(Dix heures trois minutes)
M.
Caire
:
Alors, bonjour, tout le monde. Merci d'être là. Comme vous le savez, le
18 juin dernier, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de
déployer au Canada une application de contact à la COVID-19. L'Ontario a
signifié son intérêt ou c'est-à-dire son intention de déployer ladite
application. L'Alberta avait déjà la sienne. La Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick,
si je ne m'abuse, ont déjà manifesté un intérêt pour cette solution-là.
Donc, dans cette lignée-là, le
gouvernement du Québec a évidemment été interpelé pour suivre le mouvement, et
c'est dans ce contexte-là que nous avons amorcé une réflexion. Il faut aussi
savoir qu'on s'attend, comme gouvernement, à ce qu'il y ait une deuxième vague,
et nous sommes évidemment à nous préparer à cette deuxième vague là, si tant
est qu'elle survient. Et, dans ce contexte-là, vous comprendrez que toutes les
options pour lutter contre une résurgence de la pandémie doivent faire partie
de la réflexion.
Donc, dans ce contexte-là, oui, le
gouvernement du Québec réfléchit à l'opportunité de déployer au Québec une
application de contact à la COVID-19. Ceci ne peut se faire s'il n'y a pas une
participation significative de la population, s'il n'y a pas un intérêt de la
population par rapport à la mise en place de cet outil-là. Et c'est dans ce
contexte-là que je vous annonce aujourd'hui que le gouvernement du Québec, à
partir d'aujourd'hui et jusqu'au 2 août, procède à une consultation
publique en ligne, sur le site consultation.quebec.ca, de la population dans
l'objectif, d'une part, de vérifier l'intérêt des Québécois pour le déploiement
d'une telle application et, d'autre part, pour permettre aux Québécois
d'exprimer leurs craintes, leurs préoccupations par rapport au déploiement
d'une éventuelle application, de sorte à répondre à ces craintes et à ces
préoccupations-là, quelles qu'elles soient.
Donc, cette consultation-là vise évidemment
à valider que la population du Québec, si tant est que le gouvernement du
Québec souhaitait aller de l'avant avec cette application-là, participerait de
façon importante au déploiement de l'outil. Participation qui est une condition
sine qua non à l'utilisation d'un outil comme celui-là.
Il est clair dans notre esprit qu'une telle
application doit exclure, et ça, ce n'est pas négociable, doit exclure toute
forme de géolocalisation, toute forme d'utilisation de marqueurs biométriques,
et toute forme de stockage de renseignements personnels. En aucun temps, le
gouvernement du Québec n'entend déployer une application qui serait basée sur
l'une ou l'autre de ces options.
Ce que nous souhaitons, c'est préserver la
vie privée des Québécois, protéger leurs renseignements personnels tout en
déployant une application qui pourrait s'avérer utile à la protection de notre
population et à la lutte contre la pandémie. C'est le seul objectif du
gouvernement du Québec. Et, dans ce sens-là, j'invite les Québécois à aller sur
le site consultation.quebec.ca. C'est un questionnaire d'une dizaine de
questions qui va nous permettre, comme je l'ai déjà dit, de valider l'intérêt
des Québécois pour une application comme celle-là, qui va nous permettre aussi
de mesurer quelles sont les préoccupations, quelles sont les craintes des
Québécois de façon à y répondre, et surtout, surtout, de lancer un débat
éclairé.
Et je tiens là-dessus à souligner que nous
sommes, sinon la première, une des premières juridictions qui, préalablement, a
un intérêt pour déployer une telle application, lance une consultation publique.
Donc, à ma connaissance, ça ne s'est pas fait ailleurs. Ça ne s'est
certainement pas fait au Canada. Donc, le Québec sera, au Canada certainement,
la première juridiction, et dans le monde, une des premières juridictions à
lancer une vaste consultation publique. Donc, nous souhaitons que cette
consultation-là soit un succès de participation.
Et là-dessus, je vais attendre vos
questions.
Mme Gamache (Valérie) :
M. Caire, qu'est-ce qui va faire en sorte que... en fait, quelle sera la
masse critique pour décider d'avoir recours à cette application-là ou pas?
C'est-à-dire, est-ce que vous visez une participation qui sera assez grande et
représentative pour dire : Bien, c'est ce que les Québécois veulent. Parce
qu'on va se le... on est au mois de juillet quand même, on est peut-être moins
sur les médias... sur les réseaux sociaux, on a moins notre ordinateur devant
nous. Est-ce qu'il y aura... Est-ce que ça, ce sera...
M.
Caire
: Bien,
c'est-à-dire, pour répondre à votre question, on n'a pas chiffré la
participation. On la souhaite la plus large possible. On va prendre différents
moyens pour faire connaître l'existence de cette consultation-là. Le point de
presse d'aujourd'hui est une première mesure, ce ne sera pas la seule. Mais il
faut aussi comprendre qu'on va combiner différents outils. Donc, la Commission
des institutions a annoncé qu'elle tiendrait des consultations particulières.
On va suivre ça avec intérêt. Il y a toujours les outils de sondage aussi qui
nous permettent d'aller mesurer la température de l'eau, mais la consultation
publique est évidemment l'outil que nous privilégions actuellement. Donc, sans
chiffrer la participation, le message qu'on souhaite aux Québécois, consultation.quebec.ca.
Ce n'est pas très long. Ça prend quelques minutes pour répondre aux questions
et ça va avoir un impact majeur, voire déterminant, sur la suite des choses.
Mme Gamache (Valérie) : Est-ce
que personne... Est-ce qu'en tant que ministre vous êtes en faveur du
déploiement d'une telle application?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, vous me permettrez de rester discret sur votre question, puis je vais
vous expliquer pourquoi. Ce que je ne souhaite pas, c'est essayer d'influencer
la décision de mes concitoyens. Donc, je veux que chacun fasse sa réflexion
suite à un débat sain, éclairé et pertinent, donc avec les éléments qui sont
pertinents au débat. Et j'espère que les Québécois, dans leurs occupations
quotidiennes, auront l'occasion de s'informer, d'en discuter puis de faire un
choix qui ne sera pas contaminé par le fait que le gouvernement veut ou ne veut
pas telle application.
Donc, dans ce sens-là, vous me permettrez
d'être plus discret sur la finalité, parce que la finalité, dans le fond, c'est
que les Québécois nous disent ce qu'ils en pensent, libres de toute influence.
Mme Gamache (Valérie) :
Une petite dernière. Est-ce que vous auriez recours à des applications qui
existent déjà, comme par exemple la solution «made in Ontario» ou ce serait, à
ce moment-là, une application qui serait développée au Québec?
M.
Caire
: Bien,
il y a différents critères qui guident le choix ou qui guideraient le choix du
gouvernement du Québec, d'une part l'interopérabilité. Ça prend une application
qui va être capable de communiquer avec les autres applications parce que,
comme vous le savez, la pandémie ne travaille pas en silo. Donc, ce serait un
peu curieux que le gouvernement le fasse. Et il faut que ce soit interopérable.
Comme je vous disais, on se prépare pour
une résurgence de la pandémie quelque part à la fin de l'été, début de
l'automne. Donc, il faut que ce soit déployé rapidement. Dans ce sens-là, vous
comprendrez que de développer une application à partir de zéro, ça nécessite
beaucoup plus de temps. Normalement, on parle d'entre 18 et 24 mois, si on
veut faire quelque chose de robuste. Puis je vous dirais que la solution
développée à partir de zéro serait difficilement compatible avec le calendrier
qu'on s'est fixé nous-mêmes.
Donc, oui, je pense que la solution
optimale serait d'aller vers une solution qui a déjà été développée, dont on
sait qu'elle est sécuritaire, qu'elle répond à nos critères, comme j'ai dit,
puis je tiens à les répéter, là. Il n'y a pas de géolocalisation, il n'y a pas
d'utilisation de paramètres biométriques et il n'y a pas de stockage des
renseignements personnels. Donc, ça, c'est non négociable. Alors, vous
comprendrez, là, que ça vient quand même de limiter un peu les options.
Journaliste
: La
consultation va se terminer au début du mois d'août. Est-ce que vous avez déjà
un échéancier pour quand cette application pourrait être fonctionnelle? Parce
qu'on le sait, la deuxième vague pourrait arriver dans les prochaines semaines,
prochains mois. Est-ce que vous avez un objectif de... septembre, octobre?
M.
Caire
: Oui.
Bien, en fait, je vous dirais que la raison pour laquelle on a fixé la date de
fin de la consultation le 2 août, c'est justement en fonction des échéanciers
qu'on s'est fixés, à savoir que, bon, ça va prendre un certain temps pour
compiler l'information, analyser ça, structurer ça puis en tirer des
conclusions pertinentes. Donc, il faut se donner quand même une semaine ou deux
pour faire ça.
Et ensuite, au niveau de mes équipes
techniques, on nous demande quatre à six semaines pour être capable d'adapter
la solution à la réalité québécoise et être capable de la déployer de façon
sécuritaire. Puis là-dessus, j'inclus cinq à 10 jours de tests par le
Centre gouvernemental de cyberdéfense, pour s'assurer de la robustesse et du
haut niveau de sécurité parce que, si on déploie ça sur les téléphones, on veut
s'assurer qu'on ne déploie pas une application qui contient des failles de
sécurité ou des vulnérabilités. Donc, moi, j'ai demandé au Centre
gouvernemental de cyberdéfense de combien de temps il avait besoin une fois que
l'infrastructure est en place, parce qu'il faut que l'infrastructure soit en
place si on veut la tester, puis on m'a parlé de cinq à 10 jours. Donc, ça
nous donne une ligne de temps de quatre à six semaines.
M. Bossé (Olivier) : Quatre à
six au total ou vous dites : Deux plus quatre... Est-ce qu'on est rendu
à...
M.
Caire
: Non,
quatre à six au total, quatre à six au total.
M. Bossé (Olivier) : O.K.
Vous parlez de «pas de géolocalisation». J'avais compris que c'est à peu près
la base de ça, c'est de savoir qui est proche, qui n'est pas proche.
M.
Caire
: Non,
parce que ça fonctionne avec la technologie Bluetooth. Donc, la technologie
Bluetooth, ce que ça vous permettre de faire, c'est... quand deux appareils qui
ont l'application entrent en contact, on va échanger des numéros temporaires
anonymes, qui sont générés par l'application, et là, on va conserver ça dans un
ficher au niveau de l'appareil dans un horizon de 14 jours. Donc, au bout
de 15 jours, ce que vous avez enregistré s'efface parce que ce n'est plus
nécessaire.
Et, du moment où vous recevez un
diagnostic comme quoi vous êtes infecté par la COVID-19, on vous donne un
identifiant qui atteste que vous êtes infecté, donc qui empêche les gens mal
intentionnés de se déclarer faussement positifs. Et une fois que vous avez ça,
moi, mon appareil va télécharger les fichiers de ceux qui ont été infectés, et
là je passe en revue les numéros. Et si un de mes numéros, un numéro que mon
application a généré dans les 14 derniers jours, se retrouve dans le
fichier, ça veut dire que j'ai été en contact avec quelqu'un qui a été infecté.
Donc, c'est totalement anonyme. Je ne sais
pas qui, je ne sais pas quand, mais ce que je sais, c'est que c'est dans un
horizon de 14 jours. Donc, à partir de là, ça nous permet de guider les
gens et de leur prescrire, là, la recette à suivre pour s'isoler, aller suivre
évidemment... aller se faire tester prioritairement, etc.
M. Bossé (Olivier) : C'est un
outil très utile. Une telle consultation... Est-ce que vous êtes prêt à dire aujourd'hui :
Si les gens n'en veulent pas, on n'en aura pas?
M.
Caire
: Bien,
oui, je suis prêt à le dire, pour une simple et bonne raison, c'est que, vous
avez raison, je pense que ça peut être un outil qui est utile si et seulement
si les gens participent. Si personne ne le télécharge, en quoi c'est utile?
Donc, si les gens n'en veulent pas, ils ne le téléchargeront pas. S'ils ne le
téléchargent pas, c'est inutile. Et là je vous donne deux exemples :
l'Allemagne, où on a un taux de participation qui est quand même intéressant,
versus la France, où on a un taux de participation qui est... puis c'est un
doux euphémisme, là, mais qui est anémique. Alors, c'est inutile. Je veux dire,
la France, c'est 2 % de participation. Ça ne donne rien, vous comprenez?
Donc, la consultation publique, elle a
deux objectifs. C'est de s'assurer : Est-ce que les Québécois ont un
appétit pour ça, oui ou non? Et, si oui, qu'est-ce qui sont les craintes, et,
si non, qu'est-ce qui sont les obstacles qui font que les Québécois n'ont pas
d'appétit pour ça? Puis, si on est capables de répondre à ces préoccupations-là
puis d'avoir un débat serein basé sur des éléments qui sont réels...
Donc, c'est pour ça que je veux évacuer le
fait que... géolocalisation, c'est non, utilisation de paramètres biométriques,
c'est non, et stockage de renseignements personnels, c'est non. Mais, à partir
de là, on peut expliquer le fonctionnement sommairement, comme je viens de le
faire, puis dire aux Québécois : Ça, est-ce que c'est quelque chose que
vous pensez qui pourrait être intéressant pour lutter contre la pandémie? Si
les Québécois nous disent, dans un nombre qui est significatif, oui, bien, oui,
on pourra aller de l'avant, mais, si les Québécois nous disent, dans un nombre
tout aussi significatif, non, bien, à ce moment-là, on sait que c'est voué à
l'échec. Donc, pourquoi aller de l'avant?
Mme Gamache (Valérie) : Est-ce
que, dans vos consultations, vous allez régionaliser? Parce qu'on peut penser
qu'en Gaspésie, par exemple, on n'ait pas le même appétit qu'à Montréal pour ce
genre de... Est-ce que les données seront régionalisées et est-ce qu'il
pourrait y avoir, à ce moment-là, des...
M.
Caire
: Bien,
en fait, la réponse à votre question, c'est oui, parce que, dans le
questionnaire, on demande entre autres, là, dans les dernières questions, on
demande aux gens dans quelle région ils habitent. Donc, ça va nous donner
effectivement une indication sur les appétits.
Ceci étant dit, vous comprendrez que... Je
pense que l'information, elle est utile, mais, en même temps, je réitère mon commentaire,
il faut que ce soit une application qui soit désirée par une portion très
importante de notre population partout sur le territoire.
Donc, vous comprendrez, là, que ce
serait... en tout cas, je ne veux pas m'avancer, là, mais dire... On pourrait
difficilement déployer ça dans une région, pas dans une autre. Mais c'est une
information qui est intéressante puis qui va certainement nous permettre, là,
d'avoir un pouls plus précis de la population.
Mme Gamache (Valérie) : Puis
pour que ce soit efficace, je sais... Je pense, en Alberta, c'était 18 %.
On s'est rendu compte que finalement, l'application n'était pas super efficace,
là. Pour que ce soit efficace, c'est... Bien, à part l'exemple de l'Allemagne,
au Canada, est-ce qu'on a des juridictions où on sait que la pénétration a été
assez grande pour que...
M.
Caire
: Bien,
en fait, non parce que l'Alberta a déployé son application, sa solution maison
avec peut-être 18 % ou 20 %, effectivement, mais, sinon, il n'y a pas
d'autres juridictions au Canada qui ont déployé une telle application, donc
c'est difficile de mesurer, là, l'impact réel. Puis, en plus, au niveau de
l'Alberta, l'échantillon de temps est quand même assez restreint, là, ça fait
que dire que ça a eu un impact, c'est un peu difficile, là.
Donc, c'est pour ça que je ne m'avance pas
sur un chiffre, mais vous comprendrez que plus le chiffre va être élevé, plus
ça va être significatif comme réponse de la part de la
population — dans un sens ou dans l'autre, hein, ceci étant dit.
M. Bossé (Olivier) : Tout le
monde a son idée de ce que ça fait, que ce soit juste ou pas, tout le monde
peut se dire : Bien, ça, ça va venir m'espionner ou il y a des micros, ça
m'écoute, ou... Est-ce qu'il y a une campagne d'information?
M.
Caire
: Oui.
Bien, c'est ça. Quand je vous dis : Faire le débat de façon sereine et
éclairée, c'est de dire exactement...
M. Bossé (Olivier) : ...la
même chose.
M. Carrière : Oui, c'est ça.
C'est de dire : Voici ce que l'application fait, et surtout, voici ce que
l'application ne fait pas. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui je vous le dis, là,
on a d'emblée, là, d'emblée, là, on a exclu la possibilité qu'une application
puisse utiliser la géolocalisation, la biométrie ou le stockage de renseignements
personnels. Ça, c'est exclu, là. Ça ne peut pas arriver.
M. Bossé (Olivier) : ...ça se
rende à la population, ces informations-là.
M.
Caire
: Bien,
il faut que ça se rende à la population, et c'est pour ça qu'ici, je le répète,
et à l'extérieur on va répéter ces messages-là. Aussi, quand on remplit le
questionnaire, il y a quand même de l'information, préalable à compléter le
questionnaire, qui est fournie aux citoyens qui vont aller sur le site
consultation.quebec.ca pour compléter le fameux questionnaire en question. Puis
il y aura d'autres mesures qui seront prises au cours des prochaines semaines
pour inciter, d'une part, la population à participer à la consultation et,
d'autre part, pour s'assurer qu'on diffuse une information qui est pertinente.
Aviez-vous d'autres questions? Non? Merci à vous.
(Fin à 10 h 20)