(Neuf heures trente-deux minutes)
La Modératrice
:
Bonjour. Bienvenue à ce point de presse conjoint de Québec solidaire et du Parti
québécois. Ce matin, prendront la parole Mme Christine Labrie, porte-parole en
matière de famille de Québec solidaire, Mme Véronique Hivon, porte-parole en
matière de famille du Parti québécois. Elles seront suivies de Mme Lucie
Longchamps, vice-présidente de la FSSS-CSN. La parole est à vous.
Mme Labrie : Bonjour. Donc,
comme vous le savez, il y a un important mouvement de mobilisation au sein du
milieu des services de garde éducatifs à l'enfance. Les milieux des CPE en font
partie. Il y a d'ailleurs plusieurs grèves qui se déroulent en ce moment un peu
partout au Québec, des manifestations qui sont en cours.
Parmi les revendications importantes des
éducatrices, il y a notamment… des éducatrices et de l'ensemble des membres du
personnel des CPE, il y a la question du rattrapage salarial qui est cruciale
pour le développement et l'avenir du réseau, évidemment. On sent que le message
n'a pas été suffisamment entendu de la part du gouvernement à cet égard-là. Et
c'est très important que le gouvernement comprenne qu'il ne réussira pas à mettre
en place son plan de développement de places sans faire le rattrapage salarial
massif qui est demandé, un rattrapage qui doit concerner toutes les travailleuses
et tous les travailleurs du réseau des CPE, pas seulement les éducatrices. Il y
a aussi des travailleuses administratives, il y a aussi du personnel de
cuisine, il y a aussi des éducatrices spécialisées qui doivent être concernés
par ce rattrapage-là. Ce sont des personnes qui sont aussi importantes que les
éducatrices dans les services qui sont offerts aux enfants.
Puis j'insiste particulièrement sur les
éducatrices spécialisées parce qu'on dirait que le gouvernement n'a pas compris
le message que ces personnes-là, elles offrent des services essentiels pour les
enfants à besoins particuliers. Si on ne les inclut pas dans le rattrapage
salarial, on met à risque les services offerts aux enfants à besoins
particuliers, et ça, ça ajoute un fardeau de travail très important sur les
éducatrices qui sont dans le réseau. Et elles nous le disent depuis longtemps,
qu'elles ont besoin de ce soutien-là, les familles nous le font savoir aussi,
qu'elles en ont besoin. Et, pour moi, il n'y a aucune raison qui justifierait
que les éducatrices, les éducatrices spécialisées et tout le personnel du
réseau des CPE soient moins bien rémunérés que dans le réseau de l'éducation.
C'est là qu'on doit se rendre, on doit viser l'égalité entre ces différents
réseaux là parce qu'au fond, les CPE, c'est le premier maillon du réseau de
l'éducation qu'on a au Québec. Donc, c'est ce qu'on demande au gouvernement de
comprendre aujourd'hui.
Mme
Hivon
:
Bonjour. Alors, aujourd'hui, nous trois, on veut, ensemble, vraiment envoyer un
message clair au gouvernement sur l'urgence de reconnaître enfin toute
l'importance des travailleuses en CPE au Québec, toute l'urgence de réaliser la
complexité de leurs tâches et l'ensemble de leurs compétences. Et on dirait que
le gouvernement a beaucoup de mal à comprendre ça, parce qu'en juin dernier,
déjà, on déposait une motion sur le rattrapage salarial massif qui était
essentiel, et le gouvernement le rejetait, et, encore aujourd'hui, ça prend ce
rattrapage salarial massif et ces conditions de travail qui respectent et qui
prennent acte de la complexité, de l'alourdissement de la tâche des
éducatrices, des travailleuses en CPE.
Or, on est loin du compte. Quand j'entends
une présidente du Conseil du trésor laisser entendre qu'elle offre 20 %,
alors que c'est complètement à l'opposé de la réalité parce que ça
s'appliquerait à une infime, infime partie des éducatrices et ça ne ferait
qu'augmenter leur épuisement, alors qu'il y en a déjà des dizaines qui quittent
par épuisement, par manque de soutien, alors, c'est vraiment une déconnexion
avec la réalité quand on entend, en ce moment, ce qui est proposé.
Et, moi, je me sens complètement solidaire
du mouvement aujourd'hui, de ce qui se passe aujourd'hui encore. Ce n'est pas
de gaieté de coeur, je pense, que les travailleuses font la grève, c'est parce
qu'elles portent une cause fondamentale pour l'avenir des services de garde. Et
cette cause-là, elle est plus grande que celle des seules travailleuses, et je
pense qu'il serait temps que le gouvernement le comprenne. C'est la cause de
l'ensemble du Québec parce que c'est la cause de l'égalité hommes-femmes, de la
conciliation famille-travail et de la présence des femmes sur le marché du
travail et du développement économique du Québec.
Alors, aujourd'hui, on lui demande enfin
d'être sérieux, de reconnaître l'urgence de la situation pour toute la société
québécoise. Et, sur ce, je vais céder la parole à Mme Longchamps.
Mme Longchamps (Lucie) : Donc,
bonjour. J'ai enlevé mon masque, ça sera plus convivial malgré les distances.
Merci, Mme Hivon, merci, Mme Labrie, pour ce point de presse commun.
Donc, moi, je suis de la Fédération de la santé et des services sociaux, c'est
affilié à la CSN, et je représente, entre autres, les travailleuses et les
travailleurs en centre de la petite enfance.
Il y a plusieurs éléments qui nous
divisent présentement dans la négociation des centres de la petite enfance. Une
négociation, c'est bien souvent un rapport de force, un rapport d'équilibre
entre les travailleuses et l'employeur — dans ce cas-ci, entre les
travailleuses et le gouvernement. Mais la négociation des travailleuses en CPE,
elle ne devrait pas s'inscrire, à ce moment-ci, dans ce genre de négociation
là, pas cette fois-ci. Toutes les travailleuses en CPE vous le diront. Allez
sur les lignes de piquetage, les travailleuses en CPE, présentement, vont vous
dire : C'est la négociation de la dernière chance, c'est la dernière fois
qu'on négocie à cette hauteur-là. Puis on verra si on est reconnues, puis on
verra si on est entendues, donc on verra si on restera.
On a pourtant, assurément, avec le
gouvernement en place, des objectifs communs : la pérennité du réseau
puis, souhaitons-le, la qualité. Il ne faut pas oublier de leur permettre aussi
d'avoir le temps d'appliquer cette qualité-là et, assurément, le goût de rester
à la profession. Il nous faut pour ça un règlement satisfaisant pour toutes les
travailleuses et les travailleurs du réseau, pas un règlement obtenu à
l'arraché parce qu'on va attendre qu'elles s'essoufflent en se disant :
Elles vont se tanner, et on réglera après.
Moi, j'invite le gouvernement à ne pas
aller dans cette voie-là. Je me permettrais de lui faire quelques rappels sur
la dernière négociation des responsables de service de garde en milieu
familial, qui sont aussi un maillon essentiel au réseau des services de garde
au Québec. Ils ont fini leur négociation décembre 2020. Ils ont dû, après,
réinjecter au mois de mars, après que l'on ait fait de nombreuses
représentations auprès, entre autres, du ministre de la Famille pour lui
expliquer le désespoir, la détresse et l'exode des responsables de service de
garde... il a dû injecter, au printemps, 200 millions par des incitatifs
financiers. Mais, une fois que la négociation est réglée, l'effet de ces
200 millions là n'a pas l'effet escompté. Elles continuent de quitter
parce qu'elles sont blessées parce qu'elles ne se sont pas senties reconnues au
moment approprié.
Donc, moi, j'invite le gouvernement à
négocier dès maintenant, à déposer dès maintenant, et à ne pas attendre que la
négociation soit terminée et d'arriver, encore une fois, avec des sommes par la
suite pour les déposer dans le réseau. Ça n'aura aucun effet. Il a vu ce que ça
avait fait avec les responsables de service de garde, donc on l'invite à ne pas
faire ça cette fois-ci.
Moi, je pense que tout le monde en serait
gagnant, au Québec, parce que le réseau des services de garde, comme le disent
Mme Hivon et Mme Labrie, ça dépasse les travailleuses et les travailleurs en
centre de la petite enfance. Les parents seraient gagnants, les travailleuses
seraient gagnantes, les enfants, parce qu'il n'y aurait pas de bris de service,
et assurément le ministre de la Famille, parce qu'il veut développer rapidement
37 000 places. La seule façon qu'il a pour y arriver, c'est d'avoir une
négociation, qu'il reconnaisse enfin le travail qui y est fait, qu'il injecte
les sommes, qu'il aille avec le rattrapage salarial qu'elles attendent depuis
fort longtemps, qu'il rééquilibre les coupures des dernières années qu'elles
ont subies sous le dernier gouvernement.
Donc, moi, je vous disais que, si on met
ça en place, bien, ça donnerait de l'espoir au réseau, ça amènerait assurément
de nouvelles femmes et de nouveaux hommes dans ce réseau-là à venir à la
profession, à s'inscrire au collégial, parce que présentement il y a aussi les
cohortes qui se désertent. Donc, tout ça ensemble, je pense que ça pourrait
nous permettre de rendre ce réseau-là pérenne et de faire en sorte qu'on ne
soit pas encore dans cette situation-là en 2021 quand on est enviés partout
dans le monde. Voilà. Merci.
La Modératrice
: On va
prendre les questions. Une question, une sous-question, s'il vous plaît.
Mme Lajoie (Geneviève) : Oui.
Vous pouvez rester là, Mme Longchamps. C'est ça. J'aimerais savoir... Vous avez
dit : C'est la négociation de la dernière chance. Je veux savoir ce que
vous voulez dire par là.
Mme Longchamps (Lucie) : C'est
la négociation de la dernière chance parce qu'au cours des dernières années
elles ont eu une surcharge de travail, vous le savez, on l'a largement
publicisé, on en a largement parlé, autant par le dossier de l'enfant, autant
aussi par, maintenant, l'importance que tout le monde comprend... qu'elles font
au quotidien. Elles ne se voient pas reconnues pour ce qu'elles font, elles
n'ont pas le temps pour faire tout ce qu'on leur demande, elles n'ont pas le
salaire approprié. On le sait, présentement, que le salaire qu'elles gagnent
n'est pas au même échelon qu'une autre technicienne qui travaille en service de
garde scolaire.
Et ce qu'elles nous disent, ces femmes-là,
c'est que si, cette fois-ci, après toutes les coupures que l'on a eues lors des
dernières négociations — on a perdu des congés fériés, on a perdu des
vacances, on a perdu des avantages — si, cette fois-ci, on ne
rééquilibre pas : Moi, je m'en vais. Moi, je m'en vais faire autre chose.
Moi, je… Puis présentement on le sait, hein, de l'offre d'emploi, il y en a partout.
Donc, c'est pour ça qu'elles nomment ça comme la négociation de la dernière
chance.
Et, vous savez, j'ai eu une rencontre
hier, en fin de journée, avec ce qu'on appelle le comité de négociation et le
comité de mobilisation nationale, qui ont fait le tour des lignes de piquetage.
Les femmes sont déterminées. Les femmes sont mobilisées. Et je dis les femmes
parce que… il y a quelques hommes, et je m'excuse auprès de ces messieurs, mais
c'est une profession majoritairement féminine. Si, cette fois-ci on ne règle
pas, moi, je m'en vais.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Donc, vous vous attendez à un exode massif, si jamais la négociation ne donne
pas ce que vous souhaitez.
Mme Longchamps (Lucie) :
Malheureusement, c'est ce qu'elles nous disent. Puis on a fait un sondage, un
petit sondage maison, j'en conviens, mais plus de la moitié d'entre elles nous
préviennent que, d'ici deux ans, si les choses ne changent pas, elles quitteront
la profession.
Mme Lajoie (Geneviève) : Qu'est-ce
qui achoppe, actuellement, à la table de négociations?
Mme Longchamps (Lucie) :
Majoritairement, ce sont les salaires qui ne sont pas encore en équilibre avec
la technicienne qui a le même D.E.C., et qui travaille au niveau scolaire, et
les conditions de travail, la surcharge. On leur propose des lettres d'entente
pour aider, entre autres, aux enfants à besoins particuliers, mais les effets
de cette lettre d'entente là seront quand, en deux ans?
C'est maintenant qu'elles ont besoin.
Elles ne peuvent pas attendre que les travaux d'une lettre d'entente débutent
et que ces travaux-là, par la suite, soient vus, ou entendus, ou qu'on mette en
place des choses, il faut le faire dès maintenant. Elles n'en peuvent plus, c'est
maintenant qu'elles n'en peuvent plus. Ces tout-petits-là, il n'y a pas de
raison de les faire attendre si longtemps. Les enfants dont on parle, si on
attend deux ans, les enfants de deux ans en auront quatre ans...
auront quatre ans, et on se demandera après pourquoi ces enfants-là n'ont
pas atteint le plein potentiel. Bien, c'est parce qu'ils n'auront pas eu les
services auxquels ils ont le droit.
Journaliste
: Là, les
prochaines étapes, là, de vos moyens de pression, là, vous étiez en grève de
trois jours cette semaine, si je ne m'abuse, dans votre cas, qu'est-ce qui
s'en vient? Parce que, là, je comprends que ce n'est pas réglé, là. Qu'est-ce
qui s'en vient?
Mme Longchamps (Lucie) : Demain,
il y a un conseil fédéral d'une négociation sectorielle, donc c'est un conseil
où on reçoit tous les délégués des syndicats, où on aura à discuter de l'état
de la négociation. Puis, vous savez, présentement, ils sont à la table des
négociations sur la rue Fullum à Montréal. Le comité de négociation est entré
ce matin à 9 heures. Donc, demain, on aura l'état de la situation, et les
délégués des syndicats vont prendre les moyens nécessaires pour la faire
débloquer, cette négociation-là. Ils ont un mandat de 10 jours. Donc, là,
on en a fait six, ils en ont quatre encore en poche.
Mme Lajoie (Geneviève) : Et
puis à ceux qui disent que vous prenez en otage les enfants, vous leur répondez
quoi?
Mme Longchamps (Lucie) : Je
leur réponds que c'est quelques jours, puis on est tout à fait sympathisants
avec les parents qui ont à trouver un plan B, un plan A puis peut-être même un
plan C. Par contre, on leur dit que cette négociation-là et cette grève-là...
nous, ce que l'on veut, c'est la pérennité du réseau, on veut que les bris de
service cessent et que, si on ne fait pas la grève quelques jours, bien, ça
sera peut-être pour toujours que ce réseau-là n'existera plus dans l'état
actuel et dans le souhait que l'on a pour ce réseau-là.
Donc, oui, c'est peut-être, pour certains
parents, un certain frais à payer en aménagement d'horaire, en demandant à quelqu'un
de la famille de venir prendre soin de son tout-petit pendant cette journée-là,
mais on pense que tout le monde en sera gagnant, entre autres, les parents du Québec.
M. Bourassa (Simon) : Au-delà
des salaires et les conditions, vous faites comment pour revaloriser ce
métier-là, qui visiblement ne l'est pas, là? Même dans l'opinion publique, c'est
peu ou pas valorisé, le métier d'éducatrice en CPE.
Mme Longchamps (Lucie) : Présentement,
vous avez raison, on est un peu comme dans une roue qui tourne, on est un peu
dans une tempête. Comme le salaire n'est pas au rendez-vous, comme les conditions
de travail se sont détériorées au fil des années, bien, la profession est
devenue pas attractive. Ceux qui s'inscrivent au collégial, rapidement, ils ne
sont pas fous, ils le voient bien, le salaire qu'ils gagnent et la charge de
travail qui leur sera demandée. Et après quelques semaines, quand on peut faire
le changement, bien, ils se disent : Moi, je ferais mieux de m'en aller ailleurs.
Donc, je pense qu'en premier il faut
donner du salaire. Il faut améliorer les conditions. Il faut peut-être aussi, également,
leur promettre une place sur les conseils d'administration. Ces femmes-là se
sont vu évincer des conseils d'administration des centres de la petite enfance
en leur disant à tout moment qu'elles étaient en conflit d'intérêts. Elles ont
une voix à porter et elles ont assurément des solutions pour que les centres de
la petite enfance fonctionnent mieux. Parce qu'on l'a dit, puis Mme Vachon
le disait ce matin, qui est la représentante du secteur, dans une petite vidéo,
un CPE, autrefois, on disait que c'était un petit village pour élever un
enfant. Un centre de la petite enfance, c'est un peu la même chose. Tous les
paramètres à l'intérieur sont importants. Puis, si on veut valoriser cette
profession-là, bien, il faut que tout le monde soit au rendez-vous.
M. Bourassa (Simon) : Pourquoi
les administrateurs de CPE gagnent aussi cher par rapport aux éducateurs et aux
éducatrices?
Mme Longchamps (Lucie) :
Ça, il faudrait le demander au ministre. Moi, je ne... Ça, je ne peux pas... je
ne pourrais pas vous répondre. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est qu'au
cours des dernières années il y a eu énormément de coupures budgétaires. Ils
ont fait des remaniements d'horaire, des remaniements au niveau de la cuisine,
des remaniements au niveau d'où sera faite cette cuisine-là. Il y a eu des
coupures au niveau des services rendus aux enfants, mais je ne suis pas
certaine qu'il y a eu des coupures au niveau de l'administration, des
directions de CPE. Mais ça, je pense que vous devriez le demander à
M. Lacombe.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Bonne journée.
Mme Longchamps (Lucie) :
Merci.
(Fin à 9 h 47)