(Neuf heures)
Mme Guay (Monique) :
Alors, bonjour, mesdames messieurs. Je suis Monique Guay, directrice des communications
de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, bienvenue à ce point
de presse conjoint auquel participe la ministre de la Santé et des Services
sociaux, Mme Danielle McCann, le président du Collège des médecins du Québec,
Dr Mauril Gaudreault, ainsi que le président de l'Ordre des
infirmiers et infirmières du Québec, M. Luc Mathieu. Alors, dans l'ordre, vous
entendrez d'abord Dr Gaudreault, suivi par M. Mathieu, puis par la
ministre. La période de questions suivant les allocutions sera animée par
M. Alexandre Lahaie. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à
Dr Mauril Gaudreault.
M. Gaudreault (Mauril) :
Merci. Bonjour à tous et toutes. Je suis... c'est un honneur pour moi d'être
ici ce matin et un plaisir également.
Les infirmières praticiennes spécialisées
sont de nouvelles actrices importantes dans le réseau de la santé au Québec.
Leur déploiement se fait graduellement depuis plus de 10 ans à l'intérieur
d'un cadre législatif qui est celui de la Loi médicale et de ses règlements,
puisque leur rôle se situait jusqu'à maintenant entre celui du médecin et de
l'infirmière traditionnelle. Il est intéressant d'observer que, parallèlement
au modèle développé au Québec, les autres provinces canadiennes ont aussi
développé un modèle analogue. Toutefois, contrairement au Québec, ce modèle a
été implanté indépendamment des collèges des médecins par les ordres professionnels
des infirmières et infirmiers au moyen d'une législation qui leur est propre.
À ces réunions des 22 février et
26 avril derniers, le conseil d'administration du collègue, que j'ai le
plaisir de diriger, a discuté à nouveau des règlements encadrant l'exercice des
IPS, comme il l'a fait souvent depuis 10 ans. Après l'expérience acquise
au cours de ces dernières années, avec les commentaires reçus des médecins
partenaires des IPS, avec les commentaires reçus des IPS elles-mêmes, avec la
levée de l'obligation que le médecin confirme le diagnostic posé par l'IPS dans
les 30 jours suivants, et aussi avec tout le suivi effectué par les ordres
au cours de la dernière décennie, le conseil d'administration a fait le constat
que nous étions arrivés à la limite des possibilités que la Loi médicale peut
offrir comme véhicule législatif pour l'encadrement de l'exercice d'une
professionnelle relevant d'un autre ordre professionnel.
Voilà pourquoi, tout en réaffirmant la
volonté du collège de collaborer avec tous les professionnels de la santé pour
le bien du patient, c'est ce qui nous anime tous et toutes le plus, le collège
recommande au gouvernement du Québec que les IPS soient autorisées à exercer
des activités médicales à la hauteur de leurs compétences et de leurs
connaissances, en vertu d'une loi et de règlements, qu'elles ne soient plus
assujetties à la loi médicale.
Puisque tous les ordres professionnels
partagent la même mission de protection du public, c'est à l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec, et non au Collège des médecins du Québec,
d'assurer la compétence de ses membres et de protéger le public comme il le
fait déjà.
Vous savez, l'évolution des pratiques
professionnelles s'est toujours faite par étapes. En ce qui concerne les IPS,
le conseil d'administration du collège considère que nous devons en franchir
une nouvelle et que cette étape doit être assumée par le gouvernement, bien sûr,
par l'Office des professions et également par l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec.
Par ailleurs, nous sommes confiants et
persuadés que l'éventuel nouveau cadre législatif prévoira des mécanismes
d'examen de certification de fin de formation, d'inspection professionnelle et
de maintien des compétences analogues à ceux exigés des médecins pour des
activités similaires. Il est raisonnable de croire que la population s'attend à
la même rigueur.
Pour la suite des choses, le législateur
et les responsables du système professionnel pourront compter sur la
collaboration entière du collège. Ce sera un nouveau cadre législatif à
définir, le rôle, les activités médicales, les responsabilités et les
obligations des infirmières praticiennes spécialisées. Comme je l'ai dit
souvent, particulièrement au cours des six derniers mois, le Collège des
médecins n'a pas le monopole de la protection du public. Il doit partager cette
mission avec tous les autres professionnels.
Sachez que le collège demeure toujours
soucieux de la qualité offerte par ses membres, en collaboration avec les IPS
et les autres professionnels de la santé. Je vous rappelle que le code de
déontologie des médecins prévoit, à son article 112.1, que le médecin doit
collaborer avec les autres professionnels de la santé et les autres personnes
habilitées dans la prestation des soins de santé à un patient.
Et, je termine là-dessus, le collège offre
toute sa collaboration à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour
la mise en place de la pratique réussie des IPS, toutes spécialités confondues.
Le collège a pleinement confiance en la garantie et l'imputabilité propres au
système professionnel du Québec et mettra l'accent sur l'intensification de la
collaboration interprofessionnelle pour améliorer la sécurité, et la qualité et
l'accès des soins aux patients du Québec. Merci beaucoup.
M. Mathieu (Luc) :
Alors, bonjour. Alors, mesdames messieurs. C'est un grand jour pour la
profession infirmière, et surtout pour la population du Québec. Les infirmières
praticiennes spécialisées peuvent célébrer la reconnaissance de leur expertise.
Pour la population québécoise, c'est une solution infirmière leur offrant un
accès amélioré aux soins de santé. Les patients pourront ainsi rencontrer rapidement
le bon professionnel au bon moment.
Il m'importe avant tout de saluer la
décision du Collège des médecins du Québec, qui reconnaît aujourd'hui que les infirmières
praticiennes spécialisées ont les compétences requises, selon leur spécialité
respective, pour établir des diagnostics et déterminer le plan de traitement
requis. Nous sommes dans la continuité de l'ouverture démontrée à l'égard du
diagnostic en février dernier par le collège. Les IPS sont des professionnelles
en pratique avancée qui détiennent une maîtrise en sciences infirmières et un
diplôme de deuxième cycle qui comprend notamment 950 heures de stage. Par
ce geste, le Collège des médecins démontre toute la confiance qu'il leur porte.
La décision d'aujourd'hui signifie que les conditions et modalités seraient entièrement
définies par l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.
Même si les dispositifs législatifs et réglementaires
sont modifiés, les IPS continueront de travailler en collaboration avec leurs collègues
médecins et les autres professionnels de la santé. Pour l'OIIQ, le travail en collaboration
est fondamental pour assurer aux patients une offre de soins globale et
concertée. Il ne peut en être autrement. En 2019, une pratique solo n'est pas
une bonne pratique. Plus de responsabilités, plus d'autonomie ne veulent pas
dire travailler sans les autres. Nous de ceux qui croient avec conviction à la
collaboration interprofessionnelle. Disons que cette décision du Collège des
médecins contribuera sans aucun doute à l'amélioration de la collaboration
professionnelle en reconnaissant la contribution de chacun. Sur le plan
législatif et réglementaire, cela implique que nous aurons à travailler dès demain
afin de concrétiser cette décision par la mise en oeuvre des mécanismes législatifs
et réglementaires requis.
Nous avons l'intention de proposer une
offre de services qui s'inscrit dans la continuité des discussions que nous
avons eues avec le Collège des médecins au cours des derniers mois et des
dernières semaines. L'OIIQ considérera l'ensemble des préoccupations reçues
jusqu'à maintenant, et n'a pas l'intention de travailler seul. Notre objectif
est de permettre aux IPS d'exercer au maximum de leurs compétences. Aussi, nous
mettrons en œuvre tous les mécanismes de protection du public qui nous sont
conférés par la loi pour s'assurer de la compétence et de l'intégrité des IPS.
Je le rappelle, en terminant, que nous
sommes devant une ouverture sans précédent du Collège des médecins, qui
permettra d'augmenter l'accès aux soins et services pour la population
québécoise. C'est ça, la bonne nouvelle. Les IPS sont des professionnelles
compétentes ayant le souci d'assurer des soins sécuritaires et en collaboration
avec les médecins et les autres professionnels de la santé. Merci.
Mme McCann : Alors,
Dr Gaudreault, M. Mathieu, bonjour à vous tous et toutes. C'est un
jour très important pour les Québécoises et les Québécois. Un jour qui marque
une véritable révolution dans l'accès aux soins et aux services. Un jour qui
nous permet de faire un pas de géant pour la réalisation de nos objectifs
communs, parce qu'il est bel et bien question d'objectifs communs aujourd'hui. En
effet, depuis le début de mon mandat et dans la foulée de nombreuses rencontres
que j'ai eues avec les différents acteurs de notre réseau, j'ai constaté que
nous avions tous à cœur de mettre toutes nos forces et nos compétences à profit
pour le mieux-être de notre population. Dr Gaudreault, M. Mathieu, c'est
un réel plaisir de partager cette tribune avec vous aujourd'hui pour cette
annonce que je qualifierais d'historique.
J'ai toujours eu confiance que nous
allions réaliser nos nombreux engagements et j'ai fait le pari d'y parvenir en
travaillant de concert avec l'ensemble de nos partenaires. Notre conviction est
que, pour offrir un meilleur accès aux services, il faut, entre autres,
décloisonner la pratique médicale en donnant plus de marge de manoeuvre aux
différents professionnels engagés dans le parcours de services. À cet égard,
nous croyons que la consolidation du rôle des infirmières praticiennes
spécialisées est un élément essentiel. Il était grand temps de reconnaître à
juste titre leur apport précieux et de permettre aux IPS de toutes les classes
de spécialité de mettre de l'avant leurs compétences, notamment au regard de la
pose du diagnostic. Nous avions déjà exprimé nos intentions à cet égard cet
hiver.
Pour aller de l'avant, le Collège des
médecins du Québec recommande au gouvernement d'utiliser les outils législatifs
à sa disposition pour préciser les rôles et les responsabilités des IPS et
leurs conditions d'exercice, en collaboration avec l'Office des professions et
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Également, il est proposé de
transférer de la Loi médicale vers la Loi sur les infirmières et infirmiers
l'encadrement de leurs rôles, leurs responsabilités et leurs conditions de
reconnaissance. La proposition du Collège des médecins du Québec permettra à
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec d'apporter les précisions
nécessaires aux rôles et responsabilités des IPS ainsi que leurs conditions
d'exercice.
Pour le public, les exigences requises
envers les IPS par leur ordre professionnel en matière d'examens, de
certification, d'inspection professionnelle et de maintien des compétences
seront toujours très élevées. Pour la population, les changements à venir grâce
à cette entente permettront d'avoir plus d'accès aux services des IPS. Je
précise au passage que, jusqu'à la réalisation des travaux visant les modifications
législatives et réglementaires, l'encadrement de la pratique des IPS demeure
sous l'égide de la réglementation actuelle.
Je tiens à remercier les différents
partenaires, en particulier le Collège des médecins et l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec, pour leur étroite collaboration. Pour la suite des
choses, nous poursuivrons également notre travail avec l'Office des professions
du Québec et l'Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec.
Nous allons travailler tous ensemble afin de mettre les grandes compétences des
IPS à contribution et faire en sorte que leur apport à notre réseau s'ajuste de
manière concrète à la réalité des besoins de la population.
Je suis évidemment très fière de ce pas
important dans la bonne direction, la direction de l'interdisciplinarité et de
la collaboration interprofessionnelle. Je suis persuadée qu'il s'agit là de la
clé qui va nous permettre de relever la plupart des défis auxquels nous faisons
face. Merci.
Le Modérateur
: Alors,
merci, tout le monde. On va passer à une période de questions. Je vais vous
demander de vous limiter à une question et une sous-question, puis il y aura
des disponibilités après, pour ceux qui le souhaitent, pour des entrevues
individuelles. Après la période de questions, petit photo op. Tommy Chouinard.
M. Chouinard (Tommy) : Oui.
Bonjour, Mme McCann. Concrètement, là, est-ce qu'on doit comprendre que vous
allez déposer une loi pour sortir les IPS du joug des médecins puis les rendre
pleinement autonomes et redevables aux règles de l'ordre des infirmières?
Est-ce que c'est ça, l'idée?
Mme McCann : Ce qu'il faut
comprendre, aujourd'hui, c'est que le Collège des médecins du Québec remet la
responsabilité à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Il faut
saluer la grande ouverture du Collège des médecins. Donc, la responsabilité va
revenir à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, il y aura des
mesures transitoires et il y aura tout un processus qui va être fait avec
l'Office des professions et avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec, donc ça va se déployer graduellement. Mais ce qu'il faut retenir, c'est
que, dorénavant, et en transition également, la responsabilité va revenir à
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec de bâtir le cadre, les
conditions d'exercice, de voir à ces conditions d'exercice des IPS au Québec.
M. Chouinard (Tommy) : Et il
y aura une loi en ce sens.
Mme McCann : Il va y avoir une
loi, oui, effectivement, il y aura des règlements également, mais également une
loi.
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
que cette entente-là signifie que ce sera la fin, là, des forfaits pour la
supervision des IPS, forfaits versés aux médecins, évidemment?
Mme McCann : À ce moment-ci,
évidemment, nous, on veut se concentrer sur la bonne nouvelle d'aujourd'hui,
hein, qui est très importante, mais je peux vous dire qu'il y aura des
ajustements, sûrement. Là, je ne peux pas vous donner de spécifiques là-dessus,
je pense qu'il y a des discussions à y avoir. Mais ce que je veux vous dire aussi,
c'est que cette bonne nouvelle, c'est aussi une bonne nouvelle pour les
médecins de famille, qu'ils vont avoir davantage de support, qu'ils vont avoir
davantage de... évidemment, l'occasion, là, de partager la tâche, hein, au
niveau de la première ligne, là, aussi des services spécialisés.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
en quoi exactement, là? Ça a été dit beaucoup dans les discours, mais
j'aimerais savoir, là, concrètement, quand on dit qu'il va y avoir plus
d'accès, là, qu'est-ce que ça permet, cette entente-là qui fait que l'accès est
meilleur?
Mme McCann : Oui. Les IPS vont
pouvoir diagnostiquer les problèmes de santé courants, des maladies chroniques également.
Elles étaient limitées à six maladies chroniques. Là, ça va s'ouvrir sur l'ensemble
des maladies chroniques, sur l'ensemble des problèmes de santé courants. En
première ligne, ça va avoir un impact important. Elles n'auront pas à se
référer systématiquement au médecin de famille, et le médecin de famille aussi,
ça prend beaucoup de temps. Alors, ça, ça va cesser. Donc, il va y avoir une collaboration.
Elles vont continuer de se référer aux médecins de famille pour des
problématiques plus complexes, par exemple, un travail multidisciplinaire ensemble.
Mais tous ces...
M. Chouinard (Tommy) : On
élargit le champ de pratique.
Mme McCann : On élargit complètement
le champ de pratique, en lien avec la formation évidemment qu'elles ont,
première ligne, et même au niveau des services spécialisés.
Le Modérateur
:
Patrick.
M. Bellerose (Patrick) : Mme
McCann, juste pour continuer un peu dans la même veine, est-ce qu'on comprend
qu'une IPS pourrait éventuellement diagnostiquer tous les problèmes de santé
qui sont couverts par un médecin de famille?
Mme McCann : Elles vont
pouvoir diagnostiquer l'ensemble des problèmes de santé courants, hein, tout ce
qu'on appelle des problématiques mineures, justement...
M. Bellerose (Patrick) : Mais,
par rapport à un médecin de famille, ça va être quoi, la différence?
Mme McCann : Bien, le
médecin... Pour des problématiques plus complexes, par exemple, des
multipathologies, par exemple, des problématiques au niveau du cancer, ça va
être référé au médecin de famille, bien entendu. Alors, tout ça va être
précisé, évidemment, dans les processus qu'on va faire, là, dans le futur.
Mais, à ce moment-ci, comme point de référence, je pense qu'on peut dire que
c'est l'ensemble des problèmes de santé courants que l'infirmière va pouvoir
diagnostiquer et... faire un plan de traitement.
M. Bellerose (Patrick) : On
sait qu'en Ontario c'est déjà le cas, les IPS peuvent diagnostiquer plusieurs
types de problèmes de santé. Il y a aussi des cliniques autonomes d'IPS. Est-ce
qu'on se dirige vers ça au Québec?
Mme McCann : Non, on ne se
dirige pas vers des cliniques solos d'infirmières praticiennes spécialisées.
Pour nous, le modèle québécois, c'est un modèle de pratique multidisciplinaire,
collaboration interprofessionnelle, et ce modèle-là va se poursuivre. Donc,
nous sommes tous d'accord, sur la même page, que les infirmières praticiennes
spécialisées vont continuer de travailler en collaboration avec les médecins de
famille dans une équipe multidisciplinaire.
M. Bellerose (Patrick) :
Donc, dans un GMF, si je comprends bien.
Mme McCann : GMF, CLSC aussi,
et on en a, évidemment, comme vous savez, dans les hôpitaux, hein, des infirmières
praticiennes spécialisées.
M. Bellerose (Patrick) :
Pourquoi ne pas l'offrir... Pourquoi ne pas laisser les IPS avoir des cliniques
autonomes?
Mme McCann : Bien, je pense
que c'est beaucoup plus porteur, dans un modèle québécois, d'avoir une pratique
multidisciplinaire. Parce que, quand on est en équipe et qu'on voit à une population — d'ailleurs,
nous, nous prônons une approche populationnelle, par territoire — c'est
beaucoup plus porteur d'avoir une équipe professionnelle qui travaille
ensemble. On a eu...
M. Bellerose (Patrick) : Une
question pour M. Gaudreault.
Mme McCann : Excusez-moi. On a
eu le modèle des médecins solos, et on veut vraiment s'éloigner de ça. Donc, on
ne va pas recréer un modèle solo pour les IPS.
M. Bellerose (Patrick) : Une
question, M. Gaudreault, si vous permettez.
M. Gaudreault (Mauril) :Oui.
M. Bellerose (Patrick) : En
février dernier, en entrevue avec Radio-Canada, vous disiez : Poser un
diagnostic, c'est compliqué, c'est difficile, il faut garder ça pour les
médecins, on fait ça pour protéger les patients. Qu'est-ce qui a changé depuis deux,
trois mois?
M. Gaudreault (Mauril) :
Ce n'est pas ce qui a changé depuis deux mois, c'est qu'est-ce qui a changé
depuis plusieurs mois, suite à des échanges, des discussions, des réflexions du
collège et de ses comités par rapport à, je dirais, cette nouvelle profession
qu'est celle de l'infirmière praticienne spécialisée. Et ce qui a changé pour
nous, c'est que c'est... la loi médicale permet à des professionnels, des non-professionnels,
de faire certains actes précis. Dans le cas de l'infirmière praticienne
spécialisée, c'est une profession, c'est une professionnelle qui peut poser
plusieurs actes médicaux et qui fait partie d'un autre ordre professionnel.
Donc, pour nous, il est devenu évident qu'avec la loi médicale actuelle ce
n'est pas la bonne chose à faire, ce n'est pas la bonne chose à faire que ça
soit sous le sceau, je dirais, de la loi médicale et qu'il y ait une loi
différente. Je pense que la définition des rôles — c'est ça que nous
avons dit, c'est ça que nous dirons — doit se faire à la hauteur des
connaissances et des compétences de l'infirmière praticienne spécialisée et
sera à discuter entre nous, je veux dire, au niveau des divers ordres. Et là,
là-dessus, le Collège des médecins se montre tout à fait disponible puis
volontaire pour collaborer avec les nouveaux acteurs — bien, en fait,
les acteurs actuels plus identifiés que sont le gouvernement, l'Office des
professions et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, pour mieux
cerner cela.
M. Bellerose (Patrick) :
C'est la réflexion du collège qui a évolué, tout simplement.
M. Gaudreault (Mauril) :
Oui, sur plusieurs mois, pas juste depuis que je suis président, depuis six
mois, là, tu sais, depuis plusieurs mois. Même, j'étais membre du conseil
d'administration depuis 10 ans, et ça se discute depuis longtemps. Et je pense
que je suis bien honoré et fier, en même temps, et c'est un privilège pour moi
que ça se produise maintenant, cette ouverture-là, mais sachez qu'elle fait le
consensus au niveau de la communauté médicale.
Le Modérateur
:
Mathieu.
M. Dion (Mathieu) : Bonjour,
Mme McCann. On en comprend, donc, que les infirmières praticiennes n'auront
plus systématiquement à se rapporter à un médecin, sauf dans le cas... là où ce
sera multidiagnostique, là, si je comprends bien. Alors, je vais vous poser la
question inversement : Quelles seraient les limites, quelles seront les
limites à l'indépendance des IPS?
Mme McCann : En fait, c'est
leur champ de compétence. Elles sont formées, hein, pour vraiment travailler
dans certains domaines, et c'est vraiment le cadre qui va être utilisé. Donc,
pour les problèmes de santé courants, par exemple, une IPS en première ligne
peut poser des... pourra poser des diagnostics pour l'ensemble des problèmes de
santé courants, pour l'ensemble des maladies chroniques. Mais là, quand on
arrive à des multipathologies, quand on arrive à des problématiques en cancer, elle
va se référer au médecin.
M. Dion (Mathieu) : Des
problèmes de santé courants, juste pour les gens à la maison, pouvez-vous nous
donner des exemples de ça, de ce que les IPS pourront faire à terme, là, de ce
que ça va changer dans le quotidien, dans le fond?
Mme McCann : Oui. Par exemple,
bon, on a une otite, une infection, on s'est blessé, l'infirmière praticienne
est très en mesure, là, de faire tout le traitement et de poser le diagnostic.
M. Dion (Mathieu) : Question
sur l'échéancier que vous vous donnez. Ce serait quand qu'on pourrait voir les
mesures concrètes être mises en place et voir les mesures concrètes avoir un
impact sur le public?
Mme McCann : Bien, nous, évidemment,
j'en parlais d'ailleurs à M. Mathieu il y a quelques minutes, on est
intéressés à ce que ça se fasse le plus rapidement possible parce qu'on sait,
là, qu'on a des gens qui attendent sur un guichet d'accès et qui voudraient
avoir accès à une équipe, là. Alors, évidemment il faut faire ça dans les règles
de l'art. Je pense que M. Mathieu va avoir un petit peu de pression,
d'ailleurs, là-dessus, mais il y a l'Office des professions aussi qui doit,
évidemment, faire les étapes. Alors, nous, ce qu'on va faire, on va s'assurer
de supporter tout le monde là-dedans puis de faire en sorte que les étapes se
fassent le plus rapidement possible.
M. Dion (Mathieu) :
Rapidement, ça veut dire moins d'un an? Quelques mois? Un mandat de quatre ans?
Mme McCann : Ah! c'est sûr que
ça va être... Moi, je pense qu'on peut penser que ça va être à l'intérieur d'un
an. On a des règlements à modifier, on a un projet de loi à déposer, une loi à
adopter. Je pense qu'on peut dire, de façon prudente, là, que ça va être à
l'intérieur d'un an, mais on aimerait ça qu'à l'intérieur d'un an, ça soit
vraiment le plus rapidement possible.
M. Dion (Mathieu) : Projet de
loi à l'automne?
Mme McCann : On va vouloir
déposer un projet de loi à l'automne, certainement.
Le Modérateur
:
Isabelle.
Mme Porter (Isabelle) : Oui,
bonjour. Je voudrais savoir, pour les médecins, qu'est-ce que ça va avoir comme
conséquences, le temps que ça va libérer, en quoi est-ce que ça va être
bénéfique. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Au quotidien, là, qu'est-ce que ça
change pour eux?
M. Gaudreault (Mauril) :
Bien, au quotidien, maintenant, ça ne change rien, hein? Ça, c'est clair et, à
la suite du dépôt du projet de loi, de la définition du rôle, comme je l'ai
dit, à la hauteur des compétences et des connaissances, ça va dépendre de ce
qui va être défini comme rôle, compétences et possibilités d'exercice de la
part de l'infirmière praticienne spécialisée. Mais j'insiste à nouveau, Mme
McCann l'a dit, ce qui est extraordinaire, à mon avis, pour les patients du Québec,
puis ce qui va être extraordinaire, pour nous tous et toutes qui serons un jour
des patients, quand on ne l'est pas maintenant, c'est ce partenariat entre le
médecin et l'infirmière praticienne spécialisée pour diverses pathologies. On
parle des conditions courantes, cela sera à définir, la notion de conditions
courantes, et je pense que, là, il va y avoir un certain élargissement de ce
qu'elles peuvent faire maintenant. Mais, tout cela, bien, il faut appuyer beaucoup
sur le partenariat entre le médecin et l'infirmière praticienne spécialisée à
tous niveaux. On a tendance à parler souvent de la première ligne, mais là
c'est à tous niveaux.
Mme Porter (Isabelle) : Mais
j'essaie de comprendre. Les médecins, d'une certaine manière, cèdent quelque
chose. Qu'est-ce qu'ils gagnent en échange?
M. Gaudreault (Mauril) :
Bien, moi, je ne vois pas ça dans le sens que la profession médicale cède
quelque chose. Je vois ça dans le sens d'améliorer un panier de soins et
services aux patients du Québec.
Mme Porter (Isabelle) : Je
m'excuse, j'insiste, là, mais, dans son quotidien, le médecin qui va pouvoir
travailler avec une IPS qui désormais va pouvoir traiter beaucoup plus de
problèmes de santé simples, lui, il...
M. Gaudreault (Mauril) :
Bien, ça va dépendre du modèle, mais si le modèle est optimal, je pense que ça
va permettre de libérer le médecin pour traiter des cas qui sont plus à la
hauteur de ses compétences à lui.
Mme Porter (Isabelle) : Merci.
Le Modérateur
: Mme
Richer.
Mme Richer (Jocelyne) : Oui,
bonjour. Pour Mme la ministre, s'il vous plaît. Juste une précision. Si une IPS
peut poser un diagnostic, est-ce que j'ai raison de penser aussi qu'elle pourra
prescrire des médicaments, faire un plan de traitement, et tout ça, sans devoir
avoir l'approbation d'un médecin?
Mme McCann : Oui, absolument,
oui, oui.
Mme Richer (Jocelyne) : C'est
ça. Maintenant, on va les trouver où, les IPS? Est-ce que c'est surtout dans
les GMF ou cliniques médicales? Est-ce qu'elles pourraient être à l'urgence?
Est-ce que ça va changer quelque chose dans leurs lieux de pratique, si je peux
dire?
Mme McCann : Oui, on en a
environ... Non, ça ne changera pas leurs lieux de pratique. Excusez-moi, là, je
répondais à votre première question. Non, en fait, il y en a plusieurs, il y en
a à peu près 600 actuellement, hein, des infirmières praticiennes
spécialisées à travers le Québec, et elles sont dans les CLSC, les GMF, elles
sont en milieu hospitalier, à l'urgence, dans les différents départements. Il y
en a une majorité en première ligne. Donc, les lieux de pratique ne vont pas
changer, mais on va en avoir davantage, comme, par exemple... et elles vont
déployer davantage, comme on le dit, leurs compétences.
Ça va aider beaucoup au niveau de l'offre
de services, notamment en première ligne, mais aussi en deuxième ligne. Et on
compte là-dessus, parce qu'actuellement, là, on a 500 000 personnes
qui attendent sur un guichet d'accès pour avoir des services en première ligne,
et on a à certains endroits, au Québec, où il y a des découvertures médicales,
là, parce qu'évidemment il faut qu'on travaille tous ensemble, là, pour régler
ces problèmes-là, et je pense que les IPS, graduellement, au fur et à mesure
qu'elles vont se déployer, vont continuer de nous aider dans l'offre de
services en première ligne, toujours en partenariat avec les médecins de
famille, et ça va dégager aussi les médecins de famille, hein?
Alors, comme le disent Dr Gaudreault
et M. Mathieu, actuellement, là, c'est la même réglementation qui existe,
on va continuer jusqu'à ce qu'on fasse les modifications. Mais, à terme, on va
avoir une offre de services qui va être augmentée en première ligne et en deuxième
ligne au Québec.
Mme Richer (Jocelyne) :
Maintenant, en termes de ressources, vous dites qu'il y en a actuellement 600
au Québec?
Mme McCann : Oui.
Mme Richer (Jocelyne) : Si je
me souviens bien, l'objectif de l'ex-ministre Barrette, c'était 2 000 dans
les prochaines années.
Mme McCann : Oui, oui.
Mme Richer (Jocelyne) :
Est-ce qu'il y a quelque chose qui change avec les nouvelles règles? Est-ce que
vous voulez augmenter ce nombre-là, en former davantage? Et, si oui, avec
quelle échéance?
Mme McCann : Nous avons
toujours l'objectif de 2 000 IPS pour 2023‑2024, oui.
Mme Richer (Jocelyne) : Ça,
ça ne change pas.
Mme McCann : Ça va continuer.
Mme Richer (Jocelyne) : Mais
le fait qu'elles soient plus... qu'elles aient plus de pouvoirs, vous ne voulez
pas comme en former davantage, non?
Mme McCann : Écoutez, ce n'est
pas exclu. Le plan actuellement, là, c'est d'aller vers 2 000 pour 2023‑2024.
Mais on va voir, là, dans la prochaine année, est-ce qu'il y en a davantage,
là, qui pourraient être formées. C'est à regarder, mais pour le moment, notre
objectif, c'est toujours de 2 000 en 2023‑2024.
Le Modérateur
: Raquel,
anglais.
Mme Fletcher (Raquel) : Good
morning. Mme McCann, you say that is a revolution. For
our audience in English, can you explain again what you mean when you say that
this decision here is a revolution?
Mme McCann :
Well, I think there are two levels. The first one is that the Collège des
médecins, because of the opening, gives the responsibility to l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec. That's the first one, in terms of looking
after all the conditions, the environment for the IPS, the nurse practitioners.
The second one is that
the opportunity that we have, because of this, to increase our services for the
population of Quebec, because there will be... the nurse practitioners will be
able to do more, to do much more and also the physicians, in the first line
especially, but also in the second line in the hospitals, will be able to do
more also, because there will be less administrative... For instance, acts that
they have to do between each other.
So this is a revolution
in the sense that we are together in a collaboration between professions,
between doctors, physicians and nurses to really help the population to have an
increase in services for Québec. So, for me, this is a very big step towards a
reform that we're doing for the increase of access to
services. That's why we're here, that's why we're working, and this is the
first very important step to
open up an increase of services for the population of Québec.
Mme Fletcher (Raquel) : This has been an ongoing debate and the last Government was really opposed to giving this
type of independence to nurse practitioners. They liked the model where the
nurse practitioners were kind of «sous la tutelle des médecins», under the
supervision of doctors. How did you, as the Health Minister, convince or bring
all of these partners on board to see your vision?
Mme McCann : Well, I've said, since the beginning that I'm Minister, that
discussion and collaboration is the way to go, and this is a proof today. We
discussed together with the Collège des médecins, with
the order, and the College with the order also had a lot of discussions, and I
think that's the way to go. And people recognize that the nurse practitioners
in Québec are the most trained, you know, they have the highest training in
Canada. And people recognize also that the population is expecting more services,
they're waiting. So, everybody is working for the good of the population of
Québec, the two orders, the «collège», «l'ordre», everybody, we're working for
the good of Québec, the population, that's the goal.
Mme Fletcher (Raquel) : Dr. Gaudreault, do you speak English?
M. Gaudreault
(Mauril) : No. Not sufficiently.
Mme Fletcher (Raquel) : No? O.K.
Est-ce que je peux vous poser une question en français? J'aimerais juste vous
entendre sur la même question. Je ne sais pas si vous avez compris, mais il y avait
effectivement une réflexion au collège, puis comment vous avez pris cette
décision de... Est-ce que la ministre vous a convaincu? Est-ce que c'est à
cause d'elle et à cause de sa façon de travailler que, finalement, vous avez
pris une décision qui est d'accord avec elle?
M. Gaudreault (Mauril) :
Nous avons pris une décision pour le bien-être des patients. Ce qui nous a
convaincus, c'est le bien-être des patients. Bien sûr, on a pris une décision
en écoutant la société québécoise, dont la ministre McCann fait partie, mais on
a pris une décision vraiment, vraiment dans le sens de faire ça pour le bien
des patients, et c'est toujours cela qui nous a guidés par rapport aux
patients, comment on peut s'organiser. Et nous avons bien sûr réalisé que ça
prenait une nouvelle loi pour faire en sorte que les infirmières puissent
pratiquer des actes à la hauteur de leurs connaissances et de leurs compétences.
Mme Fletcher (Raquel) : Mais
qu'est-ce que ça va changer pour les patients? Vous dites que c'est pour le
bien-être des patients; comment?
M. Gaudreault (Mauril) :
Bien, ça va dépendre de la définition du rôle qu'on va leur donner au cours de
la prochaine année dans cette nouvelle loi là, mais je pense que ça va
améliorer très certainement l'accessibilité aux soins pour les patients. Ça,
j'en suis convaincu.
Mme Fletcher (Raquel) : Et,
monsieur, est-ce que vous parlez anglais un peu?
M. Mathieu (Luc) :
Un peu.
Mme Fletcher
(Raquel) : OK. I'd just like to pose the same
question to you. Why are you here today? Why is this announcement important for
your order? What does this mean for the people that you represent?
M. Mathieu (Luc) :
Yes, for the nurse practitioners and for the population, as Dr. Gaudreault
said, it's good news because it will open the access... we will have more
access for the patients. So that's the main point and it happens today because,
for many years, many months, many weeks, the two orders worked together to arrive
at this announcement and the minister McCann was a good help to challenge us
and to arrive at this decision.
Mme Fletcher (Raquel) : How much credit do you give the minister for being able to
collaborate and agree, the three parties?
M. Mathieu (Luc) :
How...
Mme Fletcher (Raquel) : How much credit do you give her?
M. Mathieu (Luc) :
She's the Minister of Health and Social Services in Québec, so she has the
credit, a good credit. As she said earlier, she's... the way she works, as I
see, and since she's Minister of Health, it's by discussion and collaboration,
and I think it's the way to go, and that's... To see what's happening today,
it's very good news for everyone, mainly for the population of Québec.
Mme
Fletcher (Raquel) : Merci beaucoup.
M. Mathieu (Luc) : Thank you.
Le Modérateur
:
Merci, tout le monde.
(Fin à 9 h 35)