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Conférence de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Lancement de la campagne « Pour un pays de projets »

Version finale

Le mercredi 13 avril 2011, 13 h 30

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures trente minutes)

M. Khadir: Alors, merci d'être là pour nous. C'est un plaisir pour moi de vous représenter et, pour ceux et celles qui ne la connaissent pas encore, donc pour vous présenter pour la première fois Émilie Guimond-Bélanger, qui, en l'absence de Françoise David, agit comme porte-parole féminine de Québec solidaire. Elle était déjà membre du comité de coordination national, c'est une étudiante de l'Université Laval qui poursuit, donc, une maîtrise actuellement?

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Le baccalauréat en travail social.

M. Khadir: Le baccalauréat... Alors, Québec solidaire lance aujourd'hui sa campagne Pour un pays de projets. Bien sûr, Québec solidaire veut faire du Québec un pays, mais un pays de projets qui... En fait, on le fait par le lancement de notre site, un site qui a été préparé pour faire la promotion de notre vision pour le Québec de demain, notre vision de la souveraineté, mais aussi la démarche pour accéder à l'indépendance du Québec. On en profite également, dans la présentation qu'on va vous faire et ainsi que sur le site... une série de solutions qui proposent des pistes immédiates pour la défense de la culture et de la langue française, notamment pour les problèmes qu'on rencontre avec la langue au travail à Montréal.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Oui, merci. Alors, en fait, donc, on fait le lancement aujourd'hui de notre campagne politique avec le site Web paysdeprojets.org, que vous pouvez consulter dès maintenant. Au cours des prochains mois, on va diffuser par le Web nos propositions pour accéder à la souveraineté et nos propositions aussi sur le français, qui seront diffusées dans les réseaux des mouvements sociaux, mais aussi chez nos partenaires souverainistes. À compter de l'automne prochain, Françoise David va faire une série de... en fait, une tournée dans plusieurs régions du Québec pour faire justement la promotion de notre perspective de la souveraineté et, donc, elle va visiter les associations aussi locales de Québec solidaire.
Il faut se rappeler que, lors du congrès de 2009 de Québec solidaire sur la question nationale, on s'était très clairement positionnés comme un parti souverainiste. Donc, ça va dans le même sens de ce qu'on avait déjà adopté dans notre congrès, et donc, pour ce faire, Québec solidaire vise, en fait, une démarche qui est tout à fait différente de celle du PQ, c'est-à-dire de former des assemblées constituantes, en effet, parce que, dès le début d'un mandat d'un gouvernement solidaire, dans les premiers mois on va mettre de l'avant une assemblée constituante qui va être formée de citoyens et de citoyennes du Québec qui vont être, en fait, représentatifs... bien, qui va être élue au suffrage universel et qui va représenter toutes les différentes régions du Québec de façon proportionnelle, qui va être paritaire entre les hommes et les femmes et non partisane - excusez-moi - et qui va viser, en fait, deux objectifs. Le premier, c'est de se questionner sur l'avenir constitutionnel du Québec, en fait viser à l'écriture d'une constitution québécoise puis aussi se questionner sur le projet de société qu'on veut faire au Québec.
Donc, à la suite de ce processus de réflexion, de débats et de propositions, les Québécois seront amenés à voter... en fait, à voter par référendum sur les propositions qui auront été mises de l'avant par les citoyens. Et c'est une démarche qui a eu lieu à la fois en Bolivie, en Équateur puis, plus récemment aussi, en Tunisie, donc c'est une démarche démocratique qui est extrêmement intéressante, et, nous autres, en fait, on est persuadés, à Québec solidaire, que c'est par le fondement même de cette démarche démocratique que ce sera possible d'enthousiasmer la population québécoise face à l'idée de la souveraineté en leur permettant de pouvoir s'exprimer sur cette question-là et qu'ils aient enfin le goût d'être maîtres chez nous.

M. Khadir: Alors, merci, Émilie. C'est sûr que le Québec, sous l'impulsion du Parti québécois, a déjà passé à travers l'expérience de deux référendums. La dernière a failli connaître le succès pour la proposition souverainiste, de notre point ce vue, grandement grâce à la commission itinérante lancée par M. Parizeau, à son appel aux partenaires de la souveraineté, et à la mobilisation, et à la participation populaire que cela a entraîné. En grande partie, de notre point de vue, c'est là que réside la clé du succès. Et, s'inspirant des démarches plus récentes des peuples qui, déjà, possédant pourtant leur indépendance formelle, ont eu besoin du processus, justement, d'assemblée constituante pour gagner de nouveaux espaces de souveraineté, de véritablement prendre leur destin en main, on pense... On a mentionné l'exemple de la Bolivie, de l'Équateur, mais il y a eu des assemblées constituantes également en Argentine, au Brésil. Donc, ce sont là, à notre point de vue, la... En rencontrant cette exigence démocratique, en réunissant les conditions de participation démocratique et populaire, nous pensons que c'est là la véritable clé des conditions gagnantes qu'il faut donc susciter plutôt que de les attendre, se cachant derrière une porte pour voir quel vent , éventuellement, pourrait passer. Donc, cette proposition vient comme un appel à tous les souverainistes, qui, actuellement, se partagent dans différentes propositions politiques sur la scène du Québec, mais aussi sur la scène fédérale, pour dire: Il y a, bien sûr, un plan Marois qui vise à réclamer plus de pouvoirs à Ottawa, qui ne suscite pas beaucoup d'enthousiasme pour la population, mais, en tout cas, qui nous désole dans l'attentisme qu'elle génère, mais il y a un autre plan, qui est le plan solidaire, qui est donc la constituante... une démarche volontariste et une démarche, surtout, de mobilisation et de participation démocratique.
Ensuite, il y a des... je pense, dans le débat actuel, parce que ça inquiète et ça préoccupe beaucoup de gens au Québec, notamment les souverainistes, la question du français. Nous sommes également préoccupés. On est préoccupés parce que, bon, on a vu la situation pour les écoles passerelles en partie corrigée. On sait l'utilisation déficiente du français dans les services de garde. On constate la lente anglicisation de Montréal et de ses couronnes. Donc, Québec solidaire, déjà depuis il y a un an, on a pris part à plusieurs rassemblements pour exprimer notre préoccupation et pour défendre la français, et nous nous sommes attelés à une analyse qui a été menée - ça, c'est la direction... la coordination nationale de Québec solidaire - sur la situation de la langue au Québec.
Ce que, moi, j'en tire, surtout après avoir vu le documentaire récent sur Gérald Godin, que je vous invite à voir... Il y a un passage absolument lumineux dans lequel on entend Godin dire en substance que le français... si le français n'est pas vraiment la langue de travail au Québec, on aura beau régler et changer les règles du jeu à l'école - et, à l'époque, c'était la question de la loi 101 - mais, en définitive, si on ne fait rien sur le marché du travail, on ne réglera pas... on ne francisera pas la société, on ne réglera pas la question de la défense de la langue française.
Pour les cégeps, nous, on considère qu'il faut être vigilant et on veut bien considérer cette possibilité d'étendre la loi 101 aux cégeps. Je tiens à, disons, préciser notre pensée, on n'a pas conclu encore là-dessus. Ce qui nous désole, cependant, dans la proposition formulée actuellement par le Parti québécois et mise de l'avant par mon collègue et mon ami Pierre Curzi, ce qui me désole là-dedans, ce qui nous désole, c'est de faire porter tout le poids, en quelque sorte, de la défense de la langue française... De la manière dont le PQ aborde maintenant la solution qu'il nous présente comme la solution prépondérante avec l'extension de la loi 101 aux cégeps, c'est qu'ils font porter finalement... on fait porter l'essentiel du poids de la défense de la langue française sur les étudiants allophones, sur les immigrants, qui ne demandent pas mieux qu'on leur donne les moyens, tous les moyens de vivre en français, d'étudier en français et d'avoir le français comme langue d'usage. Ceci est désolant, mais je comprends. Le PQ a un sérieux problème avec sa position sur la souveraineté, avec sa démarche vers la souveraineté, et, à l'approche du congrès et, maintenant, au congrès, la direction du PQ a sans doute besoin de miroiter une impression d'une plus grande fermeté sur quelque chose, en tout cas sur une question identitaire. Et, malheureusement, ça tourne alentour de cette question de la langue française, mais avec une solution qui fait porter l'essentiel du poids sur les citoyens issus de l'immigration, les allophones.
Nous, on a des propositions, des propositions, bien sûr, qui peuvent inclure éventuellement... On va mener le débat, tout au cours de cette année jusqu'à notre congrès de novembre prochain, sur cette idée d'étendre la loi 101 aux cégeps, mais on constate quand même que 64 % des jeunes allophones francisés choisissent actuellement le cégep en français. C'est une progression de 45 % en 10 ans. Donc, s'il y a encore un problème, s'il y a encore trop d'allophones qui choisissent le cégep anglais, on peut quand même constater que la tendance est bonne, il n'y a pas péril en la demeure.
La question à se poser maintenant est: Pourquoi ce choix-là est fait? J'offre mon explication de député de Québec solidaire, mais aussi de citoyen issu de l'immigration, c'est que la socialisation se déroule en anglais souvent pour les familles où l'anglais est quand même la langue d'insertion en milieu de travail. Les élèves qui vont à l'école française à cause de la loi 101, il y en a beaucoup - et on le constate, par exemple, dans l'Ouest-de-l'île - qui sont manifestement socialisés en anglais. Leur langue d'usage, à la maison, dans la cour d'école, dans leurs relations d'amitié, dans leurs fréquentations sociales et culturelles, est l'anglais, et c'est sûr que, donc, ça s'inscrit de cette manière. Pourquoi? Parce que, bien souvent, ces familles ont eu leur insertion en milieu de travail, donc leur intégration au Québec, dans des milieux de travail en anglais. Et, en plus, il y a la perspective que l'anglais est la langue d'accès, la langue du succès sur le plan économique ultérieurement. Alors, on peut comprendre qu'encore bon nombre d'entre eux choisissent, à la fin de leur école française, choisissent le cégep en anglais.
En conséquence, la question du milieu de travail se pose à nous, c'est un enjeu primordial. On devrait consacrer l'essentiel de notre énergie à mener une bataille pour achever cette conquête des milieux de travail, pour faire vraiment du français la langue d'usage dans tous les milieux de travail. On a une série de propositions que vous allez voir dans le document, 28 propositions dans le document que vous a soumis notre ami Christian Dubois. Je ne reviendrai pas sur le détail de tout ça, mais ce qui est certain, c'est que plusieurs de ces propositions rejoignent des propositions qu'il y a dans le cahier des propositions du PQ aussi à son congrès. Ce qu'on se désole, je le répète, c'est qu'on mette de l'avant une solution qui fait porter tout le poids sur les immigrants, sur les étudiants allophones, alors que le vrai problème, le vrai débat, c'est sur la question de la langue dans le milieu de travail.

Mme Dumond-Bélanger (Émilie): Merci. On pourra accueillir les questions.

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac): Oui. Alors, Pierre, Pierre Duchesne.

M. Duchesne (Pierre): M. Khadir, je pense que je ne suis pas le seul, on avait compris que vous aviez énormément de réticence, vous n'étiez pas pour étendre la loi 101 aux cégeps. J'avais mal compris? On avait mal compris?

M. Khadir: Non, vous m'avez... Lors d'une conférence de presse, un point de presse, il y a plusieurs semaines, j'avais exprimé mon opinion, que, moi, si on me demande, là, mon intuition, c'est que ce n'est pas là qu'il faut aller. Mais le débat reste à faire à l'interne. J'ai mentionné, d'ailleurs, à mes collègues du PQ tout à l'heure en Chambre que c'est assez amusant parce qu'à l'intérieur, par exemple, de notre direction nationale un de ceux qui dit qu'on ne devrait pas fermer la porte à ce genre de solution là si on fait l'évaluation puis on estime qu'il faut aussi considérer cette option-là, c'est un des membres anglophones de notre comité de direction national. Donc, ces propositions sont actuellement ouvertes et en débat.
Là où j'ai inscrit mon malaise, c'est ce que je viens de vous exprimer. C'est que, quand on fait un constat comme le fait Pierre Curzi... Puis il le fait bien avec d'autres... avec nous, que le français est en recul dans notre société en grande partie parce qu'il est en recul à Montréal, d'accord, et dans sa couronne. Maintenant, à partir de ce constat, il faut établir un diagnostic sur les véritables causes. Si on se trompe de cible, si on se trompe de cause, si on prend un symptôme comme étant la cause d'une maladie ou d'un problème, comme c'est le cas quand on fait porter l'essentiel du... Parce que, en partant de ce constat, quand le PQ arrive dans le débat public puis propose comme solution d'étendre la loi 101 aux cégeps, c'est comme dire: Bien, on fait porter le poids de la défense de la langue française au Québec et de sa promotion à Montréal sur les étudiants allophones. Parce que c'est à ça que... Dans le débat public, qu'est-ce qu'on entend actuellement venant du PQ? C'est principalement cette option-là. Ça, c'est le malaise. Ça, je m'oppose farouchement à ce qu'on fasse porter tout le poids par les allophones. On a une responsabilité collective, on n'a pas achevé le travail pour asseoir véritablement le français comme la langue de travail. Je vous l'ai dit à plusieurs reprises, allez voir pas plus loin que Bombardier, franchissez quelques hiérarchies, allez au sommet, la plupart des réunions se déroulent en anglais. Alors, comment voulez-vous... Quel message on envoie avec ça à nos étudiants, à notre société, à nos jeunes? C'est là qu'il faut regarder, puis voilà.

M. Duchesne (Pierre): M. Khadir, si je peux me permettre, c'est parce que je ne comprends pas parce que vous dites: On fait porter le poids sur les allophones. Mais les francophones aussi vont devoir, selon la loi 101, Québécois francophones, vont être tenus d'aller au cégep en français.

M. Khadir: Effectivement, 5 %.

M. Duchesne (Pierre): Et deuxième sous-question, vous parlez du milieu du travail, mais il me semble avoir entendu M. Curzi, qui se base sur des études, qui dit qu'on peut aussi raisonnablement penser que certains qui font leurs études au cégep en anglais vont aller faire leur université en anglais et travailler dans un milieu anglophone. Donc, on rejoint votre inquiétude du travail qui s'anglicise, non?

M. Khadir: Bien sûr. Bien sûr, oui, mais cette cristallisation, ce choix d'aller vers le milieu anglophone, que ça soit au niveau de l'éducation, donc le cégep ou l'université puis ensuite le travail, souvent, s'est opéré avant. Comme je vous l'ai expliqué, si on veut vraiment... D'abord, il n'y a pas... Regardez, lorsqu'on regarde les études de Paillé, il n'y a pas actuellement de données scientifiques selon... J'ai dit de Paillé... de Pagé en 2010 pour dire que l'utilisation de l'anglais en milieu de travail, c'est dû au choix du cégep. On peut penser, on peut dire que, bon, écoutez, ces étudiants allophones qui choisissent le cégep anglais vont finir de travailler dans le secteur anglophone, donc l'équation est faite, il y a une relation de cause à effet. Mais c'est peut-être juste une corrélation. Moi, je prétends par mon expérience que la cristallisation, le choix se fait avant, au moment même où l'élève est déjà dans une école française à cause de la loi 101. L'allophone est là, sauf que sa langue d'usage, sa langue de socialisation est en anglais parce que ses parents se sont socialisés et insérés dans le marché de l'emploi en anglais. Donc, si on opère, mettons, cette extension de la loi 101 aux cégeps, on n'aura rien réglé, son choix est déjà fait, sa socialisation est déjà faite. Il va passer deux autres années ou trois autres années au cégep en français, mais, par la suite, il va quand même faire son choix en fonction de la langue avec laquelle il a le plus de... ou cette personne a le plus de familiarité, d'aisance puis en fonction des choix de socialisation qui se sont opérés pour lui ou avec lui avant.
Donc, si on veut agir, il faut agir à d'autres niveaux, au niveau des milieux de travail, pour que les milieux dans lesquels grandissent ces enfants allophones soient imbibés de la culture francophone à cause de l'insertion en milieu de travail francophone de leurs parents. C'est pour ça que je dis que la situation est plus complexe. Si on se trompe de cible puis on agit sur le symptôme plutôt que sur les causes, bien, dans cinq ans, dans 10 ans, Gros-Jean comme devant, on sera bredouilles puis on n'aura rien réglé.

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac): Oui, Taïeb Moalla.

M. Moalla (Taïeb): Bonjour, M. Khadir. J'ai deux questions. Comme vous êtes souverainiste puis que le Parti québécois l'est également, ils ont un congrès cette fin de semaine, est-ce que vous êtes invité à y assister pour leur parler de votre démarche ou de votre façon de voir les choses?

M. Khadir: Ça ne m'avait pas passé à l'esprit, pas au leur non plus, et il n'y a pas eu d'invitation. Mais, si vous pouvez en convaincre quelques-uns, moi, je serais plus qu'honoré. Maintenant, on va quand même leur envoyer...

M. Moalla (Taïeb): Ce n'est pas mon rôle de les convaincre.

M. Khadir: ...on va quand même leur envoyer... On va, c'est sûr, envoyer ces documents-là au PQ, au Bloc québécois, à tous les groupes souverainistes qui sont actifs, Les intellectuels pour la souveraineté, le Conseil de la souveraineté, on va engager nos partenaires dans un débat pour dire qu'il n'y a pas une solution, il n'y a pas une démarche... D'ailleurs, Les intellectuels pour la souveraineté, il y en a plusieurs qui m'ont dit tout récemment qu'ils sont en train de réfléchir sur la question de la constituante, ça leur apparaît une avenue très intéressante. Mais on ne l'a pas inventé, ça a déjà été évoqué au Québec par le RIN, même. J'ai vu dans certains documents que, déjà dans les années soixante, on pensait à une constituante pour le Québec.

M. Moalla (Taïeb): Vous dites également que vous n'êtes pas du tout dans la logique du «Oui, mais» ou des conditions gagnantes, mais est-ce qu'il n'y a pas une contradiction entre dire ça et aussi avoir un de vos militants actifs, M. Boulerice, pour ne pas le nommer, qui est en même temps candidat au fédéral d'un parti qui est, à ma connaissance, résolument fédéraliste, qui est favorable à la Loi sur la clarté ou toute chose que vous condamnez, j'imagine. N'y a-t-il pas une contradiction fondamentale là-dedans?

M. Khadir: Non. De nombreux souverainistes, dans l'histoire du Québec, se sont présentés pour le NPD. Je pourrais en nommer des illustres comme Vadeboncoeur, comme Marcel Pepin, le père de votre collègue ici, en fait... mais qui appuyaient le NPD comme de nombreux souverainistes au Québec qui se sont présentés à différentes occasions pour le NPD à cause des positions sociales du NPD et parce qu'au sein du NPD, de tout temps, il y a eu des personnes, des députés et des dirigeants qui ont été très ouverts pour le Québec. Je me désole de voir qu'au cours des dernières années ces éléments sont moins actifs et sont moins, je dirais, présents dans ce débat pour souligner le fait que le NPD doit respecter les demandes historiques du peuple québécois et ne doit pas obstruer la volonté du peuple du Québec, éventuellement, si, démocratiquement, elle s'exprime en faveur de la souveraineté, le NPD ne doit pas l'obstruer, doit le reconnaître et collaborer.

M. Moalla (Taïeb): Dernière pour moi, s'il vous plaît. Du côté du gouvernement, on me dit que le Parti québécois cache son option souverainiste. Avez-vous également cette impression qu'on essaie de ne pas trop en parler ou de rester dans le vague?

M. Khadir: C'est une question que vous posez à moi? Bien, écoutez...

M. Moalla (Taïeb): Vous avez deux porte-parole...

M. Khadir: ...il faut leur demander, moi, je ne veux pas... Je comprends le malaise. Quand on n'a pas une stratégie gagnante, quand on n'est pas... on est intimidé, comme l'a été la direction du mouvement souverainiste depuis au moins Lucien Bouchard, par ce que le patronat peut penser, ce que les marchés peuvent penser, ce que les alliés peuvent penser, aux conséquences, disons, politiques, moins confortables qu'une démarche engagée vers la souveraineté peut entraîner, c'est sûr qu'on peut, disons, hésiter puis se ramasser à donner l'impression, à tout le moins, qu'on n'est pas très déterminé à poursuivre cet objectif. Et, moi, je m'en désole, mais je pense... et j'offre la possibilité pour le PQ, à nos partenaires souverainistes, de refaire le débat, et de trouver des solutions gagnantes, et je leur dis: Écoutez, partout dans le monde, surtout en Amérique latine, il faut s'ouvrir les yeux, là, il y a eu des conquêtes absolument incroyables qui ont été réalisées par des peuples qui faisaient face au même dilemme, par exemple à des secteurs privés, à des secteurs industriels excessivement hostiles, à des volontés politiques exprimées par une majorité de la population. Ils y ont fait face en convoquant démocratiquement une assemblée constituante pour réfléchir sur le plan constitutionnel et pour se parer devant ces menaces, ces turbulences et ces... disons, chantage qu'on a connu par le passé de voir de notre cote de crédit baisser, les capitaux fuir, etc.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Est-ce que je peux ajouter aussi? En fait, c'est qu'à Québec solidaire ce qu'on dit, c'est que, d'abord, le fédéralisme est irréformable, puis, en fait, on dirait que c'est un message contradictoire que le Parti québécois envoie en disant : On va essayer d'aller chercher certains pouvoirs , d'aller sur tel, tel enjeu, on va essayer d'aller rapatrier certaines choses. Non, ce n'est pas là où est-ce qu'il faut mettre nos énergies. Ce qu'il faut faire activement, c'est de déclencher des assemblées constituantes, d'inclure la population québécoise dans un débat vers l'accession à la souveraineté, d'être proactifs au lieu de se mettre en situation de réaction face à... Dire: Ah! Ottawa ne nous donnera pas x, y, z pouvoirs, c'est une situation d'attentisme ou, en fait, c'est comme si, finalement, on disait: Finalement, peut-être que le fédéral va nous en donner, un certain pouvoir, puis peut-être qu'on va s'en contenter. À Québec solidaire, vraiment, on n'est pas du tout dans cette mentalité-là. Pour nous, il faut être absolument proactif vers l'accession à la souveraineté et cesser de croire qu'il faut attendre quoi que ce soit du gouvernement fédéral. On a eu tellement de situations, dans l'histoire du Québec où on a été déçus, il me semble que c'est un constat sur lequel, en tout cas, pour nous, c'est tout à fait évident.

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac): Je me permets de m'insérer dans les questions parce que, justement, sur la question de l'assemblée constituante, vous dites, d'une part, que c'est non partisan, donc c'est ouvert à tous les partis et c'est une... Comme c'est une assemblée constituante, ça va se pencher sur les moyens d'accéder à la souveraineté, oui, mais peut-être d'autres pistes de solution par rapport aux questions constitutionnelles. Autrement dit, les travaux d'une assemblée constituante pourraient donner lieu à une proposition de tenir un référendum sur autre chose que la souveraineté. Est-ce que c'est une perspective que vous envisagez?

M. Khadir: C'est toujours possible. Mais alors, M. Dutrisac, que vaut la souveraineté? Que vaut la souveraineté si ce n'est pas l'exercice démocratique d'un peuple, souverainement, démocratiquement, de décider ce qu'il veut? Nous, on fait le pari que, comme le Québec est en attente, je dirais, d'une décision ultime sur son avenir politique, une assemblée constituante qui parle de la constitution du Québec va poser la question de l'avenir politique du Québec dans le cadre canadien ou en dehors du cadre canadien. Et on fait le pari également que, comme pour les autres peuples modernes, quand on assure, on donne les garanties que le processus est vraiment à l'abri de l'ingérence indue, comme ça a été le cas dans le référendum, malheureusement, à cause de l'ingérence et du financement illégal contourné pour mener la lutte au camp... de manière illégale et illégitime au camp souverainiste, le camp du Non, ce qui a été démontré... Si on assure, donc, un processus vraiment démocratique à l'abri d'influences indues, par exemple, du fédéral ou du milieu des affaires, comme n'importe quel peuple à qui on donne l'occasion d'avoir plus de prérogatives, plus de pouvoirs, je ne vois pas pourquoi le Québec s'en détournerait, le peuple québécois s'en détournerait.
Et notre assurance la plus grande, c'est comme je vous ai dit, la dernière fois qu'on a fait l'exercice, et ce qu'il s'en est rapproché le plus, c'est-à-dire les commissions itinérantes ont donné lieu à absolument un foisonnement incroyable d'initiatives venant de la population, bien au-delà des espérances de M. Parizeau. On n'attendait que quelques centaines de mémoires, on en a eu plus d'un millier, il y a eu plus de 50 000 participants, la langue du peuple s'est déliée. La page initiale, si vous vous rappelez, du cahier, là, où on devait écrire notre préambule, ce n'était plus une page, mais on offrait des projets de pays. Alors, c'est dans ce sens-là que nous pensons qu'il faut faire le seul... Je dirais, le seul pari qu'il faut faire pour l'avenir du Québec, c'est le pari de la participation démocratique, c'est de donner véritablement la possibilité au peuple de prendre son élan, de commencer à marcher plutôt que d'être dans l'attentisme.

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac): Sur la question...

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Est-ce que je peux ajouter à ça?

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac): Oui, allez-y.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Parce qu'en effet c'est peut-être justement le moment, enfin, de demander à la population québécoise ce dont ils ont envie puis ce dont ils veulent, qu'est-ce qu'ils ont besoin. Parce que le débat souverainiste a tellement été monopolisé, je dirais, par une forme d'élite politique, finalement, où ça provenait du Parti québécois, des députés du Parti québécois, les questions qui ont été posées à la population, on a mis ça un peu en vase clos puis, finalement, bien, on a tellement intellectualisé ça dans des portes closes que, là, c'est peut-être justement le moment d'ouvrir tout ça puis dire, bien, qu'est-ce qu'on veut comme Québec indépendant, qu'est-ce qu'on veut comme... qu'est-ce que la population québécoise veut. Puis c'est probablement le premier pas d'atteindre la souveraineté de, justement, nous poser la question, puis c'est ça qui va permettre une remobilisation sur cet enjeu-là parce qu'effectivement c'est démobilisant de voir que c'est d'autres qui prennent les décisions à notre place, puis qu'on a tout simplement à cocher oui, cocher non, c'est... En fait, ça prend beaucoup plus de sens, je pense, en incluant la population là-dedans.

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac): Bon, une petite question sur la langue. Vous dites dans votre texte qu'il n'y a pas de catastrophe appréhendée à Montréal, et que vos propos ne seront pas alarmistes, et les mesures proposées ne seront pas excessives. Est-ce à dire que vous considérez que le constat que fait le PQ, par ailleurs, est alarmiste, est exagéré?

M. Khadir: Bien, je ne parlerai pas du constat, mais la manière dont le débat est mené parfois par mon ami Pierre Curzi ou des députés du Parti québécois et certains partenaires souverainistes à l'approche du congrès du PQ, où, comme je vous ai dit, malheureusement, la position sur la souveraineté est désolante, je dirais, par sa faiblesse, par sa tiédeur, fait en sorte qu'il m'apparaît qu'il y a là un procédé pour, je ne sais pas, allumer des feux ou grossir un problème pour cacher d'autre chose. Est-ce que c'est de ça qu'il s'agit ou vraiment on se trompe sur les chiffres? Moi, je regarde encore un article publié dans L'Aut'Journal par Charles Castonguay - souvent, dans les documents, dans les analyses, dans les interventions, on fait référence, par exemple, à certaines analyses de M. Castonguay - il analyse le nombre annuel moyen des nouveaux inscrits dont la langue maternelle diffère de la langue d'enseignement. À sa troisième colonne, on voit que, de 1998-2001 à... où c'était à peu près 1 400, on est passé en 2006-2009 à 2 300 allophones au cégep français. C'est une croissance de 65 % en 10 ans, c'est même plus que ce que nous avions estimé dans nos documents précédents. Alors, en fait, lui, il le calcule d'une manière différente, il regroupe les années, là, pour enlever les distorsions dues... lorsqu'on compare des années trop rapprochées. Et, même quand regroupe les informations, c'est une croissance.
Donc, on ne peut pas dire qu'on est dans une situation où on est en train de régresser, où on recule, sauf qu'on se demande, on peut se demander - c'est pour ça qu'il faut être... mesurer, pour ne pas aussi se tromper dans les décisions qu'on prend - c'est quoi, véritablement, le problème, pourquoi il y a encore un 40 %, un 35 % d'anglophones ou... surtout d'allophones, je m'excuse, d'allophones - je ne parlerai pas des francophones - d'allophones qui continuent à préférer, malgré le fait qu'ils ont été francisés, continuent à préférer d'aller au cégep anglais, en excluant évidemment le 5 %, comme chez les francophones, qui y vont, hein? Il y a 5 % de francophones sur les 40 000 qui y vont. Bon, là, il y a un libre choix en société. J'imagine que, si on part du principe qu'on va essayer de préserver le libre choix, on exclut ça. Pourquoi les 30 % qui restent font ce choix-là? Bien, c'est des questions à se poser. Il faut voir si ça peut corriger la situation si on étend la loi 101 au cégep, si, après, ils vont vraiment se socialiser, puis travailler, puis utiliser le français comme langue d'usage, comme langue domestique, comme langue de vie en société. C'est à démontrer. Ça n'a pas été fait, il n'y a aucune donnée scientifique qui permet de dire: Si on fait ça, ça va donner ça.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Puis, de ce point de vue là, le Parti québécois aussi exerce un focus, effectivement, sur la langue à tous les niveaux, vraiment de façon très rigide, toujours... Bon, notamment, sur l'application de la loi 101 au cégep, tout ça, c'est très, très... on met un accent très profond là-dessus, mais alors qu'à Québec solidaire ce qu'on dit aussi, c'est qu'il faut mettre l'accent sur la valorisation de la culture québécoise aussi. C'est quelque chose qui est fondamental de... Par exemple, on est le seul parti à proposer qu'il y ait des manifestations culturelles qui soient adressées aux étudiants à tous les niveaux. Donc, cette valorisation-là de la culture québécoise est aussi fondamentale. On se rappelle, par exemple, que c'est le Parti québécois qui a coupé dans le financement de Télé-Québec. Je veux dire... Donc, en fait, il faut être cohérent. Nous, ce qu'on dit, c'est que, oui, la promotion de la langue française est nécessaire, mais ça passe aussi par la promotion de la culture québécoise et que les Marie Laberge, les Louis-José Houde du Québec soient connus par l'ensemble de la population. C'est une richesse qu'on a qu'il faut développer davantage.

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac): Tommy Chouinard

M. Chouinard (Tommy): Mettons de côté, M. Khadir, ce que dit le PQ de l'idée d'appliquer la loi 101 aux cégeps. Moi, je veux bien comprendre, vous vous étiez clairement exprimé contre cette mesure-là.

M. Khadir: Personnellement, je le dis, je le suis, je suis dans les gens, à Québec solidaire, qui sommes contre. On en a, puis on en a qui sont pour. Puis on est en train de faire le débat, chacun a ses arguments.

M. Chouinard (Tommy): D'accord. Que s'est-il passé pour que le... un leader d'une formation politique dise une chose et décide finalement de mettre cette proposition sur la table? Est-ce qu'il y a eu des pressions à l'interne pour corriger le tir?

M. Khadir: Ah! pas du tout.

M. Chouinard (Tommy): Comment ça s'est passé?

M. Khadir: Bien, c'est sûr qu'il y a eu des débats à l'interne parce qu'il y avait eu la perception que j'avais tracé une ligne pour Québec solidaire. Moi, je suis porte-parole, je ne suis pas chef. C'est la différence, hein? Il y a une différence culturelle. Je conçois que c'est difficile. Lorsqu'on est dans un paradigme où les chefs décident de tout, vous avez l'impression que, parce que j'ai dit quelque chose, ça trace la ligne pour le parti. Ce n'est pas comme ça que ça se passe chez nous. Donc, moi, j'ai dit mon opinion.
D'ailleurs, si vous revoyez l'enregistrement de cette conférence de presse, j'ai dit: Écoutez, mon parti, je ne pense pas qu'il aille là. Pourquoi j'ai dit ça? Parce que mon parti n'a pas encore décidé là où il veut aller. Mais, moi, je ne pense pas qu'il aille là parce que je pense pouvoir mener le débat et convaincre qu'on n'a pas besoin de restreindre les droits individuels. Parce que, comme nouvelle approche d'une société plus solidaire, plus socialisante, j'aimerais le plus possible, à chaque fois, pouvoir étendre le plus possible et défendre les droits individuels. Pourtant, vous me connaissez, je suis toujours en faveur d'une intervention forte de l'État, mais une intervention forte pour des mesures systémiques qui s'attaquent à nos responsabilités collectives, pas en brimant les choix individuels. D'accord? Donc, cohérent avec ça, j'ai dit: Je pense pouvoir faire le débat dans mon parti que le problème est ailleurs. Il faut exiger des entreprises une plus grande responsabilité. Il faut que l'État investisse pour rendre le français plus attrayant, plus dynamique. Il faut développer un attachement au français qui ne soit pas coercitif et qui engendre les ressentiments, qui fasse en sorte qu'on se sente coincé, puis qu'à la fin, à la première occasion, on pense à l'autre langue. Il faut que ça devienne vraiment un attachement. Mais, pour ça, il faut être cohérent. Donc, mon pouvoir... Puis là je ne vous parle pas du PQ, Québec solidaire va instituer une série de mesures. Il y en a 28 dont une très grande partie, en premier lieu, dans le domaine culturel puis, en deuxième lieu, sur les milieux de travail pour s'assurer que le français se développe.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Et ce que je peux ajouter aussi, c'est qu'en fait à la direction nationale de Québec solidaire - moi, je suis responsable de la commission des femmes, donc je siège sur cette instance-là -  on s'est posé la question pendant un an sur qu'est-ce que ce serait, notre politique de promotion de la langue française. Puis, quand on a discuté de la question de la loi 101, de l'application dans les cégeps, on s'est dit: Est-ce que c'est un clou sur lequel il faut taper dès maintenant comme quelque chose de fort, d'important, de nécessaire, et tout ça? Puis on s'est dit: Ce n'est peut-être pas là que ça se passe, c'est beaucoup plus dans les milieux de travail. Donc, O.K., ça fait que c'est pour ça que, dans le fond, ça ne se retrouve pas présentement dans nos propositions. Or, présentement, on a lancé l'enjeu trois qui traite de culture, justice...

M. Khadir: Et services sociaux.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): ...services sociaux. Et, dans cet enjeu-là, qui va être débattu au congrès de décembre mais qu'on va trancher au congrès de décembre, il y a la question: Voulons-nous l'application de la loi 101 dans les cégeps, etc.? Maintenant, ce qu'on dit à la direction de Québec solidaire, dans le fond, depuis le début, c'est que ce n'est pas un des points sur lesquels il faut absolument mettre l'accent, que, pour nous, ça se trouve ailleurs. Maintenant, M. Khadir a exprimé son opinion là-dessus, et le débat continue dans les rangs de Québec solidaire. Mais on ne revient pas sur une position, rien. En fait, c'est que, depuis le début, pour nous, c'est clair. Puis, si on retourne lire l'article, ça dit bien: Khadir contre l'application de la loi 101 aux cégeps. Ce n'est pas Québec solidaire qui s'engage a ça. Ça, vous aurez une réponse bien formelle en décembre de cette année.

M. Khadir: Imaginez le jour où elle va se retrouver à l'Assemblée nationale. Gare à M. Charest.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Est-ce que ça répond? Parce que la question était revenue... O.K. Parfait.

M. Chouinard (Tommy): Je veux parler de la démarche souverainiste proposée par le Parti québécois. On sait qu'il y aura vote sur la proposition principale au moment du congrès. Cette proposition-là définit la démarche... en tout cas, la démarche d'accession à la souveraineté, disons, telle que proposée par le Parti québécois. Vous avez critiqué beaucoup cette démarche-là. Est-ce qu'à votre avis il est trop tard, au Parti québécois, pour la modifier? Faites-vous un appel aux progressistes de ce parti de veiller à changer ça d'ici le vote?

M. Khadir: Je vais essayer d'être le plus, je dirais, généreux possible dans la manière d'entrevoir l'avenir, je dirais, dans le mouvement souverainiste. Si le PQ fonde sa stratégie sur le plus rapidement possible, ce n'est pas en contradiction avec l'idée de lancer une constituante dans les six premiers mois, comme c'était dans notre plateforme de 2008. Québec solidaire s'était engagé: Une fois arrivés au pouvoir, on organise l'élection d'une assemblée constituante dans les six premiers mois. On dégage le gouvernement de la responsabilité de mener tout ça, on remet ça entre les mains de la société, de la mobilisation populaire, en fait, et de la constituante, et je vois très bien l'adoption, par la suite, dans la plateforme du PQ, du modèle de la constituante, de l'initiative de la constituante comme très compatible avec cette idée de «le plus rapidement possible».
Ce que j'appelle, par exemple, mes amis du PQ à reconsidérer, c'est que l'accession du Québec à l'indépendance ne réussira pas véritablement si elle se fonde sur une politique de ressentiment, si on engage des espèces de chicanes avec Ottawa dans l'espoir que c'est les chicanes qui vont alimenter chez notre peuple l'enthousiasme et la détermination d'accéder à la souveraineté. Nous, on fait le principe que c'est sur la base d'un pays de projets, d'un projet de société qui englobe tout ce que le Québec génère de mieux, de plus emballant comme initiatives, comme projets d'avenir en matière culturelle, en matière sociale, en matière environnementale, énergétique. C'est en faisant un grand portrait de ce que le Québec de l'avenir peut être pour la population, donc d'une manière positive, demander au peuple québécois de s'en aller vers cette option-là. Et ça, ça risque d'être beaucoup plus gagnant, notamment là où ça a été la faiblesse, notre faiblesse dans le mouvement souverainiste, c'est-à-dire chez les allophones, chez une partie des anglophones qui sont plus ouverts, qui sont moins retranchés dans, je dirais, dans des crispations identitaires et ethniques.

M. Salvet (Jean-Marc): ...pourquoi dévoiler ces documents sur la langue et la souveraineté à trois jours du congrès du Parti québécois?

M. Khadir: Bien, parce que c'est pertinent, parce que nous estimons qu'il y a un grand débat qui s'ouvre avec le PQ et parce que, par son importance... c'est l'opposition officielle, c'est un parti qui a assumé le pouvoir pendant près de 20 ans au cours des 40 dernières années puis c'est un parti qui aborde ces problèmes d'indépendance, de souveraineté et de langue, de la défense du français. Comme, donc, partenaires politiques et sociaux de la même société, on soumet ça pour que ça puisse aider à la réflexion de nos chers amis membres du PQ.

M. Salvet (Jean-Marc): Vous cherchez à... des péquistes, des délégués péquistes ou des souverainistes? C'est un appel du pied que vous leur faites?

M. Khadir: C'est un appel à tous ceux qui se désolent de voir peut-être la direction du PQ ne pas montrer toute la détermination dont le mouvement indépendantiste a besoin.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Puis aussi, dans un certain sens, on voit que le débat souverainiste a beaucoup été mené par le Parti québécois antérieurement, mais, maintenant, Québec solidaire existe et amène une autre perspective de la souveraineté. On croyait qu'il y avait une seule façon de la faire, la souveraineté, puis qu'elle était maintenue par le Parti québécois. Bien, maintenant, Québec solidaire dit: Non, mais il y a d'autres façons aussi de le faire, les assemblées constituantes qu'on met de l'avant, bien pourquoi pas aussi explorer, en fait, différentes façons de le faire parce que c'est intéressant d'avoir ce débat-là, finalement, puis que ce ne soit pas monopolisé par un seul parti?

M. Salvet (Jean-Marc): Un élément technique, tout simplement. L'application de la loi 101 aux cégeps sera soumise au vote des délégués. Mais toutes vos propositions seront soumises au vote des délégués?

M. Khadir: Excusez... Oui. Oui, en fait...

M. Salvet (Jean-Marc): Toutes...

M. Khadir: Oui. Bien, il y a des débats qui sont plus consensuels, qu'on a déjà faits. Ça fait partie des choses qu'on a déjà, par exemple, dans notre plateforme de 2008, puis d'autres qui sont nouveaux, qu'il va falloir faire.

M. Moalla (Taïeb): Allez-vous avoir un vote de confiance... Excusez-moi, M. Khadir.

M. Khadir: Est-ce que c'est moi qui dois donner les droits de parole ou c'est...

M. Moalla (Taïeb): Ah! excusez, je pensais que... Excusez.

Le Modérateur (M. Robert Dutrisac):

Tu peux y aller, Taïeb, avec ta question.

M. Moalla (Taïeb): Je me demandais si vous aviez un vote de confiance en décembre.

M. Khadir: Oui. Moi?

M. Moalla (Taïeb): Vous puis Mme David aussi.

 

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Ça a été fait, oui.

M. Khadir: Ça a été fait tout récemment.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Ça a été fait dans notre congrès en mars, puis les deux co-porte-parole...

M. Khadir: 51,5 %.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Khadir: On n'a pas d'autres...

Journaliste: M. Moreau...

M. Khadir: Je vous laisse deviner ce que ça peut être.

M. Pépin (Michel): C'est un vieux projet de la gauche de travailler à la fois sur le statut politique du Québec, donc son indépendance, et un projet politique. Là, ça fait un moment que j'ai lu votre... la question des assemblées constituantes, votre programme relativement aux assemblées constituantes. Alors, vous me rafraîchirez la mémoire, mais, si je comprends bien, l'assemblée constituante va s'intéresser... va faire la proposition ultimement...

M. Khadir: D'une constitution, oui.

M. Pépin (Michel): ...hein, c'est ça, d'une constitution, et est-ce que... Mais, pour vous, là, parce qu'on verra bien ce que l'assemblée constituante pourrait bien, le cas échéant, suggérer... Mais là est-ce que, pour vous, est-ce que, pour Québec solidaire - je pose les questions sur deux volets - est-ce que l'idée, c'est vraiment de dire: On doit se prononcer, oui, sur un statut politique, l'indépendance du Québec, et également sur un projet politique qui accompagnera ce statut?

M. Khadir: Oui. Oui, en fait, c'est essentiel parce que tout ce processus-là, notre engagement devant la société québécoise comme proposition politique pour arriver au pouvoir, c'est que, si on arrive au pouvoir, on institue une assemblée constituante dans le but d'écrire une constitution et de demander la question de l'avenir politique du Québec: Voulons-nous être indépendants ou pas? Et on pense qu'associer ces deux démarches-là ensemble est gagnant parce que, pour le projet... parce que nous pensons que, quand les Québécois auront fait démocratiquement cet exercice, pas les élites, mais à la base, d'une manière participative, de c'est quoi, le tracé de ce qu'on rêve pour demain comme projet de société, on va se rendre compte qu'on a besoin de tous les leviers, de tous les pouvoirs et que l'indépendance est nécessaire pour réaliser ce projet de société.
Mais, une fois cette initiative prise par Québec solidaire et une fois, à travers toute cette compagne devant mener à l'élection de la constituante puis dans les débats, les membres de Québec solidaire ou les sympathisants qui, dans la société, seront partie prenante auront fait leur travail de faire la démonstration de ça, de pousser pour le projet le plus ambitieux, le plus emballant possible, ça appartiendra toujours à l'assemblée constituante de décider. Si on est démocrates, puis si on pense à la souveraineté du peuple, et si on s'assure que, vraiment, l'assemblée a été élue démocratiquement et représente le peuple, on doit respecter sa décision. C'est l'assemblée qui va décider la nature des questions, la nature de la constitution. Donc, c'est un pari, c'est sûr que c'est un pari, mais il faut, si on veut avoir quelque chose, il faut marcher, il faut être déterminés puis il faut faire les combats, puis il faut avoir confiance dans le fait que les Québécois, comme n'importe quel autre peuple, quand on leur donne véritablement l'occasion d'avoir plus de pouvoirs, bien ils vont la prendre, tous les peuples ont fait la même chose.

M. Pépin (Michel): Je ne reviendrai pas sur la représentativité de l'Assemblée nationale elle-même, hein, qui est quand même une institution démocratique...

M. Khadir: Mais elle n'est pas prévue pour faire ça, pour écrire une constitution.

M. Pépin (Michel): Cela dit, elle pourrait s'en donner les moyens, hein?.

M. Khadir: Oui.

M. Pépin (Michel): Sur combien de temps vous voyez cette démarche-là?

M. Khadir: 18 mois. En 2008, on avait dit que l'assemblée constituante aura 12 à 18 mois pour faire... pour l'élection, la consultation populaire qui l'accompagne. Parce que ce n'est pas juste l'assemblée constituante, il y a une vaste consultation populaire qui l'accompagne avec les budgets. On l'avait même dotée de budget, je pense, 120 millions pour l'exercice sur 18 mois, pour une large consultation populaire. Ce n'est pas juste les élus, il y a un processus de consultation publique.

M. Pépin (Michel): Après 18 mois, là, on en est rendu où, là?

M. Khadir: Un référendum sur la constitution et sur l'avenir politique du Québec. Donc, il n'y a pas de: Oui, on va voir, le plus tôt possible, quand le vent tournera.

M. Duchesne (Pierre): Vous sous-entendez qu'il y a un parti qui fait ça.

M. Khadir: Je ne le sais pas. Qu'est-ce que vous en dites?

M. Duchesne (Pierre): Bien, c'est parce que c'est moi qui pose les questions.

M. Khadir: ...malheureusement, c'est un paradigme qui a été installé au PQ avec M. Bouchard. J'appelle les membres... l'ensemble du mouvement souverainiste à réfléchir qu'est-ce que... c'est quoi, le legs de Lucien Bouchard en d'autres matières. Si ça a été vraiment positif en d'autres matières, bien ils peuvent continuer peut-être à suivre ce legs de l'attentisme qu'a instillé... qu'a distillé... qu'a, en fait, porté à son paroxysme M. Bouchard.

M. Pépin (Michel): M. Khadir, on s'entend, quand même, qu'une assemblée constituante peut vous mener à des endroits tout à fait imprévus, c'est-à-dire avec...

M. Khadir: Comme le référendum, d'ailleurs.

M. Pépin (Michel): Bien, c'est une question... C'est un oui ou c'est un non, un référendum, mais...

M. Khadir: Mais ça aussi...

M. Pépin (Michel): Oui, oui, mais attendez, là, vous pouvez avoir un projet de constitution qui aille dans un sens qui ne soit pas nécessairement le vôtre. On peut avoir une approche... un projet de société plus à droite que peut-être...

M. Khadir: Je ne suis quand même pas masochiste, M. Pépin. Je connais ma société, je connais la société québécoise, je vais vous donner deux exemples. Janvier 2007, toute l'année 2006 marquée par le débat entre les solidaires, Manifeste pour un Québec solidaire, à l'initiative de Françoise, de moi-même et une trentaine de personnalités, pour présenter une alternative devant le manifeste des lucides, qui avait pourtant toute la place. Trois partis à l'Assemblée nationale qui ont applaudi: le PQ a applaudi aussi, l'ADQ, M. Charest également. Tous les médias dominants en leur faveur, plein d'économistes, tout le battage. Un an plus tard, six questions posées sur six enjeux de société exactement alentour de nos interrogations sur l'avenir du Québec, un projet de constitution, les vraies questions d'enjeux de société par CROP pour le compte des lucides, sur cinq des six enjeux, nous avons gagné parfois par deux tiers.
Le seul qu'on a perdu, vous pensez, c'est quoi? Est-ce qu'un système de santé privé pourrait éventuellement, à votre avis, pourrait être utile pour aider à résoudre les problèmes de santé? On a perdu par une faible marge. C'était même gênant pour M. Gauthier, le directeur, de l'époque, de CROP, qui disait que, malgré tous les biais qu'il a essayé d'introduire, il n'a pas pu avoir...

 

Une voix: ...

M. Khadir: Non, il a dit: Parmi tous les biais raisonnables, admissibles que j'ai essayé d'introduire, je n'ai pas pu avoir de... Pourquoi? Puis ce n'est pas étonnant parce que notre société est riche sur le plan de sa fabrique en termes d'associations, en termes de mouvements citoyens. Regardez ce qui s'est passé avec les gaz de schiste au Québec, le petit peuple québécois a réussi, dans sa grandeur, dans sa détermination, par sa révolte dans la vallée du Saint-Laurent, à mettre à genoux une industrie dont le lobby met des présidents à la tête de la plus grande puissance mondiale en la personne de George W. Bush. Un lobby... le lobby de l'industrie pétrolière et gazière, qui a réussi à mettre à la tête du Canada un premier ministre, M. Harper, le peuple québécois l'a mis à genoux en six mois. Notre société est riche en ressorts, et, moi, je fais confiance, j'ai envie de me battre pour que ça arrive.

M. Moalla (Taïeb): ...rappelez-moi, est-ce que vous avez une consigne de vote ou non?

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Bien, en fait, ce n'est pas un vote qui est partisan. C'est-à-dire que ce qu'on invite les citoyens à faire, c'est de voter pour des partis qui sont en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, progressistes, respect de l'environnement.

Une voix: ...

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Les candidats, oui, exactement. Mais on n'invite pas les membres de Québec solidaire, par exemple, à voter pour un parti ou pour l'autre.

 

Une voix: ...

M. Khadir: Mais c'est-u assez clair qu'on ne votera pas pour Harper? Ça, c'est clair.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Non, par contre, ça, c'est extrêmement clair qu'on fait une campagne...

M. Moalla (Taïeb): Combien de candidats qui sont solidaires et qui sont sur les rangs... J'imagine, tous du NPD ou certains sont au Bloc, non?

M. Khadir: Non, il y a des gens... Je sais que, dans les autres élections, en tout cas, on a de nos membres qui ont travaillé pour des candidats bloquistes, d'autres pour des candidats NPD.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Même Parti vert aussi. On n'a pas le pointage actuellement.

M. Chouinard (Tommy): Parmi les candidats dans cette élection fédérale, combien sont membres de Québec solidaire? Est-ce que, ça, vous avez de ce genre de...

M. Khadir: Je n'ai pas cette réponse.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): On n'a pas l'information.

M. Khadir: Aidez-nous si vous les avez, mais je n'ai pas...

M. Chouinard (Tommy): ...on parlait de M. Boulerice tout à l'heure. Je ne sais pas, si à votre connaissance...

M. Khadir: Si ça vous intéresse, on va essayer de faire une petite recherche là-dessus.

M. Moalla (Taïeb): O.K. Mais, quand c'est des membres, si je comprends bien, dans des circonscriptions puis c'est des gens qui sont membres de Québec solidaire, vous appelez clairement à voter pour ces gens-là qui sont, par exemple, NPD?

M. Khadir: Oui. Bien, regardez, ça, c'est une décision qu'on doit prendre qu'on n'a pas encore prise, plus précisément en fonction des candidats. L'appel a été lancé, et j'ai aussi des demandes pour appuyer des candidats et des candidates du Bloc en fonction d'enjeux bien précis, et ça, c'est un débat qu'on va mener dans les quelques jours qui...

M. Moalla (Taïeb): Avant le 2 mai?

M. Khadir: Espérons-le. Mais Alexandre Boulerice ferait un formidable député pour le Québec, Romeo Saganash. J'en trouve chez les bloquistes qui sont de formidables députés. Je pense à ce député bloquiste qui défend bec et ongles le droit du peuple palestinien à avoir son indépendance, à avoir le respect à la fois d'Israël, mais aussi des parlementaires canadiens, qu'ils cessent leur complaisance vis-à-vis de l'apartheid israélien. C'est M. Nadeau dans l'Outaouais. C'est ça? C'est... J'espère ne pas me tromper de nom. Donc, les candidats du Bloc aussi que je vais appeler notre COCO à réfléchir pour voir comment, dans quelques cas, on peut éventuellement se porter plus précisément à leur appui.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): COCO, c'est comité de coordination.

M. Khadir: J'ai dit COCO?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Pardon. C'est un acronyme à l'interne, mais je peux imaginer que c'est un peu spécial.

M. Khadir: C'est un problème de cocologie.

M. Moalla (Taïeb): Mais on pensait que vous parliez de la...

M. Khadir: Du Komintern ou...

M. Moalla (Taïeb): C'est M. Fortin de Matane, je pense, ou...

M. Khadir: Non, non. Le député du Bloc, c'est dans l'Outaouais. Ah! j'ai un... Oui, j'ai un blanc de mémoire, ça...

Journaliste: ...un conservateur, puis là vous envoyez le message à...

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Non. Non, il ne faudrait pas.

 

M. Khadir: Rassurez-vous, personne ne va me croire. Merci.

Mme Guimond-Bélanger (Émilie): Merci.

(Fin à 14 h 18)

 

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