(Onze heures cinquante-cinq minutes)
M. Khadir
: Bonjour.
Très rapidement, nous avons rencontré Manon Massé, la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques, et moi-même, pour Québec solidaire, avec notre
équipe, le ministre Carlos Leitão. Il nous a appris, donc, que le budget serait
pour le 17 mars prochain. Nous avons rappelé à M. Leitão qu'après
deux ans de coupures, après deux ans de sévères constrictions, diminutions
budgétaires dans plusieurs domaines, après deux ans d'austérité, il n'était pas
question que les surplus budgétaires soient accordés en baisses d'impôt pour
des gens qui n'en ont pas besoin. Ces surplus budgétaires doivent être
consacrés à réparer les dégâts causés par deux ans d'austérité pour les régions
qui en ont besoin, pour les plus démunis, à qui on a coupé tant de services.
Nous en avons besoin en éducation, nous en avons besoin dans les CPE, nous en
avons besoin pour le développement des emplois en région, et nous pensons que c'est
une très mauvaise idée d'utiliser ces surplus pour accorder des baisses
d'impôt.
Je vois que, malheureusement, le
gouvernement… j'allais dire conservateur, mais le gouvernement libéral actuel
est resté prisonnier du modèle de développement et de gestion économiques du
XXe siècle. Et tant, maintenant, de gouvernements et tant de spécialistes
nous disent aujourd'hui que l'heure n'est plus à accorder des baisses d'impôt,
mais que le gouvernement agisse pour relancer une économie stagnante qui… où on
perd des milliers d'emplois et où il y a des annonces de pertes d'emploi à
venir.
Le Modérateur
:
Questions?
M. Chouinard (Tommy) : J'ai
une question sur le projet pilote concernant les trois cliniques privées, là…
M. Khadir
: En
chirurgie.
M. Chouinard (Tommy) : …en
chirurgie.
M. Khadir
: Très bien,
j'y arrive.
M. Bellerose (Patrick) :
Question sur le budget. En fait, est-ce que vous croyez que, comme le
gouvernement Trudeau, on devrait faire un déficit pour relancer l'économie?
M. Khadir
: Bien, on ne
fait pas un déficit pour faire un déficit. Les gouvernements qui investissent
pour relancer de l'emploi le font parce qu'ils savent très bien que, quand on
relance l'économie, l'argent rentre. Évidemment, si l'argent est mal dépensé et
on fait des déficits, en réalité, comme on en a fait, hein… Il ne faut pas
oublier que les déficits qu'on a faits au cours des récentes années ont été
surtout parce qu'on a accordé des baisses d'impôt inutiles à des gens qui n'en
avaient pas besoin, entre... Le ministre Landry, quand il était ministre à la
fin des années 90 et au milieu des années 2000, sur 15 ans, on a
accordé 10 milliards de réductions d'impôt qui ont surtout profité aux
riches. C'est ça qui nous a entraînés dans les problèmes budgétaires qu'on a. Alors
que d'autres gouvernements qui choisissent d'investir pour relancer l'économie,
ça occasionne une activité qui fait rentrer de l'argent et qui fait balancer
l'économie, bon vieux modèle keynésien qui a marché pendant 30 ans, qui a
marché pendant 30 ans en Occident et qui a entraîné un développement
économique et un développement social parallèle. C'est drôle, sauf que le seul
ennui avec ça, c'est que les très riches en bénéficient moins, les très riches
ne peuvent pas s'enrichir sans limites, les très riches sont obligés de faire
leur juste part. C'est le seul ennui de ce modèle-là. À part ça, ça
fonctionnait très bien.
M. Chouinard (Tommy) : Le
projet pilote, qu'en pensez de cette idée, donc, de faire un partenariat avec
trois cliniques privées pour les chirurgies d'un jour?
M. Khadir
: Bien, ça
montre à quel point c'est un mensonge qu'on raconte à la population, et je pèse
mes mots. Rappelez-vous, le prétexte pour aller vers le privé, c'était quoi?
C'est que ça se ferait à meilleur coût, d'accord? Alors, le gouvernement n'a
pas besoin de tenir compte de la marge de profit. C'est aux développeurs, c'est
aux financiers qui veulent lancer ces cliniques-là à voir leur modèle
d'affaires, et il faut que le coût final, dans la logique... je parle, dans la
logique libérale, ce n'est pas notre logique à nous, mais, dans la logique
libérale qu'ils nous vendaient, il fallait, en principe, que ça soit à coût
moins élevé que dans le secteur public.
Or, on apprend aujourd'hui que, dans le
fond, le ministre dit : C'est quoi, votre coût de revient? Ajoutez-y une
marge de profit, moi, je vais payer pour ça. Nous sommes les dindons de la
farce. Nous sommes les dindons de la farce. C'est un mensonge qui a été raconté
depuis le temps où Philippe Couillard, comme ministre de la Santé, a accordé
des chirurgies à RocklandMD. C'est du pareil au même, ça va coûter plus... Vous
savez que ça a coûté plus cher au système de la santé, le projet pilote de
Philippe Couillard en 2007 avec RocklandMD. Demandez les chiffres à l'Hôpital
Sacré-Coeur, voyez ce que ça a coûté aux contribuables québécois. Ça a été plus
cher que si on l'avait fait dans le régime public.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce qu'il est acceptable qu'un ministre de l'Éducation envoie ses enfants à
l'école privée?
M. Khadir
: Bien, si
un ministre de l'Éducation ne croit pas au système d'éducation public, comme
c'est le cas avec les libéraux, sans ça ils ne couperaient pas autant... c'est
très logique pour quelqu'un qui ne croit pas au système d'éducation publique.
Il doit être un système de qualité dans lequel il y a des ressources
nécessaires, où le nombre d'enfants en classe est approprié pour que
l'éducateur puisse s'occuper d'enseigner aux enfants, où on ne concentre pas
tous les problèmes sociaux dans l'école publique pour envoyer, écrémer en
faveur de l'école privée. Si on n'a pas cette vision-là, on a plutôt la vision
d'une école publique universelle, qui offre la meilleure éducation à tout le
monde, c'est sûr que, là, ça serait illogique. Mais, comme les ministres
libéraux qui se sont succédé à la tête du ministre de l'Éducation depuis le gouvernement
Couillard semblent ne pas croire, ne pas avoir foi, ne pas appuyer le système d'éducation
public, je comprends très bien parce qu'ils se sont arrangés pour drainer les
ressources et un financement au-dessus de 70 % pour l'école privée pour avoir
le meilleur des deux mondes pour les enfants des riches.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, vous voyez une forme de désaveu du réseau public par le ministre actuel?
M. Khadir
: Bien, ce
désaveu, c'est dans leur politique. Le ministre est juste conséquent avec le
désaveu de son gouvernement. C'est un gouvernement qui ne croit pas à l'école
publique, c'est normal que son ministre de l'Éducation envoie ses enfants à
l'école privée.
M. Chouinard (Tommy) : Vous
avez maintes fois dit qu'il ne fallait pas faire d'amalgame avec votre propre
fille puis de ne pas mêler ces choses-là avec... Moi, je me souviens que
c'était quelque chose...
M. Khadir
: Attendez,
je ne vois pas le rapport. Expliquez-moi, je vais essayer de...
M. Chouinard (Tommy) : Bien, je
ne sais pas, je le soulève. Est-ce que vous y voyez un lien, vous, entre le
fait d'associer la pensée de quelqu'un au fait des actions de... de ce qui se
passe avec ses enfants...
M. Khadir
: Bien, il
peut y avoir des contextes particuliers quand on est mal pris puis qu'il y a la
situation dans laquelle on vit, d'accord? Puis moi, je suis en situation,
actuellement, comme Françoise David l'est, comme vous l'êtes, où on n'a pas de
pouvoir. On ne peut pas changer ça, on est juste pris avec un problème qui peut
être tellement grave qu'on a besoin d'un encadrement qui, actuellement, n'est
disponible en raison du fait qu'ils n'ont tout l'argent nécessaire que dans
l'école privée. Vous comprenez? Donc là, on ne fait pas d'amalgame. Mais là on
parle d'un ministre qui a tout le pouvoir de changer ça, qui a tout le pouvoir
pour dire : Les 500 millions, maintenant — c'était
470 millions en 2012, maintenant ça doit être rendu 500 millions — le
budget du Québec, l'argent des contribuables qui va... l'argent public qui va
en appui à l'école privée, je le prends là et je le mets dans l'école publique,
j'améliore l'école publique partout, j'offre suffisamment de personnel,
d'éducateurs pour que, lorsqu'il y a des cas problèmes, que les gens ne soient
pas dépourvus et pris, qu'ils soient donc découragés de ne pas avoir de
services, là j'agirais autrement.
(Fin à 12 h 2)