(Neuf heures trente-cinq minutes)
Mme Lamarre : Alors,
bonjour. Ce matin, je vais déposer une pétition pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue,
plus spécifiquement dans la région de La Sarre, où il y a huit lits qui
sont réservés en santé mentale et qu'on veut déplacer. On veut amener ces
lits-là dans d'autres territoires alors qu'au niveau de la santé mentale il y a
des besoins urgents et que la proximité des soins est essentielle. Alors, je
suis accompagnée de Mme Nancy Moore, vice-présidente infirmière de la FIQ,
qui a contribué à l'initiation de cette pétition, et Mme Régine Laurent, bien
sûr, que vous connaissez, qui est la présidente de la FIQ. Pourquoi? Parce que
cette pétition, elle a été signée par 641 personnes plus
9 000 personnes qui l'ont signée manuellement. 641 personnes électroniques,
9 000 personnes, c'est la moitié de la population de La Sarre qui a
signé. Alors, ça montre l'importance que ces lits ont au niveau du suivi de
l'accompagnement des gens.
Donc, dans ces problèmes de santé mentale,
on a des situations d'urgence qui sont hospitalisées qui bénéficient de ces
lits, mais on a aussi des gens qui ont besoin d'un accompagnement un peu plus
long, d'un suivi plus long. Et on se rend compte que, si on veut que ces
personnes qui ont des problèmes de santé mentale aigus ou chroniques aient un
lien encore avec leurs proches aidants, avec des gens qui sont significatifs
pour eux, il faut que ces lits-là restent proches des gens. Et donc, de les
déplacer à 100, 150, 200 kilomètres de l'endroit où les gens habitent, eh
bien, ce que ça amène, c'est que c'est une situation où ces gens-là vont être
laissés à eux-mêmes, on favorise de l'itinérance, on le sait, on perd la trace
de ces gens-là. Ce sont des gens qui ont souvent droit à un congé les fins de
semaine. Alors, ces congés de fin de semaine vont faire qu'on peut facilement
perdre contact avec ces gens-là. Alors, ce sont des gens qui ont des besoins,
des besoins immenses.
Les problèmes de santé mentale, le ministre
n'a pas l'air à saisir la gravité de ces situations-là. Ce sont des situations
graves et des situations urgentes, il y a des urgences. Il y a des urgences que
je considère aussi urgentes qu'une hémorragie en santé mentale. Quand on a un
patient qui souffre de schizophrénie et qui est décompensé, c'est une urgence
pour sa sécurité à lui et pour la sécurité des gens qui l'entourent. Et ça,
c'est complètement nié actuellement dans le système de santé.
Alors, vraiment, on ne comprend pas que le
ministre fasse ce genre de recommandation là et on s'étonne de voir comment les
relations sont difficiles, comment c'est difficile d'en parler, comment c'est
difficile de chercher des solutions ensemble.
Alors, je vais laisser la parole à
Mme Nancy Moore, qui va pouvoir un peu témoigner du travail des
infirmières à l'hôpital et de la pertinence de ces huit lits pour les gens de l'Abitibi-Témiscamingue
et tout particulièrement pour les gens de la région de La Sarre.
Mme Moore (Nancy) : Ça fait
que bonjour. Ça fait que, dans le fond, ce qu'on peut en conclure, c'est que la
réforme Barrette, c'est vraiment une catastrophe pour la région comme
l'Abitibi-Témiscamingue. Les fusions d'établissements, ça éloigne les services
à la population. Il faut constater aussi qu'avec 9 000 signatures les
gens se sentent concernés puis ils veulent être entendus aussi pour les
transformations, bien sûr, du réseau. On demande aussi au ministre de mettre en
place des mécanismes de consultation tels que les forums de population prévus
par la loi n° 10. Il faut absolument que le ministre vienne entendre la population
de notre petit coin de pays. Merci. Je passe la parole à Mme Laurent.
Mme Laurent (Régine) :
Bonjour. Je veux juste ajouter ma voix à celles de Mme Lamarre et
Mme Moore. Malheureusement, ce qui se passe en Abitibi, c'est une
illustration de plus de l'improvisation dans le réseau de la santé. Mais je
veux aussi insister sur l'impossibilité d'avoir de l'information, et ça se
passe aussi en Abitibi. On est obligés de faire des demandes d'accès à
l'information. On attend à la dernière minute et après ça on ajoute des délais
pour nous dire, finalement, qu'on ne nous donnera pas l'information. Il devait
y avoir, en Abitibi, un forum où on écoute les citoyens, une consultation. Ça a
été mis de côté. Et, nous, comme organisation syndicale de professionnels en
soins, on va la tenir, cette consultation-là parce que, pour nous, c'est une
question de respect que d'entendre les citoyens qui, eux, veulent nous parler
et les groupes communautaires aussi.
Ça fait, pour moi, partie de l'ensemble de
l'oeuvre parce qu'à travers la province aujourd'hui on vous parle de santé
mentale, on vous parlait il n'y a pas si longtemps des problèmes en CHSLD où
des patients ne sont pas assez nourris et on n'a pas le temps de les nourrir.
On vous parle aussi de personnel, de coupures de personnel, ce qui fait que,
les patients, on les change une seule fois dans la nuit.
Donc, tout ça, je me dis que le ministre
va devoir entendre. Parce que rappelons-nous qu'il y a eu le rapport de la
Protectrice du citoyen il n'y a pas si longtemps. Et je ne sais plus qui va
finir par faire comprendre au ministre de la Santé et au gouvernement Couillard
dans son ensemble que, quand on parle de patients, ce sont les plus vulnérables
de la société et que nous avons une obligation de nous occuper de toutes ces
personnes-là. Merci.
M. Caron (Régys) : Le
ministre de la Santé revient de Toronto. Il vient de parler aux journalistes,
accusant le gouvernement fédéral de vouloir faire des gains politiques en
n'augmentant pas les transferts en santé, particulièrement en santé mentale.
Est-ce que vous lui donnez raison? Là, l'argent est attendu d'Ottawa et l'argent
ne vient pas.
Mme Lamarre : Bien, je pense
qu'il y a deux dimensions dans ça. On sait qu'il y a eu 4 milliards de
dollars qui ont été donnés par le fédéral, et les ententes négociées par les
médecins ont fait que ce sont les médecins qui ont touché 3,7 milliards de
dollars. Alors, ça, c'est pour le passé.
Pour le futur, on est tout à fait d'accord
pour dire que le fédéral n'a pas à s'ingérer dans la façon dont le Québec gère,
administre et répartit ses enveloppes au niveau de la santé. Les besoins sont
particuliers et on doit être capables de les gérer nous-mêmes.
Donc, la démarche du ministre Barrette, on
ne s'y oppose pas du tout, même qu'on trouve que, par rapport au reste du
gouvernement, c'est peut-être celui qui a défendu le plus, là, le Québec
jusqu'à maintenant dans cette autonomie qu'on doit avoir par rapport à la
gestion des sommes qui nous reviennent.
M. Caron (Régys) : Donc,
M. Barrette a raison, là, de réclamer à Ottawa l'argent dû au Québec,
c'est ça que vous dites?
Mme Lamarre : Oui, il doit
continuer à le faire, et on espère qu'il va avoir des résultats, mais, oui,
c'est certain que c'est de l'argent qu'on a, quelque part, prêté au fédéral par
nos taxes et nos impôts, et là, maintenant, avant de nous le remettre, ils
mettent des conditions. Alors, on dit : Attention! Nous, on vous a fait
confiance, mais on n'aurait peut-être pas dû. Mais, en tout cas, là, pour
l'instant, ce qu'on constate, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de gens du côté du
gouvernement qui sont capables de faire respecter le Québec dans ses prérogatives,
et c'est sûr que la santé, c'est un champ de compétence québécois.
M. Caron (Régys) : Mais
ce que vous nous exposez ce matin, est-ce que ce n'est pas la faute du fédéral,
finalement? La suppression, en Abitibi, est-ce que ce n'est pas...
Mme Lamarre : Non, non, ça,
c'est avant les transferts, là. Les diminutions de transferts vont se faire en
2017, là. Alors là, ça, c'est facile de basculer puis de tout de suite imputer
tout ce qu'on va lui reprocher. Ça, là, c'est sa responsabilité à lui, ce n'est
que lui et lui qui en est responsable. Il avait tous les budgets depuis des
années pour bien gérer ça, alors qu'il n'essaie pas de transférer ça sur le dos
du fédéral. C'est son imputabilité, ce sont ses projets de loi n° 10 et
n° 20 dont il parle abondamment à tous les jours. Bien là, les voilà, les
conséquences de ces projets de loi n° 10 et n° 20. Alors, qu'il les
assume et qu'il comprenne qu'il y a des gens excessivement vulnérables et que
ce sont ces gens-là qui sont les plus touchés.
Et, je vous dirais, j'ai un message pour
la population : Soyez vigilants parce que les gens qui sont les plus
attaqués par la réforme sont des gens qui ne peuvent pas descendre dans les
rues pour faire des manifestations. Ce ne sont pas les gens avec des problèmes
de santé mentale, ce ne sont pas les enfants qui ont un problème de trouble de
déficit de l'attention ou d'autisme qui vont faire en sorte qu'on va pouvoir
travailler là-dessus, ce ne sont pas les gens des CHSLD qui vont faire ces
manifestations-là. Alors, quand on a des regroupements, des organisations de
personnes qui sont proches des gens... Et moi, je veux saluer le travail des
infirmières. Ça prend du courage à Mme Moore aujourd'hui pour être ici,
pour témoigner de ce qu'elle vit et pour témoigner pour les patients qu'elle
voit à l'année longue, qui sont dans ces huit unités de suivi en santé mentale.
Alors, je pense que, quand les gens osent,
dans un contexte où, on le sait, là, on se le fait dire, il y a beaucoup,
beaucoup de demandes de silence dans notre système, la loi du silence, là, ne
parlez pas... La loyauté à l'établissement vous empêche de parler de ce que
vous voyez et de préjudices aux patients. Ça, je n'ai jamais vu ça, moi. Je
vais vous dire, là, en 25 ans, comme professionnelle de la santé, je n'ai
jamais vu ça, comme culture, dans le milieu de la santé du Québec. Et là c'est
présent, ça nous est rapporté à toutes les semaines, les gens descendent dans
nos bureaux de circonscription. Alors, moi, je me demande comment les députés
libéraux font pour se fermer les yeux, les oreilles et la bouche par rapport à
ces représentations que les citoyens nous font au quotidien. Et je pense que
c'est certain que ce qui est reproché aujourd'hui, ça découle directement de
l'improvisation, de la précipitation et d'un manque d'écoute, de proximité du
ministre par rapport aux besoins des gens du terrain, des régions, mais aussi
d'un peu partout où on veut des services de proximité. C'est efficace, c'est
performant, mais c'est aussi plus économique, et il y a des mauvais calculs qui
sont faits. Alors, écoutez, on a même dit, là, par rapport aux déplacements des
gens sur une distance de 150 kilomètres — parce qu'on pourrait
déplacer ces unités de soins en santé mentale à une centaine,
150 kilomètres de La Sarre, de l'endroit où ils sont : On paiera
des taxis aux proches aidants qui voudront aller rendre visite à leurs proches.
Écoutez, on n'est pas à Montréal, là, on est dans une région où les distances
sont énormes.
Alors, il y a un manque de corrélation, de
compréhension, de sensibilité pour des choses. Là, on ne parle plus de budget,
rendu là, on n'a plus des économies, on a huit lits. De toute façon, il va
toujours falloir en garder quatre ou cinq d'ouverts pour les urgences de
l'hôpital. Alors, s'il vous plaît, essayons de garder ces services de proximité
dont la pertinence est traduite par la réaction à la pétition, qui a été signée
de façon massive.
Mme Crête (Mylène) : Si le gouvernement
acceptait qu'une partie du financement soit attachée à des investissements en
santé mentale, là, comme le préconisait la ministre Philpott, ça réglerait quand
même cette situation-là que vous nous présentez ce matin, non?
Mme Lamarre : Non, le ministre
a déjà annoncé 70 millions en santé mentale. Il a annoncé 70 millions,
mais il a dit qu'il en donnerait juste en 2018. Alors, ça, c'est son choix,
puis c'est lui qui gère son budget, c'est lui qui gère comment il travaille
avec ça. Alors, il a fait des choix où il a donné presque tous les montants
qu'il avait aux salaires, à la rémunération des médecins, et le retour n'est
pas nécessairement là dans l'accessibilité aux services. Mais en plus il aurait
pu répartir ça différemment et prioriser certains secteurs. La santé mentale,
je pense que ça fait consensus au Québec. Il n'y a pas une semaine où il n'y a
pas, dans l'actualité, des catastrophes, des drames qui surgissent à la suite
de patients en santé mentale qui ont été laissés à eux-mêmes, qui n'ont pas été
accompagnés, qui n'ont pas été pris en charge. Alors, ça, ça traduit vraiment
une volonté. Quand je regarde le rapport du Commissaire à la santé et au bien-être,
son dernier, son ultime rapport, il l'a dit que, pour la population, c'est une
valeur pour les Québécois d'avoir cette accessibilité universelle et la
proximité des soins.
M. Caron (Régys) :
Mme Lamarre, on vient de nous remettre le communiqué, là, émis le 5 octobre
par le Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue.
Dans ce communiqué, on dit : «...nous sommes en mesure d'annoncer le
maintien de l'unité d'hospitalisation en santé mentale de l'hôpital de
La Sarre.» Alors, comment faire le lien entre ça et le déménagement des
huit lits dont vous faites mention ce matin?
Mme Laurent (Régine) : Si je
peux me permettre, un des problèmes qu'on a avec cet établissement-là, comme
dans d'autres d'ailleurs, c'est qu'on dit une chose et son contraire. On dit aujourd'hui :
Non, finalement, on ne fermera pas pas, mais on va réévaluer. On va souffrir,
mais on ne pourra pas rester le statu quo. On ne fermera pas, mais ça ne sera
pas le statu quo. Les messages ne sont, un, jamais clairs; deux, ils n'ont
aucun problème à se contredire d'une journée à l'autre. Et ça a été fait, effectivement,
la journée que nous avons annoncé qu'on allait tenir la manifestation, qu'on
était regroupés avec les groupes communautaires et l'ensemble de la population.
Pour moi, c'était carrément une façon de démobiliser la population parce qu'ils
ont vu, comme partout, que les gens signaient beaucoup la pétition. C'est une
façon de démobiliser, à mon humble avis.
M. Caron (Régys) : Mais
quand a-t-on annoncé le déplacement de ces huit lits? Est-ce que c'est après le
5 octobre ou avant?
Mme Laurent (Régine) : Non, c'était
avant.
M. Caron (Régys) : C'était
avant?
Mme Laurent (Régine) : C'était
avant.
M. Caron (Régys) : Bon,
et là on annonce le maintien de l'unité de santé mentale, mais on déplace huit
lits quand même, c'est ça?
Mme Laurent (Régine) :
Jusqu'à maintenant... Voyez-vous le problème? Quand ils ont vu qu'il y avait
une mobilisation citoyenne, ils ont dit : Bien, finalement, on réfléchit,
on ne va peut-être pas les déplacer, mais en même temps on va devoir souffrir parce
que le statu quo ne pourra pas être ça. Alors, qu'est-ce qu'il faut comprendre?
Si ce n'est pas le statu quo, donc il va y avoir un déplacement, il va y avoir
des fermetures. Après ça, ils nous ont lancé des chiffres : Bien, peut-être
que ça va être quatre lits qu'on va garder puis les quatre autres, bien, ils
vont servir à d'autres choses. Peut-être qu'on va mélanger la clientèle, c'est-à-dire
qu'il y a quatre lits en santé mentale qui vont demeurer et on va prendre des
patients qui étaient ailleurs en psychogériatrie et on va les amener là et
mélanger une clientèle. Nous, on a dit que c'est assez explosif de mélanger
cette clientèle-là.
Alors, ce n'est pas évident. Et le lieu où
on aurait pu, et nos représentantes et celles qui y travaillent auraient pu effectivement
poser un certain nombre de questions, faire valoir les droits des patients ou
les lacunes qu'il pouvait y avoir, bien, maintenant, c'est fermé. Il n'y en a
pas, de forum. Il n'y a pas de lieu pour nous écouter et pour qu'on soit
capables de questionner. C'est quoi, la démarche suivante pour être sûrs, puis
permettez-moi l'expression, qu'on n'échappera pas aucun patient, là? On ne le
sait pas.
M. Caron (Régys) : Mais il
y en a combien, de lits à l'unité de santé mentale?
Mme Laurent (Régine) : Il y
en a huit.
M. Caron (Régys) : Il y
en a huit?
Mme Laurent (Régine) : Oui.
M. Caron (Régys) : Et là
on vous a dit qu'on allait les déplacer, puis là on dit ici qu'on maintient
l'unité. Alors, c'est une chose et son contraire, là.
Mme Laurent (Régine) : Voilà.
M. Caron (Régys) : Mais
là qui doit-on croire là-dedans, Mme Laurent, Mme Lamarre?
Mme Laurent (Régine) : Ah,
moi, je souhaiterais que vous alliez demander au P.D.G. de l'Abitibi, finalement,
qu'est-ce qui va arriver et qu'il vous le mette par écrit. Parce que nous, on
demande des choses par écrit, on n'est pas capables de les avoir. Moi, je l'ai
entendu, et il a bien dit : On va souffrir. J'ai trouvé ça terrible. Il a
dit : On va devoir souffrir parce que le statu quo n'est pas acceptable.
Alors, moi, je dis…
M. Caron (Régys) : On a
donné quelle date pour le déplacement des lits, Mme Moore? C'est effectif
quand?
Mme Moore (Nancy) : C'était
sensé d'être effectif en octobre.
M. Caron (Régys) : On
est encore en octobre.
Mme Moore (Nancy) : Oui, mais
c'est ça, en octobre, mais là, vu qu'ils ont annoncé que ça allait justement
rester ouvert vu qu'on avait préparé une mobilisation, là on est encore dans le
néant, là.
M. Caron (Régys) : Donc,
ça serait une réaction à votre pétition, ça, ce communiqué-là?
Mme Moore (Nancy) : Oui, oui.
M. Caron (Régys) : Ah! bien,
c'est une bonne nouvelle pour vous.
Mme Moore (Nancy) : Bien oui.
On aime ça.
Mme Lamarre : Je voudrais
juste profiter de l'occasion pour vous dire que, depuis 2014, on a déposé
33 pétitions à la Commission santé et services sociaux, aucune d'entre
elles n'a été retenue. Alors, le modèle des pétitions, le gouvernement, actuellement,
s'en sert comme d'un instrument qui permet en fait de donner parole aux gens,
mais aucune, aucune des 33 pétitions, que ce soit celle sur le Commissaire
à la santé, sur le rapport du Protecteur du citoyen, sur les frais accessoires,
que j'ai déposées avec des dizaines de milliers de personnes, aucune de ces
pétitions n'a été retenue pour étude ou pour aller plus loin par la Commission
santé et services sociaux.
Cette commission, elle est constituée toujours
majoritairement de cinq députés libéraux, qui, systématiquement, ont dit non à
chacune des 33 pétitions que le peuple, que la population a signées sur
tous les sujets qui concernaient les enjeux de la santé. Alors, c'est pour ça
que déposer une pétition, c'est un geste fort. Pour moi, si j'étais au gouvernement,
je l'entendrais comme un cri, comme une alerte, comme une vigilance, comme un
besoin d'être entendu, mais le gouvernement actuel semble capable de
complètement mettre de côté ces signaux que la population lui envoie qu'elle
est en désaccord avec certaines de ses approches, avec certaines de ses
improvisations. Et on le voit, là, il y a de l'improvisation. Même le P.D.G. du
CISSS n'est pas capable d'avoir un scénario fini. Tout ce qu'on lui a dit,
c'est : Tu sors les huit lits, tu débarrasses, tu fermes ça. Écoutez,
c'est incroyable, là.
M. Caron (Régys) : On
les enverrait où, ces lits-là?
Mme Lamarre : Alors, on
pourrait les envoyer à Amos, semble-t-il, imaginez. Là, après ça, l'autre
solution, c'est on va mélanger la psychogériatrie, des patients qui ont une
maladie d'Alzheimer, qui peuvent faire de l'errance nocturne avec quatre
patients qui sont en situation de première ligne, ça veut dire des patients
schizophrènes qui sont décompensés. C'est ça, la solution? Alors, on ne peut
pas accepter ça. C'est une improvisation, une accumulation d'improvisations
partout, et il faut des gens qui sont courageux pour se lever, encore une fois,
puis parler au nom des patients puis des besoins d'un territoire, d'une région,
d'une population. Alors, moi, je félicite les gens qui ont eu le courage de
venir ce matin.
M. Caron (Régys) :
Quelle valeur accordez-vous à ça?
Mme Laurent (Régine) : Moi,
je peux répondre parce que je ne peux pas subir de contrecoups comme les gens
qui y travaillent. C'est une manoeuvre pour essayer de diminuer la mobilisation
citoyenne. Pour moi, c'est clair. Pour moi, c'est aussi une démonstration de
plus qu'on n'est pas capables d'avoir la vérité. Qu'est-ce qui va arriver? Quel
est le plan réel? Maintenant, on parle de santé mentale, mais, de façon
générale, c'est quoi, le plan? Pourquoi est-ce que maintenant on refuse ce
forum pour entendre les citoyens, pour entendre les professionnels en soins? C'est
non.
Nous comme organisation syndicale de
professionnels en soins, on va tenir ce forum-là au mois de novembre pour
écouter la population. Cette omerta qu'il y a dans le réseau de santé, bien, il
l'a aussi en Abitibi. Moi, ça m'horripile. Pourquoi est-ce qu'on fait des
demandes d'accès à l'information, on demande de l'information, on demande des
chiffres, on demande des plans et on nous dit : Non, on ne vous les
donnera pas? Pourtant, ce sont les taxes et les impôts de l'ensemble du Québec
qui financent, y compris dans l'Abitibi. J'ai le droit de savoir qu'est-ce qui
va arriver à mes patients, comment l'argent va être dépensé. On me nie ce
droit-là, qui est le minimum, d'avoir de l'information.
M. Caron (Régys) : Alors,
vous ne croyez pas à ça.
Mme Laurent (Régine) : Ah!
absolument pas. Absolument pas. C'est une manoeuvre, on l'a vu, c'est gros, là.
M. Caron (Régys) : C'est
une tromperie?
Mme Laurent (Régine) : C'est
gros, vraiment.
Mme Fletcher (Raquel) :
Mme Laurent, est-ce que vous parlez anglais?
Mme Laurent (Régine) : Pas
assez. Je vous fais grâce de m'entendre en anglais.
Mme Fletcher (Raquel) : O.K.
Bien, j'ai une autre question, mais je vais la poser en français. Puis ce matin
l'association des psychologues du Canada ont dit qu'il y a une grave crise en
santé mentale au Canada. Et ça, c'est un enjeu que les ministres de santé ont
discuté à Toronto cette semaine. C'est quoi, le problème en général au Québec?
Et est-ce qu'il y a quelque chose que le Québec doit négocier avec le
gouvernement fédéral pas juste pour cette région, mais pour la province?
Mme Laurent (Régine) : Pour
la santé mentale, il faut revenir un peu en arrière. Il n'y a pas eu
d'investissements vraiment, réellement en santé mentale depuis des années.
Souvenons-nous qu'on a eu une première désinstitutionnalisation, une deuxième,
une troisième au fil des années. Et tout le monde est d'accord, effectivement,
que, plus les patients sont dans la communauté, mieux ils se portent. Sauf que
l'argent pour les prendre en charge dans la communauté n'a pas suivi, en tout
cas pas à la hauteur que ça devrait, ce qui fait que, regardez, en même temps la
courbe d'itinérance n'a fait qu'augmenter durant ces années-là plus on nous
parlait de désinstitutionnalisation.
Donc, c'est clair qu'en santé mentale c'est
du moyen et du long terme en termes de suivi. Si vous avez un bras cassé, je vous
mets un plâtre, dans quelques semaines le problème est réglé. Ce n'est pas ça
en santé mentale. Ce sont des années de suivi pour s'assurer que la personne va
demeurer stable. Ce n'est pas parce qu'il est stable pendant six mois, huit
mois que la personne ne va pas soudainement arrêter de prendre ses médicaments
et décompenser. Donc, l'investissement en santé mentale, ce n'est pas quelque
chose de spontané, il faut vraiment y aller sur du long terme.
Il y a des groupes communautaires qui ont
essayé et qui ont développé une expertise en santé mentale, qui ont essayé de
prendre la relève, mais c'est insuffisant, un, en termes de financement pour
eux, donc ils n'ont pas assez de monde pour être capables de prendre en charge
dans leurs communautés. Il y a eu des expériences où on a fait, par exemple,
des appartements supervisés, des choses comme ça, mais en même temps ça prend
du monde. On ne peut pas le dire appartement supervisé, mais il est supervisé
de 8 à 4. De 4 heures à minuit, la nuit, il se passe quoi? Ça prend des
gens pour être là, pour les accompagner. Quand ils se mettent à angoisser à
11 heures le soir, ça prend un intervenant sur place pour empêcher qu'ils
se mettent à tout casser, parce que, quand on intervient rapidement en santé
mentale, quand on intervient et qu'on est capables, avec les mêmes personnes, d'établir
un dialogue et une relation de confiance, qui est majeure en santé mentale, on
est capables de faire des grandes choses. Et on l'a déjà fait dans le passé au Québec,
on a cette expertise-là au Québec. Donc, pour ça, pour vous dire que oui, on a
besoin d'un investissement en santé mentale qui est important, mais c'est parce
qu'on ne l'a pas fait durant les dernières années qu'on est rendus là aussi, là.
Mme Fletcher (Raquel) :
Comment qualifier la gravité de la situation, d'après vous?
Mme Laurent (Régine) : Bien,
moi, quand il s'agit toujours des gens les plus vulnérables, comme disait Mme Lamarre,
ces gens-là, ce n'est pas eux autres qui vont être sur le trottoir, être
capables de manifester, ils ont déjà assez de problèmes avec eux-mêmes, donc, je
pense qu'il y a une obligation pour le ministre et le gouvernement de prendre
soin aussi de ces gens-là, qui sont parmi les plus vulnérables. C'est là où j'en
suis, moi, comme professionnelle en soins. Merci beaucoup.
(Fin à 9 h 59)