(Quinze heures trente-cinq minutes)
Mme David : Oui. Écoutez, je
tenais à donner mes réactions suite au point de presse du ministre délégué à la
Santé et aux Services sociaux parce que c'est un drame qui, vraiment,
bouleverse tout le Québec. Alors, je tiens encore une fois à offrir toutes mes
condoléances à la famille, la famille élargie, à tous ceux qui, de près ou de
loin, connaissaient cet enfant-là ou la famille et puis à tous les Québécois
qui, je pense, ont un élan de solidarité, d'empathie profonde quand il y a un
drame aussi bouleversant qui touche un enfant aussi jeune.
Écoutez, j'ai écouté attentivement non seulement
le point de presse du ministre, mais j'étais en étude de crédits avec lui hier
comme porte-parole, évidemment, des services sociaux. On a parlé beaucoup de la
DPJ. On a parlé des listes d'attente. On a parlé de toute la situation pour
mieux accompagner nos jeunes. Et il a, oui, mentionné trois actions.
C'est clair, l'enquête criminelle, mais
ça, on s'imagine que c'est absolument normal.
L'analyse du CIUSSS, le rapport dans les
plus brefs délais que le ministre a mentionné, c'est une chose intéressante. Je
l'ai mentionné dès ce matin. Il faut absolument que le ministre se retrousse
les manches et agisse rapidement. Alors, je pense que ce rapport-là va devenir
très important. Nous aimerions qu'il soit vraiment dans les plus brefs délais.
Nous aimerions donc avoir un peu plus de renseignements sur ce que veulent dire
les plus brefs délais. Et nous aimerions évidemment qu'il rende publiques les
conclusions de ce rapport-là parce que c'est une analyse de l'ensemble du fonctionnement
du CIUSSS et puis de comment les choses ont pu se passer pour échapper quelque
chose qui a donné des conséquences aussi graves que ça.
Et, oui, nous saluons l'enquête, évidemment,
de la commission des droits de la personne et de la jeunesse. On espère que la
commission va accéder à la demande du ministre. Mais ces commissions-là, vous
savez, ça prend un certain temps. Donc, ce certain temps là, il y a des choses
qui doivent être faites beaucoup plus tôt et qui n'ont pas besoin d'attendre le
rapport de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, même si c'est
très important, ce qui va arriver.
Je pense que, dans le cas qui nous occupe,
le ministre devait intervenir. Mais c'est un petit peu étonnant,
malheureusement, qu'il n'y ait pas eu de contact avec la direction de la
protection de la jeunesse. On savait qu'il y avait un drame, là, qui s'était
passé depuis plusieurs heures. C'est bien triste. Mais effectivement je pense
que, quand un ministre se présente sur place ou va sur place voir comment se
passent les choses, bien, ça peut faire avancer le dossier un peu plus vite.
Oui, il a parlé avec les élus, mais ce n'est pas suffisant de dire :
Toutes les choses vont bien parce que les élus m'ont dit que ça allait bien. Je
pense qu'il faut se mettre les deux mains à la pâte beaucoup plus que ça.
Je pense que la réforme de la DPJ... Il y
a plusieurs personnes qui ont appelé à une réforme de la DPJ, à une réflexion
en profondeur. Il y a l'Ordre des travailleurs sociaux qui l'a demandé. Les
gens sont assez fatigués. Il y a un manque de personnel. Le ministre a annoncé
18 millions pour effectivement accélérer un peu plus les évaluations. Mais
c'est bien beau d'évaluer, mais plus on évalue, plus il faut faire de suivi
après. Dans ce cas-ci, ce n'était pas un cas, nécessairement, d'évaluation. C'était
un cas qui était connu, donc c'était un cas de suivi. Alors, pour ça, il faut
qu'il y ait des professionnels qui, oui, soient bien formés, mais il faut qu'il
y ait un bassin de professionnels accessibles, et ça, on fait face à une
pénurie de main-d'oeuvre.
Donc, le problème, il n'est pas réglé. On
a les listes, là, des... Écoutez, 100 000 signalements, le ministre
m'a admis hier qu'il était d'accord avec moi que c'était un nombre jamais
égalé. Donc, 100 000 signalements, plus les suivis qui doivent être
faits, plus la pénurie de main-d'oeuvre. C'est beau, 18 millions, mais
encore faut-il qu'il trouve les effectifs. Alors, il y a un problème sérieux.
Vous me connaissez. Je lui offre toute ma
collaboration. Vraiment, je pense que c'est une question qui doit être
transpartisane et c'est une question qui doit faire partie de l'ensemble des questions
du système de santé. Mais celle-là, la question de la DPJ est une question
ultra-urgente et prioritaire. Merci.
Mme Crête (Mylène) :
Qu'est-ce que vous pensez du fait que la dernière intervention de la DPJ auprès
de la fillette ait été effectuée en avril, donc assez récemment?
Mme David : Écoutez, encore
une fois, il y a des informations... J'ai écouté, comme vous, un certain nombre
d'entrevues ce matin à ce sujet-là. On n'a pas encore le rapport de toutes les
interventions, mais il va falloir trouver qu'est-ce qui s'est passé. On a
entendu qu'elle ne fréquentait plus l'école depuis un certain nombre de
semaines. Alors, c'est le rôle de chacun, des uns et des autres... Je ne veux
vraiment pas blâmer personne. Mais tout le monde se sent préoccupé, concerné,
impliqué. Tout le monde, aujourd'hui, qui, de près ou de loin, a eu à voir avec
ce dossier-là, probablement, se dit : Qu'est-ce que j'aurais pu faire de
mieux? Je suis convaincue de ça. Les gens qui sont en travail social, les
éducateurs, les enseignants, les directions d'école, tous les intervenants
doivent se poser des questions. Mais peut-être qu'il y a des réponses que nous
devons apporter collectivement, socialement. Puis on doit accompagner la direction
de la protection de la jeunesse dans les réformes à faire. Et c'est pour ça que
j'insiste là-dessus et que je ne veux absolument pas pointer du doigt un
intervenant ou un autre. Je ne le sais pas, si c'est vrai, puis je ne le sais
pas, comment ça s'est passé dans les dernières semaines pour cet enfant-là, mais
il ne faut qu'il y ait d'autres cas comme ça. Ce n'est pas normal que le Québec,
qui s'est donné un si bon filet social, ait des aussi grandes failles à
certains moments.
M. Lacroix (Louis) : Mais le ministre
a dit qu'il y avait 3 300 personnes sur les listes d'attente en ce moment,
sur des listes d'évaluation, là.
Mme David : Oui, imaginez,
oui.
M. Lacroix (Louis) : On parle
d'enfants sur les listes d'évaluation. Avez-vous l'impression que ce cas-ci,
là, peut être une espèce...
Mme David : De révélateur? Oui.
M. Lacroix (Louis) : ...de
démonstration de l'embourbement du système, si on veut?
Mme David : Ce sont des
questions tout à fait légitimes que vous vous posez. 3 300 cas en attente,
ça veut dire 3 300 évaluations. Mais ça, ce n'est que le début du
processus. Après ça, il faut faire les suivis de ces 3 300. Je ne vous dis
pas que les 3 300 sont tous des cas pour lesquels il y a un suivi urgent,
important, nécessaire. Il y en a dont le dossier peut être fermé. Ce sont des
décisions très difficiles pour, habituellement, ceux qui font l'évaluation en
travail social et tout. Mais effectivement ça témoigne certainement d'un
trop-plein, d'une sorte d'embourbement duquel on doit sortir. Le gouvernement
investit de l'argent, mais encore faut-il, comme je dis, trouver les
intervenants pour pouvoir faire ces suivis-là.
Donc, selon moi, c'est une urgence
sociale. Ce cas-là est peut-être un révélateur dramatique, bouleversant. Et je
pense que le ministre doit, dès aujourd'hui, avec la ministre de la Santé et avec
tout le gouvernement, trouver les meilleures solutions possibles. Puis moi, je
leur offre, et notre parti, toute notre collaboration.
M. Croteau (Martin) : C'est
un révélateur de quoi, ce cas-là?
Mme David : Bien, peut-être de
pourquoi il y a autant de signalements. Voyons-le du côté positif. Les gens
signalent peut-être plus qu'avant. Moi, j'ai travaillé beaucoup avec la DPJ
comme psychologue experte justement depuis les années 80. Il y a toujours eu
beaucoup de demandes. Mais là peut-être qu'il en y en a encore plus et que ces
signalements-là veulent dire qu'il y a une sensibilité plus forte, peut-être,
des écoles, peut-être des garderies, des CPE, de tout le monde, des voisins, de
la famille élargie. Mais en même temps il faut que la société offre le suivi de
ça. Puis les cas se complexifient. L'Ordre des travailleurs sociaux le dit
bien, tout le monde qui intervient, en disant : Ça se complexifie. Il y a
plus de difficultés, peut-être, financières. Il y a les familles qui sont… la
complexité des familles, de nos jours, des familles de différentes formes, on
pourrait dire. Et donc il faut que la société puisse répondre à ça.
M. Croteau (Martin) : Pardonnez-moi.
Je vous ai peut-être mal comprise, mais vous faisiez état des listes d'attente,
puis des délais, puis etc., puis vous avez dit : Ce cas-là est un
révélateur. Donc, ce cas illustre les problèmes d'attente?
Mme David : Oui, mais pas un
révélateur de la liste d'attente.
M. Croteau (Martin) : C'est
ça.
Mme David : Ce sont deux problèmes
qui cohabitent. C'est-à-dire qu'il faut évaluer en profondeur les cas de liste
d'attente, qui ne seront peut-être pas tous aussi, évidemment... qui demandent
des... nécessitent des soins aussi urgents. Puis en même temps ce cas peut être
un révélateur de quelque chose qui s'est passé dans le suivi parce que, dans ce
cas-là, ce n'était pas une évaluation, c'était un suivi. Mais le suivi, il est
constamment à réévaluer. Puis là il s'est passé quelque chose. Il y a quelque
chose qui est passé dans les mailles du filet. Alors, ça peut être un révélateur
d'un problème d'intervention. Alors, on a, sur le côté des signalements puis
sur le côté de l'intervention...
Mme Crête (Mylène) :
Je sais que vous ne voulez pas blâmer personne, mais il reste que cette petite
fille là a été laissée à un endroit où elle n'était pas en sécurité. On en a la
démonstration.
Mme David : Bien, de toute
évidence, le choc est terrible... d'une situation où elle était certainement en
danger. Mais je ne peux pas aller plus loin que ça parce que je ne connais pas
les tenants et aboutissants de ça. Il y a des gens qui parlent aux médias, ou il
y a des gens qui connaissent ou qui étaient dans la famille élargie, ou qui
sont dans des organismes communautaires... Moi, je ne peux pas aller plus loin
que ça. Mais c'est dans ce sens-là que c'est peut-être un révélateur de quelque
chose, où on doit être toujours... On doit, comme société, comme direction de
protection de la jeunesse, comme CIUSSS, comme proches aidants, toujours avoir
cette alerte qu'il faut pouvoir intervenir. Mais, pour ça, il faut les outils
pour intervenir rapidement.
Mme Senay
(Cathy) : Like, is it a problem for you to
know that the latest intervention for this child was in April and she was well known
from the DPJ for many years? How can this happen again in 2019?
Mme David : Many things happened in 2018, and it's a very sad story. We don't
know about this specific story because we can hear something in the media,
other things from the family. We will wait, but we cannot wait for a long, long
time. That's why I asked the Minister to work very fast. And he said that he
had already asked an analysis from the CIUSSS, a kind of report, in a very
brief period of time. So, I asked to have it public, the conclusions of that.
Perhaps we will know more about your question at that time, why nobody, you
know, saw or followed the family for the past, almost, I don't know, weeks,
months. We will know all about that. But, in the meantime, we have to work on
those families, those children who can be at risk, and say: OK, we have to intervene now. We cannot wait until we have the
report from the «commission de protection de la jeunesse» or the CIUSSS. We
have to take a look and we have to go through the very, very long waiting list
all across Québec.
Mme Senay (Cathy) : Why was it important to ask to the Minister today to make sure that
this analysis from the CIUSSS is made public?
Mme David :
Because I think it will help all the different people who are asking themselves:
What did happen? What can this, as you say, happen in 2019? So, I think they
can help us, you know, with the answers. All the people are asking themselves
those questions: Why and how can this happen? So, I think, with the conclusion,
at least, of the report, we could have a little bit more to say about the way
it works at the DPJ and to say: OK, we have to really have a larger… think
about what is happening in the DPJ in Québec in 2019, all the DPJ in Québec,
all the youth protection in Québec.
(Fin à 15 h 47)