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Conférence de presse de M. Philippe Couillard, premier ministre

Conférence de presse du président de la République française et du premier ministre du Québec

Version finale

Le mardi 4 novembre 2014, 11 h 15

Salle du Conseil législatif (1.183), hôtel du Parlement

(Onze heures cinquante-neuf minutes)

M. Couillard : M. le président, mesdames, messieurs, bonjour. Nous venons de vivre un autre moment fort de la relation entre la France et le Québec, à l'occasion de votre visite historique, qui vient de se manifester par votre discours à l'Assemblée nationale du Québec. Cette visite, heureusement, n'est pas encore tout à fait terminée, il reste quelques heures devant vous à Montréal, mais nous avons eu l'occasion de réaffirmer l'importance de cette relation directe et privilégiée entre la France et le Québec, relation qui, au départ, a pris son essor sur la langue et la culture, et ça continue d'être un point excessivement important de notre relation, mais qui élargit ses horizons. Parlons du numérique, parlons des questions économiques, des questions environnementales et autres.

Nous avons eu des entretiens au cours desquels nous avons, entre autres, établi les principes qui nous guideront dans la conclusion d'une entente sur la question des étudiants étrangers, autant les étudiants français qui viennent au Québec que les étudiants québécois qui vont en France; convenu de rajeunir l'entente de 2011 sur le Plan Nord; convenu d'entreprendre une collaboration scientifique sur la stratégie maritime, stratégie d'ailleurs à laquelle la France est invitée à se joindre sur tous les aspects techniques, commerciaux et industriels; affirmer d'une voix commune l'urgence d'accentuer la lutte aux changements climatiques, entre autres de fixer un prix sur le carbone, et affirmer l'importance de donner parole aux états fédérés, aux régions et aux villes qui ont parfois des initiatives qui peuvent servir d'accélérateur ou de catalyseur dans cette lutte, de sorte que nous puissions avancer vers un succès commun à Paris en décembre 2015.

En somme, nous avons réaffirmé l'amitié profonde qui nous lie, le désir de maintenir et d'amener plus loin encore notre relation si importante, si chère à notre coeur, une relation directe et privilégiée. Merci, M. le président, pour votre visite.

M. Hollande (François) : M. le premier ministre, mesdames messieurs, cette visite d'État trouve ici un écho particulier, au Québec, et nous avons pu à la fois rappeler ce qui nous unit au plus profond : la langue, la culture, la coopération scientifique et universitaire, et, en même temps — c'était le sens que je voulais donner à ce déplacement — ce qui doit nous emmener ensemble pour les prochaines années : le Plan Nord, qui est une grande aventure pour le Québec, mais qui peut être aussi une grande aventure scientifique et économique pour la France; la stratégie maritime qui est définie ici, au Québec, et dans laquelle la France peut se retrouver compte tenu également de son ambition maritime et des technologies que nous pouvons mettre en partage.

Il y a enfin une dernière dimension qui est la dimension économique. Nous sommes… Ici, au Québec, beaucoup d'entreprises françaises sont installées, mais nous pouvons penser que les entreprises québécoises, les entreprises françaises peuvent aller à la conquête des marchés dans les Amériques et également en Afrique, au Moyen-Orient, parce que nous avons là des conditions technologiques et humaines qui nous permettent d'y parvenir.

Enfin, nous avions quelques sujets sensibles. C'est bien légitime de les avoir traités, et nous avons trouvé les principes et les bases de bonnes ententes. J'apprécie ce mot depuis que je suis dans cette visite d'État, «l'entente». C'est vraiment une belle expression qui montre qu'on cherche, on trouve, et ça fait une entente qui donne une durée, pas simplement un accord parce qu'on a cherché un compromis. Non, c'est une entente parce qu'elle va produire des développements.

Je veux enfin terminer sur l'enjeu du climat parce que nous avons là un partenaire avec le Québec et toutes les réunions que le Québec va pouvoir organiser avec d'autres régions, d'autres provinces, seront des atouts pour la réussite de cette conférence et également les procédures, les dispositifs. Il s'est trouvé que j'ai négocié, au nom de la France, au Conseil européen — c'était une réunion très importante au mois d'octobre — un accord sur le climat à l'échelle européenne, les objectifs que nous devions porter, et le plus délicat a été le prix du carbone. Et, à cet égard, ce que fait le Québec avec la Californie, mais avec d'autres, c'est aussi de nous montrer qu'un marché du carbone est possible et que ce sera un puissant instrument pour aboutir à des résultats probants en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Donc, pour toutes ces raisons, c'était un plaisir, un bonheur que d'être ici.

Le Modérateur : Donc, pour la période de questions, la première question sera posée par Jean-Jérôme Bertolus, de iTele.

M. Bertolus (Jean-Jérôme) : M. le premier ministre, bonjour. M. le président, bonjour. M. le président, cette question vous est adressée. Vous avez évoqué la question économique qui est au coeur de ce déplacement. Aujourd'hui, la Commission européenne dresse des très sombres perspectives pour la France en pointant, en particulier, un risque de dérive budgétaire qui ferait de la France le plus mauvais élève de l'Europe, pointe également le risque d'anémie en termes de croissance, avec une croissance deux fois moins qu'en France qu'en moyenne européenne. Vous avez fait du redressement de la France la pierre angulaire de votre politique. Je voudrais savoir quel est votre commentaire et comment vous pouvez rassurer les Français.

M. Hollande (François) : L'Europe fait des prévisions, elle doit faire aussi des choix. Des prévisions, elles partent de ce que nous connaissons aujourd'hui. Il y a eu un ralentissement, ces derniers mois, de l'activité économique dans toute l'Europe, et les objectifs de croissance qui avaient été portés par l'Europe ne sont pas au rendez-vous. On va faire moins de croissance que prévu. On en fera plus qu'en 2013, et j'espère qu'en 2015 on en fera plus qu'en 2014, mais ce sont des prévisions qui ne correspondent pas à ce que nous devons faire pour l'Europe.

Donc, il faut en tirer les conclusions. Les conclusions, c'est : L'Europe doit investir. Et c'est le plan notamment de Juncker, des 300 milliards, c'est aussi une politique budgétaire qui doit être assouplie par rapport à cet objectif de croissance, tout en faisant les choix nécessaires en matière de discipline et de sérieux budgétaire, et, enfin, c'est aussi que la France… et c'est d'ailleurs ce que je fais depuis deux ans avec les gouvernements qui s'y sont attelés, c'est-à-dire rehausser le niveau de la compétitivité. Faire repartir l'investissement, ça suppose des politiques constantes, et ce ne sont pas les prévisions qui doivent changer nos politiques, c'est nos politiques qui doivent changer nos prévisions.

Le Modérateur : Prochaine question, Alexandre Robillard de La Presse canadienne.

M. Robillard (Alexandre) : M. le président, M. le premier ministre, ma question s'adresse à vous deux. M. Hollande, dans votre discours hier à Ottawa, vous avez évoqué la mémoire de Samuel de Champlain. Vous l'avez fait à nouveau aujourd'hui. J'aimerais savoir si, en rebaptisant un pont qui porte actuellement son nom, on porterait atteinte à la mémoire d'un explorateur français qui fut également le premier gouverneur général du Canada.

M. Hollande (François) : Je ne sais pas exactement ce que sont ces projets, mais la France ne fait pas pression pour qu'on baptise ou qu'on débaptise des ponts, des rues ou des avenues. Nous, nous avons suffisamment confiance dans l'histoire pour savoir que ce n'est pas un pont, une rue qui permet de cultiver la mémoire, c'est ce que nous sommes capables de faire par rapport à ce qu'a été l'histoire commune. Et je ne doute pas que les autorités qui vont prendre cette décision, qui sont les autorités fédérales, sauront trouver les bons noms pour porter les bons espoirs et les bons messages au peuple.

M. Couillard : Alors, de mon côté, bien sûr, comme je l'ai dit en Islande, tout le monde aime Maurice Richard, tout le monde l'admire. C'était également… ce fut un défenseur des Canadiens d'expression française, des Québécois, qui a affirmé leur désir d'émancipation. Cependant, on assiste à une manifestation également de respect envers la mémoire de Samuel de Champlain, qui a contribué, sur le plan historique et géographique, bien sûr, à l'édification du Québec.

Alors, c'est une décision qui appartient au gouvernement fédéral, mais je l'enjoins de la considérer avec attention, de considérer l'importance de continuer à honorer la mémoire de Samuel de Champlain, peut-être trouver également une façon d'honorer la mémoire de Maurice Richard, qui est, encore une fois, un personnage important pour le Québec, pas uniquement sur le plan sportif. Ce qui est regrettable dans cette polémique, c'est qu'on met en opposition un peu artificielle deux personnages importants pour des raisons différentes.

Le Modérateur : Prochaine question…

M. Robillard (Alexandre) : …une bonne chose de renommer le pont Champlain, Maurice Richard?

M. Couillard : Attendons la décision. Il n'y a pas eu de décision annoncée encore.

Le Modérateur : Merci, M. Robillard. Prochaine question, Jérémy Brossard, BFMTV.

M. Brossard (Jérémy) : Oui, bonjour. Deux questions. Tout d'abord à vous, M. le président. Vous avez choisi jeudi de parler directement et longuement aux Français. Alors, on aimerait tous, évidemment, connaître les annonces que vous ferez, mais, anticipant votre réponse, je voudrais savoir quel est votre état d'esprit, les objectifs que vous vous êtes fixés et ce que vous attendez réellement de cette émission.

Et puis une question à vous, M. le premier ministre. Je sais que «libéral» n'a pas le même sens ici qu'en France, mais en tant que chef du Parti libéral au Québec, j'aimerais savoir le regard que vous avez sur la politique qui est menée en France, sur la politique du gouvernement Valls, qu'on surnomme en France comme sociale-libérale. Merci.

M. Hollande (François) : Je ne vais pas faire l'émission au Québec. J'ai beaucoup, vraiment, d'amitié pour le Québec, mais je pense que je dois me réserver pour les Français. Ce que j'ai dit au Québec, néanmoins, a une portée en France, c'est-à-dire que la France doit être toujours consciente de ce qu'elle représente dans le monde, et de ce qu'elle porte comme valeurs, et combien elle est aimée et attendue.

Les Français s'interrogent, et ils ont raison, sur leur destin. Est-ce que nous sommes encore une grande nation? Est-ce que nous pourrons réussir notre développement économique dans une mondialisation qui est de plus en plus féroce dans la compétition? Est-ce que nous avons toujours notre place en Europe, au premier rang? La France doit être toujours consciente de ce qu'elle a comme atouts et aussi doit porter une grande ambition. Elle doit être première dans beaucoup de domaines. Et, lorsque je viens ici, au Québec, ou lorsque je me déplace, les mots qui sont utilisés à l'égard de la France, l'image de la France telle qu'elle est restituée, les performances de la France, ce n'est pas simplement des politesses, ou des élégances, ou de la diplomatie, c'est de la reconnaissance. Et les Français, sans qu'ils puissent penser qu'ils ne doivent pas faire d'efforts — ils en ont fait beaucoup, et des sacrifices, depuis tant d'années — ils doivent se dire qu'ils ont beaucoup de chance, beaucoup de conditions, beaucoup d'atouts, beaucoup de leviers, et c'est à moi, président de la république, de faire en sorte qu'ils prennent conscience de leurs forces pour qu'ils réussissent à être à la hauteur de l'espérance qui est encore portée dans la France partout dans le monde.

M. Couillard : Et, de mon côté, je vous dirais qu'effectivement le mot «libéral» n'a pas tout à fait la même signification. Je dirais que, chez nous, c'est un mouvement politique très ancien. En fait, c'est le plus ancien mouvement démocratique organisé au Québec. Notre parti aura 150 ans en 2017, le même âge que la fédération canadienne.

Si je résume nos orientations, d'abord, dans le mot «libéral», il y a le mot «liberté» : liberté politique, liberté d'entreprendre; il y a la primauté que nous donnons au développement économique comme gage de développement également des libertés; et également la conviction que nous avons au Québec que l'avenir du Québec est mieux assuré dans la fédération canadienne. En gros, voici ce qui constitue notre pensée politique, qui date, comme je vous l'ai dit tantôt, de plus d'un siècle maintenant.

Sur la question que vous posiez, bien sûr, je ne ferai aucun commentaire. Ce serait fort inconvenant de ma part de me prononcer, sur les politiques de... certainement, françaises. Je dirais cependant que nous avons en commun — je l'ai dit dans mon discours — la nécessité et la difficulté de combiner l'équilibre budgétaire, la recherche de l'équilibre budgétaire, la saine gestion des finances publiques et la relance de l'économie et de l'emploi. Chacun cherche la formule, et on verra où cela nous mène, mais je crois que nous partageons ces enjeux. Mais je n'irais pas plus loin, c'est aux Français de discuter de leurs politiques et c'est aux Québécois de discuter des leurs.

Le Modérateur : Prochaine question, Michel Pépin, Radio-Canada.

M. Pépin (Michel) : M. le président, M. le premier ministre, bonjour. On a parlé de non-indifférence, maintenant de relation directe, privilégiée, de relation unique. Alors qu'on voit aussi que les relations France-Canada sont en expansion, apparemment, c'est l'impression qu'on veut avoir, qu'en est-il véritablement de cette relation? Ça signifie quoi, tous ces mots, de cette relation, là, qu'on qualifie… qu'on utilise pour qualifier la relation entre la France et le Québec?

M. Hollande (François) : Ce que j'ai dit à Ottawa, ce que j'ai dit ici, à Québec, ce sont les mêmes mots, c'est-à-dire que la France a une relation unique avec le Québec, privilégiée et directe, et, en même temps, la France veut avoir avec le Canada des relations apaisées et dynamiques. Et je ne veux surtout pas opposer ce que l'on aurait à faire ici, au Québec, et ce que l'on pourrait faire dans le reste du Canada. Ce serait contraire à, d'abord, l'esprit qui est le mien, mais contraire aussi à l'amitié entre la France et le Canada.

Mais c'est vrai que ce que je veux faire avec le Québec, si le Québec veut bien le faire avec nous, c'est qu'on soit en avance, c'est qu'on soit toujours les premiers ensemble : les premiers ensemble sur ce qui est la lutte contre le réchauffement climatique, les premiers en matière de recherche, les premiers en matière de développement économique. Et c'est pour ça que je suis très heureux quand je rencontre des entreprises — je vais le faire dans quelques heures — entreprises québécoises et entreprises françaises. Mais ce que je veux, c'est qu'on puisse aller conquérir ensemble, et c'est cette nouvelle relation entre la France et le Québec que je veux porter, qu'il y ait de nouvelles étapes, qu'on ne soit pas simplement dans le regard que l'on a sur notre histoire. Et je suis très attentif à ce qui a été dit par rapport à Champlain. Nous considérons que c'est un homme illustre, qui a fait là un acte tout à fait décisif, mais ce que nous voulons, c'est, forts de cette histoire-là, pouvoir faire que, quand on parle de la France et le Québec, c'est toujours comme une avant-garde.

M. Couillard : Oui, écoutez, notre relation, elle est ancienne, elle date de 50 ans, hein, les institutions de la collaboration franco-québécoise, et c'est une relation basée sur l'affection réciproque. Je vous dirais que c'est la première chose qu'il faut rappeler, au-dessus de tous les concepts administratifs qui peuvent en découler. Une relation que nous voulons directe et privilégiée, qui reste et qui restera directe et privilégiée, mais qui n'a pas à être exclusive. Bien sûr, la République française doit avoir des relations avec le Canada, mais ça… L'un n'exclut pas l'autre, mais nous demeurons convaincus, et M. le président vient de le dire, que cette notion d'avant-garde… j'aime cette façon de l'exprimer, que nous soyons au premier rang pour parler de culture, parler de numérique, parler d'environnement, de lutte aux changements climatiques, parler de sciences ensemble, comme nous l'avons fait ce matin. Voilà ce que c'est, pour nous.

Le Modérateur : La prochaine question sera posée par Anissa El Jabri, de RFI.

Mme El Jabri (Anissa) : M. le premier ministre, M. le président, bonjour. M. le président, hier soir, vous nous avez déjà parlé de la situation au Burkina Faso, mais comme tout évolue très vite, on voudrait quelques précisions. Est-ce que la France a bien mis à la disposition de Blaise Compaoré un hélicoptère pour lui permettre de quitter le pays et, du coup, plus globalement, est-ce que c'est la France qui a pris en charge son évacuation?

M. Hollande (François) : La France, par rapport à l'Afrique, vous le savez, est dans un rapport de respect et en même temps d'exigence. Les valeurs démocratiques sont pour nous essentielles. Les élections doivent se tenir aux dates prévues et avec l'ordre constitutionnel tel qu'il a été arrêté.

Qu'est-ce qui s'est produit au Burkina Faso? Le président Compaoré a voulu se succéder à lui-même après plus de 27 ans de présidence. C'était beaucoup. Donc, nous l'avions informé de ce que nous pensions de cette intention et nous lui avions dit qu'il avait sans doute un rôle à jouer, mais plus comme chef de l'État de son pays. Il a préféré prendre une autre option, il s'est produit ce que vous savez au Burkina Faso, c'est-à-dire un mouvement, une forme de révolution. La rue s'est mise en travers de cette prétention.

À partir de là, nous avons dit très clairement qu'il fallait que M. Compaoré prenne la bonne décision, c'est-à-dire quitter le pouvoir. Nous l'avons fait également en harmonie avec les chefs d'État africains de la région, et notamment ceux de la CEDEAO. Le Burkina Faso appartient à cette organisation régionale, et, pour faciliter les choses, pour permettre la transition, nous avons fait en sorte que le président, qui n'était plus président, Compaoré puisse être évacué vers la Côte d'Ivoire. Et nous l'avons fait, là encore, en bonne intelligence avec les pays africains, pour éviter qu'il y ait des drames, qu'il y ait des convulsions.

Et nous sommes également très fermes sur le processus démocratique qui doit maintenant prendre sa place et sur la transition civile, et je remarque d'ailleurs que nous avons été entendus. Voilà. C'est toute une conception de la relation de la France avec l'Afrique : respect des ordres constitutionnels, souci de l'apaisement et faire en sorte qu'il n'y ait pas de bain de sang ou qu'il n'y ait pas de convulsion, et, en même temps, que les élections soient la seule manière de faire que les dirigeants puissent être placés là où ils sont, c'est-à-dire à partir d'une volonté populaire.

Mme El Jabri (Anissa) : Est-ce que Blaise Compaoré a bien utilisé un hélicoptère français?

M. Hollande (François) : Nous avons veillé à ce qu'il soit évacué, en fait, en mettant à disposition tous les moyens qui pouvaient être utiles.

Le Modérateur : Merci. Prochaine question, Tommy Chouinard, de LaPresse.

M. Chouinard (Tommy) : Bonjour, M. le président. Bonjour, M. le premier ministre. J'aimerais aborder le dossier des étudiants français et des droits de scolarité. M. le président, vous avez laissé entendre que, lors d'un échange avec M. Couillard, vous vous êtes entendus sur des principes permettant de garder cette spécificité dont jouissent les étudiants français. J'aimerais savoir si, en clair, les étudiants français vont continuer de payer les mêmes droits de scolarité et est-ce qu'à défaut d'une entente le financement de la commission permanente de collaboration franco-québécoise est compromise? Et, M. Couillard, est-ce que vous avez toujours l'intention d'imposer aux étudiants français le tarif canadien, donc de tripler leur facture?

M. Couillard : Alors, la première chose que je vous dirais, M. Chouinard, c'est qu'il y aura une entente. Nous allons conclure une entente sur la question des étudiants sur la base de notre amitié et de la nécessité qu'il y ait une entente. Nous avons défini ensemble les principes et, si je les résume à très larges traits, parce qu'il ne serait pas approprié d'aller dans les détails aujourd'hui, nous avons des objectifs budgétaires auxquels nous tenons, que le président comprend puisqu'il a lui-même des enjeux budgétaires de son côté de l'océan. Nous voulons également que les étudiants français puissent continuer à venir ici en bénéficiant d'un traitement spécifique, mais nous voulons également qu'il y ait plus d'étudiants québécois qui se rendent en France dans les universités et éventuellement dans les grandes écoles. Voilà les objectifs sur lesquels nous nous sommes entendus.

Maintenant, il reste à nos équipes de faire le plus difficile, c'est-à-dire de conclure l'entente sur la base de ces principes, et j'espère que nous pourrons la ratifier au cours des prochaines semaines ou des prochains mois.

M. Hollande (François) : Oui, je savais que nous aborderions ce thème lors de cette visite parce que nous y sommes intéressés, Québécois et Français. Et nous avons trouvé les principes qui nous permettront d'avoir cette entente, ils ont été rappelés par le premier ministre : maintien de la spécificité française ici, au Québec, et, en même temps, volonté qu'il y ait des échanges plus nombreux, c'est-à-dire que nous puissions, nous, Français, accueillir davantage d'étudiants québécois dans nos universités et dans nos grandes écoles.

Le tout, c'est de le faire dans la maîtrise de nos comptes publics, et, grâce à la presse française... vous a permis de comprendre que ce n'était pas forcément facile, que ce n'était ni facile pour le Québec, qui, je le rappelle, n'est pas membre de l'Union européenne, ni pour la France. Ce n'est pas, d'ailleurs, des contraintes qui nous viennent de l'extérieur, c'est que nous sommes amenés à faire des choix sur le plan budgétaire. Mais — là je ne parle qu'au nom de la France — il faut que ces choix budgétaires, qui doivent nous conduire à réduire les déficits, n'entravent pas les priorités qui sont les nôtres et notamment l'éducation, la recherche, la culture et ne puissent pas être défavorables à la croissance. Sur ces bases-là, nous avons, je crois, les conditions d'une entente que les équipes vont maintenant mettre dans le détail.

M. Chouinard (Tommy) : À défaut d'une entente, M. le président...

M. Hollande (François) : Pardon?

M. Chouinard (Tommy) : À défaut d'une entente, est-ce que le financement de la Commission permanente de coopération franco-québécoise est compromis?

M. Hollande (François) : Oui, oui, il y aura une entente aussi.

M. Couillard : Il y aura une entente.

M. Hollande (François) : Le mot «entente», je vous l'ai dit, est très important. Nous nous sommes entendus pour qu'il y ait une entente. Voilà.

Le Modérateur : La dernière question sera posée par Alain Laforest, du réseau TVA.

M. Laforest (Alain) : M. le président, M. le premier ministre, vous avez parlé d'amitié fraternelle, vous vous êtes engagés dans la lutte contre les changements climatiques. M. le Président, vous avez débuté votre voyage en Alberta, où on produit les sables bitumineux, grands producteurs de gaz à effet de serre. Des entreprises françaises sont installées là-bas. M. le premier ministre, vous permettez que les gaz... que les sables bitumineux, pardon, transitent par le fleuve Saint-Laurent. Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction?

M. Couillard : Alors, d'abord, M. Laforest, je vous rappellerais que le projet de pipeline auquel vous faites allusion n'a pas été autorisé encore par le gouvernement du Québec, du moins les autorisations qui nous reviennent. Il y a une évaluation environnementale serrée qui sera faite par le BAPE, également au niveau fédéral avec l'Office national de l'énergie, et on a des objectifs environnementaux, les objectifs de retombées économiques qui sont très importants.

Mais, sur un plan plus large, c'est un faux débat et c'est une fausse piste de dire qu'il faut choisir entre exploiter ses ressources naturelles et la lutte aux changements climatiques. Prenez l'exemple de la Norvège, un grand producteur de pétrole qui pourtant est vu comme un bon élève environnemental sur la planète. Pourquoi? Parce qu'ils ont également des politiques proactives sur le plan du transport électrique ou de la lutte aux changements climatiques, dont une taxe sur le carbone.

Alors, il y a une opposition qui est un peu artificielle. Mais je vous rappelle encore une fois que le projet dont vous parlez n'a pas encore été l'object d'une approbation.

M. Hollande (François) : Il y a un principe auquel, moi, je suis attaché, qui est la souveraineté énergétique. Chaque pays doit définir ce qui lui correspond le mieux pour assurer son autonomie, si c'est possible; sa moindre dépendance, si c'est le seul moyen d'y parvenir; de définir, donc, sa politique énergétique. En France, par exemple, nous faisons un mixte énergétique avec du nucléaire, avec des énergies renouvelables, l'énergie hydraulique, et nous faisons en sorte de réduire même notre part du nucléaire, mais dans un temps qui doit être long pour permettre cette transition. Le mot clé, c'est la transition. Il y aura moins d'énergies fossiles, de moins en moins d'énergies fossiles, mais, pendant toute une période, il y aura encore des énergies fossiles, et les pays qui en ont beaucoup, le premier ministre parlait de la Norvège, vont réduire cette production tout en faisant en sorte de diversifier leurs sources d'approvisionnement ou leur approvisionnement.

Donc, nous, en France, nous sommes hostiles aux gaz de schiste, donc nous ne l'autorisons pas. Ça fait partie de notre souveraineté énergétique. Mais ce n'est pas parce qu'on est souverains pour déterminer sa politique énergétique qu'on ne doit pas respecter des règles contraignantes en matière de réduction de gaz à effet de serre. C'est ça, le point important. Ce que nous voulons faire dans l'accord sur le climat, ce n'est pas regarder, pays par pays, comment est organisée l'énergie. Ce que nous voulons imposer, pays par pays — je dis bien pays par pays — c'est la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'est ce qu'on appelle l'accord global et différencié. Pourquoi il est différencié? Parce que, pour les pays émergents, l'effort doit être moins intense, et, pour les pays développés, il doit être plus grand.

Donc, pour nous, c'est la réduction des émissions de gaz à effet de serre, au moins 40 %; c'est la montée du renouvelable, 30 %; et c'est aussi l'efficacité énergétique. Et, les entreprises françaises, elles sont placées, justement, pour permettre cette transition énergétique, y compris dans l'Alberta, où elles vont faire du renouvelable, où elles vont faire de la technologie pour économiser de l'énergie et où elles vont utiliser aussi tout ce qui est l'économie dynamique d'une partie du territoire canadien. Mais on ne va pas s'interdire de faire un certain nombre de prospects économiques, ou alors je ne devrais aller que dans des pays où il n'y a aucune goutte de pétrole qui est produite et consommée, ce qui limiterait la diplomatie française à peu de déplacements. Et on se déplacerait, bien sûr, à pied.

M. Laforest (Alain) : Par rigueur pour mes collègues anglophones, j'aimerais ça avoir une petite réaction de votre part en anglais, si c'est possible.

M. Couillard : Sur quel sujet?

M. Laforest (Alain) : Entre autres, sur l'école, l'entente que vous avez, là, sur les frais de scolarité.

M. Couillard : Sur les étudiants?

M. Laforest (Alain) : Sur les étudiants, s'il vous plaît.

M. Couillard : So, on a question of French students coming here to Québec to study in our universities, we have defined together the principles of an agreement, and I want to reaffirm that there will be an agreement in a coming month.

The principles are quite simple. We have some budgetary targets to meet and we will meet them. We also want to keep the way things are now in terms of the specificity given to French students and we want more Québec students to study in France, both in universities and what's called there «les grandes écoles», which are world class institutions. And I sincerely hope that as much of our students as possible will be able to access that.

So that's the principles. Now, our teams have the easy task of concluding an agreement that we hope to sign in the coming month.

La Modératrice : Je vous remercie beaucoup. Ceci met un terme à la conférence de presse.

(Fin à 12 h 27)