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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice

Version finale

Le vendredi 16 juin 2017, 14 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quatorze heures trente-six minutes)

Mme Hivon : Bonjour. Alors, écoutez, je pense qu'aujourd'hui avec l'adoption du projet de loi sur l'adoption... aujourd'hui, on a une preuve éclatante que la politique, que les lois et surtout que l'engagement de personnes combatives et déterminées, ça peut changer le monde, ça peut changer des vies humaines complètement.

Alors, aujourd'hui, je dois vous dire que je suis très émue parce que ce n'est pas tous les jours qu'on adopte des projets de loi qui ont autant d'impacts concrets sur la vie des gens personnellement. Et ça fait des années que ce projet de loi m'accompagne. J'ai indiqué, ce matin dans mon discours d'adoption, que lorsque j'étais une toute jeune attachée politique, à la fin des années 90, dans la première semaine comme attachée politique, j'avais eu un appel d'un M. André Desaulniers, qui était une personne adoptée et qui souhaitait qu'on puisse ouvrir pour qu'il puisse avoir accès à son identité, à ses renseignements. Et, bien sûr, depuis, vous le savez, il y a eu quatre projets de loi différents. Le Mouvement Retrouvailles, et ces femmes, et ces hommes-là, parce qu'il y a aussi beaucoup d'hommes qui se sont mobilisés, ont vraiment déplacé des montagnes, ont cogné à toutes les portes auxquelles ils pouvaient cogner pour faire entendre leur point de vue.

Alors, pour moi, aujourd'hui, c'est le triomphe du fait que, quand on est un citoyen engagé, on peut vraiment changer les choses. Et c'est aussi, je vous dirais, un grand message contre le cynisme et la désaffection à l'égard de la politique parce que les parlementaires aussi sont capables de travailler ensemble dans l'intérêt supérieur de la population, de gens directement concernés quand c'est vraiment important. On devrait le voir beaucoup plus souvent, mais aujourd'hui on l'a vu.

Et évidemment je vais vouloir revenir sur le fait qu'il y a à peu près un mois jour pour jour, on est le 16 juin, et, le 17 mai, j'étais ici, j'étais ici avec quelqu'un qui est très ému aujourd'hui — je pense que pas mal tout le monde est assez aujourd'hui — donc, j'étais ici avec Mme Binette, dont j'avais porté la voix en posant une question en Chambre à la ministre de la Justice, avec Mme Fortin, qui est la présidente du Mouvement Retrouvaille, avec Diane Poitras, qui se bat, depuis des années, comme toutes les personnes que vous voyez autour de moi aujourd'hui. Et, à partir du moment où le cri du coeur de ces femmes-là a été entendu par le gouvernement, par la ministre, par le leader du gouvernement, par le premier ministre, on a vu, en 24 heures, un changement d'orientation. On a vu que, même si on est dans l'opposition et qu'on est accompagnés de gens de coeur, comme ces personnes-là, on est capables, oui, de changer les choses. Et l'ordre de priorisation des projets de loi s'est trouvé complètement transformé, et tout de suite, une semaine après, on a commencé les travaux. On les a faits de manière archi-intensive : près de 50 heures de travaux en trois semaines.

Alors, ça a été un travail de grande collaboration, de très grande rigueur, parce qu'on s'est battu pour toutes les améliorations qu'on pouvait apporter à ce projet de loi là. Au début, je dois vous dire que certaines d'entre elles trouvaient qu'on y allait beaucoup dans le détail pour certains enjeux, mais c'est drôle parce que, quand ça les a concernées plus directement, là, elles étaient très contentes qu'on aille dans le détail. Donc, tout ça pour vous dire que c'était un apprentissage pour tout le monde de passer ces étapes-là avec beaucoup d'émotions, de voir... est-ce qu'on allait y arriver. Et puis on y est arrivé juste la veille, donc, de l'ajournement des travaux.

Donc, je veux remercier toutes ces personnes-là. Je veux dire un mot, évidemment, de reconnaissance à toutes les personnes des communautés autochtones qui sont aujourd'hui très, très heureuses parce que c'est un très grand pas qui va de l'avant pour elles avec la reconnaissance de l'adoption coutumière. Il y a de très grandes avancées aussi pour l'adoption interne, l'adoption internationale et la tutelle. Alors, comme je l'ai dit, c'est comme cinq projets de loi en un. C'est cinq petites révolutions dans notre droit de l'adoption en un, et on est accompagné de gens pour qui ça peut changer la vie, et je veux les remercier d'avoir mené un tel combat.

Puis je veux juste laisser... je sais qu'elles vous ont déjà parlé. Ça aurait simple de faire un point de presse conjoint, mais j'étais prise dans un autre point de presse. Donc, peut-être juste dire à Mme Binette... parce que c'est sa question qui a fait en sorte, en quelque sorte, avec toutes années, auparavant, de travail de tout le monde... Des fois, ça prend une petite étincelle, une petite goutte qui fait en sorte qu'on dirait que le gouvernement saisit l'urgence. Donc, peut-être juste lui dire comment elle se sent parce que moi, je veux la remercier ainsi que toutes les personnes et, bien sûr, Mme Fortin, qui porte ce dossier-là à bout de bras depuis des années, et tous ceux et celles qui l'ont porté au fil du temps. Je veux les remercier. Mais je voulais juste, peut-être, lui céder la parole. Je sais que vous entendu nos autres amis un peu plus tôt, puis... très brièvement.

Mme Binette (Carole) : Bien, Mme Hivon, c'est à moi de vous remercier de m'avoir donné cette chance-là. Mais ce que vous dites, c'est tellement vrai. Quand on s'implique en tant que citoyen, oui, on peut soulever des montagnes, oui, j'y crois, j'ai la preuve. Je ne m'attendais jamais, jamais, jamais, avec la question citoyenne, que c'était pour aller si loin. Et, quand on parle avec son coeur, qu'on y croit, puis quand on travaille aussi avec des gens comme le Mouvement retrouvailles depuis une trentaine d'années, je veux dire, qui croient à ça puis qui sont persévérant, bien, mon Dieu, aujourd'hui, on a la preuve, on a un résultat, puis c'est vrai que ça va changer notre vie. Ça a déjà changé, là, présentement. On est en train de changer, là, présentement.

Alors, je remercie énormément, Mme Hivon pour son humanité, pour son écoute, sa patience aussi. Elle a cru en nous. Et j'aimerais que tous les politiciens au Québec soient comme vous, Mme Hivon.

Mme Hivon : Ils vont penser que... non, ça va, ça va.

Mme Binette (Carole) : Vous n'avez pas payé pour ça. Non, mais, sérieusement, merci beaucoup, Mme Hivon!

Mme Hivon : Mais merci à vous. Puis je veux juste dire, en terminant, que, c'est ça, Mme Binette me disait... une journée, elle a décidé d'arrêter devant le bureau de sa députée. Elle ne pensait jamais que ça mènerait à ça. L'attaché politique de sa députée, Mme Lamarre, a appelé mon bureau. Tout de suite, on s'est parlé. On a dit : Auriez-vous une question? On pose une question, et voilà. Ça fait que, des fois, c'est un message très fort que, vous savez, on peut tous changer les choses. Alors, voilà.

M. Vigneault (Nicolas) : Comment vous avez vécu ce moment-là à l'Assemblée nationale tout à l'heure, Mme Hivon? Moi, j'ai posé la même question à Mme Vallée, on sentait qu'il y avait beaucoup d'émotion sur le parquet.

Mme Hivon : J'étais très émue parce que c'est littéralement un enjeu qui m'accompagne depuis mes premiers pas en politique active parce que j'ai travaillé sur le premier projet de loi dès 2009. C'était Mme Weil qui était ministre. Moi, j'étais déjà porte-parole de l'opposition en matière de justice. Et ensuite, quand on était au gouvernement, bien, avec mon collègue Bertrand St-Arnaud, moi, j'étais ministre des Services sociaux, donc, on avait monté le projet de loi ensemble parce qu'il y a les deux volets. Et là je me retrouve encore porte-parole de l'opposition pour finaliser le travail. Donc, beaucoup d'émotions aujourd'hui, beaucoup de fierté et de reconnaissance pour ces personnes-là qui se sont battu pour un changement social majeur. Moi, je crois beaucoup à la politique qui part du bas et qui va vers le haut. On en a un excellent exemple aujourd'hui, que, quand les gens sont prêts à se battre, on est capables, nous, d'être un relais beaucoup plus efficace de leurs préoccupations parce qu'on est accompagnés, il y a un consensus qui se dégage.

Alors, vraiment un très beau moment. Et de le vivre à la fin de la session, je trouve ça extraordinaire parce que ça nous laisse sur une très belle note de nous montrer ce que la politique peut avoir de plus beau parce que, des fois, on voit ce que la politique à de moins beau dans les débats très partisans. Alors, merci à vous de nous avoir fait vivre ça aussi aujourd'hui. Voilà.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Sur un autre sujet peut-être?

Mme Hivon : Oui.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Jordan?

Mme Hivon : Oui.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Là, bon, la ministre Vallée, là, elle...

Mme Hivon : Oui. Vous pouvez quitter, si vous voulez, parce que je ne veux pas vous imposer ça. C'est bon? Je vais aller vous retrouver.

Une voix : D'accord. Merci beaucoup, Mme Hivon.

Mme Lamontagne (Kathryne) : Donc, la Cour suprême, ce matin, avec l'arrêt Cody, qui réitère, en fait, l'arrêt Jordan. Bien, ça fait... vous nous dites depuis le début, là, la clause dérogatoire, bon, il n'est pas question, du côté du gouvernement, d'aller vers cette voie-là. Est-ce que ça vous inquiète?

Mme Hivon : Je suis très, très inquiète. C'était en quelque sorte le dernier espoir, je vous dirais, de voir un changement de cap, et donc c'était un espoir ultime de voir les choses pouvoir changer parce que les effets du jugement Jordan sont absolument dramatiques, en ce moment, là, sur ce qui se passe dans les tribunaux. Et on sait que, depuis des mois, ce que la ministre nous dit quand on lui demande l'utilisation de la clause dérogatoire, c'est que, ah! on s'attend à des nominations de juges de la part du gouvernement fédéral et, d'autre part, que le Procureur général du Québec va intervenir dans l'affaire Cody, devant la Cour suprême, qui pourrait revoir les règles, les assouplir.

Or, aujourd'hui, à la fin de la session, force est de constater que c'est un échec sur toute la ligne. Nous n'avons pas les 14 nominations de juges à la Cour supérieure qui sont jugées essentielles par l'ensemble de l'Assemblée nationale. Et nous n'avons pas, d'autre part, le moindre début du commencement d'un assouplissement pour l'application des règles de l'arrêt Jordan.

Donc, ce que ça veut dire concrètement, c'est qu'on peut s'attendre, malheureusement, comme ça a été le cas pendant les dernières semaines, qu'au cours de l'été, au cours des prochaines semaines, il puisse y avoir encore une fois des arrêts de procédure, des accusés libérés, des accusés de crimes très graves, comme on l'a vu : accusé de meurtre, accusé d'agressions sexuelles répétées, de fraude, de complot, de voie de fait. Ce sont tous des gens qui ont pu bénéficier d'un arrêt de procédure pas parce qu'il n'y avait pas de preuve suffisante, pas parce qu'ils n'étaient pas coupables, simplement par l'écoulement du temps parce que notre système de justice n'est pas capable d'absorber et parce qu'il y a cet arrêt-là qui est venu mettre des règles mathématiques.

Donc, je suis excessivement inquiète pour la suite des choses. Je suis surtout très, très préoccupée par le sort des victimes et le message qu'on envoie aux victimes, une fois de plus, le message qui est envoyé par le gouvernement aux victimes en refusant la seule chose responsable qui devrait être faite, c'est-à-dire le recours à la clause dérogatoire et, plus largement, au message à l'ensemble de la population, qui est en train de perdre confiance dans son système de justice. Et j'ai très peur que ça soit irrémédiable, et, dans une démocratie, c'est très grave. Merci beaucoup, bonne fin de journée.

(Fin à 14 h 47)

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