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Point de presse de Mme Catherine Dorion, députée de Taschereau

Version finale

Le jeudi 21 novembre 2019, 13 h

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Treize heures une minute)

La Modératrice : Bonjour. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendront la parole tout d'abord M. Simon Pouliot, coordonnateur aux représentations politiques de l'Association pour la défense des droits sociaux du Québec, suivi de Guillaume Grenon, coordonnateur du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, Renée Dubeau, coordonnatrice aux affaires juridiques de l'Association pour la défense des droits sociaux, Québec, finalement, ce sera la députée de Taschereau, Catherine Dorion, qui prendra la parole. Elle a déposé, entre autres, aujourd'hui, une pétition papier en lien avec le sujet. Merci.

M. Pouliot (Simon) : Bonjour. Je me nomme Simon Pouliot et je suis militant salarié à l'Association pour la défense des droits sociaux Québec métropolitain, l'ADDS-QM. À l'ADDS, nous défendons les droits des personnes assistées sociales depuis maintenant plus de 40 ans et nous sommes fiers du travail que nous avons accompli.

Aujourd'hui, nous déposons une pétition avec plus de 1 140 signataires. Nous avons dû démarcher pas mal pour récolter ces signatures. Nous avons visité plus de 35 organismes de la ville de Québec. Mais je dois vous avouer que c'était assez facile de faire signer cette pétition parce qu'elle dénonce quelque chose qui est complètement inhumain.

Depuis janvier 2019, avec l'adoption de la loi n° 173 et du règlement 111, alinéa 27.1°, les prestataires d'aide sociale peuvent recevoir 100 $ en don par mois sans pénalité et nous en sommes bien heureux. Par contre, avant cette adoption, ces personnes n'avaient pas droit à cette exemption et les dons reçus de manière récurrente étaient transformés en dette. Donc, nous recevons plusieurs cas à chaque mois où des personnes disent s'être fait construire une dette puisqu'elles avaient reçu des dons en argent de leur entourage, leur famille, leurs amis. Des milliers de prestataires doivent donc rembourser ces dettes par tranche de 112 $ à 224 $ par mois sur leurs prestations. À l'ADDS-QM, nous trouvons que pénaliser l'entraide, c'est contre nature.

Nous demandons au ministre de la Solidarité sociale de revoir toutes les dettes actives reliées aux dons et d'appliquer rétroactivement le règlement 111, alinéa 27.1°, de refaire le calcul afin de réduire ou d'effacer ces dettes en fonction du nouveau montant accordé mensuellement.

Quand il a adopté le nouveau règlement, le ministère a admis que l'ancien ne faisait pas sens. Pour être cohérent, il devrait corriger le tir sur les dettes qui lui sont liées. Par ailleurs, en février dernier, nous avions envoyé une lettre au ministre pour lui exposer notre demande. Il a refusé.

Avec le dépôt de notre pétition d'aujourd'hui, nous réaffirmons que notre demande est légitime et espérons que le ministre soit suffisamment empathique pour appliquer l'ajustement des dettes aux dons à l'aide sociale.

M. Grenon (Guillaume) : Bonjour, mon nom est Guillaume Grenon, je suis porte-parole du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, un regroupement national d'une trentaine d'organismes qui font de la défense des droits des personnes à l'aide sociale, comme l'ADDS-QM. Au front commun, on agit depuis près de 45 ans afin de défendre et de faire valoir les droits des personnes à l'aide sociale.

Aujourd'hui, on tient un point de presse afin de dénoncer la pénalisation de l'entraide des personnes à l'aide sociale. C'est ironique, d'ailleurs, parce qu'on va bientôt assister à la fameuse Grande Guignolée des médias, hein, qui encourage à donner, on le sait, à chaque année pour aider les gens dans le besoin à la veille du temps des fêtes. C'est un bel appel à des valeurs qui semblent faire consensus social, le partage, l'entraide, mais ces belles valeurs-là ne semblent pas compter lorsqu'il est question du système de l'aide sociale.

Dans les dernières années, si vous avez voulu aider votre fils, votre fille, votre frère, votre soeur, un parent ou encore un ami qui était dans une situation de grand besoin d'aide économique en étant à l'aide sociale, votre coup de main aura été détourné dans les coffres de l'État en étant retranché de la prestation de la personne le mois suivant. Il y a un effet d'appauvrissement qui est lié aux coupures des prestations d'aide sociale. La loi et les règlements de l'aide sociale agissent comme des mécanismes de maintien des prestataires dans une situation économique absolument vulnérable. Et la pénalisation de l'entraide des personnes à l'aide sociale est un exemple concret de l'un de ces mécanismes qui agit comme une trappe à la pauvreté.

Ça veut donc dire, en d'autres mots, que, si une personne à l'aide sociale se fait lancer une bouée pour pouvoir se sortir la tête de l'eau, ne serait-ce que le temps de reprendre son souffle un tant soit peu, le système de l'aide sociale va lui replonger la tête sous l'eau encore plus profondément pour le mois qui va suivre. Et les montants des prestations sont déjà radicalement inférieurs à tous les seuils de pauvreté que l'on connaît au Québec et au Canada. Comment pouvons-nous accepter, en tant que société, que l'État pénalise l'entraide des personnes qui sont dans des situations aussi vulnérables?

La raison de mon intervention aujourd'hui, c'est aussi pour laisser savoir que cette situation-là touche plusieurs personnes à travers l'ensemble du Québec. Tous les groupes de défense collective des droits à l'aide sociale avec lesquels nous sommes en contact appuient la démarche de l'ADDS-QM et souhaitent voir le ministre Boulet... de mettre en action rapidement pour mettre fin à cette injustice sociale.

Je vais maintenant laisser la parole à Mme Renée Dubeau.

Mme Dubeau (Renée) : Bonjour. Je travaille à l'ADDS de Québec et moi, j'ai l'aspect juridique de l'organisation. Je viens aujourd'hui transmettre l'histoire d'une jeune femme qui vit avec une dette de 5391 $ à l'aide sociale. Son seul crime aura été d'avoir de l'aide de l'argent de sa famille.

En décembre 2018, elle doit remettre à son agent de conformité un relevé bancaire du dernier mois. Par la suite, on remontera trois ans en arrière et elle devra donner la provenance des sommes reçues pendant toute cette période. Tout ce qu'elle peut dire, c'est que ce n'est pas du travail au noir ou des argents reçus illégalement, mais des argents versés par sa famille pour lui venir en aide, pour lui éviter la rue. Comme ils vivent en Gaspésie, ils n'ont pas pu lui faire des dons en biens, comme de la nourriture, ou faire des achats pour elle. Donc, les dons se faisaient par transaction bancaire. Quelle erreur!

Dans les rencontres qu'elle a eues avec l'aide sociale, on lui dit que si, au lieu d'avoir des dons en argent, il n'y avait pas eu de trace ou qu'elle aurait reçu des cartes-cadeaux, tout aurait été correct. On lui a aussi dit qu'elle pourrait avoir une tutelle entre elle et son beau-père. Au final, on l'accuse d'avoir reçu des dons, ce qui était illégal.

La dette sera établie ainsi : Toutes les sommes d'argent, en dehors des cadeaux de fête et de Noël, sont additionnées, plus un 100 $ pour fausse déclaration. Car madame, sans avoir... Madame aurait dû savoir et déclarer ces sommes. On doit souligner qu'elle était loin de se douter qu'elle commettait une faute à recevoir des dons sans le dire. C'est vrai que nul ne doit ignorer la loi, mais les informations concernant les règles à l'aide sociale sont souvent dites pas très clairement. Nous sommes régulièrement témoins de personnes qui apprennent une règle en même temps que la faute et subir du même coup la pénalité.

Madame recevait autour de 669 $ par mois. Vous comprendrez que le surplus lui servait à payer le loyer et se nourrir. Il y a un montant qui a été mis sur la réclamation et qui l'indigne encore plus, c'est l'aide de son beau-père pour l'achat de bottes à cap pour lui permettre de retourner au travail. Dans toute cette histoire, elle ne s'est jamais sentie aidée, comme pour un éventuel retour au travail, mais plutôt pour l'enfoncer encore plus, et là on doit admettre qu'ils ont été présents.

Parce que l'aide sociale tarde à reviser son dossier, il s'écoule trois ans. De mois en mois, madame cumule la faute. Le piège s'était bien refermé sur elle et il était trop tard. Si elle avait appris cette règle plus tôt, la dette aurait été plus petite. Parce qu'aucun remboursement n'a été effectué de sa part envers sa famille, on établit la dette sur le fait qu'elle a reçu des dons pour plus de 5000 $. Elle devra rembourser, à même ses prestations, 112 $ par mois, remboursement prescrit lorsqu'il y a fausse déclaration. Ce geste d'entraide et de solidarité lui ont permis de ne pas se retrouver à la rue et de retourner au travail. Elle reste avec une dette avec le ministère de la Solidarité sociale et une dette morale envers son beau-père.

Mme Dorion : Je veux remercier ce beau et bon monde qui ont pris la peine de se déplacer dans notre maison du peuple aujourd'hui pour vous expliquer cette situation.

J'aimerais moi aussi vous parler d'entraide. L'entraide, on en voit tous les jours dans nos familles. J'en vois tous les jours dans mon comté. Il y a des gens qui donnent aux plus mal pris qui habitent au coin de la rue, qui reçoivent des services d'un organisme constamment. C'est encouragé. Et l'entraide, on ne peut pas s'en passer comme société. C'est la base de toute société humaine.

Pourtant, on n'est pas à une incohérence près quand il s'agit d'aider les personnes assistées sociales, comme si ces personnes-là, qui font partie, oui, des plus mal pris dans notre société, n'avaient pas droit de recevoir ce qui fait que toute personne peut vivre heureuse, entourée et soutenue dans une vie. D'un côté, on dit aux gens que c'est primordial de donner, que ça peut faire la différence, et c'est encore plus vrai à des périodes de l'année comme maintenant où on approche de Noël, où il y a toutes sortes de levées de fonds. L'entraide, ça nous amène à tisser des liens les uns avec les autres et de passer à travers des moments difficiles. Mais on pénalise les personnes assistées sociales quand elles reçoivent des dons de leurs proches ou de leur communauté. On pénalise les personnes les plus vulnérables de notre société parce qu'elles reçoivent des dons en complément des prestations d'aide sociale qui sont, en passant, des pinottes, qui ne sont pas assez pour permettre à une personne de remplir ses besoins de base, qui sont loin d'être suffisantes pour boucler les fins de mois. C'est hypocrite, c'est contradictoire et c'est amoral.

Depuis le 1er janvier dernier, les personnes assistées sociales peuvent recevoir des dons jusqu'à concurrence de 100 $ par mois sans pénalité. Bon. C'est un pas dans la bonne direction. Pour bien du monde, ce petit 100 $ servira à payer la hausse des coûts du loyer, à couvrir les frais d'Hydro, par exemple, pour d'autres, ça va permettre d'ajouter quelques repas de plus ou d'éviter une journée ou deux d'aller chercher sa nourriture dans les banques alimentaires. Mais il faut aller plus loin. Il faut permettre à l'ensemble des personnes assistées sociales d'en profiter. Et je pense particulièrement à ceux et celles qui ont une dette active envers le ministère en raison des dons qu'ils ont reçus avant l'entrée en vigueur du règlement, c'est-à-dire le 1er janvier dernier. Des dettes ont été accumulées pour des dons reçus, pour de l'entraide offerte et cette dette-là doit être payée encore aujourd'hui par des personnes qui n'ont vraiment pas de surplus d'argent dans leur compte. Je joins donc ma voix à celle des personnes qui subissent la pénalité au quotidien et à celle des groupes qui veillent à défendre leurs droits. Heureusement que vous êtes là, en passant.

J'interpelle donc le ministre responsable de la Solidarité sociale et je lui demande d'ajuster le règlement qui est entré en vigueur le 1er janvier dernier. C'est une question d'équité envers toutes les personnes assistées sociales.

On ne peut pas laisser les géants du numérique, les GAFAM s'en sortir sans payer une cenne d'impôt puis aller courir après des personnes assistées sociales parce que leurs proches leur ont donné 150 $ par mois pour les aider à joindre les deux bouts. Ça n'a aucun sens.

À un moment donné, il faut faire preuve de cohérence. On a autorisé des dons de 100 $ par mois. Maintenant, tout ce qu'on demande, c'est que celle nouvelle règle puisse être appliquée rétroactivement aux personnes qui ont reçu des dons avant 2019. C'est juste de la bonté de base de ne pas agir avec cruauté envers des gens qui n'ont vraiment pas besoin de ça. Merci.

(Fin à 13 h 13)

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