(Treize heures quarante-cinq minutes)
M. Khadir
: Alors, bon
après-midi, messieurs. J'espère que, par un vendredi après-midi pluvieux, vous
n'avez pas un peu le haut-le-coeur comme moi. La même semaine qu'on a entendu
la commission Charbonneau, alors que le service public, notamment le système de
santé, saigne de partout, qu'on refuse de reconnaître les problèmes de
financement, on apprend que, pour les médecins spécialistes, pour les amis du
pouvoir, pour les amis de M. Couillard, de M. Barrette, pour M. Bolduc, c'est
bar ouvert. 400 millions, pratiquement, plus que 400 millions, dont,
en fait, à 90 %, des hausses non prévues dans la rémunération des médecins
spécialistes. Et moi, je suis certain que mes collègues pédiatres, psychiatres,
internistes, qui, semaine après semaine, mois après mois, sont près de leurs
malades, n'ont pas demandé ça, là. Il n'y a qu'une poignée de spécialistes à
haut niveau de facturation qui semblent bénéficier de tout ça. Il vous suffit
de regarder, sur le site de la FMSQ, les 600 000 $ en moyenne par
année que font les radiologistes et les ophtalmologistes ou d'autres
spécialistes comme ça, à hauts revenus.
Il y a quelque chose de terriblement
injuste, ces augmentations qui ont été octroyées. Moi, je me
demande qu'est-ce qu'il y a de particulier, hein? Le ministre,
aujourd'hui, M. Blais, s'est levé en Chambre pour dire qu'on ne peut quand même
pas prendre la carte de crédit pour payer pour les services publics. Alors, si
on ne peut pas prendre de cartes de crédit, c'est quoi, cette carte de crédit
ouverte qu'on donne aux médecins spécialistes qui... Je vous le rappelle, à
chaque fois qu'on encaisse et qu'on admet des augmentations qui ne sont pas
prévues, c'est dans le budget même, fermé, de l'ensemble du ministère que c'est
pris. Autrement dit, c'est le reste du système de santé qui écope, c'est les
malades, c'est des salles d'opération, c'est des salles d'urgence, c'est des
infirmières qui écopent. 400 millions de dollars.
Ça permet, encore une fois, de montrer à
quel point ce gouvernement est branché sur la petite élite, les petites
minorités agissantes, déjà excessivement privilégiées, les lobbys excessivement
puissants, comme le lobby de la FMSQ, pour dicter sa conduite, parce que, de
toute évidence, rien dans ça, dans la rémunération des médecins, ne respecte
tout ce qu'on entend — j'étais en train de dire un gros
mot — tout ce qu'on entend à chaque jour ici comme réponse quand les
députés de l'opposition se lèvent pour demander pourquoi on coupe ici et
pourquoi on coupe là. Rigueur budgétaire, hein, c'est le maître mot,
l'austérité, mais ça semble ne valoir que pour la population, pour les gens les
plus démunis.
M. Dutrisac (Robert)
:
Il y a plusieurs choses dans ce rapport-là. Premièrement, vous parlez du 400...
M. Khadir
: ...quelque
millions, 412.
M. Dutrisac (Robert)
:
416.
M. Khadir
: 416.
M. Dutrisac (Robert)
:
416 millions. Ça, on en avait entendu parler, et puis ça s'explique par ce
qu'on pourrait qualifier d'un aveuglement volontaire de la part du ministre
Barrette, là, qui, lorsqu'il a négocié...
M. Khadir
: Moi, je
serais presque tenté de dire : de copinage. Il y a un copinage entre les
milieux médicaux et les ministres de Santé.
M. Dutrisac (Robert)
:
Parce que, là, c'est une question d'évaluation entre le 2 % puis le
3 %, là. C'est ça qui fait le gros de la différence, mais il y a plus que
ça. La Vérificatrice générale parle aussi du 394 millions qui est disparu,
qui devaient être les économies, les concessions des médecins spécialistes lors
de l'étalement, qui disparaissent.
M. Khadir
: Qui ne
sont plus dans le décor.
M. Dutrisac (Robert)
:
Et il y a aussi les mesures incitatives qui sont données à des médecins qui ont
déjà atteint les cibles, le 61 %.
M. Khadir
: Bien oui.
Bien oui, parce qu'au-delà de certaines cibles, bien...
M. Dutrisac (Robert)
:
C'est ça. Donc, on donne des mesures, on dit... On veut changer des
comportements, mais on encourage les comportements actuels avec des primes
incitatives.
M. Khadir
: Alors que,
depuis des années, il y a d'autres mesures, mais d'autres mesures qui
impliqueraient sans doute une réduction de l'enveloppe de rémunération des
médecins, qui ne sont pas appliquées. Mon collègue de la CAQ, qui était ici
avant moi, a posé une question dans ce sens, qui est dans la plateforme de
Québec solidaire depuis 10 ans, de repenser la rémunération des médecins pour
mieux équilibrer la rémunération à l'acte avec les autres moyens de rémunérer
pour qu'on n'assiste pas à des explosions et des bars ouverts comme ça.
Mais c'est, à proprement parler,
inadmissible, et je vous prie de croire, je vous jure, M. Dutrisac, que ce
n'est pas ce que souhaitent la plupart des médecins, des collègues que j'ai,
spécialistes honorables qui ne demandent pas ces exagérations-là. Même ceux qui
en bénéficient ne sont pas au courant de ce que ça fait dans le système, du
coût exorbitant pour les malades, pour notre système de santé, pour les
infirmières, pour la bonne gestion des ressources. Ils sont ignorants des coûts
exorbitants que ça implique.
Mais malheureusement ça se trame dans des
ententes privées, dans des ententes secrètes, dans des ententes confidentielles
entre les fédérations et le ministre de la Santé. Pourquoi ces ententes-là sont
confidentielles, alors que les ententes, hein, avec le secteur public, avec des
travailleuses de la santé, avec les enseignants sont publiques? On sait combien
d'augmentation on leur accorde, en quelle année on veut qu'elles prennent leur
retraite, quelles sont leurs conditions de travail, leurs ratios. Tout est
public. Pourquoi, avec les médecins, c'est confidentiel, puis pourquoi on se
fait avoir?
Puis, en plus, on voit que le salaire des
médecins se comporte un peu comme un microbe, un mauvais microbe qui prend
toute la place sur une gélose. En microbiologie, on appelle ça proteus
vulgaris. C'est toujours un embêtement dans nos géloses; il faut recommencer,
puis ça coûte très cher au système parce que le proteus vulgaris, quand ça
pousse, bien, il n'y a plus de place pour les autres bactéries.
M. Croteau (Martin)
:
...c'est en raison du copinage entre le gouvernement Couillard et les fédérations
de médecins spécialistes que la RAMQ a toléré cette situation...
M. Khadir
:
Appelons-le copinage, appelons-le influence indue d'un lobby qui agit de
manière déraisonnable et disproportionnée pour obtenir des privilèges
exorbitants. Quelles que soient les circonstances, c'est inadmissible. C'est un
bar ouvert.
Mais comment on peut interpréter
autrement? Il y a un ministre de Santé qui s'appelait Philippe Couillard; c'est
sous lui que tout ça a commencé, ces ententes-là. L'oeuvre a continué avec Yves
Bolduc. Je ne sais pas ce que Réjean Hébert a fait, mais c'est un autre
médecin, mais je ne sais pas ce qu'il a fait ou il n'a pas fait, je l'ignore. Mais
il y en a un autre qui l'a continué, M. Barrette, qui se targue d'être en
parfait contrôle, qui a la pleine maîtrise sur tout le système, jusqu'à nommer
tous les individus sur le conseil d'administration des établissements, et qui,
là, il a perdu le contrôle là-dessus. C'est assez drôle. Il exerce un contrôle
serré, il serre la vis partout ailleurs dans le système, mais, sur le salaire
des médecins, il a perdu le contrôle, là. Il a mal calculé, 148 millions
sont partis en fumée.
M. Croteau (Martin)
:
Vous ne le croyez pas?
M. Khadir
: Bien, je
vous le demande : Ai-je raison de le croire? Quelle est cette
incompétence? Dois-je croire son incompétence ou le fait qu'il a préféré fermer
les yeux?
M. Croteau (Martin)
:
Un commentaire sur un autre sujet. Il semble que, selon M. Coiteux, on verrait
la lumière au bout du tunnel, là, dans les pourparlers avec le secteur public.
Que pensez-vous de ce développement?
M. Khadir
: J'espère
que les employés du secteur public savent que c'est pendant le temps qu'on
saigne leur salaire, leurs conditions, les services publics, la qualité des
services publics, puis qu'on leur sert le message de la rigueur budgétaire,
pendant tout ça, là, on est en train d'octroyer ces privilèges puis on en octroie
d'autres, et donc qu'ils ne céderont pas, qu'ils vont demander le maximum,
qu'ils ne laisseront pas le gouvernement agir d'une manière aussi injuste et
déséquilibrée.
500 000 serviteurs dans nos services
publics, d'enseignants, d'infirmières, de fonctionnaires qui nous rendent des
services inestimables, c'est ça qui fait la richesse de notre société. Tout le
monde doit être traité de manière un peu plus respectueuse. Si on mettait fin
un peu à l'exagération du côté des médecins spécialistes, dont je suis, on
pourrait peut-être mieux rencontrer les exigences de nos enseignants, de nos
infirmières. Merci.
(Fin à 13 h 54)