(Treize heures trente minutes)
M. Khadir
: Alors,
merci de votre présence. Nous avons pris connaissance, comme vous, depuis quelques
heures, du rapport du Vérificateur général du Québec. Bien, ce que j'y
apprends, c'est d'abord que le gouvernement libéral continue de jouer au casino
avec les fonds publics en ce qui a trait aux GMF, aux groupes de médecine
familiale. Ça fait des années que des rapports de journalistes, que des
enquêtes, que les critiques, les questions que nous posons à l'Assemblée
nationale, des rapports que nous avons faits là-dessus à l'Assemblée nationale
mettent le doigt sur le problème, que ça ne fonctionne pas, que ça ne répond
pas aux besoins des patients, que les médecins, dans ces groupes de médecine
familiale, parfois sont payés pour des patients inscrits sur leur liste, mais
qu'ils ne suivent pas, ou même, au-delà de ce qui est inscrit sur leur liste,
que l'accessibilité n'est pas au rendez-vous, les heures prévues ne sont pas au
rendez-vous. Mais le gouvernement, encore hier, annonçait qu'il continuait dans
la ligne des GMF.
Je vous rappelle, les GMF, là, c'est un
peu comme un partenariat public-privé. C'était une décision libérale motivée
par l'idéologie — d'accord? — en pensant que c'est toujours
le privé.
Pourquoi je dis ça? Parce que considérez qu'il
y a à peu près 250 GMF, mais il y a 284 points de service de CLSC qui
auraient eu besoin de ces fonds-là pour étendre les heures d'activité, là on
aurait eu une assurance, on aurait eu une assurance totale que, si on donne un
fonds et qu'il faut que les heures d'ouverture s'étendent jusqu'à 8 heures,
9 heures le soir, là on aurait eu une assurance. C'est des services
publics gérés par le public, ce n'était pas sous la discrétion de la direction
privée de ces cliniques.
Malheureusement, le gouvernement, encore
hier, l'annonce de M. Barrette, nous fait craindre que le gouvernement
libéral va encore jeter son argent sur une table de casino. Parce que c'est ça,
il n'y a aucune garantie, on va continuer. Ce n'est pas parce qu'il n'y avait
pas des règles prévues, là. Donc, on ne peut pas se fier sur un système qui a
si mal marché, si mal fonctionné. En fait, quand on regarde le rapport du
Vérificateur général sur les GMF, c'est absolument accablant. Je ne sais pas
comment un administrateur du système, du ministère peut aujourd'hui se regarder
dans le miroir, pour l'administrateur qui s'occupait des GMF… autant de fonds
publics si mal utilisés.
L'autre élément qui attire notre attention,
c'est le petit scandale à Hydro-Québec, qui en cache un plus grand. Je vous
parle de l'histoire de cette turbine vendue à 75 000 $, pour mille
fois moins que ce que ça avait coûté à Hydro-Québec, soit 79 millions de
dollars. Déjà, à sa face même, juste apprendre qu'on a soldé comme ça quelque
chose d'une si grande valeur sans appel d'offres... on ne sait pas dans quelles
circonstances. On aimerait bien savoir, on n'a pas eu le temps de vérifier, et
à... Comment est-ce qu'on a pu autoriser une telle chose sans aucun appel
d'offres?
Mais ça, c'est un petit scandale à côté du
grand scandale de Gentilly-2 puis de la décision du gouvernement libéral
d'alors, en 2008, avec la complicité du Parti québécois, qui n'a rien dit…
parce que je me rappelle très bien, nous, on était le seul parti, en 2008, à
dire : Non, n'allons pas engloutir encore des centaines de millions
de dollars dans une centrale nucléaire dans un pays comme le nôtre où on a des
surplus hydroélectriques, où on a déjà plusieurs grands projets de production
hydroélectrique, on n'a pas besoin de ça. Mais ils ont procédé à donner des
contrats à des firmes qui, aujourd'hui, sont devant la commission Charbonneau.
Parce que c'est ça, le gros scandale. Rappelons-nous que la décision de
procéder, malgré le fait que le Québec n'avait pas besoin de Gentilly-2, en
fait, de la réfection de Gentilly-2, qu'on aurait dû commencer il y a cinq ans,
ce que... sous pression populaire puis à cause de l'irrationalité de ça,
finalement, le PQ a dû céder en 2013, c'est-à-dire son démantèlement, qui va
coûter très cher aussi. Bien, on aurait pu prendre de l'avance et éviter des
centaines de millions de dollars de dépenses inutiles, qui est un autre grand
scandale parmi les scandales nombreux qui touchent les firmes qui ont obtenu
ces contrats-là à l'époque.
Là, je vous passerai sur les motivations
ultimes du gouvernement libéral, si on pense à tout le secteur de l'énergie au
cours des années 2000 et comment le gouvernement libéral s'est lancé
là-dedans sous la pression des secteurs, certains intérêts qui sont très
proches du Parti libéral.
M. Bellerose (Patrick) : C'était
quoi, les motivations ultimes du Parti libéral?
M. Khadir
: Mais on...
Bien, regardez, un article d'un de vos collègues dans LaPresse
montre bien comment, au tournant des années 95, Power Corporation voulait
se lancer, voulait se lancer. Parce que Power Corporation, vous savez, la
famille Desmarais, avec une famille de très riches industriels belges, sont
parmi les principaux actionnaires de Total. En fait, Total, la grande
entreprise française d'énergie, pétrole et nucléaire, est contrôlée par des
fonds institutionnels, mais les fonds privés, là, les principaux actionnaires
privés, c'est les Desmarais avec cette famille belge, je pense la famille
des... Frère. Et c'était une décision qui venait de là, et Total voulait se
lancer et déployer autant que possible tout le secteur nucléaire. Et tous les
grands projets, quand on les examine de près, font du sens du projet libéral,
ne font pas de sens pour Hydro-Québec, ne font pas de sens pour les sommes
englouties, sauf si on le regarde, un, sous l'angle des contrats octroyés à des
firmes qui sont maintenant devant la commission Charbonneau et du plan
stratégique de Power Corporation de se lancer dans la réfection, la réfection
et le déclassement des centrales nucléaires.
M. Poinlane (Pascal)
:
C'est intéressant, votre réflexion globale. Et, si on revient, cela dit, à la
vente de la turbine elle-même, on constate… ou la Vérificatrice générale
constate qu'Hydro-Québec, dans le fond, a essayé de vendre, sans véritablement
lancer d'appel d'offres, pendant à peu près seulement trois mois.
M. Khadir
: Ce qui est
absolument étonnant, hein? Pour un objet de beaucoup, beaucoup moins grande
valeur, n'importe qui tenterait de mettre ça en vente, chercher des vendeurs
pour un objet qui a une si grande valeur, de même déployer une équipe à
l'échelle internationale, d'aller regarder partout dans le monde où il y a des
besoins pour trouver un preneur.
Moi, je suis impliqué dans une petite entreprise
industrielle puis on fait souvent face à ce genre de chose là. On a un
équipement dont on n'a plus besoin, bien, on ne le solde pas comme ça à un
millième du prix, à moins que ce soit de l'incompétence ou de l'insouciance
pour les fonds publics, et ça, ça pose des graves questions par rapport à
l'exercice de l'administrateur principal d'Hydro-Québec, M. Thierry Vandal, qui
est parti avec des grosses primes et un salaire à vie, pratiquement, à très
gros chiffre sur le dos des contribuables québécois pour ce genre
d'incompétence.
M. Poinlane (Pascal)
: Cependant,
la Vérificatrice générale estime aussi que, comme c'est quand même fait sur
mesure, c'est vrai que ce n'était pas si facile de trouver un preneur sur le
marché international.
M. Khadir
: Bien, peut-être
pour la turbine elle-même, mais, quand même, le métal en lui-même devait coûter
certainement plus que 75 000 $. Je suis dans le domaine moi-même puis
je peux vous le dire, c'est vraiment... C'est incompréhensible, c'est
incompréhensible.
M. Bellerose (Patrick) :
Qu'est-ce que ça dit sur la gestion, la transparence chez Hydro-Québec?
M. Khadir
: C'est des
graves questions que nous posons depuis des années. Ça fait plusieurs années
que nous demandons, avec la CAQ, d'ailleurs, qu'Hydro-Québec regarde du côté...
que le Vérificateur général soit autorisé, mandaté pour vérifier l'optimisation
des ressources au sein d'Hydro-Québec, et, vous voyez, le rapport actuel
démontre la justesse de notre demande. On a agi bien trop tard. Peut-être que,
si on avait commencé il y a cinq ou six ans, quand qu'on avait commencé à le
soumettre, bien, on n'en serait pas là.
Et je signale, pour le bénéfice de la
Vérificatrice générale, qu'il y a d'importants contrats qui ont été octroyés à
l'occasion des grands projets d'infrastructure que sont la Rupert et la Romaine.
J'ai déjà signalé à vos collègues que neuf des plus importants contrats de
structure, qui sont les plus gros contrats de béton et d'infrastructure pour la
Romaine, ont été donnés à des entreprises qui ont contribué, deux familles
d'entreprises, les uns d'Accurso, les autres de Fava, qui ont contribué à la
caisse libérale. Et on n'a pas encore fait d'enquête là-dessus, et la
commission Charbonneau n'a pas eu le moyen ni le temps de se pencher là-dessus,
et j'aimerais ça que nos institutions, notamment la Vérificatrice générale,
puissent se pencher sur ce dossier très grave.
Mme Plante (Caroline)
:Mr. Khadir, Hydro-Québec was
pressed for time, it seems. How realistic would it have been to wait it out and
really do the work to try to find the most interesting bidder? They were very
pressed for time.
M. Khadir
: I don't understand why, for
an object of such an important value, almost $80 million, it's a question of
a few months, with an enterprise with the capacities of Hydro-Québec, they could not find two, three
people in the sales representatives to carry on an energetic tentative to sell
it at a better price. It's just, you know, just… it's such a blatant disregard
for public funds that it's unbearable. But unfortunately it's a testimony of
how severe the Government is
with public officials, civil servants, cutting and scrapping jobs for a few
hundred thousand dollars or a few million dollars but, when it comes to these responsibilities of tens of millions of dollars, they behave with no
consideration.
Mme Plante (Caroline)
:
Do you think that Hydro-Québec should be heard in a parliamentary commission?
M. Khadir
: I think it is much more than that. I think it was a
questioning about the way Hydro-Québec has behaved over the 10 last years,
spending public money in big infrastructure projects which seems to be
politically oriented and motivated to adapt to the wish of the Liberal
Government to give contracts to its friends. I mentioned, just a few seconds
ago in French, that nine of the most important contracts of one of the biggest
dams, projects of dams that we are constructing in Québec were given to the
family, the Neilson enterprises, which is owned by Mr. Fava and his family,
who are fund collectors for the Liberal Party, and the other part was given to
Mr. Tony Accurso, and that is a big problem. We need, and we have asked,
for several years, the Vérificateur général to inquire into those matters.
Mme Plante (Caroline)
:
Do you suspect that there is corruption at Hydro-Québec?
M. Khadir
: I don't know if we can call a corruption but, when
Hydro-Québec decides to spend public funds to respond to the interests of the
party in power without consideration that these are public funds and they do
not «appartiennent»… they do not belong to the Liberal Party, to give contracts
to close friends and enterprises, it's a form of
corruption of the decision making. The process of decision making in Hydro-Québec should correspond to the
benefits of the society, to the benefit of the State, to the benefit of public,
not to the benefit of the Liberal party.
Mme Plante (Caroline)
:About the family medicine groups, do you consider that
the Auditor General has put severe blame on these groups?
M. Khadir
: I think the Auditor General has given a report which is an
incredible blame on the whole project of the «groupes
de médecine familiale». It shows that they do not deliver
on access, they do not deliver on optimization of resources, a lot of money is spent without control, doctors are paid without
even following those patients that are supposed to follow, some patients that
are supposed to be seen within a few months have had to wait several years to
be seen by these groups, and we're asking why. You know, there is an ideological choice by the Liberal Government to favour this private-public
partnership instead of taking these funds and optimize their use by funding appropriately
CLSCs, which we have already paid, which exist all over Québec and which are in need of money to
allow more prolonged hours for receiving patients.
Mme Plante (Caroline)
: …that Bill 20… I'm sorry, it's my last one. Do you think that
Bill 20 and the new deal with doctors will fix everything, like Dr. Barrette
says?
M. Khadir
: Of course not because there is nothing for the CLSCs in that. You know, if we want to improve access, we
should get rid of these GMF projects. Those that are there, that's OK, but we should stop that because it's an under
optimized use of public funds. We should concentrate on axing the whole first
line on CLSCs because there, it's already implemented, an approach that is
multidisciplinary as it is supposed to be. You know, everybody came here to say that it should be multidisciplinary,
not to be axed on the doctors, but on a team. Actually, the Vérificateur général says a lot of acts that are done there could have been done in the
GMFs but by other professionals
than doctors. It would cost less, it's a better use of public funds, but it's
not carried like that. Why? Because there is the problem
of the wage system for the doctors, payment… «paiement à l'acte»…
Une voix
:
Pay-per-act.
M. Khadir
:
…pay-per-act system, which encourages this type of bad utilization of public
funds.
M. Harrold (Max) :
So, on the CSST, the findings of the AG are kind of troubling in terms of what
this means for the person who's had the accident at work, a lot longer to wait.
What do you think is the cause of that? Could it be bureaucracy? How would you
see the…
M. Khadir
: In general, that's another
distortion for those who are «les accidentés du travail», accidents of work. We
have also denounced that since several years. The fact that the CSST has lost
its favorable… «un préjugé favorable», favorable inclination to take into
account the plight and the needs of the workers makes… have brought us into
seeing that the CSST is contesting quite systematically opinions of doctors which
are favorable to patients, OK, «accidentés du travail» who have been injured in
the workplace. So the doctors, who don't have time, who are under pressure for
many reasons, don't want to be entangled in judiciary processes where the CSST
asked them to go for one or two days in the court to contest their judgment.
That's a big, big problem. We are asking for a reform of that, and one of its
consequences is that… it's that those who are… already have had the bad luck of
being injured at the workplace have a more difficult capacity than normal
citizens to have access to a doctor because a lot of doctors are fearing that
it's just a burden, you know. If you feel that there's always a risk, a 50%,
60% of chance that, if you take the side of your patient, you will go in court,
that's a big problem.
M. Harrold (Max) : So, how do you know that's a probusiness approach? Or is it just
that doctors, individually, don't want to end up waiting… wasting time fighting
in the court system?
M. Khadir
: As I mentioned, I don't think
that is because of the probusiness approach, that it's because the CSST is
systematically putting into question the judgment of doctors who give a favorable advice on people
injured in the workplace. So, «de deux choses l'une» : a lot of doctors
just take the side of the CSST to be secure, in many cases — I've seen it — because many patients now are
in big trouble because of confronting these experts of the… who give advice
favorable to CSST to not pay for injuries, and those who have a little bit of
«gêne», are shy to do that, well, don't want to be in… to get into trouble and
they have already so many patients to see and, you know, they won't want to
lose one, two days and go to the court. I think it's because we have a problem
at the CSST. We have a problem with the system of expertise, not only for CSST,
but for other matters. We need to have an independent panel of experts which
are not paid by CSST, which are not paid by patients, which are just
independent and give opinions on medical matters that oppose the patients, the
public, with the institutions
of State. Thank you for your
attention.
(Fin à 13 h 48)