(Dix heures quarante-cinq minutes)
Mme David (Gouin) : Mesdames
messieurs, bonjour. Le ministre François Blais, ministre de l'Emploi et de la
Solidarité sociale, auteur d'un livre, il y a quelques années, sur le revenu
minimum garanti, vient de nous annoncer quoi? De nouvelles compressions à
l'aide sociale. En fait, ce ministre fait comme tous les ministres, ou à peu
près, qui l'ont précédé, tous gouvernements confondus, il coupe à la sécurité
du revenu, prétendant ainsi sortir les gens de la pauvreté. C'est quand même
assez extraordinaire.
Donc, je dois vous dire que moi, qui
travaille dans ce dossier de la lutte à la pauvreté depuis 25 ou 30 ans, j'ai vraiment
l'impression de jouer dans un vieux film : un autre ministre qui s'en
prend aux plus pauvres du Québec, qui entretient encore des préjugés vis-à-vis
les plus pauvres du Québec,et tout ça prenant un ton vertueux et nous disant
qu'il veut permettre aux gens de retourner sur le marché du travail.
Intellectuellement, ça ne se tient pas du tout, et ce qui est extrêmement
dommage, c'est que ce ministre braque les projecteurs sur des pratiques qui, peut-être,
peuvent arriver parfois par une infime minorité de gens à l'aide sociale, par
exemple des gens qui quitteraient le Québec longtemps, etc., infime, infime,
infime minorité, mais, pendant ce temps-là, il fait quoi pour les gens à l'aide
sociale, qui vraiment vivent dans la pauvreté, paient des loyers qui sont très
chers, ont de la difficulté à se nourrir, recourent aux banques alimentaires et
ne savent plus comment arriver à la fin du mois? Qu'est-ce qu'il fait, ce ministre-là,
là, pour 99,9 % des gens à l'aide sociale? Bien, il ne fait rien du tout,
en fait. La réalité, là, c'est ça.
Et quand il dit : Il faut aider les
gens à retourner sur le marché du travail, 700 000 emplois sont
disponibles — et là c'est extraordinaire — de
2013 — 2013, c'est il y a deux ans, je vous le rappelle — à
2017, bien, moi, je les cherche, les emplois. Ils sont où, tous ces merveilleux
emplois disponibles que des personnes à l'aide sociale pourraient occuper? Et y
a-t-il adéquation entre les exigences du marché du travail d'aujourd'hui,
marché du travail très exigeant, demandant des travailleurs, des travailleuses
hautement qualifiés, y a-t-il adéquation, donc, entre les besoins du marché du
travail et ce qu'on sait des personnes à l'aide sociale, y compris des personnes
aptes au travail ou dites aptes au travail, qui sont souvent des personnes avec
de grandes difficultés de détresse psychologique, des problèmes de santé
physique, des problèmes d'analphabétisme, des personnes souvent éloignées du
marché du travail depuis longtemps et pour qui c'est difficile d'y retourner
sans un bon coup de main des centres locaux d'emploi, des organismes
communautaires nombreux qui aident les personnes et qui n'ont pas tellement
d'argent?
Tous ces jeunes, là, qui sont au chômage, à
l'aide sociale ou sans chèque, qui ont besoin des carrefours jeunesse-emploi,
le même ministre dit aux carrefours jeunesse-emploi : On va maintenant
changer votre mission, et puis, attention, les budgets, ce n'est pas sûr. Elle
est où, la logique du ministre, là? Si on veut vraiment, premièrement, qu'il y
ait de l'emploi au Québec, bien, il va falloir que le gouvernement du Québec
s'organise pour qu'il y ait des emplois créés dans les services publics, dans l'économie
sociale, dans la PME, et ce, dans toutes les régions.
Il va peut-être falloir aussi arrêter de
couper des emplois, hein? On coupe les CRE, on coupe les CLD, on coupe l'argent
dans les CDEC, on met des gens au chômage. Mais, en même temps, il nous dit :
Non, non, il y a plein d'emplois, il y a 700 000 emplois, les gens à
l'aide sociale, ils vont pouvoir occuper tous ces emplois-là. Bien, dans le
fond, il n'y aura presque plus de gens à l'aide sociale, mais c'est faux, et je
suis tellement tannée d'entendre des faussetés. Créons des emplois,
occupons-nous-en sérieusement et occupons-nous sérieusement de lutter contre la
pauvreté et les inégalités.
Et ça, ça prend bien plus qu'une
mini-indexation au mois de janvier. Ça prend un rehaussement substantiel des
prestations à la sécurité du revenu. Québec solidaire propose un revenu minimum
garanti. Avant d'y arriver, on pourrait, à tout le moins, augmenter de façon
importante les prestations. Celles-ci devraient couvrir au moins ce que beaucoup
d'organismes appellent le panier des besoins essentiels, hein : pouvoir se
loger, se nourrir convenablement sans recourir à des banques alimentaires,
pouvoir avoir une carte de transport collectif, pouvoir se chauffer,
s'éclairer, s'habiller. Vous savez, les choses normales de la vie, là, bien,
moi, je voudrais que toutes les personnes, les familles, tous les enfants du
Québec, ils aient ce droit-là d'une vie décente, y compris quand ce sont des
gens qui sont à l'aide sociale.
Alors, moi, j'invite vraiment le ministre
à renoncer à ces compressions. C'est un règlement où des groupes pourront
apporter des commentaires, et je sais déjà que des groupes vont lui dire à quel
point ça n'a pas de sens. J'invite le ministre à reculer sur des mesures
vraiment vexatoires. Je prends un exemple, celui de ne plus accorder d'aide
sociale si la valeur d'une maison, pour une personne à l'aide sociale dite apte
au travail, est autour de 140 000 $ par année.
Écoutez, on va être concrets, là, un
travailleur de la Mauricie a perdu son emploi, parce qu'il travaillait dans les
pâtes et papiers, l'usine a fermé. Bien sûr, il va essayer de se replacer. Il
va être à l'assurance-emploi, il va peut-être y avoir des mesures de recyclage,
de qualification, mais ce n'est pas facile se retrouver un emploi dans une
région en perte d'emplois. Ce travailleur-là, qui a une famille sûrement, vit
dans une maison, et ça se peut que, compte tenu de la hausse de la valeur
foncière des maisons dans les dernières années, sa maison vaille
200 000 $. Alors, quoi, il n'aura plus droit à l'aide sociale? Ou alors
on va lui dire : Vends ta maison? Mais attends, vendre sa maison en
Mauricie pour aller habiter où? Dans quel logement? Ça existe où, en dehors de
Trois-Rivières, ça, des loyers? Shawinigan, peut-être. Où?
Alors, est-ce qu'on est en train de dire à
toutes les personnes du Québec qui ont une maison qui peut être relativement
modeste, mais qui vaut maintenant dans les 200 000 $ : Bien,
arrangez-vous pour ne pas perdre votre emploi puis pour ne pas tomber à l'aide
sociale parce que, là, vous allez être vraiment dans la misère? C'est
inconcevable. C'est inconcevable, ce genre de mesure. C'est mesquin. Il faut le
dire, là, clairement, c'est mesquin.
Je voudrais dire aussi que ce ministre
encourage les préjugés vis-à-vis les gens à l'aide sociale. À croire qu'ils
sont nombreux à se précipiter dans le Sud l'hiver. Mais avec quel argent,
grands dieux? Ils ne seraient même pas capables de se payer un billet d'autobus
pour la Floride. Alors, on parle de quoi ici, là? Des gens qui auraient oublié,
un mois, de déclarer qu'ils ont pu travailler et… Donc, ils ont droit à
200 $ de gains permis, ils le déclarent le mois suivant, bien, «too bad»,
ils vont se faire couper. Écoutez, là, ce n'est pas sérieux. Ce n'est vraiment
pas sérieux, tout ça pour économiser quelques millions encore sur le dos des
plus pauvres.
Un gouvernement qui nous avait dit :
Oui, on va atteindre l'équilibre budgétaire, mais sans s'en prendre aux
personnes les plus vulnérables. Ce gouvernement ment. Ce n'est pas la première
fois que je le dis, il ment clairement. Il veut atteindre l'équilibre
budgétaire le plus rapidement possible, ils nous l'ont assez dit. À Québec
solidaire, on trouve que c'est de la folie, surtout à ce prix-là. L'équilibre
budgétaire, un jour, serait sans doute une bonne nouvelle. On peut le faire en
mettant bien davantage à contribution les pharmaceutiques, les minières, les
banques, les très grandes entreprises, les contribuables à revenus très élevés.
Mais non, le gouvernement, lui, il s'en prend à qui? Il s'en prend aux plus
pauvres, aux plus vulnérables, il s'en prend aux familles, il s'en prend aux
travailleuses, aux travailleurs du secteur public.
Alors, écoutez, moi, tout ce que je
souhaite… Nous, à Québec solidaire, nous allons continuer, évidemment, de faire
notre travail comme d'habitude. Nous allons dénoncer haut et fort ces mesures
vraiment mesquines et vraiment appauvrissantes pour les plus pauvres d'entre
nous.
Mais ce que je sais aussi, c'est que cet
hiver, ce printemps, l'automne prochain… Moi, je pense et je l'entends de plus
en plus dans ma circonscription et dans d'autres, il se pourrait bien que le
bruit des casseroles résonne de nouveau. Est-ce que je le souhaite? Oui. Ce n'est
pas moi qui vais l'organiser. Ils n'ont pas besoin de moi, les gens, pour s'organiser.
Mais j'y serai, j'y serai avec Québec solidaire, parce que c'est le peuple du
Québec qui, à un moment donné, tout entier, va vraiment en avoir assez et va
dire au gouvernement du Québec : Vous ne pouvez pas continuer comme ça,
nous ne l'acceptons plus. C'est, en tout cas, mon souhait le plus cher, au nom
des personnes les pauvres, des familles, des travailleuses et des travailleurs
du secteur public. Merci.
(Fin à 10 h 54)