(Quatorze heures cinquante minutes)
M. Khadir
:
Bonjour, tout le monde. Content de vous retrouver tous en ce 2017 à l'Assemblée
nationale. Je suis ici cette semaine pour demander au gouvernement, à la commission
sur les transports la tenue d'une commission parlementaire en bonne et due
forme pour élargir le débat public sur le réseau, le REM de la Caisse de dépôt
et placement du Québec, ce qui devait être un réseau de transport en commun,
mais qui est en fait un projet d'infrastructure excessivement lourde, qui
suscite énormément de questions quant à sa rentabilité, quant à sa
compatibilité avec les règles de développement durable. On a vu le rapport du
BAPE, mais il y a aussi toute une analyse très fouillée effectuée par des
citoyens engagés dans divers milieux de protection de territoire et aussi des
milieux favorables au transport public.
Parce que, vous le savez, Québec
solidaire, plus que n'importe quel parti au Québec, est favorable au
déploiement du plus vaste réseau de transport public et, souhaitons-le,
électrifié au Québec, mais il faut que ça soit un réseau de transport intégré
et qui respecte les principes de développement durable. Et il n'y aura pas de
développement durable si le projet est mal fait, comme ça a été le cas avec le
train des promoteurs dans l'Est, qui a déjà d'énormes difficultés parce que c'est
mal intégré au réseau de transport public de Montréal. Or, en voici un autre
qui, en plus, a de lourdes conséquences en termes de gaz à effet de serre et
d'empreinte environnementale par l'infrastructure en béton très lourde, ce qui
fait poser beaucoup de questions.
Alors, mon équipe, notre équipe, cette
semaine même, va écrire à la Commission des transports pour demander qu'on ait
une commission en bonne et due forme pour ouvrir le débat et discuter de ce
projet, malheureusement, qui échappe à tous les contrôles, hein, comme vous le
savez, qui échappe aux règles sur l'attribution des contrats qu'on s'est
données, qui échappe, au départ, du simple fait qu'une des constatations les
plus importantes de la commission Charbonneau et ses recommandations, c'est que
ce genre de projets là soient faits à l'interne. Or, voici que le même
gouvernement qui a occasionné la terrible enquête de la commission Charbonneau
sur les pratiques inadmissibles pendant des années au ministère des Transports
ne respecte pas une recommandation qui vient de la commission Charbonneau sur
le transport, pour dire : Les contrats, les infrastructures doivent se
mener, se faire à l'interne. Et le projet de la caisse va échapper à ça, le
projet de la caisse va échapper aux règles qui régissent la protection des
lanceurs d'alerte. Bref, il y a tout plein de problèmes, sans oublier le fait
que c'est d'énormes contrats qui vont être donnés à des entreprises amies du
pouvoir, à la famille Bombardier pour l'infrastructure — c'est du
béton, hein? — alors que beaucoup de gens se disent :
L'infrastructure aurait pu être choisie autrement; des contrats qui vont être
donnés à des firmes d'ingénieurs qui sont très proches de M. Fournier et
de M. Couillard, je pense à SNC-Lavalin, encore une fois. Bref, nous voulons
y voir clair.
Deuxièmement, les frais accessoires.
J'espère qu'aujourd'hui les journalistes et le public ne se laisseront pas
duper par les prétentions du ministre Barrette, qui est en fait le pyromane
qui, aujourd'hui, veut se présenter comme pompier. Il ne faut pas oublier que
ce qu'il dénonce aujourd'hui, c'est des pratiques que lui-même... c'est un flou
dans la loi et dans les règles que lui-même a négociées pendant des années avec
qui, vous pensez? Avec nul autre que Philippe Couillard, un autre médecin à
100 000 $ du gouvernement Charest, qui aujourd'hui est premier
ministre du Québec.
Ces deux-là portent une lourde
responsabilité sur les millions de dollars en frais supplémentaires qui ont été
payés par des patients, qui se sont endettés parfois pour pouvoir obtenir des
soins en temps utile, dont les principaux responsables sont Philippe Couillard
et Gaétan Barrette, qui, aujourd'hui, s'en lavent les mains et se présentent
comme les sauveurs de ce système ou les correcteurs de ce problème.
Et je salue la Coalition Solidarité Santé,
qui représente des travailleurs de la santé. Je salue la Clinique communautaire
de Pointe-Saint-Charles, qui a fait une enquête voilà déjà un an et demi sur
les frais accessoires. Je salue les défenseurs des patients comme Me Ménard.
Je salue les Médecins québécois pour le régime public, qui, avec Québec
solidaire, depuis des années, dénoncent l'inéquité, dénoncent le grave problème
d'inéquité que représentent les frais accessoires, sans parler du fait qu'en
contournant les règles canadiennes de la santé, des médecins ont été entraînés
par des gens comme Gaétan Barrette à abuser de la confiance du public, et à
s'enrichir, et faire des profits au détriment des malades du Québec.
M. Vigneault (Nicolas) :
M. Khadir, justement, concernant les frais accessoires, est-ce que vous
êtes aussi un peu d'accord avec certains qui disent que, dans l'enveloppe
actuelle, les médecins spécialistes, il y a suffisamment d'argent pour absorber
tous ces frais-là?
M. Khadir
: Je
vais revenir là-dessus. J'ai oublié de saluer un autre bureau d'avocats qui a mené
une charge contre la RAMQ sur les frais accessoires, c'est le bureau de Me Verbauwhede,
Cory Verbauwhede, qui avait mené la RAMQ... et ont gagné en cour sur les frais
accessoires dans les cliniques d'ophtalmologie. Donc, c'est la bataille qu'ont
menée des groupes populaires et des avocats consciencieux au service des
patients qui font en sorte que le gouvernement est obligé de reculer.
Oui, moi, je suis d'accord. Les médecins,
d'abord, nous sommes très, très grassement payés, les spécialistes en
particulier. C'est une augmentation de près de 50 % de notre rémunération.
Au Québec, nous sommes payés huit fois plus que la moyenne du salaire moyen en société;
en Grande-Bretagne, ça ne dépasse pas quatre; en France, ça ne dépasse pas
trois. On a même dépassé, si on comptabilise ou enfin si on tient compte de la
différence du coût de vie, de 11 % la rémunération des médecins ontariens,
qui étaient les mieux payés. Donc, d'abord il faut rectifier ça.
Deuxièmement, déjà, les frais à l'acte, le
paiement à l'acte — si je ne l'ai pas répété 1000 fois, je ne
vous l'ai pas dit une fois — déjà, dans les ententes, depuis des
années, négociées par les mêmes Barrette et Couillard de ce monde, il y a un
surcoût de 30 %, parfois jusqu'à 60 % dans chaque acte, dans les
cabinets privés pour tenir, justement, des frais occasionnés par l'exercice en
cabinet privé.
Autrement dit, le même médecin qui fait un
acte dans une clinique externe d'hôpital ou dans un CHSLD est payé un certain
montant, ce montant-là est majoré de 40 % lorsque le même médecin fait exactement
le même acte dans un cabinet privé. Alors, déjà, 30 %, là, c'est beaucoup
sur un volume de milliers d'actes par année. Donc, il y a déjà... Moi, je
l'avais déjà calculé, là, c'est tout près de 100 000 $ par médecin
comme coûts supplémentaires qui sont payés à chaque année pour l'opération des
cabinets privés.
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que le Dr Barrette, dans ce compte-là, a raison de vouloir serrer la
vis?
M. Khadir
: Bien,
le Dr Barette a raison pourquoi? Parce que c'est lui qui a négocié ces
avantages et ces extravagances qu'on a donnés pendant des années aux médecins.
C'est celui qui a mis le feu, alors, mieux que quiconque, le pyromane, celui
qui a mis le feu, il sait d'où part le feu et il sait l'éteindre. Sauf que
c'est lui et son premier ministre qui sont responsables de cet état lamentable
des choses, et donc depuis 15 ans que ces pratiques-là ont cours et se
sont répandues. Les millions de dollars que les Québécois ont payés de trop,
là, c'est à Couillard et à Barrette qu'il faut que ces patients-là demandent
des comptes encore plus qu'aux médecins qui les ont facturés.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Dans Gouin, pour succéder à Mme David...
M. Khadir
: Juste
pour clore sur ce sujet de frais accessoires...
Une voix
: ...
M. Khadir
: Everything is fine for you? OK.
Mme Plante
(Caroline) : On va passer après.
M. Khadir
:
D'accord.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Est-ce que Québec solidaire veut absolument présenter son propre candidat ou il
y a une ouverture pour un candidat qui pourrait faire l'affaire du Parti
québécois et de Québec solidaire?
M. Khadir
: Bien,
je pense qu'il faut vraiment, absolument dégonfler une balloune ou, enfin, se
débarrasser d'une confusion qui peut être entretenue sur ce sujet-là. Les
personnes les plus enthousiastes pour des formules d'entente électorale ne
prévoient pas ce genre d'entente pour des comtés où c'est deux partis indépendantistes
qui sont des rivaux parce qu'après tout, l'idée, c'est de sortir les comtés de
la main des fédéralistes, entre guillemets, pour ceux pour qui c'est le projet
indépendantiste, et il en va de même pour la question du progrès social ou de
l'austérité.
Donc, la question de céder la place ne se
pose ni pour Gouin, ni pour Mercier, ni pour aucun comté dans lequel les deux
premiers en lice, les deux qui sont susceptibles, qui sont les plus susceptibles
de remporter le comté sont des indépendantistes ou des progressistes, etc.
Donc, j'invite tous ceux qui pensent à ça, que ça soit M. Lisée, que ça
soit les membres du PQ, de réfléchir à mieux que ça, là, et ils sont libres de
présenter un candidat. Et je pense que les citoyens de Gouin méritent d'avoir,
je dirais, la variété la plus grande et le choix démocratique le plus complet.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Si je vous comprends bien, il n'est pas question d'arrangement ou d'alliance
dans un comté qui est déjà gagné, ou assuré pratiquement, ou représenté par un
parti souverainiste?
M. Khadir
: Oui,
parce que ça serait inutile. C'est tout à fait superflu.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, vous vous attendez à ce que le Parti québécois ne présente pas de
candidat? C'est ce que je comprends.
M. Khadir
: Non.
Je me suis fait mal comprendre. Non, je m'attends à ce que le PQ présente un
candidat. Ce que je suis en train de dire, si on s'écoute bien, c'est que les
citoyens de Gouin méritent d'avoir le choix le plus complet sur le plan
démocratique, d'accord?
M. Croteau (Martin) :
Mais est-ce que vous…
M. Khadir
:
Alors, à quoi ça sert que l'un se retire en faveur de l'autre? Ce comté-là,
vraisemblablement, va être entre les mains d'un souverainiste, alors aussi bien
montrer aux gens de ne pas brouiller les cartes quant à la lecture d'où s'en va
le peuple québécois dans ses choix. Si l'un ou l'autre se retire, tu sais, on
ne le sait pas parce qu'il y a des gens qui vont voter… qui n'auront pas le
choix de voter pour leur meilleur choix.
Et je ne dis pas que c'est mon premier
choix, mais ceux qui sont favorables à ce que l'un ou l'autre du PQ, d'Option
nationale, de Québec solidaire ou les verts se retirent en faveur d'un autre,
c'est… Quand on veut sortir un comté des mains d'un parti de droite, d'un parti
fédéraliste, d'un parti... je ne sais plus trop, là, bon, c'est dans ce genre
de calcul là. Alors, quand il s'agit d'un comté souverainiste, ça ne sert
strictement à rien. Donc, si on se comprend bien, le PQ est le plus que
bienvenue de présenter un candidat ou une…
Mme Lajoie (Geneviève) :
Puis vous, vous allez présenter votre candidat?
M. Khadir
: Bien
sûr, bien sûr.
M. Croteau (Martin) :
Vous vous trouvez à restreindre de manière importante une éventuelle alliance
avec le Parti québécois. C'est-à-dire, vous restreignez ça aux seules
circonscriptions où le cumul des votes de QS et du PQ pourrait peut-être
surpasser celui d'un autre parti?
M. Khadir
: Merci
d'avoir utilisé le terme «alliance», ce qui me permet de rectifier une autre
confusion. Je le dis aujourd'hui, je réitère quelque chose qu'on a dit depuis
toujours : Il n'y aura jamais, au grand jamais une alliance politique
entre le Parti québécois, qui est un parti d'austérité, qui est un parti qui a
appliqué des politiques néolibérales depuis au moins 1996, hein, le sommet socioéconomique
de M. Bouchard… Il n'y aura jamais, jamais, jamais d'alliance politique.
Le «jamais», je l'ai répété trois fois.
Il peut y avoir, suivant certaines
formules proposées, des ententes, des pactes. Ceux qui le proposent, là, qui
réfléchissent parlent de pacte, par exemple, de non-agression. Je le résumerais
en langage de ruelle du Plateau : Achale-moi pas, je ne t'achalerai pas,
d'accord? Achale-moi pas, je ne t'achalerai pas, mais je n'irai pas dîner à
soir et je ne t'enfilerai pas une bague, comme certaines caricatures, avec toi
devant le curé, comprenez-vous? L'alliance, les bagues d'alliance, ça, ça
n'existera pas entre Québec solidaire... parce qu'on est deux partis
différents. Nous, on n'est pas sur la scène politique pour gouverner comme le
PQ a gouverné pendant des années, pour accepter les accords de libre-échange,
le déficit zéro sur le dos des travailleurs, sur le dos des services publics,
l'impossibilité de réformer la loi des mines, le bar ouvert pour les
entreprises pour pratiquer l'évitement et l'évasion fiscale, on n'acceptera pas
ça.
M. Croteau (Martin) : On
parle ici, donc, d'ententes à la pièce qui seraient négociées, là, d'une circonscription
à l'autre. On ne parle pas ici d'une espèce d'entente plus large, là, avec le Parti
québécois.
M. Khadir
: On a
un comité qui a été formé à la suite de notre dernier conseil national pour, justement,
un chantier de réflexion pour sonder nos membres, s'ils sont prêts, de
considérer, d'envisager ce genre d'ententes qui seraient à la pièce. C'est-à-dire
que, si jamais il y a quelque chose, ça pourrait être des ententes limitées de
non-agression, d'accord, de non-concurrence, ce qui n'est pas une alliance. Je
vous remercie de m'avoir posé la question. Il n'y aura jamais d'alliance politique,
jamais, mettons, gouvernementale, etc., entre Québec solidaire et le PQ. Il
faut vraiment que le PQ change fondamentalement, ce qui n'est pas dans les
cartons du PQ.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, le Parti québécois, s'il voulait, par exemple, former le prochain gouvernement
avec Québec solidaire, c'est impossible?
M. Khadir
: Pas dans
les termes actuels du débat. Ils ne veulent même pas faire l'indépendance.
M. Croteau (Martin) :
Une question sur un autre sujet avant de passer en anglais, question d'évacuer
le sujet.
La Modératrice
: Oui,
vas-y.
M. Croteau (Martin) : Je
suis curieux de vous entendre sur l'émission de Nathalie Normandeau. Au mois
d'août, Philippe Couillard avait ordonné à ses députés de boycotter le micro de
Mme Normandeau. Jean Charest a donné une entrevue à Mme Normandeau
hier. Qu'en pensez-vous? Y voyez-vous une forme de défi à l'égard du premier
ministre?
M. Khadir
: Jean
Charest, c'est le minimum qu'il doit à sa vice-présidente. Jean Charest est le
suspect numéro un de la corruption politique et de la commission Charbonneau,
de l'enquête de la commission Charbonneau, d'accord? C'est le suspect numéro
un, comme Sarkozy a été le suspect numéro un du financement illégal obtenu
de la Libye, d'accord? Jean Charest a une grande responsabilité dans toute
l'histoire de la corruption, mais la seule qui en a pâti parmi les ministres à
100 000 $, dont Jean-Marc Fournier en est un, dont Philippe Couillard
en est un, la seule qui en a pâti, c'est Mme Normandeau.
Alors, ces gens-là n'appartiennent pas à
mon courant. Je n'ai aucune, comment je pourrais dire, aucune pitié pour des
gens qui ont détourné des centaines de millions de dollars de contrats publics
pour graisser la patte d'entreprises qui les ont financés. Mais, dans leur
cadre, j'estime que M. Charest devait au moins ça à Nathalie Normandeau.
Ce qui est une lâcheté, c'est la lâcheté
du premier ministre actuel, Philippe Couillard, qui n'est pas capable de
reconnaître que Nathalie Normandeau n'a fait rien de pire que lui-même.
Nathalie Normandeau a obéi à Jean Charest, ramassé 100 000 $ en
retour de quoi le gouvernement a octroyé des contrats. Elle n'a rien fait de
pire que Philippe Couillard ou Jean-Marc Fournier eux-mêmes ou d'autres
ministres qui sont actuellement là, sauf que lui n'a pas le courage qu'a Jean
Charest d'aller saluer et donner une tape dans le dos de son amie.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Mais est-ce que c'est dire, donc, que tous ces gens, M. Couillard, M. Fournier,
tous ces ministres à 100 000 $ devraient aussi être accusés comme Mme Normandeau?
M. Khadir
:
J'espère bien. Sauf que, vous savez, nos mécanismes, nos mécanismes d'enquête
et de poursuite sont frappés par toutes sortes de problèmes systémiques :
le faible financement, le fait que la direction des poursuites criminelles
semble répondre à des commandes politiques, la Sûreté du Québec semble répondre
à des commandes politiques, et on en est là. Après des années, personne au
sommet n'a été ennuyé, et le suspect numéro un, Jean Charest, qui était à la
commande de l'État au moment où toutes ces choses-là passaient... Et il est
clair aujourd'hui, si on relit attentivement le rapport de la commission
Charbonneau, que le gouvernement a une lourde responsabilité. Bien, quand le
principal suspect n'est pas ennuyé par la poursuite criminelle, comment
voulez-vous que ça avance pour les autres?
M. Vigneault (Nicolas) :
M. Khadir, sur les Canada Papers notamment, il y a un reportage de nos
collègues, là, qui dit que le Canada est aussi, en quelque sorte, un paradis
fiscal par ses mesures, par la façon de fonctionner, et tout ça. Il y a des
compagnies qui sont établies ici pour cacher aussi de l'argent.
M. Khadir
: Bien,
je veux vraiment saluer et rendre hommage au travail que font vos collègues,
que ça soit dans les différents groupes de médias, le vôtre et d'autres, parce
que je pense que c'est un travail nécessaire et utile qui est en train d'être
fait. Vous savez que Québec solidaire, ça fait longtemps, et on ne se gêne pas
de dénoncer ces pratiques. Rappelons-nous que, dès l'époque où on a parlé même
de la situation dans les mines, moi, j'ai dénoncé, et M. Parizeau l'a
confirmé à l'époque en réaction à mes propos, sur un des premiers éléments qui
permet ça, c'est-à-dire le «transfer pricing». Et, pour le «transfer pricing»,
pour que des organisations commerciales à travers le monde, des entreprises
puissent pratiquer le «transfer pricing», qui est une des méthodes les plus
répandues d'évitement et d'évasion fiscale, il faut inscrire des entités dans
différentes juridictions à travers le monde. Et là on apprend que des malins se
sont aperçus que le Canada, il a une bonne réputation, n'ayant jamais apparu
dans les radars comme principal... comme, enfin, un endroit de paradis fiscal,
comme un paradis fiscal, bien, ils ont utilisé Montréal et le Canada comme voie
de passage pour inscrire leur entreprise.
Mais je rappellerais à nos auditeurs que,
bien que le Canada ait échappé au radar, Alain Deneault, depuis de nombreuses
années, a démontré que le Canada est quand même un paradis juridique, un
paradis réglementaire pour les entreprises minières, qui pratiquent largement.
Et ça, ce n'est pas juste Alain Deneault qui le dit, il y a un rapport du
Congrès américain, en 2009, qui démontre que les secteurs extractivistes, que
ça soit le pétrole ou les mines, sont les principaux secteurs qui utilisent le
«transfer pricing» et des méthodes d'évitement fiscal agressif qui reviennent à
de l'évasion fiscale, suivant les définitions propres au Québec.
M. Vigneault (Nicolas) :
Et ça, c'est inquiétant?
M. Khadir
: C'est
très inquiétant parce que ça veut dire que les entreprises minières du Québec
sont parmi ceux-là. Pendant qu'on est en train de parler de ces firmes qui sont
inscrites puis qu'on s'en désole, les entreprises minières du Québec, les
ArcelorMittal de ce monde ne s'en cachent même pas, ils ont tous une division
au Luxembourg qui s'occupe du «transfer pricing». Et le «transfer pricing» est
le mécanisme comptable avec lequel ces entreprises-là échappent le plus
systématiquement à l'impôt. 9 milliards de dollars, mon cher ami, qui sont
prélevés au cours des cinq, six dernières années en moyenne de notre sous-sol,
9 milliards. Donc, vous comprenez, si les entreprises minières trouvent
des moyens d'échapper à l'impôt, les sommes astronomiques de redevances et de
profits qui échappent aux Québécois.
Mme Lajoie (Geneviève) : Peut-être
juste une dernière question, excusez-moi.
M. Khadir
: Vous
êtes revenue sur la source inépuisable que constitue Gouin? Une mine de
questions.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Non, non, mais je voudrais vous entendre sur les premiers gestes de
Donald Trump comme président américain.
M. Khadir
: Oh! tellement
de choses ont été dites que je me trouve dans la situation déplorable d'avoir
l'impression de faire de la redite. Mais une chose est certaine, c'est que, si
on ne trouve pas des solutions raisonnables au diagnostic fort juste que pose
Donald Trump, hein... Vous savez, même le plus manipulateur et le plus
menteur des politiciens, comme peut l'être Donald Trump, doit quand même
appuyer une partie de son initiative politique sur des constats de ce qui fait
mal aux gens, du désarroi du peuple. Et il est vrai que les États-Unis et le
Canada, pas tout le monde, les travailleurs des États-Unis et les travailleurs
canadiens ont été durement touchés par les accords de libre-échange.
Ce que ne dit pas Donald Trump, par
exemple, l'autre mensonge, c'est que ce n'est pas les Canadiens qui sont les
ennemis des travailleurs américains, ce n'est pas les travailleurs canadiens,
ce n'est pas les travailleurs mexicains, c'est les entreprises qui, durant
toutes ces années, ont profité de ces accords pour échapper à leurs responsabilités
fiscales, pour échapper à la nécessité d'avoir une politique sociale qui
soutienne l'emploi et l'activité économique locale. Donc, pour nous... Vous
savez de quel camp je viens, moi, j'ai même déjà été arrêté, hein, en 2003 dans
les contestations de ces accords de libre-échange à Montréal même parce qu'on a
dénoncé ces accords, disant déjà il y a une vingtaine d'années que, pour nos
économies ce n'est pas bon. C'est bon pour les multinationales, c'est bon pour
les grandes entreprises, mais ce n'est pas bon pour les travailleurs et les
travailleuses.
Donc, ce que nous proposons, au lieu du
«free trade», là, qui fait l'affaire des multinationales et des grandes
compagnies, nous, on propose le «fair trade», un commerce et des échanges
équitables. Et, dans des échanges équitables, les gouvernements s'assoient et
regardent, justement, les conséquences sur la pérennité des économies, sur les
emplois et prévoient, à long terme, des transitions. Tout ça ne se fait pas
juste au bénéfice des grandes corporations qui délogent des emplois pour aller
chercher des marges bénéficiaires plus importantes.
Donc, je dirais que c'est malheureux, et,
un peu comme notre pyromane-pompier ici, là, Gaétan Barrette, bien, Trump,
c'est un autre pyromane-pompier. Lui, il sait très bien, ayant bénéficié de tout
ça, à quel point l'accord de libre-échange nuit à l'économie américaine et aux
travailleurs américains, aux travailleurs surtout américains. Mais moi, j'ai
bien peur que les solutions qu'il propose vont plutôt tuer le malade que de le
sauver.
M. Croteau (Martin) :
Juste une précision, je fais suite à ma... Est-ce que vous vous attendez à ce
que la relance du projet Keystone aux États-Unis... Quel impact vous vous
attendez à ce que ça aille sur le débat sur Énergie Est? Et comment vous
attendez-vous à ce que le gouvernement du Québec réagisse à la relance de
Keystone?
M. Khadir
: C'est sûr
que nous pourrions être tentés par des propositions, je dirais, qui manquent un
peu de solidarité, mais qui sont quand même très justes de M. Coderre, de
dire : Bien là, il n'y a aucune raison, là, de continuer le projet
TransCanada, sans parler de tous les scandales qui accompagnent TransCanada, et
je vous en ai déjà parlé. Mais nous, nous sommes favorables à une solidarité
continentale entre tous les acteurs, entre les communautés autochtones de
l'Ouest canadien, les écologistes américains et les communautés autochtones
américaines et nous, tout le mouvement Coule pas chez nous au Québec,
pour amener les décideurs publics à abandonner les projets destructeurs de la
planète que sont les projets de sables bitumineux, parce qu'on ne sera pas plus
avancés au Québec si des milliards de barils de pétrole de sables bitumineux
sont encore extraits parce que l'impact planétaire sur le changement climatique
va être aussi dévastateur pour nous que ça coule à travers Keystone ou ça coule
à travers TransCanada.
Donc, on est cohérents, et j'invite M. Coderre
à élever son débat, à demander non seulement l'arrêt du projet TransCanada,
mais à joindre sa voix à tous les autres pour demander à ce qu'on sorte les
sables bitumineux de l'équation de la prospérité canadienne.
Mme Plante
(Caroline) : Mr. Khadir, do you...
M. Khadir
: Yes, my dear. I love so much to be able to use my
English and to answer to...
Mme Plante (Caroline) : Do you think that Mr. Barrette should meet with Jean Coutu?
M. Khadir
: I have very good relations
with François Jean Coutu and I acknowledge the fact that the Coutu family has
been among those, I would say, of the Québec Inc. and the Québec
bourgeoisie or the Québec
elites that have had the most respectful attitude globally, but I want to
remind them that, for now 20 years, Quebeckers have spent too much on drug prices. We have been trapped by wrong
policies to be among the places in the world where we were paying the highest
prices. That represents now, over 20 years, several billions of dollars of our
money that has been spent in pure loss. We have demonstrated that since 2006. And
you know that last year the actual Government was forced to recognize that there is a need to curb down these
prices. So, I would suggest that the best thing that the Coutu family... is to
recognize that, for years, they have profited from a situation where they were
unduly privileged — not
because of them, but because of wrong choices of the Government — and to accept also the fact that the Québec people like them and they have a better fate in doing business here
than anywhere else around the world.
Mme Plante (Caroline) : They have reason to be concerned about Law 81 and shortages of
supply, etc.?
M. Khadir
: No. And I would advise them
not to bend into these specters — les
spectres qu'on fait, hein? — these... j'ai même oublié le terme en
français... les épouvantails. Comment on dit, en
anglais, «épouvantail»?
Mme Plante
(Caroline) :Ça m'échappe. A scare... scarecrows ou... Non. Oui, «scarecrows».
M. Khadir
: Je n'ai pas compris. Scare...
Mme Plante
(Caroline) : Scarecrows.
M. Khadir
: ...crows. Yes. So, I suggest to
them not to bend into these types of tactics to... that some big industry uses,
not necessarily Jean Coutu. And I ensure you that, in New Zealand, when they
have done much better and much stronger than here to curb down the drug prices,
there have been no shortages, not any shortages more than here with our
policies. You know, with existing policies, we have had shortages because too
much depends on private initiative now. So, I recommend to Jean Coutu and all
those Quebeckers who have
feelings and respect for the public interest to accompany
us in demanding to the Government to have even more stronger policies in curbing down the drug prices, not to
disadvantage Jean Coutu, but to stop paying a big bill to multinational drug
companies.
Mme Plante (Caroline) :
Just to go back to my first question, should Dr. Barrette make the
effort to meet with the Coutus?
M. Khadir
: It depends to them. You know, it brings back the question : What is the role of money in
access to power? If we criticize the fact that paying high prices to assist to
a cocktail is unjust and unfair to have access to the lawyers… You know, there
are commissions here, they have
had the opportunity to come and represent their idea. Why should they have
ability… access to the Minister and not all those
patients that, for years, have paid «frais accessoires»… how do you… accessory
fees…
Mme Plante (Caroline) : User fees.
M. Khadir
:
…user fees, or have paid high prices of drugs. I can even give a name :
Daniel Saint-Louis, one of my patients. Daniel Saint-Louis, M. Barrette, Daniel
Saint-Louis, one of my patients, has paid more than $250 each week for just
bandages for a necessary care that, medically, is necessary. That should be
covered by… So, why should… I don't know, that's up to him, but I know that,
with Liberals and Conservatives, if you're a big business, you have immediate
access to power.
Mme Plante (Caroline) : Last one for me, but can you reiterate, re-explain the advantages
of a Pharma-Québec, for example?
M. Khadir
:
Pharma-Québec has been inspired by an initiative in New Zealand that has
been copied by several other countries in the world. Pharma-Québec, essentially,
is that the Government negotiates in bulk the prices of drugs, not only for
generics but also for patented drugs. That has enabled New Zealand to curb
down the price for the Government by two-thirds. So, in Québec terms, that
could allow… if we do things as solidly and as energetically as New Zealand,
that could mean $2 billion of economy, of savings for the Québec tax
payers. But that's 10 years that I am saying that to the Liberal
Government, they didn't want to listen. Now, we're progressing a little bit. I
don't know of much of it we will obtain.
But there is something
else that Pharma-Québec has always recognized, that Pharma-Québec will be more
efficient if we have universal drug coverage, not two-thirds,
one private, one public, exactly because of the reasons that covering all the Quebeckers instead of covering just 3 million… but the whole 8 million, for one, you have part
of the «cotisations», the fees that they are paying to private insurances that
we pay to Government, and then the Government has a bigger leverage of negotiation
because it's negotiating for 8 million people instead of 3 million
and obtaining very good prices, as New Zealand.
Mme Plante (Caroline) : Yet, Mr. Barrette, this morning, said that Pharma-Québec would be
the worst thing, you know, that Québec could possibly do, much worse than
anything he's ever done.
M. Khadir
: Of course, because… No, but it's… Sure, because he
can't… as a right-wing politician, he can't recognize when a public… because he
is very keen in privatizing everything, you know. The reforms that he is
implementing, Optilab, all these concentrations and centralizations of decision
making and optimisation are all… or these changes, you know, the cuts in the
public sector and the superclinics, all these are pointing in the direction of
privatization. So, for somebody like him, he can't recognize the formidable
aspects of Pharma-Québec.
But he's saying that to
you today, but, when the previous chief executive officer of the New Zealand
Pharmac, which is the equivalent of Pharma-Québec, came here, in Québec, to
testify, he was just amazed and he was full of praise for the model. But, of
course, he can't recognize it because then he would have to recognize that his
Government has failed all those years in not answering to our proposals.
Mme Fletcher (Raquel) : You said that Québec specialists are graciously paid, they are paid
more than 8 % of the average salary.
M. Khadir
: Eight times. No, no, no, eight times the average
salary in Québec, OK?
Mme Fletcher (Raquel) : Eight times, OK.
M. Khadir
: OK, in Québec, we're paid, on average, eight times
the average salary of Québec citizens. In Great Britain, it's just four times
and, in France, it's not more than three times. So, we're among the best
well-paid professional doctors in the world, OK? We're even better paid than in
Ontario, where they have higher living costs. So, enough is enough. We are
largely paid, that's much to cover all those accessory costs that some greedy
physicians… And I remind you, they are really the minority. I want to remind
you : that minority controls FMOQ and FMSQ, because the vast majority of
physicians in Québec are not greedy and don't want anything about those «frais
accessoires».
Mme Fletcher (Raquel) : And where did you get those numbers from?
M. Khadir
: The recent study done by IRIS,
l'institut de recherche en socioéconomique, and it has shown that, compared to the average salaries practiced
in France, Great Britain and Québec, we are eight times the average salary.
Mme Fletcher (Raquel) :Would you be able to send me that study?
M. Khadir
: Of course. I will… sure.
Mme Fletcher (Raquel) : OK. Thank you. Thank you so much.
M. Khadir
: Merci bien.
(Fin à 14 h 25)