : On a vu, ces derniers jours, M. Péladeau faire des sorties, faire vraiment un virage à gauche. Est-ce que vous craignez que ça puisse faire mal à Québec solidaire?

M. Khadir : Je ne crois pas parce que ce n'est pas crédible. Je crois que, un peu comme les journalistes l'ont noté, c'est un virage à 180 degrés, une volte-face qui est aussi crédible que sa durée dans le temps, hein? Ça vient, de manière instantanée, de se produire sur la scène politique après la débandade qu'a connue le PQ lors des dernières élections. M. Péladeau est conscient qu'il veut prendre le contrôle d'un parti qui était social-démocrate, où beaucoup de gens qui y adhèrent, qui y ont oeuvré avec sincérité et qui le font toujours avec dévouement et sincérité au Parti québécois — des militants, c'est des gens progressistes — alors il doit trouver un moyen de les tromper, je le dis très carrément, de les tromper, parce que, s'il existe au Québec quelques exemples de patrons qui ont une stratégie idéologique motivée idéologiquement pour briser les syndicats, briser le modèle québécois de protection de… je dirais, d'investissement dans la protection sociale, dans les services sociaux, dans de bons services publics, c'est bien M. Péladeau. Ils sont quelques-uns qui représentent le fer de lance de l'élite économique qui veut briser ça, qui veut diminuer les impôts des plus riches et diminuer les services pour obtenir cette diminution. On connaît aussi les pratiques de l'entreprise que j'ai dénoncées, des entreprises qui lui appartiennent, une désertion fiscale parce que, lorsqu'on va enregistrer toutes ses entreprises au Delaware, il y a une raison à ça, c'est un moyen pour faciliter pour payer moins d'impôt au Québec. Donc, dans ce contexte-là, je ne crois pas que M. Péladeau est crédible et je ne crois pas que ça puisse faire mal à Québec solidaire.

Mme Richer (Jocelyne) : Croyez-vous qu'il pourrait vouloir devenir chef du Parti québécois sous de fausses représentions…

M. Khadir : Bien, c'est ce qu'on est en train de constater. Évidemment, il y a des gens même qui se sont permis de mettre en doute même sa foi souverainiste. Comment on peut se prétendre attaché à la souveraineté du Québec, alors que notre propre entreprise, je parle de celle de M. Péladeau, les réseaux de télévision… son empire médiatique dans l'Ouest canadien est reconnu pour son «Québec bashing» invétéré. Je parle de Sun Média. Ouvrez quelques canaux de Sun Média dans l'Ouest canadien, à la journée longue, ces médias-là diffusent un matériel qui remet en doute la validité des aspirations du peuple du Québec, fait du «Québec bashing» dans le sens de monter les sentiments de la population du Canada contre les aspirations légitimes du peuple québécois.

Mais je ne rentrerai pas là-dedans. On peut avoir changé, on peut être souverainiste. Et il y a des gens qui sont des capitalistes excessivement agressifs, des capitalistes dans le sens des exploiteurs d'ouvriers, des antisyndicalistes invétérés, comme c'est le cas de M. Péladeau. Je veux dire, s'il y a une chose qui est claire, c'est un des patrons les plus sévères, les plus antisyndicaux que le Québec ait connus de mémoire récente, mais on peut être indépendantiste en même temps. Ça, je ne remets pas ça en doute, mais il est clair qu'il ne peut pas se prétendre progressiste.

Mme Richer (Jocelyne) : Comment vous expliquez son apparente popularité qui déclasse tous les autres candidats potentiels?

M. Khadir : Bien, écoutez, le maire Rob Ford est populaire aussi en Ontario, hein? Il y a des raisons historiques, sociologiques, médiatiques. Il est quand même à la tête d'un grand empire médiatique, il y a beaucoup de ressources qui peuvent expliquer ça et il y a aussi le fait que les gens donnent la chance au coureur pendant un certain temps. Mais on le verra à l'usage et avec le temps si M. Péladeau est capable de nous décrire ses contradictions, sa foi progressiste et ses pratiques entrepreneuriales qui rappellent les relents d'un capitalisme révolu, d'un capitalisme sauvage.

(Fin à 9 h 58)

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